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RAPPORT DE STAGE
Structure d’accueil :
Agence Mondiale de
Solidarité Numérique - ASN (Lyon)
1
L’APPORT DU « WEB 2.0 »
à LA SOLIDARITE NUMERIQUE
Etude de cas du projet de réalisation d’un
« Portail francophone collaboratif de la solidarité numérique »
2
REMERCIEMENTS…
mon Maître de stage, Jean Pouly, pour m’avoir permis de découvrir le monde
international de la solidarité numérique et de la coopération décentralisée tout en me
perfectionnant sur la question de l’information et de la communication pour le
développement.
toute l’équipe de l’Agence Mondiale de Solidarité numérique qui m’a adopté et m’a
permis de travailler dans un environnement à la fois professionnel et très convivial.
Merci pour les judicieux conseils du trio dynamique formé par Christine Tornare,
Najet Tenoutit, et Thilelli Chouikrat. Mention particulière à David Menchi, pour sa
complémentarité, son appui technique, et sa précieuse assistance dans la réalisation
des missions qui m’ont été confiées.
tous les experts qui ont accepté de consacrer un bout de leur temps à ce projet de
portail francophone de la solidarité numérique en nous donnant leur avis à travers le
questionnaire mis en ligne pour recenser leurs besoins et leurs attentes. Merci donc
à : Michel Briand (Président du Collectif des réseaux d'accès public à Internet -
CREATIF / Adjoint au Maire de Brest) ; Erik Van Rompay (Délégué général de
Renaissance Numérique) ; Jean Jacques Heilaud (Président de l’association
APRONET) ; Guy Aho Tete Benissan (Coordinateur du Réseau des Plates-formes
nationales d’ONG d’Afrique de l’Ouest) ; Julien Bayou (Chargé de mission au Pôle
relations internationales de l’ONG Coordination Sud) ; Michel Lamotte (Président
du réseau de Solidarité Numérique des Jeunes du Sénégal) ; Denis Descube
(Chargé de mission ARDESI), et Eric Legale (Directeur d’Issy Media). Merci à
Annie Chéneau-Loquay (GDRI NetSuds / African’ti) pour l’entretien qu’elle nous a
accordé et pour ses réflexions constructives.
mes professeurs Jean Jacques Guibbert, Emmanuel Eveno, Mathieu Vidal ainsi
que tous les autres intervenants de cette année dans la formation du Master
eAdministration et Solidarité numérique (EASN). Les savoirs théoriques, pratiques et
méthodologiques qu’ils nous ont transmis se sont avérés très utiles dans le cadre du
stage et le seront sans doute encore davantage tout le long de notre carrière
professionnelle.
DEDICACES…
A ma famille, pour son soutien indéfectible malgré la distance qui nous sépare.
Trouvez dans ce travail le courage, la détermination et la forte envie de réussite
que vous m’aviez toujours inspirés.
ABSTRACT: The Web 2.0 is an advanced technology for a greater freedom of human
communication through networks. Appearing as a fashion phenomenon, it becomes a state of mind, or
even an attitude. Based on values of sharing and solidarity, the participatory Web promotes the
production of information on the Internet by the greatest number of people. So, authors, actors,
producers and consumers form a tag cloud over the universe of social networks and virtual worlds.
Our aim in this study is not to naively brag the lot of benefits of Web 2.0’s applications. But it is rather
to ask the basic questions underlying the real possibilities of collaboration and cooperation offered by
technology, applications and communities’ networks of Web 2.0. How Web 2.0, with its values of
sharing and co-production, could or could not contribute to reducing the digital divides between
developed and developing countries. What does the Web 2.0 really brings to the world digital
solidarity?
We believe that the Web 2.0 offers potential for interaction and collaboration that are under-exploited,
badly used, or misused. Instead of being a true place of collective intelligence and digital solidarity,
participatory Web seems rather likely to generate new forms of digital divide and enhance the “e-
exclusion” or “info – exclusion”. Achieving a world digital solidarity’s portal, which serves as a
platform for intermediation, information, networking and collaboration for the benefit of ICT for
Development’s actors, would doubtless be one way of reducing digital divide through Web 2.0.
4
SOMMAIRE
5
Liste des figures :
Figure 1 – Répartition des utilisateurs d’Internet dans le monde en Mars 2008
Figure 2 – Rôle catalyseur de l’Agence Mondiale de Solidarité Numérique
Figure 3 – Philosophie du Web 2.0
Figure 4 – Web 1.0 Vs Web 2.0
Figure 5 – Web 1.0 and Web 2.0 visual differences
Figure 6 – Pyramide de Maslow 2.0
Figure 7 – Les 6 degrés de Séparation
Figure 8 – La règle des 1%
Figure 9 – La fréquentation des sites de réseaux sociaux dans le monde entier
Figure 10 – L’Iceberg Web 2.0 de la solidarité numérique
Figure 11 – Zoning des contenus du portail (Version 1)
Figure 12 – Exemple de portails participatifs dédiés au secteur du développement
Figure 13 – Questionnaire (mis en ligne le 6/06/2008)
Figure 14 – Planning des activités du stage et planning du projet
6
INTRODUCTION
1
« Que ce soit par un cordon téléphonique ou par des millions, ils sont tous interconnectés aux autres.
Collectivement, ils forment ce que leurs habitants appelle le Réseau. Il s'étend au travers de cette immense
région d'états électroniques, de micro-ondes, de champs magnétiques de lumières pulsées et au travers de ce que
l'écrivain de science-fiction William Ginson a appelé le CyberEspace. » BARLOW John Perry, Crime &
Puzzlement, 1990.
2
Jaron Lanier a proposé l’expression « réalité virtuelle » en 1985 pour désigner un espace de représentation
réaliste, tri-dimensionnel, calculé en temps réel immersif. Cette simulation informatique interactive immersive,
d’environnements réels ou imaginaires s’illustre par le développement des mondes virtuels 3D (tels que Second
Life) et des MMORPG ou jeux de rôle en ligne massivement multijoueur (tel que World of Warcraft).
3
Olivier Ertzscheid est Enseignant-chercheur (Maître de Conférences) en Sciences de l'information et de la
communication. Il publie sur son blog « affordance.info » un billet intitulé « Bienvenue dans le World Life
Web » http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2007/11/bienvenue-dans.html
4
Tim O’reilly est l’auteur du texte fondateur du Web 2.0, « What is Web 2.0 ?» (Septembre 2005).
5
MORVILLE Peter, Ambient findability : What we find changes who we become, O’reilly Media, 2006.
6
GINSON William (trad. Jean Bonnefoy), Neuromancien (Neuromancer), Découverte, 1985.
7
Mais la dimension géographique7 d’Internet nous montre aussi d’un point de vue
spatial que le « réseau des réseaux » a bien des frontières, des centres et des périphéries,…un
« Nord » et un « Sud ». La diffusion des innovations et l’accès aux technologies de
communication numérique (Internet haut débit, très haut débit, technologies wi-fi et
wimax,….), sont parfois soumises aux contraintes de couverture géographique des réseaux
d’infrastructures, aux enjeux économiques de densité démographique pour l’extension de
réseaux et/ou le déploiement de services dans des zones périphériques. La fracture numérique
est bien, entre autre, géographique, car inhérente à « l’organisation spatiale des territoires »8
et des réseaux.
7
DUPUY Gabriel, Internet : géographie d’un réseau, Ed. Ellipses, Paris, 2002.
8
HOUZET Sophie, GRASLAND Loïc, Les dimensions spatiales de la fracture numérique en France, in Alain
Rallet, La fracture numérique (Réseaux, vol. 22, n°127-128), 2004, pp.115-140.
9
Chaque évocation du concept de « solidarité numérique » dans ce rapport fera implicitement référence aux
projets TIC développés dans le cadre de la coopération décentralisée internationale, principalement entre les
collectivités locales françaises et africaines.
10
Tantôt nous utilisons le qualificatif « francophone » et tantôt le qualificatif « mondial ». Le 1er terme renvoie à
la communauté francophone ciblée pour le lancement du portail et le 2nd, la couverture géographique du portail.
11
Stage effectué dans le cadre du master professionnel e-Administration et Solidarité numérique (www.master-
easn.com). Ce master est une formation innovante dans les domaines de l’administration électronique, de la
coopération décentralisée Nord-Sud et de la solidarité numérique. Ouverte à l’International, la formation répond
également à des besoins locaux identifiés, tels que l’accompagnement des collectivités locales en matière de
politiques publiques TIC, de conduite de changement,….
8
L’objectif visé n’est pas de mener une analyse sociologique des communautés
virtuelles12, ni une étude géospatiale des réseaux sociaux en ligne afin de déterminer si le Web
2.0, l’Internet participatif et le phénomène de « réseautage social » constituent un effet de
mode « occidental » ou une tendance de fond dans le monde entier. Mais il s’agit plutôt dans
ce travail de démontrer à partir, d’une mission de stage, comment une organisation à vocation
internationale comme l’Agence mondiale de solidarité numérique pourrait améliorer sa lutte
contre la fracture numérique en réalisant un portail ou une plate-forme d’informations (veille
spécialisée), de rencontres et d’échanges (réseau social) basée sur la philosophie de
collaboration et de coopération du Web 2.0.
12
Considéré comme l’un des gourous majeurs dans le domaine des interactions sociales en ligne, Howard
Rheingold (http://www.rheingold.com) a publié en 1993 un ouvrage légendaire sur « Les communautés
virtuelles ». Son dernier livre, Smart Mob (http://www.smartmobs.com), annonce les prémisses de la prochaine
révolution sociale (Utilisation des TIC pour coopérer entre humains et amplifier l’organisation collective).
13
Pour améliorer la présence du français dans l’univers numérique et répondre aux besoins des pays en
développement, l’Organisation internationale de la Francophonie soutient la production de contenus et
d’applications numériques au moyen du Fonds francophone des inforoutes. Ce Fonds a pour mission de
promouvoir les TIC dans les pays du Sud et d’Europe centrale et orientale en finançant, à la suite d’appels à
projets, des initiatives multilatérales de production de contenus et applications francophones s’inscrivant dans les
grandes orientations de la Francophonie.
http://www.inforoutes.francophonie.org/actualites/nouvelle.cfm?der_id=182&type=accueil
9
Première Partie
DE LA FRACTURE
A LA
SOLIDARITE NUMERIQUE
14
La fracture numérique Nord-Sud (fracture verticale, géographique), souvent mesurée (à tort ou à raison) au
nombre d’internautes par pays ou par continents. La figure 1 montre que les Africains ne constituent que 1,4%
des utilisateurs d’Internet dans le monde, à côté des 27% d’Européens ou des 17,5% de nord américains.
15
L’accès à Internet dans les zones urbaines progresse plus rapidement (très haut débit) parce qu’il s’agit de
territoires densément peuplés où les investissements sont rentables alors que les zones rurales ou zones dites
« blanches » souffrent de l’effet « dernier kilomètre » : il s’agit de la fracture infra-nationale ou horizontale.
16
Lire à cet effet, l’article : « La Fracture numérique du genre en Afrique francophone : une inquiétante
réalité », in Etudes et Recherches, n°244, Réseau genre et Tic (REGENTIC-ENDA), enda éditions, Dakar, 2005.
