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Travauxet Recherches

Les jardins préhispaniques


dans les Amériquesdu Centre

Alain Musset*
Ilorte atenco
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t ta hozdo
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Introduction

Loin de n'être qu'un lieu de plaisiret de repos,le jar-


din, quandil est chargéde reconstruire un paysageidé-
(chinamitl/sêparatioû et calli/maison). Le jardin mexi-
cain, fermé sur lui-même est une tentative de reconstruc-
tion spatiale qui échappe, comme le codex, aux règles de
la géométrie et de la perspective européennes. Son étu-
al, est un miroir tendu vers la sociétéqu,il reflète,et de, par conséquent, peut nous aider à mieux
doht il rend compte fidèlement.L,étudier,c'est donc
'r",oo'F,*Y, étudier aussi les cadresconceptuelsqui ont inspiré son
organisationspatiale.Par exemple,l,oppositiontradi-
comprendre Ia pensêe, la philosophie nahuatl.
Pour en faciliter I'approche, nous avons choisi d'es-
sayer, en premier lieu, d'établir une typologie des jar-
\ tionnelleentre le jardin "à la française", véritableexer- dins (ceux-ci différant dans leur nature, leurs fonctions.
cice de géométrie dans I'espace,et le jardin .,à et leurs paysages), puis d'envisager l'étude des jardins
l'anglaise", où tout esprit de symétrie semble banni, royaux, qui, plus structurés que les autres, reflètent une
correspondà deux manièresde percevoiret de concevoir véritable volonté d'élaborer un paysage. Enfin, nous es-
q
le monde:dansle premiercas,il s,agitde domestiquer la saierons de voir quel est le fondement idéologique qui a
CALI M AYÂ k nature, de I'humaniser;dans le second,le paysagiste présidé à leur construction, notamment dans le cadre
tentede la recréer,de s'adapterà elle,dela copier.Deux d ' u n e v é ri t a b l e re c h e rc h ed e s o ri e i n e s .
t sociétês,deux philosophies,donnentà I'espaceet au pay_
sagedes valeursdifférenteset laissentde cettedifféren-
ce, en témoignage,leursjardins.
En ce qui concerneles jardins prêhispaniques,nous Vers une typologie des jardins
nous trouvons confrontés au même type de problème:
\ ceux-ci,en effet, ne correspondentpas à notre facon de Une des premières choses qui frappèrent les Espa-
concevoirle monde, ils reposentsur d'autres bases. gnols à leur arrivée au Mexique fut la profusion des jar-
Semblables dansleur compositionaux jardins anglais, dins qui faisaient de chaque ville un immense verger
grâceà cetteconfusion desespaces qui empêchalescon- planté de fleurs, d'arbres et de plantes diverses. Dès leur
È quérantsespagnols arrivée à Cempoala, les soldats de Cortès ne purent
d'en saisirtout le sens,ils serévèlent
cependanttrès fortement strucluréset, tout autant que qu'admirer les jardins qui ornaient la vilie, et rendirent
ô_ b le jardin à la française,pour reprendre cet exemple, grâce à Dieu de les avoir conduits dans une terre si riche
sontune tentatived'humaniserI'espaceà I'extrême.Le et si bellel-car la ville préhispanique est en soi une
chinancolli, en effet, terme que l,on traduit générale- ville-jardin.
ment par "jardin", est avant tout un parc, et un parc Mais si les jardins sont nombreux, ils ne sont Das tous
fermé,donclimité et bornédansl'espace.L'étymologie de même nature. Se posent alors, parfois, des problèmes
du mot est d'ailleurs à cet égard révélatrice de traduction, quand les historiens de la Conquête utili-
sent des synonymes qui recouvrent parfois des réalités
bien différentes (huerta, huerto, jardfn, vergel, parque,
bosque), ou bien quand ils emploient des termes qui
' Géographe (IFAL) correspondent en fait à d'autres objets (un verger pour
Numéro tO
jultlet/julto CEIVTCÂ 59

