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Université de Groningen
Damokratidas de Sparte
1. Cet article est issu d'une communication réalisée pour le séminaire du Centre Louis
Gemet. D'autres versions furent aussi présentées aux séminaires de Groningen. Londres,
et l'Institut Néerlandais d'Athènes. J'aimerais remercier l'ensemble des participants de
ces séminaires pour leurs commentaires. Je voudrais aussi remercier Valérie Huet pour
m'avoir grandement aidé à établir la traduction française. Toutes les erreurs et omissions
sont entièrement dues à l'obstination de l'auteur.
2. IG V 2, 553 : el TTOi'-l, no. Ali'-lOV l>alJ-OKpcnloav 'Ai'-KaVOplOa elpXlE:pÉa TOÛ
L:E~a(JTOÛ Kat n;]v 8ElWV TTPOYOVWVatJTOÛ, cpli\oKalGapa Kat q,li\oTTarplV, alwvlOV
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TOV VOIJ-OV].
Dès le début, Platées occupa une position spéciale dans les mémoires spartiate en dépit du soin qu'ils avaient manifesté pour les tombeaux des
grecques. Cette ville insignifiante évoquait, plus que les autres sites, Spartiatesl4.
l'unité grecque face à l'ennemi barbare et les efforts collectifs pour la Il est important de noter que ni Hérodote, ni Thucydide ne
liberté grecque. Il ne semble pas du tout surprenant que les Grecs aient mentionnent les Jeux de la Liberté qui apparaissent si importants chez
voulu célébrer cette mémoire par une tradition de jeux panhelléniques, les auteurs postérieurs. Il est probable qu'ils remontent à une deuxième
dont, sous l'empire romain, ils aimaient à penser qu'elle remontait au phase, quand sous l' hêgemonia macédonienne la mémoire de Platées
cinquième siècle 10. Mais, les Jeux de la liberté grecque furent une constituait un « lieu commun» autour duquel les Grecs se rassemblaient.
tradition inventée à une période postérieure. Il vaut donc la peine de Les Jeux de la Liberté grecque sont attestés dans des sources littéraires
prendre en compte l'histoire des jeux et la place qu'occupait Platées dans et épigraphiques datant du me siècle av. J.-c. au Illesiècle apr. J.-c.
la mémoire grecque, car ce rôle de Platées comme lieu de mémoire était Parmi les plus anciens textes faisant référence aux Eleutheria, le plus
flexible et s'adapta bien aux grands changements de l'histoire grecque important est une inscription de 262-246 en l'honneur d'un certain
des périodes hellénistique et romaine. Glaukos, qui poursuivait une camière civique à Athènes, mais qui
On peut distinguer dans cette histoire au moins trois réorientations collaborait aussi avec le Lagide Ptolémée II15. Ce texte nous montre
fondamentalesll. Dans une première phase, au cinquième siècle, le qu'en ce temps-là, un ensemble symbolique et rituel existait déjà:
souvenir de Platées servit aux cités grecques comme source de prestige l'assemblée commune des Grecs régissait les cultes joints de Zeus
dans le monde grec d'après-guerre. Il était alors important de se Eleutherios et d' Homonoia, le sanctuaire, le prêtre de Zeus, et bien sûr
présenter comme cité libératrice de la Grèce, et - était-ce nécessaire - de une compétition athlétique. Étienne et Piérart ont proposé 330 av. J.-c.
dissimuler les indices de connivence avec l'ennemi. Platées fut l'un des comme date de reconstruction de Platées par les Macédoniens. Cette
lieux principaux où les cités grecques négocièrent leur position datation est adoptée par d'autres historiens.
respective. En fait, on créa presque immédiatement autour de Platées une Les Eleutheria semblent donc avoir été une « tradition inventée »
série de légendes, comme nous le montre Hérodote. Dans un passage pendant l'ère macédonienne. Leur fonction principale était probablement
parlant du champ de bataille, il évoque les tombeaux des hoplites de réunir les cités grecques disparates en une communauté, sous
athéniens et spartiates qu'on peut y voir, mais aussi les tombeaux vides l'hégémonie des rois macédoniens, en représentant les chang~ments
construits par des cités grecques qui, même si elles avaient été absentes comme une restauration des pratiques anciennes ou, du mOInS, en
lors de la bataille, voulurent se poser en libératrices de la Grèce 12.Ce fut suggérant une sorte de conti"uité entre le présent et le passé. Les lieux de
d'ailleurs cette dénonciation iconoclaste qui valut à Hérodote, beaucoup mémoire se posent en effet souvent comme des noya~x nat~re!s autour
plus tard, le reproche de kakoêtheia, malignité, de la part de Plutarquel3. desquels on peut construire de nouvelles traditions. L aSSOCiatIOn, entre
Thu~ydide mentionne les funérailles sur place des « morts pour la Platées et la lutte contre les Perses fut utile au temps de la formatIon de
patrIe » (ce qui était un rare honneur), mais il ne mentionne pas les la Ligue de Corinthe, quand les Grecs étaient au point de s' embarquer ~e
prétentions douteuses de certaines cités. Il s'intéresse plutôt au sort des nouveau dans une expédition militaire contre les barbares. Une fOlS
Platéens qui devaient faire face à la destruction de leur ville par l'armée établies les Eleutheria continuèrent à être organisées tous les quatre ans
et des a~hlètes venant de toutes les parties du monde grec y participèrent,
10. Cf. Strabon. IX. 2. 31, Plutarque, Aristide, 21, 1-2, Pausanias, IX, 2, 4, Philostrate, comme nous le montrent les stèles érigées pour les vainqueursl6.
