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Transrural
N° 366
7 OCT
2 0 0 8
Dossier
Marre des phytos
Le Réseau agriculture durable élargit son travail aux grandes cultures afin de créer des systèmes de production
économes en intrants.
Au delà de l’essaimage des pratiques en Pays de la Loire, Bretagne, Indre, Poi- L’association « Les Défis ruraux » parti-
d’agriculture durable en élevage, le tou-Charentes. « L’accompagnement cipe en Haute-Normandie à cette expéri-
Réseau agriculture durable s’aventure technique est ressenti comme un élé- mentation. Elle souhaite associer à cela
dans un tout autre domaine, celui des ment capital de la démarche, les agri- la création d’une filière courte de valori-
grandes cultures (céréales, oléo-protéa- culteurs sont en manque de références, sation des céréales. Depuis 1996, les
gineux). Il travaille en effet à la mise en en demande de solutions, mentionne La Défis Ruraux accompagnent ainsi une
œuvre de systèmes de production plus lettre de l’agriculture durable, revue du filière locale, de l’agriculteur au boulan-
économes en intrants. Au programme, Réseau agriculture durable, dans son ger, incluant les meuniers, constituée en
tout d’abord, le retour à la rotation, à dernier numéro, une partie d’entre eux association autonome : « les compa-
savoir la succession de plusieurs cultures a encore le “ réflexe-technicien coop ” : gnons du Pain Normand ». Soucieux des
dans l’année et sur plusieurs années, qui dès qu’il y a problème, ils demandent réflexions actuelles de l’impact de l’agri-
permet de casser les cycles de maladie au technicien “ Alors ? qu’est-ce que je culture sur l’environnement et la santé,
ou de parasites et de faire fais, maintenant ? ”. On les agriculteurs de cette filière entre-
jouer des complémentari- Retour à la rotation ne se déshabitue pas si prennent de modifier leurs pratiques sur
tés entre espèces. Les cul- des cultures, réduction facilement du schéma : la culture du blé à destination d’une
tures protéagineuses sont “ 1 problème = 1 réponse filière de « Pain normand ».
réintroduites. Par ailleurs,
des produits coop”. Là aussi, le savoir- La variété qui donne toutes ses caracté-
les techniques dites « de phytosanitaires, faire d’agriculteur est à ristiques à ce pain est le Camprémy. Or,
conservation des sols », respect des sols reconquérir. cette dernière n’est pas adaptée à des iti-
c’est à dire principale- Ce travail a pour voca- néraires agronomiques économes en
ment l’absence de labour, sont explo- tion de tester la mise en place d’un intrants. Des expérimentations sont
rées. La vie microbienne du sol est ainsi cahier des charges qui pourrait donner donc menées depuis peu de façon à
respectée, la matière organique, qui ali- lieu à une indemnisation s’il était pouvoir repérer une variété adéquate.
mente la fertilité du sol, n’est pas diluée. reconnu dans le cadre des mesures Cette démarche de sélection, réalisée
Les économies de fuel sont également agri-environnementales européennes. sur des variétés rustiques, ne s’intéresse
au rendez-vous, ce qui n’est pas sans Si son entrée est avant tout agrono- pas qu’à la seule résistance aux maladies
effet en ce moment. Enfin, ces travaux mique, cette expérimentation n’en ou aux caractéristiques techniques
visent à limiter l’utilisation de produits oublie pas pour autant les enjeux envi- propre à sa culture, mais également à
phytosanitaires (herbicides, fongicides, ronnementaux et sociaux. Le respect son utilisation en boulangerie. Ainsi des
insecticides), afin de préserver l’environ- de 10% de la surface agricole de tests de panification sont réalisés au
nement et la santé des agriculteurs. l’exploitation en « Zones écologiques regard de la typicité organoleptique
Cette expérimentation intitulée Réservoir et l’obligation d’avoir des recherchée.
