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Hiver-printemps 2009
Vol. 1, n° 2
du QUÉBEC
Où est passé
le PIN BLANC ?
UN PIONNIER RACONTE
avec André Duchesne
5 $ CAN
ISSN 1918-1760
RECHERCHE
Aménagement écosystémique
et forêt préindustrielle
Bonne lecture !
Caron
OÙ EST PASSÉ
LE PIN BLANC ?
par Patrick Blanchet
Directeur général
SHFQ
Cette photo est positionnée
dans les premières pages du
livre « Les arbres de
commerce de la Province de
Québec » publié en 1906 par
Jean-Chrysostome Langelier
pour faire la promotion de
l'exploitation forestière au
Québec. Elle représente une
forêt typique de pin blanc
dans le secteur de la rivière
Coulonge au début du 20e
siècle.
Plusieurs forestiers, écologistes et entraîné une détérioration des écologiques chez les historiens
journalistes utilisent le concept de forêts3 ». Finalement, en 2008, dans aurait permis de croire à une
l’assaut industriel sur la forêt de un document de vulgarisation surabondance de certaines espè-
pin blanc pour exprimer l’idée que intitulé Les grands pins au Québec, ces dans le passé5. Ces chercheurs
les Québécois auraient subi, au le Service canadien des forêts soulignaient la possibilité que les
XIXe siècle, une sorte de viol, par abondait dans ce sens et écrivait discours des historiens n’aient pas
des intérêts étrangers, de leur que « de nos jours, le pin blanc et le été fondés et devaient donc être
patrimoine forestier. Les exemples pin rouge sont plus rares dans les catégorisés comme des « légendes
sont innombrables, mais notons forêts naturelles en raison d’une naturelles » au même titre que les
les suivants. Dans un article pour surexploitation tout au long du « légendes urbaines ». Dans cette
Science Presse, l’auteur Claude XIXe siècle ». L’assaut industriel perspective, serait-il possible de
Marcil écrivait : « Dès l'hiver aurait signifié, à l’avis de plusieurs, croire que cette méconnaissance
1805-06, Wright envoie son « l’extermination du pin blanc4 ». soit aussi à l’origine de la création
personnel à l'assaut des pins du concept de l’assaut industriel ?
blancs et rouges et des plus beaux
feuillus de l'Outaouais1. » Dans son
« Est-ce que la surexploi- Est-ce que la surexploitation des
forêts de pin blanc au XIXe siècle
tation des forêts de pin
pamphlet intitulé Les vrais maîtres peut expliquer la raréfaction de
de la forêt québécoise, l’ingénieur blanc au XIXe siècle peut cette espèce ? ►
forestier Pierre Dubois, spécifiait expliquer la raréfaction de
qu’un « siècle d’exploitation fores-
tière est pratiquement venu à
cette espèce ? » 1. Claude Marcil, Histoire de la foresterie, site Internet
consulté le 9 janvier 2009 :
http://www.sciencepresse.qc.ca/kiosqueforet/
bout du pin blanc2 » et élargissait À l’occasion d’un congrès tenu au page3foret.html.
le périmètre de cet assaut à la mois de février 2002, à Milan, par 2. Pierre Dubois, Les vrais maîtres de la forêt québécoise,
Montréal, Écosociété, 2002, p. 45.
totalité de l’histoire de l’exploi- l’European Society for Environ- 3. Ibid., p. 32.
4. En référence au titre éloquent du chapitre 2 : Donal
tation forestière « pour l’ensemble mental History, un groupe de cher- McKay, Un patrimoine en péril, Québec, Publications du
du Québec habité, et pour les cheurs dirigé par Brend Herrman Québec, 1986, p. 15.
5. Brend Herrman et al., Abundance of species in
régions qui ont subi l’assaut présentait une nouvelle hypo- Historic Times, dans « History and Sustainability », Third
industriel forestier, les coupes thèse, à valider, selon laquelle la International Conference of the European Society for
Environmental History, Florence – Italie – (February
abusives ont indéniablement méconnaissance des processus 16-19, 2005), p. 149.
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 5
La thèse de l’assaut sur terrible crise économique du XXe qui remettent en question cette conclu-
siècle. Les travailleurs du milieu sion. Probablement, la plus grande
la forêt canadienne forestier, tant dans les villes qu’en contradiction est à l’effet que plusieurs
des plus gros barons, dont E.H. Bronson
forêt, étaient voués à la misère par et W.C. Edwards, tous deux d’Ottawa,
En fait, cette idée de l’assaut indus- ont joué un rôle de premier plan dans
triel trouve son origine dans un les organisations de conservation de la
livre intitulé The North American
Assault on the Canadian Forest
« le contexte mondial de nature […]11
6 — HISTOIRES FORESTIÈRES
très près. Pour s’établir de manière l’écologie du pin blanc et du rôle
permanente, les colons s’achar- des feux naturels, l’ensemble des
naient à défricher leurs lots et à témoignages recueillis signalait
brûler les bois abattus. Trop que les feux d’une intensité
souvent, disait-on à l’époque, les extrême détruisaient dix fois plus
colons laissaient les flammes des de bois qu’on en coupait par année
abattis courir dans les forêts envi- dans les peuplements les plus
ronnantes sans égard aux consé- recherchés, comme les pinèdes à
quences sur l’économie forestière pin blanc. Dans le rapport soumis à
de la région. L’importante quantité l’Assemblée législative, les cris
de biomasse laissée sur les parter- d’alarme étaient innombrables.
La conquête du sol. res de coupe devenait un combus- Parmi ceux-ci, celui du marchand
tible hautement inflammable de bois John Poupore représente
de pin blanc. De l’autre, on voulait intensifiant artificiellement le feu le mieux la situation décriée par
qu’aucune restriction ne nuise à la (60 % de la tige demeurait sur le tous :
conquête du sol. En fait, la popula- parterre de coupe) et transformant
tion canadienne-française, issue de inadéquatement le lit de germina- Je suis actuellement résidant et j'ai
demeuré sur la rivière Ottawa durant les
défricheurs, avait de la difficulté à tion nécessaire à la régénération
25 dernières années. Pendant toute la
voir, à travers cette immensité du pin blanc. À cette situation déjà durée de cette période de temps, j'ai
boisée qui la faisait tant souffrir, les problématique, s’ajoutait une été engagé dans le commerce de bois.
problèmes d’approvisionnement raréfaction des graines. En fait, les Je connais parfaitement les forêts
spécifiques au développement meilleurs semenciers avaient été d'arbres de pins blancs de l'Ottawa et
de ses tributaires, et je puis parler, sans
industriel. récoltés précédemment et la crainte de me tromper, de l'étendue du
puissance des flammes avait territoire qui a été, en diverses circons-
Un scénario possible… les feux détruit les cônes des plus petites tances, dévasté par le feu et de la valeur
d’origine anthropique et la tiges laissées sur le parterre. Finale- du bois qui a été détruit. Dans le cours
de plusieurs de mes courses et explora-
raréfaction des pinèdes québé- ment, la transformation radicale de
tions à travers la forêt, j'ai parcouru des
coises au XIXe siècle la canopée favorisait dorénavant milles et des milles d'un territoire jadis
les essences pionnières plus agres- couvert de bois touffus, et de grande
Il est maintenant reconnu que le sives, tels le bouleau et le peuplier, valeur, qui n'est plus aujourd'hui qu'une
feu joue un rôle majeur dans la étouffant le cas échant les quel- lande déserte, stérile et brûlée par le
feu, n'offrant rien autre chose à la vue
régénération des peuplements de ques nouvelles pousses qui avaient que des broussailles rabougries -
pin blanc (voir article de Guy réussi à germer malgré l’adversité. végétation chétive de peuplier ou
Lessard). Toutefois, à partir du XIXe C’est ainsi qu’hypothétiquement d'autres arbres sans valeur - et que des
siècle, il semblerait que ce proces- ce type d’occupation du sol par les troncs d'arbres noircis et carbonisés. En
effet, allez du côté où vous voudrez à
sus fût profondément perturbé par euro-descendants a probablement
travers la région forestière de l'Ottawa
le mode d’occupation du sol des participé à un changement majeur et de ses tributaires et à peine aurez-
Européens dans la forêt méridio- du rôle naturel du feu en forêt. vous parcouru quelques milles que
nale, mode qui était somme toute vous aurez sous les yeux les traces
similaire dans la plupart des Une problématique dénoncée profondes laissées par ces incendies12.
régions du Québec. D’abord, les depuis longtemps
marchands de bois s’établissaient Le gouvernement du Québec,
près des plus belles pinèdes, le Au XIXe siècle, les questions envi- inquiété réellement de la situation,
long des affluents propices au ronnementales étaient plutôt vu l’avantage économique qu’il
transport de la matière ligneuse, et rares. Toutefois, le renouvellement tirait de ses forêts, adopta l’année
se chargeaient de construire les et la conservation des forêts en suivante une loi préventive et coer-
infrastructures nécessaires à inquiétaient plusieurs. Dès 1869, citive pour se prémunir du danger
l’exploitation industrielle de la un comité gouvernemental fut des feux anthropiques, entre
forêt. Par la suite, les bûcherons formé pour entendre les témoi- autres les feux de camp, et plus
pénétraient dans les bois pour gnages des marchands de bois, particulièrement ceux causés ►
prélever, par écrémage, les plus des scientifiques et des experts de
gros spécimens de pin. toutes sortes, et ce, afin de connaî-
tre l’état de la situation et les 12. Québec, Rapport du comité spécial auquel ont été
Sur le front arrière, le mouvement solutions au déboisement causé renvoyés la correspondance et les documents relatifs aux
incendies […], Montréal, La Minerve, 1869 [90 p.].
de colonisation agricole suivait de par le feu. Malgré l’ignorance de
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par les abattis13. Cette première jusqu’à leur abolition en 1886 par sans enthousiasme, vers le Canada.