lvlexico,
4s36
TRACE n ' l0 I 98 6 Lcsjardins préhispaniques

jouaient danscesrelationscommercialesun rôle trèsim-


un jardin, un jardin pour un parc). Il s'agit donc, pour identifiés avec des chinampas.Ceux-ci sont figurés de soientau moinsgroscommele bras". Il est aussiorévu
disposés lesuns à côté portant, et trop souventnêgligépar les historiens,qui
le chercheur, de manier les termes avec précaution, et manièrestylisée:longsrectangles un dédommagement: l es Indi enss erontpay és,,à l eur
desautressansaucunsoucide perspective. Tous ces.;ar- s'inréressaientdavantageaux aspecrsculruelset symbo_
d 'e s s a y c r d e ro i r ce q u 'i l s re co uvr cnt. par une analyse c ontentemc nter s ati s fac ti on".
dins, où se mêlaientà la fois plantesutiles et plantes liquesde la flore préhispanique- Encoreau XIXe siècle
du contexte, avant de leur donner un êquivalent en Comme on le voit, la quantité énorme exigéepar le
d'ornement, contribuaient à faire de Mexico, et des Manuel Payno soulignait, dans son célèbreroman les vice-roi,le fait que les arbres,déjà d'un certain âge,
français.
autresvillesde la lagune,ces"cités fleuries" que nous bondits de Rio Frio, que le commercedesfleurs rappor_
Dans leur nature, dans leurs fonctions, dans les pay- doiventêtrelivrésavecleursracines,et que I'on paiera
avonsdéjà évoquées et qui conservèrent, aprèsla Con- tait des sommesconsidérables aux paysansde la vallée les Indiens pour le servicequ'ils rendent, tout cela
sages qui en résultent, les jardins préhispaniques diffè- de Mexico: "A certainesépoquesde I'année,durant la
rent en effet profondément les uns des autres: trop quête, leurs paysagestraditionnels,comme I'indique montrebien le caractère spéculatifd'un certainnombre
Motolinia: "Une grossecanalisationtransportantune SemaineSainte, par exemple,le seul commercedes de jadins ou de vergeers,qui implique une intensespé-
souvent, une approche qui se voudrait globalisante ne fleurs, même si cela paraît incroyable, rapporte des
peut pas correspondre à la réalité du terrain, car un véri- eauagréableà boireentre[dansMexico]par une chaus- cialisationdestypesde cultures.
séeet sediviseensuiteen suivantplusieursrues.La sor- milliers de pesos..."6.Les sourcesnous manouentac_
table abîme séparait un jardin royal comme celui de
tie par cettechaussée est très bellecar de chaquecôté, tuel l emenr
pour sav oi rquel l eétai t I' i mpor(anc e
de c e Cependant,cesjardinsJàn'ont pas particulièrement
Netzahualcoyotl à Tetzcotzingo, dcs petits jardins indi-
sur toute une lieue de longueur, sont disposésd'in- commerceà l'époquepréhispanique et Iorsdespremiers retenuI'attentiondes conquérants,
viduels, mi-vergers, mi-potagcrs, que nous présenlent qui ont préférése
nombrablesjaÀins lhuerl osl" s. tempsde la colonisation,mais I'on peut penserqu'elle laisseréblouirpar lesjardinsd'agrémentdesnoblesme-
certaines sources, comme le Plano en Papel de Maguey'
était loin d'être négligeable,surtout s'il s,aeissaitde
r-ous avons choisi, pour distinguer les divers types de xicains,c'est-à-direpar desjardins, qui, en apparence,
fleurs particulièrementappréciées.Celles-ci,1ncffet. n'entrentpasdansle système
jardins, le critère économique: à une première catégorie économique de la valléede
étaientutiliséesdans les temples(puis dæs les églises, Mexico. En effet, chaquemaison noble de Mexico, et
correspondraient les jardins qui ont pour fonction la
comme nous le verronsplus loin), mais aussidansles desaotresvillesde la lagunepossède
commercialisation des produits (vergers-potagers/pépi- son ou sesjardins,
maisonsnobles,où ellesservaientà rendreplus agréable
nières), même si I'on ne peut pas complètement en construitsde plein-pied,ou en terrasse,qui contribuent
le séjour desprinceset de leur familleT.
exclure la fonction d'agrément; dans la seconde, nous ainsigrandementà fleurir le paysage urbain. ,,Tousles
Pourtant,s'il est à peu prèscertainque tous lesjar- nobles, en plus de posséderde grands et beaux palais,
avons placé les jardins présenLésavanl tout comme des
dins préhispaniquesproduisaient des fleurs. en même possèdentde très agréablesjardins de fleurs lvergelesde
jardins d'agrément même si, dans certains cas (en ce qul
temps que des fruits et des légumes,il existait dès cette
concerne le recouvrement du tribut), on ne peut les écar- flores), Ious différentslesuns desautres,aussibien dans
époquedes zonesspécialisées dans les cultures hortico- lespartieshautesque danslesbasses"rl.Or cesjardins
