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B 95
Cancers épidermoïdes
et adénocarcinomes bronchiques
Épidémiologie, anatomie pathologique, étiologie, diagnostic, évolution, traitement
Pr Alain DEPIERRE
Service de pneumologie, CHU, 25030 Besançon cedex
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Opacité tumorale du hile droit asso- 3
ciée à un trouble de ventilation partiel du Opacité tumorale périphérique,
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Opacité tumorale : augmentation de lobe supérieur (limite inférieure concave dense, homogène, à limite nette et assez
volume du hile droit, opacité dense et appuyée sur la scissure ➧). régulière, d’environ 5 centimètres de dia-
inhomogène, à limite irrégulière. mètre.
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Opacité dite « indirecte » : atélectasie
du lobe supérieur droit : opacité dense,
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homogène, attraction de la trachée (➧), Opacité dite « indirecte » : atélectasie
rétraction des espaces interscostaux. du lobe supérieur gauche : attraction du
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Opacité tumorale périphérique iden- diaphragme (↑), rétraction des espaces
tique à la précédente mais de 1,5 cm de intercostaux, signe de la silhouette sur le
diamètre (➧). cœur.
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Double cancer : à gauche, masse Opacité dense paratrachéale droite,
7 tumorale superposée au hile, bien limitée,
Opacité tumorale para-hilaire droite, étendue le long du médiastin de la clavi-
dense, hétérogène, en raison d’une dense, homogène ; à droite, masse tumo- cule au hile. Bord externe net, polylobé :
nécrose centrale (abcédation). rale plus hétérogène, à limites moins adénopathies de la chaîne paratrachéale.
nettes. Une adénopathie sus-hilaire droite
est par ailleurs visible (➧).
– des signes indirects de suspicion : déformation d’un ori- diagnostic, la thoracotomie exploratrice est le moyen le
fice bronchique, épaississement d’un éperon, anomalie de plus sûr de parvenir au diagnostic si la suspicion de can-
la muqueuse bronchique. cer est élevée. Ses indications à visée diagnostique doivent
La fibroscopie peut être normale, notamment lorsque le être larges. Une telle attitude est préférable à l’abstention
cancer siège sur les bronches distales et il faut savoir la plus ou moins doublée d’une thérapeutique d’essai.
répéter. Elle permet toujours l’aspiration bronchique diri-
gée des sécrétions pour une étude cytologique. Bilan d’extension
Il existe une différence pronostique considérable entre les
Diagnostic anatomopathologique cancers bronchiques localisés, chirurgicalement enlevables,
le cancer à extension régionale parfois encore accessible à
l’acte opératoire ou à l’irradiation, et le cancer métasta-
1. Diagnostic par fibroscopie bronchique tique. Ce bilan, à la fois pronostique et thérapeutique, com-
et cytologie de l’expectoration prend 2 étapes : étude de l’extension locale, et recherche
La biopsie faite à la pince, de préférence à la jonction de d’une métastase.
la zone pathologique et de la muqueuse apparemment saine,
ou au niveau d’un éperon, ramène un fragment de volume 1. Recherche d’une extension locale
suffisant permettant un diagnostic histologique. La clinique, la radiologie, l’endoscopie, dépistent une
L’aspiration-biopsie faite dans le territoire suspect même atteinte :
en l’absence de tumeur visible, permet de ramener des élé- – du nerf récurrent (voix bitonale, paralysie de la corde
ments tumoraux lorsque la biopsie est techniquement vocale gauche) ;
impossible. – phrénique (hoquet, surélévation immobile d’une coupole
L’examen cytologique des sécrétions prélevées par l’aspi- diaphragmatique) ;
ration endobronchique lors de la bronchoscopie et l’exa- – veine cave supérieure (œdème en pélerine, circulation
men cytologique des crachats nécessitent des cytologistes collatérale) ;
entraînés et compétents. Les crachats doivent être prélevés – œsophage (dysphagie, sténose radiologique extrinsèque
au réveil, dans un liquide fixateur, et de préférence les jours ou non) ;
suivant une bronchoscopie. Le risque de faux résultats posi- – costale (douleurs, fractures ou lacunes osseuses radiolo-
tifs, pour minime qu’il soit (1 à 2 % des cas), doit être giques) ;
connu. – pleurale (syndrome pleural clinique et radiologique, biop-
Au terme de cette étude successivement clinique, radiolo- sie pleurale et cytologie du liquide pour affirmer l’enva-
gique, bronchoscopique et enfin anatomopathologique, le hissement néoplasique) ;
diagnostic de cancer bronchique primitif a pu être assuré – carène (affirmée lors de la bronchoscopie ; en cas de
dans la plupart des cas. Il importe alors d’entreprendre un doute, biopsie de la carène) ;
bilan à la fois pronostique et thérapeutique. – adénopathies hilaires et médiastinales : elles sont parfois