tentative de contrôle eut de bons le nouveau gouvernement pro- Depuis toujours, le bois canadien
effets, surtout préventifs, mais ne colonisation d’Honoré Mercier. avait mauvaise réputation, jugé
put assurer les capitaux investis en trop cher compte tenu de sa
forêt. Pour les promoteurs de la qualité inférieure. Pour remédier à
conservation, seule la création de
La petite histoire du la situation, le gouvernement
réserves forestières pouvait mettre grand pin blanc anglais créa un marché protégé
fin à ce cycle de destruction. (tarifs préférentiels et certification
C’est avec la commercialisation des de la qualité) avec sa colonie,
L’idée fut entendue à Montréal en bois de pin blanc (Pinus Strobus L.) permettant ainsi le démarrage du
1882 à la suite d’une rencontre et de pin rouge (Pinus Resinosa Ait.) commerce du bois de sciage et de
fondamentale des ténors de de fortes dimensions que débuta la construction maritime, com-
l’Americain Forestry Congress. Le l’exploitation industrielle de la merce principalement approvi-
10 septembre 1883, les premières forêt au Québec, au début du XIXe sionné de pin blanc qu’on achemi-
réserves forestières du Québec siècle. Jusqu’à ce jour, les deux nait équarri, en planche, en billots
furent décrétées par le gouverne- empires, français (1534-1760) et et en mâts de bateau depuis diffé-
ment conservateur du Québec anglais (à partir de 1760), n’avaient rentes régions du Québec, mais
dans certains secteurs sensibles de pas fait preuve d’une réelle inten- aussi de l’Ontario et des États-Unis
la rivière des Outaouais. Quelques tion de développer l’économie du au port de Québec.
mois plus tard, d’autres réserves bois au Canada. En 1803, les
furent créées dans la région de la cloches de la guerre sonnèrent Selon André Michaux, botaniste
rivière Saint-Maurice et dans les entre les deux belligérants et, trois français qui herborisa en Amérique
cantons de Beauce, Compton, ans plus tard, Napoléon, qui avait du Nord au début du XIXe siècle, le
Wolfe, Arthabaska, Mégantic et pris le contrôle de l’Europe du pin blanc était, à cette époque, le
Dorchester. Malgré l’intérêt crois- Nord, imposa aux Anglais un type de pins le plus employé en
sant d’une partie de l’élite cana- blocus sur ce territoire, d’où prove- nombre et celui dont les usages
dienne-française pour les ques- nait leur plus avantageuse source étaient les plus variés parmi ceux
tions d’économie forestière, la d’approvisionnement de pin. Pris qu’on trouvait en Amérique du
création de ces réserves souleva la au dépourvu et manquant de Nord14. Cette préférence pour le
colère des promoteurs de la coloni- ressources sur leur île pour susten- pin blanc était moins liée à une
sation qui s’y opposèrent farouche- ter leur industrie de guerre, les quelconque perfection de ses
ment, empêchant leur application Britanniques durent se retourner, capacités mécaniques qu’à la ►
Scène de désola-
tion du feu de
Pocurpine en 1911.
Et dire qu’Arthur
Lower était
garde-feu à
quelques milles au
nord de Pocurpine
au moment de ces
grands feux qui
firent 70 morts et
détruisirent
200 000 hectares
de forêts.
8 — HISTOIRES FORESTIÈRES
supériorité de ses qualités sur ses mélange avec d’autres espèces Que nous disent les chiffres ?
défauts. Pour la construction, il résineuses ou feuillues. Les dimen-
était peu résistant, tenait mal les sions et les âges des individus Pour l’ensemble du Québec, au
clous et son bois avait tendance à pouvaient varier beaucoup. Quoi- XIXe siècle, il est extrêmement
gonfler lors des temps humides. que certains arbres eussent pu difficile de trouver des séries statis-
Toutefois, il était tendre, léger, atteindre les dimensions excep- tiques complètes sur la coupe du
facile à travailler, ne possédait tionnelles de 58 mètres de haut et pin blanc. Malgré tout, certaines
pratiquement pas de nœuds et de 2 mètres de diamètre, des données sont disponibles et nous
fournissait des planches d’une personnes dignes de foi avaient permettent d’évaluer l’intensité de
belle largeur et des pièces de char- indiqué au botaniste qu’elles la récolte. Nous savons, entre
pente de la plus grande dimension. « regardaient cette dimension autres, que l’ensemble des colo-
comme extraordinaire et ne se nies d’Amérique du Nord exportait,
Pour cette raison, il était en forte rencontrant que très rarement ». entre 1813 et 1833, une moyenne
demande pour la construction Par ailleurs, les spécimens les plus de 500 000 m3 de bois équarri par
navale, mais également pour la prisés se trouvaient le long des année (pin blanc et pin rouge) vers
consommation domestique et le cours d’eau, plus susceptibles le Royaume-Uni16. Plus précisé-
marché intérieur. Au début du XIXe d’être éliminés du paysage, ment, nous savons qu’entre 1844
siècle, le botaniste Michaux expli- d’autant plus qu’ils étaient en com- et 1852, les récoltes, toutes espè-
quait qu’aux États-Unis, près de pétition avec le développement de ces confondues, du Canada-Uni
500 000 maisons avaient été l’écoumène. Pour toutes ces (Québec et Ontario) variaient entre
construites, et ce, presque exclusi- raisons, dès le début du XIXe siècle, 300 000 et 480 000 m3 par année17.
vement avec du bois de pin blanc. Michaux se plaignait déjà, après Les quantités de bois étaient alors
Il indiquait aussi que, dans les avoir effectué un voyage entre véritablement insuffisantes pour
grandes villes, on utilisait les plus Philadelphie et Boston, de n’avoir croire à une surexploitation, c'est-
grosses pièces pour la charpente pu trouver un seul pin blanc capa- à-dire une récolte prélevant suffi-
des édifices, pour fabriquer les ble de mâter un bateau de gran- samment de bois d’une essence
moulures, les portes extérieures et deur moyenne (600 tonneaux). pour mettre fin à son renouvelle-
les manteaux de cheminées. Le pin ment.
blanc était omniprésent dans les En fait, il apparaît que les Français,
objets d’utilité courante, tels dans un premier temps, et les Toutefois, durant la seconde moitié
l’intérieur des malles, le fond des Anglais, par la suite, aient perçu la de cette période, l’économie fores-
chaises Windsor, les sceaux à relative abondance des stocks tière prit un virage majeur. Le com-
puiser de l’eau, les caisses pour le forestiers propices au développe- merce du bois équarri stagna pour
transport ainsi que les cases et ment de l’économie du bois en finalement décroître et être aban-
tablettes des magasins. Il servait Amérique du Nord. Dès le XVIIe donné à la fin du siècle, et fut
aussi aux sculpteurs qui l’utilisaient siècle, la France avait émis des graduellement supplanté par
pour les pièces sur lesquelles on ordonnances sur le territoire cana- l’industrie du sciage. Ce change-
devait appliquer de la dorure dans dien afin de protéger certaines ment fut causé par l’ouverture du
les édifices religieux et sur les espèces d’arbres vitales à la marché américain à la suite d’une
vaisseaux de la marine. construction navale. De leur côté, entente de libre-échange. L’objec-
les Anglais s’étaient réservé spécifi- tif était alors de répondre à la
Toujours selon le botaniste André quement, dans leur colonie plus au demande de bois de sciage pour la
Michaux, si on trouvait les premiers sud, les plus belles pinèdes par construction dans le nord-est des
spécimens de pin blanc à environ ordonnance royale en 1711 et en États-Unis et, à partir des années
170 km à l’embouchure du 1721. Ce règlement fut étendu à 1860, pour la « conquête de ►
Lac-Saint-Jean sur la rivière Mistas- l’ensemble de leur possession
sini, son aire d’abondance se après la conquête de la Nouvelle-
limitait plutôt à une zone située France, règlement qu’ils rééditè-
entre le 43e et le 47e degré de rent avec la signature de l’Acte de
latitude. À l’intérieur de cet espace, Québec en 1775 : « C’est notre désir 15. Jean Bouffard, Traité du domaine : reproduction de
les pins blancs pouvaient consti- que les terres couvertes de forêts l’édition originale de 1921, Québec, Les Presses de
l’Université Laval, 1977, p. 28.
tuer à l’occasion des peuplements de pins propres à la mâture de 16. Données extraites de Jean Beaulieu, La noble
histoire du pin blanc, Service canadien des forêts : « Du
purs, mais se trouvaient la plupart notre marine royale soient mises à pin blanc pour l’avenir, c’est possible », 1998, p. 5-12.
du temps de manière éparse, en part et ne soient pas concédées15. » 17. Loc. cit.