Gymn. 8.
Il. Pour un aperçu global. voir Schachter 1994, pp. 125-143. 14. Thucydide, III. 58,4 (Tr. 1. de Romilly) : « Tournez vos regards vers les tom?eaux
I~. Hé~odote,9..84, (tr. Legrand): « Après s'être partagé le butin à Platées,les Grecs de vos pères. Ils sont tombés sous les coups des Mèdes ~t ils rep~s~nt en ~erre Plateenne.
se mIrent a ensevelIr leurs morts, chaque peuple séparément... Dans les tombes de tous Nous les honorions chaque année en leur offrant aux fraIs de la cIte des veteme~ts.et tout
ces peuples on déFosa réellement des cadavres: quant aux autres peuples dont on montre ce qu'il est d'usage d'offrir aux morts. Nous apportions sur leurs tombes les premIces de
ausSI les tombes a Platées, ceux-là, à ce que j'ai appris, honteux d'avoir été absents de la tous les produits que, de saison en saison, nous récoltions sur notre sol. »
bataille. ont élevé chacun pour soi des tertres vides à l'intention de la postérité. » 15. Étienne and Piérart 1975 ; cf. Schachter 1994, p. 131.
13. Plutarque, De malignitate Herodoti, 42 (872 2, 0, cf. Wes 1987; Wes 1991. 16. Cf. la liste dans Schachter 1994, p. 139.
276 0",,0 VA'.:"UF ARISTOS HELLENÔN 277
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PouI1ant, la popularité des Eleutheria, les Jeux de la liberté, semblent sont des inscriptions honorifiques érigées pour les athlètes vainqueurs
avoir atteint son sommet à l'époque romaine, quand eleutheria, la liberté qui, en grande majorité, remontent à l'époque impér~ale2l. ,
même, eut disparu complètement sous l'empire romain. Notre Publius Ce ne sont pas seulement les athlètes de cette epoque qUI se sont
Aelius Damokratidas, patriote spartiate et sujet loyal de l'empereur intéressés aux Jeux de la Liberté, mais aussi les écrivains et intellectuels,
romain, a dû mesurer cette ironie. qui continuèrent à élaborer des mythes et des légendes autour des jeux
La mainmise romaine sur le monde grec initia en effet une troisième de Platées. Pausanias fut le premier auteur grec à mentionner la course
phase d'élaboration de mémoire et de rites autour de Platées. Des en armes qu'il présenta ~omme une1~radition ~~~ienne.~out en soulig~ant
élaborations qui renforcèrent le rôle de Platées comme lieu principal des le prestige contemporam des Jeux--. Au trolslem~ slecle de notre er~,
mémoires grecques, mais qui contribuèrent aussi fortement à situer les Philostrate, sophiste et courtisan à la cour de Jul~a Domna, le~ notaIt
jeux et le culte dans le présent romain. La première innovation de cette
aussi comme une tradition ancienne, dans son lIvre Gumnastzkos, Il
époque fut l'addition à l'ensemble rituel d'une nouvelle cérémonie: le
ajouta des détails fantastiques. A~nsi, u~e foi.s q~'un athlè~e avait obtenu
Dia!ogos, connu surtout par des inscriptions et des sources littéraires
le titre d' « Aristos Hellenôn », Ii ne 1 auraIt defendu qu en mettant s.a
impérialesJ7. Le Dialogos était un événement quadriennal organisé par le
propre vie enjeu23. S'il s'agissait ici d'u?e vraie traditi~n, c~lajetteral~
koinon sunedrion des Grecs, deux ans avant une nouvelle célébration des
un jour nouveau sur les rares athlètes qUI se vantal~nt d aVOIr remporte
Eleutheria. Son but était de régler la question de préséance dans la
ce titre deux fois24, mais il faut se rappeler que Phliostrate est la seule
pompé, la procession qui ouvrait les Jeux. Les cités grecques, et surtout
source de cette histoire et il est plus que probable qu'il faille la regar?er
Sparte et Athènes, luttaient âprement pour ce privilège, et envoyaient des
comme un exemple de la capacité des intellectuels de la période .ro~ame
délégations et des rhéteurs pour défendre leur point de vue. Le critère
à fabriquer de nouveaux mythes sur le passé grec et sur les prInCIpaUX
principal semble avoir été la question des aristeia que chaque cité avait
lieux de la mémoire grecque.
jadis accomplis lors de la bataille de 479 av. J.-c. L'invention de cette
tradition pourrait reposer sur un précédent ancien: la brouille qui, L'hellénisme de la seconde sophistique
comme nous le dit Hérodote, se développa parmi les Grecs en 479 quand
ils essayèrent de déterminer qui avait été le plus méritant (ou quels Les Jeux de Platées ont alors non seulement attiré l'attention des
avaient été parmi eux les plus méritants) pendant la guelTe 18. Elle est athlètes mais ils ont aussi fait appel à l'imagination des intellect.uels
révélatrice des attitudes des Grecs sous l'empire romain qui, regardant le grecs d~ l'empire romain. Intéressons-nous donc brièvement au clImat
passé, ne cherchaient pas à résoudre cette question pour l'étemité, mais culturel de l'époque. Il est bien établi que la culture g:,ecque a connu ~ne
rouvraient le débat tous les quatre ans à l'occasion d'une cérémonie vraie Renaissance tout au long des trois premiers slecles de notre ere.
publique. Ainsi le Dialogos transformait Platées en un champ de bataille --,----
21. Voir la liste àlafinde l'article. ,
perpétuel pour les Grecs eux-mêmes, champ où ils réglaient les questions ",
22 Pausanias. IX, 8 : où TTOppW 6È èmo TOO KOlVOO Tl]V 'EHTjvwv LllOÇ :CJTl,V
de prestige dans leur monde contemporain en faisant appel au passél9.
'EÎ\EU~EPlOU ~wIlOÇ., ayouCJl ôÈ Kal VÙv ËTl à:-wva Ôl~ ËTou~ TT::>:TTTOU,,Ta ô~
C'e.st aussi à cette époque qu'on semble avoir essayé de régler la 'EÎ\EUBdpw, èv W IldyuJTa ydpa TTpOKelTal ÔPOlloU BEOUCJ,l ,ô<: WTTf,l~~:lO.l TTP~O
questIon des aristeia des individus, par l'institution de la fameuse course Ol EÎ\i\Tjve"
TOO ~WIlOO, TpoTTalOv ôd, 0 Tf}Ç lletXTjÇ Tf}Ç IT~aTalà~lV ~~el:J<:CJav
en ar~e~et~u!i~~e d'« Aristos Hellenôn »2°. La plupart de nos sources TTEvT<:KalôEKa CJTaôlolç llett,lCJTa ËCJTTjKEV àTTWTEPW TTjÇ TTO,\EWÇ.,
23. Philostrate Cvmn. 8 : aplCJTOç ôÈ 6 KaT à BOlWTlav Kal ITÎ\aTmav. ' .'
OTTAlTfj~
17. Pour ce qui suit. Robertson 1986. èVOlll(ETO Ôlet TE 'TO IlfiKoç TOO ÔPOIlOU Ôlet TE T~V ~11Î\lCJlV, TT~Ô~~,Tj ou~av Ka:
18. Hérodote, VIII. 123 (tr. Legrand) : « Le butin partagé, les Grecs se rendirent par CJKETTet(OUCJavTOV àBÀTjT~V, wç av El Kal lletXOlTO, ÔW Tt TO ~TT EPY~ MIlTTP;'
mer àl'Isthme. pour attribuer des prix d'excellence (àpwnÎla) à celui des Grecs qui en e M n 6lKW ôla ' TE TO VO"lCJal TaùTa "EÎ\Î\Tjvaç "" KaTa ~ap~apwv, Kal
-- B
KElCJalTW"L,' '
, ,
avaIt ete Je plus dIgne pendant cette guerre.» Cf. Robertson 1986, pr. 10]-102.
19. Cf. Alcock 2002. en particulier p. 81.
Il~V , Kal ô~à TOV VOIlOV TOV è11l
p
TOtÇ àYWVlOUlldvOl~ KElIlE,VOV: wç, VeVOlllK";V
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20. SEC Il. p. 338 (200-]80) mentionne le titre E;\<:uOdpla OTTÀlTcu TOV èmo TOO - l'a' P 'TTW ÉVW
èYYUTjTàç ËÔEl KaTaŒTTjCJal TOU CJL51laToç, BavaTO, Tj Il
TpoTTalou TTpàTOC;'Axau]v. Il est possible que ce titre soit une sorte de précurseur du '
11poCJ<:TÉTaKTo.
titre ArislOS Hellenôn. cf. Schachter 1994. p. 141.
24. Cf. les nO' 1 et 4.
ONNO VAN NIJF ARISTOS HELLENÔN 279
278
C'est un phénomène dont je ne citerai que quelques aspects25. Les cités échelle dans un débat entre deux pères de soldats athéniens tombés à
grecques prospéraient comme jamais, en Asie Mineure comme dans la Marathon, qui luttèrent pour l'honneur de prononce~ l' epitaphios logo~,
Grèce même. La littérature grecque florissait ; aussi la période 50 - 250 l'oraison funèbre, Pareillement, le sophiste Ptolemee de Naucratis
de notre ère nous a-t-elle laissé au moins cinq fois plus de textes que ressassait si souvent ce thème qu'il reçut le sobriquet Marathônios -
toute la période classique. « fils de Marathon31 ».
La culture grecque était imprégnée d'un classicisme extrême, une La popularité renouvelée des Jeux de la Liberté à Platées était
orientation marquée de l' héritage culturel grec. On l'observe dans la parfaitement conforme aux intérêts antiquisants de l'élite littéraire d~
langue littéraire même, qui voulait rivaliser avec le Grec littéraire de la l'époque romaine et au climat intellectuel d'un, mo?de g~ec ~u~
période classique. Le mouvement dit de 1'« atticisme» produisit une s'intéressait jusqu'à l'obsession à son propre passe et a son Identite
littérature qui, du point de vue linguistique, s'était considérablement culturelle. Aussi, lorsque l'orateur Aelius Aristide utilisait l'épithète
détachée du grec-koinè qu'on parlait dans la vie quotidienne26. Les « Aristos Hellenôn » pour indiquer la prééminence dans le champ
hommes de lettres qui écrivaient en grec durant la période romaine se littéraire, représentait-il ses sujets comme des champions littéraires. Son
posaient comme les héritiers légitimes de la tradition classique - souvent public reconnaissait sans doute alors la double référence: à des guerriers
ils parlaient d'eux mêmes, sans aucune gêne, comme les équivalents de mythiques, et à de célèbres athlètes de sa propre époque,
leurs fameux prédécesseurs(l'épithète « Nouvel Homère» est fréquem-
ment utilisée) 27. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre de telles L'athlétisme et l'identité personnelle
épithètes, mais elles sont une bonne indication du système de valeurs Cela nous amène à examiner l'importance du succès sportif pour la
dans lequel elles fonctionnaient. construction et la représentation de l'identité personnelle des Grecs dans
Ce « classicisme» grec se manifestait aussi sur le plan du contenu. Les l'empire romain. Il est bien connu que l'athlétisme a toujours occup~ une
auteurs grecs, et surtout les auteurs associés à la Seconde Sophistique, place centrale dans les traditions culturell~s ~r~c~ues. <?e~t~o?servatIon a
comme Pausanias, se concentrèrent, sur la mythologie grecque et sur par exemple conduit Jakob Burckhardt a defImr la ClVlhsatlOngrecque
l' histoire de la période classique. Pour les auteurs et - bien entendu - pour comme « agonistique » (compétitive) 32. Les concours occupèrent une
les lecteurs de la Seconde Sophistique, les guerres médiques étaient un position stable dans la culture grecque. Les origines exactes de l' athl.ét~sme
point de référence perpétuel. Marathon et Platées surtout continuèrent à grec restent peut-être cachées dans les replis des « Dark Ages », mais Il est
se présenter comme des points centraux de la mémoire grecque. Anthony incontestable que l'organisation des jeux se manifesta ,a.u temps d~ ~a
Spawforth parle même «d'obsession collective» (Persian War Mania)28. naissance des cités grecques. En ce temps-là, les jeux athletIques organises
Cette « mania» ne restait pas incontestée: l'historien juif Flavius dans les sanctuaires d'Olympie, de Delphes, d'lsthmia et de Némée
Josèphe reprocha à ses contemporains grecs leur inattention à l'égard du revêtaient un caractère inter-régional et commençaient à attirer des athlètes
pr~sent romain29 et Plutarque avertit son public que des références provenant de l'aristocratie des cités grecques. Il est probable qu'un
frequentes aux guerres médiques dans les oraisons publiques risquaient sentiment d'identité collective et panhellénique fut développé pour la
de provoquer des sentiments anti-romains3o. Mais c'étaient là des voix première fois au cours de ces rencontres33.
minoritaires. L'esprit du temps se manifestait plutôt dans l' œuvre du Quant aux jeux mêmes, il est frappant de constater que les
fameux orateur Polémon, où l'on trouve une sorte de Dialogos à petite compétitions sportives restèrent plus au moins les mêmes durant les
1200 ans de leur histoire. Au cours de cette longue histoire, l'athlétisme
25. Sur le phénomène général, voir par ex. Anderson 1993, Schmitz 1997, Swain
1996, et Walker and Cameron 1989.
grec demeura lié aux autres manifestations de la paideia, comme l'art et
26. Swain 1996, pp. 27-64; Schmitz 1997. la littérature. Les succès sportifs et l'excellence physique des jeunes
27. Robert 1950, p. 91.
28. Spawforth 1994. 31. Philostrate, Vitae Sophistarum, 595.
29. Bellum Judaicum, pro 13. 32. Burckhardt 1908-1910.
30. Plutarque, Praec.. 814e. Cf. Swain 1996, pp. 167-168. 33. Renfrew 1988 ; Hall 2002, pp. 154-168 ; cf. Osborne 1996, pp. 98-100.
