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René-Primevère Lesson relate dans le récit «Relâche aux îles Malouines » son

séjour sur ces îles australes. M. Lesson décrit l'état des lieux de Port-Louis. Il insiste entre

autres sur le fait que Bougainville a essayé d'y fonder une colonie dans le passé, mais que

ses projets ont tombé à l'eau car les Espagnols revendiquèrent les îles Malouines comme

une dépendance de l'Amérique. Cependant, M. Lesson précise que les Espagnols

abandonnèrent rapidement les îles Malouines car celles-ci ne regorgeaient pas de mines

d'or. L'Argentine a profité du désistement des Espagnols et a essayé à son tour d'occuper

les îles Malouines et ce, quelques années avant l'arrivée de M. Lesson. D'après M. Lesson,

les îles Malouines, n'étant pas arables, occupent essentiellement un rôle stratégique

militaire. C'est la raison pour laquelle les Anglais s'étaient établis au port Egmont et les

Français à l'île Soledad. Au moment où il écrit son récit, M. Lesson affirme que les îles

Malouines, dotées d'une biodiversité considérable, sont inhabitées par l'homme.

Le récit de M. Lesson aborde de nombreux points historiques. Louis-Antoine de

Bougainville a effectivement tenté de fonder une colonie française aux îles Malouines. Le 5

avril 1764, il prend possession des Malouines au nom de la France 1. La même année,

Bougainville fait construire au Port-Louis un fort autour duquel il bâtira, en 1765, des
1 STURZENEGGER-BENOIST, Odina. 2006. L'Argentine. Paris : éditions Karthala. p. 170

VERNE, Jules. Bougainville. Paris : Magellan & Cie. p. 14

1
maisons servant de demeure aux colons venus principalement de Saint-Malo (d'où le nom

Malouines)2. Le 25 janvier 1765, les Anglais, commandés par John Byron, débarquent à

leur tour à Puerto Cruzado qu'ils renomment port Egmont 3. Mais cette colonie britannique

sert surtout à contrôler militairement l'Atlantique sud et le détroit de Magellan 4. Toutefois,

en 1766, les Espagnols réclament les îles Malouines. En effet, ils soutiennent que cet

archipel leur appartient en vertu du traité de Tordesillas, signé le 7 juin 1494 entre

l'Espagne et le Portugal sous l'instigation du pape Alexandre VI5. Ce traité stipule que tous

les territoires situés à l'ouest du 47e méridien de longitude ouest appartiennent à l'Espagne,

et ceux à l'est au Portugal6. Les îles Malouines, situées à l'ouest de ce méridien,

appartiennent donc à l'Espagne. Le 1er avril 1767, la France concède officiellement les îles

Malouines à l'Espagne et rapatrie les colons français vers leur métropole 7. Les Espagnols

occupent les îles Malouines jusqu'en 1811, puis décident d'abandonner cet archipel pour des

raisons multiples. D'une part, les Espagnols s'accoutument mal au climat humide et

brumeux des Malouines dont la terre n'est pas propice à l'agriculture8. D'autre part, au XIXe

2 PARIAS, Louis-Henri. 1960. Histoire universelle des explorations : Le temps des grands voiliers. Paris :
Nouvelle librairie de France. p. 163

Université Laval. 2008, 10 octobre. «Îles Malouines ». In L'aménagement linguistique dans le monde.
En ligne. <http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/falkland.htm>. Consulté le 29 septembre 2009.

3 TELLO, Angel. 1982. «L'Argentine et les Îles Malouines » Politique étrangère, no 4, vol 47. p. 1006

LACROIX, Frédéric. 1854. «Patagonie, Terre-du-Feu et Îles Malouines ». In L'Univers : Histoire et


description de tous les peuples. Paris : Librairie de Firmin-Didot et Cie. p. 77
4 STURZENEGGER-BENOIST, Odina, p. 170

LACROIX, Frédéric. p. 79
5 Ibid, p. 77
6 BOYER-BEN KEMOUN, Joëlle. Colonisation européenne et système colonial du milieu du XIXe siècle
aux années 1960. Paris : les éditions Ellipses. p. 9
7 MEYER, Jean. Histoire de la France coloniale : Des origines à 1914. Paris : les éditions Colin. p. 220
8 LACROIX, Frédéric. p. 78

2
siècle, l'Espagne est appauvrie par les guerres d'indépendance en Amérique latine et préfère

ainsi, pour des raisons économiques, délaisser les îles Malouines9. Après avoir obtenu son

indépendance en 1816, l'Argentine hérite des droits de l'Espagne sur les terres situées près

du cap Horn; le capitaine argentin Jewitt prend donc possession, en 1820, des îles

Malouines au nom de l'Argentine10. Cependant, en 1822, année au cours de laquelle M.

Lesson s'est rendu aux îles Malouines11, celles-ci n'étaient pas encore peuplées par les

Argentins à cause d'une ère d'instabilité et d'absence d'unité politique qui règne en

Argentine devenue indépendante12.

