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Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
Nous avons vu dans le chapitre précédent d'une part que la croissance était le résultat de la combinaison
des deux facteurs de production que sont le capital et le travail, rendue de plus en plus productive par le
progrès technique, d'autre part que le progrès technique et l'accumulation du capital (c'est-à -dire
l'investissement) jouaient un rôle majeur dans la croissance. De la même manière que nous nous sommes
interrogés sur le rôle joué par le capital, nous allons maintenant nous interroger sur le rôle joué par le
travail dans la croissance économique.
Mais quand nous parlons de " travail ", ou d'emploi, de quoi parlons-nous précisément ? Dans ce
chapitre, nous allons envisager le travail dans sa dimension d'activité productive des hommes et nous
demander comment il contribue à la croissance économique. Par "l'emploi", nous désignerons l'ensemble
des tâches auxquelles sont occupés les travailleurs. L'emploi, c'est au fond la façon dont les entreprises
utilisent le travail des hommes. Cependant, nous ne pourrons pas toujours facilement séparer les
dimensions économique et sociologique du travail et de l'emploi : par exemple, quand les travailleurs
contestent un mode d'organisation du travail, cela a des conséquences directes sur la production. Autrement
dit, nous aurons parfois des regards croisés sur le travail en tant que producteur de richesses.
La croissance dépend bien sûr d'abord de la quantité de travail disponible pour produire. Mais elle dépend
aussi de la façon dont est utilisé le travail - c'est-à -dire la structure des emplois. C'est pourquoi nous
étudierons dans une première partie l'organisation du travail et son impact sur la croissance
économique . Nous avons vu dans le chapitre précédent le rôle majeur joué par le progrès technique pour
expliquer la croissance économique. Nous allons voir plus précisément ici comment il est à l'origine des
transformations des emplois et comment il accroît l'efficacité du travail. Nous étudierons donc dans une
deuxième partie les mécanismes qui relient la croissance économique, le progrès technique et
l'emploi.
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Organiser le travail, c'est en fait le diviser en fonction de certains principes. Ce sont surtout ces principes qui
se transforment. Mais le principe même de la division du travail, et de la spécialisation qui va avec, est
une constante de l'organisation du travail. Nous avons montré dans le précédent chapitre l'intérêt de
cette spécialisation, nous n'y reviendrons pas ici mais c'est le point de départ incontournable de ce que nous
allons dire maintenant.
Au cours du temps, l'organisation du travail s'est transformée de manière à rendre toujours plus performante
la division du travail. Vous avez déjà vu (en SES en seconde ou en Histoire) que l'on distingue
traditionnellement trois grandes formes d'organisation du travail : le taylorisme, le fordisme et le
toyotisme. Chacune d'entre elles a apporté des solutions particulières pour améliorer les méthodes de
travail.
Parallèlement, les ouvriers sont dépossédés de leur savoir-faire. Puisque ce sont les ingénieurs qui
déterminent les méthodes de travail, les ouvriers n'ont plus désormais qu'à exécuter les consignes.
L'entreprise a moins besoin d'ouvriers qualifiés et plus besoin d'ouvriers non qualifiés, ce qui lui
permet d'ailleurs de verser des salaires moins élevés. En ce sens, ont peut dire que le taylorisme
déqualifie le travail des ouvriers en les ravalant à des tâches d'exécution.
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1.1.2 - ... Tandis que le fordisme a intensifié le travail par le travail à la chaîne et
développé la consommation de masse...
Henry Ford, propriétaire d'une des premières entreprises automobiles, va mettre en œuvre dans ses
usines d'automobiles une nouvelle forme d'organisation du travail qui porte son nom. Quels en sont les
principes ?
• Le fordisme améliore l'O.S.T. en instaurant le travail à la chaîne et la standardisation des
pièces.
Ford (ou ses ingénieurs) imagine un procédé mécanisé de convoyage (c'est-à -dire de transport) des
produits en cours de fabrication d'un ouvrier à un autre. C'est le système de la chaîne, et donc l'instauration
du travail à la chaîne. Concrètement, cela peut être un tapis roulant qui circule devant les travailleurs à une
vitesse qui leur permet de réaliser leur tâche. Les produits peuvent être accrochés en l'air à une sorte de
filin qui défile. On peut tout imaginer, mais le principe est toujours le même : le produit en cours de
fabrication défile devant le travailleur. Celui-ci n'est donc plus maître de son rythme de travail. Le
travail à la chaîne suppose que les différentes opérations de fabrication soient courtes et simples, donc le
travail est très parcellisé, comme dans le taylorisme, peut-être même plus. Le travail à la chaîne suppose
aussi que les ouvriers fassent exactement les gestes requis par le convoyeur et dans les temps imposés par
lui. On a donc encore une division verticale du travail.
