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Le club de football professionnel face à la

contrainte budgétaire

Michael ‘Mikić’ Migueres


Feat.
Scott W-Flex Braley
I – L’explosion des coûts

Le football de haut niveau, porteur d’intérêts économiques au poids grandissant, induit une
lutte de plus en plus âpre et violente pour la victoire sur le terrain, parfois même en dehors ; le
monopole d’agents sportifs et de quelques groupes de médias sur les droits de retransmission télévisés
des rendez-vous sportifs majeurs entraîne une inflation sans précédent du coût du spectacle sportif,
tant par les tarifs de sa retransmission que par les rémunérations de ses acteurs, les sportifs eux-
mêmes.

1– L’environnement juridique européen


L’environnement juridique communautaire est au cœur des bouleversements que connait le
sport professionnel puisqu’il a conduit à une dérégulation du secteur. L’application du principe de libre
circulation des personnes par une succession de décisions de jurisprudence (Arrêts Bosman, Malaja,
Koplak) a déséquilibré le sport professionnel, caractérisé par une importante main d’œuvre mobile et à
fort revenus. Les clubs ont cherché à s’attacher les meilleurs joueurs, contribuant ainsi à l’inflation
salariale du secteur. Au final, il ressort de l’analyse des données que les clubs les plus riches sont sortis
victorieux de cette course aux talents.

1.1 L’Arrêt Bosman

Joueur professionnel de nationalité belge, Jean-Marc Bosman avait été engage en 1988 par le
Royal Football Club Liégeois assorti d’un contrat de travail expirant le 30 juin 1990. Les conditions
proposées par son club pour un éventuel renouvellement du contrat de travail étant inacceptables pour
lui (son salaire mensuel passant de 120.000 à 30.000 francs belges), Jean Marc Bosman est inscrit sur
la liste des transferts pour un prix de 11.743.000 francs belges. En d’autres termes, tout club souhaitant
s’attacher les services du joueur belge doit verser cette somme a son ancien employeur, sans tenir
compte de la fin de son contrat de travail, c'est-à-dire un prix beaucoup plus élevé par rapport a la
valeur de marche du joueur. Le club français de Dunkerque, intéressé par les qualités de J-M Bosman,
se mit d’accord avec le RFC Liégeois pour l’embaucher pendant un an, moyennant le versement
préalable au club d’origine d’une indemnité de 1.200.000 francs belges, exigible des réceptions par la
Fédération Française de Football du certificat international de transfert délivré par l’URBSFA
(Association blege de Football). Ayant de sérieux doutes quant à la solvabilité du club de Dunkerque,
le RFC Liégeois ne demanda jamais à l’URBSFA de transmettre le certificat à la Fédération Française
de Football, et suspendit par ailleurs J-M Bosman pour la saison suivante. C’est dans ces conditions
qu’il engagea son combat judiciaire, attaquant les deux dispositions suivantes au regard du Traite de
Rome : Le paiement d’une indemnité de transfert du footballeur en fin de contrat et la règle ‘’3+2’’ de
l’UEFA, selon laquelle un club ne pouvait aligner que trois joueurs étrangers plus deux joueurs
assimiles en raison de leur période d’activité dans le pays d’accueil.

La Cour de Justice Européenne déclara, une nouvelle fois, illégaux les quotas de joueurs
communautaires au sein des équipes et se prononça pour la première fois sur l’illégalité des
indemnités de transfert des joueurs en fin de contrat, au regard des dispositions du traite de Rome.
Depuis le prononcé de cet arrêt, les fédérations sportives ne peuvent plus imposer de quotas de joueurs
ou joueuses communautaires dans les équipes. Autrement dit, il ne peut plus y avoir de limitation
possible au recrutement pour les sportifs professionnels ressortissants de l’Union Européenne (15 à
l’époque) plus aux pays membres de l’Espace Economique Européen (Norvège, Islande,
Liechtenstein).