t e r c o m p l è t eme n l d u se cte u ré conomique.
les, comme à Xochimilco, Tlahuac, ou Mixquics. Afin
Dans le cadre du premier groupe entrent donc les jar- rappelentceux d'Ixtapalapa, conçuseux aussi de ma-
de faire face à la demandedesparticuliers, des temples, nièreêtagée:"Il disposed'une quantitéde séjours,si-
dins individuels, cultivés par des particuliers, et qui font
et des jardins d'agrément, pour lesquelsil était néces_ tuésen hauteur ou en contrebas,et desjardins pleinsde
partie int.égrantedu systèmeéconomique préhispanique'
sairede faire venir desplantesavecleurs racines,et pas fraîcheur,plantésd'arbreset de fleursodorantes,'t2.
Ils constituaient, sans aucun doute, autour des centres
seulementen bouquets, de véritablespépinièress'éten_ Cesjardins,ou plutôt,cespatiosfleuris,commenous
cérémoniels, mais à l'intérieur aussi de la ville propre-
daient donc à la périphérie des villes, comme peur le lesappelleronspour ne pas lesconfondre avecles parcs
ment dite, une véritable ceinture maraîchère donnant au
faire penserune phraseambiguë d'Ixtlilxochitl: ..En enlretenuspar la noblesseà I'intérieur des villes, abon-
paysage urbain cet aspect de "cité fleurie" qui éblouit
plus de ce dont nousavonsdéjàparlé (lesjardins du roi
lant les conquéranl.s espagnols. dent de fleursde toutessortes,à conditionqu'ellesfas-
Netzahualcoyotl), il avait réservécinq sortesde terres, sent partie d'une certainehiérarchie.Quelquesfleurs,
Iesplus fertilesque I'on pouvaittrouver à proximitéde Ies plus belles, les plus odorantes,Ies plus chargéesde
la ville, où, par goût et pour son passe-temps, on lui
D'aprèsle Plano en papel de moguel en effet, qui se- symboles,comme la lolloxochitl, la huscolxochitl, la
faisait des semisl,sementeras]"e. Ce court passagelaisse
lon Robertson2 et Hardoy3 représentesans aucun doute cacaloxochitl,que nous verronsplus loin, sont en effet
supposerqu'il existaitunedifférenceentrelesjardinsdu
un quartier de Mexico ou de Tlatelolco, la structure ur- réservées aux noblesl3.C'est donc celles-ciqui ornent
roi proprementdits, et certainsautresqui servaientde leursjardins. Venuesde contréeséloignées,souventdes
baine s'organise autour de tout un réseau de canaux €t
pépinièreschargéesd'alimenter les premiersen fleurs et
de rues qui rappelle, de manière très précise, la descrip- bassesterres tropicales de Veracruz et de Tabasco, il
en plantes. Les cinq centrescités par I'auteur sont
lion qu'en fait Antonio de Solis: "Les rues étaient spa- s'agissaitde fleurs précieuses et fragiles,dont le prix
d'ailleurs,commeil I'indique,desvillagessituésprèsde étaitélevé.La hiérarchiedesjardinss'élaboraitpar con-
tieuses et bien nivelées: les unes n'étaient que des ca-
la ville de Texcoco:Atenco, papalotan, Calpolapan, séquent en grande partie grâce aux plantes qu'ils
naux, et des ponts permettaient les communications
Mazaapan,et Yahualiuhcan.
entre les habitants; les autres étaient faites de terre rap- pouvaientrenfermer:le jardin du noble,du guerrier,ne
portée à la main; d'autres enfin conjugaient les deux: les
j Fig. t'. Plano en papel de Mogue| Cetteexistence de véritablespépinièresest confirmée possédait paslesmêmesfleursquele jardin de I'homme
par un textetardif, conservéà I'AGN, qui nousmontre
rives servaient au passage des piétons, le milieu à celui du peuple,du macehusl.De surcroît,selonSolis,lesjar-
le vice-roi demander aux populations indigènesde
des canots et des barques, de tailles différentes, qui tra- dins princiers,pour se distinguerdesautresjardins, ne
versaieni la ville ou scrvaient au commerce..."a. Com- Le produit de ces jardins, de ces vergers et de ces po- contribuerà l'élaborationdu jardin de I'Alameda.Ce contenaientque des plantesdestinées à I'agrémentde
tagers êtait bien entendu commercialisé, et représentait texte,qui date de 1592I0 s'adresse aux Indiensde Co_
me on peut le voir sur le document présenté (Fig. l)' le leurs propriétaires:"Tous les palais [de Moctezuma]
une source de revenus importante, notammenl pour les yoacanet leur ordonnede fournir mille peupliersblancs
llucuilo a dessiné près de chaque maison le propriétaire possédaient de grandsjardinscultivésà profusion.Il ne
(ou le locataire), lui-même entouré de plusieurs champs, populations chinamperas. Les fleurs, entre autres, et noirs, ainsi que des aulnes,avecleurs racines,,,qui voulait ni arbre fruitier, ni plantecomestibledans ses

