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Cours : Economie du contrat

Auteur : Claude Crampes

Leçon n° 3 : Les mécanismes contractuels

En dehors de l’allocation autarcique, de son extension sociale l’allocation autoritaire centralisée, et


de l’antinomie de celle-ci qu’est l’allocation anonyme et décentralisée des mécanismes de marché,
les juristes et les économistes se sont beaucoup intéressés aux contrats.
Article 1101 du Code Civil : le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque
chose.

Remarque : Pour l’économiste, la caractéristique essentielle de l’allocation des ressources au


moyen de mécanismes contractuels est le non anonymat de l’une ou de plusieurs parties
concernées.
Contrairement aux mécanismes marchands purs, on ne peut pas distinguer l’opération réalisée
d’une part et d’autre part les parties concernées. Et dès lors que les parties concernées sont
des agents rationnels, le calcul économique de chacun prend une dimension stratégique, en ce
sens qu’il essaie d’anticiper les actions des autres et leurs réactions à ses propres actions. Par
exemple, je suis prêt à acheter un bien 100 francs mais j’annonce 80 parce que je pense que le
vendeur fera une contreproposition au-dessus de mon enchère. Et si lui-même est prêt à vendre à
100, il a intérêt à annoncer 120 pour contrebalancer une sous-enchère. Le calcul stratégique
intègre les effets indirects des décisions. Quand a prend une décision, il tient compte de
l’ensemble des conséquences :

Et si b fait de même, on est face à un jeu. La théorie économique des contrats repose donc sur
la théorie des jeux non coopératifs développée à partir d’exemples élémentaires dans la section 1.
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Dans la section 2, on traitera du partage du surplus dans une négociation contractuelle et des
possibilités d’ «expropriation » des investissements spécifiques. Puis, on étudiera le partage des
risques, les conditions de rupture des contrats et enfin les asymétries d’information.

Remarque : Du pur point de vue économique, il n’y a pas de différence essentielle entre contrat
unilatéral et contrat synallagmatique. En revanche, au-delà de deux joueurs explicitement
identifiés, les possibilités de coalition perturbent fortement les prévisions d’équilibre.

Section 1. Conflit et coopération

Dans une relation contractuelle, les gains de chaque partie dépendent de ce qu’elle fait mais aussi
de ce que fait l’autre partie (on supposera toujours ici qu’il n’y a que deux joueurs).

Exemple : Au lieu d’écrire ( ) pour le joueur a il faut noter ( , ). On continue à

supposer comme dans les chapitres précédents que a connaît l’effet de sur (ce qui suppose

déjà une rationalité forte). Le problème additionnel est la relation entre et .

On suppose que a se connaît bien, de sorte qu’il sait comment affecte . Mais il reste à

expliciter le savoir de a en ce qui concerne la valeur que b donne à . Si a choisit en même

temps que b choisit (exemple des enchères sous pli scellé), aucune partie ne peut observer la

décision de l’autre avant de prendre la sienne, mais elle a peut être suffisamment d’information

pour l’imaginer : jeux simultanés. Si b choisit après que a a choisi et si b peut observer

on a un jeu séquentiel : le leader a cherchera à anticiper le comportement de b avant de prendre


sa propre décision. On a une extension stratégique de la règle de décision 6. Ici, on va supposer
que les joueurs (~ parties au contrat) possèdent toutes les informations sur leurs caractéristiques
et celles de leurs concurrents. Les asymétries d’information seront traitées plus loin. En revanche,
on va distinguer ici pour ce qui est des actions entreprises : on suppose d’abord qu’elles ne sont
pas observables (jeu simultané) puis qu’elles le sont (jeu séquentiel).

§1. Jeux simultanés

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La matrice suivante représente les gains du joueur b en fonction de ses décisions et de celles de a
.

G
H 1
B 0

Comment b peut-il choisir entre H et B ? Il a besoin d’informations sur le fait que a est en train de
prendre une décision non observable concernant G ou D. L’information pourrait se réduire à une
distribution de probabilités et on serait alors ramené à la règle de décision 5.

Exemple : Par exemple, si le joueur b pense qu’il y a X de chances pour que a joue G, en

choisissant H il a : (H) = 1/3 x 1 + 1/4 x 0 = 1/4 alors qu’en choisissant B il aura : (B) = 3/4

x 0 + 1/4 x 1 = 1/4 Donc il vaut mieux qu’il choisisse H. Mais les choses sont plus intéressantes
si b connaît les gains de a dans chaque situation car il peut alors déduire ce que a va faire.