1.2 L’Arrêt Malaja, ‘’Un arrêt Bosman à la puissance dix !’’1

En donnant raison à la basketteuse polonaise Lilija Malaja le 30 décembre 2002, le Conseil


d’Etat a rendu un arrêt qui va bouleverser le paysage sportif européen. La plus haute juridiction
administrative a en effet assimile la joueuse a une ressortissante de l’Union Européenne en application
de l’accord d’association, signé entre la Pologne et l’Union Européenne, qui interdit la discrimination
en raison de la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail. Cette disposition modifie
complètement les réglementations sportives qui, au nom d’une prétendue spécificité, avaient impose
des quotas de joueurs, limitant ainsi la libre circulation des sportifs professionnels. Cette jurisprudence
du Conseil d’Etat est confirmée par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans l’affaire
du handballeur slovaque Maros Koplak contre la Fédération allemande de handball, faisant appliquer
l’accord d’association signé entre l’UE et la Slovaquie. Sachant qu’à ce jour l’UE a conclu des accords
similaires avec 23 pays d’Europe centrale et du Maghreb et 77 pays de la zone Afrique-Caraïbes-

1
Déclaration de Sepp Blatter, Président de la FIFA, concernant l’arrêt Malaja, 21 janvier
2003.
Pacifique, on mesure ainsi les possibilités d’extension de la jurisprudence Bosman qu’autorise cet
arrêt. Ainsi, à ce jour, ce sont des joueurs de 118 nationalités différentes qui sont comptabilisés comme
‘’communautaires’’ : « Rien n’interdit à un club de football français ou italien d’aligner sans
limitation 4 Ukrainiens, 3 Marocains, 4 Tchèques, ou 3 Sénégalais, 3 Camerounais et 5 Ukrainiens »2.
Ces décisions de justice encadrant le sport de haut niveau ont eu deux principales conséquences sur les
clubs de football professionnels.

- L’interdiction des quotas de joueurs communautaires a eu un impact profond sur le marché


du travail des joueurs professionnels. Le décloisonnement imposé par les autorités européennes a
provoqué une globalisation très rapide du marché, et a considérablement accéléré les transferts de
joueurs, tant en nombre qu’en valeur.

- Pour se prémunir d’un éventuel départ de leurs meilleurs éléments en fin de contrat, les clubs
ont fait signer des contrats de plus longue durée. Ceci donna lieu à une bataille de talents, et une
inflation des rémunérations pour conserver les meilleurs éléments.

2– L’exode des joueurs

Comme nous venons de l’étudier, les arrêts Bosman, Malaja et Koplak ont provoque une
déréglementation du marche dans le sens ou il a permis l’augmentation et une accélération des
transferts des joueurs entre les pays. Les joueurs n’hésitent plus à s’expatrier, c’est aujourd’hui le cas
des footballeurs français qui sont les stars des plus grands championnats européens (F.Ribery en
Bundesliga, T.Henry en Espagne, D.Trezeguet en Italie…) ce qui était impensable il y a encore vingt
ans. En 1984, lorsque la France remportait le championnat d’Europe des Nations, seul le capitaine
Michel Platini jouait à l’étranger. Les footballeurs français sont aujourd’hui très nombreux dans le
championnat de Premier League en Angleterre et les clubs britanniques n’hésitent plus a recruter des
joueurs dans l’Hexagone, même non-internationaux, et aussi des jeunes Français issus des centres de
formation. Cet exode massif des Frenchies, bien aidés par la réussite d’Eric Cantona à Manchester
United ainsi que la réussite d’Arsène Wenger à la tête d’Arsenal, démontre la qualité de la formation à
la française, souvent citée en référence dans le football mondial.
Ceci pousse à la concentration des talents et de facto de la réussite sportive dans les plus
grands (riches) clubs européens. Prenons exemple sur l’équipe de Croatie. Actuellement, elle occupe la
7ème place au classement FIFA (décembre 2008). Sur les 23 joueurs du groupe de Slaven Bilić, seuls
quatre joueurs sont issus du championnat national, les autres évoluant à l’étranger.
La libéralisation du marché du travail des joueurs a eu pour effets un accroissement de la mobilité des
joueurs, une internationalisation des effectifs et la concentration du talent et de la réussite sportive
dans les plus grands clubs.
L’étude du marché du travail européen des footballeurs coordonnée par R.POLI et
L.RAVENEL3 permet de prendre la mesure de ces phénomènes. Dans les 5 grands championnats
européens, le pourcentage de joueurs étrangers est en moyenne de 42,4% en 2007-2008 (contre 38,4%
en 2005-2006), mais l’écart est grand entre l’Angleterre (59,6%) et la France (33,4%), comme le
montre le graphique ci-dessous. Douze clubs anglais figurent parmi les vingt clubs dont les effectifs
sont les plus internationalisés, classement dominé par Arsenal (92% de joueurs étrangers). Le
classement des nationalités les plus représentées est dominé par le Brésil (153 joueurs), suivent
l’Argentine avec 98 joueurs et la France avec 97 joueurs.