6l
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TRACE n ' l0

pratiquée..."16.Les jardins d'Ixtapalapa,selon cette Les deuxtextesqui précédentparaissentcontredireles plus beau, le plus frais que nous vîmesjamais: il mesure
lieux de récréation, et seplaisait à dire que les potagers qui affirmations de Solis selonlesquelleson ne trouvait Das
pour tes gensordinaires' Il â.r.tiptiot, sembleraitdonc être deschinampas'Ce deu lieuesde diamètre;une très agréablerivière le tra-
Ihuertasln'étaient bons que les diitingue des jardins précêdents,c'est qu'on les
a de plantesurilesdanslesjardinsnobles,puisqueBeÀal verseet de placeen place,à une portêe de deuxtirs d'ar-
pas mê-
iui sembiaiten effet plus digne desprincesde ne Diaz del Castillo parle de plantesmédicinales,utiles (de
conçus pour créer un paysage'une harmonie, faisant balète,on trouve deslieux de reposet desjardins !ard!
l e r I ' ut ileà I' a g r é a b l e " t r . provecho), et d'arbres fruitiers. Mais on peut penserque
d'eux deslieux autonomesoù I'espacea été soigneuse' nesl très frais, une infinité d'arbresaux fruits divers.de
Il ne faut pourtant pas confondre ces patios fleuris certainsfruits, chargésd'une valeur symboliqueou reli_
des ment élaboré. Nous retrouvons ainsi le même type de nombreusesplantes,des fleurs odorantes.Assurément.
auecles granis parcs aménagésdans le coeur même ja r d in s à Mexi co, avec ceux de Moctezuma: gieuse, pouvaient agrémenterleurs jardins. En ce qui Ia grâceet la grandeurde ce parc sont dignesd'adrrira-
villes, qui sont, comme eux, réservésà la noblesse'mats i'N'oublions pas lesjardins de fleurs Ihuertusdefloresl concerneles plantes médicinales,on verra au contraire tion"20.
que l'in-
dont ils sedistinguent par les dimensions'Ainsi que leur présence est étroitement iiée aux jardins
et les arbresodorants, de toutesespèces,que [Moctezu-
dique Bernal Diaz del Castillo, ce n'est qu'après avoir royaux. Ces jardins, d'ailleurs,ne se retrouventpas
jardins, que les mal posséda.it; n'oublionspas non plus leur harmonie'
uir'i,e t.r maisons d'Ixtapalapa, et leur seulementen ville. On pourrait même dire que les plus
se dirigent vers les jardins véritables' leuis promenoirs, leurs bassinset leurs réservoirsd'eau Bernal Diaz donne ausside Oaxtepecune description
soldats espagnols achevés,les plus complexesaussi,ont été bâtis à I'exté-
douce,dont l'eau [qui lesalimentaitl, venaitd'un côtéet enthousiaste,en specifiantqu,il s'agit du jardin (ruerla)
Ceux-ci sôniles premiersqu'ils visitent, et leur admira- qui s'y rieur desvilles précolombiennes,dans des endroits oar- "le plus beau, orné desplus grandsédifices,et le plus
s'en allait de I'autre; n'oublionspas les bains
tion ne connaît pas de limite: "Après avoir bien vu tout ticulièrementretirés:alors, ils prennentun" uurr" di-
jardin trouvaient, et tous cespetits oiseauxqui vivaient dans admirable à voir qu'on ait jamais contemplé en
,tou, nouu tomrnesdirigésversle vergeret le et aux plantes mension, à la fois dans l'espace,par leur étendue, et Nouvelle-Espagne2l.De ce parc, â I'intérieur duquel a
""1", le regarder, excitait les arbres;quant aux herbesmédicinales
lhuirta y iardinl. S'y promener' pâs utiles qu'or|y rencontrait,c'était une chosedigned'être
dans leur conception, par les motifs qui ont décidé de été construit le centro vacacionalde I'IMSS. il ne reste
.ot.e admiration à un point tel que je ne me lassais leur construction. Ixtlilxochitl, par exemple,nous don-
par- vue; et;our i'entretiende tout cela,un grand nombrede presquerien, si ce n'est, sur une paroi rocheuse,deux
de voir toutes ces variétésd'arbres, de respirer les ne le compteexactde tous lesjardins qu'avaient fait bâ-
les ia.ditti".t. L'ensembleétait construit en pierresde taille gravuresen relief, mal définies,et une cavitétravaillée,
fums que chacun exhalait, de m'émerveiller devant prome- tir les souverainsde Texcoco:Hueitecpan,Cillan, Tetz-
