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Cours : Economie du contrat

Auteur : Claude Crampes

Leçon n° 1 : L’allocation autarcique des ressources

Section 1. Opérations économiques élémentaires

L’homo economicus est un agent rationnel : il n’entreprend que des actions qui lui procurent une
utilité supérieure à ce qu’elles lui coûtent. Nous supposerons que les concepts d’utilité et de coût
sont mesurés dans les mêmes unités. On peut alors définir :
v = u - c Utilité nette = utilité brute - coût
Règle de décision 1 : L’agent économique rationnel entreprend toute action telle que v > 0 et il
n’entreprend pas celles pour lesquelles 0 > v. Ce principe de base s’applique dans des conditions
complexes que nous allons traiter successivement. C’est aussi la règle de base de l’économie
normative.

Remarque : Cette règle élémentaire est souvent négligée par les politiques et les ingénieurs. Ils
décident sur la base de u > 0 alors qu’il faudrait n’entreprendre que les opérations pour lesquelles
v > 0.
Souvent un même résultat brut peut être obtenu à partir de plusieurs techniques de production
incompatibles. Si elles donnent la même utilité, l’agent rationnel a intérêt à choisir la technique
dont le coût est le plus faible. Symétriquement, si à partir d’un même coût on peut obtenir
différents résultats incompatibles, l’agent rationnel a intérêt à choisir l’emploi conduisant à l’utilité la
plus forte. Règle de décision 2 : Quand il doit choisir dans un ensemble de décisions
incompatibles, l’agent rationnel prend la décision qui rend maximum son utilité nette : v(d) à

condition que d respecte les contraintes imposées par l’environnement.

Section 2. Opérations fractionnables

Le principe de la règle 1 suppose que l’opération à entreprendre ou non est bien définie. Dans de
nombreux cas, ça nécessite un fractionnement en unités pour arriver à un résultat quantitatif.

Exemple : Par exemple « produire des salades » n’est pas suffisamment défini : il faut préciser
combien de salades. Pour répondre à la question, on applique en fait le principe marginaliste,
c’est-à-dire qu’on utilise la règle de décision 1 pour chacune des unités (salades) à produire. Tant
qu’une salade a une utilité plus grande que son coût, il faut la produire (et la consommer) et ne pas
la produire dans le cas contraire.
On appelle utilité marginale et coût marginal l’utilité et le coût de chaque unité additionnelle.
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Exemple : Par exemple, l’utilité de la consommation de trois salades peut s’écrire

et le coût .Aussi, si , et , l’agent

rationnel produit deux salades.


Règle de décision 3 : Une opération fractionnable est poussée jusqu’au point où son utilité
marginale est égale à son coût marginal. L’existence d’une telle solution est généralement garantie
par le fait que l’utilité marginale est décroissante alors que le coût marginal est croissant. Donc la
différence entre les deux diminue quand la taille de l’opération augmente.

n 0 1 2 3 4 5 6 7

? 10 9 8 7 6 5 4

? 2 3 4 5 6 7 8

? 8 6 4 2 0 -2 -4

U(n) 0 10 19 27 34 40 45 49
C(n) 0 2 5 9 14 20 27 35
V(n) =
U(n) -0 8 14 18 20 20 18 14
C(n)

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L’agent choisira de produire 5 unités car et il obtient ainsi l’utilité nette maximale v(5)

= u(5) - c(5) = 40 - 20 = 20. Deux représentations graphiques de l’utilité nette, de l’utilité brute et
des coûts :

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Exemple : Exercice : faire la même chose 1) pour le coût et 2) pour l’utilité.

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Remarque : a) Le même résultat s’obtient en raisonnant sur la règle 2 où la décision d est le
nombre de salades n. Produire 3 salades est un choix incompatible avec produire 5 salades : on
choisit d=5 puisque v(5) ? v(d) quelle que soit d. b) Solutions « en coin » : La règle n°3 peut être
mise en défaut si le décideur doit respecter certaines contraintes, par exemple : « ne pas produire
plus de 4 unités ». De même, si la contrainte de non négativité conduit à 0 = n .

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Section 3. Multiplicité des emplois et des ressources

Le problème de Robinson est généralement multidimensionnel en ce sens qu’il doit décider de


l’emploi de plusieurs facteurs de production (par exemple du travail et de la terre) pour produire
plusieurs types de biens (des salades et des tomates). Ces facteurs et produits peuvent être
substituables ou complémentaires, du point de vue production et du point de vue consommation.

Exemple : Supposons par exemple que pour faire 1 kg de salades ou 1 kg de tomates il faille 1
heure de travail, que l’utilité marginale du kg de salade ou de tomate soit celle de l’exemple
précédent et que l’ermite ait décidé de travailler 10 heures par jour.

kg
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
tomates
kg
10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0
salades
ut.
marginale ? 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1
tomates
ut.
marginale 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
salades
ut.
totale 0 10 19 27 34 40 45 49 52 54 55
tomates
ut.
totale 55 54 52 49 45 40 34 27 19 10 0
salades
ut
55 64 71 76 79 80 79 76 71 64 55
totale
L’allocation optimale du temps disponible est obtenue par égalisation des utilités
marginales de chaque produit. Quand par exemple on fait 3 kg de tomates et 7 kg de salades,
l’utilité marginale des tomates est 8, donc plus grande que celle des salades qui est 4. En
travaillant une heure de moins sur les salades on fait baisser l’utilité des salades (de 49 à 45) mais
on peut utiliser cette heure à faire plus de tomates et augmenter l’utilité des tomates (de 27 à 34).
Le gain d’utilité des salades est supérieur à la perte d’utilité des tomates.