Pourcentage de joueurs étrangers dans les 5 grands championnats européens, saison 2007/2008

2
Déclaration de Maitre M.Pautot, avocat de L.Malaja, à la suite de la décision de la CJCE,
30 décembre 2002.
3
R.POLI, L.RAVENEL, Etude annuelle du marche du travail européen des footballeurs,
2008.
Si l’internationalisation des effectifs est évidente, les pays maintiennent des filières de recrutement «
classiques ». Par exemple, la France privilégie pour l’essentiel le continent africain, tandis qu’en Italie
et en Espagne près de la moitié des étrangers proviennent d’Amérique latine. Dans la Premier League
anglaise, presque 60% des 310 étrangers sont issus d’Europe de l’Ouest. L’Allemagne se singularise
par une internationalisation diversifiée des effectifs se partageant presque à part égale entre l’Europe
de l’Ouest, l’Europe de l’Est et l’Afrique. Comme le souligne M.PAUTOT, Le club italien de la Lazio
de Rome est devenu l’un des plus grands clubs du Calcio avec sa légion de joueurs argentins le plus
souvent titulaires dans leur sélection nationale4 : Hernan Crespo, Claudio Lopez, Juan Sebastian
Veron... La course aux meilleurs joueurs est alors féroce. Le début du XXIe siècle détient tous les
records en la matière :

2001. Zinedine Zidane, de la Juventus Turin au Real Madrid, 75 millions €


2000. Luis Figo, du FC Barcelone au Real Madrid, 61 millions €
2000. Hernan Crespo, de Parme à la Lazio de Rome, 56 millions €
2006. Andrei Schevchenko, du AC Milan à Chelsea, 46 millions €

Alors que l’inflation des indemnités de transfert est grandissante, les clubs de football ont été
confrontes symétriquement a une hausse draconienne des charges salariales.

3- L’inflation des rémunérations salariales

Dépenses en salaire, en pourcentage du budget total

4
M.PAUTOT, Le Sport Spectacle, les coulisses du sport business, l’Harmattan, 2003.
Depuis 1995, et des budgets en constante augmentation, la part des salaires dans le budget des clubs
professionnels européens s’est accrue (Angleterre, Espagne) est restée stable (Italie, France), et a
relativement diminuée en Allemagne. Sachant que, comme nous le verrons dans la seconde partie de
ce dossier, les budgets des clubs ont été gonflés en moyenne de 150 à 180% depuis la fin des années
90, notamment grâce à la manne des Droits TV, les montants des salaires sont en nette augmentation
sur la période. Selon JULLIOT ‘’ Pour autant, il n’est pas possible de parler de maîtrise des coûts
salariaux, au regard notamment du triplement de la masse salariale observé entre 1995 et 2001.
Celui-ci résulte de la conjonction des augmentations de salaires consenties et de la croissance des
effectifs rendue nécessaire par l’intensification des compétitions.’’5

Dans les hiérarchies salariales, il est aussi important de distinguer deux types de marchés,
stipulent BOURG et GOUGUET : Il existe un marche primaire, composé des meilleurs talents, où
l’ajustement se fait par les prix, eu égard de la rareté des l’offre (les grands joueurs). Mais ils
distinguent par ailleurs un second marché, qui rassemble le reste des joueurs, qui sont substituables,
car a talent équivalent, qui seraient en concurrence entre eux. Ceci constituerait ainsi un marché qui
s’équilibrerait grâce aux quantités. Ce marché-là ne ferait pas pression à la hausse sur les
rémunérations. Ainsi, le marché primaire des grands talents suffirait à expliquer la tendance à la hausse
observée ces dernières années.6 L’inflation des rémunérations a largement profité aux joueurs dans
leur ensemble, qui se sont momentanément trouvé en position de force dans la négociation avec leurs
clubs. Les bénéfices de cette situation ont néanmoins été répartis de façon très inégalitaire, et les écarts
entre le bas (les joueurs stagiaires en centre de formation, rémunérés aux minima conventionnels fixés
par la Charte) et le haut de l’échelle (les vedettes internationales) ont considérablement augmenté. Un
autre des résultats de l’inflation des salaires aura été de fragiliser l’équilibre économique des clubs en
accroissant le poids relatif de la masse salariale dans l’ensemble des charges, et en gonflant
considérablement l’endettement de certains clubs (et notamment les plus grands d’entre eux) par
l’augmentation galopante du montant des transferts qui a accompagné l’inflation salariale.

