APROPOS DE LS CESSURE
Jo me souviens ~ ascombre
dernier — que les directeurs ‘le théatre se réu-
nizent en assemblge sofennelle et delibérante, Co
fot un beau spectacle, i} paratt, si 'en erois les
historiographos-de Yépoque. Apres avoir longue~
ment disculé sur Ie ersait alors et
que traverse toujours Vindustrie dramatique, ils
déeidérent que la cause de cette crise devait etre
autribuée au billet de faveur, dont les journalistes,
Tes coiffeurs et les méres W'etrice faissient un
abus scandaleux. Timidement, ot aver toutes les
réscrves oratoites imaginables, quelques-uns insi-
nuérent que la cherté des places, Vagiotage des
agences, la diminution des fortunes et aussi, peut-
tre, le manqued’auteursde génie, éiaiontvraisem-
Dlablement pour quelque cliose a ce facheux état-
On ne les écouta pas; et Yoa conviat, pidces en
main, quo tout le mal venait du hillet de faveur.
Oui, le billet de favour, ce petit carré de papier
‘ail aw mvis|
plane que Von va chercher, de cing & sept, dans/
Het de
is ontroient si get
itogalbfennen
press Je billet
ce. phylloxéra
natiques. 1
binge dep
is Faflirmatent, des
tris parisiens, et
pour conduize Fopinion, unc lorgnette
uit heures minuit, & travers Jes
1 geluinées ct tortueuses de Tiutelli-
1 dinecteurs de theatre s'étaient
primus le billet de faveur"et
tout sarrangera! » Hl va de sof que, Je lendemain
cette solemielie assembiée, te billet de faveur
Tonctionnait de plus belle sur toute Ja ligne des
concierges surmenés, bien que so suppression et
Ute votes d'euthousigsme. Et fe théatre a’em alla
hi pire ni micas; i! alla comme il devait aller,
comme il va maintenant, comme il ira, de son
mnéme pas chancelaat et fatigué, jusqu’au jour de
la catastrophe finale.
Tous les six mois, & peu prés, les directours
proposeat des remiiles variés et ellieaces. pour
iguérir 'anémie dont se meurt le théitre. Aujour-
hui, cest une autre rengaine. Depnis qu'il est
question de supprimer In censure, les directeurs
et en général tous les gens de théitre vant
"éeriant ayee des gestes de prophéte : « Prenez
favour
gence JamaineBs conss ob mudiene
gordo! Le thédtre va trds bien. Si vous supprimez
Th censure, vous supprimer le théttre. Et nous
nraurons plus, nous autres, que Ta resource de
hows faire ministres, avocats ou portiers, comme
{lit Masset. » Et 'on prévoit par avance les choses
hominables qui srriveront : ce ne sera, sur les
Sriues frangaises, que femmes toutes nues,
yaroles impures, gesies olsednes, folios néra-
icnnes et fanteisics ullra-sadiques. On nous
noutre déja Vantique Lesbos quittant la mer
Tgéc, Sodome renaissant de ses cendres, ot
‘yonant, tous les deux, a la voix de M. Laguerre,
conquérir tous es théatres et en chasser les belles
muses chastes, gerdiennes de Ja’ vertu at de
TAmour idéal, Pais, comme si ce tableau ne
‘sulisait pas & nous faire dresser Tes chevenx sur
Ih tote, on nous terrifle aver les menaces de la
police — on ditméme dela haute police. Bagarres,
Coupe de poing, rixes sanglantes, sabres dégaings,
sommations, feux de peloton, jusqu’au jour prom
chain ot prov ou le gouvernement, devant tous
ces ddbordements et tous c¢s exeds, se verra dans
Yobligation de fermer les théatres, comme de
simples chapelles, et de tuer, sur les péristyles
envabis, les dames de chours et les marchands
de contre-marques. Cela fait un pew sourire vrai~
‘ment, car on mimagine pas tres bien M. Emile
‘Angier, ni M. Camille Doucet, ni méme M. Albin
Valabregue, n'attendant que le signal de M. La~
guerre pour dotor aussitdtla littératuredramatique
@eouvres choatées et de bizarres pornographies.
