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« Anticiper, c’est prévoir pour agir »

Sommaire
15 juin 2008 – Numéro d’été

1- Perspective
Alerte LEAP/E2020 - Juillet-Décembre 2008 : Le monde plonge au coeur de la phase
d'impact de la crise systémique globale!
Les six mois qui viennent vont constituer le vrai noyau de la crise en cours… (page 2)
2- Telescope
Tour d'horizon mondial : Huit phénomènes majeurs vont marquer les six mois à venir
1. Le Dollar en perdition (1 Euro = 1,75 USD fin 2008) : Une peur panique de l'effondrement de la
devise et de l'économie US ronge la psyché collective américaine
Bernanke, Paulson et Bush aboient mais le cours du Dollar Us ne déviera pas d'un iota d'ici la fin de l'année
2008, à savoir autour de 1 Euro pour 1,75 Dollar selon les anticipations de LEAP/E2020… (page 3)
2. Système financier mondial : La rupture à cause de l'impossible mise sous tutelle de Washington
La décision de Washington de faire monter les enchères en terme de retour au « Dollar fort » est porteuse d'une
accélération du processus de rupture du système financier mondial … (page 9)
3. Union européenne : La périphérie sombre dans la récession alors que le noyau de la zone Euro ne
fait que ralentir
Pour l'Union européenne, la situation sera, comme anticipée depuis de nombreux mois par LEAP/2020, très
contrastée… (page 11)
4. Asie : Le double « coup de bambou » inflation/effondrement des exports
Des économies fondées sur la maîtrise des coûts et les exportations, touchées à la fois par une forte inflation et
par une baisse drastique d'un de leurs deux principaux marchés d'exportation (US) et un fort ralentissement du
second (UE), voilà à quoi ressemblera la situation des pays asiatiques dans les 6 prochains mois… (page 12)
5. Amérique latine : Des difficultés en hausse mais une croissance maintenue pour une grande
partie de la région, avec le Mexique et l'Argentine en crise
Du Mexique à l'Argentine, l'Amérique latine entre dans une période économique très difficile. La Très Grande
Dépression US a des conséquences directes très spécifiques sur tous les pays de la zone, et notamment ceux
d'Amérique centrale et du nord de l'Amérique du Sud… (page 13)
6. Monde arabe : Les régimes pro-occidentaux à la dérive / 60% de risques d'explosion politico-
sociale sur l'axe Egypte-Maroc
La crise systémique globale contribue déjà à fragiliser fortement les états arabes pro-occidentaux face à un
mélange d'émeutes de la faim, de montée de l'intégrisme, alimenté par la montée en puissance de l'Iran, de la
Syrie, du Hezbollah et du Hamas, et d'incapacité de Washington et de ses alliés européens à tenir un discours
autre que sécuritaire… (page 14)
7. Iran : Confirmation de 70% de probabilité d'une attaque d'ici Octobre
La nomination de Barak Obama comme opposant démocrate à John McCain ne fait que consolider le risque…
(page 15)
8. Banques/Bulles spéculatives : La collision des bulles
Les banques mondiales, et en particulier américaines et britanniques, vont se trouver coincées entre 4 bulles qui
sont devenues en fait quatre bombes… (page 16)
3- Focus
Six mois décisifs pour éviter une récession mondiale : Cinq conseils stratégiques pour les
banques centrales, gouvernements et autres institutions de contrôle
Deux mesures d'urgence à mettre en oeuvre dès l'été 2008, deux mesures à initier durant le deuxième semestre
2008 et un « sauve qui peut » généralisé si les deux premières mesures ne sont pas mises en oeuvre d'ici la fin
de l'été 2008. (page 18)
Huit conseils vitaux pour ne pas commettre d'erreurs fatales pendant le plongeon au
coeur de la phase d'impact de la crise
Cinq catégories d'actifs à fuir à tout prix et trois recommandations positives (page 26)
4- Le GlobalEurometre
Résultats & Analyses
94% des Européens estiment que les partis nationaux ne sont pas capables de représenter l'intérêt collectif
européen… (page 30)

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Lettre confidentielle ‘GlobalEurope Anticipation Bulletin’ N°26 – 15 juin 2008
© Copyright Europe 2020 / LEAP – 2008
ISSN 1951-6177 - Tous droits réservés -
« Anticiper, c’est prévoir pour agir »

1- Perspective
Alerte LEAP/E2020 - Juillet-Décembre 2008 :
Le monde plonge au coeur de la phase
d'impact de la crise systémique globale

A l'occasion de ce numéro 26 - Spécial Eté 2008 - du Global Europe Anticipation Bulletin, l'équipe de
LEAP/E2020 a décidé de lancer une alerte sur la période Juillet-Décembre 2008. En effet, notre équipe
est désormais convaincue que cette période sera caractérisée par un plongeon de l'ensemble de la
planète au coeur de la phase d'impact de la crise systémique globale. Les six mois qui viennent vont
donc constituer le vrai noyau de la crise en cours. Les turbulences des douze derniers mois n'en ont
été qu’une faible prémisse.

C'est en effet au cours du semestre à venir que toutes les composantes de la crise (financière,
monétaire, économique, stratégique, sociale, politique...) vont converger avec un maximum
d'intensité1. Sans pour autant revenir en détail sur les différentes séquences déjà anticipées dans les
précédents numéros du GEAB, nos chercheurs ont choisi de présenter les évolutions des différentes
grandes régions de la planète pour les six mois à venir ; et, pour ce faire, de développer huit
phénomènes majeurs qui vont marquer les six mois à venir de manière décisive et orienter
durablement les année 2009 et 2010, à savoir :

1. Le Dollar en perdition (1 Euro = 1,75 USD fin 2008) : Une peur panique de l'effondrement de la
devise et de l'économie US ronge la psyché collective américaine
2. Système financier mondial : La rupture à cause de l'impossible mise sous tutelle de Washington
3. Septembre 2008 : Confirmation du processus d'effondrement de l'économie réelle US
4. Union européenne : La périphérie sombre dans la récession alors que le noyau de la zone Euro ne
fait que ralentir
5. Asie : Le double « coup de bambou » inflation/effondrement des exports
6. Amérique latine : Des difficultés en hausse mais une croissance maintenue pour une grande partie
de la région, avec le Mexique et l'Argentine en crise
7. Monde arabe : Les régimes pro-occidentaux à la dérive / 60% de risques d'explosion politico-sociale
sur l'axe Egypte-Maroc
8. Iran : Confirmation de 70% de probabilité d'une attaque d'ici Octobre
9. Banques/Bulles spéculatives : La collision des bulles

Parallèlement, l'équipe de LEAP/E2020 présente dans ce GEAB N°26 cinq conseils stratégiques à
destination des banques centrales, gouvernements et institutions de contrôle qu'elle a élaborés ces
derniers mois et dont l'objectif est de limiter et canaliser les graves conséquences de la phase
d'impact de la crise.

Et, à destination des investisseurs privés, LEAP/E2020 développe également dans ce GEAB N°26 une
série de huit conseils opérationnels pour éviter de commettre des erreurs fatales dans les six mois à
venir.

1
Pour un calendrier plus détaillé de ces tendances, voir le GEAB N°18.
2
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2- Telescope
Tour d'horizon mondial : Huit phénomènes
majeurs vont marquer les six mois à venir

1. Le Dollar en perdition (1 Euro = 1,75 USD fin 2008) : Une peur panique de
l'effondrement de la devise et de l'économie US ronge la psyché collective américaine

Bernanke, Paulson et Bush aboient mais le cours du Dollar Us ne déviera pas d'un iota d'ici la fin de
l'année 2008, à savoir autour de 1 Euro pour 1,75 Dollar selon les anticipations de LEAP/E2020.
Depuis 2006, nos anticipations se sont avérées correctes à l'inverse de pratiquement toutes celles des
principaux opérateurs financiers (banques, médias spécialisés, gouvernements et institutions
internationales). Et ce malgré les multiples tentatives de différents acteurs fortement engagés en
Dollars de faire croire à des rebonds durables ou autres inversions de tendance. Cette période de soi-
disant « retour du Dollar fort » n'est pas différente des précédentes qui ont toutes, sans exception,
abouti à une nouvelle baisse de la devise américaine par rapport à l'ensemble des grandes devises
mondiales2. Et pour les chercheurs de LEAP/E2020, les déclarations répétées des dirigeants
américains, et en particulier du Président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, ne font que traduire
une situation désespérée3 pour la devise US plutôt qu'une volonté retrouvée de redonner de la force à
cette même devise. Les récentes visites de Hank Paulson, le secrétaire d'Etat au Trésor, dans les pays
du Golfe et en Asie, comme la tournée de G. W. Bush en Arabie Saoudite, ont permis à ces deux
dirigeants américains de comprendre l'ampleur du problème à venir 4, d'ici la fin de l'année : les
principaux détenteurs de Dollars US (pays du Golfe, Japon et Chine5) ne croient plus un mot des
promesses répétées depuis des années par l'administration américaine que le Dollar était toujours fort
et qu'il allait se rétablir bientôt6.