prornenadesornées de rosesl5et de fleurs, les arbres it blanchi à la chaux, aussibien lesbainsque les appelêe"el temazcal". Quelquesstèles,rapportéesdu
cotzingo, Quauhyacac,Tzinacanoztoc,Cozcaquauuh-
et noirs, les salonset lesappartem€nts,lessallesà manger' site "La Malinche" présententdes personnagesdiffic!
iruitiers et les rosiers, un grand bassind'eau douce' y co, Cuetlachatitlan,Tlateitec,situéssur la terre ferme. à
ot. encore qui valait la peine d'être vue: de et auisi les endroits où ils dansaientet chantaient;il les à déterrniner (l'un des baS-reliefspourrait être une
urii" jardins thuertasl' proximité de la capitale, ainsi que Acatelelcoet Tepet- représentationde Xochiquetzal).
grands "tcanoëspouvaient en effet, depuis la lagune' pé- avait tant de chosesà voir dans ces
zingo, situésau milieu de la lagune: ',Ces parcs et ces
pied à comme partout ailleurs, que nous ne nous lassions
iétrer dans le verger sansavoir besoin de mettre jardins lbosquesy jardinesl étaient ornés de riches oa-
oasd'admirersa grandepuissance"lT'
terre, grâ c e à u n e o u v e r tu r e q u ' ils a va ie n t lais somptueusementtravaillés, avec leurs fontaines, Le dernier de cesgrandsparcs,et peut-êtrele plus cé-
leurs conduites d'eau, des canaux, des bassins, des lèbre, est celui de Chapultepec.Ancien refugedesAaè-
bains, et autres labyrinthes admirables. On y trouvait ques avant qu'ils ne s'installent à T€nochtitlan, cette
plantée une grande diversité de fleurs et d,arbres de colline a ensuiteété aménagée par eux pour en faire I'un
toutes sortes,d'origine locale ou bien venus de régions des plus grands jardins du monde préhispanique.Sous
éloignées"te. la colonisation, Chapultepecest resté un parc, lieu de
promenadedestinéaux nouveauxmaîtresdu pays, com-
rne l'indique Cervantesde Salazar, dans sesdialogues
De tous cesjardins, le plus beauet le plus célèbreétait sur la ville de Mexico:
celui de Tetzcotzingo.Ixtlilxochitl consacredeux pages "-Alfaro: Mais pourquoi le parc lbosquel est-il clos
entièresà sadescription,et insistesur la végétationluxu- de murs si élevés?Pourquoi ne permet-on son entrée
riante et sur les oiseau que I'on pouvait y rencontrerlg. gu'à si peu de gens?
Aujourd'hui encorequelquesvestigesde cesjardins sub-
sistentsur la colline de Tetzcotzingo,à I'est de Texcoco:
les dits "bain du roi" et "bain de la reine", des frag- -Zuazo: Pour empêcherles Indiens, en passant,de
mentsde statue,dont I'une pourrait représenterTlaloc. salir I'eau, et interdire aux chasseursde tuer et de faire
le restedescanalisations qui devaientirriguer lesfleurs fuir tout le gibier qui I'habite,daims, cerfs,lapinset
et lesplantesqui poussaientlà, mais dont ont disparules llevres".,-
espècesfragiles,mal adapté€sau climat de la vallée. Comme on le voit, le parc de Chapultepec,avecla co-
A Oaxtepec,dans l'état de Morelos, Moctezuma I lonisation, resteun lieu fermé, qui maintient de la sorte
avait fait bâtir, lui-aussi,un grand jardin. C'est ce jar- la tradition du chinancalliaztèque.pourtant, si en ap-
din que découvrirent les soldats de Cortès après leur parencele jardin conservemaints aspectsqui étaientles
A : ÀrÊxico ct olkes iordin! fuite de Mexico: "Et à dix heures nous arrivâmes à
(Ch op 0ltê Pec , Èt u1 dê lÔ t Bo&' " ') siensà l'époquedes souverains de Tenochtitlan.c,est
I : Te xco@ êl ouhet lor or 4r
Guastepeque,dont j'ai déjà parlé plus hauti nous nous sur Ie fond que s'est traduit le bouleversementde la
- . ! ,
llm ' Qu o u h v ô : o c ''
Octz@trinc o, Huêir ec pon' Ci
TlotGirGc)
reposâmesdans la maison d'un seigneurdu lieu, située Conquête, c'est-à-d!resur ce qu'il représentaitréelle-
Cætlochotirloî'
iri""--"." C"""quouhco'
dans un jardin lhuertal. Ce jardin est le plus grand, le nent aux yeux de ceux qui les ont conçus.
c : lilopoloPo
d: Xochimil @
i, f * t r t "e : d6Pnnd. de Tm c h t i t l o h )
i.'Ar^ t
on teoil (pour rcxcoco)
. , l,iii. i,ù"t*
:
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63
I
TI TACE n " l0 r 986 Lesjardins préhispaniques

