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Mots clés :
- Société de communication
- Utopie
- Entropie
- Cybernétique
- Information
- Science fiction
Thèse de l’ouvrage :
L’idée de « société de communication » n’est pas nouvelle. Elle date de 1942 et a été l’œuvre du
cybernéticien WIENER. Il s’agit en fait de considérer l’homme comme un être purement social,
capteur et générateur d’information.
Cette utopie a bénéficié d’un moment favorable dans l’histoire pour pouvoir s’étendre. Elle
remplit le vide philosophique lié au traumatisme issu de la 2nd Guerre Mondiale.
Cependant, l’auteur démontre que cette société de communication n’est qu’une utopie, car
parallèlement à elle réapparaissent de nouvelles formes de xénophobie.
La méthode :
Le raisonnement se fait en 2 temps, le 1e étant de démontrer que cette notion de société de
communication n’est pas nouvelle, et le 2nd de monter comme elle apparaît comme une valeur post
traumatique.
Intérêt du sujet :
Le vide de la culture
o Peu de critiques de la « société de communication » : R DEBRAY, J BAUDRILLARD
et L SFEZ, A GRAS.
o La critique de l’utopie : maintenir une distinction entre les outils et l’usage que l’on en
fait et surtout la place et la signification qu’une société leur accorde.
o La question pertinente est donc de se demander pourquoi nos sociétés accordent,
depuis le milieu du siècle, une telle importance à la communication. Cette utopie a des
allures de fausse modernité (traits conservateurs). La présence des techniques dans
notre environnement quotidien n’est pas le signe automatique de la modernité.
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oA priori, la véritable modernité est d’abord politique et seulement, ensuite,
éventuellement technique.
Naissance d’une nouvelle utopie : Pourquoi parle t on aujourd’hui, autant de
communication ?
Depuis quand ce mot a pris sa signification actuelle ? Les Lumières, 19es montrent une
sensibilité très forte à la communication et aux espoirs qu’elle suscite.// idée que le
développement des médias et de la liberté de communication sont des conditions
essentielles au progrès des sociétés.
1942 : le retrait du politique qui s’amorce, la crise des valeurs et la progression du
relativisme, et surtout de profondes transformations concernant la représentant de ce
qu’est un homme dans une société donnée (la « constitution normative de l’humain »
de P LEGENDRE)
N WIENER, créateur de la cybernétique, la science générale de la communication. La
cybernétique, après une longue période d’oubli a ressurgi avec les discours
d’accompagnement qui entourent les autoroutes de la communication.
Mise en garde : l’objet n’est pas de critiquer gratuitement la communication, mais de s’interroger sur
son versant le plus excessif.
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PARTIE 1 : GENESE DE LA NOTION MODERNE DE
COMMUNICATION
B/ Paradigme unificateur
La « cybernétique » :
C’est la recherche des lois générales de la communication, qu’elles concernent
des phénomènes naturels ou artificiels, qu’elles impliquent les machines, les animaux, l’homme ou la
société. La communication est associée à la notion de régulation.
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Il propose de reconnaître la communication comme valeur centrale pour
l’homme et la société, et se déchaîne contre tous les régimes (fasciste, totalitaire, démocratique) qui
font un usage « non humain » des êtres humains. L’idée maîtresse est que tous les phénomènes du
monde visible peuvent se comprendre, en dernière instance, en termes de relations, d’échange et
de circulation d’informations.
Un réseau fondateur qui touche des sciences différentes telles que l’anthropologie ( G
BATESON), la neurophysiologie (réseau neuronal MAC CULLOCH), et
l’informatique avec l’invention de l’ordinateur (VAN NEUMANN)
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II/ la portée sociale d’une nouvelle valeur
Dans son ouvrage publié en 1949 The human use of human being, WIENER développe les
raisons pour lesquelles la communication doit devenir une valeur centrale pour lutter contre la crainte
du chaos social. Son argumentation se déploie autour d’un axe qui oppose information et entropie. Il
va soutenir que les sociétés humaines ne peuvent être comprises qu’en termes de communication et il
oppose le modèle des sociétés « ouvertes » et « rigides (parallèle avec l’opposition entre opacité et
transparence).