4- La Fiscalité, un désavantage français

Cout comparé des joueurs pour les clubs européens (2002)7

5
D.JUILLOT, Rapport sur les conditions de transferts des joueurs professionnels et le rôle
des agents sportifs, février 2007.
6
BOURG et GOGUET, Economie du Sport, La Découverte et Syros, 2001.
Un autre cout vient s’ajouter aux clubs de l’Hexagone : le poids des prélèvements obligatoires.
Dans ces conditions, le joueur professionnel, en acteur économique rationnel, va se déterminer en
fonction du montant de ses revenus après prélèvements obligatoires. Au niveau européen, la
concurrence des clubs français est sans commune mesure avec les conditions que peuvent proposer les
clubs des pays voisins : Pour un joueur moyen de L1, le cout total pour le club sera plus élevé de 41%
pour un club français que pour un club transalpin. Les simulations établies en 2003 par les clubs sur
les revenus de joueurs les plus élevés montraient que pour verser un euro de rémunération nette de tout
impôt ou prélèvement obligatoire, un club français devait réserver trois euros de sa masse salariale.
Pour leur part, les clubs des autres championnats européens – allemands, espagnol, italien ou anglais –
bénéficiaient de ratios plus favorables, oscillant entre 1/1,8 et 1/2. Le versement de 100 000 euros
mensuels « nets d’impôts » amputait donc de 300 000 euros la masse salariale d’un club français, mais
de 180 000 à 200 000 euros seulement la masse salariale d’un club anglais, italien ou espagnol. En
conséquence, ces clubs étrangers étaient en mesure de promettre un salaire plus élevé et ainsi attirer
les meilleurs joueurs. Ces écarts s’expliquent par un plafonnement strict des cotisations – c’est le cas
en Allemagne – ou par l’application d’un régime dérogatoire pour les joueurs – c’est le cas en Italie où
le taux de cotisation de droit commun applicable en matière de retraite est de 32,7%8.

Ainsi, les clubs professionnels ont enregistré ces dernières années une augmentation des couts
de fonctionnement, tirée par les décisions de jurisprudence européennes en matière de libre-circulation
7
Deloitte & Touche Sport, 2001, in ’’Les Spécificités françaises dans le mode de gestion
du football’’, G.BOLLE.
8
‘’Quels arbitrages pour le football professionnel ?’’, Rapport d’information rédigé par
Y.COLIN au nom de la délégation du Senat pour la planification, 8 juin 2004.
des travailleurs. Seulement, les clubs de football se doivent de répondre aux lois économiques de
base ; à savoir la recherche du profit, tout au moins l’équilibre comptable. Pour ce faire, ils disposent
d’une palette d’outils leur permettant d’engranger des recettes. Droits TV, accession aux marchés
financiers, ou encore l’exploitation de la marque ‘’club’’ à travers les recettes marketing et de
merchandising, comptent parmi les plus importantes.

II – Les recettes des clubs professionnels : des droits TV au naming

1-Les Droits TV, source de revenus

En Italie, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, les matchs et autres tournois de


football sont visibles presque uniquement sur les chaines payantes, et très souvent en pay per view.
Aussi, sur la plupart des marches européens concernant le football, seule l’Espagne continue de
retransmettre en direct quelques matchs de la Liga, et ce gratuitement. Les autres grandes compétitions
de football, comme la Ligue des Champions (entièrement organisée et commercialisée par l’UEFA),
offrent un mélange subtil de gratuite et de paiement à la télévision. Les grands matchs impliquant des
équipes nationales, incluant les émissions pour la Coupe du Monde et les championnats européens,
auraient probablement émigré vers les systèmes à péage si l’Union Européenne n’avait pas légiféré,
permettant ainsi aux gouvernements de réserver les évènements sportifs d’importance nationale en
émission gratuite. Commençons notre analyse par les clubs français. Nous appuierons notre
raisonnement sur les statistiques fournies par la DNCG.