Il est clair que a jouera toujours G (stratégie dominante). Autrement dit, a jouera G avec la
probabilité 1, et donc b a intérêt à jouer H. Dans ce cas, le calcul stratégique est simpliste : a n’a
rien besoin de savoir quant aux intentions de b et b a simplement besoin de savoir que G est une
stratégie dominante pour a. Le résultat de la rencontre (~ l’équilibre) est donc (G,H) qui donne
1 à chacun.
Dans des situations moins simplistes, on appelle équilibre (de Nash) le couple de décisions tel que
aucun joueur ne regrette son choix étant donné le choix de l’autre.

Remarque : On vérifie facilement sur le jeu précédent que (G,H) est un équilibre de Nash.
Diverses situations de jeu sont bien connues :

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Les probabilités des différents équilibres sont alors :

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Deux solutions :

• répétition du jeu avec représailles pour déviation


• délégation de pouvoir à un tiers.
Proposition 6 : Dans un jeu simultané, il existe toujours au moins un équilibre de Nash,

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c’est-à-dire une situation dans laquelle aucun joueur ne regrette son choix étant donné le choix de
l’autre. Les stratégies des joueurs peuvent être pures ou mixtes, c’est-à-dire choisies en
probabilités.

§2. Jeux séquentiels

Le joueur a (leader) prend une décision que b (suiveur) peut observer avant de jouer à son tour.

Si les joueurs connaissent leurs gains dans chaque combinaison du jeu, il faut le résoudre à

l’envers, selon les principes classiques d’analyse séquentielle. On voit alors que : b choisit si

, si et a choisit . On obtient ainsi un équilibre parfait . Cette résolution «

backward » permet d’éliminer les équilibres de Nash contenant des stratégies non crédibles.

Exemple : L’annonce par b qu’il jouera quel que soit le choix de a qui vise à donner à b son

gain maximum de 4, repose sur une menace non crédible : si a joue il n’est pas de l’intérêt de b

de jouer à gauche (excepté si ce jeu est répété et qu’il cherche à acquérir une réputation de
lutteur).
Noter aussi que l’ordre dans lequel sont prises les décisions est essentiel :

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Si on inverse les rôles de leader et de suiveur les choix d’équilibre changent. Dans ce jeu,
chaque joueur préfère être leader que suiveur mais il n’y a pas de règle générale.

Exemple : Ainsi dans le poker du bagne, il est évident que si le jeu était séquentiel il vaudrait
mieux être suiveur ; idem dans le penalty.

Section 2. Partage du surplus et comportements opportunistes

On considère le cas d’un « producteur /vendeur » capable de produire un bien à un coût c et d’un
« acheteur / consommateur » pour qui ce bien a une utilité u. Le gain social potentiel de la
transaction est v = u - c et la décision optimale est celle de la règle n° 1. Les deux parties au
contrat engagent des discussions sur le prix de transfert du bien p qui donnera à chacun l’utilité
nette :

= u - p acheteur = p - c vendeur si la transaction a lieu.

Comment se détermine le prix ? Il dépend :

• de l’ordre du jeu : qui a le leadership dans ce jeu séquentiel ? Personnalité des agents et
réglementation ,
• du nombre de coups : combien de fois les parties peuvent-elles se rencontrer ? Coûts de
transaction, degré d’urgence, …
• de la concurrence : la transaction est-elle complètement spécifique ? Valeurs de repli, pouvoir
de négociation.
• des risques liés au contrat : les parties ont-elles une aversion ou un goût du risque ?
Assurances, clauses en cas de rupture, garanties,
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• des asymétries d’information : que sait chacun de l’autre et que sait-il qu’il sait ? Bluff,
réputation, marques, labels, garanties.
Ici, on suppose qu’il y a information parfaite : tout est connaissance commune, en particulier u et c.

§1. Négociation

Le mécanisme le plus simple est celui par lequel une partie propose un prix que l’autre partie ne
peut qu’accepter ou refuser.

De façon générale, le vendeur va proposer le prix le plus élevé possible compatible avec

l’acceptation de l’acheteur. Son problème est de trouver p qui maximise =p-c- Sous la

contrainte =p-c- > 0 Donc : =u- , =u-c-( + ) et = 0 Il est clair que si

c’est l’acheteur qui est leader il minimisera le prix et donc : , = 0 et =u-c-(

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) Supposons pour simplifier que = = 0 on voit alors que si u > c , quel que soit le leader

on trouve toujours un prix tel que la transaction ait lieu et si u < c il est clair qu’elle ne pourra pas
avoir lieu. Le leadership modifie simplement la répartition de la rente entre les deux parties.
Proposition 7 : En information parfaite, les transactions contractuelles sont efficientes. On peut
envisager des jeux de négociation plus raisonnables et donc plus compliqués.