A partir de là, la démarche de WIENER est double : une société est par nature, toute entière, constituée
par ses communications, et il faut identifier clairement la nature exacte des modèles de communication
qu’une société ou qu’une communauté donnée privilégie. Certains de ces modèles vont augmenter
l’entropie alors que d’autres permettent de maintenir ces îlots d’organisation locale.
Cette distinction est importante car, elle signifie qu’une société a pu, par exemple, se doter d’un
« réseau de communication nationale et internationale d’une perfection inégalée dans l’histoire », et en
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même temps risquer de sombrer dans la décadence parce que ce réseau n’est pas utilisé pour
« communiquer véritablement ».
WIENER : « la communication est le ciment de la société et ceux dont le travail consiste à maintenir
libres les voies de communication sont ceux là mêmes dont dépend surtout la perpétuité ou la chute de
notre civilisation ».
La militarisation de la science
L’homme de science, bien qu’il soit souvent proche du pouvoir, a longtemps été,
dans l’imagination populaire, un « homme de paix ». Sa participation directe aux massacres commis
pendant la guerre l’éjecte brutalement de ce piédestal confortable.
Malgré cette implication dramatique de la science dans le conflit, ou plutôt grâce à elle, les
scientifiques sont investis d’une grande légitimité pour prendre en charge les affaires du monde. C’est
d’eux, en partie, qu’on attend les fondations de la nouvelle société d’après guerre. Leur position
d’expert est vécue comme « neutre » et « objective », en tout cas, loin des idéologies partisanes et leur
capacité de réflexion sur le monde semble de ce fait entièrement préservée. Leur attitude critique vis à
vis de l’utilisation de la bombe atomique a prouvé en même temps leur puissance (ils l’ont découvert)
et leur sagesse (ils se sont opposés à son utilisation).
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PARTIE 2/ LA CRISE DES VALEURS ET LA MONTEE
DE L’UTOPIE
A/ Un « homme nouveau »
Les nouvelles conceptions s’articulent autours de 2 principes : tout être qui communique à un
certain niveau de complexité est digne de se voir reconnaître une existence en tant qu’être
social ; et ce n’est pas le corps biologique qui fonde cette existence en tant qu’être social, mais
bien la nature « informationnelle » de l’être en question.
D’une certaine façon avec la communication, il n’y a plus d’ « êtres humains », mais des
« êtres sociaux », entièrement définis par leurs capacités à communiquer.
L’ « homme de WIENER »
Pour WIENER, un homme est un être tout entier constitué d’information. Il n’a pas
d’intériorité, et se trouve potentiellement en concurrence directe avec d’autres êtres qui risquent de le
battre sur le terrain de la complexité. Il représente un élément intermédiaire du vaste processus de
communication croisées qui caractérise une société.
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La pensée, comme action communicante, est un calcul et par conséquent que cela
est indépendant du support biologique et transférable. Ainsi, la pensée de l’homme est une qualité qui
ne lui appartient donc pas en propre puisqu’elle est transférable en dehors de la personne.
Cela rappelle les thèses anarchistes puisqu’il dessine une société sans Etat, d’où le pouvoir comme
mode d’exercice du gouvernement est banni. Cependant, il a une forte connotation rationnelle parce
que les décisions, dans une telle société, sont prises sur le mode de la raison et de préférence, par les
machines. WIENER critique les modes d’organisation territoriale qui privilégient des ensembles trop
vastes pour soutenir l’idée selon laquelle les petites communautés de vie ont des capacités de
régulation plus importantes. L’Etat mondial ne serait que fonctionnel.
= Le thème de la société de communication reprend à son compte, sans le savoir, l’idéal utopique
de changement social qui avait commencé à s’exprimer un siècle auparavant. Dans ce sens, la
communication se nourrit d’un certain héritage anarchiste. Elle s’en distingue toutefois par le type de
régulation sociale qu’elle propose, qui s’articule autour du progrès technique et d’un rapport
nouveau aux machines, mais aussi autour d’une autre définition de l’homme et du lien social.
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II/ La barbarie moderne et l’effondrement des valeurs
Il s’agit de replacer la théorie de WIENER dans son contexte historique. La seconde guerre
mondiale a constitué la plus grande menace contre le lien social. La barbarie qui dévaste les valeurs du
XX e s est une barbarie moderne dont les traits sont spécifiques : absence de résistance du politique
voire convergence sur certains points tels que le progrès de la société par le retranchement de certains
de ses membres.
Cet ébranlement du lien social va créer les conditions d’une transformation en profondeur
des représentations de ce qu’est un homme. La faillite de l’humanisme, l’effondrement des valeurs,
la perte de crédibilité qui va atteindre au bout du compte le politique tout entier, et vont laisser, de ce
point de vue, un vide et un silence dans lesquels s’engouffreront les théories modernes de la
communication nées, justement en 1942, moment clé où l’humanité bascule concrètement dans la
barbarie absolue.
Pourtant, on ne peut pas dire que le XIXe s mérite le titre de grand inventeur de l’exclusion
meurtrière. Il faut savoir que jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, la vie humaine n’avait finalement que
peu d’importance à la fois sur le plan moral et juridique. C’est au XVIIIe XIXe s, que l’idée du
caractère précieux de la vie humaine apparaît (succès de la science qui entraîne des améliorations des
conditions sanitaires et de vie).
La grande nouveauté du XIXe s, c’est que les théories violentes de l’exclusion renaissent au moment
même où l’on continue à affirmer en parallèle la primauté de la vie humaine. Ensuite, il faut distinguer
le processus d’exclusion interne au racisme, car l’idée de race n’est pas la seule manière de désigner
celui qu’il faut rejeter au delà des frontières de l’humanité.
Le darwinisme social fournit un cadre mental pour penser les rapports sociaux.
Comme dans la nature où, grâce à un processus de sélection, seules survivent les espèces les plus
fortes et les plus adaptées, la société serait, elle aussi, le lieu de la sélection des « espèces » les plus
adaptées. L’eugénisme et son souci de perfectibilité de l’homme va particulièrement bien s’articuler
sur cette théorie.
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« l’homme de NIETZSCHE » : l’humanité est divisée en deux : d’un côté les
forts, les maîtres et de l’autre, les faibles, les esclaves. Le sens de l’histoire pour lui est clair, à un
moment les faibles ont pris le pouvoir grave à la religion qui est à la fois la « morale » en tant
qu’apologie des faibles et la « culture ». Selon lui, la morale des faibles prend toujours naissance dans
une opposition, elle est une « réaction », en opposition avec celle des maîtres qui est une « action ».
L’idée est que le fort est dirigé de l’intérieur et n’obéit qu’à ses instincts, là où le faible est tout
entier guidé par la société et la morale. Son programme est donc de renverser la morale.
La montée de l’utopie
C’est le XVIIIe s qui annonce en Europe et en Amérique, une ère nouvelle dans
la recherche d’une société meilleure.
Mais c’est le XIXe s, qui consacrera l’essentiel de son énergie intellectuelle à
dresser les plans de sociétés meilleures. Un grand désir d’utopie est alors à l’œuvre sur la base d’une
double rupture avec la religion, d’abord, puis avec l’histoire (marxisme, anarchisme, libéralisme).
Le 20e s sera celui du combat au nom de ces idées. Tous ces penseurs ont la
même intention : construire (ou retrouver) une société meilleure, prendre le pouvoir en vue de réaliser
cet objectif, et au besoin, l’imposer.
La quête de la cité idéale engendre curieusement une grande tolérance par rapport à la violence qu’elle
légitime ainsi idéologiquement. La forte dose d’utopie des idéologies héritées de cette époque explique
sans doute ce paradoxe qui est de voir côte à côté se déployer la recherche du bonheur et d’une
civilisation meilleure et la mise en œuvre d’une violence et d’une barbarie insoutenable. La barbarie
moderne est une barbarie qui se donne l’excuse de la civilisation.
La purification de la société
Une des caractéristiques des idéologies nées au 19e s, est qu’elles postulent toutes,
pour parvenir au but, une division de la société entre ses membres faibles, dépassés ou étrangers. C’est
dans ce sens qu’elles sont toutes des idéologies de la purification.
Ex : le communisme qui veut éradiquer la classe bourgeoise, les Etats Unis avec le massacre des
Indiens.
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III/ La communication, une valeur post traumatique
A/ Une triple réponse à la crise
C’est parce qu’elle intervient dans une situation de vide à la fois sur le plan des valeurs que sur
celui des systèmes de représentation politique, que l’utopie de la communication a connu
progressivement un tel succès.
2/ Le renouvellement de l’utopie
Le thème de la communication apparaît en parallèle avec le mouvement de retrait des
idéologies telles que le communisme ou le libéralisme. La fin de la Guerre Froide sonne le glas du
politique pour voir apparaître d’idée d’une « société de l’information ». Le thème de la « société de
communication » s’ajuste très bien à ce retrait du politique et à la nécessité incontournable
d’avoir à imaginer un mode d’organisation sociale qui permette de s’adapter au changement.
L’utopie de la communication nous promet une société meilleure dans le sens où la
consommation des objets et des machines est considéré comme un « mieux être communicatif ».
Néanmoins, ce mieux être communicatif semble avoir plus comme fonction d’éviter une perte que
d’obtenir un gain.
C’est plus un « moins mal être » qu’un « mieux être ». C’est parce que le monde est obscur que le
thème de la transparence a autant de succès, c’est parce que l’homme est irrationnel que les
technologies de traitement de l’information semblent l’occasion d’une véritable « révolution » .
Cette utopie ne nous promet pas de créer une nouvelle société, mais d’empêcher la
dégradation du monde. C’est ainsi que le propos doit être modéré, car la communication en elle
même ne produit pas l’information, elle ne fait que lutter contre ce qui empêche l’information de
circuler.
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B/ Les voies originales de la diffusion d’une nouvelle valeur
classique : par l’intermédiaire les discours sociaux : influence intellectuelle et culturelle directe
originale et invisible : la communication se diffuse comme valeur à travers le mouvement de
l’innovation et par l’intermédiaire des objets techniques auxquels elle est incorporée : imprégnation
par les usages que l’on peut faire d’objets ou de techniques servant à communiquer.
L’obstacle du déterminisme : L’idée serait que c’est l’utilisation des outils modernes
tels que l’ordinateur qui déterminerait le comportement de l’homme à communiquer.
2/ La vulgarisation
La littérature de vulgarisation joue un très grand rôle dans la propagation des grandes
vues sur l’homme et la société que WIENER et les cybernéticiens prodiguaient au titre de nouvelle
utopie. Elle met en scène une science, unifiée, globale, qui de plus se préoccupe directement de ses
applications. La littérature de vulgarisation a été un formidable amplificateur de la communication
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comme valeur à portée universelle. Elle a ainsi largement répandu le thème du « tout
communication ».
3/ La science fiction promeut la communication comme valeur constitutive de la
modernité.
Elle touche particulièrement le microcosme des ingénieurs et des créateurs dans le cadre des nouvelles
technologies. Comme la vulgarisation, elle n’est que la mise en scène concrète de ce que serait une
société où les techniques de communication occuperaient une place centrale.
A/ Les auteurs
J W CAMPBELL : il est l’un des pionniers du thème de l’intelligence
artificielle. (les machines peuvent améliorer le lien social)
Isaac ASIMOV : c’est l’auteur américain qui a mis en scène l’utopie de la
communication de la façon la plus directe et la plus influente.
o Ses ouvrages se placent dans la mouvance née dans les années 50,
de la « science fiction sociale ». Le souci de ces auteurs est de sauvegarder à tout pris l’optimisme
envers la science dans un contexte où les destructions d’Hiroshima avaient profondément troublé le
public. La science fiction sociale devait permettre d’imaginer des points d’application possible de
résultats scientifiques actuels ou futurs dans une perspective optimiste.
o Son roman « Face aux feux du soleil » paru en 1957, pourrait être
considéré comme un miroir décrivant le mythe de la communication moderne.
Son intérêt est triple : anticipation des descriptions des technologies de communication de la vie
quotidienne, description pertinente des changements contemporains du lien social, inauguration d’une
réflexion sur les problèmes quotidiens que pose la présence accrue des techniques dans notre
environnement.
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Ces 2 auteurs représentent les 2 faces complémentaires d’une même vision de la modernité. Le 1e tente
de réguler moralement les changements à venir dans le lien social, tandis que le second met en scène,
en contrepoint, la confusion qui s’installe, dans une société moderne, entre le vivant et l’artificiel.
4/ Les essayistes de la « société de communication »
B/ Un attrait contestable
Ce discours exerce une force d’attraction considérable sur l’option, d’autant plus que l’on croit y lire
l’avenir. 4 clés d’analyse permettent de relativiser et d’éviter de se laisser prendre malgré soi aux
pièges de cette rhétorique utopique.
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PARTIE 3 : LES EFFETS PERVERS DE LA NOUVELLE
UTOPIE
I/ Les ambiguïtés de la communication.
L’utopie de WIENER s’est elle concrétisée ? Vivons-nous aujourd’hui dans une « société de
communication » ? G BALANDIER souligne que parler de « société de communication » est, d’un
certain point de vue une redondance. Il est vrai que les hommes ont toujours échangé entre eux,
par l’intermédiaire du langage et des signes non verbaux, des informations sur eux-mêmes et sur
les autres, sur leurs actions et sur leur environnement. Ils ont probablement toujours utilisé des
« techniques de communication », qu’elles soient matérielles ou intellectuelles.
La communication (et ses techniques) se constitue ainsi comme un recours majeur à tous les
dysfonctionnements de notre société. Chaque problème trouverait ainsi une approche « rationnelle »
grâce à la « communication » qui apporterait à la fois la « transparence » dans l’analyse et le
« consensus » dans la solution.
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2/ Les nouvelles sciences de la communication
En tant que science enseignée à l’université, la communication est définie par S H
CHAFFEE, C R BERGER ou J LAZAR, comme le domaine qui « cherche à comprendre la
production, le traitement et les effets des symboles et des systèmes de signes par des théories
analysables, contenant des généralisations légitimes permettant d’expliquer les phénomènes associés
à la production, au traitement et aux effets ». Les sciences de l’information sont diverses. Elles sont le
domaine de spécialistes inconciliables comme les scientifiques, les littéraires ou les spécialistes des
sciences sociales. La culture de l’évidence rationnelle des premiers s’affronte à celle de
l’argumentation des seconds.
Ainsi, s’il est à peu près certain que la « société de communication » a pour effet premier de
détourner provisoirement les énergies, il est tout aussi certain que les réseaux de demain pourront
servir à ficher les gens et à réduire les libertés. Il n’y a donc aucune contradiction à dénoncer à la fois
le caractère illusoire, abstrait et transitoire des projets utopiques en matière de communication et à en
dénoncer les applications qui ne manqueront pas de survenir, quand elles ne sont pas déjà parmi nous.
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II/ L’empire des médias
Le monde des médias est en train de déplacer et d’absorber l’essentiel des activités
humaines.
L’un des tout premiers effets de la mise en utopie des nouvelles techniques de communication et
des médias est un formidable déplacement du rôle et de la fonction de l’outil par rapport à ses
finalités. On pourrait le traduire par une sorte d’idolâtrie qui consisterait à dire que ce n’est plus la
communication qui est faite pour l’homme, mais l’homme pour la communication. L’univers des
médias et des autoroutes de la communication sont censés avoir une fonction de médiation. Ils
sont conçus pour aider les hommes, effectivement à mieux communiquer. Ils sont la réponse à la
conscience aiguë que nous avons d’une séparation sociale, d’un éloignement les uns des autres,
couplé à une soif de rapprochement.