Droits TV du championnat de France de Ligue 1 et Ligue 2 (Ventes internationales non-incluses)

• 1984-1985 : 2 millions d'Euros


• 1985-1986 : 4 millions d'Euros
• 1998-1999 : 122 millions d'Euros
• 1999-2000 : 243 millions d'Euros
• 2000-2001 : 275 millions d'Euros
• 2001-2002 : 351 millions d'Euros
• 2002-2003 : 362 millions d'Euros
• 2003-2004 : 380 millions d'Euros
• 2004-2005 : 391 millions d'Euros
• 2005-2006 : 550 millions d'Euros
• 2006-2007 : 600 millions d'Euros (430 reviennent aux clubs de L1 ; autres : clubs de D2 101,
taxe Buffet 30, LFP 20, FFF 12 et UNFP)
• 2007-2008 : 650 millions d'Euros

Entre 1998 et 2005, les droits TV du championnat de France de Ligue 1 (auparavant D1) ont été
multipliés par six. La centralisation des droits par la LFP-Ligue de Football Professionnel- ainsi que
les rivalités stratégiques entre les diffuseurs ont apporté aux clubs français des recettes nécessaires et
bienvenues mais a confirmé le déséquilibre de la structure du chiffre d’affaires des clubs.
Structure des recettes des clubs de Ligue 1 depuis la saison 2002/20039

Le football professionnel français affiche un chiffre d’affaires annuel de 971 M€. La structure de
ces revenus est fortement déséquilibrée puisque les droits télévisuels représentent 565 M€ soit 58% de
l’ensemble (droits nationaux et droits internationaux) suivis, loin derrière, par les recettes de
sponsoring, de publicité et de produits dérivés (merchandising) pour 168 M€ (18% de l’ensemble des
recettes), puis des recettes de billetterie (recettes « stades »), pour 139 M€ (14%). En marge de ces
montants, les subventions des collectivités territoriales1 représentent 2% de l’ensemble des revenus
des 40 clubs professionnels de football français, bénéficiant autant aux clubs de Ligue 1 qu’aux clubs
de Ligue 2. Les droits télévisuels, principale source de recettes des clubs professionnels français, sont
gérés de façon centralisée par la LFP (Ligue de Football Professionnel), sous mandat de la FFF
(Fédération Française de Football), puis redistribués aux clubs selon une formule2 assise sur la
solidarité (50% du montant total), les résultats sportifs (30%) et la notoriété (20%). Les droits
télévisuels sont constitués des droits télévisuels nationaux, permettant aux médias de retransmettre en
France les images des deux championnats professionnels nationaux (L1 et L2), et des droits télévisuels
internationaux, également gérés par la LFP, valorisés à 15 M€ pour la saison 2008-2009, pour
permettre aux chaînes de télévision étrangères de diffuser des images du championnat français. Enfin,
lorsqu’un club français participe à une compétition européenne (Ligue des Champions, Coupe de
l’UEFA), il reçoit de l’UEFA un montant correspondant à une partie des recettes générées par les
droits de retransmission télévisuelle.

Le volume des droits télévisuels est un atout pour le football français. Si l’on compare la situation
des clubs tricolores avec ses voisins européens, nous obtenons des différences notoires : Les clubs
anglais tirent 38.7% de leurs revenus des droits TV, les allemands 34.8%, ou encore les espagnols
42%. Seuls les clubs italiens dépassent les clubs français avec 62% de leurs recettes issues des droits
télévisuels.Mais la prépondérance des droits télévisuels dans la structure des revenus des clubs laisse
entrevoir deux risques. En premier lieu, les contrats de commercialisation de droits audiovisuels ont
une durée de quatre années et même si le football est l’un des programmes télévisuels les plus
attractifs, rien n’assure que les contrats suivants ne seront pas marqués par une diminution des
montants. D’ores et déjà, les diffuseurs font remarquer que la grille des émissions sportives pâtit de
l’inflation des droits de retransmission des matchs de football et du bilan négatif coût-bénéfice d’une
retransmission en termes de recettes publicitaires (les matchs de football réunissant un public quasi-
exclusivement masculin réduit les publicités et contribue aux résultats déficitaires des diffuseurs :
jusqu’à -1,5M€ pour un match de Ligue des Champions ou -3,5M€ pour un match de l’équipe de
France)10. Cette réduction de la ressource augmenterait alors proportionnellement les difficultés des

