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EN COUVERTURE Revirement stratégique

30 Cosucra
Au régime sans sucre, suite aux quotas
européens

32 LEGO
Un nouvel empire, brique par brique

33 DS Textile Platform
Le tapis biodégradable garantit un
avenir vert

36 IBM
Le géant se croyait 'too big to fail'

37 Eurogentec
Jean-Pierre Delwart revient sur la mise
au frigo du projet initial

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Revirement stratégique EN COUVERTURE

Quand un revirement stratégique s'impose

Changer pour s’améliorer


Ne pas avancer, c’est reculer. Il se peut aussi parfois qu’avancer ne suffise pas
pour survivre en tant qu’entreprise, et qu’un changement radical de l’activité
principale s’impose.

P
ar quoi un tel retournement stratégique radical même conscient et convaincu du fait que les choses
peut-il être dicté ? Une nouvelle législation, la doivent changer, et oser l’admettre, est une première
pression des actionnaires, de nouvelles tendan- et cruciale étape vers une autre approche stratégique
ces sociales, une gestion laxiste ? Une crise ne doit pour les administrateurs et le management. Compa-
pas toujours être à l’origine du changement ; parfois, rons cela à quelqu’un qui souhaite arrêter de fumer :
le bon sens visionnaire de l’entrepreneur motive une si cette personne ne croit pas elle-même à la nécessi-
remise en question qui anticipe la crise. té de vivre autrement, la plupart des moyens qu’elle
utilisera pour arriver à ses fins sont voués à l’échec.
Pour ce dossier thématique, Forward a cherché et
trouvé des entreprises qui ont subi une transformation Un facteur tout aussi important pour la réussite du
profonde et/ou sont toujours en phase de transition. changement est l’approche dynamique du manage-
Nous avons interrogé leurs dirigeants sur les moteurs ment chargé de la mise en œuvre de celui-ci : ‘top-
du changement, et surtout sur les facteurs de réussite down’, du haut vers le bas. Mais pas sans une com-
d'un ‘remake’ de leurs activités. S'il y a bien un fil munication ouverte, honnête et crédible envers les
rouge dans ces processus de réinvention, c’est le be- collaborateurs à tous les niveaux. Si les collaborateurs
soin d’un regard externe neutre ou d’une caisse de ne comprennent pas ce qui se passe et surtout pour-
résonnance objective. Les actionnaires s’entourent de quoi, ils développent des résistances. Ou comme le
spécialistes extérieurs à la ‘famille’, prêtent une oreille formule l’un des managers interviewé : “Impliquez-les
attentive à ce que disent leurs pairs ou élargissent le à un stade précoce de sorte que la transformation
conseil d’administration à des experts indépendants effective ne soit pas perçue comme une surprise mais
devant former un contrepoids à la vision bien inten- comme une confirmation de ce que tout le monde
tionnée, mais parfois troublée, qui y règne. Etre soi- savait déjà.” 

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EN COUVERTURE Revirement stratégique

Qu’y a-t-il en commun entre des multinationales comme IBM, LEGO et Chiquita et de (grosses) PME bien
de chez nous comme Cosucra (secteur alimentaire), DS Textile Platform (textile), Veritas (magasins de vête-
ments et accessoires) ou Eurogentec (biotechnologie) ? Toutes étaient au bord du gouffre, incapables de
s’adapter à l’évolution trop rapide du marché, que ce soit sous la pression de concurrents plus agiles
qu’eux ou en conséquence d’un changement soudain des règles du jeu, comprenez le cadre réglementaire.
Elles étaient donc sur une voie sans issue jusqu’à ce qu’elles acceptent de se remettre fondamentalement
en question, de s’ouvrir à des compétences externes et entamer un douloureux mais bénéfique processus
de transformation. Sept dirigeants d’entreprise qui ont eux-mêmes initié ou accompagné ce revirement
stratégique nous parlent ouvertement de ces opérations de survie.

Les quotas européens comme incitateur de changement

Cosucra au régime sans sucre


La reconversion de Cosucra, entreprise familiale créée en 1852 à Warcoing dans la région de Tournai,
est intimement liée à l'évolution de la réglementation européenne dans le secteur sucrier. Tradi-
tionnellement active dans la fabrication de sucre à partir de betteraves, l'entreprise ne produit plus du
tout de sucre depuis 2006. Elle se définit aujourd'hui comme un acteur dans les ingrédients alimentai-
res 'sains'.