280 ONNO VAI\ NIJF ARfSTOS HELLENÔN 281
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athlètes furent, comme on le sait, une source d'inspiration pour les Enfin, dans une série importante d'études sur le statut social des athlètes
artistes grecs. L'athlétisme joua aussi un rôle de grande importance dans grecs, Henri Pleket a établi que les élites urbaines et les aristocrates
le champ littéraire. L'historien Mark Golden a récemment établi que provinciaux de l'empire romain n'étaient jamais absents du monde de
l'athlétisme faisait partie intégrante d'un « discours de différence » l'athlétisme39. En dépit d'une mobilité sociale - réelle certes, mais
permettant aux Grecs de se distinguer des autres et de se différencier incalculable -, les élites continuèrent à dominer l'athlétisme aussi sur le
entre Grecs (même entre hommes et femmes grecs) 34.En particulier, les plan idéologique. J'ai essayé de démontrer ailleurs que les compétences
auteurs grecs de la période impériale, et surtout les auteurs associés à la athlétiques restaient partie intégrante de la représentation personnelle des
Seconde Sophistique, se montrèrent fascinés par l'athlétisme grec, sujet élites urbaines de l'Orient romain40.Cette conclusion est renforcée par ce
sur lequel ils revinrent à maintes reprises35. Des auteurs comme que nous savons du statut social des vainqueurs à la course en armes de
Plutarque, Pausanias, et Philostrate sont parmi nos sources principales Platées41. Un certain Mnasiboulos, qui fut commémoré par son fils
sur l'histoire de l'athlétisme grec. Toutefois leur intérêt pour les jeux et comme « Aristos Hellenôn », assuma dans son pays natal d'Élatées un
le sport n'était pas simplement le résultat d'un antiquarisme stérile, il com-mandement militaire dans les années 170 de notre ère, ce qui est une
était partie intégrante de leurs explorations plus extensives du paysage indication assurée de sa position élevée42. Une inscription fragmentaire
culturel grec dominé par Rome. Ainsi Pausanias et Philostrate débattaient athénienne d'un vainqueur aux Eleutheria (pas nécessairement un «Aristos
dans leur œuvres de la pertinence contemporaine des traditions Hellenôn ») mentionne un bouleute dont le nom n'est pas connu43; un autre
culturelles grecques, parmi lesquelles figurait aussi l'athlétisme36. champion d'Athènes, Tib. Claudius Novius, appaJtenait comme prêtre
Il est frappant qu'on trouve aussi chez d'autres auteurs de cette période impérial aux plus hauts cercles de la province d' Achaïe44. Les notables
beaucoup de références à l'athlétisme grec, même si elles sont souvent spartiates Damokratidas, et son fils Alkandridas (ne-Illes. apr. J.-c.) qui
négatives. Dans une étude excellente sur l'importance de la rhétorique avait gagné le même titre, n'étaient pas du tout exceptionnels45.
-pour la construction d'une identité masculine dans l'empire romain, J'en conclus qu'à l'époque impériale, l'athlétisme grec constituait
Maud Gleason a ainsi démontré que les sophistes, comme les médecins, encore une source importante de construction d'identité personnelle.
proposaient d'autres modèles que les gymnases et l'athlétisme pour Pour Damokratidas, comme pour ses collègues, il était indispensable de
«fabriquer l'homme grec », ce qu'elle appelle« la production d'hommes »37. pouvoir démontrer ses qualités athlétiques, en tant qu'homme, en tant
Néanmoins, ces auteurs semblent avoir surtout réagi contre la que notable spartiate, et en tant que Grec. Mais cela pose la question du
domination de l'athlétisme. Les attaques fréquentes (et agressives) lien entre l'athlétisme et l'identité romaine.
contre les athlètes et leurs entraîneurs sont un signe que leur position
n'était pas aussi solide que le prétendaient les sophistes38. Quoi qu'il en L'athlétisme grec et les Romains
soit, les sources matérielles et épigraphiques contemporaines suggèrent que Quel fut donc le rôle de l'athlétisme à l'époque romaine? On
l'athlétisme traditionnel continuait à attirer les Grecs en grand nombre. s'attendrait peut-être à ce qu'il soit considéré comme moins pertinent pour
Pour eux, l'entraînement sportif demeurait la voie principale pour les Romains que pour les Grecs et que le sport ne soit pas aussi populair~
« produire les hommes ».
qu'avant la domination romaine; mais ce ne fut pas la situation réelle. A
en juger par les sources épigraphiques (et archéologiques), l'époque
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romaine marqua l'apogée de l'athlétisme grec traditionnel.
34. Golden 1998.
35. Il est surprenant que les historiens de la littérature grecque semblent pour la
39. Pleket 1974, Pleket 1975, et Pleket 1992.
plupart avoir ignoré le sujet de l'athlétisme dans la littérature associée avec la Seconde
40. Van Nijf 1999, van Nijf 2000.
Sophistique. Une exception est l'excellente thèse de doctorat de Jason Konig
41. Alcock 2002, pp. 80-81.
(Cambridge). en cours de publication: Konig 2000.