«grandes cultures économes » est lancée parcelles de moins de 10 ha sont ainsi
dans une cinquantaine d’exploitations testées. C. T., Aymeric Maillot (Defis Ruraux)
À l’écoute du terroir
Pour les paysans de l’association rie ou une céréale de qualité. pour affiner le modèle. » Ici, on inter-
basque BLE, le terroir commence avec Pour obtenir, par exemple, un lait de vient sur deux grands phénomènes : la
le sol : « c’est le fondement d’une typi- qualité, il faut raisonner de façon glo- mobilisation des éléments au profit de
cité d’un lieu qu’il faut tenter de tra- bale et préférer l’itinéraire dit «d’opti- la plante et le passage à la plante. Pour
duire en typicité d’un produit… » misation » à celui dit « de substitution ». cela l’agriculteur dispose de trois outils
confirme Yves Hérody, géo-pédologue. Plutôt que d’« apporter ce qui manque » agronomiques : le travail du sol, la ges-
Pour y parvenir, les itinéraires tech- comme on le fait classiquement dans tion organique, le chaulage adapté.
niques et agronomiques - aux champs, l’agriculture intensive en intrants, Alors pour avoir du bon fromage au 1. B.L.E.,
Biharko Lurra-
à la bergerie, à l’étable, en salle de l’optimisation, plus complexe, plus goût de terroir, les paysans de BLE ont ren Elkartea
transformation - doivent s’adapter aux intuitive, fait elle appel au «bons sens conçu des outils tant pour bien fertili- signifie en
réalités locales, orchestrées notamment paysan» et consiste à optimiser le fonc- ser et « chauler » le sol, mettre en place basque Associa-
tion pour
par le type de sol et de climat. Il s’agira tionnement complexe du sol et du duo une gestion de pâture, que pour suivre l’Agriculture de
ainsi pour le paysan, de mieux com- sol plante. Il s’agit de savoir «comment l’équilibre nutritionnel des aliments du demain, Tél. :
prendre les composantes et fonction- ça marche» pour essayer d’intervenir bétail, l’état d’engraissement du trou- 05 59 65 66 99,
ble-arra-
nement du sol afin d’exprimer « le sur la « géochimie du terroir ». « Il faut peau. pitz@wana-
potentiel terroir» et d’obtenir une prai- se confronter sans cesse aux résultats N. C. doo.fr.
Dossier TRANSRURAL Initiatives • 7 octobre 2008 • IV le bonheur
Des moutons dodus et à l’herbe De l’intérêt
La crise de l’élevage ovin allaitant rappelle l’impasse des systèmes intensifs et de divers
gourmands en intrants. L’association ADAPA expérimente un élevage tout Une réintroduct
herbe et sans engrais. durabilité de l’a
Outre l’optimisation de la gestion des répond ainsi simultanément aux trois lusieurs études
prairies ou encore la mise en place
d’une filière de production de chanvre,
dimensions du développement durable,
replace l’agronomie et l’observation au
P l’ont souligné :
l’introduction de protéagineux (légumi-
un des credo du groupe CIVAM ADAPA cœur de son système et bouscule les neuses à graines, riches en protéines et en
(Association pour le développement modèles de production dominants. énergie) dans les rotations culturales a un
d’une agriculture plus autonome) sont « Mes brebis et agneaux mangent tou- impact environnemental global positif.