E
n 1968, l'Union européenne décide de la société dans la diversifica- tir de chicorée, la produc-
d'organiser le marché du sucre. Co- tion de nos activités. Ils avaient tion de fibres alimentaires à
sucra évolue alors dans un environ- en effet pressenti qu'à terme, le partir de l'inuline contenue
nement réglementé et dans la racine de chicorée et

“Le fonds de restructuration


produit du sucre de bet- la production de protéines
terave en fonction de végétales purifiées à partir
quotas qu'elle reçoit de
nous a permis d’équilibrer les de pois. "C'était une prise
l'Europe. "Cette situa- de risque importante, com-
tion nous permettait de comptes pendant trois ans” plètement supportée finan-
vivre très honorablement cièrement par l'activité su-
Jacques Crahay
et nous aurions pu nous crière de l'époque."
'laisser vivre' de la sor-
te", raconte l'actuel administrateur délé- métier du sucre connaîtrait une certaine En 2003, Cosucra vit une étape importante
gué, Jacques Crahay. "Cependant, début rationalisation." Une décision qui, près de de son histoire. Suite aux changements
des années 80, les actionnaires et diri- 25 ans plus tard, se révélera cruciale pour qu'elle pressent venir de l'Europe en ter-
geants de l'entreprise, tous familiaux, ont la survie de l'entreprise. Trois filières sont mes de diminution de quotas et de prix
décidé d'investir une partie des revenus explorées : la production de fructose à par- dans le sucre, elle décide de totalement
abandonner son activité sucrière. Toute sa
stratégie se concentre alors sur l'activité de

La transformation production de fructose, elle aussi régle-


mentée au niveau européen, et qui semble
Avant : producteur de sucre à base de bet- sucre, combinée à un cadre réglementaire
promise à un bel avenir. En 2005, cette acti-
teraves depuis 1852. Activité totalement européen (quotas) peu propice au dévelop- vité va cependant connaître un sort tout à
abandonnée en 2006 pement fait inattendu dans le chef de Cosucra.
"C'était la réforme sucrière. La Commis-
Après : ingrédients (surtout fibres alimentai- Bilan : les nouvelles fondations sont jetées,
res) à base de chicorée et pois, depuis 2004 l'entreprise mise une croissance de 10% sion européenne a alors assimilé le fructo-
par an dans les années à venir se au sucre. Elle a baissé les quotas et les
Raisons : rationalisation du secteur du
prix de ces produits, sans toucher au prix
des matières premières." L'Europe laisse

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Revirement stratégique EN COUVERTURE

deux solutions aux entreprises du secteur. avons investi plus de 13 millions d'euros dants. Il était important que le manage-
Soit elles arrêtent toute production. Soit dans la reconversion de l'outil de produc- ment soit challengé par un conseil fort.
elles continuent, mais alimentent dans le tion. En 2009, le fonds était complètement Cette professionnalisation a rassuré les ac-
même temps un fonds qui sera redistribué épuisé. Nous sommes à présent tout juste tionnaires."
à ceux qui arrêtent. "Seuls les gros sucriers à l'équilibre." Ayant suc-
européens ont pu se permettre de conti- cédé à son frère en 2004
nuer. Pour nous, cela voulait dire la fin de au poste d'administra-
notre production de fructose et une perte teur élégué de Cosu-
de 40 millions de notre chiffre d'affaires. cra Groupe Warcoing,
Nous avons décidé d'arrêter et d'accepter Jacques Crahay décide,
l'argent du fonds, soit 39 millions d'euros." à la suite de l'arrêt du
fructose, de réorganiser
Cap sur les fibres alimentaires la structure de la société
Avec l'arrêt brutal de l'activité fructose en et d'en faire une seule
2006, l'entreprise entre dans une période entité alors qu'aupara-
de doute quant à sa survie. Mais les action- vant ses différentes acti-
naires décident finalement de l'engager vités étaient filialisées.
sur la voie de la reconversion vers les ingré- C'est aussi le début d'un
dients alimentaires dans lesquels l'entre- virage important dans
prise s'était diversifiée et surtout les fibres tous les rouages de la
alimentaires à base d'inuline de chicorée. société. "Nous passions Cosucra est passée en quelques années d’un marché sucrier
confortable et réglementé à un marché des ingrédients alimentaires
"C'est un marché en pleine croissance et d'un régime sucrier con- libre et concurrentiel.
prometteur. Car ces fibres alimentaires fortable et réglementé à
s'apparentent à des prébiotiques (ndlr. : ils un régime chicorée dans un marché libre. Cosucra a finalement été confrontée à très
favorisent la croissance de bactéries béné- Cela voulait dire un environnement indus- peu de résistance au changement dans
fiques pour la flore intestinale). Nous vou- triel de compétition et un changement l'entreprise, même si une très bonne com-
lons capitaliser sur cet effet santé qui s'ins- d'état d'esprit important dans toute l'en- munication interne reste une condition
crit dans une tendance de fond dans l'in- treprise." Jacques Crahay s'attaque alors à pour une reconversion réussie. Après s'êt-
dustrie alimentaire." la gouvernance de l'entreprise, estimant re concentrée pendant plus de deux ans
qu'il est temps pour Cosucra d'ouvrir sa sur la création de solides fondations à son
La reconversion sera financièrement assu- structure familiale. repositionnement, l'entreprise souhaite à
rée par le fonds de restructuration. "On présent récolter les fruits des efforts réali-
avait perdu deux tiers de notre chiffre d'af- Il s'attèle d'abord à la composition du con- sés. Son objectif est de croître d'une dizai-
faires, le fonds nous a permis d'équilibrer seil d'administration. "J'ai sorti le manage- ne de pourcent par an dans les années
les comptes pendant trois ans. Nous n'a- ment de direction du conseil et y ai ap- à venir. 
vons fait aucune restructuration sociale et pointé deux administrateurs indépen- Florence Delhove