Le système fordiste repose aussi sur la standardisation des pièces, c'est-à -dire que d'un véhicule à
l'autre les différentes pièces ont toutes exactement les mêmes dimensions, de manière à pouvoir être
montées sans aucun ajustage (système des pièces interchangeables). Par exemple, il faut que les trous
percés dans une carrosserie de voiture pour monter le rétroviseur aient exactement la taille de la vis que
l'ouvrier suivant va mettre dans ce trou (si le trou était trop petit, la vis n'entrerait pas et toute la chaîne serait
arrêtée). Cela permet d'économiser le temps d'ajustage des pièces qui autrefois ralentissait
considérablement le travail dans l'industrie automobile. En contrepartie, cela implique des produits eux-
mêmes standardisés : les automobiles ne sont plus les produits de luxe du début du 20ème siècle, elles
deviennent des produits plus communs, identiques d'un consommateur à l'autre.
• Mais la grande nouveauté apportée par le fordisme se situe dans la façon d'envisager la production
et ses liens avec la consommation
Les usines Ford produisant des voitures standardisées, elles ne pouvaient plus avoir pour clientèle
privilégiée les classes très aisées consommatrices de produits de luxe. Il fallait plutôt vendre aux classes
moyennes, mais cela supposait de pratiquer des prix très inférieurs. Le système fordiste va ainsi se
caractériser par un usage particulier de ses gains de productivité, privilégiant la baisse des prix pour
conquérir de nouveaux marchés. Parallèlement, Henry Ford s'est rendu célèbre en doublant le
salaire de ses ouvriers par rapport au salaire courant (" Five dollars a day "). Même si cette générosité
apparente servait surtout à retenir ses salariés éprouvés par la dureté du travail à la chaîne, Ford
savait qu'elle pouvait profiter indirectement à son entreprise : tôt ou tard, le pouvoir d'achat
distribué enrichirait sa propre clientèle, et donc permettrait l'accroissement des ventes. Ce que
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des ouvriers d'une tâche à l'autre. Des ouvriers plus motivés se révèleront plus efficaces et plus capables
d'initiatives profitables à l'entreprise.
Le toyotisme a été une façon de résoudre certains des problèmes que posait le fordisme. Cela ne
signifie nullement que c'est la solution miracle : d'une part, le fordisme a su trouver certaines solutions,
d'autre part, le toyotisme lui-même a rencontré des difficultés. Cela montre bien une chose que l'on ne doit
pas oublier : le capitalisme est un système dynamique qui se transforme sans cesse. Il n'y a jamais de
solution définitive ou de remède miracle. Le temps et le moment dans l'histoire sont toujours à prendre en
compte quand on essaie de comprendre comment nos sociétés fonctionnent.
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fur et à mesure que les besoins se sont progressivement saturés, leur exigence s'est déplacée vers
la qualité et la diversité, ce que le fordisme était incapable de fournir, d'une part à cause de son
principe de standardisation maximale des pièces et d'autre part à cause des problèmes de motivation des
salariés que l'on vient d'exposer.
A ce moment, le fordisme, qui avait si bien contribué à la croissance économique depuis la fin de la seconde
guerre mondiale, est devenu un obstacle à la poursuite de la croissance. Son inadaptation à l'économie et à
la société nouvelles ouvrait la porte à l'apparition de nouvelles organisations du travail.
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peur de l'avenir, soit qu'ils ne puissent accéder à l'emprunt faute de pouvoir garantir raisonnablement
leurs revenus futurs.
• Un mode de production écologiquement discutable.
Les interrogations sur la croissance que l'on a abordées au premier chapitre sont de nature à nourrir
une contestation du toyotisme. D'abord parce que le système d'innovation permanente et de
stimulation de la consommation nous amène à renouveler très fréquemment nos biens, ce qui
augmente nos besoins en matières premières et en énergie. Or, on a bien vu que celles-ci n'étaient
pas des ressources inépuisables. Par ailleurs, le système du juste-à -temps, s'il réduit les
stocks, augmentent les flux de transport, notamment routiers : il faut apporter à l'entreprise ce
dont elle a besoin exactement quand elle en a besoin (on dit parfois que dans le système toyotiste,
les stocks n'ont pas disparu, mais se trouvent dans les camions !). Là encore, cette consommation
énergétique n'est pas soutenable à long terme.
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2.1.1 - Le progrès technique engendre des gains de productivité qui sont source
de richesses nouvelles et permettent de créer des emplois nouveaux.
Le progrès technique a pour objectif explicite d'économiser du travail dans la fabrication d'un bien ou d'un
service. Autrement dit, pour fabriquer le même bien, on utilisera moins de travail qu'avant l'introduction du
progrès technique. On voit donc très clairement que le progrès technique diminue la quantité de travail
par unité fabriquée. Mais affirmer cela ne nous dit rien sur l'évolution de l'emploi qui résulte de l'introduction
du progrès technique. En effet, cette évolution va dépendre d'une part de ce que fait l'entreprise qui innove
des gains de productivité réalisés, d'autre part des effets induits par la décision de l'entreprise sur le reste de
l'économie, effets que l'on peut qualifier d'effets de propagation.
Fondamentalement, les gains de productivité, parce qu'ils permettent d'économiser du travail par
unité produite, sont créateurs de richesses et rendent possible la création de nouveaux emplois . En
effet, en abaissant le coût de production, les gains de productivité permettent la baisse des prix et
l'augmentation des salaires réels. On observe donc une extension des marchés et, pour répondre à
l'augmentation de la demande, les entreprises seront amenées à créer des emplois et à augmenter
leur stock de capital productif, ce qui permettra de réaliser de nouveaux gains de productivité. La boucle
est alors bouclée et le processus peut se poursuivre.
En fonction de l'utilisation qui est faite des gains de productivité , l'extension des marchés obtenue grâce
au progrès technique ne sera pas exactement la même et les effets sur l'emploi non plus :
Vous pouvez vous reporter au chapitre précédent pour revoir ces différents usages.
• Si les gains de productivité sont utilisés à diminuer le prix de vente.
• La baisse de prix va permettre aux consommateurs de bénéficier d'une augmentation de
leur pouvoir d'achat . Ils vont pouvoir exercer leur liberté de choix : consommer davantage
de ce produit dont le prix baisse (il faudra donc fabriquer davantage de ce produit), ne pas le
faire et augmenter leur consommation d'autres biens et services (et alors, il faudra
augmenter la production de ces biens et services), ne pas le faire et augmenter leur épargne
(donc pas d'effet immédiat sur la production). Les choix qu'ils vont faire vont constituer des
signaux pour les autres acteurs de l'économie. C'est bien le rôle des prix dans une économie
de marché (revoyez le programme de Première !). La baisse de prix va aussi se diffuser
dans les autres branches de l'économie dans la mesure où le produit dont le prix baisse
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grâce au progrès technique est utilisé par les autres entreprises pour leur propre production.
• Prenons l'exemple des imprimantes pour l'informatique. Leur prix a considérablement
diminué, en même temps que leur qualité technique s'est beaucoup améliorée. Quelles sont
les conséquences de cette baisse des prix ? D'une part, les ménages, qui font des
imprimantes un usage privé, dépensent moins pour l'achat de leur imprimante, ce qui est un
élément de la décision d'achat, et on sait que la baisse des prix a considérablement dopé les
ventes (et si on vend plus, on produit plus, donc il faut plus d'emplois si la hausse de la
demande est plus rapide que celle de la productivité). D'autre part, les entreprises qui
utilisent leur imprimante dans un but professionnel, intègrent son coût dans l'ensemble des
coûts de production. La baisse du prix de l'imprimante va donc diminuer le coût de
production, ce qui permettra une baisse en retour du prix de vente du produit fabriqué par
l'entreprise. Cette baisse du prix va donc, elle aussi, engendrer une extension du marché, et
ainsi de suite. On peut même penser à un autre effet, indirect, mais tout à fait réel : si les
ménages font désormais leur courrier sur ordinateur et l'imprime grâce à l'imprimante parce
qu'ils ont pu s'équiper du fait de la formidable baisse des prix, la demande de papier se
transforme : on vend moins de blocs de papier à lettre petit format et plus de paquets de
500 feuilles pour imprimante et l'industrie papetière doit reconvertir sa production ! Il y aura
forcément des effets sur l'emploi dans toutes ces transformations. La baisse de prix induite
par les gains de productivité contribue donc à l'accroissement de la taille des
marchés, en même temps qu'à la transformation de la demande . Ce faisant, elle a
donc un effet positif sur le volume de l'emploi (il faut embaucher pour répondre à la
demande supplémentaire).
• Si les gains de productivité sont utilisés à augmenter les salaires.
Dans ce cas, le pouvoir d'achat des salaires augmente, pour les salariés qui travaillent dans
l'entreprise réalisant les gains de productivité. Ces salariés peuvent donc augmenter leur demande
et on retrouve l'extension des marchés dont on a parlé plus haut, avec ses effets positifs sur l'emploi.
Les effets de la hausse de la demande seront plus localisés et globalement probablement moins
importants que ceux résultant de la baisse des prix.
• Si les gains de productivité sont utilisés à augmenter les profits.
Dans ce cas, les capacités de financement de l'investissement vont sans doute s'accroître, ce qui
aura un double effet : d'une part, les investissements seront moins coûteux, donc les coûts de
production baisseront un peu, ce qui peut avoir des effets sur les prix (et on revient au premier
point), d'autre part, si les investissements sont des achats de machines, par exemple, ils contribuent
à l'extension des marchés quand ils augmentent, enfin et surtout, les investissements vont
permettre la mise en Suvre de nouvelles innovations qui vont contribuer à augmenter la productivité.
Le risque est que les capacités de production s'accroissent sans que la demande n'augmente
suffisamment. L'augmentation des profits ne débouche donc pas automatiquement sur une
extension des marchés , et les effets sur l'emploi risquent d'être limités.
• Si les gains de productivité sont utilisés entièrement à diminuer la durée du travail.
On parle ici d'une diminution de la durée du travail sans diminution des salaires. Il n'y a pas alors
d'effet sur les prix ou le pouvoir d'achat. Ce qui s'améliore, c'est la qualité de vie des salariés. Les
effets économiques, en particulier ceux sur l'emploi, risquent d'être limités. En effet, les salariés
disposant de plus de temps libre, on pourrait penser qu'ils vont consommer davantage de certains
services, liés par exemple au tourisme. Mais les salariés ne disposant pas de davantage de revenus,
la hausse de la consommation est peu probable et, en tous cas, limitée. On peut même penser à
des effets négatifs sur certains emplois : par exemple, si le temps de travail diminue, les jeunes
enfants peuvent être confiés moins longtemps à leurs nounous, ce qui diminue l'emploi de celles-ci.
Globalement, il est donc probable que la diminution de la durée du travail issue des gains de
productivité n'a pas d'effet direct sur l'emploi. Evidemment, si l'on diminue sensiblement le temps de
travail sans que la productivité n'augmente, il faudra bien augmenter l'emploi si l'on veut continuer à
fabriquer les mêmes quantités. Notons qu'entre 1950 et 1980, en France, la durée du travail a
considérablement diminué (pas seulement sur la semaine, mais surtout sur la vie) sans
empêcher la forte hausse des salaires réels : cela s'explique par les très forts gains de
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productivité réalisés sur cette période qui ont permis à la fois d'augmenter les salaires et de
diminuer le temps de travail.
Ces raisonnements sont évidemment théoriques. Dans la réalité, les choses ne sont jamais si simples.
Mais ils montrent clairement que le progrès technique, en lui-même, n'est pas destructeur, globalement,
d'emplois : même s'il en détruit certains, c'est pour en créer d'autres (et davantage) ailleurs. L'élément
essentiel est l'extension des marchés qui repose sur l'augmentation de la demande : le progrès
technique crée des emplois dans la mesure où il permet d'accroître les quantités produites et
vendues . Et on a vu que toutes les utilisations des gains de productivité ne sont pas équivalentes du point
de vue des effets sur l'emploi. Concrètement, dans un pays donné, à un moment donné, les effets du
progrès technique sur l'emploi vont dépendre de la façon dont les gains de productivité sont utilisés et du
poids respectif de chacun de ces usages. Mais ces effets dépendent aussi des conditions qui règnent sur les
marchés, marché des biens et services et marché du travail. Au total, du chômage peut donc apparaître .
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2.2.1 - Le progrès technique, parce qu'il est inégal, déplace la main d'oeuvre des
secteurs primaire et secondaire vers le secteur tertiaire.
Le progrès technique ne se fait pas dans tous les secteurs au même rythme, autrement dit, les gains de
productivité sont variables selon les secteurs de l'activité économique. De la même manière, la demande
n'augmente pas aussi vite pour tous les biens et services. Cela a des conséquences directes sur la
structure de l'emploi par secteur d'activité , conséquences que nous allons expliquer en comparant le
rythme de croissance des gains de productivité avec celui de la demande dans chaque secteur.