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 9
l’Ouest ». Les données sur l’exploi- société et la forêt plutôt qu’à d’autrefois sur lesquels s’affairaient
tation du pin blanc changèrent asseoir notre réflexion sur des les bûcherons, comme sur la
radicalement. Les récoltes passè- évidences, simplistes, d’un com- carcasse d’un pauvre béluga,
rent de quelques centaines de plot entre le gouvernement du faisant paraître que ces bois se
milliers de m3 à une moyenne de Québec et le monde industriel. À trouvaient par le passé en quantité
2 108 000 m3 de 1870 à 190018. Si ce sujet, la théorie des barons astronomique ? Aurions-nous ou-
on admettait l’hypothèse de la voleurs véhiculée dans la littéra- blié qu’à l’origine, la photographie
surexploitation des forêts au ture jusqu’à nos jours semble nous était un art technologique émi-
XIXe siècle, il faudrait accepter que révéler plus d’informations sur nos nemment complexe qui avait pour
63 266 000 m3 de bois représen- complexes nationaux que sur le fonction d’immortaliser des scènes
taient l’abondance des forêts de problème forestier en soi. Il est exceptionnelles et donc hors de
pin blanc et rouge. cependant très difficile de se l’ordinaire ? À combien d’autres
débarrasser ces stéréotypes, images avons-nous été exposés,
D'une histoire de victimes d’autant plus qu’ils sont ancrés notamment celles des fameuses
profondément dans la mémoire. anses à bois situées entre Sillery et
vers une histoire des Combien d’images avons-nous Québec, sans pouvoir juger de la
relations société et forêt vues de ces immenses pins blancs provenance des produits fores-
tiers ? Au lieu d’encourager la
Il ne fait pas de doute que
l’exploitation des pinèdes pendant
« Au lieu d’encourager la réflexion, ces images et les com-
réflexion, ces images et les mentaires qui les accompagnent
la seconde moitié du XIXe siècle fut semblent avoir restreint l’imagi-
intensive. Toutefois, rien ne prouve commentaires qui les accom- naire collectif à l’intérieur d’une
que la coupe soit le seul facteur de pagnent, semblent avoir philosophie « victimisante », com-
raréfaction des pinèdes québécoi- restreint l’imaginaire collectif me quoi la déforestation de nos
ses. Il apparaît plus probable que, plus belles pinèdes au XIXe siècle
à l’intérieur d’une philoso-
comme tout problème, la réalité avait été le fruit unique d’un assaut
soit plus complexe et qu’en ce qui phie ” victimisante ”, comme industriel perpétré par les grands
concerne le XIXe siècle, nous quoi la déforestation de nos capitaux britanniques et améri-
devrions mieux examiner la dyna- plus belles pinèdes au XIXe cains venus dilapider « notre »
mique d’implantation de la société ressource par des procédés
occidentale dans les différents
siècle avait été le fruit unique
d’extraction totale. ■
écosystèmes forestiers et son effet d’un assaut industriel perpé-
combiné aux agents perturba- tré par les grands capitaux 18. Données compilées dans Guy Gaudreau, Les
teurs, tels les feux, les insectes et britanniques et américains récoltes des forêts publiques au Québec et en Ontario,
les maladies des arbres. Dans cette 1840-1900, Montréal, McGill-Queen’s University Press,
perspective, nous retirerions venus dilapider ” notre ” 1999, p. 87. Les données de Gaudreau sont en PMP et
ont été converties en pi3 puis en m3 selon la table
davantage à comprendre la com- ressource par des procédés Derome de 1888, soit 5 PMP = 1 pi3. L’année de coupe
la plus intensive fut celle de 1881-1882, alors qu’on
plexité des rapports entre la d’extraction totale. » récolta 2 673 000 m3 et la moins intensive, celle de
1977-1878, alors qu’on récolta 1 254 000 m3.
Équarrissage d'une pièce de bois dans la région de l'Outaouais Anse à bois de la seconde moitié du XIXe siècle, située dans le
en 1873. Remarquez le caractère exceptionnel de cet arbre en secteur de Sillery, en bas de l'actuelle côte de l'Église. Les
comparaison avec les autres spécimens dans le paysage forestier. produits forestiers proviennent de l'Ontario et du Québec.
10— HISTOIRES FORESTIÈRES
E S S E N CE F O R ESTI ÈR E
L’histoire du Québec est intime- une hauteur de 30 m et un diamè- en forêt mixte (domaines de la
ment liée à certaines essences tre de 90 à 100 cm. Si on repère à sapinière à bouleau jaune et dans
forestières. Ainsi, le pin blanc a l’occasion ces individus aux dimen- la portion est de la sapinière à
souvent eu valeur de symbole, tant sions étonnantes, surplombant bouleau blanc). Ils couvrent un peu
par sa taille que par son diamètre, épisodiquement le paysage fores- plus de 239 000 ha (soit 0,55 % de
la blancheur de son bois, son tier, cette stature cache une la superficie forestière québécoise)
utilisation pour la mâture des problématique particulière : le pin et se trouvent plus particulière-
grands voiliers, son abondance domine certes, mais dans les ment sur les escarpements, les
dans les anses à bois du port de autres étages de la forêt, il est peu sommets et les hauts de pente, ou
Québec au XIXe siècle et, plus présent. De plus, de récentes encore sur des terrains plats
récemment, sa raréfaction. La études réalisées en Outaouais sableux bien drainés. On trouve le
connaissance de son écologie démontrent qu’il se régénère peu pin blanc en association avec le
apporte des éléments de réflexion et, qui plus est, qu’une féroce com- sapin et l’épinette, les feuillus
qui permettent de mettre les faits pétition risque de compromettre intolérants, comme le peuplier
en perspective et de tracer des sa survie. faux-tremble et le bouleau blanc,
pistes pour sa restauration. ou encore l’érable à sucre ou le
Actuellement, les peuplements chêne rouge. Sa présence est
Des airs de noblesse cachant avec une composante de pin blanc souvent éparse, quoiqu’il domine à
un problème de raréfaction sont présents en forêt feuillue, l’occasion certains peuplements en
particulièrement dans le sud-ouest raison de sa dynamique particu-
Cette essence, d’une longévité mo- du Québec (domaines bioclimati- lière. ►
yenne de 200 ans, peut atteindre ques de l’érablière) et également
Pinède à pin blanc et rouge
sur sable. À régénérer.
Une dynamique naturelle liée foudre, créaient les conditions Un « feuillu » d’avenir
inexorablement à la présence idéales à son installation. Tout le recherché
du feu sous-bois brûlait, comme la
plupart des espèces sur pied, favo- Un jour, un forestier européen a
Avant l’ère industrielle, le pin blanc risant d’abord l’ensoleillement de affirmé en boutade que, dans nos
était plus abondant qu’aujour- la surface du sol, mais rabattant érablières, le pin blanc serait le
d’hui. En plus des grands massifs également les couches de matière « feuillu » d’avenir. Sans être la
qu’on pouvait trouver localement, organique. Or, les grands pins à panacée, cette espèce présente
de grands individus trônaient, ça et l’écorce résistante au feu, comme effectivement plusieurs qualités
là, au-dessus de la canopée, celle des chênes, survivaient. Leurs relatives à sa croissance et à son
fournissant une quantité impor- semences pouvaient alors se utilisation.
tante de semences et l’assurance répandre1, germer dans un sol
du renouvellement de l’espèce. approprié et croître dans des Ainsi, parmi toutes les essences du
Toutefois, depuis le XIXe siècle, le conditions idéales de lumière. Québec, le pin blanc possède l’une
pin blanc est entré dans une ère de Dans le parc de la Mauricie, les des meilleures croissances, qu’il
raréfaction. À ce sujet, il est aménagistes ont voulu émuler peut maintenir même à un diamè-
reconnu officiellement comme un cette dynamique et des essais tre très élevé. De plus, en peuple-
enjeu de biodiversité au Québec. fructueux de brûlage dirigé ont ment dense, il s’élague facilement
L’hypothèse de sa surexploitation donné de bons résultats pour la et naturellement, engendrant un
dans le passé a souvent été avan- régénération du pin blanc. bois avec peu de nœuds. Cette
cée par divers auteurs, mais une espèce est recherchée pour sa
grande partie de la réponse serait Il est à noter que d’autres grandes couleur, comme bois d’œuvre,
plutôt liée à son écologie. perturbations, comme des renver- pour ses dimensions et ses proprié-
sements par le vent (chablis), tés physicomécaniques. On l’utilise
Le pin blanc est caractérisé par une pouvaient aussi créer des condi- maintenant pour la fenestration,
tolérance intermédiaire à l’ombre, tions favorables à son installation les moulures, le meuble, mais aussi
c’est-à-dire qu’il a besoin d’un par une meilleure exposition à la pour les travaux artistiques
certain niveau de lumière pour lumière et la mise à nu de portions puisqu’il est facile à usiner,
s’installer et pour croître. Il a égale- de sol minéral. Ainsi, la raréfaction à peindre et à vernir. ►
ment besoin de conditions particu- du pin blanc serait liée aux activités
lières pour assurer la germination humaines, non pas seulement à
de ces semences, soit un sol miné- l’exploitation intensive, qui ont
ral, un mélange de sol minéral et éliminé les semenciers et perturbé
de matière organique, une litière les mécanismes de régénération 1. Les bonnes années semencières sont périodiques
(tous les trois à cinq ans) ainsi que les années
légèrement perturbée, un sol naturelle (voir article de Patrick exceptionnelles (tous les dix à douze ans). En dehors
couvert de mousses pionnières ou Blanchet). La politique d’exclusion de ces bonnes années semencières, la production de
graines viables est quasiment nulle. La majorité des
encore une matière organique totale des feux de forêt dans le sud semences, dont la viabilité au sol ne dépasse
brûlée. Malheureusement, les du Québec est venue accentuer le généralement pas un an, sont dispersées en
septembre sur une distance égale à la hauteur du
forêts actuelles non perturbées et phénomène. semencier.
les pratiques sylvicoles actuelles
courantes ne créent pas ces condi-
tions. Les lits de germination
présents sont inappropriés (il
manque de lumière sous couvert)
et les semenciers se font égale-
ment de plus en plus rares.
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 13
Une stratégie québécoise Forestier en chef a annoncé des tion. À la lumière des considéra-
pour le pin blanc baisses draconiennes de la possibi- tions et des exigences écologiques
lité forestière (récolte annuelle de cette espèce, d’autres pistes ont
Le retour du pin blanc constitue permise) atteignant 70 %. L’objectif été aussi proposées afin d’assurer
depuis peu un enjeu de la biodi- est de favoriser le recrutement de son renouvellement :
versité à l’intérieur des forêts amé- nouvelles cohortes, par le main-
nagées au Québec. Actuellement, tien, le plus longtemps possible,
une stratégie a été proposée pour des semenciers et l’adoption de
t Le choix de l’habitat
Il faut porter une attention toute
le sud-ouest du Québec et le nouvelles modalités de régénéra-
spéciale pour limiter la propaga-
tion de la rouille vésiculeuse, soit
aux zones où elle est virulente et
aux positions topographiques qui
sont mal aérées. Les stations où les
ronces sont présentes doivent être
également évitées.
Gros semencier.
14 — HISTOIRES FORESTIÈRES
t L’option de la régénération
artificielle
La priorité devrait être donnée à la
régénération naturelle, mais le
reboisement ou l’enrichissement4
peuvent être envisagés lors des
mauvaises années semencières.