42. Cf. appendice n° 3 avec Pausanias. X, 34, 5.
36. Cf. Konig 2000.
43. Archaiologiko Deltio 25, 1970 [1971], tome A. 58.6.
37. Gleason 1995.
44. Cf. appendice n° 2 avec Geagan 1979 et Spawforth 1994.
38. Cf. mes remarques dans van Nijf 2002.
45. Cf. appendice nOS5 et 6.
282 ONNO VAN NIJF ARfSTOS HELLENÔN
~ 283
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Qu'est-ce-que les Romains pouvaient bien penser de l'athlétisme de notre ère, le nombre de citoyens romains (d'extraction grecque et
grec? On sait que les Romains - ou du moins certains Romains - se italique) augmenta50. Comme l'a démontré Louis Robert, l'athlétisme
méfiaient de la culture grecque; c'est pourquoi, la culture physique grec était en plein essor à l'époque impériale5].
grecque notamment a rencontré des critiques romaines. Mais ce serait En outre, même si l'athlétisme continua à signaler une identité
aller trop loin d'accepter une simple dichotomie entre les Grecs actifs et culturelle grecque, il avait au,ssi un rôle distinct à jouer dans la
sportifs d'une part, les Romains qui auraient préféré regarder romanisation du monde grec. A partir du règne d'Auguste, les cités
passivement les combats de gladiateurs d'autre part46. Ici je veux grecques ont fondé un grand nombre de Sebasteia ou Augusteia (des
proposer que les Romains ne se sont pas seulement intéressés à jeux impériaux) en son honneur - et cela continua avec ses successeurs.
l'athlétisme grec comme aux autres manifestations de la paideia Les empereurs romains se présentaient volontiers comme les protecteurs
grecque, mais que le sport a aussi joué un rôle important dans la de la culture grecque - et les jeux grecs étaient souvent liés au culte
construction du monde grec contemporain par les Romains. impérial 52. Les cités grecques rivalisèrent en créant de nouveaux
Dès les premiers contacts avec le monde hellénistique, les Romains se' concours aux épithètes évocatrices, pour lesquelles il leur fallait obtenir
sont intéressés à l'athlétisme grec. L'élite hellénisante de la République la permission de Rome. Par exemple, la cité de Tarse (en Cilicie) célébra
romaine n'a pas adopté (et adapté) seulement la culture littéraire des comme concours « les Augustia Aktia », les « Hadriania Olympia », les
Grecs vaincus, mais aussi leur culture physique. « Kommodeia Olympia », qui devinrent les « Severeia Olympia» sous
Les Romains commençaient à s'entraîner et les plus riches ont même Septime Sevère et, plus tard, sous Caracalla, les « Severeia Antoneia
engagé leur propre entraîneur et ont construit des gymnases privés. Olympia53». Cette stratégie était aussi populaire en Grèce même: la riche
Depuis le troisième siècle avant notre ère, les Romains ont participé aux culture agonistique qu'on trouvait à Sparte - où notre Damokratidas
grands jeux grecs, ce qui les définit comme Hellènes aux jeux des Grecs. célébra ses succès - était surtout une création d'époque romaine, avec des
Polybe raconte que les premiers Romains participèrent aux concours concours comme les Kaisareia, et les Olympia Kommodeia, ainsi que les
isthmiens de 228 av. J.-c. 47.Les autres jeux panhelléniques suivirent et Ouraneia fondés en l'honneur de Nerva54.
les athlètes romains et italiques participèrent même aux Jeux Enfin, en effaçant - ou du moins en compliquant - les distinctions
Olympiques. Le premier olumpioneikês romain que nous connaissons est nettes entre les pratiques culturelles grecques et romaines, les empereurs
l'obscur Caius de Rome (72 av. J.-c.)48 et à la fin de la République, romains instituèrent eux aussi des jeux grecs. Auguste célébra sa victoire
l'athlétisme grec était établi comme une des plus importantes façons à Actium (31 av. J.-C.) - et la restauration de la République romaine! -
romaines de faire le Grec. Au début de l'époque impériale, de nobles en instituant un concours grec, les Aktia de Nikopolis, qu'il éleva
Romains, et même des membres de la famille impériale, ont participé immédiatement au niveau des Jeux Panhelléniques. Le programme des
aux Jeux Olympiques, peut-être parce qu'il s'agissait uniquement de Jeux Olympiques en fournit le modèle. Quelques années plus tard, il
compétitions hippiques qui avaient - comme peut-être aujourd'hui - un établit des jeux grecs à Naples, autre copie fidèle des Jeux Olympiques.
certain « snob-appeal49». Suétone nous apprend aussi que l'empereur Le programme fut envoyé à Olympie, ce en quoi on peut voir une
Néron se passionna pour les courses de chars et qu'il concourut dans cette marque de respect, mais aussi signe d'un temps où il n'était plus possible
discipline aux Jeux Olympiques, mais Suétone présente cette passion de déterminer exactement ce qui était vraiment grec dans un monde
comme un désastre de la propagande. Quoi qu'il en soit, l'intérêt romain dominé par Rome55.
pour les jeux ne fut pas seulement réservé à un nombre restreint de
philhellènes proche du trône impérial: au cours des trois premiers siècles
50. Suet.. Néron 22.24 ; cf. Alcock 1994.
--~--_.- 51. Robert 1982.
46. Cf. Fortuin 1996. 52. Priee 1985.
47. Polybe. IL 12.8. 53. Ziegler 1985. p. 32.
48. Moretti 1957 n° 684. 54. Cartledge and Spawforth 1989. ch. 13.
49. IvO 220 (Tibère). IvO 221(Germanicus). 55. [vO 56.
ARISTOS HELLENÔN
28-+ o''o VA' 'IJF 285
D'autres empereurs ajourèrent aussi des jeux au répertoire des jeux Les communautés des Grecs sous l'empire romain.
Œrecs: oarmi les GlUSactifs, Hadrien, qui a établi ou rétabli des jeux Le dernier point que nous devons discuter avant de retourner à
~recs d~ns pius de' vingt CiI~S,dans toures les parties de l'Orient romain, Damokratidas de Sparte est le rôle du koinon sunedrion - rassemblée
;nais surtout en Grèce èt à Athènes:)!'. commune - des Grecs à Platées, et d'autres communautés semblables,
Or, même si l'Athènes classique avait toujours célébré des jeux dans la romanisation des jeux grecs.
athl~tiques, elle ne jouait pas un rôle de grande importance dans le monde Comme nous l'avons vu plus haut, les jeux furent un lieu important
« international» de l'athlétisme grec. Les jeux les plus importants, les pour négocier les relations entre les Grecs et les Romains dès les premiers
Panathénées, n'obtinrent jamais le statut panhellénique que les Athéniens contacts romains avec le monde grec. Pendant la période républicaine
désiraient. Hadrien changea tout cela d'un seul coup. Il réorganisa les romaine, les Grecs commençèrem à organiser ges jeux en l'honneur de
Panathénées et les éleva au statut panhellénique. En outre, il ajouta généraux romains ou en l'honneur du peuple romain dans son ensemble.
d'autres concours au calendrier sportif athénien: les Hadrianeia, les Un bel exemple en est la fondation des Rhômaia de Milet en 130 av. J,-
Antinoeia à Éleusis (en commémoration de son amant disparu), une C. Une inscriptionqui règle les devoirsdu prêtre du « Peuple de Rome et
version locale des Jeux Olympiques, et bien entendu les Panhellénies. de Rome» exprime les intentions explicitement pro-romaines des
D'un seul coup, l'ensemble fit d'Athènes la capitale sportive du monde Milésiens. Il lui appartenait d'organiser aussi des jeux athlétiques et
grec, mais c'était une capitale créée par un empereur romain57. d'ériger les inscriptions en leur commémoration, « en manifestant le zèle
Les efforts d'Hadrien étaient peut-être issus de ses intérêts le plus complet à leur égard, conformément à la piété de notre peuple
antiquisants, mais il faut noter que son antiquarisme n'était pas envers les dieux et à notre reconnaissance envers les 'Romains61 ».
politiquement naïf. Hadrien ne restaura pas une Athènes telle qu'elle Ces jeux romains avaient un rôle particulier dans la « provincialisation »
était. mais telle qu'elle devait être du point de vue des Romains. Il fallait des territoires nouveaux. Souvent, les Rhômaia n'étaient pas organisés par
bien apprendre aux Athéniens comment ils devaient se conduire pour les cités grecques, mais par des ligues provinciales comme le koinon des
être de vrais Grecs58 ! Comme ses autres interventions conservatrices, Grecs d'Asie ou le koinon des Grecs de Bithynie.
ses efforts relatifs aux jeux grecs contribuèrent à instaurer sa vision de Les origines et les fonctions de ces koina sont encore obscures 62. La
ce qui constituait une vraie identité grecque et de ce qui était la place de « signification précise et quasi technique63 » de ce terme semble désigner
la Grèce dans l'empire. Les Grecs qui furent assemblés à Platées en 125
une position reçue des autorités romaines. Toutefois, il ne semble pas que
se montrèrent conscients de ses intentions, quand ils louèrent Hadrien
les koina aient eu beaucoup de fonctions administratives ou pratiques à
comme « sauveur, protecteur et nourricier» de sa propre Grèce59. exercer. Le koinon d'Asie joua peut-être un rôle dans les négociations du
Il est cependant important de noter que ce n'était pas un processus à régime de taxation64. Mais une gran?e part de leur activité était
sens unique. Le caractère hybride des jeux grecs dans l'empire romain consacrée aux fonctions symboliques. A en juger par les sources, les
impliquait que les Grecs eux-mêmes, et surtout les communautés de koina semblent s'être sul1out occupés d'honorer les généraux ou les
Grecs, comme le koinon de Platées, jouaient un rôle actif dans la
gouverneurs romains et d'organiser des jeux athlétiques qui constituaient
construction de !a place de la Grèce dans l'empire romain6o. ~m moyen de communiquer ~lvec les Romains. A l'époque impériale, ils
se présentaient naturellement comme les organisations propres à
s'occuper du culte impérial.
56. Boatwright 2000. pp. 94-104. 61. MiietL 7.203: [...]"Crl El" T,L'Ac, à8,\~~LOTO TIOlOUflCVO., T~V ~VBO~OTO:Tr,\'
57. Boatwright 2000. p. 100: Spawfonh 1989. p. 194. TICpl rOlJTLJV OTIouB~v à"oAou8'J, TTI TOl! èTI~IO1J DPO., Ta 8Ôov Eùocf3élO
"al
58. Swain 1996. pp. 74-76. Tl', TIpa., PLJ.flalOU, CÙXOplOTlC' [... i.
59. SIC (i) 835: AùTo"pciToP\ 'A8pwvLJ OLJTllPl. puoa~lÉvcJ 62. Pour ce qui suit. voir FemlrY 2001.
"al 8pÉuavTl T~V
ÙnnoÜ [;;,0:80 ol l,' [L,o Tmà.., ŒlH'lOVTC.,"[;\idlVE., xaplOTT1PlOv àvÉ81l"av. 63. Ferrary 2001. p. 23.