9
Rapport de la DNCG, ‘’Ligue 1 : Statistiques Financières’’, 2008.
10
P.MIRRALES, ‘’Les nouvelles stratégies des clubs de football professionnel face à la
guerre des talents’’
Revue internationale sur le travail et la société, Octobre 2005.
clubs. En second lieu, la stabilité des revenus liés aux droits télévisuels n’est pas assurée, puisque ces
derniers, dans leur formule de répartition, dépendent à hauteur de 30% des résultats sportifs, par nature
incertains. Ainsi, les revenus issus des droits TV sont volatiles, et difficilement quantifiables à long
terme. Les clubs doivent se tourner vers d’autres sources de revenus, telle que l’accession aux marches
financiers.

2- Les Marches financiers sont-ils adaptés aux clubs de football ?

En cette période de crise financière qui agite les marches financiers à travers la planète, il semble
peu opportun d’évoquer cette source de financement pour les clubs de football. Cependant, comme vu
précédemment, les droits TV ne constituant pas une source satisfaisante de revenus, les clubs durent
diversifier leurs revenus. Nous baserons l’analyse de cette partie en étudiant le cas de deux clubs
significatifs – la Juventus Turin et l’Olympique Lyonnais.

1.1 La Juventus de Turin

La Juventus est un condensé de gouvernance désastreuse (dopage, corruption, fraude à grande


échelle) qui a abouti à la relégation en 2006-2007. Les recettes ont baissé de moitié dans tous les
domaines : contrats de sponsoring, droits TV et billetterie. Mais la vente nette de joueurs vedettes a
presque compensé le manque à gagner, de sorte que les revenus n’ont diminué que de 6,9%. De plus la
baisse massive des coûts salariaux et de l’amortissement des droits d’image des joueurs a conduit
paradoxalement à un résultat net d’exploitation positif. Le retour en série A pour la saison 2007-2008 a
conduit à un plan stratégique assorti d’un objectif d’augmentation du capital pour consolider la
structure financière et financer de nouveaux investissements. Mais la question du remplacement du
vétuste stade Delle Alpi fit débat. Comment le financer ? L’Italie n’ayant pas obtenu l’organisation du
championnat d’Europe de 2012, il semble peu probable que le gouvernement aide le club turinois dans
ses démarches. L’incertitude stratégique conduit à deux scénarios selon que la Juventus décide ou non
de construire un stade entièrement nouveau. Si elle le fait à un coût de 120 M€ à payer en 2008-09 et
2009-10, les analystes italiens anticipent une augmentation des revenus futurs de 20 M€ annuels, ce
qui est optimiste. Si elle ne le fait pas, elle devra au minimum aménager le stade Delle Alpi pour se
mettre en conformité avec les normes de sécurité européennes. Mais l’éloignement du centre ville, la
mauvaise visibilité et l’absence d’espace commercial ne permet pas d’envisager de recettes
supplémentaires.

Certes la Juventus a des ressources qui peuvent faire pencher la balance. C’est d’abord sa marque.
La Juventus est le club le plus populaire avec 10.4 millions de supporters dans toute l’Italie11.
L’exploitation de sa marque passe par la reconstruction d’une équipe de très haut niveau pour exploiter
sa marque dans plus de sponsoring et plus de partenariats. D’ores et déjà elle a réussi à signer un
nouvel accord de sponsoring sur trois ans avec Fiat pour 11 M€ par an. C’est pourquoi
l’investissement dans les joueurs est sans doute prioritaire. En contrepartie, la Juventus avait une
masse salariale excessive avant les malversations qui l’ont conduite en série B (coûts salariaux >50%
des recettes). Enfin et surtout la Juventus a annoncé une augmentation de capital de €105m pour
consolider sa situation financière et pour financer les nouveaux investissements sans recourir à de
nouvelles dettes nettes. En appliquant les mêmes hypothèses financières (un coût moyen pondéré du
capital de 8%), la fourchette du cours de l’action estimé se situe entre €1,22 dans l’hypothèse
pessimiste et €1,44 dans le cas où le projet du nouveau stade est mené à son terme sans incident.12
Mais les risques non pris en compte dans la valorisation ne sont pas négligeables. C’est d’abord
l’éventualité de performances sportives insuffisantes pour regagner la ligue des champions. C’est
ensuite l’effet sur les partenaires de ce que l’entreprise ne pourra pas être profitable avant 2009 au plus
tôt. L’acces au marché financier semble ainsi risqué dans le cas de la Juve.

