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Claude Springer, Professeur des universités, université de Provence, France.
Anna Koenig-Wiśniewska, doctorante, université de Provence, France, et université Adam
Mickiewicz, Poznań, Pologne.
C
et article propose de montrer que l’on assiste à une réorganisation
fondamentale de la séquence pédagogique. Nous ferons d’abord de simples
constats à partir de l’analyse rapide de manuels récents de FLE intégrant les
nouveaux concepts du CECR. Nous montrerons ensuite comment ces manuels interprètent la
perspective actionnelle. Nous proposerons pour finir une modélisation des nouveaux formats
qui voient le jour.
Mots clés : CECR, perspective actionnelle, tâche communicative, séquence pédagogique,
scénario, didactique du FLE
Rond Point (2004) est un des premiers manuels à avoir centré la séquence
pédagogique sur l’approche par les tâches. L’organisation générale en est fondamentalement
modifiée. Les unités sont définies pour permettre aux élèves de réaliser un projet en fin
d’unité, la « tâche finale », c’est l’élément clé de la méthode. On remarque de nouveaux
termes comme « mobiliser des compétences », « réaliser une tâche finale ». On insiste
clairement sur la perspective actionnelle. Les auteurs de Rond Point proposent ainsi une
première interprétation de la perspective actionnelle et du CECR.
1.2 Alors ? (2007), Didier, J.C. Beacco, M. Di Giura
Alors ? (2007) avance une interprétation différente : il s’agit grâce à cette méthode
d’acquérir des « compétences communicatives, linguistiques et culturelles », c’est-à-dire
l’entraînement aux activités langagières du CECR (compréhension, production, interaction et
médiation). Alors ? interprète le CECR comme un prolongement heureux de l’approche
communicative, une version optimale pourrait-on dire, qui doit permettre un véritable
entraînement des compétences langagières définies par le CECR, mais également une prise en
compte du culturel, sans négliger pour autant les contenus linguistiques.
1.3 Scénario (2008), Hachette, A.L. Dubois, M. Lerolle, F. Gallon
Les mots clés tournent autour de l’idée de projet et d’interculturel : « vivre ensemble
une expérience », « projet suivi », « monde virtuel », « compétence culturelle ». On s’inscrit
clairement dans l’approche actionnelle et par compétences en revendiquant l’innovation
pédagogique. Enfin, la nouveauté pour cette méthode, c’est l’adoption du scénario
« simulation globale » : participer à une « aventure virtuelle », adopter « l’identité de
personnages virtuels », « créer un monde virtuel ».
Ces trois exemples de manuels montrent que les différents auteurs proposent, chacun à
leur façon, une interprétation de la perspective actionnelle. Les slogans commerciaux utilisent
des notions qui sont déjà connues ou au moins entendues : le CECR et l’échelle de
compétences avec les niveaux A1, etc. Mais de nouveaux termes apparaissent, moins
familiers en pédagogie, qu’il sera nécessaire d’expliciter et de vivre dans le quotidien de la
classe : approche par compétences, compétence interculturelle, mais aussi perspective
actionnelle, approche par tâche, tâche finale, mobiliser des compétences, scénario
pédagogique, vivre des expériences en français, apprendre en autonomie.
La prise en main de ces nouveaux manuels et leur mise en œuvre dans la salle de
classe vont impliquer de se former à cette nouvelle approche de la pédagogie du cours de
FLE. Tentons de clarifier la notion centrale de tâche.
Il s’agit bien de modifier le but de la classe de langue : on souhaite que l’élève puisse
réaliser des tâches concrètes qu’il va pouvoir réaliser dans la vraie vie. La focalisation sur la
forme n’est plus l’unique but du cours de langue. L’élève en réalisant des tâches va mobiliser
des compétences qui dépassent le simple fait de maîtriser des savoirs linguistiques. Ce qui
importe c’est le problème à résoudre et donc parvenir à un résultat : on s’est fixé un but et
pour cela on met en œuvre des stratégies et les activités langagières nécessaires à l’action.