Titre : Répartition de l'emploi par secteur d'activité en France (en % de la population active occupée)
Secteur primaire 30 16 6 4 4
Secteur secondaire 33 37 29 25 23
Secteur tertiaire 37 47 65 71 73
Source : Jean-Pierre DELAS, Economie contemporaine, Ellipses, 2001 et T.E.F.2002-2003 pour l'année
2001.
• Dans le secteur primaire, la demande augmente peu alors que les gains de productivité sont très
forts, donc l'emploi se réduit.
La demande a une assez faible élasticité, que ce soit par rapport au revenu ou par rapport aux prix.
Cela signifie que même si les prix des produits agricoles baissent ou si notre revenu augmente, nous
ne consommons pas beaucoup plus de produits agricoles, et cela parce que nous mangeons en
général à notre faim depuis longtemps et parce que les produits du secteur primaire sont de moins
en moins utilisés dans l'industrie. Pourtant, dans l'agriculture, la productivité a augmenté très
rapidement depuis le milieu du 20ème siècle. Le résultat logique, c'est que l'agriculture s'est
retrouvée avec trop de bras, il a fallu que les agriculteurs, et encore plus les fils d'agriculteurs,
quittent les campagnes. Le nombre d'emplois dans l'agriculture a chuté et sa part dans la population
active n'atteint même pas 3% aujourd'hui en France.
• Dans l'industrie, la productivité a beaucoup augmenté, mais, jusqu'à la fin des années 60, la
demande a elle aussi beaucoup augmenté.
De 1945 à 1975, c'était la période d'équipement des ménages en voiture, en électro-ménager, etc.
Résultat : l'emploi dans le secteur secondaire a continué de se développer jusqu'à la fin des années
60.Depuis, la demande a progressé moins vite (on a surtout une demande de remplacement pour
les produits " habituels ", avec une demande augmentant rapidement pour les produits nouveaux,
comme cela a été le cas des magnétoscopes, par exemple) alors que la productivité a continué
d'augmenter rapidement. La part du secteur secondaire dans l'emploi s'est alors mise à diminuer.
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Aujourd'hui, si l'on inclut le bâtiment dans le secteur secondaire, celui-ci représente environ le quart
de la population active en France.
• Dans le tertiaire, c'est-à -dire les activités de services, les gains de productivité ont été faibles tandis
que la demande s'est accrue fortement, donc l'emploi s'est développé.
• Pendant très longtemps la croissance de la productivité a été lente dans les services car il
était difficile de mécaniser ou d'y automatiser la production. Par exemple, une fois inventée
la machine à écrire (ce qui est déjà assez ancien), la secrétaire n'arrivait pas à augmenter
beaucoup sa production de lettres ; s'il y avait plus de lettres à taper, il fallait forcément
embaucher une autre secrétaire. Par contre, la demande de services est très élastique ,
c'est-à -dire qu'elle augmente rapidement quand les revenus augmentent ( lois d'Engel ).
Les revenus ont augmenté rapidement dans les années 60 et 70, la consommation de
services aussi et le tertiaire a massivement embauché puisque la productivité n'augmentait
que doucement. A. Sauvy a parlé de " déversement " pour désigner ce phénomène de
gonflement du tertiaire qui créait des emplois compensant ceux qui étaient supprimés
ailleurs. Ainsi la santé, l'éducation, les loisirs ont massivement créé des emplois.
• Aujourd'hui, les choses sont moins simples. D'abord parce que le progrès technique
concerne maintenant beaucoup plus les services, au moins certains, qu'avant. La
productivité a donc beaucoup augmenté dans les services reposant sur la production
d'informations et la communication, comme les banques ou les assurances, grâce à
l'informatique. Les créations d'emplois dans ces branches se sont beaucoup ralenties ,
voire se sont arrêtées. D'autre part, depuis 20 ans, les revenus ont relativement peu
augmenté et donc la demande de services, toujours en croissance, augmente moins
qu'avant. Les services bien que créant globalement des emplois ne peuvent plus absorber
tous les emplois supprimés ailleurs. Aujourd'hui, en France, le secteur tertiaire représente
environ 70% de la population active.
Les transformations structurelles de l'emploi à long terme sont très importantes et directement liées au
rythme différentiel que connaît le progrès technique dans les différents secteurs. Mais elles dépendent tout
autant du rythme de progression de la demande, lui aussi très variable selon les branches. C'est donc en
comparant les deux évolutions qu'on arrive à comprendre les transformations structurelles de
l'emploi par secteur.