11
Etude sur les clubs de football les plus populaires en Italie, cabinet Nielsen Italia, juillet
2008.
12
AGLIETTA, ANDREFF, DRUT, ‘’Bourse et Football’’, Working Paper Series, Aout 2008.
1.2 L’Olympique Lyonnais

C’est le dernier grand club entré en bourse. Il n’y a donc aucune référence historique. Par la nature
des objectifs, le modèle de l’OL se rapproche de la Juventus. Mais la gouvernance menée par Jean-
Michel Aulas est bien meilleure et la situation financière est sans doute plus solide que le club turinois.
L’exercice 2006-2007 a vu une augmentation importante du chiffre d’affaire de 13% hors produits de
cession des contrats joueurs et de 18,4% avec les cessions. En effet la balance des transferts a été
positive, engendrant un bénéfice de 28 M€. Les analystes envisagent un résultat net d’exploitation de
20 à 25 M€ annuels contre 26,3 M€ en 2006-07.13 Comme pour la Juventus, ce revenu pourrait être
accru par l’exploitation d’un nouveau stade (OL Land) à partir de 2010-2011. Le financement du stade
serait de 300 M€. Il aurait une capacité de 60.000 places contiendrait en installations annexes un
centre de loisirs et une zone commerciale. Le gain en chiffre d’affaire pourrait être de €17m et en
résultat net de €6m par an.

Quels sont les risques ? Le premier est le renouvellement de la négociation des droits TV de la L1.
Comme evoqué plus haut, la part des revenus des clubs francais issus des droits TV est importante.
Pour l’OL les revenus tirés de ces droits ont été de €47m en 2006-07. Si le club ne gagne pas le
championnat une fois de plus, ils retomberaient à €41m, soit une baisse limitée, à condition que
l’enveloppe globale actuellement payée par Canal + demeure 600 millions d’€. Or le risque est
certainement à la baisse. Un second risque se trouve dans les revenus de la vente des joueurs. La
balance des transferts très positive de 2006-07 a soulevé le profit par action de 1,01 à 1,82, soit une
hausse de 80%. La dépendance des résultats à un facteur aussi incertain de valorisation présente un
risque important, sachant que l’OL devra certainement recruter pour maintenir et éventuellement
améliorer son standing sportif au niveau européen (et –enfin- atteindre le dernier carré de la Ligue des
Champions). Pour faire face a ces risques l’OL doit augmenter son capital et renégocier les contrats
avec ses partenaires Accord et Umbro.

Les analystes ont calculé une valeur stable estimée à 26€ par action. C’était sans compter la crise
financière actuelle ! En effet l’action se négocie actuellement à 8,40€, bien loin du cours idéal calculé
par les financiers.
Cours de l’action ‘’OL Groupe’’, en euros14

13
Rapport de la DNCG, ‘’Ligue 1 : Statistiques Financières’’, 2008.
14
Source : Boursier.com, janvier 2009.
Les marchés financiers –surtout en cette période- demeurent ainsi une diversification extrêmement
risquée pour les clubs de football professionnels. Le choix d’introduction en Bourse est à réserver aux
clubs disposant déjà de fonds nécessaires à leur fonctionnement, réalisant des bénéfices sur le long
terme, sous peine de voir leur situation financière se détériorer au point d’être menacé de faillite.

3- Les sources de profit annexes : Stade, Merchandising et Marketing

1.1 Le Stade, une source de profit multiple

L’analyse de la structure des revenus des clubs fait apparaître la place prépondérante du stade comme
source de revenus. Ainsi, maîtrisant leur outil de production, les clubs mettent en place des politiques
marketing fortes, ciblent la clientèle, adaptent les stades pour un meilleur accueil, attirent les sponsors,
travaillent leur image. La corrélation est étroite entre billetterie et revenus commerciaux
(merchandising, sponsoring dont « naming » du stade) ; ce sont d’ailleurs les sept mêmes clubs qui se
retrouvent en tête du classement des revenus issus de chacun de ces deux postes.