Empêcheur de tourner en rond


Emmanuel Amory, VP Global Manufactu- thodes de travail, le suivi des performan- légier les départs naturels et de progres-
ring GSKBio, est un des deux administra- ces et l'analyse des investissements. sivement faire entrer de nouvelles compé-
teurs indépendants du conseil de Cosu- "C'est là où la culture et les traditions tences dans l'entreprise. "Nous étions
cra. "Pour une société familiale, c'était 250 en 2006, nous sommes aujourd'hui
une décision très courageuse, mais aussi
un changement salutaire. Notre présence
a sans doute été d'une grande aide pour
“tions
La culture et les tradi-
jouent parfois de
220." La réorganisation de l'approche
commerciale reste un chantier en cours.
"La structure commerciale, la manière de
forcer la décision de quitter certaines pis- travailler et d'approcher le client ne cor-
très mauvais tours”
tes industrielles pour ainsi dire sans respondent pas encore au marché dans
issue." Jacques Crahay (Cosucra) lequel l'entreprise se trouve, estime
Emmanuel Amory. C'est aussi vrai dans
Les rôles et responsabilités ont ensuite jouent parfois de très mauvais tours, une certaine mesure pour l'approche de
été redéfinis au niveau de la direction de explique Jacques Crahay. Les managers la stratégie de recherche et développe-
l'entreprise. La rigueur industrielle a été ont dû changer de métier, devenir des ment."
progressivement introduite dans les mé- commerciaux." Cosucra a choisi de privi-

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EN COUVERTURE Revirement stratégique

La diversification n'est pas un jouet

Un nouvel empire LEGO brique par brique


La brique LEGO a fêté en 2008 avec brio son cinquantième anniversaire. Après une grave crise existen-
tielle, un retournement minutieusement réfléchi a sauvé l’entreprise de la déroute. Après cinq années
critiques, le groupe présente de nouveau des chiffres de vente solides.

W
ard Van Duffel, country manager LEGO Belux, faisait mouche au cours de l’année de la sortie du film. Mais une fois la
partie du groupe de managers qui a développé et vague retombée, les ventes se sont effondrées. Alors que nous
implémenté la stratégie de transformation. En 2003, avions dans l’intervalle investi dans la capacité de production.”
Kjeld Kirk Kristiansen, le CEO de l’époque et petit-fils du fonda-
teur de LEGO, a passé le flambeau au jeune Jørgen Vig Knud- Adieu au marasme financier et retour
storp, directeur de la stratégie au sein du groupe. A l’époque, aux sources
Le nouveau CEO, qui fut consultant en management chez
McKinsey, s’est entouré d’un groupe de managers enthou-
siastes afin de remettre l’entreprise sur les rails. La famille
Kristiansen, qui a injecté quelque 107 millions d’euros de
fonds propres dans LEGO et donné une voix aux experts
externes au sein du conseil d’administration, a donné son
appui. “Ces experts faisaient office de caisse de résonnan-
ce pour les projets de réforme”, poursuit Ward Van Duffel.

“duLEGO est passée en cinq ans


statut de proie à celui d’entre-
prise en pleine croissance”
Ward Van Duffel (LEGO Belux)
© Photonews

“Le retournement lancé en mars 2004 ne pouvait réussir


que s’il était soutenu par tous les collaborateurs et faisait
l’objet d’une communication ouverte. Chacun devait hon-
nêtement être convaincu de la gravité de la situation et pri-
LEGO enregistrait des pertes depuis déjà plusieurs exercices. vilégier une culture consciente des coûts.” La priorité de cette
“Nous ne créions depuis 1993 même plus de plus-value pour les phase du retournement (2004-2005) était de stopper le recul des
actionnaires. Le produit en soi était pourtant excellent, le dyna- ventes, de rembourser la dette, d’enregistrer des bénéfices et de
misme était encore présent, mais les coûts et la chaîne d’appro- produire du cash. Un management ‘top-down’ discipliné devait
visionnement étaient tout sauf optimaux. On a tenté, au moyen résoudre le problème. “Et en même temps, rester crédible”, a
de toutes sortes de diversifications et d’actions inopportunes, de expliqué Jørgen Vig Knudstorp dans la Harvard Business Review.
renverser la vapeur, mais sans succès, et ce, malgré toute la “On peut atteindre beaucoup de choses si on gagne la confian-
bonne volonté du monde. Le chiffre d’affaires augmentait, mais ce de chaque collaborateur. Je devais pour cela être très acces-
le bénéfice se faisait attendre. Pire encore : nous nous éloignions sible pour tout le monde. Au Danemark, nous utilisons l’expres-
de plus en plus de notre activité
principale et de nos marchés clés.
La marque DUPLO, très bien
La transformation
positionnée en Europe, a ainsi dû
Avant : fabricant de jouets renommé mais Raisons : enrailler les pertes, sauver le grou-
s’effacer au profit d’Explore, une déficitaire en raison d’une diversification mal- pe familial et recréer de la valeur pour toutes
gamme aux accents américains. venue et d’une mauvaise gestion de la chaîne les parties prenantes
Les parents pensaient que le pro- des fournisseurs et de la structure de coûts Bilan : ventes en hausse partout dans le
duit classique avait été retiré du Après : à partir de 2004, back to basics, réta- monde (18,7% en 2008 et plus de 15% en
marché et les ventes ont dégrin- blissement du cœur de métier et optimisation 2009). Rétablissement de l’emploi et renforce-
golé de 37% en un an. Autre ex- de la chaîne logistique avec une grande ment du lien avec le client
emple : la série Harry Potter a fait attention pour les coûts

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Revirement stratégique EN COUVERTURE

sion ‘managing at eye level’, ce que l’on peut interpréter comme : prenez
soin de parler avec les ouvriers, les ingénieurs, les marketeers, etc., et de
Les plantes ont remplacé
savoir quelles pensées les animent.” le pétrole
Approche douloureuse
Même si les collaborateurs étaient convaincus de la nécessité du plan de
relance, ce n’en fut pas moins douloureux : les usines suisses et américaines
Le vert offre un avenir
ont été fermées et la production a été transférée vers la République
tchèque, la Hongrie et le Mexique. LEGO a aussi vendu les parcs d’attrac- à DS Textile
tion LEGOLAND. La famille a bien encore conservé des actions minoritai-
res, mais elle s’est en même temps défaite de biens en Amérique, en Corée
du Sud et en Australie. Partout dans le monde, des collaborateurs ont été
Platform
mutés et des milliers d’emplois ont disparu du payroll LEGO – passant de
7.500 en 2004 à 4.500 en 2007 –, y compris à Billund, le port d’attache de A la conférence pour le climat de Copenha-
l’entreprise. gue, les dirigeants du monde ont paradé
“Dans la phase deux du plan (2006-2007), nous avons tout mis en œuvre
sur un tapis biodégradable flamand d’un
pour stabiliser le groupe et ce, aussi bien au niveau de l’activité principale
que de la structure du capital”, poursuit Ward Van Duffel. “Une plateforme bleu profond. L’entreprise DS Textile Plat-
d’affaires stable devait former la base de la future relance et d’une crois- form, de Dendermonde, a livré plus de
sance durable avec comme objectif un taux de rentabilité annuel de 13,5%. 20.000 m² du tapis écologique 'Eco2punch',
Et ce, dans un marché du jouet constamment sous pression suite, entre aut- le fleuron avec lequel le groupe a scellé sa
res, à la consolidation chez les fabricants et les détaillants et à un taux de
transformation verte. Ou comment la sensi-
natalité – et portant un groupe cible – en baisse. Croître dans la phase de
stabilisation n’était pas une option, même si les opportunités étaient pré- bilisation au problème climatique offre des
sentes. Une croissance trop rapide était en effet susceptible de provoquer perspectives d’affaires à une entreprise
une nouvelle déstabilisation. La vision à long terme était la seule et unique familiale pour les générations futures.
option. Un objectif que nous étions tout à fait capables de réaliser puisque
LEGO n’est pas cotée en Bourse.”
Pour stabiliser la plateforme d’affaires, la chaîne logistique a été redéfinie en

L
profondeur. Pourquoi garder 11.000 fournisseurs, par exemple, s’il était pos- e tapis Eco2punch peut, après usage, être entière-
sible d’opérer aussi efficacement avec 80% de fournisseurs en moins. “Les ment recyclé en biopolymères, qui servent à leur tour
designers se sont vu attribuer un budget clair, avec le résultat inattendu de matière première pour la fabrication d’un nou-
qu’ils se sont montrés plus créatifs qu’à l’époque où ils avaient carte blan- veau tapis. Ces dix dernières années, DS Textile Platform,
che. Ils développent à présent de magnifiques créations sur la base de 6.000 mieux connue sous le nom de De Saedeleir, s’est hissée au
éléments différents, soit plus de la moitié moins que dans le passé. La com- rang de leader du marché et de
plexité a diminué, ce qui nous a permis d’optimaliser la (capacité) de pro- chef de file dans le segment du ta-
duction. Sans nuire à la philosophie et à la qualité du produit, au contraire.” pis pour les foires et événements
Jørgen Vig Knudstorp a bien écouté les conseils des distributeurs de jouets de courte durée. Eco2punch est fa-
– Ne bousillez pas la marque ! – et a mis un frein à la politique de diversifi- briqué à base de plantes au lieu de
cation. LEGO est retournée aux sources et à ses marchés principaux : pétrole. Lors du processus de pro-
Nordic, le Benelux et l’Europe centrale. Ward Van Duffel : “Le but n’était duction préalable, les sucres et l’a-
pas de devenir une marque ‘life style’ avec notre propre ligne de vête- midon sont transformés en polymè-
ments, nos propres montres ou jeux vidéo. Se concentrer sur les filles n’é- res naturels, ce qui réduit de 80%
tait pas non plus un choix judicieux à ce moment. Les garçons de cinq à les émissions de CO2 résultant de
onze ans sont notre principal groupe cible et c’est dans se segment que l’utilisation de plastiques tradition-
nous nous sommes investis à fond. Pour finir, nous avons replié le produit nels à base de pétrole.
Patrick De Saedeleir
sur les plateformes existantes au succès établi : DUPLO, LEGO et Technic, “Lorsque l’actuelle quatrième gé-
avec la construction comme principal leitmotiv.” nération a pris les rênes de l’entreprise en 1999, elle a re-
mis en question la manière de faire des affaires et a réso-
A nouveau plus de 8.000 personnes lument opté pour une approche verte”, se rappelle le
Après la période de stabilisation, LEGO a pu se concentrer sur la croissan- CEO et administrateur Patrick De Saedeleir. “Nous sa-
ce, la troisième phase du plan de relance (2008-2010). "Nous sommes enfin vions déjà très bien à l’époque que notre source de matiè-
passés d’une pure maîtrise des risques à une approche dictée par les op- re première traditionnelle, le pétrole, n’était pas inépuisa-
portunités. L’année passée, les chiffres de vente ont augmenté de 18,7% au ble. De plus, le recyclage fait partie des racines de la fa-
niveau mondial, et nous avons même connu une croissance de plus de 15% mille, puisque sa première activité en 1898 était le com-
pendant l’année de crise 2009. Notre payroll compte de nouveau plus de merce de chiffons. Le choix opéré par la quatrième géné-
8.000 collaborateurs. L’immense majorité des membres du personnel ont ration n’était pas évident à l’époque, car au début des an-
pu conserver leur job. Et c’est heureux, car c’est grâce à leur enthousiasme nées 2000, le ‘recyclage’ était encore assimilé à une activi-
et surtout à leur engagement que LEGO a pu renaître de ses cendres.”  té ‘méprisable’. Mais cela nous faisait mal de voir que nos
Johan Van Praet

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EN COUVERTURE Revirement stratégique

La transformation
clients jetaient le tapis utilisé pour la Avant : depuis 1898, actif dans le textile et les siques ne sont pas extensibles à l’infini et la

tapis. Lance dans les années 80 des fibres en demande croissante pour des produits alter-
foire après usage. Nous nous som-
polyester respectueuses de l’environnement natifs, plus durables.
mes donc proactivement mis à la re-
Après : fabrique depuis 2003 des fibres tex- Bilan : 75% des fibres sont fabriquées à par-
cherche d’alternatives à part entière.”
tile à base de bouteilles PET recyclées. tir de matériaux recyclés, plus de 50% des
Pionnier en matière de tapis biodégrada- textiles non tissés sont à base de biopolymè-
Changement = win-win bles. Une première mondiale. res (en 2010) et le tapis PLA est promis à un
Depuis 2003, DS recycle des bouteil- Raisons : les ressources pétrochimiques clas- bel avenir.
les en polyéthylène (R-PET) pour en
faire des fibres permettant de fabri-
quer, entre autres, du textile d’inté-
rieur pour voitures, tels que tapis de sol, plages arrière et revête- perspectives de création de spin-offs pour nos marchés non tra-
ments de coffre. “L’industrie automobile était elle-même, sous la ditionnels, tels que les filatures et, par extension, les tissus de
pression du marché, demandeuse de solutions textiles plus dura- confection et d’aménagement d’intérieur. De même pour l’acide
bles – lisez aussi ‘moins onéreuses’ – qui, à la fin du parcours, polylactique à base duquel nous produisons également de l’a-
pouvaient être recyclées”, poursuit Dirk De grotextile pour le secteur de l’horticulture. Grâce au change-
Saedeleir, responsable R&D et administra- ment, un tout nouveau monde s’est ouvert à nous et nous atti-
teur. “Cela nous a renforcés dans la convic- rons à présent sans cesse davantage de clients et de fournisseurs
tion que nous étions sur la bonne voie et qui participent en tant que véritables partenaires à la réflexion
nous sommes donc allés un cran plus loin en ‘cradle to cradle’, qui regardent au-delà du produit et du prix.”
2004 en produisant un tapis biodégradable
100% compostable. L’idée nous est venue ‘Running’ ou ‘changing the business’ ?
suite à un article sur le festival folk de Dra- Un résultat à court terme n’était, selon Patrick De Saedeleir, pas à
nouter, qui utilise des gobelets de bière l’ordre du jour dans le cadre du processus de changement. “Si
compostables. Si c’était possible pour un nous étions cotés en Bourse, notre vision à long terme n’aurait
gobelet, pourquoi cela ne le serait-il pas probablement jamais été soutenue. La flexibilité et la capacité de
la famille à prendre rapidement des décisions ont plus facilement

“Une transformation réussie n’est pas


permis d’initier l’innovation sur la base d’une perspective R&D.”
“Ne pensez toutefois pas que les quatre administrateurs sont
perçue comme une surprise mais confir- toujours d’accord”, sourit Dirk De Saedeleir. “Nous avons besoin
les uns des autres pour servir de caisse de résonance. Une idée
me ce que tout le monde dans l’entre- se renforce lorsqu’elle doit se défendre au conseil d’administra-
tion ou lors de réunions stratégiques. Nous nous aidons ainsi les
prise savait déjà” Dirk De Saedeleir
uns les autres à rester vigilants, chacun à partir de sa mission spé-
cifique au sein de l’entreprise. Nous cherchons sans cesse un
pour un tapis ?” Cinq ans plus tard, après notre lot de hauts et de équilibre entre ‘running’ ou ‘changing the business’.” Pour éviter
bas, le tapis PLA (Polylactic acid, une matière synthétique biodé- de faire du nombrilisme, les administrateurs font régulièrement
gradable) était un fait. appel à des compétences externes au secteur. “Le
Prof Dr Rudy Moenaert, de l’unité
La législation plus stricte sur les déchets, le d’enseignement et de re-
prix élevé du pétrole et la sensibilisation cherche Strategic Mar-
croissante à l’environnement ont fait le keting à la TiasNimbas Bu-
reste. siness School, par exemple,
La nouvelle génération était animée d’une nous a conseillé pour l’inté-
réelle passion pour cette nouvelle appro- gration de ‘stop and go’s’ per-
che. Mais qui lui a donné raison ? Qui a tinents dans le processus de
soutenu la nouvelle vision dans la pratique ? changement. Personnellement,
Dirk De Saedeleir : “En interne, tout le j’ai trouvé l’executive master en
monde n’a pas été convaincu aussi vite. Innovation et Entreprenariat de la
Essayez donc de commercialiser une ma- Vlerick Management School très
tière première plus chère dans un marché enrichissant. N’oubliez pas non
du textile en baisse… Je le dis moi-même : il plus la contribution de nos colla-
Exemple de tapis
faut, à ce moment, avoir du courage pour in- recyclable Eco2punch borateurs. Ceux-ci constituent
vestir cinq millions d’euros dans une ligne de une plateforme de concertation
production R-PET/PLA innovatrice. Un vrai choc technique et fi- très importante. Notre conseil : impliquez-les à un stade préco-
nancier. Mais nous avons fort heureusement toujours pu compter ce, de sorte que la transformation effective ne soit pas perçue
sur l’appui, entre autres, de l’IWT, de Centexbel et de Fedustria. comme une surprise mais comme une confirmation de ce que
Grâce à la nouvelle ligne, nous pouvons fabriquer des fibres PET tout le monde savait déjà.” 
plus fines et donc des matières plus légères. Ce qui ouvre des JVP

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EN COUVERTURE Revirement stratégique

L'inventeur du PC compatible est désormais une société de services

IBM se croyait ‘too big to fail’


Une transformation d'entreprise qui a largement frappé les esprits au niveau mondial est celle vécue par IBM
ces 20 dernières années. Jugez plutôt : l'entreprise ne vend aujourd'hui plus du tout d'ordinateurs person-
nels, alors qu'elle avait marqué l'histoire de l'informatique grand public avec le PC "compatible IBM". En
fait, les ventes de hardware (serveurs, mainframes, etc.) ne représentent plus que 10% du chiffre d'affaires
de la multinationale, désormais avant tout un prestataire de services.

Entreprise mondiale intégrée


J
usqu'au début des années 90, IBM était sont passés de 5.000 à 3.000. Le fait qu'il s'a-
un géant qui ne souffrait guère de con- gissait de survivre a limité la résistance au Selon John Post, la mutation de fournisseur
currence. Un vieux proverbe dans le changement chez ceux qui restaient", relate de matériel vers une société de services, et
secteur informatique disait qu'on ne pouvait John Post, ‘chief technology officer’ pour le en corollaire l'abandon de l'activité PC en
jamais être viré pour avoir acheté un produit Benelux et également ‘vétéran’ d’IBM. Tout 2003 au Chinois Lenovo, est certainement la
IBM. Un géant tellement en stoppant l'hémorragie, Gerstner parvient transformation la plus spectaculaire, car moti-
sûr de lui qu'il n'a pas vu à faire passer le message qu'IBM est une vée par la survie. Mais le vétéran d'IBM en
que son ‘business model’ marque forte et une entreprise qui est plus voit deux autres tout aussi importantes : "Ces
était en train de s'effon- que la somme de ces entités. Il recrée une dix dernières années, nous avons évolué
cohésion dans le groupe, d'une multinationale traditionnelle à une