Exemple : Par exemple, le partage coopératif de Nash suggère que le prix se fixe de façon à

donner aux deux parties le même gain net dans l’échange : u - p - = p - c -

Donc est une moyenne des prix de leadership et . Il répartit le

surplus u - c en fonction du pouvoir de négociation relatif .

§2. Investissement spécifique et expropriation

En général, les valeurs de u et de c ne sont pas totalement figées. Elles peuvent être modifiées
par des « investissements » de l’une ou de l’autre partie. Le vendeur peut faire de la R&D pour
diminuer le coût ou pour améliorer le produit (et donc augmenter u). L’acheteur peut engager des
dépenses pour mieux profiter du produit quand il l’aura. Le leadership et la date de fixation du prix
sont alors essentiels.

Exemple : u = 3 et où I est une dépense engagée par le vendeur. c = 4 si I = 0 c = 0 si I = 2 Dans


quel cas u-c-I est-il le plus grand ? 3 - 0 - 2 > 3 - 4 - 0 = -1 Donc l’optimum commande que le
vendeur investisse I = 2 et que l’échange ait lieu. Que va-t-il se passer en pratique ? Envisageons
le cas où les agents ont une valeur de repli nulle. Supposons d’abord que le calendrier soit le
suivant : Le vendeur choisit I puis les parties négocient le prix (Nash) et échangent ou non. Si I =
0, u < c, donc pas de prix donc pas d’échange. Si I = 2, u > c et donc p = A ce prix la

transaction aura-t-elle lieu ? I est du passé donc n’intervient pas dans la fixation du prix.

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Avec une telle organisation, le vendeur se fait « exproprier » d’une partie de son investissement
spécifique d’où son refus d’investir qui est socialement inefficace.

• Première solution : si l’investissement n’est pas totalement spécifique, le vendeur peut faire
jouer une certaine concurrence entre les acheteurs et craint moins ainsi l’opportunisme
potentiel de l’acheteur.
• Deuxième solution : Puisque I est supporté par le vendeur, c’est lui qui fixe le prix. S’il y a
incertitude ou asymétrie d’information, ça pousse le vendeur à surinvestir.
• Troisième solution : on signe un contrat décidant la fixation du prix avant la décision
d’investissement.

• Si I est observable et vérifiable, le prix peut être contingent à I .


• Sinon, un prix est fixé accompagné de clauses spécifiant les indemnités pour rupture de
contrat (voir infra).

Dans notre exemple où I est observable, avec . On obtient la bonne décision

d’investissement du vendeur et une acceptation de l’acheteur

Donc, un contrat signé avant tout engagement limite les risques d’opportunisme des parties et
donne de bonnes incitations aux investisseurs. Mais il restera toujours un biais vers le sous
investissement à cause de l’expropriation au cours de la négociation.

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Exemple : Problème des pré-engagements : sous-seing privé, fiançailles.

Section 3. Contrats incomplets et partage des risques

Dans la plupart des transactions contractuelles, certaines des caractéristiques de base (ici u et c)
sont affectées par des événements non maîtrisables par les parties : l’utilité et/ou le coût de
l’opération peuvent changer en raison de la météo, de grèves, de l’état de santé, d’accidents, etc.

Remarque : La situation idéale, vue comme une référence par l’économiste, est celle dans
laquelle on peut identifier tous les Etats de la Nature et signer un contrat parfaitement contingent,
c’est-à-dire relatif à chaque Etat de la Nature.

Exemple : Supposons par exemple que le coût de production du bien puisse être faible ou fort

avec u compris entre les deux 0 -- -- u -- Avec un contrat parfaitement contingent on va

pouvoir atteindre une décision efficiente :

• pas d’exécution si le coût est

• exécution et vente, par exemple au prix si le coût est faible.