2
Sauf la Livre Sterling qui est désormais entraînée dans la même chute que la monnaie américaine.
3
A lire : Mish's Global Economic Trend Analysis, 09/04/2008
4
Source : Bloomberg, 02/05/2008
5
Les réserves de change de la Chine atteignent désormais 1.760 milliards USD (fin Avril 2008) et, fuyant d'autres pays
asiatiques qui semblent plus fragiles, les investissements spéculatifs se multiplient. Cette situation est absolument explosive
selon notre équipe. Source : AFP, 02/06/2008
6
Et comme le G8 lui-même vient de reconnaître que les raisons de la hausse des prix du pétrole étaient structurelles et de ce
fait la hausse durable (source : Financial Times, 14/06/2008), la question que posent les producteurs de pétrole est donc très
simple : Allons-nous continuer à accumuler des montagnes de Dollars US si cette devise continue à baisser ? Leur réponse
implicite qui affole Washington est évidemment non. Et dans cette configuration, la Chine et le Japon n'ont bien entendu plus
intérêt eux non plus à accumuler des Dollars puisqu'ils risquent de n'être plus nécessaires (voire suffisants) pour acheter
l'énergie. D'ailleurs, à terme, cette évolution pose même le problème de la capacité des Etats-Unis à pouvoir s'offrir le pétrole
dont ils ont besoin.
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Qui possède la dette américaine ? – Source : Fincher

Aussi, si l'entrée en jeu de Ben Bernanke sur ce sujet est bien une chose tout à fait inhabituelle 7,
selon notre équipe, cela ne tient pas au fait que les Etats-Unis auraient miraculeusement retrouvé la
volonté et les moyens d'arrêter l'effondrement de leur devise. Mais cela est plutôt lié au fait que, plus
personne n'accordant le moindre crédit en la matière aux déclarations de l'Administration Bush, il a
fallu pousser en avant le dernier dirigeant US bénéficiant encore d'une quelconque crédibilité sur le
sujet, à savoir le patron de la Fed 8. Pour quelle raison ? Mais pour gagner un peu de temps avant une
nouvelle poussée de fièvre baissière du Dollar, pour gagner quelques semaines avant cette évolution
inévitable du fait de la Très Grande Dépression US9, pour permettre à quelques gros opérateurs (dont
probablement les Chinois10, Japonais et pays du Golfe11) de brader quelques centaines de milliards de
Dollars US à un taux plus intéressant avant cette nouvelle baisse12.

7
Puisque traditionnellement c'est le gouvernement fédéral qui gère la question des taux de change, et non pas la Réserve
Fédérale.
8
D'ailleurs il semblerait que les manipulations pour essayer de faire croire à une remontée du Dollar aient commencé il y a déjà
plusieurs semaines. Source : MarketWatch, 15/05/2008
9
Dans la suite de ce GEAB N°26, les illustrations de l'ampleur de cette Très Grande Dépression sont nombreuses.
10
Le Yuan continue à battre des records par rapport au Dollar. Source : ChinaDaily, 12/06/2008
11
Source : Wall Street Journal/Gata, 27/05/2008
12
LEAP/E2020 a déjà souligné à plusieurs reprises depuis le début 2006 que l'évolution baissière du Dollar semble ménager des
paliers, de brefs moments légèrement haussiers permettant la liquidation de positions importantes par les acteurs essentiels de
l'économie mondiale.
4
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Toujours est-il que les illustrations de la perte de confiance des Américains eux-mêmes dans leur
propre monnaie se multiplient. La monnaie est avant tout une affaire de psychologie collective, de
confiance. On assiste ainsi au développement d'une peur panique sur l'avenir du Dollar qui alimente
une vraie psychose collective aux Etats-Unis13. Nous retiendrons deux exemples très significatifs car ils
démontrent d'une part une profonde défiance de Washington14 et, d'autre part, une conviction de la
fin prochaine du Dollar en tant que monnaie fiable et une illusion radicale sur les méthodes possibles
pour sortir de cette situation.

Indice d'Anticipation du consommateur américain (1978-05/2008) – Source : Briefing.com /


Conference Board

Le premier exemple est celui de la psychose collective autour d'une réunion secrète de la Chambre
des Représentants qui s'est tenue le 13 Mars 2008. Ce type de réunion secrète, qui interdit
formellement aux élus américains d'en révéler le contenu, est particulièrement rare. La précédente
remonte à 1983 et avait été consacrée à l'aide américaine aux Contras du Nicaragua. Au total seules 5
sessions secrètes de la Chambre des Représentants ont eu lieu depuis 1825 15. La session secrète du
13 Mars 2008 a été officiellement consacrée à la question des écoutes téléphoniques pour la lutte
anti-terroriste, les élus républicains voulant apporter des preuves « convaincantes », mais devant
rester secrètes, à leurs collègues démocrates, très réticents sur le sujet. Pourtant, sur l'Internet
américain, cette réunion secrète de la Chambre des Représentants est devenue un sujet très populaire
dont le contenu supposé s'est notamment focalisé autour de neufs thèmes bien précis16, à savoir :

13
La baisse de richesses nette des Américains, d'un montant de 1700 milliards USD au premier trimestre 2008, explique bien
entendu ce sentiment de panique qui est en train de saisir toute une partie de la population. Source : Los Angeles Times,
05/06/2008
14
Une majorité d'Américains ont le sentiment désormais que la situation est pire que ce que leurs dirigeants leurs racontent.
Comme l'illustre d'ailleurs ce titre de Newsweek : « Pourquoi la situation est pire que vous ne le pensez ». Source : Newsweek,
16/06/2008
15
Source : CBS, 14/03/2008. Pour en savoir plus sur l'histoire des réunions secrètes du Congrès américain, il est utile de
consulter le rapport « Secret Sessions of Congress : a brief historical overview », publié en 2004 par le Congressionnal Research
Service de la Bibliothèque du Congrès.
16
Exemple de tels débats sur Godlike Productions.
5
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. la discussion autour d’un effondrement imminent de l'économie américaine à l'automne 2008


. la faillite du gouvernement fédéral américain en Février 2009
. la possibilité d'une guerre civile aux Etats-Unis comme conséquence des deux évènements
précités
. la mise en détention préventive des « citoyens rebelles » suspectés de vouloir s'opposer au
gouvernement fédéral
. la détention des citoyens arrêtés dans des camps REX 8417, répartis sur tout le territoire des
Etats-Unis
. la possibilité de mesures de rétorsion directes contre les membres du Congrès du fait de
l'effondrement des autorités fédérales
. la mise en place de zones de sécurité pour les membres du Congrès et leurs familles
. la fusion des Etats-Unis, du Canada et du Mexique
. le lancement d'une nouvelle devise, l'Améro, en lieu et place du Dollar US, du Dollar
canadien et du Peso mexicain.

Ce contenu supposé est publié sur une multitude de sites web aux Etats-Unis et peuple des centaines
de milliers de débats sur les forums Internet. Une recherche Google sur le sujet est éloquente.

La nature et l'ampleur de l'écho donné sur Internet aux suppositions faites autour de cette réunion
secrète de la Chambre des Représentants dénotent une grave crise de confiance dans toute une
partie de l'opinion publique américaine : c'est littéralement une vision des élites trahissant le peuple,
voire se retournant contre lui. Et de manière récurrente, c'est l'effondrement économique, financier et
monétaire qui traverse tout ce scénario apocalyptique.

Si pour LEAP/E2020, il y a bien une Très Grande Dépression US en cours, un effondrement de


l'économie réelle américaine à partir de Septembre 2008 18, la poursuite de la baisse de la devise
américaine et une montée en puissance croissante des militaires dans la gestion du pays, en revanche
un tel scénario est totalement hors de notre champ d'anticipation. Cependant sa récurrence et sa
diffusion dans la société américaine, hors de simples habitués des théories du complot, prouve
l'existence d'une psychose collective autour du Dollar et de l'économie américaine.

17
Rex 84, contraction de Readiness Exercise 1984, est un plan selon lequel le gouvernement américain agirait pour mettre en
place des processus massifs de détention de citoyens en cas de troubles publics majeurs. L'article de Wikipedia sur ce sujet est
d'ailleurs très détaillé.
18
LEAP/E2020 maintient intégralement ses anticipations sur ce sujet car l'évolution de l'économie réelle des Etats-Unis (hausse
du chômage, chute de la consommation, ralentissement général de la mobilité - comme l'illustre par exemple le graphique ci-
dessous, avec la chute impressionnante du nombre de vols assurés par les compagnies aériennes sur le territoire américain,
hausse des faillites d'entreprises, poursuite de la chute des prix de l'immobilier, restriction croissante du crédit,...) confirme ce
choc pour le quatrième trimestre 2008.
6
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Suppressions de vols par les compagnies aériennes sur le territoire des Etats-Unis (10/2008 par
rapport 10/2007) - Source : USA Today / Guide Officiel des Compagnies Aériennes 06/2008
(du rouge au bleu : des plus fortes suppressions aux augmentations)

Le second exemple de cette psychose, et du sentiment d'impuissance face à la crise en cours, est
donné par l'invention de l' « Améro19 », cette monnaie à venir qui, suite à l'effondrement du Dollar
US, remplacerait les Dollars des Etats-Unis et du Canada et le Peso mexicain, dans le cadre d'une
Union Nord-Américaine (NAU)20. En tapant Améro sur Google on découvre plus d'un million de liens,
preuve qu'il s'agit d'un concept désormais largement diffusé sur Internet, et notamment aux Etats-
Unis. Car ni au Canada, ni au Mexique (et encore moins dans le reste du monde), une telle idée ne
trouve crédit. Visiblement forgée sur le concept de l'Euro (même son nom reflète cette influence
involontaire de la monnaie commune européenne), l'Améro est donc tout à la fois vilipendé comme un
processus d'aliénation des Etats-Unis, dilués dans une union nord-américaine, et en même temps
considéré comme la seule réponse possible des autorités à l'effondrement du Dollar.

Cette idée est pourtant totalement irréaliste puisque les Européens savent combien un processus de
monnaie commune est une opération politiquement difficile, monétairement et économiquement
longue, exigeante en terme de préparation et techniquement très complexe à mener ; c'est dire que
ce n'est pas exactement le genre de choses qu'on décide en secret, entre quatre murs, fussent-ils du
congrès américain.

19
Lire sa description sur Wikipedia.
20
Dans son article du 25/11/2007, le Boston Globe décrit bien le contexte de cette psychose collective d'une population
américaine qui se sent « économiquement assiégée, politiquement impuissante et socialement aliénée», selon les termes du
Prof. Mark Fenster de l'Université de Floride. Et les nationalistes américains ont vite fait de s'emparer du thème comme le
prouvent ces pages entières dédiées à l'opposition à la « North American Union » (NAU) sur le site de la John Birch Society.
7
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Derrière ce fantasme de l'Améro se cache, selon notre équipe, une crainte réelle, au sujet de laquelle
les Américains n'ont pas vraiment d'expérience dans leur histoire collective, à savoir une dévaluation
forte, impliquant par exemple l'émergence d'un « Nouveau Dollar » : même nom, même base
économique (les Etats-Unis), mais d'une valeur très inférieure (2, 10, 100 fois moins forte que la
devise précédente). La plupart des pays de la planète ont connu ce genre d'expérience (parfois à de
nombreuses reprises), mais pas les Etats-Unis. L'émergence consciente et/ou inconsciente d'une telle
possibilité explique probablement le développement de scénarios irréalistes tournant autour de la
valeur de la monnaie. Il s’agit en effet de situations collectives très traumatisantes.

Evolution comparée des ventes annuelles de détail et des rentrées fiscales sur les ventes - Source :
John Mauldin

Une chose reste certaine pour LEAP/E2020, il n'y aura pas de « rebond » de la croissance américaine
au second semestre 2008 mais bien au contraire une forte aggravation de la récession, à tel point que
les statistiques officielles pourraient bien être obligées de recommencer à refléter la réalité 21 au lieu
de tenter de la masquer22.

21
Source : Goldseek, 29/05/2008
22
A lire sur la lecture de l’évolution du PNB américain au premier trimestre 2008. Source : RGE Monitor, 30/04/2008
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2. Système financier mondial : La rupture à cause de l'impossible mise sous tutelle de


Washington

La décision de Washington de faire monter les enchères en terme de retour au « Dollar fort »,
obligeant Ben Bernanke à monter au créneau sur ce sujet, est porteuse d'une accélération du
processus de rupture du système financier mondial23.

En effet, Ben Bernanke est le dernier rempart avant la prise de conscience définitive par les principaux
détenteurs de devises américaines et d'actifs libellés en Dollars US que Washington n'a plus les
moyens de soutenir sa monnaie. Ce qui, début 2006 (avec la fin de la publication de M3 par la Fed,
annoncée par LEAP/E2020), correspondait à une politique délibérée de baisse du Dollar afin d'essayer
de réduire le déficit commercial américain et de limiter la valeur réelle (pour les Etats-Unis) de leur
endettement mondial (qui est libellé en Dollar), s'est retourné contre ses initiateurs et se transforme
en une fuite généralisée hors des Etats-Unis (fuite de capitaux, stabilité des déficits commerciaux,
accroissement de l'inflation,...). La carte « Bernanke » est la dernière carte « psychologique » que
peut jouer Washington. Son utilisation montre, selon LEAP/E2020, à quel point les dirigeants
américains en sont arrivés aux dernières extrémités pour essayer de retenir leurs partenaires dans le
système créé après 1945, et fondé sur l'économie des Etats-Unis et sa devise24.

Quand, dans quelques semaines (après les réunions du G8 et d'autres instances), il se confirmera qu'il
est impossible d'organiser la moindre action d'ampleur pour stabiliser durablement la devise
américaine (et nous n'évoquons même pas l'idée farfelue de la faire remonter) puisque l'économie
américaine s'enfoncera toujours plus profondément dans la récession et que le monde est déjà
« gorgé » de Dollars US dont plus personne ne sait comment s'en débarrasser, alors le système
financier mondial explosera en différents sous-systèmes tentant de survivre au mieux, en attendant
qu'un nouvel équilibre financier mondial s'organise25. En s'engageant dans cette voie qui ne mène
nulle part, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou non, Ben Bernanke vient de signer la
fin du système financier actuel. Le retour au « Dollar fort », c'est un peu comme la « libération de
l'Irak », un voeux pieux qui se transforme en cauchemar.

23
D'ailleurs la Banque des Règlements Internationaux s'inquiète désormais des risques d'une Grande Dépression mondiale.
Source : Banking Times, 09/06/2008
24
Source : Euro Pacific Capital, 23/05/2008
25
Voir à ce sujet, dans ce GEAB N°26, les conseils de LEAP/E2020 aux banques centrales, gouvernements et institutions de
contrôle.
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Evolution annuelle des retraits d'urgence sur les comptes épargne-retraite du Vanguard Group aux
Etats-Unis (2003-2007) - Source : Vanguard Group

D'ailleurs, si jamais Washington avait réellement l'intention d'essayer de stabiliser le Dollar, ou plus
ambitieux, de le faire remonter face aux principales monnaies mondiales, il n'y aurait qu'une seule
méthode26, comprenant deux volets : une forte hausse des taux d'intérêts de la Fed, et une baisse
drastique de la création monétaire. Si les autorités américaines décident de mettre en oeuvre cette
politique, l'économie américaine (réelle et financière) s'arrête net dans les semaines qui suivent : le
marché immobilier tombe à zéro faute de crédits abordables et du fait d'une explosion des intérêts sur
les ménages endettés à taux variables, la consommation américaine devient négative (c'est-à-dire
qu'elle recule mois après mois), les faillites d'entreprises se multiplient de manière exponentielle, Wall
Street s'écroule sous le poids de ses dettes multiples et succombe totalement à l'implosion immédiate
du marché des CDS du fait des défauts généralisés de co-contractants...

Ces évènements, absolument certains en cas d'action volontariste de Washington en faveur d'un
Dollar fort, sont sans aucun doute inacceptables pour les autorités américaines. Donc, en dehors de
parler, et de se déconsidérer encore plus, elles ne feront rien. La méthode traditionnelle de ces
dernières décennies n'est plus envisageable : plus personne n'acceptera d'acheter massivement des
Dollars pour sauver la devise US sans une action très volontariste (celle décrite précédemment) de
Washington. Comme celle-ci n'interviendra pas, le reste du monde en tirera les conclusions
nécessaires : chacun pour soi désormais. Et il ne faut pas oublier qu'à la mi-Août 2008, Pékin n'a plus
la contrainte de réussir à tout prix les Jeux Olympiques. Donc un grand nombre d'options
« brutales »27, mises en attente jusqu'aux JO, vont refaire surface28.

26
Nous avons écarté la seconde méthode qui consisterait à nucléariser la BCE, la Banque de Chine et la Banque du Japon.
27
Source : ContreInfo, 21/04/2008
28
Et la Russie s'imposant désormais comme le premier producteur mondial de pétrole devant l'Arabie saoudite, les rapports de
force sur le marché pétrolier sont là aussi en train de changer rapidement. Source : Times of India, 12/06/2008
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3. Union européenne : La périphérie sombre dans la récession alors que le noyau de la


zone Euro ne fait que ralentir

Pour l'Union européenne, la situation sera, comme anticipée depuis de nombreux mois par
LEAP/2020, très contrastée. Malgré le « Non irlandais » au Traité de Lisbonne (qui n'a aucune
influence sur le fonctionnement réel de l'UE puisque ce traité est uniquement le fruit d'une volonté des
élites communautaires de pérenniser leur situation ne correspondant nullement à un besoin de
meilleure gouvernance de l'UE29), l'UE affrontera mieux que les Etats-Unis ou l'Asie ce plongeon au
coeur de la crise systémique globale. Mais elle sera dans une situation interne très contrastée. Pour
notre équipe, l'UE sera divisée en trois zones qui connaîtront chacune un parcours très différent au
sein de la phase d'impact de la crise :

. les pays de la zone Euro résisteront mieux, et l'Euroland collectivement sera affecté par un fort
ralentissement économique, mais pas par une récession, même si les pays de l'Euroland en forte
divergence avec les critères de la zone Euro seront plus durement affectés et pourront connaître une
récession30.
. les pays hors de la zone Euro seront très fortement touchés et plongeront dans la récession ; mais
parmi eux, les pays « Euro-compatibles »31 seront moins durement touchés que les autres.
. lle Royaume-Uni est très certainement l'Etat membre de l'UE qui va être plongé dans la récession la
plus forte, semblable en fait à la « Très Grande Dépression US » par la gravité de ses conséquences
socio-économiques.

Pour LEAP/E2020, l'UE en moyenne connaîtra une croissance à peine supérieure à 0,5%, et la zone
Euro aux alentours de 1,5%. Le Royaume-Uni32, l'Irlande33, l'Espagne, l'Italie, la Grèce seront en zone
négative, sachant que c'est en 2009 que les taux de croissance de ces pays s'enfonceront nettement
en territoire négatif.

On peut simplifier la situation et représenter visuellement l'évolution de l'économie européenne des


mois à venir en imaginant un noyau qui résistera autour de l'Allemagne, et toute une périphérie
affectée plus fortement par la crise. Ce qui est certain pour nos chercheurs, c'est que face à la
menace inflationniste et du fait de la prépondérance allemande sur la zone Euro (et de l'inquiétude
historique des Allemands face à l'inflation34), les taux d'intérêt de la zone Euro ne baisseront pas d'ici
fin 2008 ; ils augmenteront au contraire en fonction du risque inflationniste.

29
Dans les GEAB N°1 et N°2, notre équipe avait anticipé l'incapacité structurelle des gouvernements européens et des
institutions communautaires à dépasser les « Non » français et néerlandais. La tentative incarnée par le Traité de Lisbonne a à
nouveau échoué et plonge l'UE institutionnelle dans une crise « micro-cosmique ». Les Européens s'en désintéressent
totalement et la zone Euro est pour le moment pilotée par la BCE qui n'est pas concernée par les péripéties du traité. Sur le
plan économique, monétaire et financier, l'avenir du Traité de Lisbonne n'a, selon LEAP/E2020, strictement aucune importance
pour l'Union européenne.
30
L'Espagne, la Grèce, l'Italie et l'Irlande entrent dans cette catégorie. La France tend à les rejoindre. Source : La Tribune,
11/06/2008
31
C'est à dire respectant déjà les critères clés de la zone Euro et pouvant donc bénéficier facilement de la « protection
étendue » de la zone Euro : Danemark et Suède en font partie.
32
Source : Telegraph, 12/06/2008
33
Source : Irish Examiner, 13/06/2008
34
A lire : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 11/06/2008
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4. Asie : Le double « coup de bambou » inflation/effondrement des exports

Des économies fondées sur la maîtrise des coûts et les exportations, touchées à la fois par une forte
inflation et par une baisse drastique d'un de leurs deux principaux marchés d'exportation - les Etats-
Unis - et le fort ralentissement du second - l'Union européenne, voilà à quoi va ressembler la situation
générale des pays asiatiques dans les six mois à venir. Partout en Asie, l'inflation fait déjà des
ravages, provoquant des grèves, des manifestations et des émeutes35. Le risque de famine est de
retour en Asie36.

Et selon LEAP/E2020 les pays de la zone n'ont pour l'instant fait que ressentir les premiers effets de la
crise en cours. Pour eux aussi, le second semestre 2008 va constituer le vrai plongeon dans la phase
d'impact de cette crise. Certains « tigres » asiatiques, comme le Vietnam37, voient déjà leur croissance
chuter brutalement ; partout l'inflation s'oriente vers des niveaux à deux chiffres. Les bourses
asiatiques commencent aussi à refléter ces tendances avec des pertes qui s'accroissent tandis que les
devises de plusieurs pays, jugés plus fragiles, commencent à être attaquées 38. Début Juin, la Corée du
Sud, les Philippines, la Thaïlande ont dû défendre leurs monnaies et acheter des Dollars du fait d'une
crainte que la récession régionale en gestation ne provoque une fuite généralisée des capitaux
étrangers39.

Pourtant l'Asie s'est préparée à une telle éventualité cette fois-ci, en constituant de fortes réserves en
devises. Hélas, elles sont principalement en Dollars US, une devise en baisse structurelle et, qui plus
est, la devise d'un partenaire commercial en récession : deux caractéristiques qui limiteront fortement
l'utilité de ces réserves.

Néanmoins, la récente création du fonds asiatique de stabilisation des changes, abondé


essentiellement par la Chine, le Japon et la Corée du Sud, et doté de 80 Milliards USD devrait
permettre de limiter les risques d'une dislocation régionale40.

Si les pays d'Asie du Sud-Est commencent à voir leur croissance se ralentir fortement, la Chine et le
Japon41 vont devoir y faire face brutalement au 4° trimestre 2008, quand le marché américain sera
complètement en panne, et l'Europe en berne. La stratégie de développement plus auto-centré de
l'Asie est en cours mais elle n'est pas assez avancée à ce stade pour permettre d'éviter une récession
à la fin de 2008 et en 2009.

En revanche, LEAP/E2020 estime, que du fait du volontarisme régional et de la nouvelle coopération


renforcée Chine/Japon, l'Asie pourra sortir globalement de cette récession au bout de deux années
maximum (courant 2010) et rebondira grâce à sa dynamique régionale d'abord.

35
Et fragilise de plus en plus les gouvernements. Source : Le Monde, 12/06/2008
36
Source : International Herald Tribune, 30/04/2008
37
Source : Reuters, 29/05/2008
38
Lire à ce sujet le très intéressant article d'Axel Merk. Source : Merkfund, 25/03/2008
39
Source : Thaindian News, 14/06/2008
40
Source : International Herald Tribune, 04/05/2008
41
L'économie japonaise est déjà entrée en phase de ralentissement. Source : Asahi.com, 10/06/2008
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5. Amérique latine : Des difficultés en hausse mais une croissance maintenue pour une
grande partie de la région, avec le Mexique et l'Argentine en crise

Du Mexique à l'Argentine, l'Amérique latine entre dans une période économique très difficile. La Très
Grande Dépression US a des conséquences directes très spécifiques sur tous les pays de la zone, et
notamment ceux d'Amérique centrale et du nord de l'Amérique du Sud. Les travailleurs immigrés
latinos ne trouvent plus de travail aux Etats-Unis ou alors des emplois de moins en moins bien payés
du fait de la récession. La conséquence de ce phénomène est double : ils sont des millions à ne plus
tenter leur chance au nord du Rio Grande, accroissant le chômage local 42 ; et ceux qui le peuvent
encore transfèrent de moins en moins d'argent « au pays », provoquant le tarissement de revenus
essentiels pour l'économie de nombreux pays, comme le Mexique ou les pays d'Amérique centrale.
Cependant, les économies fortement exportatrices de matières premières agricoles et minérales (et ils
sont nombreux dans la région) vont continuer à bénéficier du décalage entre offre et demande au
niveau mondial (un décalage que ne remettra pas fondamentalement en cause la crise, ou pour une
période très courte au milieu de 200943).

Evolution des réserves mondiales de cuivre (1996-2008) - Sources : Financial Sense / Bloomberg /
London Metals Exchange

L'Argentine fait exception à la règle puisque le pays s'enfonce dans les difficultés politico-sociales dont
les conséquences économiques et financières commencent à apparaître. Avec une inflation réelle qui
frôle les 25% (et non pas les 8,5% officiels), le pays se dirige à nouveau vers un risque d'insolvabilité
et de fuite massive des capitaux44. D'ailleurs la question de l'inflation est le danger qui pèse sur tout le
continent avec à terme un risque d’explosion sociale généralisée.

42
L'implosion accélérée du Mexique sous les coups de butoir des narco-trafiquants est, selon notre équipe, une conséquence
directe de la Très Grande Dépression US et de son effet dévastateur sur son voisin plus pauvre du Sud, en bloquant les
perspectives d'immigration et en transférant de la pauvreté généralisée. La descente aux enfers du Mexique est telle que des
stratèges américains commencent à évoquer l'arrivée d'une guerre de la 4° génération aux portes des Etats-Unis, identique en
nature à celles d'Irak et d'Afghanistan. Source : Spacewar, 05/06/2008
43
Le graphique ci-dessus illustre l'évolution à la baisse des réserves mondiales de cuivre, comme c'est d'ailleurs le cas de la
plupart des métaux. Le temps des pénuries est de retour pour le monde développé également, ce qui assure des revenus
confortables et durables aux pays producteurs dont un nombre important se trouve en Amérique du Sud. Source : Financial
Sense, 04/06/2008
44
Source : Telegraph, 03/06/2008
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6. Monde arabe : Les régimes pro-occidentaux à la dérive / 60% de risques d'explosion


politico-sociale sur l'axe Egypte-Maroc

Pour LEAP/E2020, la crise systémique globale contribue déjà à fragiliser fortement les états arabes
pro-occidentaux face à un mélange d'émeutes de la faim, de montée de l'intégrisme, alimenté par la
montée en puissance de l'Iran, de la Syrie, du Hezbollah et du Hamas, et d'incapacité de Washington
et de ses alliés européens à tenir un discours autre que sécuritaire45. L'Egypte est chaque jour plus
déstabilisé à cause de l'impasse politique dans laquelle la place la fin de règne de Moubarak, tandis
que l'incapacité du régime à répondre aux attentes économiques et sociales radicalise une part
croissante de la population46. Pour nos chercheurs, l'Egypte va être politiquement emportée par les
conséquences du plongeon au coeur de la crise systémique globale47. L'instabilité sociale va primer
sur la nature sécuritaire du régime.

Selon notre équipe, ce pays est le dernier rempart empêchant l'implosion du Maghreb sous la pression
des forces anti-américaines qui dominent désormais le Moyen-Orient. Si, comme nous le pensons,
l'Egypte entre en situation de grande instabilité d'ici le début 2009, alors la Tunisie, l'Algérie et le
Maroc seront emportés dans la tourmente très rapidement. Ils vont de toute façon devoir eux aussi
faire face à une contestation interne croissante pour des motifs socio-économiques, au moment même
où leur grand partenaire européen va voir son économie ralentir.

45
Et ce n'est pas le virtualisme de l'Union pour la Méditerranée du président français qui va changer quoi que ce soit à la
donne.
46
Les émeutes de la faim n'ont pas fini d'agiter la région puisque, sur le front alimentaire mondial, la situation continue à se
dégrader. Ainsi, par exemple, le ministère américain de l'Agriculture s'attend à une baisse de 10% de la production américaine
de maïs cette année. Source : Bloomberg, 10/06/2008
47
Même l'aide américaine, dont elle est l'un des principaux bénéficiaires, se réduit comme peau de chagrin du fait de la baisse
continue du Dollar.
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7. Iran : Confirmation de 70% de probabilité d'une attaque d'ici Octobre

Sur ce point, nous serons très brefs puisque notre anticipation est largement développée dans le
GEAB N°23 de Mars 2008. Notre équipe estime toujours à 70% les risques d'une attaque aérienne
israélo-américaine sur l'Iran durant l'été 2008.

La nomination de Barak Obama comme opposant démocrate à John McCain ne fait que consolider le
risque puisque, selon nos analyses, une attaque sur l'Iran avant l'élection présidentielle de Novembre
2008 servirait l'élection de John McCain en créant une situation d'état de guerre, propice au prestige
du vieux vétéran plutôt qu'à celui du jeune politicien sans expérience ni de la guerre ni du pouvoir.
Mais, bien entendu, comme nous l'avons déjà souligné, la nature même d'une telle attaque, par voie
des airs, implique un effet de surprise qui empêche toute anticipation au-delà de ce pourcentage d’un
tel événement.

Calendriers des refinancements de prêts immobiliers à taux variables - Source : Mortgage Center
(en bleu : la projection d'origine à 5 ans / en gris : la nouvelle projection générée par les amortissements négatifs actuels - le
montant de l'hypothèque est plus faible que les intérêts perçus)

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8. Banques/Bulles spéculatives : La collision des bulles

Les banques mondiales, et en particulier américaines et britanniques, vont se trouver coincées entre 4
bulles qui sont devenues en fait quatre bombes :

. les effets retard de la bulle des « subprime » (qui vont se poursuivre jusqu'en 2009, tant que
l'immobilier et l'économie flanchent)
. l'éclatement de la bulle de la consommation (qui ne fait que commencer soit en devenant
négative soit en ralentissant très fortement selon les pays)
. l'implosion de la bulle des CDS (Credit Derivatives Swaps) (décrite dès le GEAB N°21 en
Janvier 2008).
. l'arrivée d'ici un an de la vague des prêts immobiliers à taux d'intérêt variables à partir de la
mi 2009.