les économies d’intrants, autrement dit jours de l’herbe de qualité, car le plus L’exploitation agricole dans son ensemble
l’autonomie de la ferme. Ainsi, depuis important sur mon exploitation est de bénéficie des atouts agronomiques et envi-
quelques années les adhérents cherchent gérer au mieux mon pâturage afin de ronnementaux de ces cultures, via les
à réduire leurs charges opérationnelles faire des stocks de qualité, dans le but de meilleurs rendements de la culture suivante,
(ou charges d’approvisionnement). C’est limiter mes consommations d’aliments. la baisse des intrants et, grâce à l’autonomie
le cas par exemple de Patrice Pacaud, J’améliore ensuite la qualité de mon foin en azote, une meilleure efficacité énergétique
éleveur de moutons allaitants à Brignac par diverses techniques», témoigne ainsi et la baisse des impacts négatifs sur environ-
La Plaine en Corrèze. Depuis 2003, Patrice. nement tout au long de la chaîne de produc-
Patrice développe son troupeau et, grâce De nombreux progrès restent encore à tion et d’utilisation. Or, malgré ces intérêts,
à une gestion pointue de ses prairies, il faire pour améliorer la durabilité de son majeurs, l’évolution technique de notre agri-
arrive à concilier une surface d’exploita- activité. Il va en effet s’agir pour Patrice culture a largement négligé, sinon aban-
tion modeste, une autonomie en stocks de supprimer désormais l’achat d’ali- donné, les légumineuses. « À la différence des
fourragers et aucun achat d’engrais ! ments concentrés (qui complètent l’ali- autres continents où les légumineuses cou-
En effet, il passe progressivement d’un mentation des bêtes en azote, minéraux, vrent 10 à 25 % des superficies consacrées
modèle de production normé et gour- etc,). Pour cela, il va devoir cultiver des aux cultures arables, en Europe, ce taux est
mand en engrais à un système auto- céréales mélangées à des espèces protéa- aujourd’hui inférieur à 5 %. L’Europe
nome, quelque peu déroutant pour la gineuses, ainsi que du pois. Fer de lance importe plus de 70 % de ses besoins en pro-
plupart des conseillers agricoles. Grâce à du mouvement de l’agriculture durable, téines végétales pour l’industrie animale,
une gestion du pâturage des plus ser- Patrice en développant un système éco- principalement sous forme de soja du Brésil,
rées, il transforme son système de pro- nome en intrants, compte le rendre tota- d’Argentine et des Etats-Unis », rappelle Anne
duction en alliant performances écono- lement autonome d’ici peu. Ultime Schneider, responsable environnement à
miques (la productivité par hectare reste étape, la valorisation de ses produits en l’Union nationale interprofessionnelle des
inchangée et le niveau de charges a circuit court (vente directe, AMAP, plantes riches en protéines (UNIP). Le sys-
chuté), environnementales (les achats paniers…) devrait lui permettre d’amé-
d’engrais passent de 81 à 0 kg d’azote liorer son revenu et le contact avec ses
acheté par kg de viande vendue, les clients.
achats d’aliments de 66 à 15 kg, et son
efficacité énergétique est doublée) – voir Pour plus de renseignements : (FRCIVAM
Limousin – 05 55 26 07 99) ; Michaël Chariot
tableau ci-dessous –, et sociales (diminu- (FNCIVAM – 01 44 88 98 58)`
tion du temps et facilité de travail malgré
une nécessaire observation accrue). Il Michael Chariot
Dossier
t des légumineuses, source d’azote «écologique»
sification pour l’agriculture durable
tion des légumineuses, espèces végétales riches en protéines, semble incontournable pour la
agriculture à long terme.
tème agricole et politique européen a pri- dies, et donc les quantités de produits phy- mentation de la part de légumineuses dans
vilégié l’importation de sous-produits riches tosanitaires utilisés. » nos habitudes alimentaires permettrait de
en protéines (tourteaux de soja) pour l’éle- libérer des surfaces et ainsi les réorienter
vage, et l’utilisation d’engrais minéral indus- AIMEZ-VOUS LES LENTILLES ? vers d’autres types de production ou
triel pour les besoins des cultures non légu- Les légumineuses sont également une d’extensifier les systèmes de production.