La difficulté est que les Etats de la Nature sont très nombreux et donc la rédaction d’un contrat
parfaitement contingent serait trop coûteuse (imaginer le contrat de vente d’une automobile
contingent à chacune des milliers de pièces qui la composent). Ne pouvant être parfaitement
contingents, les contrats vont présenter des risques quand les conditions d’exécution
doivent être arrêtées avant disparition des éléments aléatoires :

Si le prix est fixé ex ante alors que le coût est aléatoire, l’acheteur est totalement assuré puisqu’il
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aura quel que soit le coût. C’est le vendeur qui supporte tout le risque car il gagne soit p

- , soit p - (qui peut être négatif) selon la valeur du coût. Si le vendeur a une aversion au

risque, il faudra que le prix soit fixé suffisamment haut pour lui faire accepter la transaction. Avec
une négociation du prix « à la Nash », une prime de risque va jouer le même rôle que la valeur de
repli dans les situations non aléatoires :

où PR est la prime de risque, croissante avec l’ampleur du risque supporté et l’intensité de


l’aversion au risque du vendeur. Mais il n’est pas évident qu’il faille laisser le vendeur supporter les
risques : du point de vue de l’efficience économique, le meilleur contrat est celui qui partage les
risques en fonction des degrés d’aversion des agents. Ainsi, si le vendeur craint le risque alors que
l’acheteur ne le craint pas, au contraire de la solution proposée cidessus, il faut assurer
totalement le vendeur en faisant payer à l’acheteur un prix contingent (variable ex post) bien que
le risque affecte le coût, donc a priori plutôt les gains du vendeur. Le problème est que l’aléa
affectant le coût risque de ne pas être totalement exogène et donc que le vendeur parfaitement
assuré n’ait pas d’incitation à faire baisser le coût de production (voir infra « les asymétries
d’information »). La situation la plus courante demeure cependant celle où le vendeur craint moins
le risque que l’acheteur. Un prix est fixé ex ante et comme il y a des risques de pannes pendant
l’utilisation, l’acheteur a une utilité nette aléatoire. Le transfert de risques vers le vendeur se fait au
travers de clauses de garantie prévoyant un remplacement ou une réparation du produit (ce qui
permet de gommer l’aléa affectant u) ou un dédommagement financier (u reste aléatoire mais le
prix effectivement payé est contingent, de façon à obtenir une utilité nette v = u = p non aléatoire).

Section 4. Rupture de contrat


§1. Conditions de rupture efficiente

Considérons la situation suivante : l’utilité et le coût varient en fonction de la date, ou de la météo


et le prix est fixé initialement à la valeur . La prise en compte des seuls intérêts individuels

conduit aux résultats suivants :

• le vendeur a intérêt à ce que le contrat soit honoré si et à ce qu’il soit rompu dans le

cas contraire ;
• l’acheteur a intérêt à ce que le contrat soit honoré si u(t) > et à ce qu’il soit rompu dans le

cas contraire.

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Au prix fixé :


Si t < ou t > , les deux parties sont d’accord pour rompre le contrat,

• Si les deux parties sont d’accord pour que le contrat soit honoré.

Mais

• Si , le vendeur a intérêt à rompre le contrat alors que ce n’est pas le cas pour

l’acheteur,
• Si l’acheteur a intérêt à rompre le contrat alors que ce n’est pas le cas pour le

vendeur.

Dans cet exemple, on voit donc que le contrat ne sera exécuté au prix que si t est compris

entre et . Or, il serait socialement efficient de l’exécuter dans un plus grand nombre d’états de

la nature, plus précisément sur l’intervalle et . En effet, sur cet intervalle on a toujours u(t) >

c(t) et la transaction crée donc un surplus positif. Entre et , au prix le vendeur fait des

pertes mais le gain réalisé par l’acheteur est supérieur à ces pertes : l’acheteur peut donc
dédommager le vendeur pour qu’il honore le contrat, tout en continuant à réaliser un gain (ce qui

n’est pas le et ). De même, entre et au prix le vendeur fait des pertes mais le gain

réalisé par l’acheteur est supérieur à ces pertes : l’acheteur peut donc dédommager le vendeur

pour qu’il honore le contrat, tout en continuant à réaliser un gain (ce qui n’est pas le et ). Pour

que le contrat soit honoré dans tous les états de la nature où la concrétisation de la transaction est
socialement efficiente, il est donc clair que le prix effectivement payé ne peut pas être fixé ex ante,
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indépendamment de la réalisation des événements aléatoires dont dépendent les gains et les
coûts des deux parties. Le prix doit être un prix contingent, c’est-à-dire dépendant des états de la
nature, par exemple la fonction p t ( ) tracée sur la figure.

En conclusion, lorsque les gains des agents sont aléatoires, pour que le contrat soit Pareto
efficient il doit être contingent aux états de la nature, c’est-à-dire :

• énoncer exhaustivement les états de la nature dans lesquels il doit être honoré (pour

sur notre exemple) et ceux dans lesquels il doit être rompu (pour et

sur notre exemple).