Baisse Perte en capital


Baisse actuelle de 10% 2410 Milliards USD
Baisse de 20% 4280 Milliards USD
Baisse de 30% 6290 Milliards USD

Ainsi, les banques n'ont toujours pas liquidé les conséquences des « subprime »48 (comme le montre
chaque nouveau trimestre et son lot de dépréciations d'actifs ou de nouvelles pertes chiffrées en
milliers de milliards de Dollars ou d'Euros49) comme l'indique le tableau ci-dessus qui décrit l'ampleur
inédite des pertes en capital des propriétaires immobiliers américains (et donc également des
banques, assurances...) si la baisse se poursuit (ce dont LEAP/E2020 est convaincu).

Evolution du prix de l'immobilier (en pourcentage par rapport à l'année précédente)


(1920-T1/2008) - Sources : Robert Schiller / Standard&Poor's

48
Source : Reuters, 23/05/2008
49
A lire pour comprendre de manière pédagogique l'enchaînement de la crise financière : Monsieurglob, 17/04/2008
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D'autre part, la récession américaine et l'effondrement de la consommation en cours (que le


« stimulus » de G. W. Bush n'aura même pas vraiment ralenti), couplée à la crise au Royaume-Uni 50
et en Espagne et le ralentissement ailleurs, va réduire fortement toutes les autres recettes des
banques. Cette évolution va contribuer à les exposer gravement sur tous les crédits à la
consommation51, les crédits sur carte et bien entendu sur les risques croissants de faillites
d'entreprises et les pertes bancaires connexes52.

Associée à la fragilisation croissante des banques, ces faillites d'entreprises, en hausse partout et en
particulier aux Etats-Unis53, vont alimenter directement le processus d'implosion du marché des CDS 54.
Les co-contractants vont imploser les uns après les autres, créant la réaction en chaîne, censée être
impossible, dont tout les connaisseurs savent qu'elle est le talon d'Achille de ce marché de plus de
45.000 milliards de Dollars US. JP Morgan Chase, Citygroup, etc... vont se retrouver directement
exposées du fait de leur rôle leader sur ces marchés. Cette fois-ci, ces banques, et leur nombre,
risquent d'être trop gros pour que la Fed puisse sauver tout le monde 55. D'ailleurs l'organe de contrôle
des banques américaines ne cache plus qu'il s'attend à de nombreuses faillites, y compris de grands
établissements56.

Le Royaume-Uni, via la City, sera directement entraîné dans ce processus. Pour anticiper la situation
en Europe continentale, il suffit de se reporter au GEAB N°23 où nous avons décrit le top 5 de
l'exposition-pays aux risques économiques et financiers venus des Etats-Unis.

Faillites bancaires par année aux Etats-Unis (1930-2010) - Source : MarketWatch/DowJones, FDIC,
RBC

50
Source : Guardian, 09/06/2008
51
Source : Reuters, 11/06/2008
52
Les banques sont désormais inquiètes à propos de 6.000 milliards USD de lignes de crédit qu'elles ont ouvertes aux
entreprises dans la période faste de ces dernières années ; mais qu'elles sont bien incapables d'honorer aujourd'hui si ces
mêmes entreprises souhaitent les utiliser. Cette éventualité est d'autant plus probable que la récession va conduire nombre
d'entreprises à faire face à de graves difficultés de trésorerie. Autrement dit, voilà un nouveau choc en perspective pour les
prochains mois. Source : Bloomberg, 10/06/2008
53
Et en Asie également car selon notre équipe la très forte exposition à l'exportation d'un grand nombre de secteurs des
économies asiatiques va entraîner des faillites nombreuses dans l'ensemble de la région.
54
Source : Wilmott, 30/05/2008
55
La question peut même se poser de savoir si à un certain point la Fed ne risque pas tout simplement la faillite ... ou bien de
pousser le Trésor US dans cette direction. A lire à ce sujet : Minyanville, 12/03/2008
56
Source : MarketWatch, 23/05/2008
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3- Focus
Six mois décisifs pour éviter une récession
mondiale : Cinq conseils stratégiques pour les
banques centrales, gouvernements et autres
institutions de contrôle

Comme le soulignent nos anticipations développées dans ce numéro 26 du Global Europe Anticipation
Bulletin (et des précédentes éditions du GEAB), les six mois à venir vont être déterminants pour la
suite de la crise systémique globale. Et malgré le caractère désormais inéluctable du plongeon dans la
phase d'impact de la crise au cours des six mois à venir, les banques centrales, gouvernements et
autres institutions de contrôle gardent encore la possibilité de limiter en partie les conséquences les
plus négatives de la crise en cours. Mais, selon nos chercheurs, il y a urgence ; car si ces actions
préventives ne sont pas initiées d'ici la fin 2008, elles ne permettront pas de limiter la profondeur de
la plongée du monde dans cette crise systémique, et accroîtront alors la durée, l'ampleur et l'impact
de la crise. Notamment, mais ça n'est bien entendu pas le seul effet, elles ne pourront pas jouer un
rôle de modérateur de la panique collective qui va caractériser les acteurs financiers, économiques et
sociaux d'ici la fin 2008 face à ce qui sera alors perçu comme une impuissance totale des autorités sur
le développement de la crise. Le capital confiance des dirigeants mondiaux est désormais presque
intégralement dilapidé. Il est urgent de le reconstituer par des actions lisibles, d'envergure et assurées
d'avoir un impact macro et micro économique, faute de quoi le pire deviendra certain, c'est-à-dire
l'effondrement du système financier mondial. LEAP/E2020 souhaite mettre ici l'accent sur cinq type
d'actions qui nous paraissent nécessaires (et probablement suffisantes) pour limiter la durée et
l'ampleur de la crise systémique globale et reconstituer ce « capital confiance » des banques
centrales, gouvernement et institutions de contrôle.

Ces cinq conseils stratégiques s'appliquent à l'ensemble des grandes régions de la planète, même s'ils
sont bien entendu modulables selon les régions. Quatre d'entre eux peuvent donc constituer une
véritable réponse globale à une crise globale ; le cinquième n'est pas vraiment un conseil, mais plutôt
un résumé des réactions des principales entités politico-économiques mondiales si les quatre mesures
précitées ne sont pas mises en oeuvre. Ce sera alors le « chacun pour soi » si la possibilité d'une
réponse globale, tentative collective de traverser l'effondrement du système hérité de 1945, apparaît
totalement hors de portée ; avec à la clé, une formidable aggravation des conséquences pour les
Etats-Unis en particulier.

A. Deux mesures d'urgence à mettre en oeuvre dès l'été 2008


1. Une hausse des taux d'intérêt d'ici la fin 2008 pour éviter la globalflation galopante
2. La mise en oeuvre d'un programme de transparence des CDS et autres OTC

B. Deux mesures à initier durant le deuxième semestre 2008


3. Un plan politique de relance globale de 5.000 milliards Euros sur cinq ans via la
construction d'infrastructures, financé par l'emprûnt
4. La création d'un panier de monnaie pour déterminer le prix de l'énergie (et du pétrole en
particulier)

C. Un « sauve qui peut » généralisé si les deux premières mesures ne sont pas mises en
oeuvre d'ici la fin de l'été 2008
5. Un sauvetage d'urgence de chaque région qui le peut face à la rupture du système
financier mondial.

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A. Deux mesures d'urgence à mettre en oeuvre dès l'été 2008

1. Une hausse des taux d'intérêt d'ici la fin 2008 pour éviter la globalflation galopante

Si, d'ici la fin 2008, les anticipations des acteurs économiques en ce qui concerne l'inflation mondiale
n'ont pas été maîtrisées, nous allons assister à l'accélération d'une « globalflation » qu'aucune banque
centrale ne sera plus en mesure de contrôler. Et dans plusieurs régions du monde (Etats-Unis,
périphérie UE, Asie, ...), cette « globalflation » se cumulera avec la récession en cours pour donner
naissance à une « globalrecessflation », ou dit en termes plus classiques, une grande dépression
socio-économique mondiale à tendance inflationniste. Psychologiquement, le rôle des banques
centrales est essentiel pour casser ces anticipations inflationnistes, mais elles ont là aussi (comme en
ce qui concerne les autres mesures) besoin des dirigeants politiques pour agir efficacement et veiller à
ne pas stimuler ces mêmes anticipations inflationnistes.

Aujourd'hui, cette politique ne peut s'organiser qu'autour de la BCE qui est incontestablement (et
involontairement) devenue la plus puissante banque centrale de la planète puisque la Réserve
Fédérale américaine est complètement paralysée, prise entre le marteau de la baisse du Dollar et
l'enclume de la récession économique US. Comme le montrent les tentatives actuelles des autorités
américaines (Fed comprise) pour essayer de sauver le Dollar, l'impulsion doit venir de l'extérieur. Ce
sont en effet les craintes de voir les Chinois, les Japonais et les pays du Golfe abandonner le dollar à
son sort qui poussent Washington à annoncer son intention de renverser la politique de baisse des
taux poursuivie depuis près d'une année maintenant. Mais, cette pression est encore insuffisante du
fait des résistances internes aux Etats-Unis (elle reste au niveau des déclarations d'intention). A
l'initiative de la BCE, les autres grandes banques centrales mondiales (notamment asiatiques), et les
dirigeants politiques de ces pays, doivent clairement pousser leurs homologues américains à entamer
une remontée des taux pour casser les anticipations inflationnistes 57. Ce faisant, ils rendront un
immense service aux Américains en leur évitant d'avoir à faire face, isolés, quelques mois plus tard à
l'effondrement du Dollar et à une remontée consécutive des taux d'intérêt US vers des niveaux à deux
chiffres pour sauver ce qui sera possible de leur devise et de leur crédit.

Si cette mesure collective, à l'échelle globale, n'est pas mise en oeuvre d'ici la fin de l'été 2008, alors
chaque région, hors Etats-Unis, devra mettre en place au plus vite les actions de sauvegarde
développées au point 5.