17
Fracture générationnelle ou fracture « grise ». Selon Gabriel Dupuy, cette fracture s’explique essentiellement
par une absence de besoins numériques de la part des anciens qui n’ont donc aucune envie de la combler à
quelques rares exceptions près. (DUPUY Gabriel, La fracture numérique, Ellipses, 2007).
18
« La fracture cognitive va bien au-delà des questions d’accessibilité ou de participation au réseau global…De
nombreuses informations diffusées à travers les TIC ne peuvent pas être utilisées parce que l’univers auquel elles
font référence est différent de celui de l’utilisateur. C’est là à mon sens qu’intervient la fracture cognitive. »
KIYINDOU Alain, De la fracture numérique à la fracture cognitive : pour une nouvelle approche de la société
de l’information, Journée d’Etudes thématique, IUT Robert Schuman de Strasbourg, Mars 2007.
11
L’expression « fracture numérique » n’ayant aucun fondement scientifique et suscitant
parfois des discussions sur sa pertinence théorique, il est important de préciser les paradigmes
qui justifient le passage d’une approche de constatations des clivages de la société de
l’information à une approche de recherche de solutions pour lutter contre la fracture
numérique. Quelle perception devrait-on avoir des inégalités (fracture ou fossé ?) numériques
afin de pouvoir adopter la meilleure stratégie (à long terme) en matière d’e-inclusion19 pour
une société de l’information plus solidaire et équitable ?
D’abord, d’un point de vue sémantique, la fracture se distingue du fossé car la fracture
renvoie à l’image d’une fissure ou d’une rupture séparant deux choses sous l’effet d’une
contrainte ; tandis que le fossé évoque un vide, un trou profond, mais pas un gouffre dans
lequel toute chose pourrait disparaître à jamais. Supposant ainsi qu’un fossé peut toujours être
comblé, certains préfèrent utiliser l’expression « fossé numérique », convaincus qu’il s’agit
d’une perspective plus optimiste. Mais combler le fossé numérique constitue, selon ce
paradigme, l’action d’équiper très rapidement et complètement les pays en développement par
des infrastructures20 et des matériels informatiques (essentiellement les ordinateurs) afin
qu’ils rattrapent leur retard. Or, selon la loi de Pimienta21, l’échec de nombreux projets de
TIC pour le Développement s’explique par la part importante d’investissements centrés sur
les infrastructures. Les efforts pour combler le « fossé numérique » se situent généralement
dans une dynamique de court terme et dans une perspective d’urgence. Cette vision de réduire
les inégalités numériques entre territoires en se basant sur les infrastructures physiques, est
une vision techno-déterministe et techno-marchande qui ne met l’accent que sur la nécessité
pour les pays en développement de s’équiper en matériels informatiques et en infrastructures
d’accès à Internet. Il a d’ailleurs été démontré que l’équipement et la diffusion des TIC ne
suffisent pas pour qu’il y ait une réelle appropriation par les populations bénéficiaires des
projets TIC. Au contraire, très souvent, l’équipement creuse davantage le fossé en permettant
à ceux qui savent utiliser l’outil d’en profiter et les autres de ne pas en profiter.
19
Vision permettant de rendre les TIC accessibles pour tous, y compris pour les personnes handicapées, les
séniors, les publics éloignés et les marginalisés de la société. Ensemble des politiques de lutte contre la fracture
numérique pour une société de l’information inclusive et non exclusive.
20
Infrastructures TIC : dispositifs de transmission du signal (lignes, micro-ondes, satellites) et de son transport
(protocoles de communication et dispositifs de routage, matériel informatique).
21
Un projet de TICpD (Tic pour le développement) dont la proportion de budget alloué à l’infrastructure dépasse
les 60 % a toutes les chances de provoquer de sérieux problèmes de carence au niveau des autres éléments. Un
projet de TICpD dont la proportion de budget alloué à l’infrastructure dépasse les 80 % a toutes les chances de se
solder par une catastrophe... Un projet de TICpD qui alloue près de 100 % de son budget à l’infrastructure
devrait faire l'objet d'un examen minutieux de la part des organismes de détection et de prévention de la
corruption…PIMIENTA Daniel, Fracture numérique, fracture sociale, fracture paradigmatique, Juillet 2007,
pp.7-8.
12
Même s’il s’avère politiquement correct de parler de fossé numérique pour justifier
des dons de matériels informatiques, des transferts technologiques, et des politiques
d’aménagement numérique des territoires, il est préférable d’utiliser le terme de « fracture
numérique » qui reflète mieux les fractures sociales existantes. La compréhension des
fractures numériques dans une acception plus globale (et non limité à un paradigme de
« fossé ») permet ainsi de prendre en compte les mesures d’apprentissage, d’accompagnement
et d’appropriation22 liées à la diffusion des outils technologiques. Pour Michel Arnaud23, une
véritable ingénierie sociale est nécessaire au-delà de la simple volonté de réduire la fracture
numérique.
22
On sous-entend par « Appropriation » le processus d’apprentissage et de contrôle sur l’utilisation de l’outil.
23
ARNAUD Michel, La nécessaire ingénierie sociale au-delà de la réduction de la fracture numérique,
Conférence “TIC & Inégalités : les fractures numériques”, Paris, Carré des Sciences, 18-19 novembre 2004.
24
L’utilisation de ce terme dans ce contexte-ci ne fait pas référence aux « geek » qui sont des passionnés (jeunes
férus et amateurs) de l’informatique et des nouvelles technologies.
25
La société de l’information a plusieurs variantes : Certains lui préfèrent l’expression « société des
connaissances », « société des savoirs », « société des savoirs partagés » (UNESCO).
26
MACLUHAN Marshall, Pour comprendre les médias, Editions du Seuil, 1977.
27
« Dans tous les cas, ces nouvelles descriptions prophétiques fournissent d’ores et déjà les multiples avantages
de l’idéologie : elle aide les marchands à vendre, les politiques à formuler des objectifs mobilisateurs pour
l’opinion, les managers à discipliner la force de travail, les chercheurs à obtenir des subventions, etc. »
WEYGAND Félix, Réseaux ambiants, invisibilité, objets communicants… Transformation du statut de l’usage
et de l’appropriation, In Colloque « Interroger la société de l’information », Congrès de l’ACFAS, Université
McGill, Montréal, 18-19 mai 2006, p. 6.
13
Ainsi, depuis le télégraphe de Chappe jusqu'à l'avènement d'Internet, chaque
innovation technique est accompagnée d’un discours dit « millénariste », qui annonce un
monde meilleur. Ce genre de discours est de type performatif car il “dit la société telle qu’on
la veut, et en la disant la prépare, lui donne un peu plus de réalité, la fait accepter : (…) le
performatif est efficace”.28 En déplaçant les TIC de leur cadre présupposé de fonctionnement
au cadre d’usage réel, les techniciens, les journalistes, les organisations internationales et les
vulgarisateurs produisent, par leurs discours, un contexte mythique qui nourrit les attentes
parfois trop idéalistes des utilisateurs par rapport à ces technologies. Serges Proulx démontre
bien cette puissance des métaphores par l'effet de leur répétition dans des discours
prophétiques et promotionnels de la société de l'information. La répétition conduit très
rapidement à l'auto-réalisation de la prophétie du fait de la seule croyance par des populations
ou par des personnes prédisposées à l'entendre et à adopter une nouvelle manière de penser.29
Si pour Lamartine, « les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées », elles sont
beaucoup plus, à notre avis, des prophéties qu’on oppose au présent pour lui montrer qu’il est
dépassable30. Les utopies technicistes permettraient donc à leur émergence au début du 19ème
siècle de rompre avec un présent détestable grâce aux fausses croyances récurrentes
propagées dans les esprits par les prophètes du cyberespace. Comme le souligne Musso, trois
mythes technicistes ont accompagné ces prophéties : celui de la « connectivité universelle »
d’origine macluhanienne qui suppose la disparition des frontières sous l’effet du « temps
réel » ; celui des TIC comme principal vecteur d’un développement local durable et enfin le
néologisme des autoroutes de l’information qui suggère une substitution des TIC aux réseaux
de transport.
14
Les sommets mondiaux sur la société de l’information (SMSI) organisés à Genève
(2003), et à Tunis (2005) ont-ils apporté des résolutions concrètes dans ce sens ou ont-ils
plutôt été une nouvelle tribune pour les discours technicistes ?
Des déclarations et plans d’actions de Genève aux engagements de Tunis, les SMSI
ont insisté sur les questions inhérentes au développement, à la souveraineté nationale, à la
liberté d'expression, à l'éducation, à la diversité culturelle ou encore au droit international. Ces
sujets ont été directement engagés et privilégiés dans la profondeur des analyses par rapport à
la question de fond, celle de la réduction de la fracture numérique autour de laquelle les
débats ont tourné mais sans jamais mieux faire que de s’arrêter à des engagements en lieu et
place des solutions concrètes attendues31. La Déclaration de la société civile au SMSI, le 18
décembre 2005, intitulée « Bien plus aurait pu être réalisé » résume le constat général que le
SMSI s’est achevé sans la résolution des deux principales questions dont cette conférence des
Nations Unies devait traiter : le financement de l’infrastructure et des services pour « mettre
les TIC au service du développement » et la «gouvernance d’Internet ». Le sommet a
néanmoins le mérite d’avoir développé les réseaux humains Nord-Sud, d’avoir fait naître de
nouvelles collaborations et d’avoir créé des opportunités d’affaires, en associant les pays, les
gouvernements, la société civile et les entreprises, à un débat habituellement réservé aux
décideurs des métropoles technologiques. «Le tout premier résultat de cette grande messe de
l’information et de la connaissance, c’est le processus lui-même. Dans l’esprit de ses
initiateurs le SMSI devait sensibiliser les décideurs des pays en développement à l’immense
potentiel (des TIC) pour l’expansion future des économies, l’amélioration du bien être des
populations, la cohésion sociale et l’extension de la démocratie.»32 Le véritable point positif
de ces SMSI est donc la prise de conscience et la mobilisation internationale sur l’urgence de
trouver des réponses concrètes à la fracture numérique. Ces Sommets n’ont pas servi
essentiellement de tribune aux discours technocratiques sur les TIC, mais ils constituent le
point de départ d’un processus participatif de réflexions et d’engagements sur les mécanismes
de financement de l’économie de la connaissance et sur les nouveaux modes de coopération
entre le Nord et le Sud en matière d’information et de communication pour le développement.
31
Le SMSI était considéré comme le « Sommet des Solutions », en référence aux propos de Yoshio Utsumi,
alors Directeur de l’UIT.
32
RENAUD Pascal, SMSI : Avancée symbolique, résultats modestes, in Sciences au Sud, n°33.
15
L’un des aboutissements de ce processus a été la création du Fonds de Solidarité
Numérique. Idée33 chère à Abdoulaye Wade (Chef d’Etat du Sénégal) et présentée sous forme
d’une proposition des pays en développement, le fonds de solidarité numérique a pris corps
dans l’un des principes de la Déclaration de Genève en 2003 : « Nous reconnaissons que
l'édification d'une société de l'information inclusive exige de nouvelles formes de solidarité,
de partenariat et de coopération entre les gouvernements et les autres acteurs, c’est-à-dire le
secteur privé, la société civile et les organisations internationales.» De Genève à Tunis, le
principe s’est transformé d’abord en un pacte de solidarité numérique, puis s’est mué en
engagement à Tunis en 2005. Sa validation a conduit à l’inauguration, en mars 2005, du
Fonds Mondial de Solidarité Numérique (FSN) basé à Genève. Le rôle de ce fonds est de
financer des actions et des projets de terrain liés à l’application des TIC dans des champs de
développement (Santé et télémédecine ; éducation et e-learning, environnement et recyclage
des déchets informatiques,…etc) tout en respectant les principes de solidarité numérique
validés lors du SMSI.