C’est au travers des tâches que l’élève va pouvoir développer des compétences : compétences
langagières, certes, mais également compétences générales individuelles.
Mettre la tâche au centre du processus d’apprentissage signifie que l’apprentissage ne
se borne pas à la programmation linguistique explicite du cours. L’acquisition des
connaissances n’est plus la résultante unique de l’explication du professeur et de la
manipulation formelle des structures enseignées. Si l’on schématise, on peut dire que
l’enseignement traditionnel postule que l’acquisition des règles de la langue, la compétence
linguistique, ne peut s’acquérir qu’explicitement grâce au savoir-faire de l’enseignant et à sa
maîtrise experte du fonctionnement de la langue (grammaire et lexique, pour simplifier).
L’exercice formel est dans cette optique l’activité par excellence de l’apprentissage.
Or, la recherche montre que l’acquisition de savoirs est diversifiée. Nous apprenons
les langues tout autant en mémorisant des ensembles lexicalisés (blocs langagiers) qu’en
définissant des règles généralisables explicitement. Les compétences se développent à travers
les tâches sociales. Une tâche, contrairement à un exercice formel, ne va donc pas spécifier de
manière précise la/les structures linguistiques que l’élève va devoir utiliser. C’est à lui de
mobiliser pour réaliser la tâche les connaissances et savoir-faire qui sont à sa disposition à un
moment donné. La tâche engage ainsi l’apprenant à apprendre à résoudre des problèmes
concrets en interagissant et en communiquant avec les autres pour réaliser un but commun.
Il est de ce fait important de bien distinguer différents types d’activités de classe.
Jusqu’ici, les manuels proposent des exercices formels, c’est-à-dire des activités focalisées sur
l’acquisition de contenus linguistiques. L’apprentissage par les tâches nous oriente vers des
activités qui ont avant tout un but social, un résultat social identifiable. La pédagogie du
projet s’inscrit clairement dans cette visée. Nous proposons de schématiser cette évolution de
la manière suivante.
Exercice scolaire Tâche communicative Tâche sociale
Langue Communication Action
Bibliographie
Beacco, J.C. (2007), L’approche par compétences dans l’enseignement des langues, éditions
Didier.
Brassard, C. & Daele, A. (2003), « Un outil réflexif pour concevoir un scénario intégrant les
TIC », Colloque Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain, Strasbourg.
http://www.cegep-ste-foy.qc.ca/csf/fileadmin/educenligne/pdf/Outils__reflexif.pdf.
Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer (2001),
éditions Didier.
Debyser, F. (1996), L'Immeuble, Hachette FLE.
Ellis, R. (2003), Task-based language learning and teaching, Oxford : Oxford University
Press.
Nunan, D. (1989), Designing Tasks for the Communicative Classroom. Cambridge :
Cambridge University Press.
Rosen, E., « La perspective actionnelle et l’approche par les tâches en classe de langue », Le
français dans le monde, numéro spécial 45, janvier 2009, "Recherche et applications".
Springer, C. (2009), « La dimension sociale dans le CECR : pistes pour scénariser, évaluer et
valoriser l’apprentissage collaboratif », in Rosen, E., « La perspective actionnelle et
l’approche par les tâches en classe de langue », Le français dans le monde, numéro spécial 45,
"Recherche et applications".
Manuels et sitographie
Alors ? (2007), Jean-Claude Beacco, Marcella Di Giura, éditions Didier.
Rond Point (2004), F. Capucho, M. Denyer, C. Flumian, J. Labascoule, C. Lause, éditions
Difusion.
Scénario (2008), Anne-Lyse Dubois, Martine Lerolle, Fabienne Gallon, éditions Hachette.
Webquest http://webquest.org/index.php
Bourgain Monier (2006) http://membres.lycos.fr/marbou056/ranucci/index.htm