57
L'équipe de LEAP/E2020 est convaincue qu'il est également nécessaire de maîtriser la création monétaire pour maîtriser
durablement les risques inflationnistes et que les banques centrales doivent cesser de laisser exploser les masses monétaires.
Mais à court terme, l'essentiel est d'adresser un signal visible afin d'avoir un impact sur la psychologie des acteurs économiques.
Et seuls les taux d'intérêts peuvent convoyer ce message. L'action sur les masses monétaires doit être conduit en arrière-plan.
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2. La mise en oeuvre d'un programme de transparence des CDS et autres OTC

La crise des subprime sera considérée comme un simple « détonateur » d'ici la fin 2008 si la crise des
CDS (« Credit Default Swaps », ou contrats financiers bilatéraux) et autres OTC (Over-The-Counter,
« de gré à gré »), actuellement en gestation avancée, n'est pas canalisée.

Comme l'équipe de LEAP/E2020 a déjà eu l'occasion de l'expliquer dans des numéros précédents, les
montants représentés par les CDS, 45.000 milliards de Dollars US, sont à comparer aux maigres 1.000
milliards de Dollars US du montant des « subprime » américains (estimation 2007). En outre, loin
d'être concentrés aux Etats-Unis et dans quelques établissements financiers mondiaux, les CDS sont
littéralement partout dans le système financier mondial et affecteraient directement les centaines de
milliers de co-contractants que sont les entreprises sur toute la planète. Autant dire que la crise des
CDS qui s'annonce pour le semestre à venir aura une toute autre ampleur que ce qu'on a connu
depuis l'été 2007. C'est d'ailleurs autant pour sauver JP Morgan Chase d'une déconfiture totale sur les
CDS dans le cas d'une faillite de Bear Stearns que pour sauver Bear Stearns que la Fed a imposé le
rachat du second par le premier58. Il est donc vital pour le système financier mondial d'encadrer au
plus vite le processus d'explosion du marché des CDS qui est déjà en cours, avant qu’il ne devienne
visible à tous et n’entraîne les faillites de grands établissement financiers et la panique mondiale
corollaire. Il faut garder à l'esprit que contrairement à la première étape de la crise (celle des
« subprime »), on entre désormais dans une phase où les banques risquent d'être « trop grosses pour
être sauvées » et non plus « trop grosses pour ne pas être sauvées ».

La pyramide inversée des liquidités mondiales - Sources : Banque des Réglements Internationaux /
Independent Strategy

58
Comme JP Morgan Chase est le premier opérateurs mondial de CDS (avec 8000 milliards d'exposition notionnelle), une faillite
de Bear Stearns, qui est le second opérateur mondial de ces produits (avec 2700 milliards d'exposition notionnelle), aurait
provoqué une tempête gigantesque sur le marché des CDS et entraîné JP Morgan Chase également vers la faillite. Une fois
encore à Wall Street, les apparences sont loin d'être le reflet de la réalité : celui qui fut sauvé (provisoirement) n'est pas
nécessairement celui qu'on veut faire croire. Source : Stockbuzz/Reuters, 11/06/2008
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Pour canaliser la crise en cours des produits dérivés, il est donc urgent de mettre en oeuvre quatre
règles simples :

a. obliger les établissements financiers à identifier clairement leurs risques sur les produits dérivés et à
les rendre publics chaque trimestre
b. interdire pour les deux ou trois années à venir la titrisation des prêts immobiliers supérieurs à 50%
du prix d'achat
c. renforcer les pouvoirs des organes de contrôles internes et externes sur les produits dérivés et les
évaluations des risques (en matière d'évaluation du risque, il est essentiel de s'appuyer sur des séries
de longues durées et non pas seulement sur les quelques années précédentes59)
d. former les dirigeants et l'encadrement aux processus d'anticipation et à l'émergence des risques
imprévus.

Si cette mesure collective, à l'échelle globale, et en particulier aux Etats-Unis, n'est pas mise en
oeuvre d'ici la fin de l'été 2008, alors chaque région, hors Etats-Unis, devra mettre en place au plus
vite les actions de sauvegarde développées au point 5.

59
On le voit clairement aujourd'hui aux Etats-Unis avec des évolutions du marché de l'immobilier qui s'apparentent à celle des
années 1920/1930.
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« Anticiper, c’est prévoir pour agir »

B. Deux mesures à initier durant le deuxième semestre 2008

3. Un plan politique de relance globale de 5.000 milliards Euros via la construction d'infrastructures
sur cinq ans, financé par l'emprûnt

Il faut lutter contre la tendance désormais bien établie d'une récession globale. Les Etats-Unis sont
déjà en récession ; la périphérie de l'Union européenne est en train d'entrer en récession ; et l'Asie va
être projetée dans la récession d'ici la fin 2008. L'Amérique latine et l'Afrique ne pourront manquer d'y
être entraînées aussi ou pour le moins de connaître une stagnation. Pourtant, chacune de ces régions
connaît d'immenses besoins en infrastructures collectives, alors que d'autres parties de la planète
(états pétroliers notamment) ne savent plus comment utiliser leurs réserves financières. Le monde
entier est sur le point de s'arrêter brutalement de financer les déficits américains. Il faut organiser ce
processus et lui trouver une alternative faute, là encore, de précipiter le système financier et
économique mondial dans le chaos.

L'Union européenne a besoin de vastes réseaux d'infrastructures trans-européennes pour améliorer


l'organisation de son territoire et servir au mieux ses 500 millions de citoyens, ainsi que les
connections avec ses voisins russes, turques et maghrébins. Ces projets sont déjà identifiés et
n'attendent que les financements pour être réalisés, avec un montant estimé à 379 Milliards d'Euros60.

Les Etats-Unis souffrent d'un sous-investissement chronique depuis plus de 30 ans en matière
d'infrastructures. Là aussi les besoins sont connus et seuls les financements manquent, à savoir 1.600
milliards USD sur 5 ans d'après l'American Society of Civil Engineers. Par ailleurs, les Etats-Unis
doivent, plus qu'aucun autre pays, sortir rapidement de leur situation d'inefficacité énergétique ce qui
va exiger d'immenses investissements collectifs.

Les pays asiatiques, Chine en tête, souffrent d'une grave pénurie d'infrastructures modernes. Là aussi
les besoins sont aisément identifiables. Ce sont les financements qui manquent.

L'Amérique latine souffre des mêmes maux et a entrepris avec l'Unasur (Union des Nations Sud-
Américaines, lancée en Mai 2008) de lancer de vastes programmes d'infrastructures à l'échelle du
continent (500 projets pour un montant de 68 Milliards USD)61.

L'Afrique également a un besoin immense d'investissements dans ce domaine.

Parallèlement, les pays pétroliers, les fonds souverains, ne savent plus où investir leurs immenses
réserves en devises. En effet, ces fonds souverains se méfient désormais du Dollar, des Bons du
Trésor US, de Wall Street et de la City, et de l'ensemble des placements financiers qui ont permis ces
dernières décennies le recyclage des pétrodollars. Sans porte de sortie vers l'économie réelle, ces
gigantesques masses monétaires vont tout simplement alimenter la « globalflation ».

Les banquiers centraux, les gouvernements et les institutions internationales doivent donc, d'ici la fin
2008, organiser le lancement d'un vaste programme mondial de construction d'infrastructures,
intégrant bien entendu l'amélioration de l'efficacité énergétique, financé par l'emprûnt, notamment
dans les devises en hausse (Euros, Yuans, Yens) et garanti au niveau mondial par les institutions
internationales et les principaux gouvernements.

60
Source : European Federation for Transport and Environment, 16/04/2008
61
Source : Le Monde, 12/06/2008
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Pour les Etats-Unis, qui sont exsangues financièrement, ce plan pourrait prendre la forme d'un prêt
garanti par les Européens et les Asiatiques, en attendant que le pays sorte de sa « Très Grande
Dépression », une sorte de Plan Marshall à rebours.

Sans une telle initiative à l'échelle planétaire, le ralentissement économique globale se transformera
en 2009 en une récession mondiale ; et l'inflation continuera son accélération.

Réseaux Trans-Européens de Transport - Source : Commission Européenne

4. La création d'un panier de monnaie pour déterminer le prix de l'énergie (et du pétrole en
particulier)

Le Dollar comme devise unique des transactions pétrolières, c'est déjà fini. Comme notre équipe l'a
anticipé dès le début 2006, de la Russie à l'Iran, en passant par le Venezuela et bientôt les
pétromonarchies du Golfe, partout les producteurs de pétrole accélèrent la diversification de leurs
transactions hors de la devise américaine. La question n'est donc plus de savoir « si le Dollar perdra
son statut de devise unique des transactions pétrolières », mais de savoir « si cette évolution va se
dérouler de manière totalement chaotique » comme c'est le cas actuellement, ou bien « si elle va être
organisée ». Pour LEAP/E2020, la réponse est bien entendu évidente. Il faut organiser cette évolution
car son processus chaotique est en partie responsable des hausses brutales du prix de l'énergie et
contribue donc directement à l'instabilité générale de notre planète.

Il est tout aussi évident pour nos chercheurs qu'il ne faut absolument pas que l'Euro se substitue au
Dollar US. Deux raisons militent en ce sens:

. d'une part, être la monnaie unique de l'énergie est une malédiction à long terme, comme on le voit
aujourd'hui avec les Etats-Unis, car elle entraîne le pays concerné sur le chemin de la facilité et du
refus des adaptations nécessaires aux évolutions du monde, créant de facto les conditions de graves
crises futures pour le pays et ses partenaires.

. d'autre part, pour les producteurs d'énergie eux-mêmes, cette simplicité apparente est porteuse de
problèmes à moyen et long terme, en entraînant leur dépendance vis-à-vis d'un seul pays et d'une
seule économie.