évidentes, mais souvent elles sont difficiles à affirmer sur
2. Autres prélèvements le cliché standard. Le scanner thoracique est indispensable.
Dans un certain nombre de cas, le diagnostic suspecté n’a C’est l’examen de choix pour leur analyse. Il a cependant
pu être établi de manière formelle. La biopsie transparié- 3 handicaps : il détecte des masses, mais difficilement les
tale à l’aiguille est souvent très utile, en particulier sous infiltrations en nappe ; il différencie mal les accolements
contrôle scanographique. La médiastinoscopie est rarement clivables des envahissements (au péricarde, à l’aorte, à l’œ-
utilisée. Si une deuxième bronchoscopie n’assure pas le sophage) ; il ne différencie une adénopathie d’un ganglion
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10 Tumeur bronchique (4) sténosant la bronche souche droite (➧) et la par-
Coupe de scanner passant par la trachée : tumeur tie terminale de la bronche droite de l’artère pulmonaire (1). En 3, atélecta-
périphérique, dense, homogène, limites irrégulières sie rétractile du lobe supérieur. En 2, aorte descendante. Dans cet exemple,
avec spicules linéaires, nombreux et typiques. la différence de tonalité entre la tumeur et l’atélectasie est nette.
que par un rapport de taille. Au-dessus de 2 cm de dia- conduisant parfois à l’indication d’une radiculotomie chi-
mètre, la probabilité d’envahissement est importante et le rurgicale. La radiothérapie et la chirurgie seront discutées
fait considérer a priori comme métastatique. En dessous de de principe.
1 cm de diamètre, au contraire, il sera considéré comme
étant bénin. Cancer de la trachée
C’est une tumeur rare, habituellement épidermoïde, qui
2. Recherche d’une métastase à distance n’est pas considérée comme un cancer bronchique stricto
Cette recherche concerne : sensu. La dyspnée en est le maître symptôme et la théra-
– les ganglions sus-claviculaires homo- ou controlatéraux peutique est dominée par le rétablissement de la liberté res-
(clinique) ; piratoire. Radiothérapie et endoscopie dite intervention-
– le cerveau [examen neurologique ; surtout scanner et ima- nelle (résection par laser ou cryopthérapie, prothèse
gerie par résonance magnétique (IRM)] ; intratrachéale) sont les deux armes thérapeutiques utilisées
– les os (clinique, scintigraphie osseuse couplée à une étude en général. La chirurgie est rarement possible.
radiologique) ;
– le foie (hépatomégalie nodulaire ou non ; scanner et sur- Associations cancéreuses,
tout échographie) ; cancers synchrones et métachrones
– la peau (examen clinique) ; La pathologie liée au tabac se retrouve : cancers bron-
– les surrénales (échographie, scanner). chiques, cancers laryngés, pharyngés, buccaux, et cancers
œsophagiens s’associent volontiers (en particulier le can-
Bilan général cer bronchique et le cancer laryngé). Ces associations mor-
Il est important : l’ensemble des pathologies liées au tabac bides légitiment la pratique d’une double (ORL +
complique souvent la prise en charge thérapeutique (bron- bronches), voire triple (ORL + bronches + œsophage) endo-
chite chronique, emphysème, artériopathie des membres scopie.
inférieurs, pathologie cardiovasculaire). De la même façon, les cancers bronchiques peuvent s’as-
socier. Ils peuvent être simultanés (synchrones) ou surve-
1. Étude fonctionnelle respiratoire nir l’un après l’autre (métachrones). La survenue d’un can-
La clinique recherche des antécédents de tuberculose éven- cer métachrone dans l’évolution d’un cancer bronchique
tuelle, de bronchite chronique et évalue la dyspnée. opéré est évaluée à 10 % des cas opérés.