Des plantations mixtes avec des
espèces à croissance rapide,
comme le peuplier hybride et les
mélèzes, ont d’ailleurs présenté
des résultats intéressants.
t L’éducation
Tout le long de la croissance du pin
blanc, des suivis doivent être effec-
tués pour repérer les attaques de
rouille, du charançon ainsi que sa
vulnérabilité face aux compéti-
teurs. Des opérations de dégage-
ment, d’élagage, d’assainissement
ou d’éclaircie peuvent être néces-
saires.
pistes à suivre. Ceci constitue un Coulombe, C., G. Bélanger, R. Lavallée, G. Laflamme Nolet, P., Fiche technique sur le pin blanc, version
autre exemple de la nécessité et G. Daoust. 2005. Un outil de contrôle simple et préliminaire. Guide sylvicole provincial. À paraître.
efficace contre le charançon et la rouille Partenariat Innovation Forêt, 2008. Les grands pins
d’une sylviculture proche de la vésiculeuse du pin blanc sur l’épinette de Norvège au Québec : un choix d’avenir, www.afce.qc.ca, 28 p.
et le pin blanc. Partenariat Innovation Forêt,
nature. ■ Québec, Québec. 16 p.
4. Action de compléter la régénération naturelle par Patrick Blanchet, Feux de forêt : l’histoire d’une
l’introduction de plants artificiels. guerre, Montréal, Trait d’Union, 2003, 198 p.
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 15
Ces billots de
RECHERCHE bois coulés au
fond de la
rivière
Rimouski
représentent
une source
d’information
inédite
permettant de
reconstituer
l’historique
d’un
écosystème
forestier.
AMÉNAGEMENT ÉCOSYSTÉMIQUE
ET FORÊT PRÉINDUSTRIELLE
par Yan Boucher
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 17
Reconstitution des forêts préindus-
trielles à l’aide des archives cartogra-
phiques des compagnies forestières
Depuis le début du XIXe siècle, les forêts du
Bas-Saint-Laurent ont subi de profondes transfor-
mations (Fortin et al. 1993). L’établissement d’un
important commerce du bois entre le Québec et
l’Angleterre au début du XIXe siècle a contribué à
l’arrivée massive des marchands de bois et à la
colonisation du territoire. Puis, au courant du XXe
siècle, l’essor de l’industrie du sciage et des pâtes
et papiers a entraîné l’exploitation de l’ensemble
des forêts bas-laurentiennes, de sorte
qu’actuellement, il n’existe plus de vastes forêts
inexploitées. Dans le cadre de ma thèse, nous
Figure 1
cherchions à documenter les forêts préindustriel-
les du Bas-Saint-Laurent et leur transformation
depuis le début des coupes, au XIXe siècle. La A B
pièce maîtresse de nos travaux fut la découverte, 2IMOUSKI
dans le fonds d’archives de la compagnie Price, 6IERGE EN
situé à Saguenay, d’une série de cartes forestières #OUPÏ
cartes, plus de 65 % du territoire n’avait jamais été
exploité. Les cartes ont été numérisées, géoréfé-
numérique en 1930 a été produite. 2 # - &
étaient dominés de vieilles forêts (75 % de forêts >
100 ans) de conifères et qu’actuellement (2000),
plus abondants (Figure 2). Bien que le portrait 2 # - &
forestier de 1930 nous ait donné un bon aperçu
de la forêt préindustrielle, près du tiers du -ATANE
territoire avait déjà fait l’objet de récolte à diamè-
tiges/ha de conifères d’un diamètre de 10 à 25 cm
étaient conservées sur les parterres de coupe
siècle et au début du XXe siècle, le principal 2 # - &
moyen de transport des bois de la forêt jusqu’aux #LASSES D ÊGES #OMPOSITION DU COUVERT
moulins (Boucher et al. 2008). ►
Figure 2
18 — HISTOIRES FORESTIÈRES
Reconstitution des forêts coupées au XIXe
et XXe siècles à l’aide du bois dravé
À défaut de photographies aériennes ou de plans
d’aménagement forestier, lesquels nous auraient
permis de reconstituer la période antérieure à 1930,
nous avons dû opter pour une source d’information
alternative et inédite. Nous avons reconstitué
l’historique du flottage des bois (≈1820-1970) en récol-
tant des informations sur la composition et l’année de
coupe des billots coulés au fond de la rivière Rimouski.
La rivière Rimouski a été utilisée de manière soutenue
par les industriels forestiers au XIXe et XXe siècles.
L’analyse des archives révèle que, de 1826 à 1963,
plusieurs moulins étaient en opération aux abords de la
Figure 4
rivière (Figure 3). Les plus importants ont été construits
ratissé à l’aide d’une sonde, et tous les billots de bois
dans la section avale à moins de 5 km de l’embouchure.
déposés au fond de la rivière et arborant une marque
Le premier fut installé en 1826 à environ 3 km de
de coupe (trait de scie ou entaille de hache) ont été
l’embouchure. Les deux plus importants moulins ont
récoltés à l’aide d’un crochet forestier et d’un tourne-
été construits successivement par la compagnie Price
bille (Figure 4).
Brothers. Une scierie (1901 à 1964; no 3 sur la Figure 3) a
été érigée tout près de l’embouchure tandis que, deux
L’ensemble des billots récoltés (614) a été ramené sur le
ans plus tard, une pulperie (1903 à 1927; no 4 sur la
rivage où un disque transversal a été prélevé à la base
Figure 3) a été installée en amont de la scierie. Pour
des billots. À l’aide d’une analyse anatomique et
reconstituer l’historique du flottage des bois, des
dendrochronologique (datation de la période de vie
« gisements de billots » ont été recherchés dans la
des arbres formant les billots; Figure 5), nous avons
section avale du bassin versant en amont des princi-
documenté la composition et l’année de mortalité des
paux moulins. Un seul gisement a été découvert et il
arbres coupés depuis le début du XIXe siècle au sein du
équivalait à un tronçon de rivière d’une superficie de
bassin versant de la rivière Rimouski. Parmi les 614
quatre hectares. L’ensemble de la superficie a été
billots retirés du fond de la rivière, le sapin baumier
formait 64 % des spécimens; les épinettes, 17 % ; le pin
rouge, 15 % ; le pin blanc, 3 % ; le mélèze, 0,7 % et le
thuya occidental, 0,5 %. L’ensemble des feuillus, com-
prenant les genres Betula, Populus et Fraxinus, formait
moins de 1 % des billots récoltés.
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 19
Figure 5
Les résultats de l’étude permettent de diviser La troisième phase d’exploitation (1960-2000), qui
l’historique d’exploitation des forêts bas-laurentiennes correspond à l’implantation des coupes totales méca-
en trois grandes phases (Figure 6). La première phase nisées et des coupes de récupération de la dernière
d’exploitation (1827-1900) des forêts correspond à épidémie de tordeuses des bourgeons de l’épinette, a
l’époque de la coupe sélective des plus gros arbres, été associée à des modifications majeures de la mosaï-
notamment les pins et les épinettes. D’ailleurs, nos que forestière (Figure 2). Plusieurs facteurs expliquent
résultats indiquent que le pin blanc, le pin rouge et ces transformations extraordinaires. Premièrement, la
l’épinette spp. composaient plus de 84 % des billots coupe totale mécanisée a été de plus en plus employée
datés dans la période 1827-1900. L’analyse des actes à partir du début des années 1960 (Etheridge et al.
notariés de vente de bois (Y. Boucher, données non 2005). Comparativement aux coupes à diamètre limite
publiées) montre aussi qu’à cette époque, le pin rouge du début du siècle, la coupe totale favorise le rempla-
constituait une part importante des arbres exploités cement complet du couvert et la création de condi-
aux abords de la rivière Rimouski. Par exemple, dans la tions favorables pour l’implantation de stades suces-
seule année 1829, la livraison d’environ 20 000 billots sionnels jeunes dominés par les essences feuillues
de pin rouge a été convenue aux abords de la rivière pionnières (Jackson et al. 2000). Deuxièmement, une
Rimouski. Le faible nombre de billots datés au épidémie de tordeuses des bourgeons de l’épinette,
XIXe siècle est probablement attribuable à la capacité considérée comme très sévère, a touché le territoire
industrielle plus réduite qu’au XXe siècle et au fait que entre 1975 et 1992 (Boulanger et Arseneault 2004).
la drave limitait les exploitations aux abords du réseau L’épidémie de tordeuses et les coupes de récupération
hydrographique. Le mode d’exploitation au XIXe siècle associées ont favorisé l’implantation de vastes parter-
suggère aussi que les modifications de la mosaïque res de coupes qui ont été régénérés en grande partie à
forestière ont été relativement mineures et spatiale- l’aide de plantations d’épinette noire, d’épinette blan-
ment restreintes comparativement à celles induites par che et d’épinette de Norvège. Ces perturbations
l’exploitation réalisée au XXe siècle. successives dans la dernière moitié du XXe siècle ont
fortement affecté la structure et la composition des
La seconde phase (1901-1960) paysages forestiers actuels et ont continué de creuser
correspond à l’exploitation indus- l’écart avec les conditions préindustrielles. ►
trielle intensive qui a débuté avec la
construction du moulin à scie
(1901) et de la pulperie (1903). En I II III
plus d’observer une accélération
des coupes, la proportion relative
3APIN
de chacune des espèces exploitées ¡PINETTES SPP
au XXe a changé radicalement 0IN ROUGE
(Figure 6). En effet, d’une industrie 0IN BLANC
4HUYA
où le pin et l’épinette dominaient
les volumes récoltés au XIXe siècle,
.OMBRE DE BILLOTS DATÏS
c’est le sapin baumier qui a été n = 201
le plus fortement exploité au
XXe siècle. L’essor de l’industrie des
pâtes et papiers au début du
XXe siècle, en plus de celle du
sciage, a sûrement favorisé
l’utilisation du sapin qui, aupara-
vant, n’était qu’une espèce considé-
rée comme secondaire à cause de
ses propriétés physiques déficien-
tes et de sa faible taille.