60. Pour la norjon d'hybridité. voir Alcock (2002), pp. 88-96. 64. Reynolds 1982. n° 5.
ARISTOS HELLENÔN 287
ONNO VAN NIJF
286
Conclusion
d'assimiler Néron à Zeus Eleutherios76. Épaminondas servit lui-même
d'archiereus à ce culte, comme le fit aussi le fameux Tiberius Claudius Par ce détour, je peux rejoindre mon point de départ: P. Aelius
Novius, d'Athènes, un ancien «Aristos Hellenôn77 ». Platées devint ainsi Damokratidas, le « meilleur des Grecs ». Nous pouvons maintenant
un symbole de la « vraie» Liberté grecque, c'est-à-dire la liberté donnée mieux comprendre le monument que les Spartiates ont érigé pour lui.
aux Grecs d'affirmer leur spécificité sous la direction des Romains. Nous avons vu que le titre « Aristos Hellenôn » qu'il portait avec orgueil
L'autre association, celle du combat avec les Perses, a un caractère n'était pas qu'une simple indication de ses qualités athlétiques, mais que
plus spéculatif. Dans une récente étude sur les traditions des guerres ce terme permettait d'articuler l'athlétisme avec l'ensemble des rites et
médiques et Rome, Anthony Spawforth a proposé que la mania des symboles déployés autour de Platées, un des lieux de mémoire les plus
guerres-médiques, que nous avons mentionnée plus haut, était liée au centraux de l'histoire grecque. Nous avons démontré que ce lieu se prêta
choix romain de penser leurs guerres avec les Parthes, et plus tard avec et s'adapta bien aux changem~nts fondamentaux du monde grec, sous
les Sassanides, comme un conflit entre l'Occident et l'Orient, entre les rois hellénistiques comme sous les Romains. Les mémoires grecques
Grecs et barbares. Spawforth présente le règne de Néron comme une de Platées se sont toujours pliées aux demandes politiques du présent.
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étape importante dans ce processus. En 61/62 de notre ère, qua ' Nous avons replacé la vogue pour les jeux de la Liberté à l'époque
généraux romains étaient occupés par la guerre contre les Partrçs;n romaine dans un contexte plus large, celui des champs littéraire et
Arménie, fut dédiée à Néron une inscription honorifique au Part"énc;, culturel contemporains, lesquels furent caractérisés par une orientation
d'Athènesn. Spawforth montre que Néron put utiliser les symboliques résolue vers le passé. Ensuite, nous avons montré que l'athlétisme grec
nombreuses qui lièrent le Parthénon aux sentiments grecs anti-perses dès traditionnel continuait à servir de source d'identités personnelles de
le cinquième siècle jusqu'aux jours des rois hell ~nistiques. L'inscription diverses manières, et que l'essor de l'athlétisme grec en cette période se
gravée pour Néron fut proposée par « son agent \, à Athènes, Tiberius comprend mieux comme une pratique hybride, à savoir de caractère grec
Claudius Novius, d@t nous avons déjà discuté le~ liens étroits avec les et romain; il fut un moyen par lequel les Romains contrôlèrent les
Jeux de Platées. Il n'est pas impossible que L mémoire de Platées ait provInces grecques.
inspi~é Novius et ses collègues dans leur réil1terprétation des actions Damokratidas, le Meilleur des Grecs. C'était un athlète, bien sûr, mais
romaInes contemporaines comme un nouvel essor, et même une aussi un notable spartiate; il servit sa patrie comme prêtre, magistrat et
amélioration, des efforts de leurs ancêtres. bienfaiteur; et il s'était distingué par son dévouement à l'empire romain.
Quoi qu'il en soit. le koinon sunedrion des Grecs à Platées continua à
Pour être Aristos Hellenôn, il ne fallait pas seulement être un champion,
organiser ,les Jeux de la liberté comme une expression de sa loyauté 2
mais aussi se comporter comme un « supporter» de Rome. Pour lui,
Rome. Nous avons vu, en outre. que, par son adaptation aux
comme pour d'autres athlètes, l'athlétisme grec était une façon grecque
cl~const~nc.es contemporaines. et par sa « romanisation» progressive, de faire le Romain.
meme s agIssant de ses associations les plus proches, Platées montre de
nouveau son aptitude à jouer le rôle de lieu principal de la mémoire
grecque sous l'Empire.
Wes 1987 :
MatinUs A. Wes, « Geschiedschrijving en goede manieren : van
Hetodotus naar Plutarchus. » dans De Historie herzien. Vijfde bundel
"hislorische avonden" uitgegeven door het Historisch genootschap te
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Stuctief1 zum Festwesen in Ostkilikien im 2. und 3. lahrhundert n. Chr.,
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