La trop grande importance conférée aux outils dans ce domaine conduit à ce que le média
devienne un centre plutôt qu’un passage. Pour BAUDRILLARD, ce monde est celui de la
« communication pour la communication », car « l’enjeu n’est plus le message mais le fait que ça
communique ». La désinformation systématique des messages par des médias, dont la mission était
pourtant d’en garantir l’intégrité, oblige à un combat constant visant à les réinterpréter dans leur
contexte.
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III/ le nouvel individualisme et la montée de la xénophobie
Que l’utopie se réalise ou non, elle a des effets concrets tels que l’encouragement des nouvelles
formes d’individualisme qui caractérisent les sociétés modernes de la fin du 20e s.
Le recours systématique à la communication produit 2 effets contradictoires :
l’uniformisation planétaire des goûts, normes et comportements, la construction d’un espace
public universel ; et un repli de l’individu sur lui-même. Ce néo-individualisme n’est pas sans
rapport avec la montée actuelle de la xénophobie. Dans ce nouvel imaginaire, on pourrait tout accepter
des autres, pourvu qu’ils restent à distance, ce qui est au fond la définition initiale de la xénophobie.
• La continuité communicationnelle :
En théorie, un individu peut ne jamais cesser de communiquer du matin jusqu’au soir (radio, télé,
journal, forums électroniques)
• la représentation de soi comme une « machine communicante » :
Le mythe moderne de « l’intelligence artificielle » contribue largement à développer une telle
représentation de soi. Si l’on peut construire une machine qui soit « comme un homme », qui
dispose non seulement d’une intelligence, mais aussi d’une « conscience artificielle », pourquoi
l’homme ne pourrait il pas âtre considéré comme une machine ?
• L’illusion de la libération par la communication.
La nouvelle utopie génère l’illusion majeure de la toute puissance libératrice de la communication.
Le seul fait de communiquer serait suffisant pour vivre harmonieusement en société
La communication pourrait s’instrumentaliser, c’est à dire être l’objet d’un savoir pratique
facilement manipulable. « parlez et tout ira mieux »
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systématiquement tous les individus les uns par rapport aux autres. Cette mise à distance de l’autre et
ce repli dans « mon monde » portent en germe une forme nouvelle de xénophobie
V/ Un monde d’harmonie et de consensus
A/ La volonté de mettre en place une société harmonieuse et sans conflits
L’effet pervers, c’est le déni systématique du conflit, et donc, la partition binaire entre le bien
(l’harmonie des objectifs) et le mal (le conflit) qui ne laisse que peu de place à une troisième voie qui
est celle de la « contractualisation du conflit ». C’est à dire qu’il y a bien un conflit provisoirement
irréductible, mais que l’on doit malgré tout avancer dans le cadre d’une communauté effective, ne
niant ni les différences ni les désaccords. La nouvelle utopie soutient que la négation est un
« brouillage » dans la communication. La personnalité valorisée est celle de l’homme positif.
Conclusion :
La question initiale était : pourquoi la communication a pris autant de place dans notre société ?
La communication est devenue en grande partie une utopie. En tant que tel, le
système de valeur qui s’est construit autour d’elle s’est progressivement affirmé comme une
alternative possible aux idéologies et aux représentations classiques de l’homme.
Né dans les tourments d’une longue guerre mondiale et dans les soubresauts d’une
dégradation dramatique du lien social, le recours universel à la communication est largement tributaire
des circonstances historiques qui lui donnent son sens et sa portée sociale.
La situation que nous vivons aujourd’hui n’est pas nouvelle. L’acte de communiquer et
celui de bâtir des techniques dans ce but apparaissent en effet à la fois comme une constante
anthropologique et comme un ensemble de pratiques très largement soumises aux aléas de
l’histoire. L’homme est bien de ce point de vue, un être communicant, en partie structuré par cette
pulsion de « sortir de lui » qui l’anime sans fin. Cela étant dit, la communication n’est pas toujours la
préoccupation centrale de l’homme.
Le fait que certaines époques soient plus « communicantes » que d’autres est lié au
rapport entre la crise du lien social, des systèmes de représentation et la montée de la
communication comme utopie.
Les dérives de la communication nous renvoient, en miroir, une des questions essentielles
de notre temps, celle de la reconstruction de la représentation de l’homme et de la société.
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