Soulignons que la structure des emplois par branche ou par secteur n'est pas le résultat de la volonté
des uns ou des autres : ce n'est pas parce que le métier d'agriculteur est trop dur que plus personne ne
veut être agriculteur, mais parce que pour produire une quantité en croissance assez lente, il y a moins
besoin de personnes du fait de la forte hausse de la productivité agricole. Ce n'est pas parce que les
femmes ont envie de travailler dans les services que les emplois dans les services se développent. C'est
parce que la demande de services augmente rapidement alors que la productivité augmente nettement
moins vite. Comme les emplois dans les services sont plus nombreux justement au moment où des femmes
bien plus nombreuses souhaitent exercer une activité professionnelle rémunérée, les femmes vont
massivement travailler dans les services. Il faut veiller à ne pas renverser les causalités !
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d'emplois pas ou peu qualifiés n'a pas diminué en France depuis 1960 : si l'on ajoute les
effectifs des employés à ceux des ouvriers, on a une part remarquablement stable dans la
population active (un peu moins de 60% de la population active). On a donc plutôt qu'une
diminution du nombre des emplois non qualifiés un transfert vers les services , et donc vers la
catégorie des employés.
• On observe parallèlement un développement des catégories socio-professionnelles qualifiées
(professions intermédiaires et cadres et professions intellectuelles supérieures), en nombre et en
part dans la population active.
Comment peut-on avoir à la fois une quasi stabilité de la part des C.S.P. peu qualifiées et une
hausse de la part des C.S.P. qualifiées dans un total qui, évidemment, fait toujours 100% ? Cela
s'explique par le fait qu'il s'agit dans les deux cas de C.S.P. salariées. Or il existe aussi des C.S.P.
non salariées (agriculteurs exploitants et commerçants, artisans, chefs d'entreprise) dont la part
dans les effectifs a, elle, fortement diminué depuis 50 ans. L'accroissement de la part des C.S.P.
qualifiées dans la population active accompagne le développement du progrès technique en
rendant possible sa mise en oeuvre .
Il est donc difficile de soutenir que le progrès technique déqualifie le travail puisque la part des
emplois qualifiés a augmenté dans la population active. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il le
qualifie : la proportion d'emplois non qualifiés reste stable, même si on en trouve davantage aujourd'hui
dans le tertiaire que dans le secondaire. Nous n'avons pas non plus parlé du coût humain qu'impliquent
parfois ces transformations : il n'est pas facile à un individu de changer de secteur d'activité et/ou de
qualification quand son emploi est touché par le progrès technique. Nous y reviendrons dans la suite du
programme.
2.3.1 - La flexibilité du travail peut prendre des formes multiples, mais qui visent
toujours à adapter le travail aux besoins des entreprises.
Les entreprises vont chercher à organiser le travail de manière à pouvoir répondre aux exigences de la
croissance économique. Pour cela, elles peuvent d'abord faire varier la quantité de travail qu'elles utilisent
en fonction de leurs besoins, c'est ce qu'on appelle la flexibilité quantitative , tandis que la flexibilité
qualitative consiste à faire varier les tâches accomplies par les travailleurs. Cette flexibilité peut être
obtenue en recourant à des services extérieurs à l'entreprise (marché du travail ou sous-traitance), on parle
alors de flexibilité externe . La flexibilité interne , elle, est obtenue par un assouplissement des règles de
l'organisation du travail dans l'entreprise.
• On parle de flexibilité quantitative externe quand l'entreprise fait varier le volume de sa main
d'oeuvre en recourant au marché du travail. A court terme, face à une variation de son activité,
par exemple une chocolaterie avant Noël, une entreprise peut embaucher en Contrat à Durée
Déterminée (CDD) ou recourir à des intérimaires. Ainsi, quand l'activité reviendra à son niveau
normal, l'entre prise n'aura pas à licencier, puisque ces embauches auront été prévues pour la durée
de la suractivité. CDD et intérim permettent donc à l'entreprise de faire varier le nombre de ses
salariés en fonction de ses besoins, mais sans avoir à supporter le coût et les tracas administratifs
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liés à des licenciements. Pour améliorer la flexibilité quantitative externe, on peut également
assouplir les règles de licenciement, en le rendant moins coûteux, en raccourcissant les procédures
et en diminuant les possibilités de contestation. Ce type d'assouplissements est régulièrement
réclamé par le patronat français.
• La flexibilité quantitative interne consiste à faire varier le temps de travail au cours de l'année.
Cette flexibilité peut être obtenue par le recours aux heures supplémentaires, mais cela coûte cher à
l'entreprise parce qu'elle doit payer ces heures plus cher que les autres. L'autre possibilité est
l'annualisation du temps de travail, qui n'est plus définit sur la semaine (35 h) mais sur l'année (1600
h). En fonction des commandes ou de la charge de travail prévisible pour la semaine à venir, les
travailleurs auront à accomplir une durée du travail différente. Selon les entreprises, cette durée peut
varier entre 0 heure et 48, voire 52 heures. Il peut alors y avoir une très grande flexibilité du temps
de travail pour les salariés. Une autre possibilité, en particulier dans les services en contact avec la
clientèle, est d'embaucher à temps partiel, et de recourir aux heures complémentaires juste pour les
moments où il y a plus de clients.
• La flexibilité qualitative interne consiste à faire accomplir successivement plusieurs tâches
différentes par le même salarié, en fonction des besoins. C'est ce qu'on appelle aussi la
polyvalence des travailleurs. Un exemple typique est donné par le chef de rayon d'un supermarché
qui peut être amené à tenir une caisse en cas d'affluence de client, ou par le gérant d'un hôtel qui
passe de l'accueil des clients, à la comptabilité, voire au service des repas. On note au passage que
cette polyvalence remet en cause, dans une certaine mesure, la division horizontale du travail !
• L' externalisation , consiste à faire exécuter certaines tâches annexes de la production par des
entreprises extérieures. L'entreprise se concentre sur les tâches essentielles à sa production, celle
qui réclament un savoir-faire particulier, et délègue le reste à des prestataires de services .
Prenons un exemple. La RATP, entreprise des transports collectifs parisiens, a depuis longtemps
externalisé le nettoyage du métro parisien : auparavant, les agents de nettoyage étaient embauchés
par la RATP, bénéficiaient donc du statut RATP en particulier pour les salaires et les horaires de
travail. Depuis l'externalisation, ce sont des entreprises de nettoyage privées qui assurent le ménage
du métro. Les agents de nettoyage ont donc changé de statut en même temps que d'employeur. Ils
appartiennent à des entreprises beaucoup plus petites, en concurrence (le nettoyage est assuré par
des sociétés différentes selon la station de métro). On voit bien l'intérêt que la RATP retire de cette
externalisation : elle a moins d'employés à gérer, elle se contente de passer un contrat commercial
avec les entreprises de nettoyage et celui-ci est plus facile à rompre qu'un contrat de travail ! Ce
sont ces entreprises qui se débrouillent pour fixer les conditions de travail et de rémunération de leur
personnel. En cas de mécontentement, le personnel s'adressera à elles et non plus à la RATP. Ce
raisonnement, qui débouche sur l'externalisation, peut être fait à propos de nombreuses activités
dans l'entreprise. Ainsi les tâches de formation ou de recherche, celles de gardiennage ou de
nettoyage, le calcul des paies, peuvent être externalisées.
Flexibilité quantitative externe et interne, flexibilité qualitative, externalisation sont donc les quatre grands
types de flexibilité auxquelles peuvent avoir recours les entreprises aujourd'hui. Nous avons à chaque fois
présenté les modalités les plus fréquemment utilisées, mais il peut y en avoir d'autres.
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"pointes" d'activité. Mais le reste du temps, ces travailleurs seront sous-employés. De même, la
polyvalence permet de faire passer un travailleur d'une tâche à l'autre quand il n'a plus rien à faire.
• Plus généralement, la flexibilité permet une meilleure affectation des ressources de l'économie
. La flexibilité permet une circulation plus fluide des travailleurs des entreprises ou des secteurs qui
stagnent vers les entreprises et les secteurs qui se développent. Si les travailleurs restaient rivés à
leur poste d'origine, les difficultés des entreprises confrontées à un ralentissement de leur activité
seraient accrues, tandis que celles qui se développent et embauchent pourraient ne pas trouver la
main d'oeuvre qui leur fait défaut. Cette fluidité peut être très importante pour faire face et favoriser
l'innovation : rappelez-vous que le progrès technique fait sans cesse apparaître et disparaître
des activités, ce qui suppose un redéploiement permanent des ressources productives,
capital, bien sûr, mais aussi travail.
L'intérêt de la flexibilité est donc fondamentalement de donner les moyens d'une réorganisation continue de
l'économie en fonction des évolutions. Une économie totalement rigide serait une économie qui n'évolue
pas, qui ne connaît pas le progrès technique ni les changements sociaux. Ce n'est bien sûr pas
envisageable, mais la vraie question est celle du degré de flexibilité qu'il est souhaitable d'avoir dans
une société. C'est pourquoi il faut maintenant s'intéresser aux effets pervers de la flexibilité.
2.3.3 - Mais la flexibilité peut aussi avoir des effets néfastes pour les salariés et
même, dans certains cas, faire obstacle à la croissance.
La flexibilité du travail est aussi vigoureusement combattue par certains, notamment les syndicats de
salariés. Ceux-ci reproche à la flexibilité de plus servir les intérêts des seules entreprises que de favoriser la
croissance. Bien plus, la flexibilité, estiment certains économistes, peut aussi avoir des conséquences
nuisibles sur la croissance économique. C'est ce que nous appelons les "effets pervers" de la flexibilité et
que nous allons présenter maintenant.
• La flexibilité peut être utilisée par les entreprises pour contourner le droit du travail et les
conventions collectives. Par exemple, les CDD et l'intérim sont aussi utilisés non pas pour adapter la
quantité de travail aux besoins, mais pour réduire les protections accordées aux travailleurs : dans
ces cas-là , l'entreprise a toujours la possibilité de se débarrasser du salarié quand son contrat arrive
à terme. On imagine aisément la pression que cela permet d'exercer sur le salarié. Récemment,
une grande entreprise automobile française a été condamnée par la justice pour avoir recours au
CDD de façon permanente : ce n'était donc pas un moyen de s'adapter à la demande, mais
bien un mode de gestion de la main d'oeuvre .
• La flexibilité peut aussi avoir des effets négatifs sur la productivité des travailleurs dans
l'entreprise. Quand le travail devient précaire, quand les salariés sentent que l'entreprise peut se
débarrasser d'eux à tout moment, ils ne sont pas incités à s'investir dans leur travail et leur
efficacité peut baisser. De même, si la flexibilité permet d'augmenter la productivité des travailleurs,
cette intensification du travail a aussi des limites : l'accumulation de fatigue et de stress peut
conduire à des arrêts maladie ou des accidents du travail. Enfin, quand les salariés ne restent
pas dans l'entreprise, il n'ont pas le temps de développer et d'acquérir des savoir faire . C'est
donc la performance globale des travailleurs qui peut s'en ressentir.
• La précarisation du travail peut avoir des effets néfastes sur la croissance économique . La
flexibilité du travail, quand elle se traduit par une précarité pour les travailleurs, peut affecter leur
propension à consommer et à investir. En effet, sans travail stable, on est incité à épargner pour le
cas où l'on perdrait son emploi. De même, sans emploi à durée indéterminée, il est très difficile
d'obtenir un prêt auprès d'une banque pour acheter un logement ou faire construire une maison. En
pesant sur la consommation et l'investissement des ménages, la flexibilité peut donc ralentir
la croissance économique.
On le voit, la flexibilité du travail présente aussi des inconvénients majeurs, qui peuvent même annuler ses
effets positifs. Le problème est donc de réguler l'usage de la flexibilité par les entreprises pour en
limiter les effets pervers.
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Au total, la flexibilité du travail est-elle une bonne ou une mauvaise chose pour l'économie ? On voit bien
qu'il n'est pas possible de répondre de façon simple à une telle question. La flexibilité est avantageuse pour
certains et coûteuse pour d'autres. Elle est sans doute nécessaire au bon fonctionnement d'une économie,
mais il faut trouver des compensations et des modalités d'application qui la rendent acceptable aux yeux des
salariés.
Conclusion.
Qu'avons-nous appris dans ce chapitre ?
L'importance du travail et de son organisation pour expliquer la croissance, le rôle moteur du progrès
technique dans l'efficacité grandissante du travail. Mais nous avons vu aussi que l'adéquation entre l'offre
(sur laquelle le progrès technique agit) et la demande de biens (qui dépend entre autres du pouvoir d'achat
et de la répartition de la valeur ajoutée) n'était pas toujours simple. Résultat : du chômage peut se
développer quand les mécanismes ne peuvent pas dérouler tous leurs effets. Nous avons laissé de côté
beaucoup d'aspects liés à ces transformations : les conflits qui peuvent naître à propos de la répartition des
gains de productivité, les effets sociaux de la précarisation de l'emploi et de la flexibilité grandissante de la
gestion de la main d'oeuvre, etc Cependant, la croissance économique et le développement, s'ils sont bien
le résultat de la combinaison du travail et du capital, comme nous l'avons vu jusqu'ici, sont aussi, et à la fois,
facteurs et résultats des changements sociaux qui les accompagnent. Nous allons donc nous intéresser
maintenant, dans la deuxième partie du programme, au changement social tel que nous l'avons défini dans
l'introduction.
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