• définir le prix à payer pour chaque état de la nature où le contrat doit être exécuté.
En raison des coûts prohibitifs que nécessite la rédaction d’un tel contrat, les pratiques
commerciales se contentent généralement d’énoncer qu’un échange aura lieu à un prix fixé et de
spécifier une règle de calcul pour les indemnités que l’auteur d’une rupture devra verser à la
victime.

Remarque : Une alternative est de renégocier le contrat ex post, mais nous ne traitons pas de ce
cas ici.

§2. Efficacité des modes d’indemnisation

Pour garder l’analyse simple, supposons que seul le coût est aléatoire : les éléments de la
transaction sont donc u et c(t). Et supposons aussi que c(t) est croissant en t pour simplifier le
graphique.

Soit défini par u = c(t) : il est optimal d’exécuter le contrat dans tous les états de la nature où t <

et de ne pas l’exécuter sinon. Maintenant, soit p le prix fixé ex ante (non contingent). Il est évident
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que u > p > c(0). A ce prix le vendeur n’honore pas son engagement pour alors qu’il

faudrait qu’il le fasse. Comment l’y pousser ?

Remarque : En donnant au vendeur le droit de ne pas respecter son engagement moyennant une
indemnité versée à l’acheteur. C’est équivalent à ouvrir une seconde négociation au cours de
laquelle le vendeur peut acheter le droit de ne pas remplir ses obligations.
Supposons que le prix est payé à la livraison. Le contrat sera du type suivant : le vendeur livrera
la marchandise à l’acheteur en échange du prix p. En cas de non livraison, il lui reversera une
indemnité I. Le montant efficient de cette indemnité est I = u - p. En effet,

• pour t < , le contrat sera honoré puisque le vendeur fait un bénéfice (p>c(t))


entre et , t le vendeur perd de l’argent en honorant ses engagements (p - c(t) < 0) mais

moins qu’en ne le faisant pas -(u-p) < p-c(t)<0.


• pour t > , l’indemnité est moins importante que le montant de la perte et donc le vendeur

rompt.
I = u - p est une indemnité de remplacement (expectation damages) car la victime de la rupture
fait le même gain net que le contrat soit rempli ou non. Si le prix est payé à la commande et non à
la livraison, on peut envisager une autre modalité, l’indemnité de remboursement (restitution
damages) : I = p. L’effet est le même que l’absence d’indemnité quand le prix est payé à la
livraison : puisque le vendeur peut se libérer de son obligation en rendant à l’acheteur la somme
versée, il le fera chaque fois que p < c(t), donc trop souvent. Mais le caractère efficient des
indemnités n’a été jugé jusqu’ici que sur la base du recensement des états de la nature où le
contrat sera rompu ou honoré. En fait, il faut introduire deux autres dimensions pour évaluer un
régime d’indemnisation :

• réalise-t-il un partage efficient des risques ?


• suscite-t-il un niveau efficient d’investissements spécifiques ?
On démontre qu’aucun régime d’indemnisation ne peut être qualifié d’efficient en ce sens qu’il ne
représente pas le substitut parfait d’un contrat contingent complet.

Exemple : Par exemple, l’indemnité de remplacement pousse le vendeur à sous-investir (car il se


fait exproprier d’une partie de ses efforts par l’acheteur). Dans l’indemnité de dédommagement
(reliance damages) la victime de la rupture est indemnisée pour tout ce qu’elle a dépensé, y
compris d’éventuels investissements spécifiques. Ici, si l’acheteur fait des investissements, en cas
de rupture il reçoit u-p (si paiement à la livraison) + le montant de ses investissements. Donc sa

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situation est la même en cas de rupture que si le contrat était honoré et meilleure (car mieux «
préparée ») quand le contrat est effectivement honoré. Par conséquent, l’acheteur est incité à
surinvestir.

Section 5. Les asymétries d’information

En plus de l’incertitude sur l’avenir qui affecte les parties au contrat de la même façon, il y a
généralement des asymétries : l’acheteur connaît u mieux que le vendeur et le vendeur connaît c
mieux que l’acheteur. C’est là un problème d’ « antisélection » ou « sélection adverse ».

De plus, les décisions prises par les agents (notamment les investissements spécifiques) ne sont
pas non plus connus de l’autre partie : c’est un problème de « hasard moral ». Ces asymétries
sont à la source de comportements stratégiques contre lesquels les agents essaient de lutter par
des clauses annexes ou des contrats complexes.

