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l N T R 0 DUC T ION -

Les rense igne�ent s que j ' ai recueilli s de diverses sources

�\lr l es j aawamôe , et notamIl�en t ceux du Mali , son t du s à. des sources orales�

Je livre lec réc i t s tel s qu'ils m ' ont é t é con t é s afi n de

donner une id�e de l a manière fleurie et parfois poé t ioue avec laquell e
s ' expriment les conteurs . Cel'x-ci, souvent acc ompagnés d ' une ou plu­

sieurs puitares, enj olivent l eur réci t en brodant au t ol'r d ' un thème his­
t oriqu e ré el et immuable dans sa trame. Mais il leur arrive de met t re dans

la bOl' cre d es personnapes d es paroles t radu i sant l eur �ropre imagination ,

t el le cas, par eXFmp1e, d e la séance t enue par le Sul ta.n du Maroc pour

décider la c('\nquêt e de l ' Empi re Sonib·ai, qui f i@'Ure à la notice XIII,

pag� 49 et suivant e�.


Par aill eurs, il faut préc i ser que les sati re s et j ugements

défavorables à l ' encontre des j aawaF:o e émanent, en maj �1re parti e , des

populat ions qui suhirent leur hégémoni e pendan t de longs siècles.


Aucun e Réné ral i sa+i on n ' est cependant jamai s ent ièrement

valable, et les réci �s fi guren-'. dans leE' " n ot ic es généalo{!iqu e s , s ' ils
i llust rent J ' adresses le courage pt l ' int ell i gence exce pti onnelle des

j aawamo e, offrent aussi maints e xemrl es où s ' affirment de rau t es valeurs

spi ri tuelles ou œorales.

Que Modibo Kannu Njim, de Baakoro� Bokari Bela Koyta , d e


Djenné, Amkomu Koyta, d e Soy-S e be ra, �kou B�la Koyta. d e D.;enné,
Mahmuudu Lanndure , d e �mako, ��s�ane Nj im, d e Kayes, etc • • , t ous notables
j aawamôe et tradi t i onal ist es éminents � trouvent ici l ' exp r ession d e Ira
sincère reconnai ssance pou r le t emps qu ' ils ont bi en voulu me cor.. sacrer

et les lumières qu ' il s m ' ont ap'Oorté e s .

Amadou Harnpâté ·Bâ.


L ES J A·A W A 11 B E

Le problème de l'origine des flllôe (peuls ) est demeuré non r�solu,

en dépit des grands 'Progrès r{.alisés par d'éminents c:bercheurs de divers

pays du monde.

Si les fulôe, par leur origine, continuent de poser une énigme

humaine, l'origine des jaawamôe, qui vivent avec eux� n'est pas plus facile à

déterminer.

Ces deux groupes, liés nar une très longue cohabitatiori, posent aux

historiens, sociolog'l}es et etbno10gues un problème humain complexe mais

passionnant.

Grâce à une bourse du Centre r�gional de documentation pour la·

Tradition orale de Niamey, .i' ai p-q Irener une enql'�te enlbr"onnatre sur 'les

, jaawamoe ( sing. jaawanndo�.

C ette étude, bien que sommaire, a surtoL't popr objet d'attirer

l'attention des chercheurs sur le .prorl'me Jaawamoe, qui ne saurait être dis­

socié de celui des fulôe, sous . peine de c�er une· grave lacune. Je souhaite

que d'autres fulanisants, et' nol,ognes et sociolof"Ues. se consacrent à cette

question.

L' amplitude du suiet �'a obliFé è restreindre mes recherches afin de

mieux embrasser la Qllestiol1 au départ. Les jarr;amoe. sont en effet partout où

sont les pe,-ls. Historiquement, ils sf"'·r;t inséparahles dans le temps et dans

l'espace. Il existe encore des endroits - al) Nigéria, à Boundia notamment -

oÙ,.,si l'on pose à un3lo:.,anndo la question "Es-t u pullo?"� il répond: "Je

suis si pullo, que j'en suis le jaawanndo".

Maurice D.t?lafosse écrit, dans "Haut Sénfigal et Niger": "Personne ne

conteste qu'l'ne bonne partie tout au moins du pe"ple peul act, el n'appartient

pas' origiriairerrent à la race noire". L'exjstence des jaawamôe, à elle seule,

spffirait à justifier la dfclaràtion de Delafosse.


2.

De toutes les et�nies qui, � la suite de circonstances politiques,

socio-économiques ou religieuses, soht venues grossir le peuple peul (Pulaaku

ou Balpular), les ,jaawamoe sont les �ll1S anciens. Ils sont les plus attachés

aux fuloe, ne serait-ce que par le fait qu'ils se déclarent, eux aussi, origi­

naires de la pénins'"le arabique, ce qui fait, d'el'X les compatriotes des peuls.

Les fulbe, ou peuple '�etù. sont peu à peu devenus, par la'force des

événements, un peuple afro-asia.tique, les Halpular, ou fulaphones (de la racine

verbale "halde" (parler) et' "pular" (peul). '\. Le no'�au central de ce peuple

est constitué par les pe'1s authentioues. Ceux-ci se donnèrent des noms dis­

tinctifs : Pullo-boâeejo (peul r01Jge), Pullo-buruure (peul de brousse), Pullo­

duroowo (peul 'pasteur), 'Moodibaaoe (lettrés) etc'.... selon les pays où ils vivent.

LeS Halpular ne constitl1ent donc pas une race de gens de même sang; il

s'agit plutôt d'une union d'ethnies utilisant une m�D1e langIJe, 'c}1aèune de ces

ethnies ayant ses rr:oeurs et ses cout' mes e

Quels so!'t les constituants du neuple Halpular ou f�lap:bone ? C� sont:


1° les fuloe (s;np'. pullo)

2° les rimoe (sing. dimo)

3° les jaawamoe (singe jaawanndo)

4° les nyeeyoe (sipg. nyeenyo )

5° les riima:Toe (sinl'". dimaaj 0 )

6° les maccuôe (sing. maccuâo).

Les rimôe ( 2°) sont des nobles, tandis que les riimayoe ( 5°) sont des

serfs, ct est-à-dire des, captifs affranchis dep1'is plu8�enrs généra tiens" mais

restés volontai��ment attachés à Ceux-ci peuvent possé­


leurs anciens seigneurs.
,
der 9-es bielfs et un. fonds de terre à eux, contrairement aux maccu�e (6°)'! Ces

derniers sont également des captifs, travaill8nt pour, le compte de leurs mattres

sans, rien posséder pour eux-m�mes.

Les nyeeyôe (4°) ou griots, sont des artisans et des' artistes., Ils

travaillent pOl'r eux-m�mes, et peuvent.vivre aux dépens d'une famille de·nobles.

Quelle que soit!' importance de leur fo rtu ne , elle nt excitera �i .i alousie ni


convoitise de la part des nobles rimoe, quelque pauvres que puissent �tre ces

derniers.
3.

I l est possible d e condenser la liste ci-dessus, comme aussi d e la


développer davantage, car d'une part les tulôe entrent dans la catégorie des

rimôe (nobles), et d'autre part la dénomin3tion nyeeybe q�signe collectivement



plus�eur8 catégories d'artisans différant par leurs trad itions, leur travail

et leurs croyances.

Je me hâterai de dire que si les fulôe entrent dans la catégorie des

rimôe les jaawamôe, objet de notre enquête, ne peuvent traditionnellement être

rangés dans aucune catégorie Halpular autre que la leur.

Leur race est l'éq1.livoque même. Ils sont rimôe (nobles ) par rapport
'
à l'ensemble des riimayôe (serfs), maccuôe (captifs) et nyeeyôe (artisans).

C eux-ci ont d'ailleurs le droi.t d'exiper des jaawa�be des pourboires� qui ne
,sont pas des gratifications en pIns d'un salaire, mais constituent une sorte

de taxe que. les rimôe doivent pa�Ter aux et' nies de caste inférieure à la leur.

Ces pot'rboires, modestes ou somptueux, régissent lahiérarclde�ociale

à l'intérieur de la sociétG halpular, co�mc de la société africaine en gén{ral.

Les supérieurs donnent des cadèaux aux inférieurs, sans considérat.ion de l'état

de fortune des donneurs par rapport à celui des bénéficiaires. Je citerai un

exemple qlli perr'ettra dé rnicu,x comprendre cette coutume.

Il Y avait·, à' Bandiaf'ara (1�li ), un Interprète principal de l'8,dminis­

tration coloniale, nommé Se,.. dou Haropna. En ta.nt qu'Interprète9 il gapnait large­

ment sa vie et était mtme devenu trFs ri che. Il entretena;.t, pail' générosité, plus

de trente fa.milles pauvres de Bandtagara. Mais, à l' occaston ,des, gr:andes ,fêtes

de l'année, il s'armait de sa flûte de maccuâo et allait de porte. en porte, chez

tous les ritrôe de la ville, pOl'r .jouer de sa fl-ate et exiger .1e pourJ>oire ,du

"yiitu-mawuuri" (nouvel an et jO;'Teuse f�te). Il recevait un franc par ci, , deux

francs par là, ou un boub0t;, etc • • • et ne faisait pas exceptloI:> 'dans 'satournée�

pou.r les familles rimfle quef par ailleurs, il aidait charitablement � vivre.

Quelle est l'origine lointaine de cette tradition qui fait qu'une per­

sonne opulente va qu€mander avec insistance quelques S011S à un "crève-la-faim",

et que ce dernier se saignera à monrir pour donner une portion eu peu qu'il pos­
sède ? Cette question mériterait de faire l'objet d'llne enquête approfondie.
o
o 0
4.

Que signifie le nom d.e i aawaI.' ôe, et dl où. viennent ceux qui le portent?
!

Etymologiquement, ce n om vient dU sl�bstaT't;.f verbal "yaawde" � Q ui

sign�fie "prompt à • • • ", "rapide à • • . ". Jaawarnôe signifie donc "qui sont p r ompt s

à • • • ". Les fr l ôe t rouvèrent, er effet, qlle leu rs p artenaires éta ient plus ra­

pides qu' €Ux à sa i si r tout ce qu'on leur disait, m�me à mots covverts. Ils

savaient en outre s'adapter rapidem e n t al'X circonstances, parfois sans tran-

' s i ti n . o
Les jaawamôe s"nt en effet d· ' une intel l i genc e remarquabl e . Ils sont

doués � 1 un e sprit p rompt 8. tOl' t saisir. Méth('ldi ques et pénétrants, i l s embras­

sent t r� s ra p idement l es faits .jl'sql1e da.ns leurs plus peti t.s détails. Ce t t e ap­

titude in t el l ect1'E ü l e en a fai t des "mattre-l angue" (1,), cou r tie rs , maquignons,

diplomates, aptes à toutes l es carr�ères qui req1' i èrent,pabi leté et s avo ir-fai re .

Ils se situent entre les rimôe et les nyeeyôe. Il s deviennent courti-

sans par véna lité, mais j an'- a

les h onneurs par tOllS les Ji1oyens. Ils sont caTlables d'engager l eu r vie pour faire •

triompher l eur parti, comme ils pe1'vent devenir des venf'ellrs inexorables et par­

toi8 a troc es quand i l s sont vexés ou attaqués.

Les jaawam ô e sont en génÉral de belle taille, de constitution robuste,

très résis t ants à la fa ti gue , qU'ils sotent forts ou rraigres . L e urs trai t s sont

fins et l eur teint peut al ler du clai r au noir d ' éb èn e .

DIol', vïennent-i l s ? Pe rso nne i


ne s e s t encore intéressé à l a question ,

et parmi la t renta; ne d'auteurs eu ropé ens qui se sont plus ,ou moins spé,cialisés

dans II étude des peuls, aUClln ri' a CT'11 devo i r se -pencrler sur le prob l f=. me des

jaawamée, pou rt a nt inséparnbl e s des 'Deu ls .

(1) maitre-langue : waw-hél.ala . Lit téralen1ent l es, ptlÎssants en paroles. Ils ont pas
excellence la puissance du verbe et le don de convainc re .

" . :: ' , o. , , ' - ,., . C�,


.

·,..
..... . ..... :.: .. ....
O
..
5.•
Nous aVODS recueilli, aUl;)rts de l'école de Baal�oro, dans le r-tacina,

école dont Modibo Kane Njim est le grand maître (1) la légende sliivante

Ils étaient quatre à vivre dans la brousse : Buutorin ( qllÏ deviendra

l'anc�tre dbs peuls , ) Jandalata (qu': deviendra l'anc�tre des jaawambe , le )



bovidé et J'ai�rettc. Vint un moment où ils éprouvèrent le besoin de se fixer •

Buutorin et Jandalata so fixèrent au village, en marge des sédentaires, tandis

que le bovidé et l' aiprette contin11aient de vivre toute la jo'.�rnée dans la

brousse et, à la nuit tombante, revenaient derr': ère le village pour y passer

la nvito

Ce que le bovidé deva.it devenir pour l'aig-rette, Buutorin le deviendra

pour Jandalata. On raconte en ef,ret que l'intrépide Pluvier, ce petit oiseau

qui va cbercher sa nO'l.1rriture dans la f-'lJevle du caïman quand celui-ci ouvre

ses grandes mâchoires pOl'r faire sa -rrovif'ion à ' air , dit un jour à l'aigrette

" Ma soeur aigrette, j'éprol've beaucoup de honte pour tOl' te la gent


.
ailée à cause de ta manière paresseuse de vivre. Tu es touj�urs derrière le

bovidé comme si tu étais son ombre. Tous les échassiers se demandent pourquoi

tu ne fais pas comme chacun d'euy povr vivre".

�and l� pluvier eût fini de �arler, l'aigrette �ui dit:

" Mon frère! Je souhai terais,. quant à moi, que ton esprit fl1t plus

grand quo ta tatlle. Ce que tù penses être une intrépidité de ta part est plu­

t8t un "cher �he-péril-effr{né-. Riel' n�: te garaI).tit que, pendan t que tu es

, occupé à. te rassasier des larves que tu piques entre ��s dents du crocodile,

. ,qelui-ci,

nuit sans fin,

"Moi� je sais faire le départ entre ce que je peux et ce que je ne

peux pas. Vois-tu, frère Pluvier, Gueno (2) m'a dot� d'un v�tement blanc et il

ne m'a point donné de savon. Il m'a ôté la force physique. Il a rendu mon poids

léger. Il m'a doté de deux ailes puissantes. A moi de faire jouer mon intelli­

gence pour utiliser mes mo:rens, de manière à suppléer mes insuffisances.

"J' ai décidé de mtattacher au bovidé. Il est doué d'une force qui lui

permet d'Écarter les :bautes herbes et les grands buissons. Il déchire les fourzœ,
.

1) Il ne ;
s'agit Jk'1S d'une éco e en tant qu'�tft,blis,sement à la I!lan�ère européenne. C'est
oute la. ville qui est un foyer de trf1ditionnlistes,. dont le. science .

e trnnsrncts de père
n fils, et qui se regroupent Fl.utollr du plus sav ,
� nt
B:Q.e N�im, gra.nd lettré en lan�E; [Lr0be. ct t rA d i tionaliste éminEmt e

?) Gueno : LtEternel. Nom suprbrre de D1QU chez les penIs.


6.

des bestioles s'envolent à son passage et moi, je les happe sans salir mon v�­

tement de boue ou de pOllssièreo

nQ uand je s1.1i8 fatigué de rœ.rcher, je saute sur le dos du bovidé. Il

ne s'aperçoit point de mon poids , ct moi je me repose suffisamment • .

"Voi là, mon frère Pluvier , pourquoi je vis avec les bovidés"�

Cette lé gende n'e8t pas nniquement destinée à amuser. Elle comporte un

ensoipnement profond. On ne peut mieux tro1Jver pour symboliser la relation exis­

tant entre peuls et jaawa�be. Effectivement, le jaawanndo vit du peul tout

comme l'ai.grette vit du bovidé.

& is revc-nons à Buutortn et Jand a la ta.


,)

Ils étaient· tOllS deux originaires de la p� ninsu.le arabique. Ils se

lièrent d'une aœitié aussi forte qu'un lien de sang et de lait, bien que

Buutorin fû.t de peau blanche et Jandalata de peau noirE�.

Où et quand ces deux hommes se rencontrèrent-ils ?

Ni la légende, ,ni meme le mythE;, n'ont clairement situé 1 e fait dans·

le �em� �t dans l'espace. Pour les uns, Buutorin et Jandalata se seraient

connus en Orient. Pour d'autres, ils se seraient rencontrés en !..rrique, quelque

part non loin des rives du Nil. Buutorin est considéré tantt't comme palesti­

n i en, tantôt co�më yéménite. Quant à. Jandalata , il. serait un sujet romain de

Byzance ou de la Perse.

Jusqu'à ce q�e des recherches plus pOl:ssées soient effectu'eès, je ne

pense pas qu'il vaille la peine, aujourà'hui, de perdre du temps à conjecturer

sur Buutorin et Jandalata.

Acceptons provisoirement, avec la lEfgende, qu'ils se rencontrèrent en

Afrique orientale que19u€S siècles avant Jésus-Christ.

Buutorin engendra six enfants

Helleere
Manngay
Sorfoy
Eli-Bana
Anya
Tooli Magan.
Jandala ta engendra :
Aqiilu.
7.

Buutorin fut obligé de retol�rner en Orient. Ne pouvant ou ne voulant


"
emmener avec lui ses enfants, il les confia à Jandalata. Cc dernier éleva son

fils Aqiilu avec les six fils de Buutorin.

Jund�lata donnera son nom à l'ethnie qui descendra de lui par son

fils Aqiilu.

Aqiilu engendra Mahmudu, qui devi n. t m.archand et se mit au service

des enfants de Buuto�in, qu'il considérait comme ses wappayôe (oncles paternels).

Il disposait de leurs biens à sa guise, Dais, par contre, il faisait toutes'

lours commissions et assurait toutes les corvées domestiques.

Rapiderr.ent, Mahmudu se fonna à la vic citadine. Il apprit à discuter

les affajres et, surtou.t, à défendr€ ses intérêts. Il passa vite "ma!tre­

·roublard" et parvenait toujours à a.cheter moins cher pour revendre plus cher.

Il devint non seuleD'ent un grand COTIL'!lis voyageur, mais un excellent placier.

Au fur et à mesure qu'il réalisait des ventes ou faisait de� emplettes

pour le compte de ses wappayôe, c'est-à-dire les enfants de Buutorin, il faisait

des paquets qu';l leur envoyait sans aùcune !"'arque distinctive permettant aux

destinat=lires de reconnaître ce qui leur revenait en propre. Ces derniers en

étaient réd11its à. attendre que Mahmudu revienne pour partager et répartir les

paquets • .

Dès que Mahmudu rentrait à la waison, Hellcere, l'ainé des enfants de

Buutorin� devenu chef de. la famille, lui criai t en guise d'amicale taquinerie

!'Haya war seendu ko buukucia ka" : ' "bt maintenant, viens débrouiller ce que tu as

mis0 en désordre"
,:
(1)
Mahnn�d u s� grattait la tete. C'était là. sa manière de simuler une..

co�fusion qu 1 il était loin d'épro1Jver.. Puis, il distribuait les. paque�s en riant


. : '
.

de toutes ses dents • . Il disait, en réplique à la boutade dE: Helleere : Que


Il
deviendriez-vous sans moi ?

C'est à,part�r de cette.époque que les enfgnts de Buutorin se,mirent

à saluer Mahmudu par "MBuuku". Avec le temps, ce mot. devint Bo�kum.,



1
------- _.- - -- - - -_.- --

(1) buukude est l'infin;itif du verbe peul ql1i signifie : brouiller.,·


mbuuku, qui vient du m�me' infi.nitif "b1.1ukude", signi.fie danger.
8.

(1)
titua le "yettoore"j ou nom de famille , des descendants de Mahmudu, fils
d'Aqiilu, fils de Jandalata.

Les enfants de Buutorin et ceux de Jandalata parlaient la ��me langue.


Ils donnèrent à leur peuple le nom de Halpular ( fulaphones) . Ils interdirent
rigoureusement toutes relations sex1)elles entre les descendants de Buutorin
)
et ceux de Jandalata (2 •

. Pour éviter toute CO',"fusion, les descenc1,ants de J3.ndalata prirent


le nom de Jandal. Avec le temps, ce nom deviendra Jaawanndo ( singulier de
jaawamoe) qui s,ignifie "prompt à • • • " ainsi qu t i l a. été dit plus haut. Les peuls
se donnèrent à eux-mêmes le nom de "fuloe woâeeoe" ( peuls rouges) " par exten­
sion pB:steurs, éleveurs (singulier : pullo boâeejo) .

Après leur islamisatj.on, les pe,'ls lettrés s' appelleront�'Moodib�oe",


, d,e l'arabe "mu'addibun" ( éducateur) , et, par. élargisse1!'.cnt de sens, "mara­
'bou t" : ascète musulman - à. ne pas confondre avec marabout "bouillotte ventrue",
ou mar
, about
marabout "oiseau grand échassier au port ridiculement majestueux". bien qu'on
l'en ait parfois ironiquement rapproch{ • . •

He11eere et ses frères avaient une confiance quasi religieuse en


Mahmudu. Il ne leur venait jamais à l'esprit que celui-ci pouvait avoir l'idée
de les tromper soit en actes soit en paroles. Toute tromperie de la part de
Mahmudu était ·d' ailleurs pratiquement impossible, ou . inutile , du ,fait que :tous
les biens des enfants. de .l3uutorin étaient· à l'entière discrétion 0.0 Mahmudu
.•

Mahmudu et les enfa.nts de �)utorin se trouvaiGnt dans ·un pa,ys où


"tout était' abondant, sauf la malàdie'et'la mort" (3). Ce pays, appelé pays de
"He1i et·yooyo (4), était un vrai paradis. Les animaux allaient 'seuls au'pâturage
et 'en �re'Venafent seuls, la poche mamnia'irû remplie :de lait.

Les habitants de Heli et de Yooyo avaient un dieu protecteur du chep­


tel: Caanaba, une déesse du 'lait : Foroforonndu, et'un mattre de cérémonie
d'initiation':

_._. _----- -- --- -

(1) sur la notion.,de yettoqre, v6ir note explicative à. la fin dtl· texte • .

(2) sur la notion d'interdit, voir note exnlicative


' à la fin du texte"
(3) expression peule signifiant une grande p�ospérité.
(4) Il seroble que chacun de ces noms désigne à la fois le pays et sa capitale. Il y
aurait donc deux pays, comportant chacun une grande ville du mame nom.
9.
On a conservé qrelq,ues chansonnettes que les petites filles de Heli

'et de Yooyo chantaient au clair de lune. Ces fillettes étaient, dit�on, les
�.
unes rouges comme du cu,j vre lavé dans vne décoction de fruits de tamarin, les

autres noires comme trempées dans )a "première salive" de l'indigo (1). Les

rouges éteient, cela va sans dire, les descendantes de Euutorin, et les noires

celles de Jandnlata.

Voici, entre autres chansonnettes, l'une de celles qui ont traversé

le tewps et l'espace pour parvenir jusqu'à nous

njehen. heli njehen yooyo

njel en to enâi misEl,ta ôiraaâam

picce hono nynakoy sankoo

e keccol haako faa nyaawâa

"Allons �. Heli, allons à. Yooyo.,

Allons là où le lait bruine

.. un crachin d.e menues perles

quoi tachettent le vert des fe1,l·illages" • .

I.e vie étp.i t plps que d,ol1ce et les descendent"s de Buutor in et de

J�da
. lata

'c ' étai t là le moindre de leurs �oucis.

Mais il· est des �itlheurs qni ne pr{v:lennent pas. Ils prennent en traî­

. trisé' et 'terrassent leurs victimes sans merci. Ils sontcon:me la panthère, le

plus ,traître des fauves •

. On dit que les h�bitants de .Heli et t'e Yooyo étaient les plus heureux

de toute la terre. La mort, Sl. f.réquente f:t si" terri bIc povr tous l es êtres,

étai,t

réjouissances. On pense que ce fut là l'origine des fêtes de funéraillœtradi­

tif\nnelles que les pevls non musulmans ont perpétué jusqu'à nos jours (2). Tout
------- -- - - ---
" . .
,----�-- -_ ...- ---- - - �
,
Cl ) 'Quand l'indigo est prépar� pour la teintur.e des v&te�ents, le l iql'ide obtenu, avant de
servir, est appelé "tête d r indigo'� ou "la mariée indigo ", ou "la première salive de
. '.
'. � 1 indigo". '
t2} Un f�te encore la mort du plus vieux tavreau remplissant les �o,J1di tions rituelles
requises : il doit en effet présenter un pelage spécial, �voir vécu au moins trente
trois hiver�ges, et �tre mort de mort naturelle.
10.

cad�vre était considéré comme un privilégié, un invité au banquet de Gueno, Dieu.

" On l'enterrait ,avoc une pompe, exceptionnel1e. On festoyait durant quarante levers �

et couchers du soleil en l' honnel1r de l'âme du défunt.

Fpvorisés par le ciel et ra terre , les gens dû Hel i et Yooyo se

laissèrGnt al lr'r à ln facilité. Ils cessèr�':rt lCllrs pratiques ritl1el lGs q,'i

epdi guaient les forces néfast�s E"t aveugles de' la n8turr. Ils s'adonnèrent aux
. ,

plai s irs du V('ntrc et de la cr'air. Ils violèrent tous les interdits de Gueno,

leur Di eu.

Or, i l Y avai t , dans un pa�is si tué à l'est de la vi l l e actuelle de

Ga o , un roi puisson t ct très jaloux , ql'i s'appelait Kana Kana. Chaque fois que

!Cana Kana entendait pa rle r d'un pays prospère ou d l''n [!Toppe humain favorisé

par quelque succÈ"s, il envoyait ses troupes les cr-nquérir.

Par des renseip,r.errents o,

Kana Kana apprit l'existence des pasteurs ro:uges - les peuls - dont les p..nc�­

tres 8taient venus du Yûmen il y a trps 10ngtomps. Ils habitai.ent un pays fer­

ti le où Ir é leva ge et l' agric' ] ture rÉussissaient à sOl,hai t. Ce pays , appelé

Tule WOyndl1 , avait doux vil les merveilleuses : Hcli et Yooyo. :

Aucun pauvre n'arriv�it dans ces cités sars devenir riche. Aucun
' .

ma lade n' y entrait sans �tr8 guéri. Toute femelle humaine ou anir'al e stérile

qui se rendait à Hol i ou à Yooyo se roettai t à prodl'ire. La mort y éta it si

rare que tout défunt étfl.it' cOrisidér{ comme 'un pri vilégié inV'i té par Guéno.

K�na Kana envoya donc ses troupf:s C0ntrc Hel i ct Yooyo. Il conquit

le pays et dispersa ses habitants. Mais i l ne réussit à capturer quo quelques

combattants ("t Q"olo"es t�tes cl € bétail.

Ce ·fnt lE:: 'Premier rralhcur ,du pp,vs dû Hel i ct çle YoC?�o..

tissement ne servit à ri€�. ,

Un jour, le ci,el se couvrit de nuages san@inole'tlts. Un··vent pesti�

lentiel, se ..mità souffl ,er.

répnnd it dans l'espace et en couvrit ln su.perfieie presque totale des' terreS

de Heli et de Yooyo. , .
Il.

Qu'allait-il se passer? Pourquoi les nuages av a ient - i l s une coul eur


de hennE? ?

Les insollciantes coovettcs de Heli ct d e Yooyo pensèrent que Guano,

leur Di e u , al lait f[�.ire ple uvoi r ou ci el une eau rOur'e qu'elles pourraient

utiliser pour teindrA Iffi1rs cheveux.

Hommes et fE'JIlIl1CS, gros ct r-enu bét a i l, tous se prépa ra i ent à profi t e r,

comme de cot�tume, de la fraîcheur qui vient dilater les poitrines après chaque

pluie.