mineuses, avec de lourdes conséquences source de protéines de qualité pour l’ali- « Par ailleurs on observe aujourd’hui en
environnementales (coût énergétique, mentation humaine ou pour l’alimentation France et en Europe une multiplication
contribution à la déforestation, etc.). animale, sous forme de graines ou de four- des initiatives industrielles pour dévelop-
Mme Schneider explique l’intérêt des légu- rages. Elles représentent un composant per des ingrédients à partir des graines de
mineuses pour les productions agricoles : très utile dans les régimes équilibrés. légumineuses (pois, lupin, féverole, pois
« les légumineuses sont une source natu- Nutritionnellement 100 g de légumineuses chiche) utilisées dans des préparations
relle d’azote pour l’équilibre des écosys- apportent l’équivalent protéique d’une agro-alimentaires. Nos légumineuses euro-
tèmes. Parce qu’elles possèdent la capacité ration de 25 g de viande. Complémentaires péennes produites localement ont en effet
d’utiliser l’azote atmosphérique grâce à des céréales, elles apportent peu de des atouts diététiques et fonctionnels
une symbiose avec des bactéries fixatrices graisses, sont riches en protéines, fibres, aussi intéressants que ceux des ingré-
d’azote, les légumineuses (pois protéagi- minéraux, vitamines et leur faible index dients de soja importé » précise Mme
neux, soja, féverole, lupin, lentille, luzerne, glycémique contribue à améliorer le Schneider.
trèfle, etc.) ne nécessitent pas l’utilisation contrôle du taux de glucose dans le sang L’obstacle pour la production de légumi-
d’engrais azotés. Ainsi elles permettent une et la prise de poids, un atout pour le traite- neuses en Europe? Ce ne sont pas les
meilleure efficacité énergétique (50 % de ment et la prévention des diabètes de type débouchés, car les légumineuses sont lar-
ces coûts de production des grandes cul- II et des maladies cardio-vasculaires. Mais gement sous-utilisées. La solution est
tures sont dus aux engrais azotés1), et une seule une petite proportion des lentilles, davantage du côté des incitations poli-
moindre quantité d’émissions polluantes haricots et pois chiches consommés en tiques, telle qu’une reconnaissance écono-
(gaz à effet de serre, acidification, ozone). France est issue de la production nationale mique des bénéfices environnementaux
De plus, elles améliorent les rendements (20%, 8% et 2% respectivement), qui privi- des cultures riches en protéines. Ce qui
des cultures suivantes (telles que le blé, le légie les appellations d’origine contrôlées. reste à construire dans le cadre d’une nou-
colza ou la betterave), et contribuent à la De plus, sachant qu’une bonne partie des velle Politique agricole commune.
diversité dans les rotations ce qui réduit la N. C.
cultivées en France (céréales, fourrages) le
1. Une à deux tonnes de pétrole sont nécessaires pour pro-
pression de mauvaises herbes ou de mala- sont à destination de l’élevage, une aug- duire et épandre une tonne de fertilisant azoté.
Dossier
Des moutons et des fruits,
le goût d’un territoire diversifié
Tel un château du pays cathare, la lement garnir le magasin à la
ferme du GAEC de Bellevue sur- ferme, et plus récemment une
plombe de 150 m le village de Cam- gamme de produits issue de
pagne sur Aude. C’est là que Jean- l’olive : huile, pâte à tartiner et
Luc Le Douarec, Colette Rives et olives en bocaux. (…) Mais le
Gérard Chauvet, les trois associés vieillissement des vergers de ceri-
du GAEC, mettent en valeur les 56 siers (qui est l’activité principale)
hectares regroupés sur le haut de la suscite une réflexion sur une
colline en y pratiquant l’arboricul- éventuelle réorientation des pro-
ture et l’élevage extensif de mou- ductions. (…) L’élevage de mou-
tons. Jean-Luc et Colette habitent tons offre une bonne complé-
chacun une partie de la grande mai- mentarité, aussi bien écologique
son ; ils se sont installés là en 1972 qu’économique, car il assure un
avec un autre couple. Jean-Luc revenu à peu près fixe tous les
n’est pas issu du milieu agricole, il ans. Il n’y a pas de fluctuation
est professeur de français et a dans la production comme pour
exercé le métier de journaliste les fruits.
jusqu’à l’âge de 22 ans. Il cherche La question du respect du cahier
alors à trouver une autonomie et des charges de l’agriculture biolo-
après une expérience excellente gique ne fait pas l’unanimité au
crédit photo : J.B. Guillou
"
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