Je wiignore point que, dans ce journal, om
soutiont chaleureusement In censure, une des
mille et trois incarnations de 'Autorité. Le Gan-
dois. fait, dans lo temps, & propos de Viaterdiction
de Germinal, wne urdente campagne en faveur de
cette institution menucée et radvque. Il y voit
tune protection naturelle des maurs publiques,
tune digue nécessaire contre Venvahissement du
flot onlurier, une sauvegarde meme des person-
nalités privées qui ne manqueraieat point Jetre
jotéos en pature, paraitil, au rire eruel et bate
des foules. Tel n'est pas tion avis, ot je demande
1a permission d’en dire deux mots,
Lin directeur de théitre n’est, en réalité, — je
Je déplore pour Vart, — que le chet d'une exploi-
tation commerciale. Ayant en mains les intéréts
Gactiounaires ou de commenditaires, il encourt,
parcela seul, de graves responsabilités. Son intérét,
ui, n'est point de compromettre Vargent qui
estcontié nisa propre situation, enjowantdes pitces
qui pourraient entrainer des difficultés avec Je
gouvernement etla police, lesquelles se paioat tou-
jours fort cher, sans compter les revendications
particuliéresetle diserédit moral quis'attachea tous
ceux-li qui veulent exploiter les curiosités mau-
vaises et les passions honteuses. Je n'ai jemais vu
quolescandale, parexemple, ait profité,d’une fagon
‘quelconque, aquis’en sert,aquis'efforced'envivre,0 ess ve mudime
‘Ga garrtte un instant, on regarde, et puis Yon
asso en haussant les épaules, te dédain aus
Tavs. Die ees fonetions naturelles, de tout ee
3 pres fe lui Pigtercts sévioux, i
Mendes aun detour de tire est wh conser
engenr preayac turns trop exe tro
jourre volontiess
dhe adlunivas €0 antes 1a oil a'y arrien
‘lu tout, des inderences ki of Yautevr w’a voulu
vetire et n'a mis quigae observation humaine,
Rau, je napergo’s pos du tout fa nécessité quil
fice de la censure du
Jrocteur 4 le ceusure du reuseur. Hue reste plos
Goatleurcux censeur Viena grignoter. Lassiette
st vide, est done romspbiquer bien inutilement
fox choses: crest surgout metize Luneurspropre
Yun wuteur, s1 diguité mene, & de nouvelles,
dures et vaines éprevves.
Ty a autre cliose. Je me métie considérablo-
‘meni des censeurs. Non qu'ils ne sotent de tres
honorables et tres aimables gens. Jo veux croire
aqu'ils pratiquent en couscience toutes [es vortus
Hureaueratiques, qui sont—comme on sait— de
Imvailler Je moins possible, et de preadre du
‘entre, en grignotant leur maigre part du budget:
nais ce nest pas autre chose que des fonction
naires qui ont usé leurs coudes sur tous Tes
bureaux de Ministére, et qui ont passé leur temps
a xiver A de petites combinaisons Wavancoment,
sess mipionds. 5
A vtors ME LA CESSURE ol
de dbeoration, a tout ce qui peut embellis leur
Situation pécuniaire ot rehausser leur figuration
sociale.
‘Cominent] des auteurs ont peiné do longs jours
‘uits, dans Venfantement deleur reve,
ine fois vivant, ec réve qu'ils out
ao
egde du
vontre « fan pris de quel doutes
perectants, de quelles anguisses stortelies, de
quolles doulears, cous seuts qui roduiseut fe
va son aller ainst qu'un dossier
Se fetar rural, We bureaux ch hereaux, de
tiroirs en Groirs. Des mains, habituses & copier
des circulaires, & barboter en des littératures de
Ghefie division, vont le rudoyer, lesali, 'étoulfer
lane les paperasses. Ces hommes qui sont gals,
tn général, ef qui se repasseat, de Yun & autre,
fe ealembour dv jour et Je refrain de ls veille,
nihésite i laisser une grivois
fon de café-concert; mais s'il trouvent, dans
tne pide, un beau cri Ubumanité, is n'hésitent
pas non plas a P'éeraser pesamrpent,
‘Mais je mremporte, ot vraiment cola n’en vaut
slo peiae,carjo n'ai point imbéilité de penser
fue la suppression de la censure va régénérer le
thettre. Je ne erois poiat non plus gu’elle déchat-
era sur lui le monstre de Yordure. Le théitre
etera, sans Ia censure, co qu'il élait avec elle,
Et si oa redoute surtoutles effets de cette liberté
pour les eafés-concerts, alle, le soit, dans nim-
porte lequel de ees lasteingues, et dites-moi, en
vie duns ane
ope i eae
Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle