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APPRENTISSAGE DE LA DISSERTATION

SUJET D'APPLICATION : L’OPINION PUBLIQUEREVELEE PAR


LES SONDAGES EXISTE-T-’ELLE ?

Document 1 :
Pour beaucoup de critiques les sondages poussent à la démagogie. Les hommes politiques ne
gouverneraient que les yeux fixés sur leur courbe de popularité, prêts à toutes les faiblesses
pour faire remonter leur cote. Un peu de démagogie peut sans doute soutenir une cote
fléchissante , beaucoup de démagogie ou une démagogie prolongée la feraient vite chuter
.Les élus savent cela de longue date et les sondages ne leur offrent sans doute qu’une faible
incitation supplémentaire à la démagogie . Or , en contrepartie de ce risque limité , ils
remplissent auprès des gouvernants une fonction d’information difficilement remplaçable sur
les opinions de la masse des gouvernés . On ne mesure pas en effet à quel point l’information
des gouvernants est tributaire de leur entourage - entourage technocratique des cabinets ou
entourage politique des militants – qui joue presque toujours le rôle d'un filtre et d'un prisme
déformant .
Par comparaison, le sondage a le grand avantage de montrer les Français tels qu'ils sont et
non tels qu’'ils devraient être pour satisfaire la passion partisane des militants ou la raison
administrative des hauts fonctionnaires frais émoulus de l’ÉNA. Les sondages ont aussi
l'intérêt de montrer les limites de la représentativité des appareils qui dénoncent le risque de
démagogie pour conserver leurs privilèges. Les organisations représentatives -
professionnelles ou politiques- sont censées parler au nom de leurs mandants. Mais la plupart
du temps elles parlent à leur place sur des sujets où elles ne les ont pas consultés. Le
sondage rappelle opportunément que les syndicats ne sont pas propriétaires des intéressés
qu'ils encadrent, pas plus que les partis ne sont propriétaires de leurs électeurs.
(...) Ce respect des opinions de chacun peut difficilement passer pour de la démagogie.
Source : A.Lancelot , Les sondages dans la vie politique française , Encyclopedia Universalis

Document 2 :la question du travail du dimanche :


Dans une interview publiée dans le Journal du Dimanche, Luc Chatel a affirmé que «partout où
les magasins ouvrent le septième jour, l'activité a été favorisée». Selon lui, «le commerce du
dimanche, c'est des emplois et de la croissance!». «Notre objectif est d'assouplir la législation,
mais en préservant l'équilibre local», a-t-il ajouté, estimant que ce sera aux «branches
d'activité et non à la loi» de définir les conditions d'éventuels refus des salariés.
Selon un sondage Ifop Publicis Consultants publié par le JDD et réalisé les 22 et 23 septembre,
67% des Français accepteraient de travailler le dimanche, qui est payé davantage qu'en
semaine, si leur employeur le leur proposait. Ils étaient 59% à donner la même réponse en
décembre 2007, dans un précédent sondage :
Travailler le dimanche est payé davantage qu'en semaine. Si votre employeur vous proposait
de travailler le dimanche, accepteriez-vous?
• 17% :Oui, toujours
• 50% :Oui, de temps en temps
• 33% : Non, jamais

Etes-vous favorable à l'ouverture des magasins le dimanche?


• 22% :Tout à fait favorable
• 30% :Plutôt favorable
• 12% : Plutôt pas favorable
• 36% : pas favorables du tout

Sondage Ifop Publicis Consultants, réalisé les 22 et 23 septembre 2008, auprès d'un
échantillon de 1 003 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et
plus (méthode des quotas). Les interviews ont eu lieu par téléphone, au domicile des
personnes interrogées.
Cela «montre que les esprits sont en train d'évoluer», a commenté Xavier Bertrand dimanche
sur France 2. Il faut donner la possibilité de travailler le dimanche, mais sur la base du
volontariat», a affirmé le ministre du Travail, insistant sur «les garanties» à apporter. Il s'est
déclaré favorable à ce que les salariés soient rémunérés «le double» ce jour là.

sur le site :Le travail du dimanche


sont pointés les faiblesses du sondage du JDD et présentées un autre sondage ( d'ailleurs
aussi contestable) commandé parle syndicat FO à BVA :
Source : http://jaysesblogs.blogspot.com/2008/11/le-travail-du-dimanche-en-dbat.html

Document 3 :
Les problématiques qui sont proposées par les sondages d'opinion sont des problématiques
intéressées. Toute problématique est intéressée mais dans le cas particulier, les intérêts qui
soutiennent ces problématiques sont des intérêts politiques et cela commande très fortement
à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des
réponses. Le sondage d'opinion est, dans l'état actuel, un instrument d'action politique; sa
fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l'illusion qu'il existe une opinion
publique comme sommation purement additive d'opinions individuelles ; à imposer l'idée que
par exemple dans une pièce comme celle-ci' il y a une opinion publique, quelque chose qui
serait comme la moyenne des opinions ou l'opinion moyenne. L'« opinion publique » qui est
manifestée dans les premières pages des journaux sous la forme de pourcentages (60% des
Français sont favorables à...), cette opinion publique est un artefact pur et simple dont la
fonction est de dissimuler que l'état de l'opinion à un moment donné du temps est un
système de forces, de tensions et qu'il n'est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de
l'opinion qu'un pourcentage. (….)
Je voudrais énoncer les postulats qu'il s'agit de mettre en question pour parvenir à une
analyse rigoureuse et fondée des sondages d'opinion. Ces postulats sont de trois ordres
• Premièrement, toute enquête d'opinion suppose que tout le monde peut avoir une
opinion ; ou, autrement dit, que la production d'une opinion est à la portée de tous.
Quitte à heurter un sentiment naïvement démocratique, je contesterai ce premier
postulat.
• Deuxième postulat : on suppose que toutes les opinions se valent : je pense que l'on
peut démontrer qu'il n'en est rien et que le fait de cumuler des opinions qui n'ont pas
du tout la même force réelle aboutit à une distorsion très profonde.
• Troisième postulat implicite : dans le simple fait de poser la même question à tout le
monde se trouve impliquée l'hypothèse qu'il y a un consensus sur les problèmes,
autrement dit qu'il y a un accord sur les questions qui méritent d'être posées.
Ces trois postulats impliquent, me semble-t-il, toute une série de distorsions qui s'observent
lors même que toutes les conditions de la rigueur méthodologique sont remplies dans la
recollection et l'analyse des données.
Source : P Bourdieu, l'opinion publique n'existe pas , in Questions de sociologie, éditions de
minuit ,1984

Document 4 :
Je trouve monstrueux de prétendre que la masse des citoyens n'a pas d'idées sur les grands
débats qui traversent notre société. Le principe de la démocratie n'est pas de voter une fois
tous les cinq ans et de se foutre des électeurs dans l'intervalle. Nous avons tenu compte des
critiques adressées par les sociologues, notamment en ce qui concerne la formulation des
questions, l'échantillonnage : les procédés se perfectionnent toujours davantage. On peut,
bien sûr, recenser régulièrement dans la presse des erreurs, des approximations, des
interprétations abusives. Mais pratiquer l'amalgame et appeler de ses vœux la suppression
des sondages, c'est aller contre le fonctionnement démocratique d'une société. Pourquoi
pensez-vous que tous les pays de l'Est, récemment libérés de la dictature, soient en train de
se doter d'instruments de sondage fiables ? Les sondages sont le phare de la démocratie.
Doit-on laisser trois ou quatre éditorialistes de renom, et une poignée d'intellectuels, s'arroger
l'expression de l'opinion publique ?
Source : J Jaffré, SOFRES, in télérama, 28 avril 1993

Document 5 :
Avant l'essor des sondages, le journaliste n'était en quelque sorte qu'un faire-valoir de l'élu :
ce dernier, en sa qualité de représentant des électeurs, avait, pour ainsi dire, le monopole de
pouvoir parler au nom des mandants, du «peuple», de l’opinion publique», le journaliste
n'étant là que pour lui laisser la parole. Avec la multiplication des sondages, qui est d'abord le
fait des entreprises de presse et dans une bien moindre mesure des partis et organisations
politiques, et sous l'effet de la concurrence accrue encre médias (la privatisation des chaînes
suscitant une pratique journalistique plus «agressive»), le journaliste se retrouve en position
de rivaliser avec l'homme politique pour dire ce que pensent et ce que souhaitent «les
Français», «l'opinion publique».
Il n'est dès lors pas difficile de comprendre que le nouveau jeu politique se réduise pour
l'essentiel à essayer de mettre «l'opinion» de son côté, «l'opinion» telle que la mesurent les
instituts. L'importance de la télévision et la prolifération des sondages appellent l'homme
politique à présenter un profil spécifique. D'un côté, il est poussé à 1 immobilisme : ne pas
s'exposer en prenant ou en envisageant des mesures risquant de passer pour impopulaires
sous peine de se voir infliger de mauvais sondages et de perdre des points dans les
«baromètres» de confiance. En ce sens, 1 éventail des promesses et la définition des
politiques à mettre en œuvre s'en
trouvent réduits, accusant l'interchangeabilité des protagonistes. Cela ne conduit-il pas à
donner un peu plus de force encore à l'impression pour les profanes que les acteurs disent
tous la même chose? D'un autre côté. le professionnel de la politique est enclin à l'activisme
médiatique, conseillé par les experts en communication afin de promouvoir sa marque
distinctive. De là, l'importance d imaginer, par exemple, certains shows télévises et de se
faire entendre par des «petites phrases» qui seront autant d occasions offertes à la réalisation
de sondages, à moins qu'ils ne soient effectués en direct .
Loin de n'être qu'un moyen d'information supplémentaire, la pratique des sondages participe
de la redéfinition du travail des journalistes et des hommes politiques. Il n'est pas sûr que ces
derniers en soient les premiers bénéficiaires en étant dépossédés pour partie de leur rôle. De
même, il n'est pas démontré aux yeux des citoyens que les cotes de popularité fassent bon
ménage avec le débat démocratique. Par le fait de transformer la vie politique en campagne
électorale permanente (deux mois après son entrée en fonction et à deux ans de l'échéance
présidentielle, le Premier ministre E. Balladur est consacré présidentiable par les sondages),
les sondages remplissent aussi cette fonction de rassurer psychologiquement les hommes
politiques. Même s'ils n'y croient pas toujours, ils doivent faire avec. avec ce que l'on pourrait
appeler la tyrannie des sondages.
Source : C.Henry , Des sondages et de leurs usages

Document 6 :
II existe incontestablement une tendance à privilégier le discours, la réponse... qui possèdent
le mérite d'être immédiatement «traitables». Cette tendance est favorisée d'abord par le sens
commun qui y trouve du «solide» du «sur». Mais elle est aussi conforme à un style de
démarche savante qu'on peut appeler «positiviste» : le positivisme consiste dans la confiance
accordée aux phénomènes observables, aux «données» réputées incontestables par
opposition aux réalités cachées, invisibles... réputées incontrôlables. Enfin le privilège accorde
aux discours effectifs répond à une exigence d'efficacité : après tout, si l'on obtient des
«résultats», pourquoi faudrait-il se priver de ce bénéfice en se lançant dans des interrogations
complexes, difficiles et finalement peu «rentables», sur la signification des «données»
recueillies, sur leur valeur et leurs limites On sait la fortune contemporaine de la technique
des sondages. Cette fortune est telle, elle s'impose avec une elle évidence, qu il n'y aurait
guère, semble-t-il, que quelques «cuistres» pour chercher à prendre du recul et à susciter un
vain «pinaillage». La chose primordiale dans les sondages est en effet d'obtenir des réponses
qui une fois agrégées, suscitent cet effet de cohérence qu'on appelle «opinion publique» si
«les Français» sont «pour» la peine de mort, la répression des conducteurs alcooliques, l'arme
nucléaire etc. à quoi sert de s’ attarder sur des nuances, inévitable résidu que l'interprétation
ne peut traiter sinon de façon accessoire ? Le résultat témoigne de la pertinence de la
technique utilisée: il y a des courbes régulières (popularité des hommes politiques par
exemple), des «tendances» constatables dans les «chiffres» etc. De surcroît, les gens
répondent bon gré mal gré; ils se prêtent à un jeu qui fait désormais partie de « l’horizon »
quotidien comme en témoigne la presse, écrite ou audiovisuelle, qui traite avec sérieux des
prestations publiques d’hommes politiques à la minute même de leur effectuation («il n'a pas
convaincu sur l'Europe les femmes de moins de 35 ans et les sympathisants U.D.F.») et qui,
de façon générale, présente un problème politique et social (la délinquance, les vieux,
l'Europe, l'union libre) et l'état de « l’opinion» sur ce problème (pour/contre; évolution...).
Sauf exception - parce qu'à l'évidence, il est impossible de méconnaître une donnée
surprenante, anormale, etc. - la réponse à la question posée par l'enquêteur est tenue comme
allant de soi. La preuve du bien-fondé de la question est dans l'existence, elle-même
mesurable, de réponses. II serait intéressant d'analyser le discours sur les non-réponses que
proposent les professionnels du sondage et de l'étude d'opinion :
• les gens qui ne répondent pas n'ont «pas encore» d'opinion, mais ça viendra bien un
jour (élections) : les fameux «indécis», le «marais»...
• les gens qui ne répondent pas sont quasiment coupables d'«indifférence» (ex. : vie
politique) : enfermés dans leur petite sphère, ils sont incapables d'en sortir et d'accéder
aux grands problèmes de la vie publique.
Source : P.Champagne , D.Merlhié , R.Lenoir et L.Pinto , Introduction à la pratique sociologique
, Dunod

Document 7 :
Faut-il, en effet, conclure de ces remarques critiques que, comme le disait Pierre Bourdieu au
début des années 70, « l'opinion publique n'existe pas » ? On touche, en fait, ici à l'un des
problèmes sans doute les plus délicats de l'analyse sociologique, surtout quand elle porte sur
un champ social qui, comme c'est le cas du champ politique, peut parvenir à faire exister
socialement des produits pourtant scientifiquement sans valeur.
Si l'on pouvait dire, à la fin des années 60, que l'« opinion publique » que prétendaient
mesurer les instituts de sondage n'existait pas et qu'elle n'était qu'un produit largement
artefactuel, sans rapport avec ce que les acteurs du jeu politique appelaient alors « opinion
publique », c'est parce que la pratique même des sondages en était encore à ses débuts en
France et que la croyance des milieux politique et journalistique en cette « opinion publique »
saisie par les instituts de sondage était encore très faible. C'est la même analyse qui doit
conduire aujourd'hui à des conclusions apparemment opposées : l'« opinion publique » des
instituts de sondage existe parce que ces derniers ont, depuis, réussi à faire croire en la
valeur « scientifique » de leurs enquêtes et à transformer ainsi ce qui était à l'origine, en
grande partie, un simple artefact technique, en réalité sociale
Source : P.Champagne , Faire l’opinion , Editions de Minuit , 1990

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