Contrairen1ent À. 11 habi. tude, 1['. br i s e ne se le v a pas, LI at 'nos phè re

demeura immo}''; le. Pet it à petit, l'eau des nua{?'es SE' figea. Le ciel s' o�scurlt.
Soudain, des éclairs .j aill i r ent de part out comrr.p si les esprits cé­
lestes, arrr:és de l innep flexibles, t ortu e us e s et phosph�rescent('s, étaient

chargé s de dissiper à c011Pfl de fOlJet IllJl)in�')x les ténèbres. Cellos-ci É'taient

si denses que la t err e nE: se di8tinpuni t point dv ci€:l ct oue l'homme ne pouvait
t
voir la paume de sa main.

Tout cela était-i l �rdonnf par GuGno� ·ou bien étai t-ce· le mauvais

esprit, j11SQU 1 alors wnintcnv lors des l imi tes du p0.�rs bén i , qui se· pré -parai t

à Y e ntrer ?

La fo ud re se déc1-- atna··, Elle lai s sa tomber ses bras, l es un s arbores -


...
eents, les autres on l imes brisécs� è ' aut r� s enCOr€ en chapelet sur ·les· nuages

figés. Un éclatement de fin d u mond e sc fit en t end r e , Le:s poudres : du ciêl

venaient de sauter.

La terre en fut secouée j usq ue dans ses entrailles. Elle se d echi ra

eomme un v êt eme nt râpé .' Des {"ou ff re s inima{:"inables o uv rî reri t des m�choires

béant'es.

Les· habitants de Heli et de Yôoyo, poussés par des v€nts violents,


r
t anc h an ts et bralants, fure n t p rf c ipi tés d ans les failler:', avec lèu'rs '::troupeaux

Les t ro i s quart.s des h nhi tants et leur c� c ptcl .pé rire nt corps et b i e ns

dans cette tourrnentf:., so e ur do "d"ffann" (déluf"e),


12.

Les, survivan ts, hommes et animaux, fuirent vers l'occident, parce

que le malheur lel1r étgit arrivé par des nuages venUR cl 1 orient. I ls se scin­

dèrent en trois gro"pes. Le premi€·r suivit l8s routes dl' nord en côtoyant l€s

pays méditerrF.'.néens. Lo (louxième emnrunta les rout.es ce·-trales du continen t

africain. Enfin, le troisième descendit pl"'s au suà, jusqu'à. la lisière de

ln forêt.

A quelques rares exceptions près, tous les descendnnts de Jandalata,

connus de-nuis cette époque sous le nom ûtrniauc dejnawamôe, e mpruntè'rent

les routes du sud. Ils surent s'orf"aniser mieux qUE;) leurs parten8ires fulôe.

'Avec le temps, ils ét� ient devenus âpres au f"ain. Ils ne p�rent supporter

longtemps la 'waigre vie que le� fulôe menai�nt derrière 'leur bétail rescapé

de' la tounnentE·.

Lesjaawambe� qui tennient à refaire leur fortune perdue' Bali et

à Yooyo, abandonnèrent momentanément les fulôe.

, Un seul mOH€n des'enrichir s 1 offr�i t à eux : le pillage. ,'Il's Si or­


ganisèrent en bandes armées de lancE;-pierres, de lances, dE flÈ'ches, 'de coute­

las, etc • • . Ils descendirent plUS ftl' snd, ,.là où les habitants, avaient e.ppris,

longtemps avant l'époaue de Salomon, à, ext.raire l'or et l' arg�nt, le fer et

les dr·ux cuivres : le rovf'ü et lE' .iaune.

L(:sjaewamoe plccèrcnt è len.r t�te des descendants de Mahmudu Aqiilu,

parce que leur ancêtre ét�it réputé, de�uis le teFPs de Helleer�, fils a�né de

Buutorin, comme étMt "smisudc mbuuku", c'est-à-dire hardi quant au� actions

périlleuses. En effet, lés descendants de Mahmudu étaient devenus des ."risque-


, .

tout", des "cherche-mort". C'était le péril lui-m�me qui les évitait, disait-on.

Le ur yettoore étai t et, est encore de nns ,jours, comme nous l'ayons

signalé plus haut, "Bookum"s nOIn dérivé de Itmbuuku" : danger, pér�l.

Ainsi les jaawamôe, �près avoir sac,cagé ct écumé tous les pays du

Darfur - c'est-à-dire l'Afrique orientale et c��trale - et refoulé les autoch­

tones dans la foret vierge, pénétrèrent-ils dans le Bafur - l'A�rique occiden­

tale. Ils choisirent 'd'aller s'installer à la lisière de la for�t. Ils se

fixèrent dans le pays qui deviendrp. Kone� en haute Cete d'Ivoire.


13.

Ils con t rôlaient les voies commerciales. Ils s'ins tal l èrent l à en

coJonisateurs, pressurant 188 marchand s du sud et les habi tan t s du n ord.

D1;ns leur intESrêt beaucou.!. plus que pour toute. autre rai s on, i l s

aidèrent à. créer . lE'. vil le de Kong et à €·n fni r<:' un grand carrefour, une foi re

inter-terri t o rinle. Avec le temps , K ong devint une immense ci té et un �rand

marchf.

.La famil le j aawanndo charp-ée de fourn i r le chef du marché fini t par

s'appeler "Konngo o l o ". Cc mot (�st composé de "Kon" ( nom de 12. v i l le de Kong )

et du suffixe "ngoo lo" , qui v ien t du verbe "go o l ae.dG : publier en crian t.

Aut rem&n t d i t , konng o l o signifie "hé raut du IDr-trchÉ" et , par ext en s ion, offi­

cier chargé de la loi commerciale.

La devise de cet te fr.mi l le , qui. adopt era beau,coup.

"Koyta" , devien d ra alo rs "hoyaali, hobaal i " ( "N'a point é t é n i honn i , ni

couvert de pous s ière") . Voici en quel les circons tances cette d evi s e devait

f['.ire plt1s t ard s on 8.ppari t i on, e:n l'honneur des Janwambe "Koyta"..

Le R o i S onrhaï Hariber , p.prè8 avoir fait'du j awanndo .Amad ou Bookari

son tai l l eur , pl1i s s on aDi, et. finalemr�nt son grand favo:ri, le d i sgrâcia.
.
Amad ou Bo okari, pO l:1r se venger,. �€. rondit E'.U Mc.'1.roc et en revin t avec une armée
,
qui combatti t Hariber �t le des t itu� (1).

Amadou �.ookari devi nt r.-rand fnvo ri . du gouverneur marocain, ainsi que

l' �i . personnel
• 1 • •
du
.�
Sul t an. Les griot s chant.èrent alo rs ses l Ol-l,ànges en termi-

. na� t par l'cxpr�ssi on.: '·'A hoyaal i , . a hobaali" : "Tu, n'.a s

ni couvert par la poussière de la rOllte" •

les Koyta furen t d es ",jaawamoc de t rene �


l
. -D'urie rranièrc générfl.l e�

c'est-à-di re attach�s à un Rouverain, cOI1seillr:-rs du t rene. Ils se s i gnalè­


.. rent , au' co'urs d·e l'histoire, pnr lt=': vivRci té de lE:�ur intel l igence et leur

courage mâl e devcnt le de.nger ..

C'ost ainsi qu'ils devaient fournir ['.u Macin,a, p lvs tard , d'éminent s

marabout s et de grand s conseillers d'Etat.


- - �,-'''"_.- -��.- - - --
(1) Cet te hist o i re f�gure en déta:i-l à la notice .XIII, pages 4 9 E:t suiv • .
L'Empire peul du ��cj na , au dé but du XIXème siècle, compta

quelques personnali tf s Koyta. Le plus célèbre des Koyta, 'dont les faits et

gestes c ontinu ent de se tran smet t r e de bouche à ore i lle dnns t out l e Macina,

fut Bireemn Khalil Bireema Konngo;:;lo. Bien qu'illettré , il siégeàit parmi

les 40 ém in ents maraboutr, du Gre n� Conse;.l de Hnmd al l a y e , cnpitp.lc de 'l'IDn­

pire. Son bon sens porr:,it plusieurs fois au Grand C on s ei l de "sauver la f ace "

en pré se nc e de cas où les érinentsjuris1-es de lE'. cité , empêtrésjusqu'au

cou, ne trouvnicnt pas d'issue.

On lu i doit la conversion à l'Islc..m dl1 cbef peul Arc!o NGuur�ori,

ainsi que de Tiambndio jooro yalalÔe.

Il aI:'1ena Gueladi o Hambodeejo HnT!lIŒldi Pn. te - Y e l l c , le Roi du Kunaari

mboobori, à pr ê t er se�ent d' allé ge�nce è. Cheikou Amadou Raman Lobbo, chef

et fonda teu r de l 'Empir e peul hlusulma!1 du Mac ina . Pnr contrE" lorsque Gueladio

eut mail le à partir f>.v ec Chcikou Amado" et fut intE.rné è He.mde.lle.ye, c ' est

encore Bire e ma Khalil qui l'nida 8, s' évad er de la vil l e.

La fRmille Kemmbu de D;€nné, grande f��ille de Koyta, compta toujours


'
d8s hOlDI'les bri l lnn ts 0t des ferces 6minentos. Je me c onten te ra i de ci ter Anta

A l i, mère de Son Excellence Gabriel d'Arboussier; Aïssa-Samba, fcmme du Li eute­

n an t Voulet, auteur du drar.c t3G Dancoiri ; ét E'n fi n , la célèbre Goggo Souka,

cousi ne de Gnbriel d'Arbou s s i e r E:t ép('\1'se du grR nd ' marabout Seydou N our ou Tal l ,

petit-fils' d'El Had j ' Omar., Lrt vie dl: chacune de ces femmes vaut l ar {!eme nt 'celle

d'un roi. El les' ont brossÉ des mi lli on s c:t fait "valser" de grands chefs re li­

gieux et temporels. Ell es ont dénoué des crises qui'avaient'fai t p e rd r e à tous

les politiciens et boaux p�rleurs leur sueur et leur salive • • •

Mais revenons aux jaawamôe des temps anciens, i n st al lé s dans, le pays

de Kong. Leur h é gém oni e commença à, peser fourdement sur, tous, les pays, de la

Haute C8te d'Ivoire et du royaume de Kénédugu, ainsi que sur les pays de

Senefo-Dugu, à l ' est, €t rie Bobo-Dioule.sso.

Qn n e -p eut d ire que les jaawamoe avaic·nt fond6 un emp i r e- ; "mais du

fa it de lèur act i on, ils ne 'perrr. irent à aucun empire d� �é lormer "
15.

... Ils cOIIlI'lirent une fr:utr- qui ne se pf),rdonnE: pas e�.A.friguc BP.fur •

Ils rüfusèrE;nt d r € pOU E C r les fil18s du pa.ys ct de donnt'r lûurs propres fil les

en , m?ri[lge !'1UX au+ ocp t o ne s. On les suppôrtr'i t p::trce 01�' ils �t[' ient les plus

fort s , mnis on é t f'.i t loin de lc� n.ir�E'r, pnrcc qu t j.ln nt air.1,.... icnt qu' eux-IJêncs.

Ils n' �parf'"D.D.ient q118 leur vie (�t 1 1 ur� biens, et nul l cD � n t CC:l1X d0s nutres.

L'nclnp-fj dit: "0 mon fr�re ! Sois pFl. tient envers l' D..ssp..ssin de ton

l'ère jusqu'nu jour Oll tu é'.urr,s dnns 10 r'[>.:n un conter." trr-,nc"::-nt, et l'assas­

sin lui-mêL18 à port(f.' de tr'. main".

1 e sejour d e s janwamô e en Hr..ute Cate d'Ivoirl:.' dura huit siècles,

pendnnt lesql1els ils détinren� le monopOle; ou commerce ût la direction occulte

de ID. politiaue ,du p�ys.

Les autochtones furc'nt excÉdés du comportE':"cnt df'S ,janwarnôe qui

nv,n.i.0nt thesal1risÉ les plus f"rp.nd� bien8 du l't:.ys, à leur seul profi t •

.,
1t1- révol t(� couve . • Le secret fut. b i e n f'nrd{. Al) j ou r cor/venu, l es

{'.'Uerriers d e chnque locru i t { fondiroEt s u r les j!lJ�1WamÔG d e leur village. Il

n'y D.vait n i à hésiter ni à sc tromncr, cnr l u S jnawamôc,vivnient à part . Ils

furent masse.cres nVE:C If'. féroci t{ d'une, venge.".nce l"ngt emps refoulée.

Pnrmi ceux dont la limée. devRit recevoir plus tnrd les yettoorr de

DawE';t de Koyta , beaucoup furcr, t . captl}r{ s et r0d,' its en 08clavp.gc. Le:urs des­

cendants, Qui nc 8C' c0',"�idèrent plus cor l.ie de s j �awaJnôe:, continuent cept:ndant

de porter le yett00re de r�w et de Koyta.

Les rescapÉ.s jaal'w.môe, poursuivis pc..r l�. haine ot le mépris des popu­

lations aut ochtones, sc dirigèrent sur le Manndé. On l(;s consid�ra comme l'in­

cnrnnt-ion même de maléfices, et ce11. r-tvec une telle rigueur' qu'on n'ent8rrait

jam.'1.is un cadavre je..awamf>e sans lui, nvoir ElU prénlnble trrnché le. tëte •

. Pourquoi exercer lln sirnnuvéliE! tr[l,iteIJ10nt sur Ir: d€pouille d 'un

ho::une mort ? Lc1. tradition b[lr:�bnrn r{ pond : " j ogorae.rne kunngolo �oro be
dugu tin "Ln t�te du jnn�,Tnnndo, meme vieillie pE'.r la mort, peut encore

"cn.sser" le v;illage. "


-

O n ne saur"it mieux sOlllipnE:r le tcrre'r que lf,s jap.we.mbE serrèr€nt

dÇl.ns les espri ts, durrn t leur long $éjour en HF'..utc Côte d ' Ivoi re .

Il n' étf' it donc pas question que] es .jaawamôe trouvassent refuge

euprès des autochtones du 1-L-:.nding,; rCPReipnés,à leur sujet d' une T" rr nière

.', d{f,n.vornble.

Les rescap�s jEl.'"'wamôe n' [I.v!'lient fI.ucunE chn n ce de sc: regrouper pour

cngn go r la lutt� contre la co� l i t j � n dûs �utochtones de Kong, du Senefo-dugu

ct du Ken(:dugu. Ils nI n.v::'-Îent d' f1.utre ressource qu e: d.E" fuir vers le Mçtnndé,

où ils savf'ient qUE; leurs a n ci. c ns pllrt.Emaires trrdi tionnels, los fulôe, se

trollvpient Gn grr.nd nombrE.

Il fa ut sif.'IlD.lc'r que, scIon Ip. trurli tion de l'école de Bnc.koro, pré­


cé demI!l. e nt ci t{'e, il Y F ut trois rrnndes éroigrnti,ons fulôe, puis pl u si e urs

petites, .d t est e1'1 ouest. Puis il y eut un nombrE: infini de petit cs �migrations

dons le sens ounst-cst.

Les fulôe revr.ient .que Heli et Yooyo r€p.ppn.rc..îtrr iGnt de leur cnglout­

tissef:wnt, que ces pr.ys rEmn î tr[1 ie n t dE' leurs c.c.ndres et que leurs enfr.nts dis­

J;>ersÉs·reviendrnient du soleil cOl1chrnt pour les rE-peuplet:. Ce 'fut là la cause

es�enticlle et profonde de ces TIlUlti-plE-s petit.es émigrntions VE-rs l'Orient.

Quant aux trois. gr[1nd(:� éMigrations dos fulôe d'est en oue st, IR

premièr e fut dénommée F e:r:go-Yuu s ufi (€migrr,tion de Joseph ) . Elle sé jo urna

344 ans au MuJ:lnd�, . puis c.llç. s: instr>llcr dnp.� le Guimb[l.lln ( n ct


l' cl cercle de

Ninfunke, nu Mal i) . Ln d o ux i èm e, nppelée �€rgo-Issa ( émif!rD.tion de Jésus , )


parvint au �1qnndé où elle séjournE 622 C:1Sr La troisième fut l' é m i grf'. ti o n dE

Oqbatae

LI école de Bnnkoro a ffi rme què c1 G�t cn l' an 966 de 11 e.rrivé'e de la


deuxième: ·vngue fulôe dnns le Bgfur que 18 Prophète Moharnmad ( Mah om e t) fut

'envo yé :pour r8staur8r la rcliginn dl Abraham. On p e u t donc, s�lon cette trndi­

!tiop, fixer approximativelLent 1[', deuxième venue des fulôe en Af ri q u e occiden­

tEtl� ..vers. 356 . .e.vFl.nt J?sus-:Christ 0

L a' troisième et derni sre grf'.nde émi grati on, fut celle .dite. d,a. Oqbata,

du nom d'un compagnon de Arnru Ibn Ass, un grnnd chçf .de l 'nrmée,.xnusl'�mp..ne que

le deuxième KhalifE; Omar (634-644) aur�it envoyé pour conquérir l ' Afri que

non musulmane.
17 .

Le f�i t m��e que c e t t e émi gre tion s 0 i t consid é ré e c omme import� nte

est un e preuv,e $UPplÔ�1 8}1 t :t i rc que 1 E: S fu l ô e O-va i ent émigr€ en grand nombre
,. .
"' ;'

à c et t e o c cr s i on .

La prf- s ente en qu ê t e n ' nynnt pns pour obj et d e . port ü r p ré c i �ément

sur les émigrn t i �n s ft' l ô e , je . n ' ir s i s t err i pn s dlJ.v[;'.nt,rl �e . Une enqu t t e ulté­

ri eure tr�i t 6 rn ln quest i o n , grnc e no tnmment aux nouve l l û s d onné es recue i l l i e s

en c e d omain e par l e Pré s id en t Boubou He�n .

Le s ful ô e qui s e t ro1 ' vn ient au M'1nndé n ' é tni ent pe s part i culière­

ment en od eu r d. e saint e tf. . On I r S [l.Vé� i t to l é rf: s 'Pp.rce q u ' i l s c.v[l. i ent su

s ' incru s t e r dnns Ir cl1'.s s i fi c n t i on dl1 sys t èw e s o c ia l Mn.nndé . En effe t ,

t out es ' l e s tri bus f'1, l ) e s e sn bdi vi s è rcn t en quc. t re c lp.ns : Dia l l o , Diaqui té,

Sid ibé e t S::lng�. ré .

Les fu l ô'e dF Mc'1nndé reçure nt leurs é?nc i ens pnrt ent=t ir(·s en r� i s on
.,
'du l i en trr.d i t i onnel qui l e s uni sspi t à eux . Les j n� wamô e f1.va i ent c outume

de se d is t i ' � guer d e s rm tres h n.bi t ::-. n t s en s t hfl bi. l l nn t fl.ve c d e s v ô t eID en t s

t e int s . en Jaune . O r c ot t e c oul eur { t � i t col l e d e s chn S S EUrS ., p é' s t cu rs et .


gl.1 erri 6rs . En ou tre , ils marqua i en t l eurs D.nim r.UX ·['.U moyen d e " feux "' . Ils

E'..vn i en t contrp. c t é c e t t e h r: bi tud e d epu i s l e t emps 011 . flVi' nt d e s c;· sépnrer

d ' avec l es ful ô e , i l s viv." i er t ens Œ' bI e à TU l e W{� endu - p':!. ys 9 1 1 i sc t rouve­

rf"l.i t ent re :l e pn. ys Hawsa) Ikko et Gnw-Gnw . C ' e s t gr�c e RUX !!P. rq u e s d. e ·· ces

feux q ue l e� flJ l ô e e t IGS j �}1 WaP1.ô ·e s e rec onnurent , �cpr� s plusi eurs ' s t è c l o s

de : séparn t ion • . .

:
L ' n rrl.�é e nu Mnnnd é d e s ,j nnwam o e n ' f:' rr<:'.. n e-e� pc.s l e s ch o s e s c omme i l s

l ' espl r.;! i en t '. Leu r venue évc �. l ln ' p l �' t ô t l a m é fü : n c e d e s ��r.nik[ts ( hf' {d t Œn t s du

Manndt ) qui rcdoute i ent que l e s fu l ô e et � e s j n� wamô e , uni s , ne pri s s en t l e


. ...
pouvoir . Ils d É c idè rent d o I p � eit e rmin�'r .


Les j enwamô e c on s e :i l l è reY' t nux ful ô e d e qu i t t er l e M� nndé l e plus

d i s c rè t e"'.erlt po s s ibl e .• C ' e s t ·à pn rtir de c e mOÏIlGnt qu e fulfJe e t j ao.wam ô e .:.àrnor'" / :­

cèrent l eu rs rrul t i pl es 'P et i t e s é p i l':rn. t i C' r. s en t Ol ' S s ens .


18 .

Le s trr.is frè res Tuna Buubu s Yironnde Buubu r t Hari lla Buubu

. quit t è rent l e Manndé F'.vec un co�� t ing'E'nt j aawamô e . Ils 0n igrèrent au Mn.c ine .

D ' EI.utres c on t ingent s f" l o e et j a,,:,.w['..IDo e part irent du Mttnnd é et se

·d irigèren t vers

l - le Sahel , s ou s Ir. c ondl1 i te CIe Yrt lnài ;

2 le Futo. D ; n ' Ion , sop s ln. c Oè" dll i t f de Bel lnl Jp.. aye ;

3 - l e Futa·· T orO' , sou s l� condt' i t e d e Joomel Jn r.ye

4 -- l e Gh nn,�, (Kummbi S�l"'h ) s�us ln c onduite; d e Sadiga Jaaye .

Le s j aawnmô e , (11 1 l i eu de nomr. diser COrlme l e feis�icn t l e s ful ô e

d epui s leur s o rtie dl' }!nnndé , c ormcncèrent È t s e fixp-r . I l s s ' ins t['. ll èrent

en gr�nd nombre . dnns .1 0 ��['.rta et dnns le Futa-T oro . " Ce; SOli t C GS j aD warnô e

o u e j ' R i plus P ' É c i s0ment é tl i d i é s , not,"',mment Ce1'X d v Ka� rta .

I l s c on s t i tuèrent le. c e l lul e-mère du " nj �}lWa '" ( peuple j aawamô e ) .


C e t t e cellul e-mère s e subd iv i �� en 28 br8.nches qp i hr;.bitèrent Runnde ' !aIl ,
Guédé God o , Duwnl l r. , Seeno Panl e] , Njuum , HallTar r.tl Futn.-T-o ro , l e pnys de

Kunyakari d,....ns le Jombuku ct d[l.ns l. e B�fllrunu , rou Mali . Un ·p e t i t nombr e s e

rendi t. �u FutQ D j nllon . Ti�bo fut u n centre où viv�ïent d ' ass e z nombreUx

j nD.wamô e .

Avant d e rapporter l es 22 légendes que j' ai ' rec ol tt e s , : sur l € s '


28 qui rela t e n t les divers es , cirpons tnnce s qu i ' �menèrcnt l es j cawamb e à .

chnnger d e yet t o ore �u c o" rs d f' l eurs nombreux d éplr.. c eL' cnts , j e c ro is întÉres­

sr:.nt de s i rnn. ler que l e s 28 fam i l l e s const i tunnt 1 r c cllul€)-mère df3 ' NJ f'.nwa

s e regroupent en hui t grr:nds Suudu-bnnba. , ou " Port es pat c��� l �s " , c ' c!s t-à­

d ire pf'.rents cons�nguins qui p euvent h é riter l � EI uns d (· s f'.utres et s e I!l[!rier

entre eux ( 1) .
Vo i c i , s o uf erreu r ou oI!lInis s i on , c omment Ir' trndi t i on . d e 1 '· ? c o l � de

Bankoro € t � bl i t l !"l. nom enc lr turp des cUl' di-be." bc. ( s ing . : suudu-ban.bf>. ) .
---- --- --- - - .- - -
(1) ..sur1J..e. no�ion d e Suudu-Bnabll , voir n o t e explicn t ive à l a fin du t ext e -
19 .

Prer. iè re Port e
Nj nny

N
jim

Deembn

Golfa '

Bnsum

S,'"'.[tm
Nj al ou ' Jal

Gimbc.. - yr.rn.

Koyt� .

Les Nj any fOIT:lent la brfl.nch e aîné e de c e t te " P o rt e " .

D �uxièrn � Porte

Lnnndure
.'.
Bnc c i l i

Do.rnmmeere

C ok né'. ri .

Le s Lanndurc f() rmen t Ir'.. br,.... nche atné e. Ge S O D t , élU . Mncina , les

s euls ja,�wn}7l f> e qu ' on. -r.i t vus dÉ t eni r 10 ch e ffe ri e ·r.lors qu ' ils s e . -troV-VElient

vivr( ave-c des ful f> �. C ' est en effe t Ir. fr.p i l l €" j nn"fnn�d o L'l.nn dv r € qui dé tient

ln chefferie Ft Yuwtl.ru, au bord du lac Debo .

Leur y et t oor r:; sc c o n t ra c t e pr.rr-·· i s p ou r devenir seulement 4'1G ou

NDuurc .
Mnî t re Hnv:," c irÉ ND ou r� , p.ncien Minis t rE d e Ir..
Républiqu e d'? �c."l. li,

.
·
actuellem ent Avocat défr:nseur à Bzrnako , est l e fils du chef de YUWllru .

Il n e f.r"1 ut p.'"'.S cOT1 fondrE: l e s jaawnmô e dev�nus Be.ccili, avec .. les

Baccili à. ' orif-rin e Mnrka .

Troisièm e Porte

N:y?-n

NyaDandu
; .'

Jigee

Wnnygr'-lo

;'
.'.
20 .

Il o xiste des Nyn.n et <l es Wnaygnlo : qui no sont pas des j anwamo e .

C ertai ns 'Wa['.ygr'.10 ['.p p� rtiennen t À ln C L'. st e de Lnwo e ( bûcherons, charpen­


tiers, ouvriers dn bois) .

QUf'. tri��o.I:t e

Bookum
Dnw

Il y a des Bookum qui n' nppnrt iennent pa s aux j aawam o e , � i8

font p�rt i e des roeabuoe, u ne sous-caste de t isserands.

C�nquiè.ffi� Porte
Nj aade .
,Yea tasayo
Karan�rn
Les Nj aade forment ln br�nche atné e de 1� cinquième Porte •

.Sixième Porte
Cae.m
Ne pns c onfon� re ce yettoore avec Caam, yettoore dûs bij outiers,
ni aveo Caam , yettoore do s Torodos c.h efs d e Halw�.r .

Il ' fa ut ég::'.lel"'ent se garder de confonare Snam et C aam, bi'e n que


tous deux soi ent Yettoor� de- j a�wamo e .

Une fami l l e ' de' Cr.no j anWflrl Ô e ; cel1 0 de OusIr.['.ne ' Sn�bn , jou a un VrP.nd
rele dnns l' Empire tOl 1 Co1 : lcu r fondé p["' r El Hnd j On;::lr ( 1848-1864 ) èt ' p erpétué
par ses su ccessù1'rs
1 jusqu ' en 1 893 , '

E l R'\d j Onar s' � tf"lj .t f[' it remplncer à la t ô t e d e ses Et�.ts à

Dingu ire ye 'par son j an:wf'::ndo, Ousm:, nû S,t) r.:ba Cnno .

Le fi.ls de ce dernier , nommé Aguibou Ousmane , fit ln pluie et le


beau t emps R ,ft1.ndiggara d urr. nt t ou. t l e règne d.u Fn.ma-Agu ibou , fils d' El Hndj

Omar, instal l { on 1893 à 1� t � t e du M.�.ci nn p[' r l ,q FrrlD C e , � près la d€fn.i te de


son nî né , AIT1[l.d m� Ch eikou, Ro i de S é gou �

C et Aguibou Ousmane fut le nln."vr.is gé nie ct le gre.nd res ponsllb1e du


difff. rr>nd qui opposa Mocktnr Tall, crl ef à e s T oucoul eu rs de B,'l. ndingf"l rf'.. , à son
c ousin Tj crno Boknr, un des gTP.nds l'1a� t res de l ' ordre Ti djani, n pnolé poli-
21 .

tiqu.e� cnt t r. nt8t "�'lLn.llisme " , t nr t ôt "On z e fTf' ins" ( 1 937-1940 ) .