!NNÏE DE MORTALITÏ
Figure 6
20 — HISTOIRES FORESTIÈRES
Cette étude a montré que les techniques de l’écologie mise en œuvre de l’aménagement écosystémique (AÉ).
historique peuvent fournir des informations précieu- Depuis janvier 2007, il travaille activement au sein du
ses pour reconstituer les écosystèmes du passé et leur projet pilote d’AÉ de la réserve faunique des Laurentides
transformation sous l’influence des pratiques forestiè- où il a entrepris de documenter les caractéristiques et le
res. Les recherches historiques portant sur la structure fonctionnement des forêts préindustrielles. Durant son
et la composition des forêts préindustrielles doivent se baccalauréat en biologie à l’Université du Québec à
poursuivre et chercher à utiliser l’ensemble des sour- Montréal (2000), il fut grandement inspiré par ses trois
ces de données disponibles, comme les inventaires professeurs d’écologie forestière : Yves Bergeron, Chris-
anciens et les archives de l'arpentage primitif. Finale- tian Messier et Daniel Kneeshaw, qui établissaient à ce
ment, l’archivage de ces données historiques au sein moment les bases de l’AÉ au Québec. En 2000, il débuta
des compagnies forestières et des gouvernements est une maîtrise en écologie forestière à l’Université du
crucial et exigera des efforts importants au cours des Québec à Rimouski sous la direction de Dominique
années à venir afin d’éviter leur destruction et la perte Arseneault. Les connaissances scientifiques quasi à
de notre mémoire forestière. ■ inexistantes sur le fonctionnement des forêts
bas-laurentiennes ont motivé son choix d’œuvrer dans
cette région. En partenariat avec la Forêt modèle du
Pour de plus amples renseignements, vous pouvez communiquer
avec Yan Boucher à : yan.boucher@mrnf.gouv.qc.ca. Bas-Saint-Laurent, l’objectif de son projet de maîtrise
était d’élaborer des cibles et des indicateurs pour
l’aménagement durable des forêts à partir de la reconsti-
tution de la forêt précoloniale. En 2002, M. Boucher
Boucher, Y., Arseneault, D., Sirois, L. et L. Blais. Logging pattern and landscape décida de poursuivre ses recherches et d’entreprendre
changes over the last century at the boreal and deciduous forest transition in Eastern
Canada. Landscape Ecology. Sous-presse. une thèse de doctorat sous la direction de Dominique
Boulanger, Y. et D. Arseneault. 2004. Spruce budworm outbreaks in Eastern Quebec
Arseneault et de Luc Sirois. Les objectifs de la thèse
over the last 450 years. Canadian Journal of Forest Research 34: 1035-1043. étaient de documenter la structure et la composition des
Etheridge, D.A., MacLean, D.A., Wagner, R.G., et Wilson, J.S. 2005. Changes in forêts préindustrielles du Bas-Saint-Laurent de même
landscape composition and stand structure from 1945-2002 on an industrial forest in que leurs transformations depuis le début des coupes. En
New Brunswick, Canada. Canadian Journal of Forest Research 35: 1965-1977.
2008, il déposa une thèse de doctorat intitulée « Dynami-
Fortin, J.-C., Lechasseur, A., Morin, Y., Harvey, F., Lemay, J. et Y. Tremblay. 1993. que de la forêt du Bas-Saint-Laurent depuis le début de
Histoire du Bas-Saint-Laurent. Institut québécois de recherche sur la culture, Québec,
Québec. l’exploitation forestière (1820-2000) ».
Gérin, M., Gosselin, R. et J. Pléau. 1944. Étude des plans d'aménagement de Price
Brothers pour les concessions de Rimouski, Métis et Matane. Price Brothers Co.,
Rimouski.
Jackson, S.M., Pinto, F., Malcolm, J.R. et E.R. Wilson. 2000. A comparison of
pre-European settlement (1857) and current (1981–1995) forest composition in
central Ontario. Canadian Journal of Forest Research 30: 605–612.
Whitney, G.G. 1994. From coastal wilderness to fruited plain. A history of environ-
mental change in temperate North America from 1500 to the present. Cambridge
University Press, Cambridge.
Arsenault, J., Bauce, E., Bernard, J.T., Bouchard, A., Coulombe, G., Huot, J., Liboiron,
M.A. et G. Szaraz. 2004. Commission sur la gestion de la forêt publique québécoise.
Québec, Québec. URL :
http://www.commission-foret.qc.ca/membres.htm.
C O N C E R N A N T L’A U T E U R
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 21
C H RO N I Q U E A NTR H O P O L O G IQ UE
Le 8 décembre 1999, emporté par par conséquent, représentent mais le fond demeure le même :
l’esprit festif du Noël approchant, généralement assez mal la « Toute personne peut passer sur
Louis-Gilles Francoeur, du journal manière dont les citoyens perçoi- les terres du domaine de l’État […]
Le Devoir, concluait sa chronique vent la forêt et ses richesses. La Toutefois le droit de passer et de
en invoquant une image roman- raison de ce décalage est simple : séjourner sur les terres sous
tique que nous connaissons tous : le « public » n’est pas la simple l’autorité du ministre s’exerce
addition des rapports individuels à conformément aux normes pres-
« À faire : aller couper son sapin de la forêt, mais plutôt une image crites par le gouvernement par
Noël dans une forêt publique. utilisée pour parler de ces voie réglementaire4. »
Beaucoup mieux qu’un sapin en multiples rapports. La distinction
plastique, un sous-produit du est de taille. L’idée d’une nature encadrée par
pétrole, ou qu’un sapin cultivé à des lois et des règlements conçus
grands renforts d’engrais et de
pesticides. D’ailleurs laids à mou-rir
avec leur allure de menhirs
«dansla lesforêtimaginaires,
est inscrite
en fonction d’une certaine image
abstraite du « public » et de son
intérêt bien compris présente sans
verts1 ! » doute plusieurs avantages. Elle
et dans les expériences, permet d’avoir une vue
Cette suggestion, bien sûr, suscita comme un lieu toujours d’ensemble, de protéger la forêt,
une vive réaction de la part du de planifier à long terme,
ministère des Ressources natu-
susceptible de d’harmoniser les intérêts des
relles. « Aller au sapin », comme transcender les droits divers acteurs. Bref, elle permet
l’expliqua alors une fonctionnaire,
est interdit dans les forêts du
domaine de l’État sans autorisa-
de propriété » une cohérence dans notre rapport
« collectif » à la forêt... pour le
meilleur ou pour le pire. Mais cette
tion. L’auteur dut donc se rétracter, La première mention que l’on a pu même idée peut parfois déclen-
non sans exprimer son indignation trouver de l’existence d’une forêt cher une réaction viscérale, un
devant l’ampleur de la déposses- dite « publique » au Québec se sentiment de dépossession, voire
sion dont il venait de prendre trouve dans la Loi des terres et l’impression qu’une transgression
conscience2. forêts de 1941. Elle présente ce contre la nature elle-même a été
terme dans un contexte où sont commise lorsqu’une portion des
Nous prenons souvent pour acquis décrites les « limites » de l’accès du habitants du territoire se sent
que l’idée d’une forêt publique et grand public aux forêts : « Excepté exclue ou lorsque des pratiques
celle d’une forêt dont l’État est dans l’exercice d’un droit ou de profondément ancrées dans son
propriétaire sont équivalentes. quelque devoir imposé par la loi, imaginaire de la forêt se voient
Dans le langage courant, forêts nul ne doit passer sur les terres soudainement proscrites. ►
publiques et terres de la Couronne publiques, y séjourner ou y ériger
sont, par exemple, souvent des constructions » (article 48a). Le
utilisées de manière interchan- Problème forestier de 1962 traduit
geable. Dans un système politique le sens de ce passage en utilisant
représentatif comme le nôtre, elles toujours le mot « public » entre 1. Louis-Gilles Francoeur, « Qui veut des cerfs protège
les sapins », Le Devoir, mercredi le 8 décembre 1999,
le sont en principe. Mais notre guillemets : « la forêt "publique" B5.
2. Louis-Gilles Francoeur, « Se faire passer le sapin du
imaginaire forestier est nécessaire- n’est pas accessible à tous sans siècle », Le Devoir, mercredi le 22 décembre 1999, B5.
ment plus complexe que les imagi- distinction3 », peut-on y lire. Dans 3. La corporation des ingénieurs forestiers de la
province de Québec (1961), Le problème forestier du
naires épurés du droit et des lois ne la version actuelle de la loi, la chose Québec, p. 41-42.
le laissent entrevoir. Ces derniers, est dite de manière plus feutrée, 4. Loi sur les terres du domaine de l’État, article 53.
H I VER - PR I N T EM P S 20 0 9 — 22
Les Premières Nations en ont volonté du maître absent et se sont ces, comme un lieu toujours
certainement long à dire sur cette abstenus de fêter Noël en prati- susceptible de transcender les
question et il faudra un jour faire quant l’antique tradition. Mais, las droits de propriété. Elle peut – et
une histoire détaillée de la manière de respecter les volontés d’un doit sans aucun doute – être gérée,
dont des pratiques ancestrales de maître invisible, les serviteurs à une échelle macroscopique, par
chasse, de trappe et de collecte ont décidèrent, au vingtième réveillon, des politiques, des lois et des règle-
été rendues illégales au nom de la de baptiser la bûche et de la brûler. ments cohérents conçus avec le
protection du « bien commun » et Bien entendu, le rituel n’était pas à bien du « public » impersonnel en
de la cohérence dans la gestion du moitié complété que le maître de tête. Mais, à une échelle microsco-
territoire. Mais comme le montre la maison fit irruption, empreint pique, le public abstrait n’existe
l’exemple du sapin de Noël, le d’une royale colère. Sa bûche, prise pas. Il n’y a que des gens qui vivent
rapport collectif à la forêt adminis- d’un chêne sur ses terres, brûlée et qui imaginent la forêt, qui
tré par l’État peut parfois se trouver dans son âtre par ses serviteurs ! doivent certes respecter les lois du
en contradiction avec le sentiment Devant l’outrage, Kerfoël confisqua pays, mais dont le sentiment
de droit inhérent éprouvé par la bûche (l’éteint) et sortit en d’avoir un droit inhérent sur la
l’ensemble de la population face à trombe de sa demeure en la forêt, sur ce bien public sans guille-
la forêt. traînant derrière lui et en blasphé- mets, fait en sorte qu’il est difficile
mant. Kerfoël avait beau être le de ne pas éprouver un sentiment
Les Canadiens français du XIXe propriétaire des lieux et exercer de dépossession lorsque le
siècle racontaient, à cet égard, une son droit de propriétaire en confis- propriétaire absentéiste des lieux
légende qu’ils disaient venir des quant sa bûche, il n’en reste pas revient pour leur confisquer leur
grands-parents de leurs grands- moins que la tradition populaire a bûche de Noël encore fumante. ■
parents, une mise en garde morale fait de lui un vilain qui disparut
qui avait traversé l’Atlantique dans la nuit avec « un cri de
depuis la Bretagne. Pour rester détresse qui n’avait rien d’humain » 5. Ces passages, de même que le récit de « la
bûche de Noël », sont tirés d’un récit recueilli par
dans notre thème festif, il s’agit de et « fit dresser les cheveux Louis Fréchette en 1900 et publié en 1981 dans la
la légende de Robert Kerfoël et de d’épouvante à tous les témoins de revue La Jarnigoine (vol.1, no 1), p. 7-10.