La radiographie thoracique et le scanner thoracique recher-
chent des signes évocateurs d’emphysème. Formes avec syndrome paranéoplasique
Les épreuves fonctionnelles respiratoires et la mesure des Certains cancers s’accompagnent d’une symptomatologie
gaz du sang sont réalisées dans tous les cas où un acte chi- extrathoracique aberrante, constituant un syndrome para-
rurgical paraît possible. Une pneumonectomie n’est guère néoplasique. Ils sont extrêmement variés, peuvent accom-
envisageable si le VEMS escompté du côté restant est infé- pagner tous les types de cancers, mais avec une particu-
rieur à 1 litre ou s’il existe une hypercapnie préopératoire. lière fréquence le cancer bronchique (et en particulier le
Une scintigraphie de perfusion pulmonaire est parfois cancer à petites cellules). On distingue :
nécessaire pour apprécier individuellement la fonction pré- – des syndromes ostéo-articulaires : hippocratisme digital,
visible du poumon « restant ». ostéo-arthropathie hypertrophiante ;
– des syndromes neurologiques : neuropathie sensitive de
2. Évaluation de l’état général Denny-Brown, polynévrite sensitivo-motrice, syndrome
L’âge ne représente pas une contre-indication opératoire cérébelleux, syndrome médullaire, troubles psychiques ;
éventuelle, l’appréciation de l’opérabilité étant beaucoup – des syndromes endocriniens : hypercalcémie, hypercor-
plus liée à l’existence d’une tare viscérale, artérielle notam- ticisme, hyperthyroïdie ;
ment : la chirurgie thoracique est possible jusqu’à 80 ans. – des syndromes cutanés.
La plupart des syndromes paranéoplasiques régressent
après ablation de la tumeur.
Formes cliniques Évolution – Facteurs pronostiques
En l’absence de traitement, le cancer bronchique entraîne
Cancer de l’apex la mort dans un délai de quelques mois à (dans de rares
C’est la seule forme qui mérite réellement d’être indivi- cas), quelques années.
dualisée. Le cancer de l’apex peut envahir le dôme pleu- Le facteur pronostique dominant des épidermoïdes et des
ral, le plexus brachial, les côtes ou le rachis et réaliser le adénocarcinomes est leur résécabilité : 5 % de survie à 5 ans
syndrome de Pancoast-Tobias (associant des douleurs radi- pour les non opérés, 25 % de survie à 5 ans pour les opérés.
culaires dans le territoire C8 D1, un syndrome de Claude Chez les patients opérés, les études pronostiques sont domi-
Bernard-Horner et des images de lyse osseuse des deux nées par le rôle de l’extension de la maladie au moment du
premières côtes). L’évolution est particulièrement doulou- diagnostic selon la classification TNM. Les autres facteurs
reuse, les traitements antalgiques difficilement efficaces, ont surtout été étudiés chez les non opérés.
Chez les patients non opérés, de nombreux facteurs ont été Diagnostic différentiel
étudiés, avec par ordre d’importance pronostique défavo- en anatomopathologie
rable décroissant :
Les prélèvements sont souvent de petite taille voire réduits
– extension (TNM) ; à des éléments cytologiques. L’absence de tissu en quan-
– index d’activité (performance status) ; tité suffisante rend parfois difficile le typage précis de la
– amaigrissement ; tumeur.
– plus discutés sont l’âge, le sexe (en faveur de la femme), L’existence d’un prélèvement négatif signifie seulement
les lacticodéshydrogénases (LDH), l’hyperleucocytose, la l’absence de tumeur dans le prélèvement, pas dans l’or-
nature des sites métastatiques (peau, os), l’histologie (épi- gane.
dermoïde meilleur qu’adénocarcinome). La dédifférenciation des tumeurs rend leur classification
difficile.
Les techniques d’immuno-histochimie apportent des argu-
Diagnostic différentiel ments dans la reconnaissance et la classification des
tumeurs.
Il est difficile à synthétiser parce qu’il va se poser à toutes
les étapes de la démarche diagnostique, depuis l’analyse Traitement
initiale des signes révélateurs jusqu’au diagnostic histolo-
gique. L’essentiel de la démarche est de conduire l’opéra- Le traitement des cancers bronchiques nécessite une
teur au prélèvement biopsique. La conduite du diagnostic concertation régulière des pneumologues, chirurgiens tho-
différentiel est globalement la même pour tous types de raciques, radiothérapeutes et oncologues médicaux.
cancers bronchiques.
Chirurgie
Diagnostic différentiel clinique C’est l’arme la plus efficace mais 25 % seulement des opé-
rés survivent à 5 ans. Les récidives après 7 ans sont excep-
Il consiste surtout à penser au cancer bronchique devant :
tionelles.
– un tableau infectieux bronchopulmonaire ;
Deux types d’interventions sont possibles :
– une hémoptysie ; – la pneumonectomie dans les tumeurs proximales (simple
– des douleurs thoraciques ; ou élargie) ;
– un hippocratisme digital d’apparition récente ; – la lobectomie si la tumeur est exclusivement lobaire (éloi-
– un syndrome paranéoplasique ; gnée de la naissance de la bronche lobaire).
– des métastases révélatrices. Les autres types de chirurgie d’exérèse pulmonaire sont
rarement proposés (segmentectomie, résection atypique).
Diagnostic différentiel radiologique Toute tumeur opérable après l’évaluation TNM doit être
Quelle que soit la probabilité de certitude obtenue, la radio- opérée :
graphie pulmonaire ne fait pas le diagnostic de cancer bron- – T1 ou T2 ; les T3-4 médiastinaux sont habituellement des
chique. contre-indications sauf les T3 pariétaux ;
– N1 hilaires ou N2 homolatéraux (la présence d’adéno-
1. Opacités hilaires associées ou non pathies médiastinales n’est pas une contre-indication obli-
à un trouble de ventilation gatoire et doit faire l’objet d’une confrontation médico-
Le diagnostic différentiel est celui des « pneumopathies » chirurgicale) ;
au sens large : – M0.
– pneumopathies infectieuses plus volontiers bactériennes Le poumon restant doit être de qualité fonctionnelle satis-
(les pneumopathies virales sont plutôt bilatérales) ; faisante.
– troubles de ventilation liés à une obstruction non maligne Radiothérapie
(corps étranger, tumeur bénigne) ; Elle utilise la radiothérapie de haute énergie, habituelle-
– infarctus pulmonaire par embolie pulmonaire ; ment les accélérateurs de particules. Elle permet de déli-
– tuberculose pulmonaire ulcéro-caséeuse de l’adulte. vrer jusqu’à 60-70 Gy sur la tumeur, de 40 à 45 Gy sur le
médiastin supérieur et moyen à raison d’une séance par
2. Opacités périphériques jour, 5 jours par semaine, étalées sur 6 à 7 semaines consé-
Les principales étiologies des nodules pulmonaires sont cutives. Ses séquelles sont de mieux en mieux évitées. Ses
(outre le cancer bronchique primitif) : le cancer secondaire ; indications restent discutées.
les tumeurs bénignes (hamartomes) ; les tumeurs carci- Elle peut s’adresser :
noïdes ; le tuberculome ; le lymphome ; le nodule vascu- – aux petites tumeurs inextirpables (soit par leur siège, soit
laire (fistule artério-veineuse) ; l’infarctus pulmonaire à pour une contre-indication générale), surtout si le médias-
forme pseudo-tumorale ; les infiltrats ronds d’origine infec- tin est libre d’adénopathies ;
tieuse ou parasitaire. – en complément de la chirurgie : si celle-ci a procédé à
Les diagnostics différentiels sont globalement les mêmes l’ablation d’adénopathies métastatiques, si la tumeur enva-
en radiographie standard et en tomodensitométrie. hissait soit le médiastin, soit la paroi ;