Les ' CRa.m j o.awnm o e nû sont pns nomhrnl 1 X • Je n 1 �.i pu e nco.r e recueilli r

sur e ux, non plu s q ue su r l e s Bii br, ct les Snako, slJ ffisarunent de lé gt�des

ou de ren s e ignem<::l'l t s l" ist orioucs pour l eur c o nsa c re r une notic E� spéc;ip. l e .

Je signnle rP, i t ou b:� fC' is qu ' on rencont re des jnawamo e qui se tp.. r­

e,u ent d" � t re è ln fo is Sngko, Gn.mbi c + Bii bn . Ils se disnnt sup€ ri eu rs p.Ux

p,ut res jn['.wamo c parce q u 1 i. 1 8 son t " trois en un " •

. El Hndj Bou bnke.r Sc.nko !"l.nci en erlr1 0ye de C OI$'lC'rce, deneu rr�nt

nctucllerncn t è Abidjé";,n--Treichvi. l l e , c�t un Sn!"ko- Gnmbi-Biib?. , et· il en


. est t rr s fi e r .

Co s,� n t l e s S['.r'.ko � Gr T'! bi e t Biibn o ui cOT1 st i tue nt la Septième Porte .

Enf�n, ln Hu�t.iè�c PortE? est rcp ro s c nté e 1r' r I e s

Yernnnn,c"'o ore
..

o
o 0

Au Fu te.-Toro, les ra res jMwnmô e dG ln première émigration fu l o e

cohnbit'� rerit fl.vec u n e ethnie f'.u t o ch t onc du Tekrol1 r ( Sén� g.r.. i ) , · appe l é e jnn.wo e,
'
cepend.� nt qn e leu rs rt.ll i é s t rr'. d i tionncls p'euls nomndisn ient a u gr't ' dé s �t u­
rE'.ges ct d e s points d l eau . C es janw6 e se disl:'. ient ['.ut ocht on0s' dt Njarlalà

e t dn BosseE'. , pays si t u{ r.: E.U Futn-�Toro .

Les j [l. e:�mlJlo e du Seno-Pale ei, où il s S i € tp. i c nt provisoi rement ' fixé s,

ent(·ndirent pe. rl or ' à.('s peu ls Wuuwn.To e ( clnn è C 8 B� ) qui se trouvf'. ient ' en

t rrnshumf'.nce df'.ns le pavs d l Edinne.ji . I ls q , ' it t è rent en :'. aS,s e S e no Pnalol

' pour aller re t rollver l.. eurs [l,lli<� s np. turels fll lo e .

lis ne quit tèren t cep endr..n t poin t le u r lieu d e r{>sidénce c.v�nt ' d ' ['.voir
:'


é t � bli , [I:v c t ops ' 1 (;; 8 h r' hi tnn't s ful,� phones du Fu t a, �ppelé s Fuutazlkooô e , le

li en sac ré du "deriâi rao..ku " . C e denâironku est encore t r� s vnl�.ble .quj ou r d ' h ui
-
entre jaawn�6 e ' c·�
Fuutankoo o e . (1)
---- - - - - - - - - ' - . - - - -

(1 ) sur la notion de d€n�irar..ku , voir . no t e expl i cr'. t ivc en fin de text e .


22 .

�es : .j a�,wnnôe et l e.s wut1w[',rô e., réunis , �D,iPTèrent ç1� Fu t�-Tor� e t


s c rendiren'" dE'.ns le 1:é'." s du Kun�rn.knf'.ri , d�ns le J ombuku (Kayes , Mal i ) . I ls
trouvèrent sur pInce des f1.1 l ô e et des i r>.r.w?mô e venus de Kosumal e ( M..<:tnnde5 ,
Mali) ,.
Le peuple fuln.- j a�.wnnndo se reforma , et se fJi t à es saimer ' ses
uni tés un peu p.�,rtou t , [lUSS i hien · d�.ns · 1 (; KriD. rt�. (M...�li) , què dcns l e
Kinngi ' e t jusqu 1 à, J(\nr," . · . '

Le plus gr�nde parti e du peuple se rendit ' à. Boow['.l-BaakUnu


( Baghèna) . C ' est à pnrtir d e ce 'P�" s que 18s ful ô e· Wuuwnrô e ,et Wolr' rôe
se met tront à de·scendre . ['.vec ou SO.1:8 les �j ù)� T" nmô e , sur l es rives du'- Niffer ,
en nvnl de Nyaminc� , jusqu. 1 À Goundnm .

. . .. . . ' Mais les j nnwai!i.ô e' cormencèrent à s e lE.sser des déplac er1ents int er-
rlint?bles de l:eurs pnrtennirE s .ful ô e qui , ., �i.cn qu ' ny:n.nt des idé es terrible­
ment nrrôté es , é t[' icnt h{ lns pr.r nill eurs 'trqs instc.bles qur,nt à l ' hnbitt.ti 0n .
C ' est ainsi qu ' ils ne s e fixeront dnr s le ��c in� o u ' �vec l ' �vènement de
Cheikou Amadou , ou A� ' dOl� Ior , fondn.teur de l ' Empire peu l mUS1' lmQn d u Macinfl. ,
nu d€but du XIX ènc siècle •

. , Les jaawnmô e � surtou t ceux des f'1ril10s qu i , �u Futn�� oro , vivo.. i ent
à Bokki-Jnwe s se fixèrent p ' Sokonndetn �i. dr',ns le M."' c·i nn. , p, 'is , d:�ns. ·'.�plll sieurs
''';itleè dù Guinbnl l� ( Nir.fl1nke , �1;:�. li) .

Qur.nt nux .j nn�rnri' ô e qui vivr1ient nu Fu t.:1-Toro , dnns l e Nguénfl.r, " il s


d�pD, ssèrell t l n zone i nondé e , d i t e É� rgu , d'l Me'l cinrt , e t s e ré fugièrent d�ns
l e Hayre' ( f� i�ises ;' de B'1.ndinrr,,,, rn , · Hombori · et Don entzé:'. ) •

'
. C � � derniers j nr:"T:1.môe adoPt � ; c� t les us et cov t" mes d es ' : dogon s ,
�vec bien enten du quelques restri c ti ""D S imposées pn.r les :dogons eux--irt�m'è s .
I l s chnngèrent leur yettoore Bookw!1 en Degoo gr>. , Nae.nngo � Ynno·o gr. , etc' � . ;.;'
.
Lès f,Jlôô et l E.'s flu tres j n ;" w:�.môe ' leur donnèrent le ' nom d e Hossoô e , de ln
' racin'é peu l e "Hos " , infini ti{ "Hosude" , im'Pliql1ti.nt l ' idé e d e "deveni r .
. .
..
presquE • • • ", e.ll. sens
: "il s ' en f" ilut de peu qu " ils devinss ent dogC'ns " .
de
. .

C et te coexis t ence n donn€ n� issnnêe � ' pour l es dogons � · à. un '1hterdi t


rigou reux et c�tép'oriaue , . le �ossoj o ( plu riel !'hos��.ô �-i : r , : un do'gon . ·�.e · cië f� _ " � .
23 .

jnmnis t oucher à un o bj e t qu i � été �nipulé p� r un kosooj o , fû t - i l un b i j ou


en o:f . De T1êp'G' , les l i eux s." crc' s d E:' s dogor: s s o - t ,�b s ol ur1" e n t int erd i t s r.Ux

hosoo o c .

Par c ont re , F1.1 1 Cun do€,:on n c sc..urr i t r i en refus e r 8. un kosooj o ,


S Ol' 8 pei!.1 e d e l e voi r 'D(né t rc' r chez l u i et tou t s ou il l e r pr". r son c on tnc t ,

ce qu i se r.�. i t Ir. ruine tot" le .

CI e8t fl v prè s d ' Ell( Ko sso'; o , r.otn hl e d e DODkombo (l U ' El H:->.à j Or.r'..r ,

bloqué d 'l.ns Hnm d f1 1 l r; y f' pC' r I ' n.nH�:' e d E' Bnl obbo et de Sidi , envoyn s o n n ev eu

T i d j nn i Aru1.dou S e �rdu ( Ch eiku T ià .i rtn i ) pou r re c ru t e r une 2.rmée en vu e de le


dé en.ger . C 1 { t � i t en 18 64 . Ellé Kosooj o , se r. ct t '"'-r t dev.--- r t Tidj rl.n i , pp.rti t
fai re l e t ou r . d e s fp. lni 8 0 s d e Br> nd i � f":"1 r r . • E n qll c l q u e s s erni ne s , il l ev� une

n rrn é e de c e n t mil l e combe t t � n ts qu -i r.rriv,� t rop tt' rd pou r s r.uv o r El Hn.dj . .

Orn.r".r , rais tri otlph". d e s es en n eI!l i s et rf pri t le c omri!."1 nd er ' f'·r. t dv Pf'.. � s .

L ' h égémoni e omfl rienne sur l e p f, ' l o 8 du 1'-" '"1. c:i TIn dur:'. d E' i862 à 1 8 93 .

A côté des j nn.wt"Lm � e d e v �;nu s " prps q uc d o gons " , exis tn i e nt d 1 �utres

j nawnrnoe nppel 8 s Nj n.lunkoooe . Ils é t ..... i ent , pon r I f} p lu p n rt , v enu s n u Mn.cina

p�r 10. vo i e du c e n t r r . • L eu r pri" c'; p� le €ITlip'r� ti0n f! erf' i t pn r t i e d e Nj nlurn ,


un ' peys' sup po s«! ' s e t rot1vcr E:n Afriq u E: ori c n .f- ...., l e , touj ours n o n l C"' in ou sur
les riv e s du Nil .

Ces j n�.wnmoe c omp t ,"I i en t beaucoup d e i è t trés � I l s é t ., i. ent fo:�ciè­


rernent mustllLl�.n s . Ils érli gr è r e n t r vec i n t e n t i o n d e r e t rouv e r I turs pr!.rent s

; qui · ...., v� ient su i v i l ' émi ,gTf'. t i on d ite.' de Oq bntp.. . Il s qu i t t ère n t 1 cur hé'.bitnt

sur les bords d u Nil et n r ri v p r f; nt' r.u Cr� irp vers 1 2 04 d e l ' h{ gire � I l s vin-

· ren t 8 Waedi l Uyuuni , pui s f"npn è rent l e prtys Hn.wsn . ( Sokot o ) . I l s cheminèrent
ju�qu ' à ' Tule-Wooyndu . Aprè s de n om br eux d é t ou rs et d e s chcI'"ins t o r tueux que

j e n ' ni pu r{ tr .:: , l i r, i l s fi.nirent pr' r se tror �f' r d .... l1 s l e Dal l::. ( pc.ys de

HOMbori � t D ou e nt z � ).
Ln t r i bu se s c i nd n en t r '- i s gro' · po s . Une pnr t i e c o n t ; nu � 8. . cultiver
- l es lettrcis arr bos, une Q1 J � rE s e li v r...... à l ' {; l evage, . et le t ro i s i èr. e groupe ,

enfin , se c o n s ,"".. c r? RU c otnm e r c e , - no t "-: I d:i ent . du s e l - geIDlT*c .


o

o 0
24 .

Av�nt d e t eTf'1 in e r c e t t e prer- i è re pqr t i e d e mon é tude sur . l ' o ri gi n e

l É gendn ire et ' i s t oria ue d e s nombreus es l!1 igrn t i ons , grpnd e s ct peti tes ,

d e s j nnwamô 0 , j e relaterai rr. pid ec- E nt que lque s I!laximcs ct proverbes , qui l e s

c oncernent . Ceux-ci c o uren t enc o l'è sur l p s l èvre s 9 no tam1!'E,nt d e s 11ut ocht ones

des · pc.ys �.n c � enn em ent souci s ,�.ux c orvû es et à ln tr. i l l € d e s j ?Ftwnr: o e durE'�nt

hui t l ongs s iè c l e s .

C es !:-:aximos s ont nombreuses. Je I F S ni i imit 6 es pour �e pn s t ro p

alourdir mon t ext e . '

Il vr� snns dire qu ' o l l e's ne redo"rent pa s l ' honneur d es jnp.watloe,


mE'. i s 'Ie l e c t eu r doit se s ouveni r q u ' e l l e s sont 1 t o x p re s s i o n du r'e ss.c n t imont

d ' un peupl e opprimé coro tre· s ·- n oppr e s s eu r é t r::npe r . IJ n e s ' Qgi t d onc · que

d ' un s eul " s on d e clo cli e" , c t · c ' e s t comme tel qu'i l f'"' ut 10 prE;nd rc .

;kJ. virul enc e des sfl.t ir€s contrE' l e s j anwnmô e n e l e s n d ' a i l l èurs

j ama i s nffec té s . A l ' i m-p étu o s i t { d ûs ,,, tt"".quûs d irigt es c ont rf' eux , i l s ont

't ouj ours : opposé un mépris S E'l�'blable à c e lui (lU ' un grr'.nd s ei tmeur. oppose à

tout ce qui es't vil " 'èt ID e s q uîn . · , ' .

· Les j n � \'Tnl'lô e .s ' en vo n t ln t �·t� �ftut e , f!n d i se.nt : ., " � ' ?J!1?re d ' un

rond de p� i l l e ne sQurr i t { cl ips e r ln lum i è r e du s o l o i l , m�m c s l. i l � � � s t

pas au z � ni th , et � p l u s fort e rn i s oY! s ' 5. 1 Y e s t " .

L ' u sa ge c�t pr r , r. i l l eurs C01 � r,� nt s e� Af� i q ue " qu e des e t hnies S E,'

cri blcr-.t mutuE;ller.lf'nt de . pnm'Pp l e t s cin f"J f?,. nt s , per.f oi s IP-êpç o rduri e rs . A�ns i ,

, . pour l e �mbara , un peul n ' .e s t qu ! "un foetus de s ept n o i s , un [1 v <? r t on qu e la

: vi e a c ons ervé' p::r cD.pri c� e t p ou r le plu s , gr�, n d malhGur de l ' ngricu1 ture " ,
ou enco r� : " un s inge ,rouge ,quJ a : aya l � sa qu eue .afin d� res s emb� e r � l '
: , ,
�omme " .
Et pour l e pev l , :' qu ' e s t -c e qu ' un Ba tr: bara , ' si�on "un rej eton� d e

guenon t ouj ours puant l ' odeur d u poulai l l er , o u c e J l e. d e la · termi t i � re " � .

etc •. • •
.

Heureus ement , la v i o l � n c � q.es. dia t ribes - que ,j e m ' excus e d ' avoir
. "-, '

ra,p"portées - s e noi.e dar s.. ] l }1 i 1 8 r i tF. q" .' e l l e s, , d éclenchent. Il faut dire é ga�
.
� ' ; .

l eI!l ent que tout se pas s e ent re gens q-ui o nt l ' ha b i tude e t l e dro i t mutu'el d e

s e plaisanter aux dépens l e s uns d e s autre s .


25.

A caté des satires, existent également d es appréciati� ns flatteuses ,

telle celle-ci :

" Les jaawam o e s e caract{ risent pa r un cou ra ge que l eur envi erait
un Prince Ardo . Ils s on t hardi s comme des bozos harponneurs d ' h ippopotames

au moment d r' s hautes eaux . Il s Sf"nt · aussi i ntr€ pid es et prompts qu ' une pan­
th �re-mè re à la chasse . Tenaces comme une mouche qui veut sucer qu elque
chose , ils ont un e intelligence si vive qu e leurs yeux . voient da�s l ' obscu­

r ité la pllH � o'"'E· q 1.1 e " .

Mêmp. s ' il arriva.it aux i aawamo e d e pratiquer un mé tie r qui , par


trs.di tion , fai t changer un h o:'·me d ' ethnie, j.ls d el '.eurent j aawam o e • T el le
.

cas, par exemple , d es j aawamo e . qu i ont 8 dopté , cop tre tou te attente , le
métier de forgeron au Ni geria et qui 8.1 1 raiAnt dû , traditionnelleme n t, cflanger

leur nom ethnique j v. awanndo pou r cel, J i de "bayl o " ( forgeron ) . Ils ' n ' en ont
rien fait et ont gardé l eur nom j aawaIT:.o e . Ils se targueJ1 t m �p�e d ' � t re d es

j aawam o e qui " font j aillir d e s ét : ncelles" . Voici l t expressi on q" 1 ils em­
ploient : . . '

" Nous sommes Bookum , jurant pa r la ' puissance '


d es parcelles incandeecentes qu i j 8 illissent
du fer cha uffé à blanc sous l ' action
de la ma ss e et d e l ' enclume " .

Quand l e s futankoo o e ( ful aphones du Futa-T oro ) qui avaient suivi

dans son exod e Amadou C h eikou, fils d ' El Hadj Omar f't Roi d e S é gou , se trou ­
vè rent pou r la première fois en nré s ence de j anwamo e traveillant l e fer ,

ils 1 e � pla i san� èrent en disD nt " Bookum faa pette nyaara " ( " BoQkuIQ. ju,squ' à
, . . '

ce qu' il en j a illi sse d es é tincell es " )


Je considère , pe rsonnel 1 en', ent , q ue c ' est l eur intelligence q ui per­

mit à ces j aawarr o e , sépar� s d e; l eur groupe At i sol é s q.ans U? pays qù ], e s . for­
gerons étaient tabous et gagne.i ent heaucoup d ' a rgent , d l adopt.er 1Jn métier

impropre, sinon ind igne d e l eur ethnie .

o 0
26.

M A X I �1 E S E T P R O V E R B E S

A L t IJ G A R D D E S J A A W A M B E

1 . Les vi eux o s crâni ers du ,j aawannd o peuvent enc ore ; par ' l eurs mal i c es "

et ' malé fi c e s , ca s s er un vil lage .

2. Si un ,lion et un .j aawanndo s e pré � ent.ai ent à ta ' port e ,

ouvre-la au l i on plu t8 t qu ' au j aawanndo .

3 . : .Si , d lune manière ou d ' l ' ne au t re un j aawanndo s ' int rod" i sait dans

t O,n foye r , tu e .-l e plu tÔt que 'de l e laisser en s o rti r .

4. Le j aawanndo e s t t out c omme la fi ent e du bovid é . Le ' des su s t e parait

� ee , alors q�e l ' int€ ri eur re s t e 'humide ( dOl.1 b l e fac e ) .

5. Si le j aawannd o t e prQpo s e . s on amitié , ne t e d é c id e à l ' a c c e pte r


qu t après avo ir tla�7é ton l ince" l et du se.von pou r ta t o i l e t t e mortuaire .

·6 . Parfois l e j aawanndo 1 e p r é s pn t e le ciel 'comme é tF! nt la: t erre el

celle- ci c om�e étant 1 e ci el .

7 . Le j aawanndo e s t le c on t raire d e la Tl l. ch e . "son miel e s t à l ' entré e


è t s'e s abe i l l e s àu ·tréf�rid .

:
8 . Seu ls l es j aawamo e savent s e' t enir é troi t err ent ( entre �ux ) ', t out en ' !" " .

,. • •• � ,'"f .�-
se haïs sant atro c e� ent .

9 . Il n ' y a pas un j aawanndo qui ne ' p i è ge l es hommes comme l e s gamins


piègent l e s oisil lons .
27 .

10 . L ' ext é r ieur du j aF' wanndo est plu s alléchant qu' un met s dél ic ieux ,
mais son intérieur est un e poche à venin qui tue à. pe tit f eu .

Il . Le j aawanndo , telle l ' ne monture traît resse , j et t e à terre sans c rier

gard e 0

12 . Le r ire et l e pleur du j aawannd o sont si semblables que tout autre

que lui-même ne saura it l e s d ist inguer .

13 . Quand le j aawanndo dit - il la vé rité ? La nuit et l e j our se l e


d emandent e n vain e

14 . Quand un l ion t ' embarrass e , envoie-lui un peul , et quand un peul


t 1 embarrasse , envoi e-l u i un j aawanndo •

..

15 . L ' opinion avantageus e que chaque j aawanndo a d e sa propre � ersonn e


par rapport à ses congén è re s j aawam o e est telle q ue le plus vauri en

d ' entre eux ne cède ra it poi n t le pas devant le plus valeureux.

16 . Etre j aawannd o , c ' e s t savoj r s' informer discrè t ement sur tout es
choses e t sur t 01�t l e D:onCl e , et feindre de tou t ignorer pour m ieux

exploiter la si tua t ion l e cas é chéant.

1 7 . Allâh a vidé l e coeur d u j a� ",Tanndo d e la peur et d e la t irr. i d it é.

18 . Le coura ge (lu ,i f:l p..wannd o n ' a d ' é gal que son effronterie .

19 . Les revers et la sOllff rance TI ' aha t t ent pa s un .i aavrannd o qui


ch erch e sa revpnch e .

Enf in , un prov erbe cré é �a r l es j aawamo e eux-mÔm e s dit :

2 0 . Le mal du j aawanndo se t rouve D u-deda.ns d n j aawanndo lu i-m�me .


2 8•

. .:

N O T l C E S..

. sur les récits trç.d itionnels relatifs . à .


l ' apparition des yettoore

-0- '
29.

1 - B O O K U M

Mahmuudu , fils d ' Aqiilu , fils de Jandal ata , avait grandi avec les
enfan ts de Buut orin. ; Il doit s on yet toore Bookum au fai t qu ' il envoyait
pêle-mêle l es emplettes qu ' il réalisait pour ses allié s . c ' es t-à-d ire
Helleere et ses frères .

Je me suis suffisamment ét endu sur Mahr.-,uudu dans la preI'iÀre partie


de c ette · �tude ( p . 7 et suiv . ) pour revenir enco re sur c e suj e t .

Le yet toore a pour explé t if : "maaradu" . Pour l es uns , il s ' agit


d ' une c olli�e de Heli ou de Yooyo au pied de laouelle se t enait un grand
m�rché où Mahmuudu Aqiilu s e r endai t fréquer�ment . Pour d ' autres , maraadu est
un mot composé à part ir de la r8.cine verbale de l ' infini tif peul "marde " ,
qui signifi e "posséder" v et d e la. terrniflaison "adu" , impératif du verbe
"adude" qui signi.fie ramass er" . Maaradu , s elon cette interpré tation , s ignifie
donc "amasse et garde" .

Cette explica.tion est ple�' sible , du fc i t que Helleere et s es ' frères


laissaient tov s leurs biens à la d.iscrétif'n de Me "!luudu .

Quoi qu ' il en soi t , l es Bookum ont la préséance sur les autres


j aawamô e auprf' s des peuls .
30 .

II - D A W

L es j aawamô e Daw d e s c endent de Suleymane , fils d e Bayya . Le

vrai nom de c e Bayya é t e_i t Ibrahima ( Bureyma , Bareema ou Baraahimma ) .


·
Sul e:rn'1ane s ' expat riA. . Il resta · longt em p s hors de s on pays et ,

l orsqu ' il y revint , i l se t rouv8.i t 8. 18. t ê t e d ' un e fortune considé rable .

Ses c onc i t oyens s e m irent à le c ourt i s er en rai s on de sa fortune . I l fai sait

d es cadeaux c or sidérable s aux hommes et aux fenu;: e s , ' c e qui l e rend i t très

popula.ire . Dan s c erta i.r e s fam i l l e s , a u x r eures des repa s , on ne pouva i t

s ' emp�cher . d e parl er d e Sul e��an e parc e . qu ' i l .ava i t a i d é .à a che t er s o i t

l e s c éréal es , s o i t l es co�' èI imen t s ayant s ervi à préparer l e repa s .

La popularit é de Sul eY1l1ane � qui av�·i t comme ncé par n ' ê t re qu ' une

réputat i l" n publ ique , . . s ' introdp i . s i t peu à peu . j u sque dans l e s roc o :Ln s l e s

plua intime s d e s foyers .

C ombi en de femm es , en s e ret 0urnant · la n1J it dans l eur l i t , ne

prononçai ent - e l l es le nom d e Sul e�'lD.ane Bayyp' , le j aawanndo magnanim e qu i

nourrit s e s rivaux et dont l es s i ens ne manq uen t d e 'ri en ! La p i l eus e d e

mi l chanta i t s es l ouange s . Les ,j e' )nes fill e s , RU clai r d e lune , n ' ava ient

de voix que pour ch.ant er les Ji' é ri t es du va. leu r�ux fi l s , d e Bayya .

Il n ' en fallut pa s davantage pou r q u.e d e s j eune's gens j al oux en

pri ssent ombrage . I l s d é c id èren t de prend re Su l e�'.tDane à part i e .

Leur int ention s ' é tant é bruité e , un c o� s ei l d e s an c i ens s e réun i t

pour fai re ent endre rai s on aux j eune s chafTiné s . Qua,nd l e c o r s e il fut au

c omplet , on f i t venir les j eun e s gens , ains :i. qu e Sul eymane .

Le doyen , s ' adre s s ant aux j eunes envieux , l eur d i t

" C e n ' e s t point e n bat tant , ou mêlT' e e n tuant SU leymane , que vous

arriverez à c ont rebalanc er sa réputation , mai s c ' e s t en lui d eman dant

C OIDY'ent i l s t y e s t pri s pour acqu érir la fo rtune qui lui v�u t nuj 01.1 rd ' hui

. la faveur populai re , e t en e s s a �'ant de faire mi eux que lui " .


-, 31 .

Sul e ymane n' att end i t ' pas d ' être int e rropé pour répondre . Il dit

" mi daw "

( daw e s t la rac ine d e l ' i nfini t i f du verbe peul " dawde" qui s i gni fi e

"voyager" ).
�u l eymane ayant d i t " m i daw" ( " ,j ' ai voyagé " ), le mot " daw " par

l equel tou t le m onde se m i t à l e sa ll ' er p t à le congrrttul er d evint s on

yet t oore , qui s e t ransu i t · à s es d e s c endant s .

D e puis l o rs , l es j eunes j aawamô e ont pris l ' hab i tude d e s ' expa­

trier pou r fa i re fortune .

Pour fla t t e r un homme du c lan Daw , on d i t

Daw ! dawaali bonngol

hii rndaal i laaliingo l .

Daw ! n ' a pas vo yagé pr.r un mauvai s rra t in

ni par un soir improduc t i f •

..
' 32 .

III - N J A A D E

Seydu éta'it l ' un des d escendan ts ' de M�uudu , fils 'd e Aqiilu ,
fils de Jandalata . I l engendra dOl' ze garçons , tou s bee.ux c omme la 'pleine
lune . I l en était aussi fier Q,11 è Jacob le fut dé S8. progéniture .

Un j our , les garçons vi nrent demander à leu r père la perrissi on


de s ' expatrier . C et te coutume é t t =IÎ t devenue courante chez les j t:l.awa�f> e
depuis · l ' aventure de Sulè��ane , fils d e Ba�7a , qu i donna le yett oore Daw
à ses descendants .

Seydou , crai?Ilant l e pr-tuvais' oeil et ' la malveillànc e humaine ,


refusa à ses fils d e l eur donner �on autorisati nn et sa bén�diction . Les
j eunes gens en furent fort affli gé s . · Ils confièrent l eur peine à un
parent plus âgé qu e l eur père , e t lui deD�p.nd èrent son intervention moyen­
nant un bon rati de mOll ton .

Quand les j eunes gens servirent l é mouton ; b i on préparé e t assai­


s onné comme il faut , le vieux manda Sevdu et l ' invita , avec quelques autres
amis , à partD.fer le r8t i avec lui .

A la fin du repas , le vieux dit :

"Seydu , mon frère j e voud rais te dem�,nder une faveur . Je s erais


heureux de l ' obtenir de toi .