M. Lesson déforme certains aspects de la réalité dans son récit. Chirurgien et

naturaliste, M. Lesson ne fait qu'allusion à certains faits historiques sans les approfondir. En

outre, il soutient que les Espagnols abandonnèrent rapidement les îles Malouines. Or, ces

derniers les ont occupées pendant une quarantaine d'années, de 1767 à 1811, alors que les

Français n'y ont maintenu une colonie que pendant trois ans, de 1764 à 1767, détails

absents dans le récit de M. Lesson. Cette attitude de l'auteur peut s'expliquer à partir du

contexte géopolitique de l'époque (années 1820). Avec le traité de Paris signé le 10 février

9 Lonely Planet Publications. 2007. «History : The Falklands ».En ligne. 3p.
<http://www.lonelyplanet.com/shop_pickandmix/previews/falklands-south-georgia-island-background-
information-preview.pdf>. Consulté le 29 septembre 2009

LAVALLÉ, Bernard. L'Amérique espagnole de Colomb à Bolivar. Paris : les éditions Belin. p. 274
10 «Falkland Islands ». In Encyclopaedia Britannica, éd. 2007.
11 LESSON, René-Primevère. 1839. Voyage autour du monde entrepris par ordre du gouvernement sur la
corvette La Coquille. Paris : les éditions Frères P. Pourrat. p.40
12 BROWN, Jonathan C. «Argentinian agrarian expansion and nation building ». A Brief History of
Argentina, Brief History. New York : Facts On File, Inc. 2007. Modern World History Online, Facts On
File, Inc. <http://www.fofweb.com.res.banq.qc.ca/activelink2.asp?
ItemID=WE53&iPin=BHARG23&SingleRecord=True>. Consulté le 29 septembre 2009

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1763, la France perd la plupart de ses colonies suite à une série de batailles avec les

Anglais13. Les Espagnols, eux, perdent également une grande partie de leurs colonies au

XIXe siècle mais à la suite de révoltes au sein même de leurs colonies dues à l'exploitation

excessive de la main-d'oeuvre et des matières premières, dont l'or14. Avec le traité de Paris

du 30 mai 1814 qui lui enlève de nombreux territoires, la France est humiliée et a donc

besoin d'un appui moral15. M. Lesson, en mettant l'accent sur les défauts et les défaites des

Espagnols et en omettant de relater les méfaits des Français, dévalorise les Espagnols au

profit des Français. Cette attitude n'est pas surprenante car M. Lesson a rédigé son récit par

ordre du gouvernement français16.

Le texte «Relâche aux îles Malouines » aborde donc l'histoire de façon très nationaliste.

René-Primevère Lesson relate certes des données historiques pertinentes à la

compréhension de l'histoire des îles Malouines, mais il n'insiste pas sur les points

historiques qui pourraient miner l'image de la France. Cependant, afin de rendre son

argumentation plus crédible, M. Lesson aurait dû s'attarder davantage aux causes du départ

des Français des îles Malouines. Si l'on se fie uniquement à M. Lesson, les Espagnols

seraient la cause de tous les maux des Français!

13 DENIS, Michel et Noël BLAYAU. 1970. Le XVIIIe siècle. Paris : les éditions Armand Colin. p. 260
14 CHAUNU, Pierre. 2003. Histoire de l'Amérique latine. Paris : Presses universitaires de France. p. 39
15 CONCHON, Anne et Frédérique LEFERME-FALGUIÈRES. Le XVIIIe siècle. Paris : les éditions
Hachette. p. 321
16 LESSON, René-Primevère, p. 1

4
Bibliographie

BOYER-BEN KEMOUN, Joëlle. Colonisation européenne et système colonial du milieu


du XIXe siècle aux années 1960. Paris : les éditions Ellipses. 144p.

BROWN, Jonathan C. «Argentinian agrarian expansion and nation building ». A Brief


History of Argentina, Brief History. New York : Facts On File, Inc. 2007. Modern World
History Online, Facts On File, Inc.
<http://www.fofweb.com.res.banq.qc.ca/activelink2.asp?
ItemID=WE53&iPin=BHARG23&SingleRecord=True>. Consulté le 29 septembre
2009

CHAUNU, Pierre. 2003. Histoire de l'Amérique latine. Paris : Presses universitaires de


France. 127p.

CONCHON, Anne et Frédérique LEFERME-FALGUIÈRES. Le XVIIIe siècle. Paris : les


éditions Hachette. 352p.

DENIS, Michel et Noël BLAYAU. 1970. Le XVIIIe siècle. Paris : les éditions Armand
Colin. 349p.

«Falkland Islands ». In Encyclopaedia Britannica, éd. 2007.

LACROIX, Frédéric. 1854. «Patagonie, Terre-du-Feu et Îles Malouines ». In L'Univers :


Histoire et description de tous les peuples. Paris : Librairie de Firmin-Didot et Cie.
328p.

LAVALLÉ, Bernard. L'Amérique espagnole de Colomb à Bolivar. Paris : les éditions Belin.
318p.

LESSON, René-Primevère. 1839. Voyage autour du monde entrepris par ordre du


gouvernement sur la corvette La Coquille. Paris : les éditions Frères P. Pourrat. 519p.

Lonely Planet Publications. 2007. «History : The Falklands ».En ligne. 3p.
<http://www.lonelyplanet.com/shop_pickandmix/previews/falklands-south-georgia-
island-background-information-preview.pdf>. Consulté le 29 septembre 2009

MEYER, Jean. Histoire de la France coloniale : Des origines à 1914. Paris : les éditions
Colin. 848p.

PARIAS, Louis-Henri. 1960. Histoire universelle des explorations : Le temps des grands
voiliers. Paris : Nouvelle librairie de France. 336p.

5
STURZENEGGER-BENOIST, Odina. 2006. L'Argentine. Paris : éditions Karthala. 370p.

TELLO, Angel. 1982. «L'Argentine et les Îles Malouines » Politique étrangère, no 4, vol
47.

Université Laval. 2008, 10 octobre. «Îles Malouines ». In L'aménagement linguistique dans


le monde. En ligne. <http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/falkland.htm>. Consulté le
29 septembre 2009.

VERNE, Jules. Bougainville. Paris : Magellan & Cie. 72p.

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