33
« J'ai toujours pensé qu'une société de l'information plus équilibrée et plus harmonieuse devrait être fondée sur
une généralisation de l'accès à l'outil informatique pour éviter aux pays en retard dans ce domaine les risques
d'une marginalisation irréversible. Donner à tous la possibilité de se connecter, d'être à l'écoute, de se faire
entendre et de suivre la marche du monde: tel est le sens fondamental du Fonds de solidarité numérique.»
Maître Abdoulaye Wade, Président du Sénégal.
34
Guide de la Coopération décentralisée pour la solidarité numérique, 2008, p.21.
16
II - L’Agence Mondiale de Solidarité Numérique (ASN)
L’Agence mondiale de solidarité numérique (ASN) est une association loi 1901 qui
informe, conseille et fournit l’appui technique nécessaire à la mise en place des projets de
solidarité numérique. Sa création fait suite à la volonté commune des villes de Lyon, de
Genève, de la province du Piémont et de la République du Sénégal de s’engager dans une
initiative mondiale de développement solidaire des peuples par les technologies de
l’information et de la communication au profit des exclus du numérique. C’est une démarche
visant à réduire les inégalités dans l’accès, le partage et la production d’information à travers
une solidarité active, efficace, créatrice d'emploi et de richesse. L’Agence oriente ses actions
sur les usages, les contenus, la formation et le matériel, mais pas sur l’infrastructure. Pour
mener à bien ses missions, l’Agence dispose d’un Conseil d’Administration (au sein duquel
figurent différentes personnalités) et d’une équipe opérationnelle de cinq (5) personnes
(salariées) constituant le Secrétariat exécutif.
Après avoir posé les bases de son activité, l’ASN a ouvert de nombreux chantiers dont
notamment : la refonte de ses statuts et l’ouverture de sa gouvernance, le projet « Ordi 2.0 »,
la deuxième phase des projets de coopération décentralisés engagés en 2007 pour le Grand
Lyon, le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE), la conception d’un
réseau européen des acteurs clés de la solidarité numérique (projet européen EDSKAN35) et
l’organisation de la Conférence de Lyon sur la solidarité numérique en Novembre 2008.
35
European Digital Solidarity Key Actors Network.
17
2. Missions et objectifs globaux : rôle de l’ASN dans la réduction de la
fracture numérique
36
« Think global, Act local » : « Penser global pour agir local » est une bonne maxime pour la solidarité
numérique. La conception de l’action de l’ASN se fait par un travail collectif qui rassemble la globalité des
acteurs concernés par un problème complexe. Et l’action, dans sa finalité, se joue au niveau local, dans les villes
et pouvoirs locaux.
37
Depuis 2006, l’Agence mondiale de solidarité numérique (ASN) est le partenaire de référence de la
coopération française sur les questions de solidarité numérique. Dans sa stratégie de mobilisation de la
coopération décentralisée française en faveur de la solidarité numérique, l’Agence mondiale de solidarité
numérique a été chargée de mettre en place un processus d’expertise et de concertation entre collectivités locales
du nord et du sud.
18
En outre, dans le cadre de la négociation internationale l’ASN intervient également
comme un facilitateur capable de fédérer un ensemble d’acteurs autour des réflexions de fond
comme celles menées actuellement sur l’organisation d’une conférence mondiale sur le
développement via le numérique.
Cette figure illustre bien le cadre d’action de l’Agence dans une perspective de
globalité (interdépendance des éléments et des sous-systèmes appartenant au système global
des interactions). Ici la réduction de fracture numérique est considérée dans une approche
systémique38. Cette approche suppose de la part de l’Agence mondiale de solidarité
numérique un savoir (ensemble de concepts et de valeurs liées au fonctionnement du système)
un savoir-être (nouveau regard porté sur les systèmes humains), un savoir-penser (du local au
global, mais aussi du global au local), et un savoir-faire (observation, analyse, modélisation et
expérimentation) pour une efficacité des actions sur le terrain.
38
"Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s'entretenant
par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître
les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties"-
Pascal
19
La figure met également en avant la place centrale occupée par l’Agence dans la
mutualisation, et la concertation entre les différents acteurs de différents territoires, tous
rassemblés autour de projets numériques à dimension solidaire. Il apparaît clairement ici que
l’ASN va au-delà du simple partenariat public privé « public-private partnership » dans la
mesure où la participation des groupes est plus précise compte tenu de la segmentation
sectorielle : gouvernements, organisations internationales, institutions, collectivités locales,
secteur privé, société civile et milieu académique. On parle alors dans ce cas de participation
multisectorielle (en anglais « multi-stakeholder partnership »), concept qui s’est imposé
comme l’un éléments-clefs du SMSI et de ses recommandations puisque, la construction
d’une société (de l’information) exige évidemment l’implication ou tout au moins la
participation de tous les secteurs et acteurs clé de développement. D’où l’importance d’un
catalyseur39 pour réunir tous ces acteurs (mise en relation / réseau social) afin qu’ils puissent
collaborer, co-produire et proposer ensemble des réflexions et des mesures pour développer la
solidarité numérique. Le portail francophone de la solidarité numérique est un important
projet, de l’Agence mondiale de solidarité numérique, qui cadre bien avec ce contexte multi-
acteurs et cette dynamique de participation multisectorielle.
39
Il existe une méthode scientifique appelée « Méthode Catalyse » qui a été mise au point par le professeur
Jean-Jacques Girardot, Directeur du laboratoire universitaire « Méthodes de traitement de l'information
appliquée aux sciences de l'Homme et de la Société » (MTI@SHS) de l'Université de Franche-Comté en France.
Il s’agit dune méthode d’intelligence territoriale qui vise à mobiliser les informations détenues par des
communautés territoriales pour améliorer la pertinence, l’efficience et l’impact des actions de développement
conduites à l’échelle des territoires. Cette méthode préconise l’utilisation des outils scientifiques fondamentaux
comme les bases de données en ligne, les techniques d’édition numérique, les techniques de gestion des projets
et d’évaluation, les statistiques quantitatives et qualitatives des données.
20
Deuxiè
uxième Partie
LE WEB 2.0 AU SERVICE
DE LA
SOLIDARITE NUMERIQUE
Qu’est ce que le Web 2.0 ? Cette interrogation, aussi banale qu’elle puisse paraître,
symbolise pourtant toute la difficulté qu’il y a à donner une définition claire et précise du
Web 2.0. Le terme aux contours parfois flous suscite d’âpres discussions au sein de la
blogosphère. Pour certains, le Web 2.0 n’a pas de frontières spécifiques mais plutôt un centre
de gravité rassemblant sur sa périphérique un ensemble de principes et d’applications. Quels
sont ces principes et ces applications qui sous-tendent la philosophie du Web 2.0 ? Quelles
différences fait-on entre Web 1 et Web 2.0 ? Et doit-on parler d’évolution ou plutôt de
révolution ?
Tom O’Reilly a été le premier à apporter
quelques éléments de réponses à ces questions à
travers son célèbre article « What is Web 2.0 ? »
(2005) dans lequel il précise sa définition du
nouveau concept sur sept constats :
22
La nouveauté dans cette seconde génération d’Internet réside donc beaucoup plus dans
un changement de paradigme que dans une révolution technique40. Cette nouvelle philosophie
d’Internet change également le statut de l’internaute en lui donnant plus de pouvoir41 car il
n’est plus un simple utilisateur passif mais il devient un producteur, un rédacteur, et un acteur
de ce Web plus participatif (« ouvert, collaboratif et interactif »)42 . On parle du triomphe du
« User generated content » ou « contenu généré par les utilisateurs ». Du modèle d’une
application unique (1) pour N utilisateurs (one-to-many / Web 1.0), on passe au modèle N
utilisateurs servis par N applications produites par N utilisateurs (many-to-many, evrybody-
to-everybody / Web 2.0). Dans le premier cas (Web 1.0), les utilisateurs sont dépendants de
l’application unique gérée par un Webmaster unique. Et dans le second (Web 2.0), les
utilisateurs coordonnent l’ensemble du processus systémique de réseautage et lui donnent un
sens en tant qu’« utilisateurs-producteurs »43 d’applications et de contenus.
40
On note tout de même le rôle important joué par la technologie Ajax qui autorise une plus grande fluidité dans
l’affichage des pages Web.
41
GERVAIS Jean-François, Web 2.0, Les internautes au pouvoir : Blogs, réseaux sociaux, partages de vidéos,
Mashups…, Dunod, 2006.
42
« …Une véritable plate-forme d’échanges, mettant en réseau des communautés réunies par des centres
d’intérêts communs.» SCHWARTZ et ACHACHE, 2005
43
Nous sommes devenus, me semble-t-il, des « Webmaster de deuxième génération » ou « Webmaster 2.0 ».
23
Au vu des différences44 par lesquelles on justifie le passage du Web 1.0 au Web 2.0,
doit-on parler de révolution ou d’évolution ? Le Web 2.0 constitue à n’en point douter une
avancée de l’utilisation de certaines technologies qu’on qualifie aujourd’hui de « mûres »
(HTML, CSS 2.0, Javascript, Rubi on Rail, XML, AJAX…). C’est bien donc une évolution
des technologies qui se caractérise par l’appropriation par les développeurs Web de
technologies âgées de cinq à dix ans pour apporter une ergonomie différente aux utilisateurs.
Ce n’est pas une véritable révolution. Comme l’affirme Mike Shaver45, « le Web 2.0 n'est
pas un ‘‘big bang’’ mais une succession de ‘‘small bangs’’
Si révolution il y a, elle est plutôt du côté de l’utilisation des technologies. Le Web 2.0
a en effet révolutionné les habitudes des internautes en leur donnant cette possibilité d’agir et
d’interagir46. Ceci a développé de nouveaux usages, de nouvelles formes de sociabilité
(réseaux sociaux) fortement liés aux besoins individuels des internautes ainsi qu’à
l’affirmation de leur identité et de leur culture numérique. Voici ci-dessous un positionnement
des usages du Web 2.0 sur la pyramide des besoins de Maslow. Cette figure montre l’utilité
que pourrait avoir le Web 2.0 dans la vie quotidienne des utilisateurs d’Internet en partant des
besoins basiques de communication (recherche d’information, mailing, chat,…) aux besoins
d’accomplissement personnel (mise en scène et valorisation de « soi »).
24
2. Ces applications du Web 2.0 qu’on ne présente plus…
Très accessibles à un large public, les différentes plates-formes qui véhiculent les
principes fondamentaux du Web 2.0 sont entre autre : les blogs (Blogger, Wordpress,
Dotclear, Technorati,…), les sites collaboratifs et les portail personnalisables (Netvibes,
igoogle), les bureaux virtuels (Googledoc) et les wikis (correction, mise à jour, écriture
collaborative, Wikipédia,…), les réseaux sociaux (Linkedin, Facebook, Myspace, Viadeo,
Ziki,…), les plates-formes de partage de photos ou de vidéos numériques
(Dailymotion,YouTube, Google vidéos, Flickr,…),…etc.
Nous faisons ici un zoom sur les principales applications du Web 2.0 encore connues sous
le nom de RIA (Rich Internet Applications) :
25
• Netvibes : Portail Web français
personnalisable et offrant aux utilisateurs la
possibilité d’organiser leur interface à partir
de pages « onglet ». Il intègre la syndication
de flux et l’agrégation d’applications. (Ci-
contre, l’écosystème Netvibes de l’Agence
mondiale de solidarité numérique).
26
3. Les limites du « Social Networking » et du Web 2.0
Les différentes applications du Web 2.0, on l’a vu, permettent et organisent une
nouvelle utilisation d’Internet. Laquelle utilisation semble d’ailleurs se centraliser sur VOUS
(« You »), internautes. « Et parce que vous prenez le contrôle des médias
globaux, parce que vous fondez et modelez la nouvelle démocratie numérique,
parce que vous travaillez sans contrepartie financière et parce que vous battez
les professionnels sur leur propre terrain, la personnalité 2006 élue par le
Time c'est vous. » (Time Magazine, 13/12/2006).
47
Selon la définition du Wikipédia, « Le réseautage social (qui doit être distingué du concept de réseau social
en sociologie) se rapporte à une catégorie des applications d'Internet pour aider à relier des amis, des associés, ou
d'autres individus employant ensemble une variété d'outils. Ces applications, connues sous le nom de "service de
réseautage social en ligne" (en anglais social networking) deviennent de plus en plus populaires ».
48
http://www.danah.org/
49
Théorie de Frigyes Karinthy évoquant la possibilité que toute personne sur le globe peut être reliée à
n'importe quelle autre au travers d'une chaîne de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons.
27
La première faiblesse du Web 2.0 qu’on évoque souvent est celle de la sécurité et de la
fiabilité. Elle est souvent intrinsèque à d’autres problèmes, notamment ceux de la
confidentialité, de la traçabilité et de la confiance. Du point de vue de la sécurité, on reproche
par exemple, aux nouvelles techniques de programmation telles que AJAX50 de supprimer
certains contrôles de sécurité pour ne pas diminuer la réactivité de l’interface51. Il semblerait
donc que plus l’ergonomie de l’application est légère et moins il y a de sécurité et de filtrage
de données (du côté client). En matière de confidentialité, la solution trouvée par le réseau
professionnel Linkedin est d’utiliser comme point de départ du réseau les connaissances
existantes. Ainsi, chaque membre est sensé renseigner l’ensemble de ses contacts
professionnels, qui, s’ils l’acceptent, deviennent membres à leur tour. Les contacts directs
constituent un cercle de relations de premier degré et les relations des relations (ou amis de
mes amis) constituent un cercle de second degré à partir duquel la mise en relation devient
payante. Le Web 2.0 n’est donc pas ouvert à tous les niveaux et certains nouveaux services ou
des communautés dites « spécialisées » (ou communautés isolées d’utilisateurs exclusifs)
permettent, en effet, de distinguer les cercles de proches entre eux. Ceci va à l’encontre de la
philosophie du partage de données et de la découverte d’autrui, mais encourage le repli sur
soi, l’isolement sur le Web ou l’entretien des réseaux de connaissances déjà existants. Or un
réseau doit se développer pour exister. En même temps, c’est un facteur qui pourrait intéresser
les personnes qui cherchent à éviter l’aspect tout ouvert du Web 2.0 et qui souhaitent
préserver leur intimité ou vie privée dans des sous-réseaux restreints.
50
« Même si Ajax en soi n’est pas source de nouvelles vulnérabilités, elle permet de reproduire de vieilles
erreurs plus facilement. Comme les failles que connurent les PC il y a une dizaine d’années, ces failles peuvent
être corrigées par la formation et le partage des best practices des développeurs » (source : Zdnet, 4 août 2006).
51
FEIL Renaud, « Le Web 2.0 : Plus d’ergonomie…et moins de sécurité », Journée Sécurité des Systèmes
d’Informations (OSSIR), 22 Mai 2007.
28
La question de la confiance sur les réseaux sociaux du Web 2.0 est peut-être aussi une
question générationnelle, les jeunes étant les plus aptes à étendre très rapidement leur réseau
social sans filtrer leurs cercles d’amis. Parfois, leur but c’est d’être celui qui possède le plus
grand nombre d’amis comme si le nombre d’amis sur un réseau social était une mesure de
sociabilité dans la vie réelle52. Or, l’éthique et la morale n’étant pas toujours sur le Web, les
risques de tomber sur des personnes mal intentionnées ou des pervers ne sont pas à minimiser.
Rappelons à cet effet que le scandale de l'automne 2007 (les "jardins de pédophiles" dans
Second Life) est cité comme l’exemple du détournement du Web 2.0.
Outre les écueils de sécurité, de confiance, de fiabilité et les paradoxes qui font que de
nombreuses personnes restent réticentes et distantes par rapport à la tendance Web 2.0, on
retient également d’autres problèmes non moins importants tels que :
Les droits d’auteurs : La philosophie 2.0 repose sur l’échange libre de contenus53.
Or il y a des œuvres originales, et des œuvres de l’esprit qui sont parfois copiées
sans le consentement de leurs auteurs, susceptibles d’engager des actions en justice.
52
On peut être un internaute disposant de milliers d’amis sur un réseau social en ligne sans pour autant avoir une
facilité d’entrer en contact avec le voisin dans un cybercafé ou un lieu d’accès public (physique) à Internet.
53
Licence « Creative Commons » et Open Source
29
La faible implication54 : Dans une société marquée par l’extrême individualisme,
l’individu et l’ego constituent le moteur des échanges. Les enjeux de visibilité et de
mise en scène de « soi » font que l’individu prime toujours sur le collectif. Les
inscriptions sur des réseaux sociaux et dans des communautés en ligne restent
souvent motivées par un besoin égoïste d’élargissement de son réseau d’influence et
un besoin de connaissance de personnes partageant des points communs. La finalité
est souvent plus sentimentale, amicale ou culturelle que professionnelle. Il n’est
donc pas très étonnant qu’il y ait une très faible coopération et une collaboration
superficielle sans amorce réelle d’une véritable dynamique d’intelligence collective,
de co-écriture sur ces plates-formes de réseau social. Sur la figure ci-dessous, on
constate que sur 100 personnes en ligne, 1 personne crée un contenu inédit, 10
interagissent avec ce contenu et l’enrichissent (commenter, recommander, noter,
voter,…etc.) et 89 personnes consultent (consomment) le contenu.
54
« Le talon d’Achille du web 2.0 reste et demeure la faible participation des internautes : la “règle des 1 %”, qui
prévaut jusqu’à présent dans plusieurs études sur les usages des services du web 2.0, dit que les 2/3 des contenus
proviennent seulement d’1% des utilisateurs actifs. Et cette proportion pourrait bien baisser encore un peu à
mesure que l’audience des sites participatifs augmente. » GUILLAUD Hubert, « Limites du Web 2.0 : une
implication toujours faible », Mai 2007, http://www.internetactu.net/2007/05/02/limites-du-web-20-une-
implication-toujours-faible/
30
pour être bien utilisés et bien appropriés. Dans cette logique, malgré l’intuitivité et la facilité
d’utilisation qu’on attribue aux outils et plateformes du Web 2.0, il faut reconnaître qu’il y a
un risque indéniable de fracture cognitive Web 2.0 qui serait liée à la faible maîtrise de l’outil
et au manque d’une cyberculture chez les internautes des pays en développement (par rapport
à l’adoption rapide du Web 2.0 dans les pays développés). Encore faudrait-il que soit résolue
dans les pays du Sud la question des infrastructures et de l’accès à Internet (conditionnant le
nombre d’utilisateurs d’Internet et constituant l’un des principaux indicateurs de mesure de la
fracture numérique entre le Nord et le Sud). Car au-delà des raisons culturelles liées à
l’origine des réseaux sociaux et des plateformes existantes, c’est sans doute le faible taux
d’accès à Internet, le manque d’une cyberculture, l’ignorance et le manque de sensibilisation
aux avantages du Web 2.0 qui expliquent sur la carte ci-dessous la présence de nombreuses
zones blanches (en Afrique, en Amérique Latine et en Asie) où pratiquement personne ne
fréquente les sites de réseaux sociaux.
31
II - Un portail collaboratif mondial de la solidarité numérique
"La méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet". (Gaston Bachelard)
55
Le portail collaboratif « Tanmia » de la société civile et du développement au Maroc, génère par exemple
quelques 300 000 visiteurs uniques par mois ; les portails dgCommunities de la Fondation Development
Gateway environ 800 000.
32
locaux et privés, des chercheurs et universitaires,… Or, il n’existe aujourd'hui aucun support
officiel d'intermédiation sur la question des fractures numériques, aucun outil permettant aux
acteurs de l'info-développement de s’informer, d’échanger et d'agir pour un développement
solidaire des technologies de l'information et de la communication à travers le monde.
Considérant les nombreux canaux de communication et les applications du Web 2.0 qui
permettent de générer le « buzz » autour d’un concept, il est opportun de mettre en place un
portail qui s’appuiera sur ces outils pour sensibiliser sur une thématique donnée : la solidarité
numérique. Les expériences faites par des associations ou des ONG internationales du secteur
des TIC ou de l’humanitaire telles que Télécom sans frontières, Croix Rouge,… montrent
qu’on peut susciter l’engagement de personnes bénévoles, volontaires (ressources humaines)
ou de lever des dons56 des micro-investissements financiers sur des projets (bien ciblés pour
des besoins de développement humain). L’environnement global semble également très
favorable actuellement à l’appropriation rapide des technologies par les acteurs de l’info-
développement. Créer des communautés virtuelles par thématiques, s’affranchir de la
distance géographique entre acteurs, réduire les coûts de transports et de communication,
renforcer les capacités à travers des séminaires, des formations des rencontres et des échanges
de bonnes pratiques, valoriser les compétences locales et le travail collaboratif. Autant
d’impératifs qui constituent des facteurs potentiels de succès au projet du portail collaboratif
mondial de la solidarité numérique dont voici les objectifs :
Objectifs globaux
56
L’application « Causes » sur Facebook, permet par exemple à des personnes de s’engager dans des causes et
de faire des dons. Même si cela s’avère être parfois de l’individualisme démonstratif, il s’agit après tout de
gestes de solidarité, de mécénat, et d’engagement.
33
Culture : Valorisation des langues, des identités et des traditions sur internet,
Préservation du patrimoine culturel grâce à la numérisation.
Objectifs spécifiques
Afin de mettre en lumière les bénéfices des technologies de l'information et de la
communication pour le développement et favoriser la mise en oeuvre d'actions permettant
leur adoption par tous ceux qui peuvent en bénéficier, le portail francophone de la solidarité
numérique suivra une démarche à trois niveaux : Informer, Réunir, Collaborer.
Informer :
Il s’agira de fournir une veille informationnelle57 sur les différentes formes revêtues
par la fracture numérique et sur les pratiques les plus exemplaires des TIC pour le
développement. A ce niveau, on inclut premièrement la reprise de l'ensemble des actualités
publiées par les principales sources d'information sur les TIC et le développement des flux
d'informations et d'actualités (flux RSS) de divers sites de référence sur la question des TIC
(capitalisation des informations existantes et des contenus produits par un ensemble
d’acteurs). Ces flux seront accessibles au lectorat via un abonnement gratuit. Ils seront
redistribués ou redirigés vers d'autres plateformes et ressources du Web par essaimage et avec
le support d'une lettre d'info (newsletter).
57
Le portail assurera une continuelle gestion de l'information pour la fidélisation de son lectorat et de son
audience à travers la publication régulière d'articles et de news pertinentes.
34
par appel à candidature sur la base de dossiers présentant des projets de reportages en lien
avec la solidarité numérique. Une fois sélectionnés, ils seront intégrés au "Club des reporters
de la solidarité numérique" et formés via un séminaire58 annuel de renforcement des capacités
journalistiques du Sud à l'ère du Web 2.0. Ce séminaire sera organisé par l'Agence mondiale
de solidarité numérique en partenariat avec des médias français, acteurs des nouvelles
transformations de la presse en ligne, tels qu’Agoravox, Médiapart, Wikio,...etc. A l'issue des
échanges et de la formation au cours de ce séminaire, les journalistes du Sud, bénéficiaires de
la démarche, signeront un engagement sur l'honneur, attestant qu'ils s'appuieront sur les
enseignements du séminaire pour produire régulièrement (au moins une fois par mois pendant
un an) des articles ou des reportages sur l'une des thématiques citées plus haut.
Réunir :
Collaborer :
Les actions spécifiques liées à la collaboration se traduiront par la création d'un espace
wiki de co-écriture et de suivi des études et projets de solidarité numérique. En effet, on
associe souvent des valeurs de partage au Web 2.0 en oubliant qu’avant de pouvoir partager
58
Le séminaire de perfectionnement de web-journalistes du Sud se déroulera sur deux jours à travers des ateliers
mettant l’accent sur l’acquisition ou le renforcement des connaissances suivantes : Formation aux bases de
l'écriture journalistique sur le web – Syntaxe – Rythme – Style et mise en forme – Diffusion de contenus
multimédias – Stockage et partage de photos, de clips vidéos et de podcasts audio – Réalisation d'articles
multimédias,…
35
du contenu, il faudrait d’abord que celui-ci soit produit. Le portail à travers cette dimension
de collaboration offrira la possibilité aux utilisateurs d’Internet, acteurs des TIC dans les pays
du Sud de créer eux-mêmes leur contenus et co-produire avec les acteurs du Nord des
réflexions sur des mécanismes et des projets concrets de réduction de la fracture numérique.
Grâce à l’espace wiki du portail, on passera de “Think global, act local” à “Think together,
Write together and Act together”.
Un centre de ressources documentaires participatif servira également d'espace
d'échange de documents avec la possibilité de déposer et de consulter des documents selon un
système de « crédits de points » pour maintenir un équilibre entre le nombre de documents
déposés et le nombre de documents consultés.
Réseau social
Collaboration
36
2. Architecture et spécifications techniques : recours aux outils du Web 2.0
37
Figure 11: Zoning des contenus du portail (Version 1)
38
3. La plus-value du projet par rapport à l’existant
39
Figure 12: Exemple de portails participatifs dédiés au secteur du développement
www.mediaterre.org
http://www.human-network.fr/
http://topics.developmentgateway.org/
http://www.anetville.com/public/anv/
40
Troisiè
oisième Partie
RETOUR D’EXPERIENCE
59
Voir Annexe 7.
42
L’annuaire ainsi constitué n’est pas une simple succession de pages de logos et de
contacts téléphoniques, mais il comporte de brèves descriptions sur les activités et missions
des organismes identifiés et l’accent est mis sur les activités ou programmes directement liés
aux TIC. Au-delà de cette identification des principaux acteurs des TIC pour le
développement, cet annuaire pourrait faire l’objet (une fois finalisé) d’une édition en version
papier qui serait mise à disposition des ONG, des associations et des organismes catalyseurs
de projets liés à al réduction de la fracture numérique. Il leur serait offert soit gratuitement ou
contre paiement d’une modique contribution aux projets de solidarité numérique (5 ou 10
euros).
60
C’est un terme utilisé pour désigner tout type d’analyse comparative effectuée dans un processus continu de
recherche, d'adaptation et d'implantation des meilleures pratiques pour améliorer la performance des processus
dans une organisation ou lors de la réalisation d’un projet comme celui du portail de solidarité numérique.
61
Voir figure 12, « Exemple de portails participatifs dédiés au secteur du développement : Ces modèles qui nous
ont inspirés », p.46.
43
La troisième phase de déclinaison de ma mission de stage correspond au
recensement des attentes et des besoins par rapport au futur portail de solidarité numérique.
C’est une phase importante de mon travail qui consistait à recueillir l’avis de personnes
expérimentées sur la question et de prendre en compte les suggestions ou les contributions les
plus pertinentes qui n’auraient pas apparu lors des séances de brainstorming organisées,
quelques fois en interne, avec la petite équipe de l’ASN. Il a fallu d’abord concevoir un
questionnaire (avec des questions courtes, concises et précises) qu’il serait facile de remplir et
qui ne prendrait pas trop de temps aux questionnés. Ce questionnaire a été d’abord réalisé
grâce au logiciel sphinx et exporté sous la forme classique d’un document Word (dans
l’intention qu’il serait envoyé en pièce jointe et par mail aux destinataires ciblés). Mais après
réflexion, on s’est rendu compte (en se mettant à la place des destinataires) que le processus
d’ouverture de mail, de téléchargement du questionnaire, de sa lecture, du remplissage et du
renvoi du document en pièce jointe, parait très long et démotivant pour quelqu’un qui n’a pas
trop de temps. Or les destinataires du questionnaire sont justement susceptibles de ne pas
disposer de temps compte tenu de leurs multiples activités en tant qu’experts occupant des
postes de responsabilité ou consultants impliqués sur de grands dossiers.
Nous avons revu notre stratégie de recueil des avis sur le projet du portail en
choisissant sur Internet un outil gratuit de publication de questionnaire en ligne. Il s’agit de
l’outil « EmailmeForm 62» qui convenait bien après quelques tests à notre besoin. Ainsi, le
questionnaire a pu finalement être conçu et mis en ligne sur le site de l’agence. L’URL
(http://www.dsa-asn.org/questionnaire/) a été envoyé sous forme de lien hypertexte dans un
mail expliquant la démarche de consultation que nous avions souhaitée entreprendre en amont
à la réalisation de ce portail francophone mondial de la solidarité numérique.
62
Outil assez pratique dans l’ensemble. Nous le recommandons pour toute publication en ligne de questionnaire
dans le cadre de petites consultations ou enquêtes www.emailmeform.com/
44
Figure 13 : Questionnaire (mis en ligne le 6/06/2008)
45
Le but de ces rencontres était de discuter, d’échanger avec ces acteurs pour connaître
dans un premier temps leurs impressions générales (enthousiastes, optimistes, ou plutôt
réservées avec des appréhensions) par rapport aux différentes articulations de notre projet.
Ensuite, il importait de voir comment ces acteurs pourraient être mis à contribution sur
l’alimentation et l’animation du portail de la solidarité numérique.
Avec Annie Chéneau-Loquay, il était surtout question des modalités de collaboration
envisageables avec le milieu universitaire de la recherche, (chercheurs, étudiants,
doctorants…) et de l’identification de personnes-clé pour ce projets.
Quant aux Responsables de Médiaterre, ils nous ont permis de comprendre plus clairement
leurs modes de fonctionnement, le modèle économique de financement de leur portail, mais
sans que la discussion n’ait débouché (pour l’instant en tout cas) sur une piste quelconque de
partenariat.
46
II - Autres missions et tâches connexes effectuées au sein de l’ASN
Rassembler une documentation (mémento) sur la Global Alliance for ICT and
Development (GAID) en amont de la participation de Jean Pouly, Directeur de
l’ASN, au « Forum mondial annuel ICT for Development » organisé par le GAID
(Kuala Lumpur, 18-20 Mai 2008).
Contribuer à la rédaction d’un document de synthèse sur les « best ICT practices »
dans le cadre d’un projet audiovisuel de réalisation de films (documentaire de 52
minutes) sur les différentes thématiques de la solidarité numérique (santé,
éducation, développement durable, agriculture, etc.) et tournés dans différents
endroits du globe.
47
III - Contraintes et difficultés rencontrées
Aucune contrainte réelle n’a entravé la réalisation des différentes missions de ce stage.
Bien au contraire la proximité de mon lieu de résidence par rapport au lieu de stage, le cadre
bien défini de mes missions et de ma responsabilité, l’ambiance conviviale de travail (la
bonne entente63 avec toute l’équipe de l’ASN) sont des facteurs qui ont favorisé le bon
déroulement du stage.
En outre, il faut retenir que ce stage m’a exigé beaucoup d’énergie et d’implication,
une grande disponibilité, et une petite dose de stress et d’anxiété qui ne sont pas finalement à
appréhender comme des difficultés, mais plutôt comme la contrainte minimum nécessaire
pour arriver à jouer ma partition dans le concert des bonnes actions de solidarité numérique et
de réduction des fractures numériques.
63
Aucun conflit hiérarchique, ni de problème de communication avec l’équipe.
48
IV - Apport du stage
Les apports tirés de cette expérience professionnelle peuvent être regroupés dans les
principales connaissances et compétences qu j’ai acquises pendant ce stage. En effet dans
mon évolution vers une expertise professionnelle, le fait de travailler sur un projet de portail
mondial de la solidarité numérique m’a permis entre autre :
Au-delà de tout ceci, ce stage constitue mon véritable premier contact avec ma profession.
J’y ai trouvé une confirmation de la cause dans laquelle je souhaiterais vraiment m’investir et
faire carrière. : « Réduire la fracture numérique par la solidarité et la coopération. Aider les
peuples du Nord et du Sud à construire un développement solidaire et durable en s’appuyant
sur le numérique ».
64
Séminaire animé par Richard Collin, Responsable de l'Institut de l'Entreprise 2.0, Titulaire de la Chaire
Efficacité Collective, Travail Collaboratif et en Réseau, Organisations Innovantes (Grenoble Ecole de
Management). Grenoble, le 23/04/08.
65
Organisé par l’entreprise Web2Fast à Lyon le 03/06/08w.web2fast.fr/).
49
Conclusion & Perspectives
A titre de conclusion, nous notons que le Web 2.0 ne constitue pas une véritable
révolution technique. Elle n’entraîne pas non plus de profondes transformations de nos
comportements sociaux, du moins pas pour l’instant. L’engouement pour les outils de cet
Internet participatif est en tout cas certain et va au-delà du simple effet de mode comme en
témoigne le nombre impressionnant d’inscrits sur les réseaux sociaux. Il n’en demeure pas
moins que le cercle « vicieux » de l’info-pollution66 (surabondance, désinformation,
contamination et abus publicitaire) emprisonne le Web 2.0, social et collaboratif, sous l’effet
boomerang de sa popularité et le décrédibilise par rapport aux relations d’influence et à
l’influence des relations et surtout par rapport à l’absence de médiation. Finalement Pierre
Lévy résume bien le phénomène : « Tout cela manifeste une exploration sociale des diverses
formes d’intelligence collective rendues possibles par le web et représente donc une évolution
très positive. Mais, en fin de compte, il s’agit d’une exploitation par et pour le plus grand
nombre de potentialités qui étaient techniquement et philosophiquement déjà présentes dès
l’apparition du web en 93-94. Je vois là une maturation culturelle et sociale du web (qui a été
conçu dès l’origine par Tim Berners Lee pour favoriser les processus collaboratifs) plutôt
qu’un saut épistémologique majeur. »67 Le Web 2.0 préserve donc ses valeurs de partage et de
solidarité grâce aux nombreux outils et services qui favorisent la personnalisation de
l’information, mais surtout la production de contenus et développement des usages
collaboratifs.
En définitive, ce rapport de stage montre bien comment le Web 2.0 pourrait contribuer
à la réduction de la fracture numérique en confrontant les objectifs du futur portail
collaboratif de solidarité numérique aux enjeux d’appropriation des nouveaux outils du Web
2.0. Le Web 2.0 est un « état d’esprit » et la solidarité numérique est « un état d’esprit…en
action ». La présentation de son profil professionnel personnalisé, la publication d’articles ou
de documents invitant à la réflexion, la diffusion de billets sur les blogs, la participation à des
66
SUTTER Eric, Pour une écologie de l’information, Association française des documentalistes et des
bibliothécaires spécialisés (Paris), 1998.
67
Interview de Pierre Lévy par Denis Failly du 17 juillet 2006 :
http://nextmodernitylibrary.blogspirit.com/archive/2006/07/13/ieml.html
50
réseaux sociaux, l’écriture collaborative de dossiers, … Autant d’actions qui peuvent avoir
une répercussion sur les projets de solidarité numérique du moment où les porteurs de projets
numériques et les différents acteurs des TIC pour le développement se retrouvent sur une
plateforme dédiée à leurs activités pour échanger, partager mais surtout collaborer en vue
d’amorcer des actions communes ou des partenariats allant de le sens d’un développement
numérique solidaire. Tout ceci paraît peut-être très optimiste et un peu idéaliste quand on sait
que pour l’instant encore, il n’y a pas de véritables coopérations fortes sur le Web. Mais le
défi du portail francophone de la solidarité numérique sera de dépasser les limites de « la
règle du 1% » (1% de créateurs, 10% de contributeurs et 89% de visiteurs) pour réussir non
seulement à mettre en relation les acteurs de la solidarité numérique, mais aussi à pouvoir les
faire collaborer. L’agence au cœur de ce dispositif confirmerait une fois encore son rôle de
principal catalyseur des acteurs et des actions de solidarité numérique.
Avoir contribué à cet ensemble de réflexions et se retrouver en amont des importantes
tâches de conception du portail collaboratif de la solidarité numérique a été bénéfique pour
ma formation professionnelle et me donne aussi la sensation d’avoir apporté une pierre à cet
édifice en construction. Les perspectives pour continuer sur ce chantier d’exploration du Web
2.0, de la solidarité numérique, de la coopération décentralisée et du développement humain
n’excluent pas l’éventualité d’être appelé à collaborer de façon ponctuelle avec l’Agence
mondiale de solidarité numérique. Ce stage ouvre ainsi de nouveaux horizons qui m’ont
d’ailleurs inspiré un projet de recherche-action alliant mes ambitions de poursuivre une thèse
professionnelle (de Doctorat) et ma disponibilité à apporter mes compétences professionnelles
au profit d’une organisation intervenant dans le secteur des TIC. La proposition qui a été faite
donc à l’issue de ce stage est de créer un Observatoire des Réseaux d’Information et des
Initiatives de Solidarité Numérique (ORISON) qui aura pour rôle de produire des études, des
articles, des statistiques, bref tout contenu (à valeur universitaire de recherche) susceptible
d’alimenter le futur portail mondial de la solidarité numérique. Cette proposition est en cours
d’étude mais a le mérite de s’inscrire dans une vision plus globale de renforcement de
l’expertise de l’Agence mondiale de solidarité numérique aussi bien du point de vue de la
collaboration avec les chercheurs universitaires, que du point de vue de l’évaluation des
actions et de l’impact de la solidarité numérique dans les villes du Sud bénéficiaires.
Aaron Lynch
51
Bibliographie
OUVRAGES
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52
RHEINGOLD Howard, Les communautés virtuelles, Addison-Wesley France, 1995.
PILLOU Jean-François, COUSIN Capucine, Tout sur le Web 2.0, DUNOD, 224 p., 2008.
SUROWIECKI James, The Wisdom of Crowds : Why the Many Are Smarter Than the Few and How
Collective Wisdom Shapes Business, Economies, Societies and Nations, New York : Doubleday, 2004.
SUTTER Eric, Pour une écologie de l’information, Association française des documentalistes et des
bibliothécaires spécialisés (Paris), 1998.
BLIN Ludovic, La réalité virtuelle, Mémoire de DESS, Université Paris Dauphine, 1999.
BOYD Danah, Friendster lost steam. Is MySpace just a fad ? Apophenia Blog, 2006.
(http://www.danah.org/papers/FriendsterMySpaceEssay.html)
Le DEUFF Olivier, Culture de l'information et web 2.0 Quelles formations pour les jeunes
Générations, Doctoriales du GDR TIC & Société, Marne-la-Vallée, 2007.
PIMIENTA Daniel, Fracture numérique, fracture sociale, fracture paradigmatique, Juillet 2007,
pp.7-8.
53
RAPPORTS – GUIDES – COLLOQUES & CONFERENCES
ARNAUD Michel, La nécessaire ingénierie sociale au-delà de la réduction de la fracture numérique,
Conférence “TIC & Inégalités : les fractures numériques”, Paris, Carré des Sciences, 18-19 novembre
2004.
DGCID (Direction générale de la Coopération Internationale et du développement), Guide de la
Coopération décentralisée pour la solidarité numérique, 2008, p.21.
FEIL Renaud, « Le Web 2.0 : Plus d’ergonomie…et moins de sécurité », Journée Sécurité des
Systèmes d’Informations (OSSIR), 22 Mai 2007.
KIYINDOU Alain, De la fracture numérique à la fracture cognitive : pour une nouvelle approche de
la société de l’information, Journée d’Etudes thématique, IUT Robert Schuman de Strasbourg, Mars
2007.
PROULX Serges, Entre société de l’information et sociétés des savoirs partagés : horizon des
utopies, puissance des métaphores, In Colloque « Interroger la société de l’information », Congrès de
l’ACFAS, Université McGill, Montréal, 17-18 mai 2006, P.4
WEYGAND Félix, Réseaux ambiants, invisibilité, objets communicants… Transformation du statut
de l’usage et de l’appropriation, In Colloque « Interroger la société de l’information », Congrès de
l’ACFAS, Université McGill, Montréal, 18-19 mai 2006, P. 6.
54
WEBLIOGRAPHIE
POUR ALLER PLUS LOIN… SUR LE WEB 2.0
(Une liste sélective et non-exhaustive de blogs et sites de référence pour approfondir votre culture du Web 2.0)
http://blogue.biotope.ca/
http://explorateursduweb.com/
http://kesako.canalblog.com/
http://leweb2.be/
http://ru3.com/luc/projet-ru3/
http://webdoctors-iscpa.blogspot.com/
http://www.actulligence.com/
http://www.globeing.net/
http://www.homo-numericus.net/
http://www.jobetic.net/
http://www.les-infostrateges.com/
http://www.nextmodernity.com/
http://www.smartmobs.com/
http://affordance.typepad.com/ (Olivier Ertzscheid)
http://alaingiffard.blogs.com/ (Alain Giffard)
http://blog.jeanlucraymond.net/ (Jean Luc Raymond)
http://nauges.typepad.com/my_weblog/ (Louis Naugès)
http://oliviertredan.wordpress.com/ (Olivier Trédan)
http://pisani.blog.lemonde.fr/ (Francis Pisani)
http://valeurdusage.net/wordpress/ (Sebastien Sauteur)
http://www.corbineau.net/ (Bernard Corbineau)
http://www.loiclemeur.com/france/ (Loïc Lemeur)
http://www.salgues.net/ (Bruno Salgues)
http://ecolebibdoc.blogs.com/sur_la_route_du_web_20/ (sur la route du Web2.0)
www.ed-productions.com/leszed/index.php?qu-est-ce-que-les-reseaux-sociaux
55
ANNEXES
56
Annexe 1 – Questionnaire d’expression des besoins
1. Identité et coordonnées
a- Nom et Prénom :
b- Organisme et Fonction :
c- Téléphone : d- Courriel :
3. Aviez vous déjà pratiqué (utiliser, créer) des outils collaboratifs (blogs,
wikis, podcast, vidéos,…) du Web 2.0 ? OUI NON
BESOINS ET ATTENTES
57
6. Compte tenu de votre connaissance des enjeux de l’information pour le
développement et pour la construction d’une société des savoirs
partagés, pouvez-vous préciser les objectifs prioritaires que devrait viser
le portail mondial de solidarité numérique ?
…………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………
58
Annexe 2 – Contribution et avis d’experts
Michel Briand
Fonction et Organisme : Président de CRéATIF (Collectif des réseaux
d'accès public à Internet) / Adjoint au Maire de Brest / Directeur
adjoint de la formation à l’ENST Bretagne / Animateur du réseau
francophone Ecrit-public et Organisateur du forum des usages
coopératifs de Brest (2004)
Téléphone : 02 29 00 12 80
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
La co-écriture et l'attention aux initiatives ; le choix de mises en biens communs des
contenus et développements.
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? Lettre, cartographie, licence (« a-brest.net »,
« tela-botanica», « creatif-public.net », « internet actu »)
Méthodologie : « intercoop.info »
Outils-réseaux : « wiki-brest.net », « mediablog.net », « bureau-libre-free-eos.info »
59
Erik Van ROMPAY
Fonction et Organisme : Délégué Général de Renaissance numérique
Téléphone : 06 79 91 06 87
De quel type de Web-services dispose votre organisme ? Site Web institutionnel, Blog,
Autres…
Quelles activités pourriez-vous mettre en avant sur ce réseau ? Partage de nos dossiers.
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Retour d'expériences ; existence de réseaux et d’initiatives locales ; lien entre donneurs
de machines et demandeurs,...
Téléphone : 06 13 65 09 43
De quel type de Web-services dispose votre organisme ? Site Web institutionnel, Portail,
Blog, Wiki, Autres…
Quelles activités pourriez-vous mettre en avant sur ce réseau ? Aucune pour l’instant.
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Initiatives des autres membres du réseau ; expression des besoins des pays en voie de
développement numérique.
60
GUY AHO Tete benissan
Fonction et Organisme : Coordinateur du REPAOC (Réseau
des Plates-formes nationales d’ONG d’Afrique de l’Ouest)
/ Administrateur du site www.repaoc.org
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Réunir et impliquer à travers un réseau d\'échange l'ensemble des acteurs
francophones de la solidarité numérique. Adopter et porter des positions communes en
se basant sur des besoins et attentes identifiés et recueillis en vue de la réduction des
fractures numériques.
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? www.ong-ngo.org, www.alternet.org,
www.repaoc.org
61
Julien BAYOU
Fonction et Organisme : Chargé de mission au Pôle relations
Internationales de l’ONG Coordination Sud
Téléphone : 01 44 72 80 12
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Actualités multilatérales, Emploi, Financement, Formations.
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? www.ong-ngo.org, www.alternet.org
62
DENIS DESCUBE
Fonction et Organisme : Chargé de mission ARDESI
Téléphone : 0567777680
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? O-TEN, ERISA
63
LEGALE ERIC
Fonction et Organisme : Directeur Issy Média
Téléphone : 0141238260
De quel type de Web-services dispose votre organisme ? Site Web institutionnel, Blog.
Selon vous, quels doivent être les prioritaires du portail ? Infos concrètes et
pratiques concernant la mise en oeuvre de la solidarité numérique
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? O-TEN, ERISA
64
MIChel lamotte
Fonction et Organisme : Président du Réseau national de Solidarité Numérique des
Jeunes du Sénégal
65
Komi kounakou
Fonction et Organisme : Stagiaire, Chargé de mission à l’Association
Villes Internet (Projet « Label Villes Internet Afrique ») / Sémiologue &
Enseignant de la langue française.
Téléphone : 06 28 54 66 64
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Internet citoyen, e-démocratie, économie numérique et développement social.
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? http://www.web-2-com.net/
http://web2territorial.jimdo.com/
66
QUEVIN MOZOGO
Fonction et Organisme : Stagiaire, Chargé de mission à la
Délégation aux Usages d’Internet (« Projet Internet
Accompagné »)
Téléphone : 06 59 44 16 41
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Internet citoyen, e-démocratie, économie numérique et développement social.
Pourriez-vous citer des modèles existants sur internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? http://www.web-2-com.net/
http://web2territorial.jimdo.com/
67
Ousmane GUEYE
Fonction et Organisme : Mairie de Guédiawaye (Dakar - Sénégal ) /
Assistant, Chargé de projet sur la réalisation d’un e-atlas collaboratif
pour la e-gouvernance et le développement durable de
l’agglomération dakaroise (en coopération décentralisée avec la
communauté d’agglomération de Castres - Mazamet)
Selon vous, quels doivent être les axes d'information prioritaires du portail ?
Les nouvelles démarches et/ou politiques TIC en en vogue dans la sphère mondiale de
la société de l'information.
Les programmes et projets disponibles pour l'intégration des couches défavorisées
dans la mouvance de la solidarité numérique.
Pourriez-vous citer des modèles existants sur Internet qui pourraient constituer des
références pour ce projet de portail ? www.burkina-ntic.net
68
Annexe 3 – Lexique de l’usager 2.0
Le Web 2.0 a un jargon spécifique. Voici une phrase qui peut paraître comme un
casse-tête chinois pour un non-initié au vocabulaire du Web 2.0. C’est la formulation de la
mission d’une entreprise Web 2.0 : « Nous allons crowdsourcer notre réseau social en
proposant un mashup qui permettra aux bloggueurs syndiqués de taguer nos podcasts afin de
tirer la quintessence de notre long tail. Une API Ajax sera également proposée. »
Vous n’y avez rien compris ? Voici un petit lexique du Web 2.0 pour vous aider !
69
Annexe 4 – Puzzle de l’identité 2.0
Commentaire :
70
Annexe 5 – Design de la visibilité : Un essai de typologie du Web 2.0 (Dominique CARDON)
Commentaire :
Dans cette typologie des outils Web 2.0, le portail francophone collaboratif sur la
solidarité numérique se positionne comme un portail fédérant les acteurs de l’Infodev et
de la solidarité numérique dans une approche de « l’identité agissante ou PHARE » avec
une perspective d’interaction entre le « Réel et le Faire ».
« Les participants rendent visibles de nombreux traits de leur identité, leurs goûts et leurs
productions et sont facilement accessibles à tous. En partageant des contenus, les
personnes créent de grands réseaux relationnels qui favorisent des contacts beaucoup
plus nombreux, la rencontre avec des inconnus et la recherche d’une audience. La photo
(Flickr), la musique (MySpace) ou la vidéo (YouTube) constituent alors autant de
moyens de montrer à tous ses centres d’intérêt et ses compétences et de créer des
collectifs fondés sur les contenus partagés. La visibilité des personnes s’étend du seul
fait que les amis sont aussi considérés comme des bookmarks, puisqu’ils servent parfois
de concentrateurs de contenus d’un type particulier. Dans l’univers du phare, la visibilité
fait souvent l’objet d’une quête délibérée et s’objective à travers des indicateurs de
réputation, des compteurs d’audience et la recherche d’une connectivité maximale. »
Dominique CARDON, « Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0 »,
Février 2008
71
Annexe 6 – Schéma conceptuel du projet
72
Annexe 7 – Planning général du projet
73
Annexe 8 – Conférence de Lyon (Nov. 2008) :
« De nouvelles formes de solidarité pour le développement »
I. Général
Que s’est-il passé depuis les Sommets mondiaux sur la société de l’information ?
Les Sommets mondiaux sur la société de l’information (SMSI) de 2003 à Genève et 2005 ont été la
résultante d’un intéressant et singulier processus multi-acteurs. Ces SMSI ont permis de faire le
constat de la fracture numérique et de reconnaitre à l’échelle mondiale l’urgence d’une initiative forte
pour mettre en œuvre les moyens nécessaire à la réduction du fossé numérique.
Huit ans après le lancement de la Déclaration du Millénaire (et à mi-chemin du laps de temps donné
pour réaliser ces objectifs : 2015), trois ans après la deuxième phase du Sommet de Tunis sur la
Société de l’Information (SMSI) et le lancement du Fonds (FSN) et de l’Agence mondiale de solidarité
numérique (ASN), une première étape forte peut-être considérée comme validée grâce au travail
réalisé par le FSN et l’ASN au niveau politique, juridique et dans l’accompagnement et la mise en
œuvre de certain projets. Cela ne constitue qu’une première phase qui nécessite aujourd’hui une
mobilisation au plus haut niveau des acteurs mondiaux de la société de l’information.
Quels types de projets ont été financés et réalisés par le FSN et l’ASN depuis 2005 ?
Issus de la forte dynamique partenariale des Sommets mondiaux sur la société de l’information de
Genève et Tunis (2003 et 2005), le Fonds et l’Agence mondiale de solidarité numérique ont entrepris
de nombreuses actions et engagés une vaste mobilisation politique en faveur de la solidarité
numérique. La question du financement est pilotée par le Fonds mondial de solidarité numérique
(FSN). Le FSN a réussi en l’espace de 3 ans à réunir 27 membres fondateurs et à fédérer l’appui
politique de 135 pays du sud sur le principe du 1% numérique (par l’intermédiaire du soutien de
nombreuses organisations internationales : ONU, Union Européenne, Union Africaine, NEPAD,
Francophonie, Organisation de la Conférence Islamique, Mouvements des pays non-alignés, Pays
ACP).
Ce principe propose aux collectivités publiques et aux entreprises volontaires qui souhaitent agir
directement contre la fracture numérique d’introduire une clause de solidarité numérique dans leurs
appels d’offres informatique et télécoms. Parallèlement aux questions de financement, le FSN a
soutenu directement 10 projets pilotes au Burkina Faso et au Burundi, depuis 2005 sur le thème de la
santé et de l’éducation.
Le FSN a également, en étroite collaboration avec Hewlett Packard, initié un programme de gestion
des e-déchets dans 4 pays africains (Afrique du Sud, Kenya, Maroc, Sénégal). Alain Madelin,
récemment élu à la présidence du FSN (6 novembre 2008) a lancé deux grands projets sur la
télémédecine et la e-éducation.
L’Agence mondiale de solidarité numérique (ASN) a mis en place une expertise technique, une
méthodologie des préconisations visant à faciliter la concertation, la coordination et la mise en
cohérence d’actions de solidarité numérique hétérogènes portées par les collectivités. Elle a
accompagné la mise en ouvre de 10 projets de solidarité numérique dans la cadre de la coopération
décentralisée, elle a édité un guide technique sur la coopération décentralisée et la solidarité
numérique et a mobilisé différents réseaux de villes et pouvoirs locaux sur ces enjeux. L’objectif de
l’ASN est de permettre la catalyse de projets afin d’éviter les redondances et les superpositions
improductives.
74
Pourquoi malgré les engagements, les plans d’actions et de multiples initiatives, la fracture
numérique continue-t-elle à se creuser ?
Les différentes initiatives issues des SMSI se sont dispersées et n’ont pas pu produire les effets
escomptés. La majorité des acteurs ont considéré que la technologie et le marché pouvaient à eux
seuls réduire la fracture numérique. Or il existe des fractures multiples : cognitives, sociales,
ethniques, géographiques, rurales, de genre, de langues, etc.
L’explosion des TIC dans le monde (2637 milliards d’USD en 2006) a permis à l’Inde et la Chine de
devenir cette année les premiers producteurs de biens et de services numériques. Pour autant, les
fractures numériques se sont creusées car les bénéfices de ces avancées purement technologiques
profitent essentiellement aux élites de ces pays. De plus, les principales avancées dans la réduction
de la fracture numérique concernent essentiellement la téléphonie mobile et non l’accès à
l’informatique et à internet.
Enfin, les pays les moins avancés restent majoritairement exclus des bénéfices de la société de
l’information (1 à 2% de connectivité).
De nombreuses études démontrent le lien entre l’info-densité et l’indice de progrès humain. Il est
communément admis que 1% de télé-densité fait gagner 1% de PIB. La réduction de la fracture
numérique est donc un enjeu déterminant pour les pays les moins avancés (PMA) que ce soit sur le
plan économique, politique, social, éducatif, sanitaire, culturel et des droits de l’homme :
Sur le plan économique : l’accès aux TIC est incontournable pour stimuler l’activité et la croissance
économique des pays les moins développés (que ce soit dans les zones rurales ou dans les quartiers
déshérités des grandes métropoles).
Sur le plan politique : l’accès aux TIC est nécessaire pour assurer une meilleure gouvernance et pour
assurer la pleine participation des pays du tiers monde dans la mondialisation.
Sur le plan social : l’accès aux TIC est nécessaire pour stabiliser les populations rurales (éviter leur
fuite, d’abord vers les grandes métropoles, puis vers les pays industrialisés).
Sur le plan éducatif : l’accès aux TIC est déterminant pour assurer l’instruction des enfants des
populations déshéritées (principe de l’égalité des chances).
Sur le plan sanitaire : la lutte contre les grandes pandémies passe nécessairement par une meilleure
connexion des acteurs concernés.
Sur le plan culturel : la diversité culturelle et linguistique ne pourra exister dans la globalisation sans
l’appui des TIC.
Sur le plan des droits de l’Homme : le droit de s’exprimer aujourd’hui passe par l’accès aux TIC.
La solidarité numérique est née des premiers sommets multi-acteurs organisés par l’ONU à Genève
et Tunis en 2003 et 2005. C’est une réponse concrète à la fracture numérique proposée par le
Président Abdoulaye Wade avec le soutien de plusieurs chefs d’Etats africains (Alpha Omar Konaré,
A. Bouteflika, O. Obasanjo). La dynamique multi-acteurs née de ces sommets s’est vite arrêtée après
le sommet de Tunis, faute de suivi efficace sur le sujet de la fracture numérique. Le principe de
solidarité numérique s’est néanmoins concrétisé à travers la création du Fonds (2005) et de l’Agence
mondiale de solidarité numérique (2006). La solidarité numérique envisage la réduction des
différentes fractures numériques comme un travail collectif qui doit rassembler les différents acteurs
concernés : autorités locales, gouvernements, institutions internationales, secteur privé, ONG, media,
syndicats.
« Penser global pour agir local » est une bonne maxime pour la solidarité numérique. La conception
de son action se fait par un travail collectif qui rassemble la globalité des acteurs concernés par un
problème complexe. Et l’action, dans sa finalité, se joue au niveau local, dans les villes et pouvoirs
locaux.
75
Quel est le lien entre le processus de Monterrey entamé en 2002, la rencontre de Doha prévue
en décembre 2008 et la conférence de Lyon du 24 novembre ?
L’année 2008 va culminer en matière de questions de développement avec le Sommet des Nations
Unies sur le financement du développement de Doha (du 29 novembre au 2 décembre
2008). Parmi les questions à l’ordre du jour figurent les mécanismes innovants de financement pour le
développement (initiative française). Durant toute l’année 2008 (avant le Sommet de Doha),
de très nombreuses organisations prendront position sur la proposition du FSN d’une « contribution
volontaire de 1% de solidarité numérique » (Union Africaine, Organisation Internationale
de la Francophonie, Organisation de la Conférence Islamique, Pays non alignés, NEPAD, Conférence
des Pays ACP, etc.).
Le Groupe pilote sur les contributions innovantes au développement (dont la France assure le
Secrétariat) vient de valider lors de sa session plénière le 23 avril 2008 à Dakar un projet d’accord sur
la « contribution volontaire du 1% de solidarité numérique ». Une deuxième session plénière de ce
Groupe pilote en octobre 2008 permettra de finaliser cet accord. Ainsi, en novembre 2008, la France
pourrait permettre par son action un large consensus en faveur du principe d’une contribution
spécifique et volontaire pour réduire la fracture numérique. En présentant cette initiative à Doha, la
France pourra fournir une réponse concrète à l’une des questions les plus cruciales pour l’avenir des
pays en développement.
L’alimentation financière du Fonds repose sur la cotisation de ses membres fondateurs et sur
l’engagement des collectivités publiques locales, des institutions publiques ou des entreprises qui
décident de mettre en œuvre volontairement le 1% numérique ou « Principe de Genève ». Il s’agit
d’une contribution de 1 % de la transaction totale des marchés publics relatifs aux technologies de
l’information.
Clairement spécifiée dans l’appel d’offres, ne pouvant faire l’objet d’une interprétation ou d’une
négociation, cette contribution de l’entreprise qui a obtenu le marché n’entraîne aucune distorsion de
concurrence. Cette contribution donne droit au label « solidarité numérique ».
Selon une étude approfondie de l’Université de Zurich [1], la mise en œuvre de ce principe est
compatible avec le code des marchés publics de l’Union Européenne. Les villes de Genève et de
Lausanne l’appliquent depuis 2 ans sans problème particuliers. Ainsi, une quinzaine d’entreprises
contribuent à ce 1% numérique (dont Hewlett Packard et Sun Microsystems). Ce principe novateur est
à l’étude dans différents pays pour envisager son application sur une base beaucoup plus large.
L’Union Européenne mène différentes politiques en faveur du développement des pays les moins
avancés et en faveur des TIC mais n’a pas encore de stratégie spécifique pour l’info-développement
et donc la solidarité numérique.
L’Europe est aussi intéressée (pour des raisons politiques, économiques, sociales et culturelles),
notamment en Afrique, à répondre à la très forte demande des jeunes pour un accès plus équitable à
la société de l’information. L’Europe a un intérêt économique majeur à rester présente sur le marché
des TIC dans les pays en développement, notamment en Afrique. L’Europe est directement
concernée par le flux d’émigrants provenant des pays en développement. Or, en octroyant aux
populations les plus déshéritées des accès aux TIC, on leur fournit des possibilités de développement
sur leur propre sol. Les partenaires en développement de l’Europe (Etats ACP) ont exigé des actions
pour réduire la fracture numérique et promouvoir une plus grande solidarité numérique (lors du
76
Sommet ACP de décembre 2006 à Khartoum). Ce dernier Sommet a appelé directement l’Europe à
mettre en œuvre le principe de « la contribution 1 % de solidarité numérique ». D’autres partenaires
de l’Europe concernés par la fracture numérique (Etats OCI, Union Africaine, NAM, Etats
francophones, etc.) se sont engagés à soutenir la proposition du Fonds mondial de Solidarité
Numérique d’un mécanisme dédié à réduire la fracture numérique, le « Principe de Genève » ou la »
contribution de 1% de solidarité numérique ».
Quel est l’engagement de l’Europe dans le processus mondial de réflexion sur les mécanismes
de financement innovants pour le développement ?
Les Etats européens ont soutenu l’idée de mécanismes innovants de financement pour le
développement (initiative J. Chirac en janvier 2004). Le mécanisme proposé par le Fonds mondial de
Solidarité Numérique pour réduire la fracture numérique s’inscrit dans ce type de mécanismes.
L’Europe a un intérêt évident à ce que la Conférence de Doha (évaluation de la Conférence de
Monterrey de 2002) aboutisse à des résultats satisfaisants.
La France est pour l’instant le seul pays développé membre fondateur du Fonds mondial de Solidarité
Numérique. Deux membres du gouvernement français actuel ont plaidé en faveur du
FSN et du mécanisme innovant qu’il propose pour réduire la fracture numérique (M. Michel Barnier et
M. André Santini). La France a créé un fonds spécifique de coopération sur la solidarité numérique
dont elle a confié la maîtrise d’ouvrage à l’Agence mondiale de solidarité numérique. En apportant son
soutien au FSN, la France répond à une initiative qui a été soutenue fortement et unanimement par
tous les pays en développement (et par de très nombreuses institutions internationales). La France a
été déterminante dans le lancement du concept de contributions innovantes pour le développement.
Le Sommet des pays francophones (Sommet de Bucarest en 2006) est le premier Sommet qui est
intervenu pour soutenir le Fonds mondial de Solidarité Numérique et le principe d’une « contribution
de 1% de solidarité numérique ». La « Francophonie numérique » est un combat important dans la
mondialisation où l’anglais représente 70 % des contenus du web. Les Etats en développement
francophones (notamment en Afrique mais également en Asie) sont les plus concernés par la fracture
numérique. Une grande partie des immigrés africains en France proviennent d’Etats francophones
fortement handicapés par leur manque d’accès internet.
Depuis 2006, l’Agence mondiale de solidarité numérique (ASN) est le partenaire de référence de la
coopération française sur les questions de solidarité numérique. Dans sa stratégie de mobilisation de
la coopération décentralisée française en faveur de la solidarité numérique, l’Agence mondiale de
solidarité numérique a été chargé de mettre en place un processus d’expertise et de concertation
entre collectivités locales du nord et du sud.
Un guide pratique reprenant les cadres d’actions internationaux, des fiches méthodologiques et les
meilleures pratiques des collectivités françaises et de leurs partenaires du sud, vient de paraitre sous
la direction de l’ASN et aux publications de la Direction de la coopération française (DGCID).
Quel est l’engagement de la France dans le processus mondial de réflexion sur les
mécanismes de financement innovants pour le développement ?
77
V- Lyon et Rhône-Alpes
D’où vient l’engagement de Lyon et Rhône-Alpes pour la solidarité numérique ?
Parallèlement aux SMSI, se sont organisés les sommets mondiaux des pouvoirs locaux sur la société
de l’information à Lyon en 2003 et à Bilbao en 2005 qui ont explicitement défini le rôle déterminant
des villes et des pouvoirs locaux dans la lutte contre la fracture numérique. Ces derniers ont démontré
la pertinence de l’échelon local dans la mise en œuvre de stratégies de solidarité numérique. Agir au
niveau de l’échelon local permet de répondre aux besoins précis des populations et de construire des
projets en collaboration étroite avec l’ensemble des acteurs d’un territoire : secteur public, universités,
ONG, institutions locales, secteur privé, medias locaux, etc.
C’est dans ce sens que le Président du Sénégal, Maitre Abdoulaye Wade, s’était lui-même déplacé
pour assister au Sommet de Lyon afin de requérir l’engagement des pouvoirs locaux en faveur de la
solidarité numérique en insistant sur le fait que dans un contexte mondial de plus en plus favorable à
la décentralisation, seul l’échelon local pouvait permettre de parvenir à une articulation efficace des
actions des différents partenaires de la collectivités.
L’ensemble de ces sommets ont permis d’une part aux Etats et d’autre part aux pouvoirs locaux de
converger vers la nécessité de disposer de structures et moyens capables d’accompagner les
collectivités et leurs partenaires dans le financement de leurs projets et de faciliter la concertation
entre les différents protagonistes.
La Région Rhône-Alpes et le Grand Lyon ont été les collectivités pionnières à défendre et s’engager
concrètement pour la solidarité numérique. Elles sont au cœur d’un processus mondial dont le
lancement politique a eu lieu à Lyon il y a 5 ans, lors du Sommet mondial des villes et des pouvoirs
locaux sur la société de l’information qu’elles ont organisé ensemble. De plus, la Communauté
Urbaine de Lyon est à l’initiative de la création de l’Agence mondiale de solidarité numérique, qu’elle
préside et soutient actuellement dans sa phase de lancement. Enfin, Rhône-Alpes et Lyon sont deux
grandes collectivités européennes qui sont fortement engagées depuis longtemps dans des actions
de coopération décentralisée, cadre efficace pour le développement.
78
Trouver des modes de financements ad-hoc pour la solidarité numérique et notamment permettre
l’expérimentation du 1% numérique au niveau des autorités locales, obtenir l’engagement de bailleurs
sur des projets.
Mettre en place une organisation pérenne qui permette la catalyse de projets innovants et
finançables par les bailleurs internationaux (idée de lancement d’un Forum mondial de solidarité
numérique, rôle du FSN et de l’ASN)
En quoi cette initiative profitera de manière durable à la lutte contre la fracture numérique ?
Dans un contexte mondial en pleine évolution, la conférence de Lyon sera le point de départ d’une
nouvelle dynamique multi-acteurs sur la solidarité numérique. Elle permettra de sensibiliser à
l’importance de ces enjeux et d’impliquer de nouveaux partenaires, notamment européens, dans cette
démarche novatrice.
[1] Weber Rolf H./Menoud Valérie, The Information Society and the Digital Divide - Legal Strategies
to Finance Global Access, Zurich/Bâle/Genève 2008.
Weber Rolf H./Menoud Valérie, The Digital Solidarity Clause - An Analysis in the Light of Contract,
Public Procurement, and Competition Law, in : Gauch/Werro/Pichonnaz (eds.), Mélanges en
l’honneur de Pierre Tercier à l’occasion de son 65ème anniversaire, Zurich/Bâle/Genève 2008, pp.
471-494.
79
« Construisons ensemble un avenir numérique solidaire »
80