- 0 mon frère Co�ent penses-tu oue j e pourrai s te refuser


quelque chose , dit Sevdu . Dis ce que tu so,'hai tes , afin que je le réalis e
avec empres sement . Si la chose est au niven,u de mes moyens , tu s eras comblé
avant deux battements de paupières " .

Le vieux dit :

"T es enf�m ts t ' ont d emandé ta bénfdict ion et la perrr:iss ion de


voyager en vu.e d ' amasser qllelques biens qui augmenteront le patrimoine .
33 .

" T u n ' as pns été fpvorahle à leur proj et . Je voudrai s que tu

revien.l1 eE:! sur ta décisir, n . Bénis. tes fils , et laisse-l es p?.rtir de par l e

monde . Un horrmc q u i n ' a pD S voyagé e s t u n horrœ: e q u i n'f'. rien vu . C ' es t donc

un avep gl e a u x �.reux ouverts.

" Etre casani er porte bonheur à la f errm e . 1\1ais la chance de l ' homme

se trouve dans la plante de ses pi ed� � elle e s t attacb ée ·à son ta lon ".

Sé ance ten.?.nte . Seydu fit venir ses dou z e enfents . Il l es bénit

et l eur " donna le. rOl l te " en leur disnnt, en R'Uis� de dernière r ec ommanda­

tion :

"N
j aade gooto gooto , mea didon didon

maa taton taton " .

- "Al l e z un à un ou groupe z -vous , .

par deux ou par troiE;? Il .

Le vieux répliqua

"Non ! "N
jaade " ! �' " a l l e z ensE;mble " .

Ce mot devint l e yettoore des j aawamôe descendnnts d e S eydu ,

petit fils de Mc'1.hmuudu , fils d ' Aqiilu , fils de Je nda lata, l e Yéménite.
34 .

IV - y A.T A S A y E

Douze petits fils de S eydu, né s d'un de ses douz e garçons - ceux­

là m8mes qui ave.ient -yoyagÉ- ense�, ble - voyag èrent à. leur tour . Ils amassèrent

Qeaucoup de biens .

Au morr ent de rentrer dans leur village, i ls dé cidèrent de faire

montre de leur fortune . Ils firent défiler leurs troupeaux, leurs bêtes de

bât chargées de � archQndises, leurs cnpt ifs port e urs de lourds colis .

Qup.nd leur tour fût venu , ils se d.éployèr� n t en ligne hori zontale,

fnce au village - Ils l::�rchèreI'1t fièrement, en se tenant Pfl.r la main.

Les habitants, qui f\.va i.ent é t é alert és ' par l'entrée en ville des

prerriers convois, sortirent pour voir les douz e com��gnons .

r
Une fois arrivés au villa ge, ceu x-c i se rendi ent sur la �lac e


publique pour y recevoir l es salutations e t s uhai ts de ' bienvenue d e leurs

concitoyens .

La foule se �i t à clruner', en signe d'approbation

" Yaadu-sa�re"

ce qui signi fie : " la ID2rch e ( défilé ) fut be lle ! "

A partir de ce j our, les douze peti ts fils de S o��u port èrent le

yet toore " yaadu-saye" qui, par corruption de..ns le temps, devint yatasa ye .

Ils cessèren t de porter le yettoore dE: leur père, qui étr-i t ttN
j aade " .

Les j anwamoe Yatasa ye g2.rdèrent 1. ' habi tu de d e narcher fièrement .

Ils devinrent les plus coquets des j aawamoe . Cette coquetterie, avec le

t emps, finit par fDi re d 'eux des t éméréd res qui affror t ent le danger avec

sourire ct I!lé�ris .

Il nous suffir�, pour illustrer la ha rdi esse parfois imprudente

des yntasaye, de citer leur conduit e lors de la rencontre des troupes

toucoulcures et des t roupes frp nç� ises à Mayel ( cercle de Ka�res . )


35 .

I l s ' agis sai t de délivrer co� te que c o�t e la famil l e d ' Amadou
C h e ikou , fait e pris onni ère à la prise de Spgou .

Pa.rmi les combattcnts toucou leurs enJoyé s figuraient d es auxi­


liaires j aawamô e , dont trois cents du clan yatasaye , commandÉs par Nyalli
yatasaye .

Le s troupes toucouleures se trouvèrent en fac e d ' un ennemi I1::ieux


armé , mieux discipliné et , surtout , mieux com�andé .

Malgré l ' incroyable brpvoure dép10yée par l es soldnts toucouleurs ,


la partie fut pe ràue pour eux .

C ' est alors que Nyalli Yatasaye deTIanda à. tous les Yatasaye pré­
sents au conlbat de nouer , les uns avec les rrutres , les cordons de leurs pan­
talons . Il d ev(·na i t dès lors izrpossi bIc , à aucun d ' eux , d e fuir devant
l ' ennemi .

Ils formèrent ainsi un rempart qui pe rmit la retrai t e des survi­


vants de c et t e j ourné e cé lèbre , mais catp.strophique pour l ' armée t oucouleure .

Âucun des trois cent s Yatasaye ne fut épargné pe.r les sabres - des
t irailleurs d ' Archinard .

Quand l ' armée toucoul eure reg� gna Nioro ' où se trouvait Amadou
Cheikou , c elui-ci fut grand ement émù de tant de dévoucrr.cnt , de ln part de
gens qui é taient loin d ' être les �r8nds prébendiers du régime 8

Les yeux baignés de ln�es , AFnd ou Cheikou pria avec ferveur pour
le repos d es âmes de ces trois c ents i eunes hommes . Il leur déc erna l� t itrc
glo rieux d e mnrtyrs . I l demanda qll ' Allâh assistât jusqu ' à la fin d es temps
le clan Yatasaye et fasse d e s os hommes les plus riches et les plus consi­
dér�bles des j aawa�ôe "

Cet t e prière , prix du sang, semble exaucée , car l e s Yatasaye comptent ,


parmi les j aawamô e de nos j ours , des horrçes d e premier plan de..n s t outes les
activités humaines de notre époque .
36 .

v - G À �1 }! B l

Le yettoore Gammbi e s t l · un des plus ré cents parrr:. i les yett o o re

de j aawamôe . On le doit à Gidaaâo Jonkunnda .

Ce giâaaâo quitta son pays , parce qu ' il n ' y trouvrtit pas un champ

assez vaste pour y exercer ses int rirues et son pench�nt belliqu eux .

Il ét�d t plus bat:lilleur qu·' un cr i en enragé . Il lui fellait davan­

tage que les p etites qu e relles surv�nrnt entre gens du m�� o villag� ou de

même farilln . Il partit donc à l ' aventure , avec l ' espoir de t rouver de quoi

rassasier son hu� eur.

Seul , le brigandage pouvRi t cp.lmer 1 es nerfs de Giâa.a âo.. Il s ' y

adonnR avec la fougue . (l ' un étalol1 débridé .

À lui seul, tel un grand élé phant solitai re en furi e , ' il sema la

terreur parto.ut sur · son ch er'lin 0 Il 2. t t eigni t finalement un pays bien boisé

et arrosé par le fleuve Gayobeele ( Gp�bie ) . Il chotsi t un repai re dans une


forat touffue où les épine s é t(lient comlr'e de m inuscules baïonnet tes .

Il s ' installa d�ns cett e forêt . Il n ' en s or ta i t que pour raz zier

et chasser du gros gibier pou r sa nourriture c

Giâaaâo rn� zin u!".e r. .�.�:� '-3 j2:trtie des boeufs d1.'!. pays . Il qui tta la
Gambie ct vi.nt se fixer à Biiba , au cilieu des ILarkas du clan Saa ko .

Pou r le .dist ingu(·r des autres j m:.wamôe et peuls , on l ' appela

. nI ' homme de Gp,mbie '.' . Ce no� fini t. p�r devenir son yettoorc ;· ainsi que celui

. de tous ses descendr-' nts :>.

Les Irots " Sa8ko-Biibn " devi nrent l '·explé tif de Gambi , e t le

yett o or e emphatique devint : Gt:.r-b i - Snako - Biibn. .

On donne auX ' descendants de Giâa aâo le p s eudonyme de Palinkooôe

- ce mot vient de l r infiniti f peu "faln.ade " · ( se mettre en travers de ) '- et

cela pnrce que Giâaaâo se met t � i t en trr·. v€rs d e :::- rou tes des C OIIUœ rçàn t s et

des pist es de t renshUIl"-a.nce , afin de raz z i e r ce�' x ql) i s ' y engageaient .


37 .

Hampâté Garrbi , d esc endant de Giaaaao , é ta it en 1 908-1 92 5 un grand


agent de la !{.'l is on �iaurel ct Prom , à. Ba!.'ako . Il j oua un gr�_nd rel e en faveur
de Tierno Siidi Sibi , l ors de son d ifférend av ec �ramoko Tall à propos d ' une
théière . C e diff?rend fut ln source du confli t entre les membres de la sectû
Tidj ani d ' obédienc e dite " onze grgins" et c eux d ' obédience dite " douze
grains " . C ot t e triste affa ire c oûta le.. liberté et ln vie à plusi eurs per-
' s onnes , dont le Chérif Hama11ah , déportÉ en Fre.nce où i l n' o'" rut en 1 943 à

Montluçon .
38 .

VI - N J A A Y

Le yet toore Njnaye est d ' origine ouol o f - Il correspond au Jara


des Bambe.ras .

On doit ce yettoore nu nomt é Seydu Yuu sufi , à 1[1. sui t e des cir­
constances s, ' ivnnt os

Seydu Yuusufi habi tait un village appelé Duwalle , non loin de


Guédé dc?ns le Futa-·Toro . Il étr.i t lHlrch8nd de son étqt .

I l planta , à l ' ent ré e de SD. ;' aison , un arbrE: que les peul s appel­

lent "nduballeewi " ( 1 ) . L' arbre gr� ndi t et se Ill i t à donner t oute l ' année
des feuil les vertes qui répendent par terre une o�bre épai ss e , et dans l ' ai r
un e odeur d e s plus ngr€ables .

Seydu Yuusufi , pour s ' éviter la peine du va et vi ent entre sa mais on


et le !Tnrché du village , prit l ' habi tuè e de s e U'.ettre à l ' oI!lbre de s on
nduballeewi pour offrir aux pa s s nnt s ce qu ' i l avait à vendre , ou l eur propo­
s er l ' achat de ce dont il avnit besoin -

Seydu ne cessait de crier régulièrement , pour att irer sur son é talage
l ' attenti on d es passants :
"nj eeygu anni "
c e qui signifi e en peul : "voici à vendre ! "

On finit pnr l ' appeler Nj eeygu . Ce mot devin t Nj any , et cons ti tue
finalement l e yettoore des Seydu Yuusufi .

�. légende est :-" uette quant au point de savoir corrment les autoch­
tones du Yoolof Sénégal en vi.nrent à adopter N,i aay c orrme yet toore , et comment
la loi d l équivA.lence fai t que Nj a ay chez les Ouolofs devient Jar[l. chez les
Bambaras .

( 1 ) Arbre à palabre , qui ne perd j amais ses feuill es , devient très grand et donne de
l ' ombre t ou te l ' anné e .
39 .

VI I - N J l M ( duballe )

u� d e s petits fils de Seydu Yuusufi � norn� É Ibrahiima ( Bireema )


Muusa, qu ' on ap"pelait IbrahiiIl'al Rashiid pour l e di stingup.r d e s autres

Ibrahiima. d e son village , planta un nduball eewi , tou t comme l ' ava it fai t

s on grand-père Seydu Yuusu fi.

L ' arbre gr,':l,ndi t . Ibrahiima prit l ' ha bi tud e de se mettre à son


ombre pour réci t e r l e Coran ou t i l av? it appri s pa r coeur.

Bireema é ta it pieux et très charita ble . Pr,ur plai re à Allâh et


méri t er sa misé ricord e, il ins talla u n grand vas e en terre cuite au pied d e

s on nduba l l eewi . Il l e remplisr.ai t d ' eau . T ou s l e s passant s pouve.ient étan­


cher leu r soif avec cette eau p merci . O r l ' eau étai t l ' une d e s ch oses les

plus rares . Il fallait aller la ch erch er à plusi eu rs kilomètre s du village .

Bireer'a Muusa vivai t au milieu d ' une tribu Il1arka . Quand ceux-ci

croi saient Bireema , ils disaient, en gui s e de reconnai ssance et de reE er­

ciements :

" Nj i Duballe"
ce qu i si gni fie li.tté ralel!.ent : " eau du Duballe " .

Les d escendants d e Bi reema f uu sa ad optè rent " Nj im Duballe" comne


yettoore •

..
40 ..

VIII - D E E M B A

Haam:i:iilu, fil s d e I sa , du clar.. j aawamo e nj aayinkoo o e , C l e s t-à-dire

les d e s c endants de Seydu Yuu sufi de Duball e , engendra d eux garçons , qu ' il

bapti s a Maalik i et Usroana .

Haa.miidu mourut en lai s sant une t rè s grand e f ortune , d ont s es

enf8 nts r É ritè rFn t .

Maa liki décida d e s ' en ferr'er cl e z lui c or:me un h e rrr i t e . Il c es sa

t out trav�li l et t ou t e vi s i t e à qui o u e ce so i t .

Quand s es at� is lui c onsei llaient cl e sortir pour a l l e r t ravai l l er

afin d ' auf'I!lent er s es b i ens , il répo'- dai t ironiqu e' ; ent : " Pourquo i t ravai l ­

l e ra i s-j e pour augmenter l ' inépu isable ? C e q u e j ' a i de mi eux à fai re , c ' est

d e re s ter enferm é chez D" o i " .

E t s e s arl' i s , non moihs goguenards , lui ré pondai ent

" darnba lt
Il
Cl est-à-di re : enfer;y: e - toi ! " •

C e mot , t ransformé à la 1 0 i s par c orrupt i on et pa r é ph oni e , changea

sa première vO:Tel l e " a " en " e e " long et d evi.nt " D e emba ti , qui r e s t a le yet t o ore

des j aawamô e d e s c endant s de !'�aaliki 9 fils de HaamiidÜ1 fils de I sa , fi l s d e

Seydu fil s d e Yuusufi .


IX - G 0 L F ·A

Usmana lBàami idu 1 frè re puîné d e Maa l iki H aam:i:bto., ava i t , c omme

celui -c i , héri t é d e s o n père Haami idv Isa une imp ortante for tune . Au l i eu

de s ' ènfer"" er COIDP'€· l e fit s on frè re en refus ·-: nt t ou + c o�···merce avec I l ex­

t é ri eur, USlT'.ana ouvrit lfl.rgem ent l es portes de sa d e:· eurè . Il d i s t ri bua sa

fortune c omme s i e l l e é t Di t inépu i sable .

l"·n mat in , i l s ' ap erçut que ses sacs e t sach e t s é ta i ent vid e s . Ses

greni ers ne c on t enai en t plu s ri en , pa s m �l"1 e un e ·0 esure d e gra ines ou de fa­

rine . Le la i t ne rui s s el a i t plu s dans les grpr : de s c a l eba s s e s ni les g rO s :=: e s

gou rd e s . Le m i el ave i t t ari d e r canari s spéciau x où o n l e c on s erva i t . La

pauvreté f i t la s entinel l e à sa porte . Pers onn e ne la f rp nch i ssai t p lus ,

parc e q u ' USlT.ana n ' avE' it plu8 ri en à d onn er , pa s m ême un cauri fê l é , pa s !p.êt� e

un bo' o bou râpé ou un panta l on rapi é c é .

S e s c ourt i sa ns l ' aband onnè rent , t el l es d e s abeil l es fuyant un arbre

sans fleurs .

Usmana De sura la pro fond eu r d e l ' ingrp t i tud e hQmaine . I l c ompri t

c orr,bien un h omme d o i t ê t re prévoyant .

Un beau � at in , Usmana pa r t i t de s on v i l lage c o�me un vo l eur , sans

avoir confié s on s ec re t à personne .

On en pro fi ta pour fa ire courir d e s brui t s malveillan t s sur s on

c ompt e . C eux- l à mêm es qui l ' ava i en t aidé à d i lapider sa fortune en vains

cadeaux et d é p en s e s inut i l es furen t par·' i ses d é t ra c t eurs l es plus v i o l ent s .

D ' aucuns par.1i eux d i s a. i e n t à qu i vou la. i t l e s é c ou t e r qu ' Usmana


Haamiidu n ' é ta i t qu ' un fat. Il ava i t vOl}lu ê t re plus géné reux que l e c i el qu i ,

quo i que pré s en t en t ou s l i eux n ' envo i e pas s e s plui e s partou t . I l n ' ava i t eu

qu e ce q u ' i l méri t a i t !

" Il a fui , s outena i en t d ' aut res , parc e 0B-e s e s d e t t e s s ont plus

nOrlbreuses que l e s p o i l s et l e 8 C1" eV6UX de s on c o rps " .


42 .

Quant à Us r ' ana Ha8 rniid.u , il se rend i t dans un pB.yS où pers o nne ne

l e c onni-' i s s a i t . I l s ' employa aux trav,'"lux les plus durs � et m êr · e à c eux que

tout j aawanndo c onsidfre.it C Ol1�me dé shonoran t s , par exempl e vendr e d e s poul e t s ,

du boi s Dort ou d ë l ' eau S1� r la pla ce du marchE!: .

Mai s Al lâh t in t c ompt e d e s lar�essee O lJ ' USmana prodigua à quelques

malheureux . I l lui ouvrit l es port e 8 d e l ' abondan c e . En l ' espa c e de d i x ans ,

Usmana acqu i t une fortune plusieurs dizaines d e f o i s plus c onsidérabl e que

c el l e qu ' i l aVé1. i t hé ritée et dépens é e sans c ompt er .

Il revint dans son village , alors qu ' on l ' avp i t ent err� dans

l ' oubli de l ' ingra t i tude .

C eux qu i ava ient j adi s l ' h ab i tud e d e recevoir de lui oubliè rent

l eur n anC1 ue de re conna i s f',anc e . I l s avalèrent hypo c ri t e�, ent l eurs mé chantes

langues . Il l eur en pous sa d e nouvelles , plus " ie l l é e s mai s enc o re plus

perfidef; qu e les pré c é dent es .

UsmanB Haamiidu ne S I y lai ssa pas prendre . �l ferR.i t l e b i en ,

c e rt e s , mais i l sal� rai t c orr::'", � ent e t qua.nd l e fa ire , e t surt out à qu i . l e f[l,i re

et pourquoi .

Un j ou r , tou s le s fla t t eurs d e s on v i l lage s e c onc ertèrent pour

aller congre. tul e r Usn"ana Haamiidu de son heureux retour au pays natal .

Usrnana les reçut . Il s e pr�ta le pl" s aimabler: ent du m onde à t out es leurs

questions , flui ne s e rapporta i er t ql" � l ' é ta t de sa nouvel l e fo rtul" e .

Tous s e mirent à 1 0 flr tter en c riant bien hBUt s on yet t oore


Il
" Nj aay ! Nj aa y !

Usman8. int errompit la clameur . I l dit :

"Fils de ûa mère ! 0 mes frère$ et c o :", ci t oyens ! C roy:e z-rr o.i , on ne

marche qu ' une fois sur l e � bourses hernieuses de l ' aveugle . Il l e s met tra

à l ' abri avant qu ' on ne vi enne l e s fouler aux pieds une s ec onde fo i s .

" Ains i j e suis revenu , nant i d ' une fortun e c onsid é rp bl e . Je ne l ' ai -
point ac qui s e en qufIi1anda� t , rais " j ' ai t ravaillé j usqu ' à • • • " ( expre s s i on qui
s e dit en pell l : "mi gollu faa " ) �
43 .

Usrr ana n ' eut pas besoin d ' achever sa pens é e . Le s qU fmandeurs

c ompri ren t . I l s retournèrent en vi l l e en d i sant pa rtou t qu ' U smana é ta i t

d evenu un p ingre e I l avai t a t te ché au t our d e s on C OD sa main j ad i s l onfUe­

ment dépl oyé e , et quand on lui d emand8 it un p eU d ' a rgent il ré ponda i t :

"mi gol lu-faa "

Depu i s c e t év{;nemen t , on n e prononça pl1.1 s l e p rénom d ' Usmana san s

y aj outer : go l lu - fa . C e t t e expre s s i on d evint " G ol fa." et fut p o rt é e cornE e

;re t t oore par l e s d es c endan ts d e Us mana , f i l s d e Haam i i du , fil s d e I sa , fil s

d e Seydu , fi l s d e Yuusufi , du c lan d e s j aawamb c Nj aay .


44 .

X o t XI - B A S U M ET S A A M

Le n om� é Bayya fil s d e Al i , et s on frè re d e même père app e l é

Muusa , a ppart ena i €nt au clan d e s Nj aayô e-duwal l e . Un j our , i l s pa r t i ren t

en s embl e v " i r l eurs t roup e �ux .,

PondE nt qu ' i l s c on t er.pla i ent l eurs bt t es , �n grE nd feu d e brous s e

s ' alJ.�e . •

Ba yyé' A l i e t s a n frère s ' a ppr ê t è r en t à c ourir p o u r é c hap p er aux


flari�m e s qui m enaçai ent d e l e s en c ercl er . Br' yys. A l i , C ODT.. 8 c e l a a.rrive s ouvent

aux afri cains qui veul ent all e r t rè s v i t €: , ô t a s on grand pan t a l on afin qu ' i l

ne s ' enf l e p a s sous le vent et ne l e f!�ne pa s dans sa COl' r s e � e t l e port a

sur ses é paul es .

Les d eux frè res s e r.': i r cnt à c ov rir à t o u t es j amb e s , e t pur ent ains i

é chapp er al} feu "

Bayya Al i s ' aperçut alors qu ' i l n ' avai t plus s on pan t a l o n sur s es

é paul es . I l d i t à s on frère : " Où a pa ssé mon pant alon ? Je ne l ' ai p lu s .

Cherchons - l o . I l est "peu t·- ê t rf; t ombé " . ( C ette expres s i on s c d i t en ful fuld e

" ba saarn " . Le mot ba c p t u n pronom , t fm8,n t l i eu d u m o t " pan t a l on t ! : tuub a- ba ) .

Bayya et �-1uusa s c m--


i rent à ch erCf' c r 1 e panta
. 10n . I l s r e t ou rn è r en t sur

l eurs pa s , j u squ ' au l i eu d ' où i l s é tai r nt p a r t i s . I ls ne trouvè rent aucune

t race du pantal on .

Muusa d i t à s on f rè r e : " Voi s COffi!!: (; t 01:' i- a flambé au t ou r d e nou s .

Sûre" ent , t on pantalon a é t é c on sli r.�é p e r Ip feu , c ' e s t pourq uo i nous n ' en

t rouvons aucu ne t rac e " . ( L r ex p r r:-· s s i n n " l e pantalon a brûlé " s e d i t : " ba-sum " ).-
Ba yya A l i , ql..1 Î d 0 s i rai t absoluIT. ent ret rouver s on p an t a l o n. , no voulait

pas en t en d r e s on frère d i re qu ' i l avpi t brûl é . Aus s i répl iqua- t- i l : " il est

t ombé " - " ba s aam " .

Muus a reprit avoc fo rc e " Mon frère � n e t e l eurre pa s . I l vaut m i eux


45 .

e s s ayer d e t e pro cure r un aut re pant a l on , car c e lu i qu e tu ava i s

s u r l e s é paul es " a brtî l é " - " ba- su!D " .

Or, l ' am ou r-propre d e s j aal-TarnÔ e e s t d ' un e sus c ep t i b i l i t é t e l l e

qu ' un m o t de r i e n � u n pet i t a i r d é sa ,OTéa ble , u n s impl e ric tus pa r réflexe


p eu t d é clencher une c o l è re , vo i re une fu ri e � q ui peut aller j usqu ' à. l ' a ssas­

s inat .

Un prove rbe d. i t : " C h e z l es j a[.l wam ô e , ri en n t e s t p e t i t , rien

n ' est rrand " . C ' es t-à-è i re q u ' on ne sait j arai s c e qui va t i re r , ou non ,

à cons é qlJ. en c e .

C ' es t ainsi qu e Ba�';ta Ali , S 01 ' t enênt " ba-saarn " , e t s �n frère

Muusa Al i , s ou t cn8.nt " ba-sum " , s e broui l l è rent c t se s éparèrent .

Les d e s c endant s d e Bayy� Al i pri rent p our ye t t o o re " ba-saam" ,

qui d evint " Saam " , e t c eux d e r·1uusa pri rent " ba-slli'- " .

Les B a SUI , s ' adonn è rent ·� ux é tu d e s . I l s c ompt en t beau c oup d e Ii'ara-

bout s .

T i erno D o oro Ba s um , m o rt vers 1 94 0 [:1. Dar-Salam I3amako , é ta i t du

c l an Basum . C ' é t a it un grR nd l e t t ré , a t tach é à 1 8. farr i l l e de T i crn o S i d i

Abdal lah e t T i ern o T i è i ani Abda l lah , tous d eux (' rand s r' a ra b ou t s d e l ' o rd re

T id ,i ani , o b é d i e n c e " on �z. e �rains " .

D o o ro Ba SUl�' j oua un {1"ré:' l1d rôle dans l ' a f fa i re d i t e d e l a " be. rrad "

qui fut l e p o i n t de d é part du d i ffé rend qui oppo s a Karamoko T a l l et T i erno

S id i Abda l l ah . C et t e c o nt e s ta t i on :, q ui ava i t p ou r obj e t un e " ba rrad " ( thé i ère ) ,


dégénéra en oppo s i t i on reliei eu s e ent rE'? l es t enan t s d es " on z e gra ins " et d e s

" d ouz e gra ins " au sein .


d e ln T i d j an ·a , ' cœTe n ou s 1. ' avons ind i qu{ d a n s la
notice V .

Les Saam s on t ré pu t é s e s pri t s i ngé ni eurx e t ent reprenant s . Il s réus ­

s i s s ent aus s i b i en que les Yatasaye clans l e s [' ffa ires .

Les Saam ont la pré séance sur l e s BasuF , parc e q u ' i l s d e s c e nd e nt

de Ba�Ta Ali , frf:.re a!né de r1u u sa Al i .

Leu r ancê t rE e s t S e yd u Yuusufi , l ' b or.�:' e d e Duira ll e , nrè s d e Gédé t

dan s l e Futa-T o ro .
46 .

16 s ouveni r des c i rc onstanc es ay2nt d onné nai ssanc e à c e s d GUX

ye:tt oore ce t d e' ; ('uré s i vivant qu ' auj ourd ' hui enc or e , l o rsqu ' un T oucou l eur

( lié aux .i aawa�be par la "parent é à plaisant e ri e " ) renc o ntre un j aawanndo

qu e l ' on 8Elue du nom d.G Basv.:.--" , il rÉplique , " Non � Basaam ! " , et t ous l o s

deux d ' enchaîner : " Non , Basurn ! " - " Basaam ! " - " Ba sUJi": ! " - " Basaam ! " . . . tandi s

que t out l e m onde € c1a t e d o rire .

\. " ,.
47 .

XI I - G l .. B A - Y A R A

Guuro Sap)ba , d u. c l a n j a[-' wamô e N,j aay , s ' expn t ria pour fa ire d e

bonnes étud € E' co raniau€�s. I l s e r e n d i t au v i l l s ge d e Gi ' m bankull e o ù viva it

Idri sa . Sow , qu i é t A. it un saint h orr:r ' e en m ême t em p s qu. ' un gra,nd l e t t ré .

Après plu s i eurs année s d ' é tuè es s ' Guuro S�mba acqui t et approfondit
tout �s 1('8 c o nna i s san c e s i n l ar ' i q ue s de son t 8m� s .

Son maî t re , t rè s c on t en t de lu i , l e libé ra . Il lu i d onna d e s at t es­

t a t i ons é c ri t o s t émoi gnan t de sa f,ci en ce et de sa sa es's e e t lui confé rant g'


l e dro i t d ' ens e i pner à s on t ov r .