§1. Auto-signalement par contrat de garantie

Une « bonne » voiture coûte = 800 et donne à son utilisateur l’utilité = 1000. Par une

négociation à la Nash, acheteur et vendeur s’entendent sur = 900. Une « mauvaise » voiture

coûte c' = 300 et donne une utilité u'=500. Le prix est négocié à p'=400. Mais que peut faire un
acheteur qui ne sait pas s’il est face à un « bon » ou un « mauvais » vendeur ? Supposons qu’il
est neutre au risque (donc il raisonne en espérance de gains, sans prime de risque) et qu’il met la
même probabilité 50 % sur chaque éventualité. Donc, le prix maximum qu’il est prêt à payer est
. Mais à ce prix, le vendeur de bonne voiture refuse de vendre : Seules les

mauvaises (les Lemons, pour reprendre l’expression d’Akerlof, 1970) pourront être vendues, au
prix p' = 400. Pour écouler sa « bonne » voiture, un vendeur doit proposer un contrat annexe de
garantie qu’un vendeur de mauvaise voiture n’a pas intérêt à proposer.

Exemple : Remplacement gratuit de toute pièce cassée pendant la première année

§2. Offre d’un menu de contrats

Un acheteur veut commander à un artisan : Soit et Soit q' = 625 et u(q')

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= 2500

Remarque : Ces valeurs sont tirées de la fonction d’utilité brute .

Il veut signer un contrat avec un artisan dont la technologie est caractérisée par un coût unitaire
qui est :

• Soit (entreprise inefficace)

• Soit (entreprise efficace)

On suppose que l’acheteur est leader pour la fixation du prix. Donc il versera au producteur
une somme juste suffisante pour que celui-ci accepte le contrat, c’est à- dire juste de quoi couvrir
ses coûts. Si l’artisan est efficace, il est efficient de lui commander q' = 2500 parce que : u(q') -

q' = 2500 - (1X625) = 1875 . = 5000 - (1x2500) = 2500 et l’acheteur verse à l’artisan

: - =0 = 2500 Si l’artisan est inefficace, il est efficient de lui commander q'=625 parce

que : u(q') - q' = 2500 - (2X625) = 1875 . = 5000 - (2x2500) = 0 Et l’acheteur verse à

l’artisan : p' - q' = 0, p' = 1250. On voit donc que, en information parfaite, l’acheteur /leader peut

écrire un contrat efficient sans abandonner de rentes au vendeur. Supposons maintenant que

l’acheteur ne sache pas s’il a affaire à un artisan efficace ou inefficace . Il pense pouvoir

résoudre cette difficulté en lui proposant de choisir dans un menu formé des deux contrats

d’information parfaite : C' (p' = 1250, q'=625) ( =2500, =2500) L’artisan choisit le contrat

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, F , il choisit le « petit » contrat C' car : C' : p'- q' = 0 : - = - 2500 S’il est de type ,

F , il choisit aussi le « petit » contrat C' car : C' : p'- q' = 6325 : - = 0 On voit que l’artisan

de type (efficace) profite de l’ignorance de l’acheteur. Pour l’inciter à choisir le contrat qui lui

correspond (et donc lui faire produire la quantité efficiente ) il faut le payer '' tel que '' - =

p' - q' c’est-à-dire au moins '' = 3125. Donc l’acheteur est face à un dilemme :


Soit il laisse à l’artisan efficace une rente '' - = 625 > 0

• Soit il accepte qu’il ne produise pas .

L’arbitrage dépend de l’information de l’acheteur sur la vraie valeur du coût c compris entre ( ,

). Sous des hypothèses plus générales ne limitant pas le choix de la taille de la commande aux

seuls volumes ou q', l’arbitrage conduit à jouer sur les deux dimensions : augmenter la taille de

la commande passée à l’entreprise inefficace de façon à rendre son contrat moins attractif pour
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l’entreprise efficace (c’est la dimension « bâton » du contrat incitatif) et simultanément inclure une
rémunération nette strictement positive dans le contrat destiné à l’entreprise efficace. Mais grâce à
l’action conjointe du bâton, cette « carotte » n’a pas besoin d’être aussi élevée que les 625 francs
de notre exemple. Il n’en reste pas moins que l’acheteur est bien obligé de laisser une partie du
surplus de l’opération au vendeur. Ce gain apparaît bien comme la rente que tire le vendeur de sa
meilleure dotation informationnelle.

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