“succès
On avait tellement de
qu'on ne s'est pas
alors que la tentation était de
filialiser certaines divisions.
entreprise intégrée au niveau mondial. En
clair, nous évitons d'avoir des doublons de
L'accent est désormais placé fonction, chaque région ou pays dévelop-
suffisamment remis en sur la fourniture de solutions pant des centres de compétences en fonc-
de bout en bout, épaulées tion de ses spécificités. Par exemple, IBM aux
question” Bart Van Den Meersche
par les services qui vont avec. Pays-Bas est centre d'expertise mondial pour
Aujourd'hui, environ 60% du tout ce qui touche à la
drer. "Le marché était mené par la technolo- chiffre d'affaires de l'entreprise proviennent gestion de l'eau. Idem
gie. C'était l'offre qui déterminait la deman- directement de la division ‘services’. pour la mobilité. Ce
de. Les services étaient fournis en support "Les gens étaient très dubitatifs à l'époque. mode d'organisation a
de la technologie et même souvent inclus Une étape importante
dans le prix du matériel. Jusqu'à ce que l'ar-
rivée du PC et la percée d'une informatique
de plus en plus ouverte fasse que le marché
a été la signature du
premier gros contrat
d'outsourcing europé-
“survivre
Le fait qu'il s'agissait de
a limité la résistan-
soit progressivement poussé par des solu- en avec Kraft, ici en ce au changement chez
tions et plus par la technologie en tant que Belgique. Ce succès
telle", se souvient Bart Van Den Meersche, a aidé à transmettre
ceux qui restaient” John Post
‘country manager’ IBM Belux, depuis 27 ans l'enthousiasme et à
chez IBM. Le géant est au bord du gouffre. faire adhérer les gens au changement de un impact sur le personnel en ce sens que
C'est alors que débarque le CEO Lou modèle", explique Bart Van Den Meersche. l'horizon de chacun est désormais mondial."
Gerstner. Sa stratégie de survie est radicale. "Il est essentiel de partir d'une expérience L'autre évolution selon John Post est qu'IBM
C'est pas moins de 70.000 personnes au ni- pratique pour démontrer que le change- ne veut plus développer tout elle-même,
veau mondial qui sont priées de quitter le ment est synonyme d'amélioration. Trop mais privilégie les acquisitions ou les parte-
groupe vers 92-93. "La transformation a été d'entreprises ont tendance à vouloir chan- nariats, dans une optique d''open innova-
douloureuse. Au niveau Benelux, les effectifs ger pour changer." tion'. Une approche essentielle pour se diver-
sifier et sentir les besoins du marché, notam-
ment par rapport à de nouvelles probléma-
La transformation tiques environnementales pour lesquelles
l'informatique peut apporter des solutions.
Avant : technologies et matériel informa- Raison : la survie, l'entreprise n'avait pas vu "On a retenu la leçon du passé." Ces trans-
tiques, l'inventeur de l'IBM PC venir le changement de "business model" formations ne sont plus motivées par la survie
Après : solutions informatiques, le matériel Bilan : IBM a pu éviter la dislocation et a mais par une vision stratégique. 
ne représentant plus que 10% des ventes conservé son statut de leader mondial
Olivier Fabes

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Revirement stratégique EN COUVERTURE

Les atermoiements de l'Europe ont eu raison du projet initial

La reconversion brutale d’Eurogentec


dans la biotech
Bien qu'elle soit présentée aujourd'hui encore comme une spin-off de l'Université de Liège, Eurogentec a
tiré un trait définitif sur sa mission originelle, le développement de vaccins vétérinaires pour la piscicultu-
re. Un revirement stratégique radical piloté par son actuel CEO, Jean-Pierre Delwart.

N
ous sommes au début des années Avez-vous rencontré d'autres résistances ? Quand se dit-on que le pari est réussi ?
1990 : Eurogentec doit se recon- "Le scientifique André Renard, qui avait fon- "Entre 1996 et 1999, nous avons développé
vertir ou mourir. dé Eurogentec avec Joseph Martial, a quitté la synthèse d'oligonucléotides et prolongé
Jean-Pierre Delwart : "L'équation était, en l'entreprise suite au choix qui a été posé. En d'un an le contrat avec SmithKline Beecham.
effet, assez simple. L'entreprise avait consi- revanche, les cadres ont très Nous avons procédé à
dérablement investi dans le développe- vite adhéré à la politique de une augmentation de ca-
ment de vaccins vétérinaires pour la pisci- changement. Bien que les pital qui a permis l'arrivée
culture, mais la Commission européenne chercheurs aient mis un peu de de Meusinvest et de la
renâclait à autoriser la mise sur le marché. temps à accepter de devenir SRIW. Nous avons aussi
Une molécule identique développée par prestataires de services pour le fait entrer au conseil des
Monsanto subissait le même sort. Plongée compte de sociétés tierces, ils administrateurs indépen-
dans les difficultés financières, Eurogentec ont compris, eux aussi, que dants. Il est probable que
n'avait plus la capacité d'attendre encore cette reconversion était syno- si nous avions eu ce tour
deux ans, délai nécessaire pour obtenir nyme de sécurité d'emploi. de table là quelques an-
cette fameuse autorisation. En février 1996, Pour les banques comme pour nées plus tôt, un consen-
j'ai écrit à une dizaine de sociétés pharma- les actionnaires, il s'agissait sus en faveur du change-
ceutiques pour leur proposer des services également de l'option straté- ment aurait pu être trouvé
de R&D. Trois ont marqué leur intérêt et gique la moins risquée." plus facilement."
SmithKline Beecham (aujourd'hui GSK Bio-
logicals), qui s'est montrée la plus rapide, a
signé avec nous un contrat d'exclusivité “auLes débats ont été très durs
conseil d'administration”
L'aspect finalement un peu triste
de l'histoire est que les recherches
pour deux ans. Grâce à ce contrat et au dé- qui sont à la base de la création de
veloppement de notre propre fabrication la spin-off n'auront servi à rien.
d'oligonucléotides (ADN synthétique), lan- Peut-on s'improviser du jour au lendemain "Et bien, ce n'est pas sûr ! Les résultats des
cée dès la création d'Eurogentec pour ren- gestionnaire du changement ? recherches sont propriété de la Région wal-
tabiliser l'outil, nous avions suffisamment "Il faut croire que oui ! J'ai procédé de ma- lonne en sa qualité de pouvoir subsidiant et
d'oxygène pour tenir deux ans." nière assez intuitive et peut-être aussi un peu il semble qu'elle négocie actuellement avec
brutale. Mais comme il n'y avait pas d'autre un acquéreur potentiel. Treize ans plus tard,
Vous auriez donc pu repartir vers votre option possible pour assurer la survie de la nous pourrions donc, peut-être, assister à
activité originelle, une fois décrochée société, le changement avait finalement un une renaissance du projet initial..." 
l'autorisation de mise sur le marché, mais côté rassurant pour tout le monde."
vous avez posé un autre choix. Chantal Samson.
"Roland Berger, à qui j'avais confié une mis-
sion d'étude, recommandait de faire de la
production d'oligonucléotides notre activi- La transformation
té principale et de développer en parallèle
l'activité de sous-traitance en R&D pour les Avant : activité axée sur le développe- Raison : la Commission européenne tar-
sociétés pharmaceutiques et biotechnolo- ment de vaccins vétérinaires pour la pis- dait à autoriser la mise sur le marché des
giques. Les débats ont été très durs au ciculture. Fin de cette activité en 1996 vaccins pour la pisciculture
conseil d'administration et, finalement, Après : producteur d'oligonucléotides Bilan : alors qu'elle était dans les diffi-
c'est l'actionnaire le plus important – à sa- (ADN synthétique) et prestataire de ser- cultés financières, l'entreprise a pu trois
voir ma famille et moi-même – qui a tranché vices pour des tiers dans le secteur phar- ans plus tard attirer de nouveaux inves-
maceutique et biotechnologique tisseurs et assurer sa croissance
en faveur de la solution préconisée par le
consultant."

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EN COUVERTURE Revirement stratégique

Deux réorientations en bref

Deux marques grand public réinventent


leur distribution
L'une est une marque mondialement connue, longtemps associée à un seul produit et qui s'est diversifiée
après avoir évité la faillite. L'autre est une chaîne de magasins de vêtements et accessoires bien connue
des ménagères belges, qui malgré son grand âge (plus que centenaire) a retrouvé une nouvelle jeunesse.

Veritas: des boutons et bobines de fil


à la lingerie sexy
Dans le secteur textile, les chiffres de Veritas, la chaîne belge de vente au détail d'accessoi-
res vestimentaires, ont de quoi impressionner. Ces sept dernières années, l'entreprise a plus
que doublé son chiffre d'affaires, avec une hausse annuelle moyenne de 17%.

P
our 2009, il devrait atteindre les 75 mil- libre cours à leur créativité et de combiner les nent alors la décision historique de remplacer
lions d'euros. Veritas poursuit par ail- accessoires, et ce à un prix abordable. Une la structure coopérative par un groupe natio-
leurs son expansion sur le marché bel- approche d'autant plus appréciée en ces nal de distribution. Il faudra deux ans pour
ge, en dépit de la crise. La clé d'un tel suc- temps de crise économique. convertir toutes les structures organisation-
cès ? Avoir opéré, après 110 ans d'existence, nelles et les processus de travail en un modè-
un remaniement complet de sa stratégie tant Mais cette transformation n'aurait pas pu le top-down. Veritas met aussi fin aux nom-
dans son positionnement de marché que avoir lieu sans le déverrouillage de l'emprise breuses casquettes détenues par les familles
dans sa structure d'entreprise fin 2001. des familles propriétaires et l'introduction de dans ses organes de direction et crée un nou-
règles de bonne gouvernance : née en 1892 veau conseil d'administration, comprenant
L'enseigne mise désormais sur les concepts sous la forme d'une coopérative, Veritas a vu des administrateurs externes, et une nouvel-
d'individualisation et de personnalisation. ses résultats piquer du nez dans les années le équipe dirigeante. 
Elle entend permettre aux femmes de laisser 90. Fin 2001, les familles propriétaires pren-

Chiquita réinvente la banane, après avoir


glissé dessus
Après avoir adopté en 2001 un plan de réorganisation sous la protection du Chapitre 11, Chiquita choi-
sit de rebondir en suivant la voie de la diversification afin d'abandonner sa forte dépendance financiè-
re à la seule banane.

L’
entreprise décide de se servir de sa puissance de marque pour tion de sa marque vers le commerce
se repositionner non comme une entreprise de bananes ou de détail. Un peu partout en Europe,
même de fruits, mais comme une entreprise de snacks sains : mais aussi à Dubaï, des 'bars à fruits Chiquita' voient le jour et l'entre-
bananes vendues à la pièce, ananas sous forme de stick, smoothies en prise ambitionne de devenir le ‘Starbucks des smoothies’. De petits
bouteilles, salades de fruits, etc. Une nouvelle stratégie qui s'inscrit points de vente dont la gestion opérationnelle est laissée à des socié-
dans la tendance au bien-être qui se développe sur le marché des tés indépendantes spécialisées ou à des franchisés. En jouant la carte
consommateurs. En cinq ans, Chiquita espère voir ce segment de nou- de la synergie entre les deux canaux de distribution que sont la distri-
veaux produits contribuer à 25% de sa rentabilité en Europe. bution classique et ses propres enseignes, elle espère convaincre un
Outre des produits diversifiés, Chiquita opte aussi pour une réorienta- maximum de consommateurs. 

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