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Donc ni les Européens ni les pays producteurs d'énergie n'ont intérêt à faire de l'Euro le successeur du
Dollar. En revanche, il apparaît à notre équipe que tout le monde a un intérêt évident à faire reposer
le prix de l'énergie, et du pétrole en particulier, sur un panier de monnaies afin de mieux refléter la
réalité de l'économie mondiale et du marché de l'énergie. Ce panier de monnaies pourrait être
composé des monnaies des principales économies de la planète (Euro, Dollar, Yen, Yuan, Real,...) et
des principaux producteurs d'énergie (Rouble, future monnaie commune du Golfe,...), avec un
processus de rééquilibrage tous les dix ans.

Pour LEAP/E2020, sans une telle initiative d'ici le début 2009, l'intrication des crises du Dollar et du
prix du pétrole va entraîner, non seulement une aggravation de la crise économique mondiale mais
également, une augmentation du risque de conflits armés autour de l'enjeu énergétique.

Excédents des pays exportateurs de pétrole - Source : OCDE

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C. Un « sauve qui peut » généralisé si les deux premières mesures ne sont


pas mises en oeuvre d'ici la fin de l'été 2008
5. Un sauvetage d'urgence de chaque région qui le peut face à la rupture du système financier
mondial.

LEAP/E2020 est convaincu que si les deux premières mesures ne sont pas mises en oeuvre d'ici la fin
de l'été 2008, le plongeon au coeur de la crise systémique globale se fera dans les pires conditions
possibles pour l'ensemble de la planète. Dans ces conditions, et par un jeu paradoxal de causes et
conséquences simultanées, le système financier mondial s'effondrera puisque chaque grand acteur du
système choisira d'essayer de se sauver seul, ou en partenariat avec seulement quelques autres
acteurs, au détriment de l'ensemble du système. Déjà aujourd'hui, notre équipe peut constater
combien les banques centrales agissent de moins en moins de concert, et combien les détenteurs de
grandes réserves en Dollars s'observent pour être certains de ne pas être le dernier à rester « coincé
dans le piège Dollar ». Si les mesures d'urgence que nous indiquons ne sont pas mises en oeuvre d'ici
la fin de l'été, nous allons donc assister à un « sauve qui peut » généralisé, tant de la part des acteurs
privés que publics. On pourrait dire que l'été 2008 représente la dernière chance de gérer de manière
organisée l'effondrement du système dont nous avons hérité de l'après-1945.

Dans ce cas de figure, l'Union européenne, et en premier lieu l'Euroland, prendra les mesures
nécessaires pour réduire au strict minimum nécessaire son exposition à l'effondrement de l'économie
réelle américaine et du Dollar. Le Royaume-Uni, qui est lui-même entraîné dans la crise américaine, ne
sera plus du tout en mesure d'empêcher les Européens de prendre ces mesures radicales, à savoir
une politique de la BCE totalement non concertée avec Washington, une substitution du Dollar par
l'Euro dans les achats énergétiques européens (incluant le renforcement rapide des liens énergétiques
avec la Russie), la mise en place de processus de concertation monétaire et financière privilégiée avec
la Chine et le Japon, la limitation des opérations et flux financiers avec la zone Dollar pour limiter les
conséquences de la crise des produits dérivés, parallèlement à la mise en place de procédures
règlementaires contraignantes sur l'ensemble du marché des produits financiers dérivés.
Les pays asiatiques, qui sont déjà en train de mettre en place leur recentrage économique,
commercial et financier sur leur propre région, accélèreront cette évolution tout en se dégageant
rapidement et brutalement du Dollar US, des Bons du Trésor et autres actifs libellés en Dollars.
Les pays du Golfe abandonneront d'ici la fin 2008 leur peg Dollar, accélérant eux aussi la baisse de la
devise US et l'accroissement du déficit commercial américain (du fait de l'appréciation corollaire du
prix du pétrole en Dollar).

Voies commerciales du pétrole - Source : British Petroleum, 2007


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Huit conseils vitaux pour ne pas commettre


d'erreurs fatales pendant le plongeon au
coeur de la phase d'impact de la crise

Pour ce numéro spécial Eté 2008, l'équipe de LEAP/E2020 a choisi de concentrer ses anticipations sur
huit conseils vitaux pour éviter aux investisseurs d'être emportés par le plongeon au coeur de la phase
d'impact de la crise systémique globale. Ces huit conseils vitaux se décomposent en cinq
recommandations sur des catégories d'actifs à fuir à tout prix d'ici fin 2008 et en trois
recommandations positives pour cette période qui va être particulièrement dangereuse pour tous les
investisseurs de la planète.

Cinq catégories d'actifs à fuir à tout prix

Les valeurs financières : Dans la période qui s'ouvre, toutes les valeurs financières, sur l'ensemble de
la planète, sont désormais à fuir absolument (y compris les produits financiers sophistiqués). Pour
notre équipe, pendant les prochains 18 mois au moins, chaque trimestre à venir, les établissements
financiers vont au minimum continuer à annoncer des pertes massives62 et de nombreux
établissements (notamment aux Etats-Unis et dans tous les pays fortement connectés à l'économie US
et/ou aux banques très impliquées dans les deux noeuds de la crise financière que sont Wall Street et
la City) vont faire faillite, y compris de grandes banques (victimes du choc cumulé CDS/récession).
Pour être même plus précis, notre équipe estime qu'il est totalement irresponsable de souscrire à
l'ensemble des augmentations de capital lancées par les banques d'ici la fin 2009. C'est seulement à
ce moment-là que la situation deviendra assez claire pour savoir qui survivra et dans quelles
conditions63.

Les secteurs dont le modèle économique est fondé sur l'énergie bon marché : C'est une catégorie
transversale très vaste puisqu'elle intègre aussi bien une partie importante du secteur des transports,
de l'automobile ou de l'aviation, de l'agriculture intensive, des grands distributeurs... Chacun doit donc
analyser le modèle éco-énergétique sur lequel est fondé l'entreprise ou le secteur dans lequel il
envisage d'investir. Pour notre équipe, tous les opérateurs qui se sont développés au cours des vingt
dernières années en capitalisant sur la faiblesse des cours de l'énergie, et qui n'ont pas anticipé,
depuis au moins deux ans, le renversement de situation actuelle, qui est durable, sont condamnés à
subir de plein fouet le double impact de la récession et/ou du ralentissement économique (selon les
régions où ils opèrent) et de l'accroissement durable des coûts de l'énergie, notamment bien entendu
du pétrole. Nous parlons ici clairement d'opérateurs ou de secteurs entiers, en apparence solides
encore aujourd'hui, tombant en faillite dans les 6 à 12 mois à venir.

L'immobilier : Comme déjà largement décrit dans les GEAB précédents, et sauf avec un objectif de
résidence principale non spéculatif (c'est-à-dire sans objectif de revente avant au moins une dizaine
d'années), notre équipe renforce son conseil consistant à fuir l'investissement immobilier pour les six
mois à venir (et en fait pour les 18 mois à venir au moins). Et cette tendance est valable partout
(Etats-Unis, Canada, Europe, Asie, micro-marchés comme Maroc, Costa-Rica...). Et dans la même
logique, en bourse, il faut fuir les valeurs immobilières (promotion, construction, équipement...).

62
Comme anticipé dans les GEAB précédents, l'entrée en récession de plusieurs grandes économies (dont les Etats-Unis en
premier lieu) et le fort ralentissement des autres, va accroître les pertes de l'ensemble des opérateurs financiers qui vont être
frappés de plein fouet par la seconde crise des prêts immobiliers US (courant 2009) et la crise majeure des CDS (d'ici fin 2008).
Comme analysé dans les GEAB précédents, les 10.000 milliards USD qui se sont envolés en fumée vont devoir trouver leur place
dans les bilans des banques et ce processus va s'étaler sur les 18 mois à venir au minimum.
63
Puisque l'inévitable mise en place de réglementations internationales, beaucoup plus contraignantes pour les banques et
autres « hedge funds », vont modifier radicalement la rentabilité de ce secteur ; et ce sera dans un sens d'une moindre
rentabilité sans aucun doute.
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Rentabilité de l'investissement immobilier aux Etats-Unis (1900-2008) - Source : Financial Sense


(ligne fine : sur deux ans / ligne épaisse : moyenne mobile sur 5 ans)

Les secteurs dont le modèle économique est fondé essentiellement sur la faiblesse des coûts salariaux
asiatiques : L'inflation est désormais de retour partout. En Asie en particulier, comme analysé dans ce
numéro du GEAB, elle est en train de croître dans toute la région, et ce très rapidement. Cumulée
avec la hausse des coûts de l'énergie, cette évolution est en train de détruire la rentabilité des
modèles économiques fondés sur la production de masse bon marché en Asie pour vendre en Europe
ou aux Etats-Unis. L'inflation en question va percoler à travers tout le processus économique concerné
d'ici la fin 2008, et se cumulera avec le ralentissement/récession en Europe et aux Etats-Unis pour
réduire à néant la profitabilité de ces modèles. Les « vaches à lait » d'hier sont les « vaches maigres »
de demain. Il suffit de regarder à quelle vitesse les « rois de la finance » de Wall Street ou de la City
sont devenus les « mendiants de la planète » pour savoir que lorsque la crise s'accélère, comme c'est
le cas dans les six mois à venir, la qualité des investissements peut se trouver bouleversée en
quelques semaines.

Les devises en effondrement structurel et celles qui en dépendent : Comme analysé à de nombreuses
reprises dans le GEAB depuis 2006, les devises en effondrement structurel sont le Dollar US et la Livre
Sterling. Celles qui dépendent directement de ces monnaies (et en fait surtout du Dollar US) 64 sont le
Dollar canadien, les monnaies asiatiques hors Yuan et Yen, les devises européennes hors Euro (y
compris les monnaies scandinaves liées aussi à la Livre), les devises latino-américaines hors Real.
Toutes ces devises sont soit hautement dépendantes du Dollar US et seront donc entraînées dans sa
chute qui entre dans une nouvelle phase d'accélération (notre équipe maintient sa prévision à 1 Euro
= 1,75 Dollars fin 2008) ; soit elles sont directement dépendantes de l'économie US et les économies
de ces pays seront donc affectées négativement par la Très Grande Dépression65 américaine. Et
comme analysé dans ce numéro du GEAB, notre équipe souligne à nouveau que les multiples
déclarations récentes des dirigeants américains sur le « Dollar fort » ne reflète qu'une impuissance
réelle croissante qu'ils essayent de compenser par la parole et une tentative d'influence de la
psychologie des marchés. Attention, cette tentative est non seulement vouée à l'échec car opposée à
toutes les tendances réelles à l'oeuvre, mais elle constitue un vrai piège pour les investisseurs qui s'y
laisseraient prendre.

64
Nous parlons ici d'évolutions à la baisse par rapport aux principales monnaies mondiales hors Dollar US et Livre Sterling bien
entendu.
65
Voir GEAB précédents.
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Trois recommandations positives

Les matières premières agricoles, minérales et énergétiques : Il n'y a aucun doute pour notre équipe
que les matières premières agricoles, surtout à vocation alimentaire directe, vont continuer à
bénéficier des problèmes d'adaptation d'offre insuffisante et de demande croissante mondiales. Un
phénomène identique touche les matières premières minérales comme le Cuivre, le Zinc et autres
matériaux essentiels à l'industrie. Quant à l'énergie et au pétrole en particulier, il suffit de regarder qui
sont les invités de l'Arabie saoudite au Sommet « producteurs/consommateurs » du 22 Juin prochain
pour comprendre la nature fondamentale du processus de renchérissement du prix du pétrole : il y a
dix ans, un tel sommet n'aurait vu que l'Europe, les Etats-Unis et le Japon côté consommateurs ;
aujourd'hui, la Chine et l'Inde notamment en font partie. Dans le même temps, la production
pétrolière (ou d'énergie fossile en général) n'a pas augmenté dans des proportions identiques, loin de
là comme l'illustre le schéma ci-dessous. Donc la hausse est durable.

Evolution de l'offre mondiale de pétrole (et d'autres énergies liquides) (01/2001 – 03/2008) -
Source : Kune Likvern / energikrise.blogspot.com

Les placements financiers à plus de 5% garantis dans la zone Euro, 10% aux Etats-Unis et au-delà de
10% en Asie et en Amérique latine : Selon notre équipe, du fait des tendances inflationnistes globales,
nous estimons qu'en dessous d'un minimum de 5% après impôts dans la zone Euro, de 10% aux
Etats-Unis et d'au moins 10% en Asie ou en Amérique Latine 66, les placements financiers ne sont plus
rentables et correspondent à des pertes nettes.

L'or si l'inflation n'est pas maîtrisée d'ici la fin 2008: Si l'inflation globale n'est pas maîtrisée d'ici la fin
2008, c'est-à-dire si les banques centrales et les dirigeants politiques n'ont pas réussi à casser la
spirale inflationniste naissante, alors l'or redeviendra massivement une valeur refuge et dépassera la
barre des 1.100 $ l'once et des 650 Euros l'once fin 2008.

66
Pour ces deux zones, il s'agit bien entendu d'une moyenne régionale indicative, étant donnée la diversité des pays.
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Evolution comparée des différentes catégories d'actif sur la période 1910-2008 - Source : Financial
Trends

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4- Le GlobalEurometre 67

GlobalEurometre de Juin 2008 - RESULTATS

GlobalEurometre 06-2008 Oui Non Ne sait


pas
1. Pensez-vous que l’UE sera capable d’élaborer et d’adopter une
réforme de ses institutions avant les prochaines élections 13% 76% 11%
européennes (en juin 2009) ?
2. Pensez-vous qu’une forme de gouvernance économique de
94% 5% 1%
l’Euroland devrait être instaurée ?
3. Croyez-vous qu’un Sommet de l’Euroland sera organisé avant la fin
38% 56% 6%
2008 ?
4. Trouvez-vous que le gouvernement de votre pays reflète les
12% 86% 2%
attentes de votre peuple en matière de construction européenne ?
5. Le gouvernement de votre pays reflète-t-il vos propres attentes en
2% 98% 0%
matière de construction européenne ?
6. Pour les élections européennes, pensez-vous que les partis
politiques nationaux sont capables de représenter l’intérêt collectif 1% 94% 5%
européen?
7. Pensez-vous que le dollar va continuer à baisser par rapport à
95% 5% 0%
toutes les grandes devises ?
8. Estimez-vous que l’inflation augmente dans votre pays ? 96% 4% 0%
9. Craignez-vous de perdre votre emploi dans les prochains mois à
7% 85% 8%
cause de la crise globale ?
10. Craignez-vous de perdre de l’argent dans les prochains mois à
68% 30% 2%
cause de la crise globale ?
11. Pensez-vous que la zone Euro sera moins affectée par la crise
74% 25% 1%
actuelle que le reste de l’Union Européenne?
12. Pensez-vous que les dirigeants américains et européens ont
12% 85% 3%
encore de l’influence sur la crise systémique globale?
13. Pensez-vous que l’ « American Way of Life » appartient au passé? 81% 17% 2%
14. Pensez-vous que les économies asiatiques seront durement
touchées par la récession américaine et le ralentissement économique 62% 31% 7%
européen actuels?
15. Pensez-vous que G. W. Bush quittera le pouvoir en 2008 sans
55% 19% 26%
avoir fait bombarder les installations nucléaires iraniennes ?

67
Chaque mois, l’équipe de GEAB consulte pour vous 200 leaders d’opinion européens
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GlobalEuromètre de Juin 2008 - ANALYSE

Gouvernance UE : Baisse de la crédibilité de la relance institutionnelle de l'UE qui tombe


désormais très bas / Forte popularité de l'idée de gouvernance économique de la zone
Euro / Une majorité d'Européens ne croit plus à un sommet de la zone Euro d'ici la fin
2008 / Le décalage entre attentes des peuples et actions des leaders atteint des
sommets / Quasi-unanimité pour considérer que les partis politiques nationaux ne
peuvent pas représenter l'intérêt collectif européen / Quasi-unanimité pour affirmer
que l'inflation s'accélère dans leur pays / Légère hausse de la crainte de perte d'emploi
du fait de la crise / Accroissement de la majorité inquiète de perdre de l'argent à cause
de la crise systémique globale / Très forte majorité pour penser que la zone Euro sera
moins affectée par la crise que le reste de l'Union européenne
C'est désormais une très large majorité d'Européens (76%) qui pense que l'Union européenne ne parviendra
pas à relancer ses institutions d'ici Juin 2009. La proportion des « optimistes » est tombée très bas (13%
seulement). En revanche, la demande d'une gouvernance économique de la zone Euro continue à se maintenir
proche d'une quasi-unanimité (94% des sondés estimant cette dernière nécessaire). Cependant, une majorité
de sondés (56%) estime désormais improbable la tenue d'un sommet de l'Euroland d'ici fin 2008. Sans surprise
donc, le sentiment de divorce entre attentes des citoyens et incapacité des dirigeants persiste à un niveau très
élevé (entre 86% et 98%).
Une cause fondamentale de ce divorce peut provenir du fait que 94% des Européens estiment que les partis
nationaux ne sont pas capables de représenter l'intérêt collectif européen. Or ces mêmes partis nationaux
possèdent un monopole politique dans l'Union européenne, que ce soit via le Conseil européen ou les élections
au Parlement européen. Ce paradoxe risque ainsi d'alimenter une crise démocratique importante lors des
prochaines élections européennes de Juin 2009.
Sur le front financier et économique, ils sont désormais 96% à penser que l'inflation s'accroît dans leur Etat-
membre ; ce qui représente l'aboutissement d'une hausse continue de cette opinion au cours des derniers
mois. Parallèlement, la crainte de perdre son emploi à cause de la crise globale a légèrement augmenté (7%
contre 2% en Mai 2008), signe que l'économie réelle de l'UE résiste encore très bien à la crise globale, mais
que l'inquiétude s'accroît. Cette tendance se retrouve d'ailleurs dans l'augmentation du nombre de sondés qui
craignent de perdre de l'argent à cause de cette même crise (68% contre 63% en Mai 2008).
Ils sont près des trois-quarts (74%) à penser que la zone Euro sera moins affectée par la crise que le reste de
l'UE. L'effet psychologique « Euro » semble donc jouer très positivement en la matière.
Relations UE/Reste du monde : Retour à une quasi-unanimité sur la poursuite de la
chute du Dollar US / Très large majorité pour estimer que les dirigeants européens et
américains ont perdu toute influence sur la crise en cours / Une très forte majorité
d'Européens estime que l' « American Way of Life » appartient désormais au passé /
Une majorité d'Européens pense que l'Asie sera fortement affectée par la récession US
et le ralentissement économique européen / Stabilité de la conviction toujours
majoritaire que G. W. Bush ne bombardera pas l'Iran avant de quitter le pouvoir
Avec 95% des sondés convaincus de la poursuite de la chute du Dollar US, on retrouve presque une unanimité
des Européens sur la poursuite de la baisse de la devise américaine. Ils intègrent donc l'idée que les récentes
déclarations « volontaristes » des dirigeants américains sur l'évolution du Dollar n'auront aucun effet
puisqu'une très forte majorité d'Européens (85%) pense que les dirigeants européens et américains n'ont plus
d'influence sur la crise en cours. Cette perte de confiance dans l'action des dirigeants risque de peser lourd
dans les développements de la crise des mois à venir.
Pour ce qui est de l'évolution aux Etats-Unis, ils sont 81% à estimer que l' « American Way of Life », symbole
de la suprématie socio-économique des Etats-Unis depuis 1945, appartient désormais au passé. Et une majorité
de sondés (62%) pense que l'Asie va être fortement affectée par la récession américaine et le ralentissement
de l'économie européenne.
En ce qui concerne les intentions de l'administration Bush concernant l'Iran, on constate une stabilité des
opinions européennes avec toujours une majorité de 55% estimant que G. W. Bush ne fera pas bombarder les
installations nucléaires iraniennes avant de quitter le pouvoir.

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