Budgets Billeterie et Commerciaux des 20 plus riches clubs d’Europe


A la différence de la politique marketing qui vise à attirer les sponsors et optimiser la
commercialisation de produits dérivés en développant l’image des clubs, la dynamisation des revenus
de billetterie comporte des risques de dérives. Les grands clubs britanniques proposent ainsi une
politique tarifaire en matière de billetterie particulièrement rémunératrice et fondée pour partie sur une
offre « affaires et VIP » très élaborée, qui représente de 10 à 15 % des places des stades d’Arsenal et
de Manchester United. Ainsi, pour des stades de capacité comparable (40 000 places), l’Olympique
Lyonnais dégage annuellement 22 M€ de billetterie, contre plus de 110 M€pour Chelsea.

1.2 Le Sponsoring

Le poste recette ‘’sponsoring-publicité’’ représente 20% du chiffre d’affaires annuel des clubs
de Ligue 1. L’erreur commise le plus souvent par les clubs de football fut de multiplier exagérément
les sponsors sur leurs maillots, la ‘’visibilité-pizza’’. Cette politique, au-delà même d’offrir une faible
visibilite aux sponsors, endommagea les marques commerciales du club et diminua son potentiel en
matiere de merchandising. Le nouveau souhait des clubs est de réduire leur nombre de partenaires afin
d’optimiser leurs participations financières et leurs engagement auprès de leurs fans. Pour situer la
Ligue 1 sur une échelle européenne, une étude de l’agence allemande Sport+ Markt en 2003 révèle
que la Bundesliga est le plus important marche pour le sponsoring maillot avec 27.7%. Ce marche est
suivi par l’Italie (20.5%), l’Angleterre (19.6%), la France (13.1%), l’Espagne (9.9%) puis les Pays-
Bay (9.2%).

1.3Le Merchandising

Le merchandising représente une faible part du revenu total des clubs francais (entre 3 et 9%).
Ce sont l’ensemble des méthodes et techniques d’implantation et de présentation des produits dans les
magasins en vue d’accroitre les ventes et la rentabilité de ces produits. Ici, le merchandising est la
vente de produits dérives du club, et donc, par extension, de ses marques commerciales. Le
développement des politiques de merchandising au sein des clubs a réellement été lancée par le club
anglais de Manchester United. A l’epoque d’Eric Cantona, l’equipe dirigeante des Red Devils anticipa
que la ‘’starification’’ du joueur français et les succès sportifs de son équipe pouvaient favoriser le
lancement d’une large campagne commerciale de produits dérives. Edward Freeman, directeur du
merchandising de l’époque, fut le premier a affirmer que le logo n’était plus seulement l’emblème du
club mais aussi une marque commerciale a part entière a exploiter commercialement. Bien conseille
par les experts de la marque Umbro, Manchester United ouvrit un mégastore puis un superstore face
au parking principal de son stade. Les supporters anglais, qui se retrouvaient aux alentours du stade
deux heures avant la rencontre, trouvèrent un magasin officiel pour satisfaire leurs envies de
s’identifier a leur club et donc de consommer des produits estampilles MU. Le succès commercial du
merchandising de Manchester United incita les clubs européens à suivre le modèle de développement
du club mancunien.
Bibliographie

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- J-L BENNAHMIAS, Sport de haut niveau et Argent, rapport présenté au nom de la section cadre de
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- E.BESSON, Accroitre la compétitivité des clubs de football professionnels français, rapport remis au
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- G.BOLLE et M.DESBORDES, Marketing et Football : une perspective internationale, Presses


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- BOURG et GOGUET, Economie du Sport, La Découverte et Syros, 2001.

- Y .COLIN ‘’Quels arbitrages pour le football professionnel ?’’, Rapport d’information rédigé au
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- DELOITTE & TOUCHE Sport, 2001, in ’’Les Spécificités françaises dans le mode de gestion du
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- P.MIRRALES, ‘’Les nouvelles stratégies des clubs de football professionnel face à la guerre des
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