Remarque : Le problème est identique à celui de l’exemple 1 si on interprète l’utilité marginale des
salades comme le coût marginal des tomates et vice versa.

L’idée est la même quand il s’agit d’affecter à une activité plusieurs inputs substituables (par
exemple travail et outils).
Règle de décision 4 : L’allocation qui maximise l’utilité nette totale est atteinte quand il y a égalité
de l’ensemble des utilités marginales et des coûts marginaux.

Section 4. Décisions à implications multiples

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Une décision provoque la mobilisation conjointe de plusieurs facteurs de production et la
réalisation conjointe de plusieurs produits. La prise de décision est complexe parce qu’il est très
difficile d’évaluer un vecteur :

Exemple : 1 heure de travail donne 1 kg salades et 2 kg tomates ou 2 kg salades et 1 kg tomates


Comment comparer ces deux vecteurs et décider de l’affectation de l’heure de travail ? Pour
l’ermite, on s’en sort en supposant que ses choix vectoriels passent par la définition de la fonction
d’utilité qui ramène tout à une dimension. Dans les économies d’échange (voir infra) les prix
permettent de tout ramener à la dimension monétaire. De même, la fonction de coût est
unidimensionnelle. On peut alors appliquer les règles précédentes.

Remarque : Il existe des techniques de classement plus complexes comme l’ordre


lexicographique ou l’analyse en composantes principales. Toutefois, les choix en situation
d’incertitude méritent quelques précisions.
Supposons que le résultat d’une décision dépend de « l’état de la nature », c’est-à-dire
d’événements indépendants du décideur. .

Comme le résultat n’est pas certain, pour savoir s’il est profitable de produire, on essaie de se
ramener à un nombre réel. Le plus simple est de raisonner en « espérance mathématique » (~
moyenne) c’est-à-dire de supposer que les états de la nature sont probabilisables.

Exemple : Soit c = 5 et les utilités données par le tableau suivant :

n 0 1 2 3
U(n) 0 4 5,5 6

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? 4 1,5 0,5

Donc si on est sûr qu’il va pleuvoir, on ne travaille pas car u c ( ) 1 < et au contraire on veut
travailler si on est sûr d’avoir du soleil puisque u c ( ) 3 > .

Exemple : Si aléa, on essaie d’évaluer les probabilités des Etats de la Nature. Si Proba (soleil) = _

et Proba (pluie) =1/4, on calcule :

et puisque on va travailler.

Donc, l’équivalent de la règle 1 est : Règle de décision 5 : Soit Ev = Eu - Ec l’espérance


mathématique de l’utilité nette. En situation d’incertitude, l’agent rationnel entreprend toute action
telle que Ev > 0 et il n’entreprend pas celles pour lesquelles Ev < 0 .

Remarque : Le fait que l’utilité marginale soit décroissante a une conséquence importante : le
décideur a une aversion pour le risque. Cela signifie qu’il préfère toujours l’équivalent certain d’une
loterie à la loterie elle-même. Dit autrement, il ne participe à une loterie que moyennant une prime.

Exemple : Dans l’exemple précédent, l’équivalent certain de la « loterie » est : En = Proba(soleil) 3


kg + Proba (pluie) 1 kg

Aversion pour le risque : u(En) > Eu(n) u(En) - Eu(n) est, selon le cas, la prime souhaitée pour
participer à la loterie ou ce qu’est prêt à payer le décideur pour se débarrasser du risque. On verra
l’importance de la notion de partage du risque dans les clauses contractuelles.

Section 5. Décisions séquentielles

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Une prise de décision n’est généralement pas totalement isolée. Elle fait partie d’une chaîne de
décisions élémentaires dont l’ordre est endogène (à déterminer) ou exogène (déjà déterminé).
Quand le calendrier est fixé, le processus d’analyse doit se dérouler en sens inverse de l’ordre
chronologique.

Exemple : salades ou tomates

* : ici, planter signifie un engagement à faire aussi les opérations d’arrosage, nettoyage, récolte...

Si « planter des tomates » coûte et «planter des salades » coûte , faire des salades

plutôt que des tomates sous prétexte que serait absurde. Il est donc clair qu’il faut

imaginer ce qui se passera en pour pouvoir prendre une décision en Donc il faut commencer

par la fin (« rétrospection »). Pour cela, on construit un « arbre de décision ».

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Supposons que et que

Alors on peut écrire :

et je choisis tomate si salades sinon. On voit que la décision aujourd’hui (en ) intègre la

décision que je prévois dans l’avenir. Règle de décision 6 : Dans un processus séquentiel fini, on
commence par résoudre les problèmes de la dernière étape, puis on remonte pas à pas jusqu’à la
première étape.

Remarque : Dans la littérature sur « Law and Economics » l’analyse des procédures judiciaires
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utilise beaucoup ce principe (jeux séquentiels avec asymétries d’information).
Lorsque le calendrier des opérations n’est pas fixé, il faut appliquer la règle 6 pour chaque
permutation possible des décisions élémentaires et adopter l’ordre qui maximise l’utilité nette. La
séquentialité est surtout importante quand l’information change dans le temps.

Le problème est identique au précédent sauf qu’à la date T, c’est la « Nature qui prend une

décision ». En , on décide en connaissant ce qu’on a choisi en et l’Etat de la Nature (ai-je

intérêt à cuisiner des tomates s’il a fait beau ?, des salades s’il a plu etc...). Puis en prendre

une décision en espérance mathématique. Si les dates sont très éloignées dans le temps, il faut
raisonner en valeurs actualisées pour tenir compte de la préférence pour le présent des agents,

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