IÆsfonctions du jrrdin gnols les conservèrentde nombreusesannéesaprès la Tenayucaau 2d. Il ne restepresquenen


Conquête.lls y cultivaient toutes lesherbesmédicinales aujourd,hui du
bassinrord, sinon quelquestrac.s imp.écises,
que permettaitle climat, lesdestinantà I'Hôpital qu'ils rigesd'un escaliersur lequeldevaitcouler
et danslequelvécut I,e";"ir.rïJr]
;r;-I,";
construisirentà son emplacement, menrait.En revanche,on peut idenrifier
tel que nouspouvonsmalnte- que fut Gregorio celuije Te;;_
Le jardin préhispanique quelquetempsI'admirableanachorète yuca,situé au sud, avecle dit ,.bain
a" U..in"i,-jàît
nant le concevoir, en tant que "paradis", pour Lopez"2l. L'hôpital dont il estquestionici estcelui de la lesbas-reliefssonr très abîmés marsque nousprésentons
reprendreune terminologiechrétienne(et mêmeplus an- SantaCruz, fondê au XVIe sièclepar BernardinoAlva- ici en regard (Fig. 2). '
cienne, si I'on fait référenceaux paradis des souverains rez, anciensoldat qui avait combattu contre les Chichi-
perses),apparaît dansun premier temps comme un lieu mèques.Quant à Gregorio Lopez, il s'agit du célèbre S'appuyant le passé,le jardin s€tourne
,, aussiyers
de repos, de calme, où viennentse réfugier les nobles auteur du Tesoro de Medicinas, étude portant sur les r av enl r,c onl_sur
rrmantpar l à_mêmes on rôl e hi s tori que,
lassésdes activitésde la guerreet de la politique' C'est plantesmédicinales, et notammentsur lesplantesmexi- qul est non seulementde conserverle
la seulefonction retenuepar les souveniroesîl
d'ailleursgénéralement caines,connueset utiliséesà l'époquepréhispanique' cêtres,mais aussicelui desprésents,pour générations
les
chroniqueurset les historiensde la Conquête, qu'il futures. Pour cela, sculptureset bai-reliefs
iif"r,..rij"
s'agissede CortésT, Bernal Diaz del Castillo, ou Anto- vie des princes et perpétuentleur gloire
nio de Solis2a. Pourtant, si cette fonction du jardin Mais la fonction desjardins ne se limite pas, bien en- pour Netzahualcoyotlà Tetzcotzingo,
<"inri., *t-lf
tendu,à la culturedesplantesmédicinales. Si le rôle de ou pour Mocte-
paraît la plus explicite,elle ne peut pas expliquer le zumaI à Chapultepec): .,ll serajuste
celles-ciest importanten ce qui concerneI'organisation que restede nous
pourquoi du jardin, danstoute sa complexité:il est en deux un souvenir.C'est pourquoi
effet impossiblede ne voir danslesjardins royaux qu'un desjardins (on a vu que lesdiversesherbesétaientrêpar- ;,ui ae.iae a" iuii.
graverdeux statuesà notre ressemblan"a,
lieu de récrêation, alors mêmequ'ils ont étéconçuspour ties selon leurs propriétés), il semble nécessairede de Chaputtepec.Ainsi, dans la pierre q"i
a"na ta oà."
d'autres motifs que le repos. chercher ailleurs la penséequi sous-tendleur concep- meilleure aux ouvriers, restÊrons_nous
i.rnUi"[i,
Plusieursauteursont à cet égardnotê que le jardin, tion, ailleurs, et notamment dans la fonction que nous l'étemité en récompensede nos travaux,,2r
sculptés pour
pourronsappeler"historique". (Fig. 3).
mêmenoble, mêmeroyal, est un lieu utile: on y cultive Ixtlilxochitl signale aussi qu'à Tetzcotzingo
desplantesmédicinales,destinéesà sauvegarderla santé En effet, le jardin peut aussiêtre lu comme un livre reliefssont chargésde mainteniruiuunt