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U N P I ON NI ER R A C O NTE
H I VER -PR I N T E M P S 20 0 9 — 24
Parce que, quand l'industrie était riche, on l'a chargée optimiste sur les rendements, on est allé plus loin le
d'à peu près tous les coûts de production et de chercher, on a agrandi les superficies productives et
protection des autres ressources. Mais les autres on n'a pas fait de réserves. Un moment donné, il ne
utilisateurs, on ne leur a jamais demandé de faire leur restait même plus 2 % des terres publiques qui
part équitable. Aujourd'hui encore, plusieurs n'étaient pas allouées.
s'imaginent que ça leur est dû, que c'est gratuit. Que
ça doit être gratuit. Et quand la compagnie s'en va, on À quel moment ?
demande au gouvernement de payer. C'est un Au moment de la crise. De Desjardins, de la
problème économique et social. Commission Coulombe. Dans ces conditions-là, le
pouvoir du ministre de décider qui va avoir le bois,
Comment ça se règle ? c'est plus une malédiction qu'un pouvoir. D'où ma
Un bout de temps, je pensais que c'était par proposition à la Commission Coulombe et dont je
l'éducation ! (rire) La difficulté vient de ce contexte au maintiens la validité : créons un marché pour la
Québec où on se fie sur le gouvernement. Cette matière ligneuse entre la forêt et l'usine. Je ne suis pas
mentalité en forêt fait que certains souhaitent la dogmatique sur la façon de le créer, mais il faut que,
création d'une agence qui ferait la récolte de tous les progressivement, on fasse cette séparation-là. Pas
bois et les vendrait aux usines. Autant je suis d'accord dans l'objectif que le ministre a mis de l'avant dans
qu'on est rendu à une séparation de l'usine et de la son Livre vert, qui a l'air d'être de pouvoir établir le vrai
forêt, autant une agence gouvernementale pour faire prix pour le bois de la forêt publique. Ce n'est pas ça,
ça, c'est aberrant. Ça ne tient pas debout. la question. Le véritable objectif, c'est que les usines
les plus compétitives soient capables de s'approprier
plus de bois et que les canards boiteux meurent. Le
« Je pense que notre problème, c'est qu'on n'accepte pas que nos canards
problème à l'heure actuelle, boiteux meurent. On souffre de ce que j'appelle la
« tricofilite » ou, pour être plus contemporain, je
c'est qu'on a beaucoup de pourrais parler de la MIL Davie qui vient d'avoir besoin
difficulté à briser le lien qu'on a d'un autre prêt à long terme, d'une autre subvention.
créé entre l'usine et la forêt. » On est peut-être mieux de faire autre chose avec notre
argent. En s'imaginant que s'occuper des gens,
c'est sauver leurs jobs, on fait fausse route. ►
Est-ce que cette mentalité-là était présente à l'époque?
Non. Au moment des concessions forestières, on était
encore, d'une certaine façon, un pays en voie de
développement. Il faut comprendre que c'est comme
ça que les pays en voie de développement obtiennent
des revenus, en octroyant des grands pans de la forêt
aux industries. Ça, ça fait démarrer l'activité
économique. Mais à partir du moment où on est
rendu à la limite de la possibilité forestière, c'est ce qui
arrive avec les concessions forestières. Là, on
commence à avoir une autre game. Je pense que
notre problème à l'heure actuelle, c'est qu'on a
beaucoup de difficulté à briser le lien qu'on a créé
entre l'usine et la forêt. Ça a fait stagner notre
industrie et amené le ministre dans une situation
d'inconfort. S'il ne donne pas du bois à une usine, il se
fait accuser de faire perdre des jobs. Il n'y en a plus de
bois à donner. Ce qu'on a vécu, de la fin des
concessions forestières jusqu'à la Commission
Coulombe, c'est essentiellement ça : le ministre a
Camp mobile pour
demandé à ses fonctionnaires de trouver tous les
l'inventaire forestier
moyens possibles pour donner plus de bois et aller de E.B. Eddy, au
couper un ruban. Et là, c'est un héros, il crée des jobs, nord de Parent, en
la vie est belle. Mais pour faire ça, on a triché. On a été 1965.
25 — HISTOIRES FORESTIÈRES
Dépensons de l'argent pour une transition de carrière, obligée de fuir en avant, il faut un contexte. Et c'est au
pour un meilleur BS à la limite, c'est aussi efficace que gouvernement de le créer. Ce que l'histoire forestière
de perdre des millions dans des projets qui ne vont nous dit, c'est que le gouvernement ne l'a pas fait. On a
nulle part. Connaissez-vous beaucoup de maréchaux- laissé faire l'industrie faire beaucoup d'argent, mais sur
ferrants ? Quand, au siècle dernier, le cheval était le la base de situations excessivement sécures et tout le
principal moyen de locomotion, il y avait un spécialiste monde a dormi sur la switch. On accuse les gestion-
pour ferrer les chevaux à tous les coins de rue. Il en naires d'être incompétents. Ils ne sont pas incompé-
reste trois ou quatre parce qu'il y a encore des chevaux tents, ils ont été gâtés. Et là, il est trop tard pour les faire
d'équitation. Est-ce qu'on les a subventionnés pour changer. C'est comme si on demandait à quelqu'un qui
qu'ils restent en vie quand il n'y avait plus d'ouvrage ? est en train de se noyer ce qu'il veut pour souper. Il s'en
fout, il veut de l'oxygène. C'est là qu'ils sont, dans leur
Comment ça touche l'industrie forestière ? marge de crédit. Ce qui les intéresse, c'est de sortir du
Regardez le papier journal. La demande, pour toutes trou. À mon avis, la vague de fermetures n'est pas finie.
sortes de raisons, a diminué. Mais on essaye de faire Et la situation est la même dans d'autres provinces et
marcher nos vieilles machines à papier journal pour dans certains États.
faire quelque chose qu'elles sont capables de faire. Nos
entreprises, qui n'ont jamais été habituées à se battre Si on remonte il y a quarante ans, qu'est-ce qui était
pour avoir de la matière première, disent au ministre : différent ?
« Donne-moi plus de fibres, je vais être capable de faire Le marché était développé à tour de bras, on n'avait
mon papier moins cher et de maintenir quelques pas de problème. Même quand on a eu la première
jobs. » C'est un cul-de-sac. Regardons ça sous un autre crise à la fin des années 70, le marché était suffisam-
angle; les entreprises qui sont le moins dans le trouble ment en croissance pour que les deux paliers de
sont celles qui n'ont pas de garantie d'approvisionne- gouvernement, qui ont donné un milliard et quart en
ment. Elles achètent leur approvisionnement sur le subventions — c'était beaucoup d'argent dans ce
marché, soit des scieurs, des dérouleurs... Cascades, temps-là —, disent : « Vous allez moderniser, mais vous
dans toute son histoire, a eu une garantie d'approvi- n'avez pas le droit de réduire le nombre de jobs. »
sionnement pour une seule usine. Est-ce que Cascades Qu'est-ce qu'on a fait ? On a produit plus. L'argent a
est une compagnie qui est dans le pétrin comme servi à augmenter la productivité, à être plus compéti-
Abitibi qui a quasiment la moitié des superficies à elle ? tif, et le marché absorbait tout. Quand on a révoqué les
La tendance est là. Quand j'ai fait la recherche pour le concessions pour donner sa part à l'industrie du sciage,
papier que j'ai présenté à l'Institut économique de l'industrie du sciage avait accès au marché américain.
Montréal l'an dernier, c'était clair : la fréquence des C'est 85 % de la production qui allait au marché améri-
fermetures d'usines était trois à quatre fois plus élevée cain ! La querelle sur le bois d'œuvre vient essentielle-
pour celles qui bénéficiaient d'une garantie d'approvi- ment du fait qu'on était bon — et qu'on est encore bon
sionnement du gouvernement. Ça n'est pas une — pour faire du sciage et qu'on était capable de leur
preuve, mais ça me convainc que pour maintenir la livrer dans leur cour moins cher qu'eux autres. Et ils s'en
compétitivité d'une entreprise, pour qu'elle soit sont aperçus, parce qu'on en avait trop ! Si on avait été
tranquillement et qu'on avait pris 10 % du marché…
mais on est arrivé à 30 % et ils sont devenus protection-
nistes. Si on avait acheté le bois sur le marché, leur
argument à l'effet que notre industrie est subvention-
née n'aurait pas tenu.
Lancement de la Semaine de
l'arbre et des forêts, domaine
Cataraqui, 1999.
H I VER - PR I N T E M P S 20 0 9 — 26
Scrum à Trois-Rivières, en 1987, lors d'une tournée pour faire Marcel Pinard, ing.f., chef forestier, CIP; André Duchesne; Jean
valoir la position de l'AIFQ sur le projet de loi 150, l'actuelle Loi Paquet, ing.f., chef forestier, Consolidated-Bathurst; Henri
sur les forêts. Geoffrion, ing.f., v.-p. foresterie, Kruger.
En Gaspésie et en Abitibi, il y a plusieurs usines qui ont Mais il n'y avait personne pour bûcher. Ou ils fermaient
fermé quand on a réduit la récolte. Mais on n'a pas les usines, ou ils faisaient rentrer les machines disponi-
encore réduit assez parce que les gouvernements ont bles à ce moment-là. Aujourd'hui, les machines ont
tous le même problème : ils ne veulent pas être celui évolué, ça ne touche quasiment plus à terre. Des fois,
qui va fermer les usines. on a de la misère à voir que ça a passé, tout ce qu'on
voit, c'est des souches. Il y a eu une grosse évolution
Un autre aspect de votre travail est lié à l'environne- là-dessus. Ça prend du temps, ça c'est fait partout dans
ment. Au début, vous deviez être perçu un peu comme le monde en même temps.
un extraterrestre ?
Il y a une pyramide dans les besoins des gens. En bas, ça Et dans les pâtes et papier ?
prend de l'air, de l'eau, de la nourriture. En haut, c'est Dans les usines de pâtes et papier aussi, les gens
des besoins plus évolués. Les gens plus riches, les étaient conscients que ça polluait. Mais, c'est au
gestionnaires de compagnies, sont habituellement en moment où ils ont compris ça qu'ils ont commencé à
haut. Et c'est surprenant de voir comment les conseils manquer d'argent. Quand on a commencé à discuter
d'administration et les présidents de compagnie de la réglementation sur les affluents des papetières, je
pensaient à l'environnement depuis longtemps. Sauf me souviens d'une réunion d'un C. A. où je leur expli-
qu'il n'y avait pas suffisamment de pression sociale et, quais jusqu'où il fallait aller…
autant ils étaient capables de comprendre quand je
leur disais qu'il fallait faire quelque chose ici et arrêter En quelle année ?
de faire quelque chose là, autant ils n'avaient pas de En 84-85. J'avais sept ou huit présidents de compagnie
motivations économiques de le faire. C'est venu en avant de moi. Un a dit : « Si on fait ça, je ferme deux
progressivement. Dans les années 80, le barrage est usines. » Et, à la fin, il a voté pour. Et il s'est débattu
devenu plein et l'eau a commencé à passer par-dessus. comme un diable dans l'eau bénite pour ne pas les
fermer. L'industrie était non seulement consciente du
De quoi étaient-ils conscients ? problème, mais acceptait qu'il fallait le corriger.
Dans la forêt, ils étaient conscients qu'ils n'avaient pas
le droit de détruire les autres espèces. Ils étaient Et, comment expliquez-vous que, même à l'époque,
ouverts à des façons de récolter plus écologiques. Mais, l'industrie passe toujours pour le méchant, qu'on ne lui
en même temps, c'est la période où ils ont manqué de reconnaît pas cette prise de conscience ?
main-d'œuvre et fait entrer les grosses machines… Ils Il y a une partie du problème qui vient que l'industrie, à
étaient pris entre deux feux et leur performance n'a pas l'origine, c'était anglophone. Alors, il y avait,
été « vargeuse », on s'entend là-dessus. Quand j'ai mettons, un problème de communication… C'est
opéré à Forestville, une des machines avait des roues toujours des grosses compagnies et, à cette époque,
de dix pieds de haut et quand ça avait passé dans un c'était à peu près 60 % de propriété canadienne, pis
terrain un peu mou, j'ai rasé de me noyer dans une même là, c'était perçu eux versus nous, eux étant les
ornière, une nuit, en allant vérifier les opérations. Il y méchants et nous, les bons. L'industrie a
avait six pieds d'eau. Ça maganait le terrain un peu… certainement fait des gaffes de communication. ►
27 — HISTOIRES FORESTIÈRES
Même aujourd'hui, regardez, quelles sont les compa- de bras. Il aurait fallu continuer à bûcher à 25 % de trop
gnies que vous voyez à la télévision ? On voit Cascades jusqu'en 2010 pour arriver comme étaient les Scandi-
qui parle de ses essuie-tout environnementaux… Par naves en 1900. Eux autres, ils ont fait des plantations en
contre, on a Bombardier, qui est pratiquement monoculture à tour de bras, nous, on n'a jamais fait ça,
constamment là, qui parle de fierté, pas de ses problè- malgré ce qu'en disent certains environnementalistes.
mes… L'aluminium a toujours été là. C'est au moins Et ceux qui ont essayé, ils n'ont pas essayé longtemps.
aussi polluant que l'industrie forestière, mais leur Ils se sont rendu compte que ça ne marchait pas. Non
perception est beaucoup moins seulement ce n’était pas écologique,
négative. Hydro-Québec
partout, sa perception est générale-
est « Le nœud du problème, mais ce n'était pas économique non
plus. Il y a des changements moins
ment positive et, pourtant, Hydro- c'est que notre industrie radicaux qu'on a pu faire en jouant
Québec a affecté l'environnement investit moins dans la sur la transition des essences pour
de manière importante. Quand on a recherche que ses avoir ce qu'on veut, sans que ça
eu la crise de Richard Desjardins, j'ai perturbe trop l'environnement. Ça,
eu le mandat d'embaucher des compétitrices. » ça s'est fait plus souvent, j'en
experts en gestion de crise. Les conviens. Mais, enrésiner le Québec
experts ont dit : « Voici ce que vous devez faire. » Les comme on a accusé l'industrie de faire, c'est un mythe.
décideurs de l'industrie ont dit : « Non, on ne fait pas ça.
Embauche un autre consultant. » L'autre consultant a Êtes-vous confiant pour l'avenir de la forêt ?
dit la même chose, ils ont dit : « On ne fait pas ça. » C'est On va avoir quelque chose, mais ce n'est pas ce qu'on
sûr que quand on est gros, quand on perturbe, on fait avait. L'importance de l'industrie forestière dans l'éco-
des choses qui sont difficiles à comprendre. Moi, je nomie du Québec, elle va décliner. C'est sûr. Ça ne
pense que Desjardins n'a jamais rien compris au calcul disparaîtra pas, mais les créneaux seront plus petits. Le
de la possibilité forestière. C'est bien évident que si la nœud du problème, c'est que notre industrie investit
croissance est moitié moindre dans le Nord, qu'il faut moins dans la recherche que ses compétitrices. Ce qui
en prendre deux fois plus grand pour avoir la même nous sauve, c'est que personne ne peut garder secret
quantité de bois... Mais l'équilibre va se faire pareil, si longtemps un nouveau procédé. Ça fait longtemps
on fait les calculs comme du monde. Dans la loi, en qu'on n'a pas eu une innovation québécoise qui a fait
1989 — j'ai travaillé là-dessus et j'en suis fier —, on le tour du monde. On a eu le procédé de mise en pâte
refait les calculs chaque cinq ans et on corrige. C'est sûr thermomécanique. Tout le monde pense que ça a été
qu'on va zigzaguer, mais on zigzague dans la bonne inventé en Suède, mais ça a été inventé au Québec. On
direction. a eu le premier papier journal imprimable en couleurs,
à Trois-Rivières.
Quand vous étiez aux études, y avait-il une différence
entre ce qui s'enseignait à Québec et à Syracuse ? Une Le mot de la fin ?
différence de philosophie, d'approche ? Si on regardait l'histoire forestière, pas seulement au
Rien de dramatique. Ici, on parlait d'aménagement Québec mais en Europe en particulier, on aurait beau-
polyvalent, là-bas, j'ai suivi un cours sur l'économie coup moins de craintes de créer un marché du bois et
forestière avec des cours obligatoires sur les différents d'isoler notre forêt et nos usines. En France, en Italie, en
usages de la forêt et la cohabitation des différentes Espagne, c'est comme ça que ça marche. La France
ressources et des utilisateurs. Déjà à ce moment-là — récolte pratiquement la même chose, le même volume
je n'étais pas le premier à aller à Syracuse —, il y avait de bois que le Québec. OK, ils n'ont pas le même climat
une certaine communion de pensée. Il y avait aussi le et ce ne sont pas les mêmes essences, mais, compre-
sentiment que les Scandinaves, particulièrement les nons-nous bien, des terres publiques, il n'y en a pas
Suédois, avaient les réponses à toutes les questions. Et beaucoup et le bois, il est vendu aux usines. Et les
il y a eu une mode de visites industrielles en Suède usines fonctionnent. Ça donne une industrie de la
pour aller voir comment ils faisaient ça. On n'a pas fait sylviculture et une industrie de la transformation. Le
les erreurs des Scandinaves. Les Scandinaves ont com- problème ici, c'est que les gens de la transformation, ils
mencé à faire de la sylviculture quand leur industrie de ne viennent pas de la forêt, ils viennent de la finance,
la sidérurgie a fait disparaître leur forêt. Il n'y en avait de la comptabilité, de l'administration. Ce ne sont pas
plus d'arbres, littéralement. Ils avaient tout bûché, ils des forestiers. Quand on a des gens qui sont au plus
avaient besoin de copeaux de bois pour la sidérurgie, il haut niveau et qui viennent du milieu forestier, ils
n'y en avait plus. Ils ont décidé de faire de la sylvicul- peuvent teinter les décisions. Mais, ils ne sont pas nom-
ture. Nous, en 1989, on avait encore des arbres à tour breux. Ils sont rarissimes. ■
H I VER -PR I N T E M P S 20 0 9 — 28
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L ES É C RIT S RE ST E NT
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 29
30 — HISTOIRES FORESTIÈRES
► À suivre dans le prochain numéro
CHRONIQUE D’OPINION
« Vous pourriez faire des erreurs ». C’est le fin mot de la dans une simultanée et c’est ce qui fait que, quand ses
réponse que j’ai eue de la part d’un représentant du adversaires commencent à souffrir après le 6e ou le 7e
ministère des Ressources naturelles et de la Faune du coup (pour les meilleurs !), le champion n’a pas encore
Québec (MRNF) lors d’un petit débat forestier. Ma ques- commencé à calculer un seul coup ! Et il n’y va pas « par
tion était de savoir dans quelle mesure, en tant que cœur ». Il connaît simplement l’histoire de chaque
professionnel, je pouvais sortir des normes… ouverture sur le « bout des doigts » et, particulière-
ment, les erreurs à éviter.