R em� l i d e sci ence C 01I' � e un greni e r a près une bonne ré c o l t e , Guuro

Samba revint aupr è s d e s ' s i ens . I l fut 13, fi e r t é de sa far:' i l 1 8 e t la gl o ire

d e s on c l an , et mê',� e c e l l e d E: s on pa ys .

On v e n A i t de par t ou t , soit pOV T se F e t t re à s on é c o l e , s o i t pour

lui d er e nd er un c on s e:i. l J ridi a u c ou thC: o J ogiqu e . Guuro é to.i t corrr�� e un

gre.nd pui t s i n ta r i s sa b l e . Il a b r 8 uva i t t ou s le s a s s o i ff é s qui v (·np. i €n t à lui .

Aprè s ql1 (� lq u e s anné e s d ' erl s e i snc ('·n t c: x o t é ri q u e , Guuro s c d é c ida

à ret ourne r a up r è s de son N a î t r e Id ri sa A l i Sow aux f ins de r e c ev o i r d e

c e l ui - c i l e " wi rd " , o u affi l ia t irlll éso t é ri q u e .

Guuro fut in i t i é è. 1 ; c on f'ré ga t ion QA. di riya � re l eve n t du Ch e ik

Abd el Qaa d i ri e l J e�rlaani , le Sain + Pa t ro n d e Bagdad .

Guuro Spmba rovü, t ch o z lui . Son ord in a t i o n à 1 :-- QD nd i riya , aj outa

b eau c o up à s on p re s t i. pe .

Ap rès q1 1 el q u e s ann Ef e s de prat i qn f' , GUll r0 Ser·.ba d 6 c i d a d ' a ll e r une

fois d e pl u s s e re tr e� p e r aux S Ol r c es auprès d e son r a1tre I a ri sa Al i Sow .

S e s concitovens vinrent l e t rouver pour lui d er'land e r cc qu ' i l a l la i t ch 0r­

ch er d erech ef auprè s de s on Ma i t re .
" � ..

48.

" Ne t ' a-t-il pas l ibé ré et initié af i n qu ' à t on tour t u e n fasses

autan t autour de t o i ? " lui d erranà è ren t-ils .

S i , répondit Guuro Se.mba , ais j ' éprouve encore d o la soif . Il faut

nécessairement que j ' aille 1"' 6 dé saltérer ( " j e V8.is 8.l l û r Ir1C dé sp.ltérer" se di t

en ful fulde : "mi yaroyan " ).


Les gens s ' exclam èrent avec adf.1iratio n "0 buvour ! " ( qui se di t ,

en fulfulde : " coo yaran" ).


C e t t e exclama t i on devint plus tard " Ynra" , par cont ract ion , E; t c e

fut le yettoore d es des cend ants d e Guu:rf"l SRTIl ba . Mai s o n eut s oin de le fai re
pré céder du Ir'o t Gil.'mba 9 qu �. vient d u nom d u v i l lf:1.g€ Gimn:bélr'kull e ov. Guuro
Sa�ba fit ses études .

Les Gimmbare -Yo.rr sont apnclés pa r f o i s é �a l er:ent d os " Lunngaaôe" .


49 .

XIII - K 0 YT A

Bookari Ame.du - q, ' i appartcJnr::. i t au c lan De embanko o ô e , d e s c endant s

de Haami idu I sa , lUi-·m 8: · 1 û du c l an Nj aayinkoo ô e , - s ' expa.t ria . I l s e rendi t

dans l e pays d e Sonay ( Sonhraï ) et se � i t à y c ommerc er . S e s affe. ir.e s pros ­

pérèr€nt .

Il engendra un p-arçon à qui il donno l e préno� d e s on 'Père : Amatc\u

Bo okari Amadu et s on fi l s Amadu Bookari viva i en t d e l eur co��erc e ,

c t étaient en t rès bonne int e l l i genc e é!.vec l es habi tp.n t s du pays .

Bookari Amadu s e l ia d ' an i t ié �vee un aut o chtone d ont l e no� e s t

resté inconnu . S on fil s , Amadu Bo oka ri , devi nt de s o n ceté l ' ani du fils

d e l ' ami d e s on père . C Ola é t r i t d ' aut�nt plu s naturE: l que l e s d eux garçons

avaient à, p eu prè s le m ême âro e t s t ar'us8. i ent ens emb l e .

L ' am i d e Be oka ri Acadu é tai t d ' une fami l l e rival e à c e l l e du ROi ,

et i l n " Y avait , en t re lui ct l e Ro i , que l e ·' e out eau hors du fourrea.u " .

Amadu B o okeri , d evenu adul t e , ex erça l e r;� é t i E; r d e t ai l l eur-brodeur

et d evint si expert qU E' l e s v e t e�en t s s o rtis de s e s mains é ta i ent ret enus

plusi eurs mo i s à l ' avRnc e par l es grpnd s c t no tabl e s du pays .

Le Ro i lui-I!1 �r� e s e m i t à lui c om�. n nd c r une grande quanti t� d e

e o s turr e s pour lui e t s a fan: i l l e . Amadu Bookari exé cut� i t 1 e·8 cOI!lL-:and e s avec

dil igenc e et d ex t é ri t { �

Un j our , l e Ro i l � � anda puprè s d e lui . I l s s ' ent ret inrent pendant

un mo�cnt . Charr�é de l ' é l oql� enC c- d e Arr a du Bo okari , l e Roi éprouva s ou daine­

tlGnt une F'rf-: nd c ami t ié pour s on tai l l eur.

Au mom en t où l e Ro i c onré d i i i t Amadu Bo okari , i l lui d i t :

"Mo i , Isa Maïga , Ro i d es Sonrhaïs , connu s ous l e nom d e Hariber ,

j e dé c l a re t ' aimer : Ô Am�,du . Bookari , c orme s i t1.' é tR i s tl0n frère né d e ma

mère . Je dé s i re qu e . dÉ s o rcai s s tu sois pré s ent à r. es déj eune s p e t i t s et


50 .

grands ain s i qu ' à I!} es dîners . chaque j our de l a s emaine , suns manquement" -

Ane.du Bo okari enbrE s sa 18. t e rre aux p i ed s du Ro i . I l l u i di t

" Je va i s �tr� l e plus heureux d E s hommes � cp r cc; j our n ' aurF.!. d ' é ga l

pour m o i q ue c elui otl Allâh 1.· C d i rR : Voici l e s hui t portos d e m o n Paradi s

grander-e n t ouvert es ; entre par c e lle que tu cho i s ira s " .

Sa Ma j e s t é Isa j:,' a.ïga s o" rit de plais i r . I l rel ev2 At'adu Bo okari

ct l ' ass i t à sa droit o , sur l ' e s t ra e d royr l e . P lu s è ' un c ou r t i san en conç ut

une v i o le n t e j al ous i e . D ' aucuns eu s s 0n t é t é cnpahIes de c roquf; r vif chair

et os cl! Af1ad1 1 Booknri � s i v i to r ont6 r ans } ' (: 8 t i� e 0 U Roi .

Lo rsqu ' i l revint · à la r.ai s on , Arind1.1 Bo oka r i conta à son père à

q u e ll e ,haut e ur s on' a i gu i l l e et son v erbt: v e na i e n t d E.: le hi s s e r .

Booka.ri Ar.adu dit à s on f i. l s . :

"Amadl.l Bookari , je s ui s à l� fois heu reux et I!'.alh eureu� , c�.r le

fnvori d ' un chef es t c ompf. rnbl f' à un horln e r i c h oI:l en t habil l é , perché sur

une brp.,nche s c i ( è à d emi , et s u rp l ol"" bant un ' pui ts rcr:pli d ' o rd u res . Il

suffi t d ' un e au gp e n tD t i �n d e p o ids ou d ' un � Gnt isprévu pour , ca s s o r la

. brp',nche et pré c ip i t Er l ' h o1' 1 e d D,ns le pu i ts ob� cur ct pUA. nt" .

Am8du Bookr; ri r6p.o n n. i t à s on pè re, : .

" L ' intel l i ee11 ce de l ' homn: ü , s on- cour8 ee , e t sa fermeté c ons t i tuent

s on renf ort le plus efficace en cas de d 6 t re s s 6� J ' a i hé r i t é de t o i CGS

trois qua l i t é s . J û tâcr e:rfJ i d e l o s ut i l i s er à bop. e sci ent le , j our o ù .j e

s erai précipi té dans 10 pui t & .de ta p8 rahol ü , q ui symbol i � e la d i E' grâ c G qU6

risque t ou t c ourtisan ou s!:1i d e s Rois " .

Bookl.lri. Ar:ndu bénit s on f'ils .

Le Roi fit u n e gr,s nd e p l a c e' dan� s on' ' c'o eur dt dans sa c our à �.du

Bookari . Il l ui c ons t ruis i t qua tre Vi' s t e s d €·r üurè8 s onptuou s € s . I l lui offri t

en ' t rè s grand e quant i té or , argent , anbre e.t c O rFtp X pêc � és par 1 6 8 me i l l eurs

. 'l c ora i l l e u rs de la r' ûr nD.aliy� (PlOr rOl1 gc ) . Il lui d onnn f'! ua t r e b e l l e s é pouses
.
s ervies pa r des c entain e s de s e rfs 0+ de s e rve n t e s . Le !l 0r b r c d o bovins ,

caprins , ovin s et é quid 6 s d or:es tiquo s q:,;", i l l u i o ffri t é tait incalculable .


51 .

LêS chevél ux d ' Ar.18.du Bookari é tç i én t l o s plus b eaux d e la ville .


C eux du Roi v i s à. part ; i l s é tE' ) (nt é gn l c:: ,cnt l e s plus rapi d e s . Aux fêt es

d ' équitati on , on chant.n it en l eur honncv r :

1 . Pu c c i .b.rfldu Book..... ri âi Dardi

2 . ki j an p i j an pi c cntaa fay s eeâa

3. j anyatna j u c cntaa j uul:J nnn kaananke

1. QU ' i ls sont beaux les c� evau x d ' A�adu Bo okari

2. I l s henni s s ent , dan s f:nt Sl1rt s ruer aucuneP.'! e nt

3 . S � n s incartado ni d� robnd e , i ls font la c ou rbe t t e au Ro i .

Le ROi , qui ne pouv�· i t plup s e pa s s e r de la c ompa gn i e d e s on


fa.vori , ne d é c i d e i t ri en sans avo i r pris son avi s au préalp,bl e .

Tand i s qu e l e s o l e i l c on t inu� i t
s a narche perp é tu e l l e : para t tre

à l ' horiz on , t raversür 16 c i e l , s ' enfoncer dans l ' ombre d e l ' horizon o c ci­

d en t a l _ . Booke.ri Arn a du ne c€;ssai t . chaque j our , de contempler ave C une r�­

: gulari t é rituAl l o le l ev er ct le c Ol1 ch e r du soleil .

Chaque fo i s que son fils Ai�:adu veno.i t l e saluer , l e vic:ux Bookari

lui d i sa i t : " 0 Ar.adou ! La b el l e t eint r- que l e s o 1 0i l rÉ pe.nd su r le s nuages


à l ' aube et au c répuscu l e , ost c € r t es d ' un t rè s be�u rougeoiement . �iai s
.
hé las i l ne dure qu ' un pEc t i t r ODent SOl1viens-toi de [ E:S paro l e s . "

Arnadu Bo okari c on t i nua i t d e C Oll I e r une vi c; fac i l e e t d ou c e à

l ' ombre - ci u Ro i I sa Maiga Hariber .

Parr- i ' l c s princes , grands c onrti sans e t chefs de guerre de l ' Ebpire ,

c ertains s c d i s a i e n t s e c rè t ûrr cr.. t dan s l eur c o eur : " Si AI lâh pouvr i t !!le chan­

ger en Amadu Bookari , j e lui rendrél is un pro fond hor:irlage " . Par c on t re , � ' autres

en é ta { en t ma l a d e s d e chagrin et m oura i (: n t de d é pi t d e voir A mad u B00kari , un

vul geire j ae:wanndo , o c cu p e r dnns l e c o ev r dl' Roi la place à laquel l e cux-m�nes ,


n obl e s bien né s , · as pi ra i ent .

C es j aloux finiren t pc.r s c découvrir e n t rE' eux , ne fû t - c c que par l e s


;

52 •

. regards haineux que c�acun d ' eux j etait sur �1adu Bookari chaque foi s qu ' il
parlait au Roi ou que le Roi lui adressait la parol e .

Ils s e conc ertèrent et dû cidèrent d e s e débarrasser , d ' 1.lno · manière


ou d ' un e El.utre ; de l ' intrigant j aa�Tann·d o . Plusieurs moyens S i offrai ent à

eux : soit brouiller le Roi et son f�vori en usant de sortilèges ou de calon­


nie ; soit rendre l e favori Mnlad e pour toutE: la vie par une ac tion r:agique ;
soit encore l e faire mourir , par eMpoisonne�ent ou assassinat .

Satan vint au secours des j aloux . Il leur envoya une de s es créa­


tùres , incarnG e en une vieille femme ch enue , bos su e par devant et par der­
rière � borgne de l ' oeil droit et boit euse .

. El l e vint trouver le prerr.ier grand courtisan qùi ' étai t , . a.vant l ' ap­
parit ion d ' Amadu Bookeri , l ' honme le plus E cout (. du ROi et , partant , le plus
fort du pa�s . Elle lui dit :

"Vous cherchez partout , dans le ciel e t sur la t errc , c orrœ.ent é loi­


gner Amadu Bookari d� trône de Sonrhaï . Si vous l ' assassiniez ou l ' eI!lpoison­
niez , le Roi pourrait découvri r votrE' act i""n . Il vous pendrait sur ln place
publique , vous , vos fernnes et vos enft:�n ts .

" Si vous rendiez Amadu Bookari I!1.a lade ou f ou par sort i lège , le ROi ,
qui a plus de sorciers 8 t 0e gué rissf1J rs (lue VOll S ne l e s oupçonnez , l e ferait
gué rir en quelaues j ours .

" C ' est dans le coeur du Roi qu ' i l fRut tuer l e favori .

" C o qu ' il fnut , pour abattre - COrrlIr'e on le f.'1.i t d ' un arbre - la


vive affection Que 18 Roi �prouve pour Ar-adu Bo okari , c ' est us er de la ca10I!l­
, nie . Cert ps , Amadu Bookari n pouss{ très s ol i demGnt dans . le c o eur du Roi . Or ,
. pour couper un t el nrbre s la fauss e accusat ion c ontre la réputation est la
meilleure hache .• Servez-vous en . Elle ne s ' émousse œs vite " .

Les j aloux de la cour de Hariber choisirent l� voie indiquée pur ln

vieille fe�.e chenue , agent d e Satan .

Av ec l ' aide de la tn. é:gère ménagère · du diabl e , les j alOUX engagèrent


des espions . Ils les placèrf;nt aux quatre point s cardinaux €t aux quatre points
'.
53 .

c ol la t é rau x de la vi l l e pour su rv ei l l er l es m o i ndres fa i t s e t ges t es d ' Amadu

Bookari . L ' a ra i Pn € e mEl I É fi que ava i t bi en t endu s on fi l e t .

D e son côté , Arr.a.du Bookr.�ri ne s e d out a i t d e ri en . Il c on t i nua it

de m ener le t rain d e vi e ins taur€ p� r Hari ber pou r lui . Inc on s c i emment ,

i l avança i t vers l e p'ot' ffre qu ' on lui aVR i t pr{p� rÉ .

Il Y ava i t un fa i t que la cour t on t en t i ère igno ra i t. . C ' éta i t la


re lation t rè s d i s c rp t e et 1 e R vi s i t es espa c / es qu ' Amadu Bo okari ent r e t enai t

avec �ber , s on ami d ' enfance e t fi l s uniq" e d u vi e i l ami d e s on père . Le

père de Ba ber et le père d ' Amadu é t a i ent en effe t ' d e bons af.' i s et l a m ort

s eul e avc i t pu l es s é pa rer .

D epui s la mort de s on p è re 1 Baber n ' ava i t plus de tu t eur aut re

o u e Bookari , le p è re de s on ami .

C omr e nous l ' avons d é j à d i t , l e p è re d e Baber viva i t en mé s in t e l l i ­

gence t rè s ai gu ë avec l e R o i Hariber . Il &va i t e n e ffet à peu p r è s l e s mêmes

droi t s sur l e t rône Sonr}1aï qu e l e Roi et i l n ' y ava i t j ai' :a i s renonc é , j v s­

q u ' à sa mort .

Amadu Bo okari , d evenu gra nd favori dlJ Ro i � ne rompit pas pou r

autar. t av ec s on ami Haber . I l profi t a i t d e s ra res �o� ent s l ibres qu e lui

lai s sa i en t ses fonc t i ons pour rend re vi s i t e à Babe r , et il n e quit t p i t j a­

r�'ais s on ami san s lui l a i s s e r f!u fft samment il ' a rgent pour vivre' d é c emment

pendfl.nt p lu s i eurs m o i s .

Les e s p i ons d é c ouvri rent t rè s vi t'e l es vi s i t es qu ' Ar. adu Bo okari

rendai t P. Bab er . Ils rappo rt è ren t l e fai t au Premi e r G rand c ou r t i san . C e lui ­

c i s ' empres sa d e c om:unio ue r la nouve l l e à s es ac'o lyt es . Les c ompl i c e s t in­

rent un c ons e i l . I l s d{ c i d è rent de s igna l e r au Ro i les rela t i on s dangereu­

S e s qu ' en t re t en a i t An:adu B o okari . Le Pre:" i er G ra nd c ou r t is an fut cha rgÉ d e

profi t er d ' une o c c a s i on que l c onque pour di re a u Ro i , c e à quo i Amadu Bo okari

sc livra i t chaqu e fois qu ' i l s ' absentait ! e la C our .


54 .

Un j our l e Roi , c ont ent d e lui-mêrre , l eva s es d eux bras vers l e

c i el et s ' é c ria : " Je reLerc ie All âh d e [" avoir perl�' i s d e ré duire t. ous mes

enneIl". i s . T � us c eux qui , parr'i eux , ne sont pas au c im e ti ère , s ont dans mes

rangs , ,et me s ervent avec un dÉvouement é t onnant " .

Le Pre� i er Granr� court i san reprit � " Pui s s e Al lâh prol onger les

j ours du Ro i ainsi que le, pro spé rit É de son royaume . C ependan t , s i l ' humbl e

s erviteur que j e sll i s n ' avait peur q u e le Ro i n e lui fas s e diminuer la

taille en 'fai sant trancher s on cou , il met t rait Sa Y�j es t é en gard e c ontre

ce qu ' il qua l i f i e de vict.o ire . L ' ennemi ferr: e l ' oeil , !i1ais il ne d o rt ,j ama i s .

Je rec ommande à, Sa l''[aj esté de se mé fier d e FI e s ennem i s ? et même d e quelques

uns de ses amis t rè s proches . Je me deFande , ô Ro i ! c omment un h om� e qui a

un s c o rpi on dens sa cul o t t e peut-il croire qu ' i l e s t à l ' abri de la piqûre


meurtri ère , par le s eul fa i t que s on pantalon ee t b ouffant ! " .

L e Roi pl i s sa la �eau de son front . I l fronç� l es s ourc i l s . S on

o eil prit une c oul eur rouge . Il pl ongea su r .. s on Premi er Grand c ourt i san un

rege.rd inquis i t eur qui ne pré sa€,en i t ri en de bon , et s ' f cria :

" Qu ' on interd i s e aux mouches d e bourdo nner afin que j e ne p erde

point un r..� ot d es explica t i ons que j ', exige de mon Premier Grand c o,-\rt i san . I l

sait que j e n e sui s pas fo:rt e n proverbes et parabol es et que j ' a ime , par

dessus t out , un langage c lai r et ne+. , c elll i d e s hqmI!les sir�ples et honnêt es " .
;
Le Premier GrDnd c Ol' rtisan c on s tata av.ec e ffroi qu ' i l venai t de

déclencher une a c t i on f'Tave . Il s ' e gi.ssài t pour lui d e se m e t t re à l ' abri

afin de ne pas en être la s eul e vi ctir,' e . Il j e ta un c ou'P d ' o e i l s c rutat eur

sur s es c ompl i c es , :','ai s s on regar� ne rencontr[1 , hé las ! que d e s v isages


bai s sé s ave c grand e frayeur et dee cous lâch ement t endus . T ou ? avqi ent peur

pour l eur vie . Tous vou13 i ent re,rd er le1:1r pl�"ce . Aucun n ' é tu i t d € c i d·,é à venir

en aide au premier grnnd c ourt i san . C omme le d i t l e proverb e : " Qui , . i tilpru­

detnment , se fïanc e avec la m o � t , , c onsommera t qut seu l s on mE::. ria.g� !. " . ...

Le Prer;;ier Grand c ourtisan n ' é tait ni un c ouard , ni un imbé c il e . I l

regarda l e Roi bi en en fac e et lui d it :


55 .

" No us avons t Où.s , i c i j v ré d ' ê t re fid è l e s au t rône d e ta grandeur

et de dé fendre ta vie al' prix n e s nôt res c on t re t ou t e s c ont ingen c e s �al en­

c ontr:eus es , d ' où qu ' e l l e s v i ennent ,

" Qui , i c i , n ' a pas prêté s emen t de ,j ouer pour toi l e rô l e que l e s

membres e t l e s s en s j ouent à l ' é gard du c o rps ?

" Si c ela es t , que s e rait , d e not re part , manqu er de t e m e t t re au

c ourant de ce que nou s aurons ouï dire ou d e c e que nou s aurons vu fa ire ?

C e sera i t - t out bonnement e t t out s impl ement une t rahi son éhonté e . Une t el l e
, faut e méri t era. i t une pendai s on i gnomini eus e - li oi , j e ne me prêterai pas à çà " .

"Ama du Bo okari , qui é tai t confortabl em en t as s i s à la d ro i t e du Roi ,

s e t rouva s oudain à l ' é t roit dans l e va s t e s a l l e où l � C on s e i l du T r ône

, � t enai t ses aud i enc es . Bi en qu ' i l se s e'n t î t vi s € , il sut faire bonne c on t enan c e

afin d e ne p a s s e t rahir publ i q u ement n i enc ourager s es ennen' i s à l ' a t taquer

plus vio l emnen t .

Le Roi d i t :

" Ou i ! A s s e z d e grand s d i s c ours e t. de vé hément e s pro t e s ta t i ons de

fidé l i t � à ma pers onne . Ce d ont J ' ai be s oin en c e moment , c ' e s t d e savoi r c e

que signifi en t vos parabo l e s . Quel e s t d onc c e t a ra chnide o ue j ' a i dans ma

cul o t t e e t quï n e m ena c e d e sa queue armé e d ' un c ro c h e t venimeux ? "

" 0 Ro i ! d onne-moi l ' as sura n c e que t u n e me c ouperas pas la t êt e ,

s inon après vérifi c a t i on infi rmat ive d e c e qu e j e va i s t e rapport e r .

- I l s e ra fa i t c om� e t u l e souba i t e s " a fft�a l e Ro i .

Le Premi er Grand c ourt i san c onmen ça :


"Autant tu d i spens es t e s faveurs à Amadu Bo okari , autan t i l s ' em­

pre s s e de partager l es b i ens que tu lui - d onn e s c?vec Baber , c et obs cur pré­

t endant au t rône sur l eque l tu es a s s -i s pa r la e-râ c e d ' Al lâh . "


,.

L e Ro i s ent i t un fro i d glacial lui remon t er du c o c cyx à la première

vert èbre c e rV i ca l e . I l res t a fi ché ' e t figé su r s on s i è-ee un bon m oment . Puis ,

quand s on c o eur s e remi t à ba,t t re normal emen t , il dit :


56 .

"Qu'on ne lais se s eul av E' C Amadu Bookari" �

Quand ils furent S 8n ls , le Roi , le regard terne , les traits tirés

comme s ' il relevai t d ' une lonf'Ue m&ln di c , s ' adressa à son favori

"Amadu Bookari ! Dis-noi que ' l ' accusation portée contre t oi e st

sans fond em ent . C ' est de la calomnie odi eus e ourdie contre toi , n'est-ce

pas ?

- 0 Roi ! 0 I!1on bi enfa iteur ! répondit Ar.lB.du Bookari � si je ne te

disais tou.te la vérité , ,j ' exciterai s davantage et à bon escient ta colère ,

voire m �rle ta haine . Je préfère tout à ton rr..épri s . Je !:le dois de te dire

que le Prer: i8r Grand court i san n ' a pas menti . Je vai s chez Baber chaque

fois queje dispose d'un petit nonent de loi sir .

''' Le père de BFlber et le rien éta i ent des ' amis . Grâce à cette amitié ,

�on père a su faire enten� re raison au père de Baber . Il a pu tempérer son

ardeur belliqueuse et sa grand e envie d ' occuper le trÔne de Sonrhe ï . ' C ' est

pourquoi tu n ' as jamais eu à te plaindre de la condui t e de ton cousinjus­

qu ' à sa mort , bien qu ' il n ' nit j amais cess é d ' esp6 rer qu ' i � s erait Roi .

"Quant à Baber , ton neveu , c'est mon ami d'enfance. J ' ai une grande

influence sur lui. ' Tu n ' as rien à craindre de lui . Je n ' ai j àmàis ' surpris

chez lui la rloindre m�uvaise pens{e à ton intention. Contra ireQent à son

père , il n ' [1 a,ucun désir d ' occuper .lnjour le trône de Sonrhaï. Il est très

croyant , et sa foi l'arrène à, considérer sa si tua tion comme un effet de la

volonté d ' Allâ h . Vouloir ln nodifier en usant d ' intrip,ues lui semble une ma­

nière de ' ré bellion contre All�h lui-r':�r.J.e " .

Hari ber ne pouvait en croire ses oreille s . Ma -:_s le Prince soupçon­

' neux , tremblant pour sa couronne et prêt à t Oll t pour la cons erver , prit en

. lui le dessus Sur l ' ami pré,venant . Il S I écria sur un ton de tonnerre :

"Ar.ladu Bookari , on ne peut guère mettre dans un !'1.êrre récipient la

vie et la Dort. Je te commande de rOr.1pre ' publiquenent et s ecrètement avec

Baber. Sache que , comme il est dit , " l ' homr.le: intelligent n'exercera sa ven­

geance contre 1 1 &ssas sin d, e son père qu " au moment où. une occasion propice
57 .

et un' b on poignard se trouveront en I!l�me t emps à portée de sa rain " . C e

j our là , il frappera sans pi tié , et ri en ne l ' arr�tera . Il en sera de m8me


entre Baber et moi . Il r"e frappera le j our où il en aura, les noyens sûrs et

effi caces " .

Amadu Bookari tenta une fois d e plus d e calmer le Roi . Mai s c elui-ci

se rebiffa ave c une énergie faro n che qui d&c onc ertn Amadu Bookari . Quand

il compri t ' qu ' i l perdait son temps à voul oir changer les mauvais s ent iments

du Roi à l ' é gard de Baber , il se mit à réfléchi r en silence sur ce qu ' il


devait fa. ire . '

Le ' Roi , t ouj ours plus emporté , di.t à Amadu Book!' ri

'
"Tu senbles pré oc cup é et é
h s i t a nt . Or , il faut q ue tu cho i s i s ses

séa�ee tenante ent re Baber et Hariber . Nos deux pré n oms ont une même conson­
nanc e finale , nais s e bas'er sur cela pour c ro i re que I r on pourra it a c corder
l e s deux s ons d ' une mani ère agréable à. m on oreille , serait comJ:lettre une
erreur profond e , une p
erreur c om a ra b l e à cel l e qu ' Adam c ommi t en mangeant le

fruit de l ' arbre d€ fendu .

" Je te d onne l ' o rd r e d ' oubli er Bab-er, et ne me d és o b é i s pas ! ­

Rappelle-toi qu e c ' e s t pour avo i r dé sobéi qu r �da.m fut cha s s é d e l ' Eden ! " .

Arr�4u Bo okari fut profond€ment bl es sé �ns s on amour-propre , parce

que l t a llus i on au réci t d r AdaJT', lui signi fie.i t à mo � s couverts que , s ' il ne

rompait avec Baber , il : s erait chassé du palais , o orer e Adan l e fu t du Paradis .


Il d i t :

" 0 Ro i Hariber ! Tu re,hausses incons idérément l e prix d e Baber en le


; , i
met tant sur l e J!l �me pla t e pu de b��lance que- t o i c t en m l obli,2'eant à choisir

entre vov s d eux • .

I l va sans di re que J e re s t ern i é t ern ell ementt on obli � , y,'l ais j e


t e suppl i e d e ne pas me .f?épe.rer d ' avec mon ani d e nfan c e Je ré p onds de lui .
r •

Je t e gBra�t i s qu 1 il ne t ent e.ra ri en contre t oi . Ap p elle-l€ , c onfie-lui , une

tache m�ne sube,} t e rne . Tu v,erras comm e il te suivra ' et te servira . Il n t est

ni sot ni amb i t i eux à outra.nce " .


58 .

" J e v o is , d i t l e RO i , Amadu Bookar i , que Baber et s e s ha i l lons

pès ent dans t on c oeur plu s q ue Hariber et sa c ouro nn e .

- 0 Ro i . . •

Ne d i s ri en , i nt e r rompi t l � Ro i , ' ai s é c oute plu t ôt l e s parol es

d ' ut i l i t é pra t i que que je dois à un .vi eux berger peul originaire du Ma c ina. .

J0 vai s t e l e s s ervir afin que tu l e s méd i t e s e t qu ' elles t e s e rv en t à


l ' avenir . Les vo i c i

1. gido ma yo giâo ma

2. giâo g i âo ma yo giclo ma

� . ganyo ganyo ma. yo gi cf 0 ma

4. ganyo ma yo ganyo ma

5. giâo ga n yo ma yo gnnyo ma

6. ganyo gi âo ma �ro ganyo r.'1. a

1 . T on ami ost t on ami

2. L ' a� i d e t on uni es t t on a�i

3 . L ' ennemi de t on enne1 " i es t ton ami

4. T o n ennem i e s t t o n e nne rr: i

5 . L ' am i d e t on enn em i es t t o n enn emi

6. L ' e nn em i d e t on ami est t o n e nn emi .

"Après ce que j e v i ens de t e dire , à t o i , Amadu Bookari , d e t e

s i tuer par .rapport à - r.1oi � de.ns l a nomenclature d e s ani s e t d e s ennem i s

é nonc é s p a r la par8 bo l e . Je t e r� ets en deI!l.eure de cho i si r et de t e prononcer" .

" 0 Ro i ! J ' aurc.i s préféré e n t end re s or t i r de ·ta bouche ma co ndaona­

t i on à mort plut6� que ma mj s e en d emeure de cho i s i r entre non grand bienfa i­

t eur s que tu es , et !!lon aI!'!i d ' e n fa nc e- , qu ' e s t Baber " .

Harib er pria An"a du Bookari d e se ret i rer , p ensant qu ' i l fi.nirait

. par c omprendre qu ' i l s erR i t s tupide de s[-l.cri fier ses grands in t é r ê t s et

l ' honneur c ons id érable dont il j ouissa i t auprè s du Ro i pour Beb e r , qui n ' �tai t

au dem euran t qu ' un pri n c e ré du i t à l ' ind i gen c e .


59.

Amadu Bookari rentra chez lui . S es enn em i s répand irE:nt part out

10 brui t qu ' i l t rahi ssait le Roi en pac t i sant ave c l e s ennerr- i s jurés d e

Haribe r .

�Ié prisan t l e s ca l omni es lancES e s c on t re lui , Ar.'ladu Bookari c ontinua

de se rendre che z Babor , ma l gré Baber lui -I!l ême .

Lo Prer- i er Gr,qnd c ourti san , qui n ' ava i t pas relâché sa surveillanc e ,

sut qu ,oA�adu Bookari n ' avrd t pE'-S rompu ave c Baber , et en inforr:a l e Roi .

Harib e r c onvoqua une grande réunion c OI!l po sé e , en plus d e t ous los

princ es et c ourti sans d e ln. c ou ronne , do t ous le s notables du Royaune . Il

manda é gal err ent Amadu Bo okari et le pré s enta à l ' a s s erblé e , en d i sant :

" J ' ava i s é l evé c et hont" e , par UP.'li t ié , au plus haut rang d e la c our .

Je ne pensa i s et n ' agi s sais qu e par lui . Il n t rahi �a c onfinnc e en s e l iant

à �on ennemi h é ré d i ta ire .

" Je dé c lare publ iq uenent , gfin qu e c ela s o i t c onnu j u squ ' au fond

du plus pet i � vil lage d e non roy['.ur� c , que c et Anadu Bokaari n ' est plus ri en

pour I?oi , par c e qu ' il e s t t Ol J t pour Baber �

" Je n e veux plus l e vo i r , ni voi r c elui qui l ' n vu d e prè s ou de

l oin . J ' interd i s , s ous peine d e mort qu ' on prononc e s on nOM e n ma pré s ence

ou dans la l im i t e de qua t re c ents p'"l.S à la rond e d o mon palais . "

E t l e Roi chassa Anadu Bo ok� ri en lui d i sa.nt : "Koy-ta " ( c ' e st -à­
dire "Va c oudre ! " ) .

Depuis l ors , l es gens prirent l ' habitud e , en parlnnt s ou s cnpe

d ' AmD du Bookari � d e l ' a pp e l e r "Koy-t a " . C e not ° d ev iendrn. .'° pnr la sv i t e le

yct toore d e ses d e s c endp.nt s .

Hari ber fut �.us s i dur pour Amadu Bookari qu 1 i l Rve i t é t é cagnaniI:!e

pour lui . Il c Ol� fi squa t ous les b i ens r' eubl cs et irll:n eubles qu t i l lui avait

d onnés , y c 01!lpri s c eux que s on favori nvrd t acqui s par s on propre t ravai l .

Amadu Bookari s e ret rouve 8.vec l ' unique ferme qu t i l f1 vai t épousée
avant d ' � t re [I,ppelé auprès du Ro i . I l reprit s on sachet à a igui l l es " rbuvri t
60.

son at èlie r . Me.i s i l n ' av.n it plu s l é!. rnêt1 e cli entèle. Aucun notabl e n ' osai t

s ' arr�ter devant son ét� bli. Il · en fut rédui t à tr::-vailler pour des pEl.uvres

qui n ' nvo. i ent que de vi eux vêt encnts à rapié cer ou des band es gros s i è res à

assenbler . S ouvent I!! êr:: e , ces gueux n ' av('! i ent pas d e quoi payer ce qu ' ils

devai ent . AI'"'adu Bookari fut plC'ngé d ans une !"l i s è re compl è t e -

Il ne put survivre à. sa di sgr�ce que parce que son père l ' y avait
suffi sa�nent préparé. En outre , sa conscience était tranquille - Il n ' avait
trahi ni s on ami d ' enfance , ni son bi enfrd teur. C ' é tait ' plut ôt celu i-ci qui

l ' avait renié , en le prBcipi tant inpitoyableoent du héaut d ' un palai s de

pla isan c e s dans un village d·" ordures.

Force fut pour AmB du Bookari d ' all er che rcher du travail ailleurs .

Il prit congé d e s on ami Baber et p rt i t à l ' aventp re. " Souven t , lui dit
.<"\

Ba ber , Allâh guide les �s d e s fru stré s d" s o rt " -

Ar.�D.d1J Bookari pp rt i t à. lE'. sauvett e et rJ.archa nuit et j our d ura n t.

d eux s eraines . "A trop lancer 13, grenouille , di t un proverbe , elle finit par

tonber dans l ' €:au" . C et te I:laxir:.e populairc r qui signifie " à vouloir trop

ruiner la fortune d ' un hor.�e , on finit par fai re s on bonheur" , n ' est peut­
être pns t ou � ours vr:::. i e . Flle le s c:rE! cepend8n t parf? i tencnt p our Anadu
Bookari , cor'r. e nous le verrons à If' f in de ce rË·ci t -

En effet , l ' ex-favori de Ha riber , aprè s quinze j ours de marche à


ef}lL
travers d es dunes sablonneuses inconnues , san� et sans onbre , s e trouva ,

le seizièr'e j our , si las et si déprit1é qu ' il dé c ida de s e lais s er ' nourir

de fa im ct d e s oif à l ' onbre du prerr-ier n i�osa � u ' il trouverait sur sa rout e ­

Il s e leva tôt le L atin , et narcha quelques instants dc.ns la pénoBbre blanchi s­


sante q ue l ' aurore répandait sur la nE} ture endorni e . Malgré la fra1cheur
I:'l.atinale d e ce pays , où il fa i sB.i t tou r à t our chaud dnns la j ournée et

glaci8.l dans la nuit , Anadu Bookgri sentit petit à petit une bouff é e de
chaleur lui monter de ln plante dos pieds au s om� e t d v cr�e. Il pensa que

c e n ' était qu ' un sOllffle rapide et passager . Il continua à r.archer , nalgré

la peine qu ' i l éprouvai t à dégp.ger ses pied s qu i , à chaque pas , s ' enfonçai ent
dans le sable j usqu ' au-dessus d es chevilles.
T ou t à c oup l e s o l e i l rut i 1n e t , rnpi d e c o�� e un pro j ec t i l e lanc( ,

. il Monta droi t dan's le c i el . C et t e appari t i on n ' { tai t 1'2', S f ai t e pour t'. tté­

nuer la chn l eu r q u ' An2..d '} Bookari r0ss cnta,i t Cl nn s t ous ses nerfs .

Le s o ' e i l lnnçn viver' c r t s es rayons . Que l ques uns s e c oncentrè­

rent sur ln nuque d ' Ar: ? dl ' Bo oké:,ri et se r.d rent 8 suc er s es forc es . Celles­

ci s ' épui s èrent , c O" :n e to.. ri t une fIn ('l u e CI.' , enu expos é e au s o l ei l .

Il s embla à Anadu Bo okari aperc ev o i r �u l o in un bosquet d ' acacias

chargés d e fleurs j o.uncs" aut our d ' une !!lV. rc t=I.ux CrlUX l�pides . rlIn. i s ce

n ' é t.!'!.it qu ' un ni rage que son c o rveau épui sé étal."' i t d Evant l e d é s i r de

son coeur et S E: S yeux fatigué s . A: �c" du Bookari n e t nrd.':!. pas à. vnc i l l er sur

s es .j ar.'bes . I l ti tubn , et t ocba d e t out s on l ong sur un versr' nt de dnne .

Il é té: i t là . é: t endu sr.ns forc e s et Sf"1 ns dé fc::n s e , à IG. � crc i des

teDp�t es d e sGble qui l ' ent errer�ien t à petits-c oups , d e la fnic e t d e la

soif qui l e tuûrni ent à pet i t feu , et enf-· n 8 ln Merci des rnpll c e s du dés ert

au bec crochu et s erres pv i ssant es , qui l e d é cr i rero. i cnt pou r s c nourri r .

Le s o rei l l es d ' A?" adu Bookari s e r' i rcnt à " t i c- taq uor " . E;l les per­

. evu i ent un brui t sourd et né l �nc o l i ql l e . Il lui s er bIe ent endre le s on l o in­

tain d ' un tnr -ta�' funèbre . Un ri ctus nac�brc , c e lu i qui re trous s e l es l èvres

d es �our�nts et dos norts , pl i s sn s e s l èvrr s .

" Il ne ffl ut j {�.' f1. i s d € s f'�'Pvrer de ln Provid enc e d e Dt c u " , d i t un

ndaE!,'c nusu lr'nn . Al lüh peut veni r c.u secou rs cl e l ' r.n e ent re le nOr?ent où

l ' ânie r l ève s on b!lt on e t c elu i 011 l e r ô-- e bll t on vn s ' ::.bnt t rc �ur l e d os du

baudet .

C et t e r- [:lxir:e :J. l l �� i t, Re vé rifi p r nirn. c� l cu s er.lent en faveur d ' Arr,adu

Bookari . Ce fut j us t e au m orr. ent où , sans nuc n n espoi r , Amadll , Bookari s ' aban­

\ donnai t au x t roi s mani è res , égb l ement at ro c- es , de mou r:i r qui le menaçai ent ,
i
tiue le s ec ou rs d r Al l�h s e J , ' an i fc s ta . Un€: c a rfl VO.ne d e raures , venant d e

Tawdanna ( Taodeni e ) , s e renda i t sur l e s bord s d p Ni ge r . L E: che f d e l a cara ­

vane v i t a u l o in d e grand s vau t ou rf? , ains i ql ' e CI. , autres o i s eau x carnas s i ers ,

plan er en d é c rivant un c erc l e aut our d ' une d un e . Il s ' é c ria : " Le s rapa c es
62 .

que voici là-bas planent au-dessus d ' un hO'!lIIl e ou d ' un animEl.l mourant ! " .

Il dépêcha un méhariste avec ' - ne outre d l eau pour a l l er voir sur plac e

c c qu ' i. l en é tai t .

Le m éha.ri Cl) cham eau c01 1 reur peu t , en un j our , frD nchi r un traj et

qui d e!'and e à un hOIDr1 e hui t à d ix j ours de march e - Le --éha ri s t e d é s igné

lança sa monture vers le 1 i e11 ind" q U P pr r s on chef . I l t rOl�v? e ff c c t ivelT'ent

Amadu Bookari à dOi i ens evel i par l € s sabl es . Il le d é t erra , le c ouvri t


d ' un gra nd pa gne moui l lé pour ir biber son c o�ps . I l l u i fit ensuit e boire

par pet i t e s gorgé es une c erta tne qup nt i. t é d f ea.u chaud e . C c n ' es t qU ' ,Çl près

c e t t e pré caut i on o u t i l lui donna à boire de l ' eau fraîche . I l le Tlri t en

· croupe Sur s on rr éhari €t rej oigni t l e gros de le car� VE nt .

C el l e-ci ét a. it c ondu i t e T'é r l e c om7 i s voye geur d ' un gro s né go ciant

de Fas ( Fez ) insta l lé à Marrakech . El l e s e renda i t sur l es bord s � u Ni ger


pour é changer , c ontre de J l or , des plumes d ' aigret t e et d ' a�tr�che , d es

· barres de s e l E Cr et ées �, T a"rdanna .

Ama d1' Bo ok&ri se nrop0s8, commo gu id e et re. bfl,t t eu r d e c l i cnt s ,� en

pays s o' - dana i s - I l s f incorporEl dr: ns Ir caravane e t la conduis it à T inndirina ,

puis à Guraw ( Gourao ) � a.1J X bord s du lac D ebo , ct fina lement à Kaka , ( Sofara ) ,
la plus €:Tand e foir€: , le r€'nd e z-v("" ' s d û e commerçant s du sud e t d e I f e st de

l ' Afriq'u c -

La c aravr n C? vcnd i t s on E', C 1 trèfl che r , p p rc e qu ' on en nan quai t:' d epuis

des moi s . El l e ach e ta beauc oryp d ' or à t rè s ba s �rix , parc e q u ' i l y en av� i t

pléthore'.

Amadu Bookari lia rapid e ent ct fortement amitié avec � G _ chef : de

la carave ne - Ce d e rni er lui offr� t un pos t€ d ' Egent c ommerc ial pour la

boucl e d1' Niger - Amadu Bookari o. c c eptn C E't t p offre , mai s Inp nifE'; s ta né anmoins

l e d é s i r\ de voir l e PTe nd pa tron , et à onand 2 HU c ommi s d e l ' emmener avec lui


au Maroc .

Quand vi nt l e moment de re tourner au Maro c , Amadu Bookari prépara

une bonne provi si on de " j imin ta " , de "kunndu " et dix charges du m ei l l eur riz

du p8 ys . I l emmena l e t out ave c lui à, Fas .


63 .

La " j i m in ta " o s t t' ne sucreri e préparé e ave c de la très fine fari ne


de ri z et du m i e l , l e t ou t a s s a t s onn� de c ond i m û nt s d ivers Et d e f j n s arômes .

C ' e st une s pé c i a l i té ' qu i ' fai t la renommée de D i pnnf et de T ombouc t ov .

Que.nt au "Kunndu " s i l s ' agi t d ' un s irop d e s plus dé l i c i eux . Il

s ' apprêt e ave c une herbe aq�8 t i qu e ap!lül é f; " burgu" , qui f ou rn i t pa r a il l eu r s

un exc e l l ent fourra go p ou r l e � an L' uu x dom c s t i q ur" s .

Amadu Bookari acqui t r& pi d e cnt l ' e s t im e . è e s on nouv eau pa t ron .


, ,
C elui-:ci le pre s·(;nt�. ;:-ux gra nd s magne.t s du COroL (; rc e d e Fas � aux c h e f s r e l i -

. gi eux et aux ha.u t s fonctionn& ires d e l ' Et n.t ché ri fi. en .

A:œadu Bookar i offri t 8 Sa �fa.i es té" un sac d e ri z du Ni ger , du

Kunndu et du Jiminta . Le Roi le reçut . I l lui è e:"' p.nd a d ivers ren s e igneii:ent s

sur l e S oud a n , S E� S ri cp û s s c s la v,� lel1r d e s e s gue rri ers , et c . • •

Amadu Bo okari lui d i t c ombien l e pays é t a i t rj. ch e , :; a i s mal adr ini s ­

t ré ; c omb i en l e s habi te nt.s é t a i e n t. attach é ::-. à l ' I sl e rn , bfe n q u 1 i l s s o i ent

admini s t rés 'Dar vn l ibert in f é t i c h eu r . de su rc r o î t d es po t e et n ' ayant d ' au t res


..
l o i s qu e s on b on p18. i s i r , m'O. pa r s e s pa s s i ons .

Le s femmes , l es t;nf�n t s. , l e s grand s chéJ!i1 b e l lans , en un mot t ou s c eux

qui t oucha i en t d e prè s à S[l r1aj ü s t? ché ri f i enne et qui go û t è r ent au Kunndu ,

e s t imè rent que c ' é ta i t là une b o i s s on roya18 . D ' aucuns mêD' es se d e�andaient
s i l ' he r b e Kunnd u n e fa i sai t pa.s pa rt i e d e c e s p ous s e s mys t é ri eu s e s et mira­

c u l eu se s qui , t out en ayant l eurs pe rt i € s a é ri enn E: s d an � ce m o nd e: , d evai ent

avoir l c:urs rB. c ines plongé e s d8. ns le Para d i s d ' AIl�h .

A- adu Bo okari , pa rl .'=! nt �.dmi rr bl ement l ' a rEl b e , n ' aVRi t pa s b e s o in

d ' int erprè t e pou r cOffi' " uniqu e r av ec le Sul tan . Il en p ro f i t n pour ouvri r

grandement l t appé t i t royal . I l pEl. rla n u Su ], t an d e s n OlI' b reus e s r i che s s e s du

pays . I l s ' a p i t oya sur le m8.1hcureux s o rt qu t un Roi pa ïen fa i s e i t inj u s t e ­

m ent sub i r aux c royant s cl. � c c: pay s . Il sut m e t t r e dans ln t ê t p du Su l ta.n que

c e s ere i t un d cvo i r pieux que d e port e v s ecours a1fx c roya.nt s q ppriF: és .


64 .

Le; Sul tan l ' int e rro gce. sur l e s forc e s m i l i ta i re s ct l e c ou rage d os

hotnmGs_ - Amdu Booka.ri lui ré pondi t :

" Si tu voule, i s prend re le r>ays , tu n ' aura i s q u ' une d i ff i cult é :

faire frp:nchi r l e dé s ert pa r tES trot' pe s . I l y a l e s o l e i l , l os v en t s d e

, sabl e , l a d i s tance c t la s o i f . ,Quan t al l X s onrh a ï s ) i l s s ont c e r t e s t rès cou­

rageux ct. c o:·,. bat t i fs , mai s il s sont rédu i t s à l ' IDnui ssanc e pou r d eux ra isons

i l s n ' ont pa s d ' a rn es à ff'l1 c o rn e c e l l es dont d i s pO S E:: t on ar2,;é e , e t d ' autre

part i l s n ' ont pe.s Cl ' organi s a t i ,""\ n per c t t n nt un lI1 ouveroent ordonné d'E: S forc e s .

A dela s ' aj out e l e fai t qu ' i l s en ont a s s e z de Hariber l e d e s po t e .

" S i Sa Haj e s t é me le per ettR it , aj ou t.é1. AmE'dll Booka ri , j e: f OrITlU-

l erai s un voeu " .

Qu ' ;i l en s oit c omIn e tu l e d é s i res , 8 Amadu Bo okari opina lE

Sul tan -

- Je m ' o ffre c omm e €:Uid e pour condui re a u S onrha ï ' une expé d i t i on

qui dé livrera l es musl 1 lmane d e s ma-: ns d ' un t yran inc rédule .

La c onvo i t i s e', beauc ou-p plus que l e d { s ir pi eux ou cheva l ere sque ,

s e mit à " pi o ch ' rIt d2. ns l a , pen s é e dll Sul tan . ' I l ll li falla i t dé t e rrer d e s

argm: ent s qui l u i pernet t ra i ent d ' expliquor à s on peu�� e pourquo i i l envoya i t

une expéd i t i on" , s i l oin de son pays , contre u n Eta t q u i n e l ' ava i t p o i n t at ta­

qué . Même pour les Sul tans , . fu s s pnt- i l s ché rif s , c ' e s t -à-d ire d e s c endan ts en

ligne direct e , du Proph è t e Hohamr a d � il y ava i t d e s l im i t es a s s i gn é e s qu ' il s

ne. d evai en t pa s d é pa s s er . Ainsi l e Sultan n e pouva. i t - i l dé c la rer d ' emblé e

" Je l ève d e s t roup €; � pour , all e r , �u prix de m i l l ü fat igues et priva t i on s , au

prix rr ême d e m i l l i ers d e vi e s humaines , conqu{ ri r un pP ys af:; n 'qU E; mes femmes ,

fFivori t c' s et fi l l é s , t rouvent du kUnnrlJ à, b o i r e , a près avo i r man gé d o s · boul e s

d e Jiminta ! " .

�l �a l la i t dpnc fai re ' .i � t e rveni r un mot i f grave , un ' m o t if que les .­

Ul émas et vé nérabl e s noto b l c e du pays : t rouvera i ent sé rieux et sa int . Qu e l

musulman r:t, ' ét a i t-�� , pr�t à donn e r s e$ biens , sa v i e , e t c el l e d e sa fami l l e pour

un nob l e but qui p la i ra i t au S e i gneu r A l lâh ? Le S e i gneur ne ré s e rve-t - i l pas ,


65 .

pour ses Elus ct amis qui se d�vouent h sa C R US C , un s� j our é t ernel ct perpé­


tuell ement agréabl e , dans s on Ed on odorifé rant ..?

L o Sul tan saura it c"xplo i t er la pré s ence Ct ' Amadu 'Bookari pour opérer
une substi tu t j on adroite d ' intentions . La caus e d e; ;r)icu s era it adroit em&nt
évoqué e . Fl le lui por" ettra.i t d ' a. t t cindrc la f'i n qu e co�"v o i tait le? far:,ille
royale: et d e satisfaire l ' appé t it dû gl oire Que tou t Prince poss ède cn lui .

Le Sul tan convoqua donc une gra nde ass er,� bl { e . I l fut c onvenu Gn
secret g u ' Amadu Bookari prûndre. i t la p2role dès qU{; Sa I\faj csté la lui donnerait .

Tout l e monde prit pla ce . Un grand s il ence S� fi t . T ous l es yeux


sc t ournèrent vers l ' estrF de où le Sul t..., n étp i t ass i s au : '1 i l i eu de sa cour
au grand c omplet . Sa rTr j es t é S (� l eva et dit :

"0 Ass emblée de fid è l es , mcs frères Il n ' y a ni force n i pui ssanc e
qu ' en Allâh , l e .C onsidérable , l e T rès Haut !

" Il nou s est prescri t d ' obé ir à Di eu , à s on Prophète , et d e " port er


secours � nos fr� rcs opprimés où qu ' il s soi ent , si nous on avons l es moyens .

" Il nous est venu , d es ue vs du S oude.. n nigé rien , un frère . Son nom
est illustre parce qr ' il se nOInF2 Amadu ( Ahmad ) . Sa t�t E:� e s t chanceus e parce
qu ' i l a 2 pT)ris et retenu. les 6 . 236 versets du C o ra.n , l e Saint Livre de la
Guida nce .

" Il est venu nous cntrE t r:ni r d ' uno s i tuat ion qui mÉ rite notre ré­
flexion . rJIai s qv;- nd un e; chèvre e s t prés E.nte , on ne doi t pas bêl er à sa plac e .
Je vous présente donc notre confrère Amadu , fi l s dE Bookari , l e j aé: w8.rindo ,
et j e lui d onne l a paro l e . Prêt ez-lui vos oreil10s a t t entives ! "

- 0 ami s et servit eurs dévollés à 1[1 CEU S €: d ' .A l l � h ! Je sl1 i s Amadu


Bookari , originp i re du pays sonrhaï arrosé pr r le gr�nd flcuvü blanc , frère
occidental du grand Nil égypt i en et oriental . N ous avons , da ns mon pays , c ru
e n Al lâh ct e n son Envoyé . Nous hf1 bitons un pays béni dont l e sous-sol est
riche en o r , en cui,vre � en fe r , en sel , e t recèl e bG�.ucoup d ' autres " matières
précieuses . Nos pl�ines et nes forêts procurent c ent vingt t rois s ortes de
produits c ome s t ibles ('l ui su ccèdent aux fl ours mul t icolores ct pD.rfumé es des
saisons annue l l es �
66 .

" Mil l € beaux o i s eaux m i gr� t eurs vi ennent chaque anné e , d e s pays

l o intains , gro s s i r la popul& t i on déj à d ense d e l p. gent a i l é e �éd enta ire . Il s

se perchent sur l (� s é� err.en c c E' d e s t erres s se j u chent dens l e s brFnchc.' s ,

s ' é battent d ens la pous s i ère ou dfl TI S l e s E'nux s plan ent dans l e s a i rs . Il s

m�l ent l eurs cri s variés B.UX bra i ement s , beu gl em ent s , b � l em ents et hennis se­

m ent s d e n o s b êt es q ui pn i s s ent l i brement élU bord d e nos C O'\l rs d ' eau et

mares en ch apel e t .

"11on pays e s t si bi. en d o t � par la. na ture que môn' c s i l ' on n ' y s enai t

n i cul t ivai t , o n n ' y mourra i t pa s de fai m . Bn un m o t , c ' e s t un ve rge r d ' A11âh

où l ' hom!� e ignore la fa im , au point qu ' i l R rriv e à quelques personn e s de s ou­

ha i t e r parfoi s un p eu d e far.dne pour en 8.vo i r un El.va nt -goût .

" Ma i s c e boau tn.bl es l1 e s t enlpidi par une tach e noi re . r10n pays

e s t d evenu c omme une ca l eba s s e pI e '; ne de le.i t dD.ns laquelle e s t t ombé e une

vilaine mouch e naus éa bonde .

" En e ffet , le pa�"s GSt a c tue ll e ' E; nt s ou s la c oupe d ' un m onarque

fé t i chi st e . fa rou che nég:- t E:l ' r de l ' Uni t é d f A1 1âh . Il s c prend pour un rival

de D i eu . Qu e l d orr.:;lag8 q u e l E; E' croyants plC' i ent sous l e poids d e l ' injust ic e

d e c e grand s ervi t our d(; Satan ! Cc las cétr l i bià. ineux es t ent ou ré d e c ourt i ­

sans hypc c �i t e s ou lascifs pr� t s à t ou t pourvu qu ' i l s res t ent à l ' ombre du

Roi pour vivrE' grr; s s em ent en a aigri s sant l e peupl e .

" Je su i s venu vers no t re p U P'Us t c Sul tan , rej e t on d e l ' Envoyé

d ' A 1lâh , pour lui de'- and e r la pro t ec ticn des musulmans de mon pays . Ils ne

peuvent plus ni apne l e r à ln pri ère ni ch n n + c r l e s l ou3ngc s de D i eu . Lo ROi

exige q u ' on se pr<'s t erne d cvpn t lui c t non d evan t A l lâh . I l fa i t rid i culi s e r

la prat ique d e l ' I slam par S f� S c OIP.é d i cns e t s e s c om 5. que s . No s femmes e t nos

fil l es ne s ont p l u s à nous , mai s d é s impl es feme l l e s à la d i s c ré t i on d, ' Ro i

et des gens de sa cour" .

Sur c e , Am a. du Bo okari fonc1 i t e11 l ar - e s . Il se mit à gémir pour b i en

Gxprime� la peine de son âme et la doule11 . r q ll ; c om prima i t son c o eur . Finale­

::r ent , i l s e mit à t ous s er ave c q ll e vi ol enc e telle au ' on cra igna i t de le voir

vomir s e s pou- ons .


67 .

C rétai t 'une c omédie bi en réussi e . Le' Snltar , . qui était de connivenc e: ,


s outint · Amadl.'· Bookari do. s es.' rains . Il 10 fit ·tai re e-t asseoir à sa droite sur
un pouf cnuvert d ' une é to ffe de soie broché e d e fil s d ' or .

Le Sul tan observa g 1 1 c lqucs instants d e s il e n ce , penda.nt l i ·squ ûls son


regard scrutat eur s c pOS8. discrè t ement s'u r tou s les visng(:8 , et notaII11:TI ont ceux
d os U l émas , guides d es consciences . Il y lut une oxpression d ' indignat ion . Les
paroles d u jaawannd o ava.i.ent porté jus te . Lü terrain était bien préparé . Il
fa l lait y se:mer .

Le Sultan sc l eva . I l ré cita la dou ble formule de profüssi on d e f oi

musulp!8.nE: . I l invoquH la T" iséri c o rd e de Di eu en faveur de. Mohamma.d , l ' En'tToyé


sUbl iIr e , cle 'sa fflDille et de s es cor' .... agnons . Puis il dit :

"0 As s emblé e de savant s et sa ges du Ma.gh reb ! Je viens d ' être saisi
devant . vous , par notre frère Amadu Bookari , et c ela au nom d E:s musulrr:ans du
Sonrhaï s d ' une 0 e- Ende èI ' int ervention afin qUE:: d e s musuln�pns opprimés puissent
recouvrer l eur l iberté d ' nct i on et vivr€· comT" G Al lâh l eur a c ommandé de vivre .

" Je demande votre avis Sur cette affaire d ' une importance capitale" .

Il sera.it inj us te de diro que t ous l e s habitant s du Maghreb é taient


allé chés par l es ri chesses énoncées par Amadu Bo okari . Bûau coup d ' entre eux
n ' agi ssa ient que pour plaire �. Di eu .

T out l e monde fut unanime à déclarer que Sa Maj esté d eva it , par devoir ,
envoyer une a rr-· é e afin d e délivrer les musu lmans d u. Sonrhaf .

Mais on ne pouv� it s e rendre d e Fas au Sonhra! comme on a l lait 06

Fas à Alger . I l falln:i. t p rép[l rer le voyage . Un e; p r�� i è r e caravane partit de


Fas . Ell e parcon rut le che;m i n gue d evrait suivre l ' expé d i t i on . Ell e enterra
de l 0in en l oin des outres d ' cau et déposa des provi s ions en quantité suffisant e .
Les pré paratifs d emand èrent hui t lunes pl eines . Cc n ' es t qu ' �nsui t c que l ' armé e
'.

prit s on départ pour le Sonrhal'"

Hariber , qui no s e doutn:i t 0.e .ri en , c ontinuait .d e vivre sans souc i s ,


se croyant à l ' abri .
· . .. :
.' , � .

68 .
Un ma t in , un targui' ( 1) mont� sur s on méhari se p ré s enta . I l d eman-

da à voir Hari ber pour lui donner une no,'ve l l � si grave qu' 611<) nc d eva; t

pEtS �tr(! ent endue en -premi è r e au� i t i f"n T.)p r une o r e i l l e a1J tre Q ue c e ll e dl�

Roi lui-r:\ emc .

L e t argui fut int roduit auprès du Ro i . Quand i l fut en t �t c à t ê t e

avec Hariber , il lui dit :

" Un e armé e aus si. nombreu s e qu ' un vol d e saut erell es marche vers
t on pays . Si tu n 'y prends gar� e , tu s eras enc erc lé d ' i c i que lques j ou rs . Tu
seras rp du5. t en e s c lavagell •

Heriber fi. t bat tre son tam-tam c1 e puerrc c t l eva une pui ssan t e

arr- é e . I l l ' envovr sur la front i ère d c' ses Ete. t s .

L I arm É. e mê roce.inC' campa à une j ourné e d e marchE:' d e che.meau . Ell e

. envoya u n ult imatum à Harib€ r , lUl enf'oignant de s e convertir . à l ' I s lam ou

de se démet t re d e SéS f o � c t i ("l n s de che f .

Hariber répondi t en d onnEm t ord re à s es t roupes d ' a t t c q ue r et d e


repous ser l ' ar ' i e maroca ine j us q u ' à c�€ z ellE .

Le S S onhra is profi t èrent d ' une nui t s ombre: pour a.t taf1 uer . Mai s
l ' arr,é e '�' a ro caine étai t sur ses pRrdes . La. JTl elÉ e d u ra .j usq u ' au lever du
solei l . I l y eut des mort s et des h1 0 s s P s de part ct d ' autré . L ' armé e maro­
caine , mi eux armé e , mi eux disc ipl iné e , cu lbuta l ' armé e s onrhaï mal c omman­
dé e . C elle-ci. se débanda en d ? s o rdre .

10 s marocains avanc èrent très rapid c� ent . I l s rattrapèrent des


fuyards d ispe r s é s , . e t rédu ; s i rc n t rapid ement l E' s rés i stanc e s sporadiques

qui se mani f e s t èr(:mt .

Hariber s c sent i t perdu . Il s ' enfu i t vers l ' e s t evec que l ques
c ombattant s . Une part i e d e sa famil l e tomba aux ma ins des marocains . P2rmi
l es pris onniers figur8 i t l ' une des fi llep ·d e ·Hariber . Ell o é tai t pi eus e ct

bel l e . Amadu Bookeri , qui ln connai s sa i t , c ons e i l la au chef de l ' a rw é e


d ' épouser la Prince s s e . " C e t t e a lliance , d it -i l , fera gagner a u Maroc c e gue
mil le d iplomat es ne réussirai t·nt pas à obt e ni r " .

( 1) s ingulier d e t ounreg .
69 .

Le chef d e l ' a� é e ma r o ca i n e épouse la Princ e s s e , f il l e d e Ha rib e r .

T ouj ours sur l e c ons e i l d ' A�lad" Bookari , i l é l e vA. ensuit E: Baber à l (�, d i gni t é

de Grand C on s e t l l '-·:r d e 1 [1 C o u r . A ,�n sn i t e: cl e C G � cl eux me sures p o l i t ique s ,

t ou t l e pays s onhraï pr�ta , s f r' · · ent d r a l l é f'e an c e au che f , de 1 r armée .


QUE'lqu c s mo i s plus t� rd - d ' autres d i s e nt quelques Qnné (� s - Amadu

Bo oka ri , qui s r'.vai t qu e· l e m e i l l eu r d e s c oeurs e s t c e l u i qui c o n s e rve l e

mieux l e s ouvenir d u b i en , oubl i."0 t o t al ement ,l e mc:. l qU,e lui avai t fai t

Hariber p our nc se rappeler qv e 8 (' S bi cnffl i t s . I l int e rv i n t e n s a fav eu r

auprè s du cll ef d e l ' a rm é e r 8 ro cé) inc . K':. riber fut amn i E t i é et r evin t au pays ,

non p l u s en t � nt que Ro i , r.w. i s en t8 nt. qu ' ex-Roi et beau-père d e c e lui qui

r ègna i t [lU non d e Sa Maj C' s t É l E Su l tf' Y' du N�l. ro c .

Har i ber c onpri t , l'a i s t !OP t p. rd � , q u ' i l ne i,'e..u t pas a.ppro cher d e s o i

un j aawannd o , pour ensu i t e l ' {; cnrt cr .

Un . proverbe ne d i t - i l pns : -" Qunnd un l i on et un j D.D.wanpdo s c pré ­

s e n t en t è ta p o r t E': � l a i s s e plut ô t l e l i on entrer . l n is s i l e j flawann.do réus s i t

à ent rer , t u e - l e plu t ô t qU E.; d e l e l a i s s e r re s s o rtir " . ,


70 .

XIV - L A A ou L A N N D U R E ou N D U U R E

C t e s t à part ir de ' Bookari , fils d o U s � a n c , fi_ l s d e Ko oro , que

que lques j aawa.mô e c omrn enc eront à, port er 1 c ye t t o ore " La " . Leur c lan s e

nommera Ln a t e e ô e . L ' an.c �trû d e Bookari Usm2.ne lui�m�me s e rai t originaire

de Byzanc e .

Booke.ri U SI!1ane éta it un hOrlIDe extr�mement droi t aussi b i en en

paro l es qu ' en a c t i ohs . Non s eul ement il ne: se d i sputa i t avec pers onne ,

mais enco re i l sa.vai t apai ser t ous l e s d i ffé rends qui surgis s a i ent entre

l es gens . On l ' appelait " l e c on c i l ia t eur" .

Il é ta i t é géüemen t si hUtlbl e et s i serviable qu ' i l a c c epta i t vo­


'
l ontiers de dé poui l l er les animaux immolé s pa r S (; 8 voi s ins , bi en qu e c e s

t ravaux fus s en t ré servé s n ux capt i fs �

Bookt"!.ri UST a n e alln fin8 l (:ment ha bi t e r


' un pays appelé Nj o ronngolle .

LG gib i e r y t t a i t t rès Ebondan t . Bookari. Usmane fini t par d eveni r un grand

chasseur Gt tua beauco1Jp d t é léphan t s et è. e bu ffl es . Pui s , i l achet a du Denu

et du gro s bé ta i l- • . Son· chep t el s e I!lUl tipl ia rapid ement , grâc e aux ri che s

et vas t e s pra iries qui ent 01 ' rR i cn t Nj oronngoJ l e .

En quelqu8s anné es , Bookari d evi nt le plus rich E� proprié tEl ire de


t 01.1 t l e pays , j ll Squ ' à trois r' o i s de mn rch e al entour .

Indépendamment de ses bovins , de s e s ovins , s e s caprin s e t innom­

brabl es ch eva ux d e rë; C 8 , il aV2. i t 8.cqui s unû ar-' é e de cc.ptifs qui l ' e.d orai ent

C Oflme un d i eu tant il nvp it su l e s bi en tre i t f: r e t l es anadouer .

Un j our , Bookari Usmar c , comme d e c ou tUrle , s r en A. l la à I p. che. s s c

c ontre un gro s r.lé chant l ion o ui fr-ti s[l.i t un ravage inqu i�tpn t dans ses t rou­

pe8.ux . Ayant aperçu le l i on , . il se mit à ] ' affût .

Or , il s e trouvF1.i t qu ' un Butre chR s 8 6ur , dont 12 pré s en c e é ta it

t o tp-lencnt ignort e (l e Bookari USJ'!'D.ne , é tai t lui o.us s i pos t t dé'.ns un b osquet .
que
t ouffu , et r t t Gnda i t jl e n Ême l i on se trouvât à p o rt é e de s on arm e .
Le l i on s ' appro cha de l ' �ndro it où gue t ta i t Bookari Usmanc . C e lui­

ci lui dé c o cha. , en . Même t emps , t roi s fl èches à ba rbi l l ons eJ"'lp o i sonné s . Le

fHuve bond i t ct ret onba [11 .' momen t 01' "nc fl è c h e lanc é e pê r l e d euxi èMe chas­

s eu r lu i t rans p � rça la hanche .

LE:: d e�xi è'��e chas p cur s ' é c ria "Hourrr., pour l'loi J ' a i aba t tu l e

grél.nd ra.vageur ! "

Bo oke.ri UStnfl.ne s ort i t d e sa cache t t € e t dit

" La "

" C e n ' (: s t point t[� fl 8 che q'.' i a tu ES l e rav:1 g'c:ur , D e i s c ' e s t �on t r ipl et qui

lui [l. t ranché ln vie " .

( " La fi e s t un né gt? t i f d e la langue a r2be que l e s fulaph ones ont

adopté en lui c ons e rvnnt lE: m�rr G s ens , c ' e s t -à-d i r E "non" . )
Booka ri USll'ane e t l e d euxt ème che s s F u r examinè rent l e: c o rps du

l i on . Ils c on s t a t è rent que l�l. mort nvr i t { t É d � t e ITliné e p.!"l r le t r i p l e t d e

flèch es .

Bo okari U s�nnc , c ont en t d e lu i-M �me c t d ' @ t ro enfin d é bB rras s �

d ' une vé r i t é'. b l e calnoi t é , s ' [ld ress� à. s e s bêt e s C OIrlTIle si e l l e s pouvai en.t

l ' ent endre . I l l eur d i t " NdurE': " , c ' es t-à-d i re " Pai s s e z !
ft
( s ous - ent endu
" en t ou t e t rana ui l l i té , rien ne vi endrû. plus vou s inqu i É- t c r " . )

Lo s e c ond ch p s s eur pl e in d ' admirr'. t t on pour Bookf! ri Usr ' [\n e , lui

cria

" Ln. ndure "

Ce mot d evint le yet to orc de s d e s c end r n t s d e: Book�. r i Usr ane .


o

o 0

Booka ri Usnane enp"end r8. Kooro Bo oke.ri , qui hr ri tn Cl e s biens a ins i

.
"
qUE des que. l i t € S m o rf'.l os de s on pè rc' .

K o o ro eng8ndra t ro ; s f i l l e s . El l es d evinrpnt s i b e l l e s q u e part out

on l e s c i t r it c omne �odè l es . Heureux , d i sai t - on , l � s hor.�e s qu i épous e rai ent

l e s fil l e s d e Ko o ro Bookari !
72 .

C ent j aawan ô e d er:land è r e n t la . F ain d e s t r o i s fil l e s d û Ko oro Bookari ,

qui fut pl ongÉ d::, ns un gre nd E:'mbnrre s . No v01.l 1,o:1 n t bl c s s (; r ,


él n c v n d e s c� nd id[;. t s ,

il eut r e c ou r s à un subt e rfuge qu� sauva. lé s i tua t i on .

Koo ro choi s i t 97 j eun o s E'f c lavü s . Ave c S 8 S tro i s f i l l e s , i l eut

ains i c ent v i e rge s � qu ' il r{ pr r t i t c�trc l o s c ent s oupir�nts , lai s sen t

croire à chacun d ' eux qu ' i l s ' agi s s a i t de l ' une d e s o s t rois fi l l e s .

Le subt e rfufc ne fut .€Vent f que très l o n g t emp s � prè s l a c on s or�� ­

tion d e s nari�g8 s .

. L G S 97 c oupl as j aawflill ô e -h o ro e ( c ' es t-à-dir8 j aawar, ô e - captiV'cs )


engendrèrent b enucou p de f i l s et de fille s . C ' e s t en ra i s on do c o t t e n� s� l­

l innc e , ,
don t Ko o ro Bookari USf1.ane e s t m o rr l eno n t e t prp t iqucoen t responsa b le ,
"
quo 1 e r-: p-éné nlo gi s t es mcnt � onne nt , de,ns l e1 1 r e n s e i gneme n t , que l es j ae..rTarl ô e

ont du s n ng cap t i f dans l e s vein€s .

\
\
\
73 .

xv - B A C C l 1 l

10 nommé Jonkunndo Bookari épousn Ka j j a Una�J , d e Mad� na Snako .


De leur union n[l.qui t un f'o.rçon à qui ils d onnèrent l e prénom de Bo ok.s.ri .

10 S gens prirent l ' hc.bitude d e s al u e r l e petit Bookari par le

yett oore d e " Baccil i " , qui é t:.- d t celui de S El mère: .

Bac c i l i est plut ôt un :vet toorG Barkn n ue j aewD.nnd o .

L ' exp18tif d11 yettoorc Baccili e 8t IIJ ooke Jagnnbull e " .


74 .

XV I - D A R A M M f, E: R E:

Usmane. Bnna e t Meal iki Buna é tr.. � ent deux fr ères t rè s unis pa r

l ' aff€· c t i 0n .

I l s é ta ient é leveurs . M.q n l iki , plus j e une qU E: Usme n� , t tci t

ch�.rgé de nenC:r l e s [!n i mau� RÙ p� turr p'c .

Cha q ue anné e , on fêt R :i t l e t .... " reau le plu s gras , 16. mei l l r ure

lai t i è re , l e veau le plus be2.1 1 , et c ' é t. r i ent t OlJ ,i oure l e s " p cl' l s rourre s "

qui remportai ent l e s prix .

Me.a l ik i Buna proni t à s o n frère o u ' i l renpo rte rD i t l e pro chain

prix . Il cho i s i t que lque s t é' t e s de bEStail et pD.rt i t 2.vec s e s 'b ôt e s en hau t e

brousse'. DurPIl t s ix J'l.o is , i l vé cu t l oin d e t Ol 1 t C h o bitD.t i 0n hl '!'.'lE'.ine , se�) l

en t êt e è t ê t e 2vec ses b e t e s , d � ns l ' i�ens i t é de la brous s e .

L ' endroi t cho i s i pnr r-ba l iki compo rt �. i t d E' s h0 rbes grp s s cs , de la

t e rre salé e e t d (: s cr< ux l inpioc E: s . Il n ' y t vn i t ni p.' o1,l chc s , ni mous t ia u e s , ni

aucun de ces ni l l e pA rn. s i tes qui eapê chent los bêtes d e bien Ir.ange r , d igé rer

et domi r . Aus s i les bêt e s de r·b.r l iki enpr:- i s sèrE·nt - e l l o s C OlI1� e j amais ne le

fi t aucun b ovidÉ d E' ns l e y>n ys .

Lo j oU r de I D fê t e , Hrta l iki Buna arn e nEè S 0 S bêt e s c t l e s expos8 .•

Ce fut une merv e i l l e ! Il gp..grw. t ous le s pri x . Il f01 1 rni t la f.lCi l l euro lai ­

t-:i è re , 10 tpureHu l e plu s PT� S c t l e veRU l e plus b e � u pD.r S e s prop o r t i ons

et s on :pelapC' �

UsmanE: Bun:: � heureux d ' e nt e ndr e l es l ouP.nge s d û s on frè re s or t i r II"

d e t out e s l e s bou ch 0S , no put s ' empêcher d e s ' é c ri er :

"Do.rn nki-nee rc. "

expres s ion qui , en laneue pou l e sirn� fi e : " n ' a pR S é t é debou t i nut i l enent " .

C ' é tt'3 i t une fB, ç on à.e d i re : l'lon frère n ' n pn s perdu sn. peine .
C e tlot fut t re nsfOlT.€· en "Dar�.r1 e erc n e t d evint l E: ye t t o o rE: d e s d e s­
c endon t s d e Maf-1.l iki Buna .
75 .

XVII - C 0 K � A R l

Guuro Be.a.bn , du c lt n j [l n wr r.' ô e-laa t û c ô e , ér.ligr� de Runnde-Aal i ,


vil laf'e qui se t ro1.1vc. n.u Fu t D - T o ! o , e t vint P.u M...qc inf:l . Il t r['.v� i l ln , r.:ais
ne put réussir à gn.gner q1.1 o i. qu e ce s oi t pour s e c or . El ti tue r un biGn . Sn
nouvelle ré s idence lui s e�bl� t e l l e une pri son .

Sa nis ère { tE· i t s j grr nde qll t iJ { ta i t devenu lE: pro t o type du
"meurt de fo.im" . · V en t re tO'J j op rs vide , - corps cou.v ert d e hai l l ons , Guuro

Bal?ba ne se.vF'. i t plu s q u e fa i r e ni olJ p llor .

Il se d i t à lui -J2l�r- E:' : " Pour vivre , je fern i d é sormais n t importe


quoi , pourvu que ce ne soit pr s d:, vo' f i . O r nous sr.:-vons que , selon ln t r�­
di t ion , n ' importe qui nc pouv:, i t eXE:rcer n f i np o r t e q�' el n� t ier , s ou s peine
d ' être dé shonoré p� rmi les s i ens .

r{..1.is "ventre n fferr é ignorr: l e:::· biens€ anc es cor:vont i onncl lcs " .

Le "vent re crE'ux " Guuro BQ2 brt é tfl it r ssis au pied d ' un JT'.ur où il
s e�blnit a t t endre la oort . Survint une fil e d e captifs peul s � filets à r.ain
sur 1 t épaul e ou sur l� t�te , qu i. se dirigcn i ent vers l� mare . G uuro Bnaba
suivit l es crtpt ifs . I l narchp i t co�e un t'utonat e , spns s['..v oi r ni penser
pourquoi i l suj vai t l[-l fj_J. E' .

Une fois au bord de la mare , les capt ifs formèrent un cercle


autour de l eu r ancien . Ce lui- c i s ort i t de son sac t rois cornes cont enant
des fÉ t i ches . I l invoqua longuement l es d ieux et les espri t s d ' eau . Puis i l
envoya l e plus j eune d e t ous j et er dans l a mare qu elques boul es d e farine
de mi l .

Guuro Baaba s ' approcl'!n du n'oupe et dit : "Admettrie z-vous que j e


prenne part à la pêche que vous aIl e ? entreprendre ? Je p eurs d e faim" .

Le d oyen des capt ifs lui. d emanda : " Avec quoi v.? s-tu pêcher ? Tu
n ' as ni fil e t ni harpon . " Guuro Baaba res ta int erd ii:: et ne svt qve ré pondre .
76 ,.

Un j eune c a pt i f d it ·: t i C 1 e s t un j a awannd o , c omment voul e z -vou s qu ' il


a i t un engin d e pclche " �

G'L..u r o Baaba ré pl i qua : I I J ... ne su ; s pa s j aawanndo , ma i s un a ffamé l l

( "Mi wana,a j aawe nndo mi '\;·welaacfo :1 J )


S ' il sn e s t a in A i , d � t le doven d e s c a p t i f s , voj c i un harp on a

Sers-t ' en en D.t t e�:iGn t d e . t rouver mi eux " 0

Guuro Ba.: ba pl'i t le h2 ';.'pon ; et mani.a si bien l e d a rd emmanché qu I on

e{lt cru qu ' il l ' a vai. t t enu t ou t n sa vie e nt r e ses ma i ns a


I l ha.rponnu · tant e t

tant de gro s et mC/yens po::. s s on s ql.� : i l fa l l u t u n ône pour ramener sa p r i s e au

vi lla ge "

I l . d i s trj bù.a le }J.�·od1 ). i t d e r:a peche entre t ous l es j ap-wamo e et p eu l s

qui p o uva i en t l e rai l l e :;.� , Lr'. ree; cnnn i s san c e du ventre p l e i n eY.lpêcha les uns

et les a ut r e s de f,<:; 1 re d e s gorges chAud e n 81J.X d € pen s de Guu ro BCt' ba ..

GUU1'O put a i ns i ·c :..: p nqui l l er' ent co nt inu er s on travail . C e fut la


c lé d e s on . bonheur 1 Il é,'8,gna b 8 n u c oup d ' a rgent, en revend l-�n t les p o i s s o ns

qu ', i l ha rp onnai t chaque j our � AV0 ':! cet .'l rgen t 1 il a ch e t a f) eauc oup de bêtes

e t d e capt i fs e t put c es s er un né t i er qui :J ' é t a i t pa.s fai t pour l ' hon o rer �

LOj,"' squ e qu elq ue c hi!Ü S cur i eux lui dema.nd a i e E t c OD1ll ent i l 2.V[l i t fait

p our r6 c o l t er tant d ' argeni , il r6 p on dait

:1 s (J�{aade lic ii 11 .. : harponner d e..:: -p o i s s ons ..

( En peul , lI e okaaQe " s i gni fi.. e li9.rp:)nn c !' , Le Trodu i t <:l ' un ha rpOlmage

se dit " c okaari ll , al}. verbe !I ·� "" .:·C' �ld ,:-, !I ] harponn er ).
Les d e s c endarJ t s de Guur n Ba a ba aba nd onn èrent l eu r ye t t o ore " La "

pour ad o pt e r " C okaa:-i. Il •

Yero Yeegi Jlt ïsa 1 tur; en 136 0 à C aa�Teval . é tfli t un C o ok a r i . I l pas sai t

pour l ' un d e s plu s bre.v e s d e l l · ar:-.' é e du l'iac ina au t err p s de Ainad u Af'ladu .
77 .

XVI I I - N Y A N

Jonkunnda Maali { tr:: i t tin ,j aavando bien fortuné- , qui vive. i t à

Medina Saago 1 01J ' !'�adinB. Saa.ko �

Des ?,rio t s quémandeu rs av� ient pri s l ' r abitude de t raverser le


pays de ptJ rt en p�.rt en exige� nt des nl')'hl es de grands cadepux qu ' i l s deter­
minél.ient eux-mêmes .

Ces griots � taient redou tf s parce qu ' i l s c omposaient d e s satires


à l ' encontre de c eux qui l eur mesura.ient les dons . TOl1 t le monde redoutait
la langue a cerbe et t rancha nt e de ces griot s , aus s i effront�s qu ' il s { taient
é loquent s . Les gr2 nds chefs eu.x-mêmes l es amadouaient , car ils ava ient vit e
fa it de ruiner l e crédit mora.l d e qu i c onque s e montrait av." .re envers eu·-· .
Sons te.m-tam de guerre ni RrmG e , i l s pva ient c onquis' le pays .

Un j our , a près avoir p.: rc ov ru et curÉ' l it t é ralement t 01J t l e pays


de Saago , c es gri ots vinrent ' Mad '; np Saago et envRhirent la mai s o n d e
Jonkunnda . Il s lui d irent :

- 0 fil s de Maali ! Nov s sommes chn s 8 '" s d e nos demeures par la faim
et la misère . Nous venons chez t oi pour no� s rP.ssasier" .

Jonkunndn l e' reçut bien et leur servi t un. . repas c opi eux . En l ' hon­
neur de leur e.rrivée � il tua d enx teurecux d e d ou z e ans . " Bi envenu e I�.UX

11
('Tio,ts d e . mon pays ! dit Jonkunnda . C hp que j our , i l tua un boeuf pour
leur repa s .

Après huit j ours de rÉ j ouissP.nce , l es gri ot s " demand èrent la route" .


Jonkunnda leur o ffrit douz e taure[l.u,x et d e riches h.? bi tE . Le s gri ot s , qui en
attendaient davantRge , bond èrent . Puis i l s pani fe s t èrent · l eur dépi t . Il s se
..

miren t à. mimer l ' av� rice de J onkunnda par ' des ges t es outrp. gepn t s pour lui .
Ils firent s emblant � e s ' en aller , mais - ils compèrent. devant sa . port e . I ls

int erdirent l ' a c c ès de sa mai s on à toute pers onne vena.nt du deh ors . C e fut
un siège en règle .
78 • .

Jo nkunnda es saya d e pa.rlementer , ma i s l e s gri o t s ne v oulurent ri en

ent endre . I l s exigè rent vinf,t -qua.tre ta.urea ux de d ou z e ans et l e d oubl e d e s

t rous s eaux qu ' i l s av,:=li ent reçus .

J onkunnda fit s emblant de c L d er . Il r ent rE'. che z lui ? f i t s e ll er

son cheval , prit s on arc et ses flècpe� et s ' arma , en out re , d ' un foue t

fH i t de l � ni. ères de peau d ' h ippopotame o

I l donna o rdre à s e s captifs d ' ouvri. r ID. p o rt e (l e s on v e s t i bule

et apparut a ins i é quipé aux gr i o t s G.u i s ' a t t e nd a. i e n t à t ou t a u t r e cho s e

qu ' à c e que Jonkunnda s e m i t à l eur d i s t ribuer � En effet J o nkunnda p oussa

un cri fé ro c e e t fon ça sur : es gri o t s . I l a s s{ nél p�. r c j p8.r là q uel 9.u es


c o u ps d e fOl.J e t . I l renversa l es uns , pié t inn l o s au t re s ave c s o n c h eva l . Il

braaua s O P arc e t dit :

- Je vais c ompt er j usqu ' à dix et s i vous � t e s enc o re là , c l en es t

fait d.e vo t re vt e " .

Les gri o t s dé tal è rent en l� i 8 s 8n t su r pla c e gui tares , tam-tam ,

cas tagne t t e s , chaus sure s et ql�e l ques c o l l i e rs que l eurs femmes aV8 i ent

perdus en s e sauvé" nt .,

Pou r l ouer c et t e l e ç on q u e 1 es gri o t s rec evf:. i ont p our la preI!ü ère

f ois , l e s gens de l1adina Saako se m i rent à d i r e � Jonkunnda :

" Ny[lnnga di nyaa ra "

( Nyannge " , c ' e s t ê t re dan s l ' é tp.t de " nyanngude " , qui s igni. fie en

peul " s ' emp o r t e r v i o l emm ent " . " di nya.ara " s i {m i f i e : "ils s'e d� b8.ndent " .
En d ' aut res t e rmes , c e la � quivp ut 8 d ire : " Quand J onkunnde.. s ' emport e , l es
cavaliers s e d é bandent l l � )
C I e s t à part i r de c e t é v inement que l �· s · f'ri o t s c e s s è rent d ' a ll e r

a s s i é ger l es noh l e s et a ' e x i g e r d e s cFl derux p.u-de s sus d es mOY'ens d e s habi tan t s .

Les d e s c endF.'.nts de J onkunnda prirE:·nt pour ye t t n ore " nYEl n " , d iminu­

t i f de nyanngud e . �:! ais l r rs q.u ' on veut d onn�r une emphas e au yet t o o re Nyan ,

on dit : Nyan nyanngél di nyaara .


79 .

1... 1
X IX N Y A U A A D U

Jonkunnda Haa l i , qui d onnç< une fort e c o ri" ec t i on e ux gri o t s qué -


, i

mandeurs' , av� i.t un frè re appel é Ba:rya. �� n l i �

Quand Bayya Maali appri t ,1Ft c ond u :L t e .v i o l ent e d e s on frère à l ' en­

,c ontre d e s, gri o t s , il en 0 pro�v� de la , hont e , d i t un e ver�:li on a rrangeant e ;

U?G a ut r e t ra d � t i on " plu s d irec t e ré t o,re ue Q u ' il Y t r ouva une o c c a s i o n d e s e

" I,Ile t t re e n é pingl e " -

, Quoi qu T i l en. fût , Ba yyc riJaal i envoya c h e rcher l e s gri o t s b a t tus

, et, c ha s s � s pa r s on frère . I l e s t l' (� b,ergea chez lui e t l eur ,d o nna. , l e s vingt

téJ.ure�mx o u ' i ls e x i ge ,'"! ient d e s on frère .,

, Lo r s q ue d e s gens 1 surpri s , vinrent d emande r à Bayya Maa l i pourquo i


} ' .I

il avai t une c ondui t e o on t ra ire à, c o l l e d e s o n f rè re , il n e rÉ po n d a t pas

c lai rement à l eur qUE?s t i S'n . Il s T e s quiv[� �n d i sant

" nyaaga cfo ko waavli yo o h okku "

( " qu e C ell] i à qu i on d em a n d e ce ql.} ' �l neut , d o nn e " ) • .

, L�$ :waw-haa T .en (1) ont d it :

· *i
De' �x fa it s p e rm e t t en t d e E'� J.:ppo s e r ,
' e t mêm e d ' at:fi rmer , qu e '

Jonkunnda Maal i V01.1 lut ,j ouer un t ou r à. ' s o" frère

1 ° l e fai t d ' avoir e s qu ivÉ. la qu e s t i 011 r e l a t i v e au m ob i l e d e sa


'
c ond" i te o ppo s Ée ' à' , cell e de son f r è re ;

2 ° l e fe i t d ' e.v o i r re fu s é l e y(�tt o o re " nyan " e t d e s ' en ê t r e c ré é

un , pr�pre à lui , e t qu j s e ra i t c e ll 1 j, d E? s o s d C l? 9 C r d é1!l t s . C e , :," e t t o o re , qui


"

�s t '�ny&naadu " v i e nt ' du : , s l',hs t an t i f p ell l , "nyaSlgaacf.o " : " c e lui à qui on ' d emand e " .

L ' expl é t i f du yct t o or e " nyanaaèu " ' c- s t "mbaawnd i '" q ui s i gili fi e : " qui p eut " .

Ba�rya Maa li { t p i t pp i s s 8n t n' r sa f ortune e t , T-'�r la m e.. gna. n i mi t É: ,

de s on c oeur .

(1) Mo t à mot : " c eux q u i sa.vent pa r l .::; r1· " :Pa r 8xt ens i. on l e s d ial e c t i c i ens .
80 .

XX - J I G E

Boori-MaEl.li étRi t le frère pufn€ d e J onkunnda Maal i et de BaYla

Maali . Cn c onnai t l e s c ircons tan c es qui.. amenèrent J onkunnda Maal i à adopter

le vett oore "nyan" , ta.nè i s que s on frère Bayye Maa l i adopt ai t l e yetto ore

"nyanaF.! du " •

Le s deux frères d evinrent finalement ennemis et n ' ava ient plus


'
rien de c ommun . L eur " endam" ( 1 ) 0 t p it gâch{ à t el point que chacun ne ten­

dait l ' ore i l le qu e dans l ' espoir d ' en tendre annoncer la mort de l ' atre .

On se demanè 3.i t p r r t ou t qu pl anima l de 1 i s c orde aVEl i t pé t é (2)


'
entre l es d eux frères , qui j ad i s éta i ent uni s c omm e d eux mol. é cules d ' eau ,

pour empes t e r l eurs rclD t ; ons frr ternelles au p oint qu ' i l s ne pop.vai ent plus

se s ent i r , même de " d.os tourné " ?

B0 0ri-Maa l i , l eur puîné , s0u.ffr:i t énorm�ment d e la d is c ord e d e s es

deux frère s . Il d é. c idp. p l ors d e qui t t er l eur vi l lp.f"e . I l plia s e s bagage s ,


-'

et poussa s es b ê t e s devant lui . Il alla se fixe r (J. Jigan:be-Sa nikoy . C e vil l a-

ge n ' exi s t e plus auj ourd ' hui , mai s on èonnaî t s on emplac ement au Fu t El.-T oro

( Sénégal ) et on l e montre f� c i l ement .

Compl exé pA. r la més ent e-' te d e ses frère s , Boo ri-Maa l i s c lais sa

vivre S8.ns efforts . I l : ne chercrg ri en , i l n e f i t ri en pOl ' r s e s ignal er .

Aus s i s a vie fut - e l l e �ans his t oi res et , c omme t out es l 0 s v ies sans heurt s ,

fut-elle t erne et . s9n s glo ire .

Bo ori-Maa l i é t�ü t res t é. très at ta c h é à ses frères . : 11 ne pouva it

d emeurer l :- ngt emps Sé:: ns avoi r d e leurs nouv e l l e s , , et venp it d e t emps en

t emps leur rendre vis it e . I l fut c ons id� rL c omme un bon pa rent . Chaque foi s
qu ' il venà it , l e s gens dis a i ent " Bo ori de Ji gambe e s t venu . c ons ol id�r sa paren­
'
' t é " � s é s d e s c endant s p riren t pO' � r ' yett oore " J i p-'e " , diminutif de ji gaL: b e .
L' expl t t i f dé . Jj ge ou Jigam.b e , est Sanikoy .

( 1 ) voir l a not i on d e " encîam" dans l e s notes expli ca tive s , e n fin d e t ex t o .


( 2 ) " Kere puuti hakkunde ma ô ô e " . Kere ( antmal d e dis c o rde ) a pé t û entre eux . C et t e
expres s i on indique l a séparat ion t otale entre deux êtres .
XXI - K A R A N Y A R A

Un fi l s d e Jonkunnda Maa li , nomm{ Duna Jonkunnda , qu i tt a s on


. . p re pour a l l er s e fixor à Gurumbe , un gros vi l lare dans le pays d e
.
Madina Saako .

I l Y t rava i l l a dur e t ac qui t une fortu ne re s pe c tab l e .


.
Il s e paya
,

'lm grand chept e l et l ' é l ev a ave c bea ucoup d e s o i n s . S e s bêt e s s ' é tant

c ons idérahl emcnt mul t ipli{; c s , il c o · ' s t ru.i s i t pour e l l e s le p lu s gran d parc

de t ou t e la région d e GUrLlIT.bé . On ne l ' appe l a i t pll.! s que pa. r l e mo t :

nKaranyara " � c ' E-s t -à-d 'i re "ina 1 t re de pa rc " •

p
S es d e s c end � n t s pri rent c e t t e a -r c l la t i C'n c omm e ye t t o o re , ct

aband onnè ren t l. eur ' d Gnomina t i '"' n " nyan " .

Duna é pousa une femme j aawannd o d e É o o d i , nommé e Bintu Bookari ,

i s sue de la Po r t e d e s " Yaa t a sa;re " •

C e t t e femme engendrn beeucoup d ' enf8n t s . C (;u x-c i a imèrent si bien

l eu r mère qu ' j l s gé' rdè rcn t s o n ye t t"o o re , en plus dl) Y8 t t o ore pat ernel .

C r e s t ains i qu ' on fut amené �) confonc1 re , plus tard , l c· s " yaa tasaye " et
. l es ' ,iKarD.nyara "" L ' explé t i f o e Ka rr'n yE rtl (' s t Bantanyar<?_ .
fi

Bi � tu Bo okA ri é t p"i t s i d ��i.c e e t si b o r m e qu ' on la c l t a i t c omme

mère mod è l e E t p ro t otyp e de femmo n { voué e .

D a ns c e rta i ns c lans Je.,e-' l'ramô e , on i nV0q U O encore s on nom c omtœ on

invoque ra i t c e lui d e s grEnd s saint s de l ' I s l am e

. Le s marchands l" invo quent pour 8.v o i r r es c li ent s' qui pa.yent : bi en

sans di s cu t e r ferme , e t l e's a ch e t üv rs l r appe l le n t à l eur s e c ours p'o,ur nc

pas être' roulé s .

La femm e ' en d ouleurs d t enfant emen t la c i t e pour hâ'te'r s a d é livrance .

" Bi n tu Bo okari bona a j :i kkE5 " : " Bintu Bookari ne dé ç o i t pa s c elui

qui l ' appe l l e à s on s e c ours " .


82 .

XXII - \i A A Y G J� L 0

Le nommé Usme.ne Kul l e � t( i t de la P o rt e ( 1) d es N yan . If aimé'.Ï t

bj en ê t re s eu l •

'
. Ayan t ac qui s b cp u. c o p : ' d e bête s 9 d " o r et d ' a r g E· n t ,
. " i l a l la camper

loin' d e " 's on vil lage nata l ' et invi t e, t r us le s p2UVr € S , qui ne savai ent où

al l r�r i'li c omm ent v ivre , ù ven:� r' s" instc? ller 8.v8 c lu i ' .

Il 6 t c', i t s i ch r> r'; tB.1:1e (1�" i l aura : t . vu à c o n t re c o eu r un aut re


-

que lui subv e n i r aux bes oin s d ' u n mt11h el J reu x •

. ' : I F'. . ' ,"

Aut ont il é tn i t ri c h e e t char� t e,b l c , UU taJ1 t i l fuya � � la c ompa gn i e

d e s ri chr' rd s de son temps . I J ne frÉ q u e n t :-l i t q u e' c eux p qui i l pouvait v eni r

en a,fa8 .

On 'Prit l ' habitud e de r j re d e lui " omo wanyi-ga lo " : " il n ' a ime

pas l es ri ch es " . C e t t e expre s s on fu t : i à l a longue , c ontrt c t é e en " waay-galo " ,

qui devint" le y e t t oo re dE-s dE:s c end,nn t s cl e U s;·' e.ne KUl l e .

Les Wa.ay-ga,l l o h a b i t e nt a ctuellcmÉ:bt dans l e Gimmbal la ( Niafunke )


et le Mac ina . L ' explé t if de Waé' y-galo e s t " W2asa-bat ooo e " ( 2 )

·.f

- -- - ----� ------

(1) " P o rt e " dé signe la l i gné e mas cul ine d ' une famille , C OiNT! e ' "kos am " , " la it " , d é s i gne
la d es c endance féminine . C e l a i t port ere le nom de " e n dam " , c ' e s t-à-d i re " l iqu ide
s ec ré té 'Pa.r l es " enncfu " , wamel l e s ', quand i l d� s i gne 1 0 l i en s a c r é uni s san t les
membres d ' une fam i l l o , ou . d ' une ethnie .
On empl oi e ra , pour c onjurer que lqu ' un de fai re qu e lque cho s e , l ' expr e s s i on
" A l la e endam" • " Prl r Di eu e t l e l iquide mammaire
. . " ( C f . page 8 9 ) • • .

( 2 ) Qui n� manque pa s d e c ourti sans .


83 .

XX I I I - y A R AN A N N G 0 0 R E

MBuuldi Baaba Amadu Buubakari aVé i t un frère puîné app e l é D i gal

Baaba . Il s é t a i ent t ous d eux r€ putf s ' pour l eur c ournge et l eur gro nde

large s s e .

MBuuldi Baab Q� étéli t d e tail l e c ourt e . Bi en · qu ' i l f"ftt gro s et t rapu ,

il é tRit fort l es t e ct t rès ra pide , et exé cutr i t ave c s on c o : ps l es mouve­

ment s qu ' i l voulai t .

Un j our , i l prit part à un e exp€ d i t i o� . I l y av�it , parmi l es

c ombattcnt s , un maure nomm� Ahmed S iddik qui ne c e s sait d e rega rdûr avec un

air moqueur MBuuld i l e trapu .

Il s mon tèrent à l ' assnu t . Le Maure , qui av::> i t mauva i s e opini on d e

MBuuldi en ra i s on d e sa tai l l e et de s a c o rpul en c e , revint vi t e d e s on erreur .

Au fort d e la m�lé e , vint un mom e nt où i l eut s i p eur qu ' il s e mi t d e rrière

MBuuldi . T out t remblant , chaque foi s qu ' un ennemi t ent� it de l es s errer de

près , il lu i c ri a i t
' = "Hf1.l- tara " ( qui , en a rr'..b e , s ignifie "vois -tu ? " )

MBuuldi , qui pEl-rIa i t bi en l ' nrnb e , répond:3i t tt YarR " (je vois ) , et

i l abat t�i t o u capturai t l ' a s saillant .

Les autres c ombR t t r..n t s , c onstntnnt qu e MBuuldi .::tvpi t fci t davn.ntage

de pri s onni e rs qU: ��, lui c ri èrent "n nanngo o r o " ( c e qui signifi e en peul
" es-tu le c ourt aud qui cap ture ? " )

Les d f>ux m o t s furen t a c c ol l� s ùt donnèrent " yerananngo o re " , qui

d evint le yet t o o re des d � s c e nd n.n ts Cl e MBuu Idi BnD. bll .


84 .

XXIV N J A L

(Voir première p�rt ie · de cette' étude ) 0

Je ne dés espère pr.,s de trouver un j our des renseignemént s


complÉ'mentD ires èoncern[:l.nt los j aa1lramôe nj alunkoo ô e •

. ,
; '''; '

• -.�' !: ' -.

:, i : '..

:: . 0'"

II
. ;' "
85 .

xxv - y A R A G U U F A A D U

Digal Baa be.. l�'ldi' Buubakari ; frère d e �;:-Buuldi ÂmRdu , é tF'i t aussi
brE'.ve que � () r.. frère . C e derT' i er s ' ( t � it f0.it une ropu t[1.tion prl r ses exploits
de guerre , C�o�E;,:· c ela.· v ient d ' �trc rEpporte d::l ns 1[1 nottce pré c�dante c onccr­
nnnt le yet t o 0 :r- � Q.� YnrE>..n nnngpore .

Digal Bn['.b� , qu i n ' éto.i t . pas moins brave , d6 cidél d e sc s ingult:.ri­


s�r en ne marchant plus à pied s sur une dis t r nc e de plus de 2 00 c oudbcs .

I l s ' offrD i t touj ours les plus berlux é tfl.lons du PD.Y·s pour lui servi r

d e monture . Il n ' en é1vr:i t j o.ID 8.is moins de six à ln fois . D('�x étalons sellés
étaient cor stamment à s� pe rt e .

Quand on lui demandn. i t pourquoi il no �' 2.rche.i t plt�s à pied , ' il


r6pondait

" Si mon frère ost " YRrn nC',nngo r e " - Cl es t-à-dire " qui céJ.p � urG ce
qu ' il voi t " - moi , j e S Ul S "yarél guhu fayngu " ( j eu de mot s qui 'signifie
"aller à c h eva l bien nourri " � Yaara , en peul , s j gn i f i e "al l E:r [l U moyen de

• •

'! • •

ou avec l ' int ent ion d e • • • " ).


1 ' int en�i9n d e D i gn 1 Bnn.ro. An�adu Buubak�.ri . e: t<.' i t de s e fni re
distinguer .
86

N OT ES EXPLI CAT IVES

Ye t t o o r c '
dc l a rac ine verbale yet tud e .. : ' l ouan ge r , e s t un n om que port en t t ou s

l é s desc end�nt s d ' un' anc être c ommun . Cé nom d e v i on t une expres s i on d e salu­

t at i on , ' d e " C OT €"r8. t u l n t i . on , un mot de re connai s s an c e d ' origin e .

Cha que yet toore p e u t avo i r une formul e expl é t ive pour l ' ac c ompagner

è
de man i r e à lui' donner d e l ' emphase .

Le yct t o ore - en bAmbara j ummn _. peut avo i r un f quivo. l en t . Le

ye t t o o re ouo l o f Nj aay a pnur é quivP lent , en pays b::.mba ra ; Jara �


Coul i baly Fal l

B� Din gui. t 6

. yo S i d ib é
Be. ri S n.nngc;. re

Diallo Kann , Ka

T ra o r) é
T àrn oré ) Di op
T rnv e l é )
.'�'

etc • . •

L ! usr ge du ye t t o o r e est c1 ' o ri f'i � � Mgn�d é � I l e s t inc onnu en Afr iqu e

ori e�tn l e . Un l i eu , 'un fl euve , un animr.. l , peuvent r.vo i r l :n ye t t o or e . En ce


, .
cas , l e yet t o ore s ' o.ppc l l e rp " j ammo orc" ( d cvi s e ) .

Dencfireakti ( en bambara : S� nr-mkun )


Es t un l i en sac re qu i permet à deux hommes , ou aux ha b i t a nt s de d eu x

pays d is t inc t s , ou à deux e t hn i E. s , d e s e "met t re G n b o î t e " mutu. e l l ement sans

c onsidtre. t i0n d ' !t.ge ni de rp ng s o c it9 1 , et sr· n a qu e c cln t ire � conséquenc e .

Quelques ethno l o e:ue s ont d(�noI!1m é c e t t e c ou tume : parent { à plai snnt erie .
87 .

Il Y a d ellcfi l"aa��u ( d en âi ra,'"'.gu ) ent rE: J e t t o o j c ( pluri e l )


d e ye t t o ore ,

par ' exempl e ent r e �(; S Dial l (' ct l e 8 Btl � Dinrr.n e t T �r<:,. oré , etc . . • ent re d eux

ethn i es c omm e Ft1utanke e t �[)P v!amô e , PC1 1 1 s c t F() rge.ron s , P eu l s e t S e ro.res , D o gons

et Bo z o � , etc . . . ent re hnbi t r nt s de d ev..x pD ,rs , c omIT e 10 GuimbR l ln ût l e

Kunaari ( Mal i ) � ent re;; l e s cnÎrn t s d f' S frè re s c t d e s s o eu rs • • •

Lp d encfir�e..1':U d onne d ro i t à ur:e mutu c l l o a s s i s té:l.nc e . I l Y a pO.r-


I l, ', •

fo i s df:s ca.s où. l e d en(fj_ran.�ru int erC! i t t ou t C 0mme rc e s exu e l , et t out e t r�-

h i s on . Dans c e rt n ihs C3. S 8 gr l er:ent , l e s d entfiraa ô e ne d evron't pas voir l e

sang de l eur pa rt c;'T1.'=' i re .

.Tana�.:· ou �1boda int e rd i t ,

On n parfois du mal' a fa i r'l) l e dépe.":ct entre l e d encfi raaku ct

l ' int erd i t : l e t anna-mb oda .

Oh no 'do i t j amt i 3 t O" 'C'h c r 8 S 0T" tnn[' [1.-mboq.a .

Là 011 i l Y a int c rd i c t i 011 è c rcla t i an s exu(; ? l l e , i l ' :W ' oB' fo.rdé-

ment Tanna�

L e d en cii l"'aaku t:) t le t a naa-bb oda pcu�(.nt S E.' c1.lnulç.r


. .
d ogqr s
'
'
• .

' , �os
' . (,
et l e s bo z o s ? l e s ful ô e , e t l e s. j aawamôe , l e s ful ô e et l es fo rg€ �ons s ont

cumulat ivemen t tanp.['-mbodEl e t d onâi:raa ô e "

C d lui : qui v () i t l e snng d L son t �.nna-I!lboda d o i t une eXp'i � t � o � fixé e

.� 'par :La c o u tum e e·

.minGral .

I l pout <'"m.s s i ê t re u n e Q c t i on : pl" :;:- �xempl e s un . M9g9· � �.a ba , chef


,
suprême d e s H o s s i , ne dcv[·. � t pas v 0 i r un borgne - c ' 8 tél i t un tp nae, -mboda

du Trône . Les r.:rr'.nd s ch efs ne d o iv0nt pas mont e r sur un S,ne , e t c • • .

I l Y n une d iffL renc iat i on n e t t e en t r e l es int erd i t s t rr} d. i t i onne l s

c t c e q ue , . pa r C 0 rvenr nc e s persnnn ? l l es , d e s ind ivid us s ' int erd i s ent cux­

m�mes . Pa r exempl e , l a s t onnrce: nc rr nngent j .'":xL .':l, i s d e vo l a i l l e a


88 .

Innde

P ...'énom que l e père donne i s on enf8.nt au c ours d ' une c é rémonie

qui a l i eu quelque s j ours g:près la nai s se.nc e .

Sobriq uet que l ' on donne à un homm e ou à un animal . C e surnom peu t

exprimer s o i t un s ent ir ent d ' admi rp t i on , une mign�;.rd i s e , s 0 i t une d éri s i on

�épri sant e .

Suudu-baaba ( Suudu mai s on baB,bD. : père )


La mai s on pat erne l J o , dans ln t rn.d i t i o n afri ce ine , n ' e s t pa s seu l e ­

ment l ' habi t at d u père , me i s e l l e d � s i gne , par ext ens i n n , t ous l es membre s

d f·une ' l i {;Il€ e d e s c e nè t'.r t d ' un m�I;,e [mc �tre , quel que s o i t l ' € l '"' i gnement du

degré de la pr.ren tû .

Le suudu-baabJ peut s e di re' "bi ô ô e-baaba " , Cl e s t -à-dire " fi ls d ' un

même père" ( ent end re f1 n c ê trc ).


La nUc'l.nc e exi stf1n t ent re: suudn -br.abf1, et ô i ô ô e -baA ba c orrespond
'
à un d e gr� d ' é 1 0 ignement . Les pp rents c onsnnguins é loignés dr,ns 1 0 t emps

s ont suudu-bar.ba , les pro'ch es sont ô i ô ô e-bnabr. . •

L e s ô i ô ô o-baabc. h { ri t en t �. 0S tlns d e s autre s sans gr!i nd es d i ffi cul ­

t é s p�rce que l eur d e gré d e parcnt� est pat ent . Il ne s ' es t pn s d ilu� dRns

1 0 temps . Pa.r c ontre , 1['. pRren t é ent re , gE;ns d e suudu-baaba s ' é ta b l i t par l e

ye t t o o rc-; .

T ous l e s D i al l f" s ont suudu-baabn , mn is i l s ne s on t pas ô i ô ô e-baaba ,

au s en s propre du t érrre .
r

Co n ' es t, qu ' en l ' abs enc e t otp le d ' hé ri ti er d ire c t qu e l es b i Gns

d ' un homme sont renis à s on suudu-baaba .

Par c ont re , la s o l idnri té du suudu-·ba[l.bn en cas d ' adversi tG e s t un

devoir sacré . Le suudu-:-baa bg doit aider à payer l.? rançon d ' un des s i ens en

cap t ivi t é , et c • • •
89 .

Il Y n t ouj ours une rivn l� tt ln tènt o ent re 6 i 6 6 e-baaba . On d i t en

ado.ge : "Tes 6 i ô o e -ba n b n int e l l i gent s peuven t te s ouhé'. i t e r la m or t , mai s


jamais ln h on t e , prtrce qu e té'. mo rt l eur laisse la p18 c e l ibre , t é1 nd i s (1 UC

ta hon t e é C labov e se leur honneur" .

On di t mé chamment : " Les d ent s b l r nchûs des 6 i 6 6 e-b...... D.ba s /"! nt encha s -

sées dans d e s cavi t é s reD'P l i es de sang" .

" Nyamd e nyi iri 6 i i -ba,'"'mum " : "manger le r8.pc"1 s de son 6 ii-baaba ( s in­
g'll l i e r de ô i ô o e - ba aba ) , e s t une m é t a ph o re pour d i re : fp, ire que lque cho se de
t r è s h o nt e ux .

Les peuls et , p h' S Qu e l es peu l s , l e 8 j nD.wnmô e , n ' l?. c c eptrd ent

j amnis d e mt:' ngcr ch 7. l e u r s o i 6 6 e-b;::. a b[' . • C e t t E. c outw e su rvi t enc ore dans les

c ent res n o n touch é s pp r ln c ivi l i s n t i r n /"! c cid entalc .

Etymo l o giquement " l i q v i d e mr.mme. ire " , par e x c e ll e n c o l e l a it


(1) .
C e mot R s ervi à d � s i gn e r , au d {: part , les lions sacré s esse nt i e ll e ­
ment mat e rnel s . Avec l ' usnge , En�am e n e s t venu à d é S i gne r t ous l es l i ens fo rt s

et pr�v€nant s .

On ne cl Cl"1n.nd.e p2. S en · vn in un servic e ['.u nom d e Enâam . " End'am wad'anam

d'um" ( " Per c 1âam , fai s çà pour mo i " � 1 est une ex pr e ss i on c ourE\ n t e pour inc i t er
quelqu ' un è vov s rendre un s e rvi c e . L'l fctnrJ C l e dit à s on m a ri , l ' enf::- nt peut

le d i re à sa mère ct à s�s frères .

Pe.rf o i s , " Enûam" os t employé c omme une int erj e c t i o n ou c omme une int er­

rogation en vue d ' o bt eni r une confirm� t i on d e quelque chos e . " En aam a ngo origo t o

na ! " ( " Pnr enac?.m , cs-tu v8rià i q 1 1 e ? " ) . C elu i qui expose peut l1.vO.,ncer l ' expression
pour diro qu r i l p0.rl e sérieusement , en t ou t e vé ri t6 .

(1 ) cf. note 1 , page 82 .


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