Remarquez, je n’ai pas vraiment été surpris de la
réponse, car elle reflète la philosophie ambiante. Ce
n’était pas tant la personne qui parlait que le MRNF ! On
« une culture qui ” valoriserait ” l’échec
pourrait à long terme être un des
ne fait jamais d’erreurs dans les prescriptions sylvicoles
des forêts publiques québécoises. Et surtout, il ne faut meilleurs outils pour permettre aux
pas en faire. Pourtant, une culture qui « valoriserait » forestiers de retrouver la confiance du
l’échec pourrait à long terme être un des meilleurs
outils pour permettre aux forestiers de retrouver la
public »
confiance du public. Comment ? Petit saut dans le Imaginez ce principe appliqué à la foresterie. Que
monde du jeu d’échec ! chaque forestier soit en mesure de bénéficier de
l’expérience des forestiers actuels et passés concernant
Vous avez peut-être déjà entendu parler des « simulta- le résultat de prescriptions sylvicoles. Une énorme base
nées » au jeu d’échec : un champion contre 20, 30, voire de données qui nous permettrait de faire des requêtes
40 adversaires qui sont souvent de solides joueurs. en fonction de certaines caractéristiques du peuple-
Pourtant, le résultat de ces parties tourne toujours en ment et de voir l’évolution à la suite des différentes
faveur du champion. Le truc : savoir pleinement bénéfi- prescriptions. Une base de données qui inscrirait
cier de l’expérience et, particulièrement, des erreurs « Échec » ou « À éviter ». Ce serait un formidable outil
des autres joueurs (actuels ou passés). Le fait est que les pour innover, trouver des solutions originales à des
parties d’échecs des différents tournois dans le monde, problématiques locales au bénéfice de la communauté
bonnes ou mauvaises, sont indexées et diffusées forestière… et de la crédibilité du professionnel fores-
depuis très longtemps. Les outils informatiques et le tier ! À la place de cette utopie, nous avons le Manuel
réseau Internet ont d’ailleurs permis d’accroître la capa- d’aménagement renouvelé aux dix ans… Bonjour la
cité d’indexation et de diffusion. À preuve, un logiciel liberté d’initiative ! La prochaine version semble néan-
comme Chessbase (www.chessbase.com pour les moins promettre plus de flexibilité aux aménagistes
intéressés) répertorie plus de quatre millions de parties terrain… attendons pour voir !
depuis le 19e siècle ! Grâce à ce type de références, tout
joueur est en mesure de vérifier comment une partie a Je peux entendre plusieurs dire : « Manuel
pu évoluer selon tel ou tel coup. C’est une mémoire d’aménagement ou pas, ça va rester une utopie, car ça
collective qui se bâtit au jour le jour sans considération demande un trop grand effort de suivi. » Effectivement
préalable pour la valeur intrinsèque des parties. Toute irréaliste dans les circonstances actuelles. Toutefois, l’un
expérience est valable, les bons coups comme les des rôles d’un forestier ne devrait-il pas être d’assurer le
imprécisions et les réelles bourdes. C’est à cette suivi de ses prescriptions ? Aussi, d’un point de vue
mémoire collective que fait référence un champion pratique, ce défi ne m’apparaît pas impossible ►
La Société d'histoire forestière du Québec est fière d'offrir à un étudiant finissant au doctorat un espace de liberté et de réflexion
afin de stimuler le débat sur les questions forestières au Québec. Les chroniques d'Éric Alvarez portent sur un sujet de son choix et
sont traitées sous un angle qu'il privilégie. Toutefois, l'opinion de l'auteur ne représente pas nécessairement celle des membres de
la SHFQ ni de son personnel. La Société n'est donc aucunement responsable des propos qui y sont tenus.
32 — HISTOIRES FORESTIÈRES
dans la mesure où le Québec laisserait plus de respon-
sabilités aux aménagistes locaux. On pourrait profiter
de la réforme en cours pour développer une politique
non plus seulement axée sur une culture de transfor-
mateurs, mais qui laisserait plus de place à une culture
d’aménagistes.
Valoriser l’échec pour améliorer notre foresterie ? Si ça 418 827-5038 ou 418 998-1255
peut nous aider à progresser en tant qu’individus,
pourquoi pas en tant que professionnels de la forêt et,
peut-être, en tant que société ? ■
HIVER-PRINTEMPS 2009 — 33
Une partie
de la
bibliothèque
de Robert
Bellefeuille.
Patrick
Blanchet et
madame Piché,
femme de
Gustave E.
Piché, fils aîné
du Gustave C.
Piché.
Michelle
Allard,
HOMMAGE
AUX FAMILLES PICHÉ
petite-fille
de Gustave
C. Piché.
ET BELLEFEUILLE
La mise en valeur d'un domaine d'étude tel que la foresterie exige une
recherche assidue de documents d'information privilégiés sur les
Jacqueline
Piché,
acteurs du milieu forestier. La plupart des documents qui nous permet-
petite-fille tent de construire les fondements de cette histoire sont déjà protégés
de Gustave dans les centres d'archives agréés. Toutefois, un certain nombre de
C. Piché. documents sensibles sont conservés de génération en génération par
les familles des pionniers de la foresterie. Au cours des deux dernières
années, la SHFQ a développé un lien de confiance avec les descendants
de deux grands pionniers de la foresterie, soit le fondateur de la foreste-
rie professionnelle, M. Gustave C. Piché, et le père de l'écologie
forestière, M. Robert Bellefeuille. Grâce à cette relation, nous avons pu
Robert consulter ces documents et pourrons graduellement les rendre
Chabot, accessibles à nos membres par le moteur de recherche en ligne. Le
petit-fils de
Gustave C. conseil d'administration et l'équipe de la SHFQ tiennent à remercier ces
Piché. familles pour leur générosité.
34 — HISTOIRES FORESTIÈRES
Les fonds SHFQ
La Société d’histoire forestière du Québec est fondée sur le principe d’un centre de documentation virtuel. Elle
réunit dans son site Web un ensemble de documents historiques appartenant à des institutions publiques et à
des particuliers qu’elle numérise et dépose à l’intérieur d’un fonds d’origine numérique. De cette manière, la
SHFQ conserve et associe ces documents qui se trouvent sur différents supports : manuscrits, documents
iconographiques, cartographiques et sonores. Ces derniers proviennent de sources du passé et de la mémoire
vivante, que la SHFQ reclasse par la suite à l’intérieur de fonds thématiques intitulés les fonds SHFQ. À
l’intérieur de sa revue, la SHFQ présente certains de ces fonds.
Robert Bellefeuille à son travail de Voyage avec Kujala et Cajander (en haut à
bureau. Vérification des plans gauche). Rivière Causapscal, 1931.
d'aménagement du bassin de la
rivière Sault-au-Mouton sur la
Côte-Nord (vers 1930).
Pépinière de Berthierville.
Pavillon des étudiants en Robert Bellefeuille au microscope dans
génie forestier (vers 1930). son laboratoire, en 1935.
36 — HISTOIRES FORESTIÈRES
On vous invite à visiter
Pour information :
t.VOJDJQBMJUÏEF4UPOFIBN
t"TTPDJBUJPOGPSFTUJÒSF2VÏCFDNÏUSPQPMJUBJO
418 647-0909 / www.afqm.org
Source du texte :
http://www.afqm.org/projets.montwright.html
Source des photos :
"TTPDJBUJPOGPSFTUJÒSF2VÏCFDNÏUSPQPMJUBJO
Sentier du mont Wright
Le parc de la forêt ancienne du mont Wright constitue un milieu naturel exceptionnel dont les objectifs
sont de protéger l’intégrité écologique du site, tout en le rendant accessible au public. Afin d’en protéger
l’intégrité, l’Association forestière Québec métropolitain (AFQM) s’est vue confier le mandat, par la Muni-
cipalité de Stoneham, de travailler à la mise en valeur et à l’animation du parc.
On vous invite à lire...
« Essai sur l’imaginaire
occidental »
de Robert Harrison
Dans ce cinquième livre de l’auteur, est présentée l’épopée riche et fascinante des
grandes et petites entreprises qui ont, depuis un siècle et demi, utilisé la forêt à travers
leurs activités. L’histoire de l’industrie forestière du Saguenay−Lac-St-Jean est donc ici
décrite, notamment par le biais de personnages presque mythiques, toujours présents
dans l’imaginaire collectif, et d’infrastructures et installations qui témoignent de
l’importance du secteur forestier depuis 1838. Ce volume est agrémenté de plus de 125
photos historiques.
Pour recevoir une copie, communiquez avec l'auteur à l'adresse suivante : dube.cote@videotron.ca.
30 38 — HISTOIRES FORESTIÈRES
LES ARBRES AU SERVICE DU PATRIMOINE BÂTI !
Dendrolab, une entreprise qui œuvre
dans la datation de bâtiments anciens
Pour plusieurs propriétaires de maisons anciennes
soucieux de connaître leur patrimoine bâti, une
Qu’est-ce que la
question demeure fondamentale : « Quel est l’âge
dendrochronologie ?
exact de ma maison ? » Bien qu’il soit possible
La dendrochronologie
d’évaluer l’époque d’une construction ancestrale selon
utilise les anneaux de
son style ou les matériaux employés, une date précise est rarement
croissance des arbres afin
connue, sauf lorsqu’elle est consignée dans des actes notariés. En
de dater du matériel de
l’absence de ces documents, il ne faut pas s’avouer vaincu ! Chez
bois. De façon
Dendrolab, la dendrochronologie est utilisée afin d’apporter une réponse
remarquable, cette
précise au propriétaire curieux et avide d’histoire.
technique permet une
datation à l'année près.
Comment ça fonctionne ?
Chaque année, l’arbre produit un anneau de croissance dont la largeur
varie notamment en fonction des conditions climatiques régionales. En
considérant que ce signal est le même dans une région donnée, les arbres
qui en proviennent devraient posséder un patron de croissance relativement
semblable, lequel est appelé chronologie de référence. Lorsque l’on veut
dater du matériel de bois dont on ne connaît pas l’époque de création, telles
les poutres d’une maison, il s’agit de mesurer le patron de croissance des
arbres qui ont servi à fabriquer ce matériel et de le faire correspondre avec
celui de la chronologie de référence.
Dendrolab a effectué plusieurs
travaux de datation dans la
région de Québec, en Beauce,
en Estrie et dans l’Est du
Québec. L’entreprise développe
actuellement des chronologies
de référence afin d’avoir la
possibilité de dater du matériel
ligneux dans la région de
Montréal. Afin d’en apprendre
davantage sur Dendrolab, vous
pouvez consulter le site Internet:
www.dendrolab.ca
Nous sommes un peuple forestier.
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