à"." U"r-
d'histoire, ou mieux comme un codex qu'il faut savoir t"iouu.nii a"
des princes et de leurs familiers' Solis, par exemple, Nerzah.ualcoyorl et de sesexploits, ., qu.,
n'oublie pas cet aspect,quand il évoqueceux de Mocte- déchiffrer. Le souverain utilise ce lieu privilégié pour Lnaputtepec,un portrait du roi a été sculpté,
À
"oÀr"
zuma: "Ce n'était que fleurs rares, diverseset parfu- rappelerles originesde son pouvoir: à Tetzcotzingo,par Fig. 2: Le "bain de lo Reine"
mâchoiresd'un tigreso.
entreles
mées. et herbes médicinales, qui servaient aux hauts exemple,toute la colline doit être considéréecommeun
fonctionnaires et aux sénateurs,et auxquellesil vouait rappel de I'histoire desrois de Texcoco.Les fontain€set
un intérêt tout particulier.II faisait venir dans sesjar- les bassinsont valeurde symbole;ils mettenten jeu les
dins toutes les espèces que produit cetteterre privilégiée, connaissances historiqueset mythologiquesqui sont le
et les médecins n'apprenaient rien d'autre que leurs fondementde l'équilibre politique de la vallée.C'est
noms et leurs propriêtés, Il y avait des herbes pour ainsi qu'Ixtlilxochitl nous révèlela significationdesbas-
toutesl€smaladies,touteslesdouleurs.On en faisait des sins qui ornent les flancs nord et sud de la colline: "Du
jus ou bien I'on s'enservaitcommeapplication.C'était côté nord on trouvait un autrebassinet, taillésdansle
là leur médecineet elle avait d'excellentsrésultats:fils roc, le nom et le glyphe lescudode armasl de la ville de
de I'expérience,sansconnaîtrela sourcedu mal' ils ob- Tula, anciennecapitalede I'empire toltèque;du côté
tenaientla guérison du malade.Ils répartissaientde ma- gauche,c'est-à-direde celui qui regardaitvers le sud, se
nière rigoureuse, dans lesjardins du roi, toutes les her- situait I'autre bassin,et, gravésdansla pierre, le glyphe
bes que conseillaientles docteurs, ou que demandaient et le nom de la ville de Tenayuca,anciennecapitalede
lesmalades,et I'on ne sauraitdire s'ils en tiraientquel- l'empire chichimèqug"ra. En rassemblant ainsiTula et
que vanité, ou bien s'ils étaientpersuadésde remplir Tenayuca,le jardin de Tetzcotzingoréalise,dans un
ainsi leur mission de gouvernantqui doit s'inquiéterde surprenantraccourci,I'union entrelespeuplades chichi-
la santéde sesvassaux"25. mèquesdont descendentles souverainsde Texcoco' à
Cet aspect des jardins ne doit donc pas être négligé. partir de Xolotl, et les ancienspeuplesciviliséssymboli-
séspar Tula, la capitalemythiquede Quetzalcoatl. De la
Remarqué par les conquistadors eux-mêmes' comme
BernalDiaz del Castillo26, il a permisà nombred'entre même manière,le jardin symboliseIe contact établi
eux de ne pas êire détruitslors de la Conquête;les Es- entreles populationsnomadesdu nord du Mexique,et
pagnolsont su profiter despossibilitésqu'ils pouvaient les agriculteurssédentairesde la vallée de Mexico.
àfirir à leur propre médecine,ainsique I'indiqueClavi- Quant à I'organisationspatialedesbassins,ellesemble Fiq 3: MflM fait cw w tûdtuit tu u Mt@
Tula au nord et de owuf-
jero, en parlant des jardins de Oaxtepec:"Les Espa- s'inspirerdu contextegéographique:

64 OJ
F_

TRACE n" t 0 r9B 6 Lesjardins préhispaniques

Pourtant,la meilleureillustration de ce rôle histori- Cette fonction du jardin entrerait donc, d'une certaine Cettefonctionreligieuse, bienqu,ellen,apparaisse
, pas des,.deruisseaux:.,Da.nsce palais
que du jardin ne setrouve pasparmi lesélémentsdu jar- manière, dans le cadre politico-économiquedu tribut. danslesrécitsdesconquérants, aont l" ,ifrnc" ,u, étaientdisposésdix
Et, de fait, lesjardins de la noblessene doivent pas être jet est particulièrementrévélareur, bassins où I'on élevait toutes les
din, mais bien plutôt dans le jardin lui-même,conçu ""iu_
est cependantinclis- aquatiquesquel,on peuttrouu.. aunr..
îùir"irî
exclus de la politique tributaire de I'entpire, puisqu'ils cuta.ble:les religieux espagnolsne s,y ".pC"",
comme une oeuvre d'art, un joyau, laissêen héritage se sont d,ailleurs p"y, _orliîii
reçoiventune partie de ce tribut sousla forme de plantes a beaucoupet des plus variés, tous
aux hommesde l'avenir, et qui perpêtuela mémoire de T:r":.::ïrf
O.l-que,.àpeinearrivC, t"-" _..i"uiià,
les oiseaux de mer, il y avait des
Ao."rt;qu"r; pori
celui qui I'a fait construire.Tel est le sensde la réponse et de fleurs venues des régions conquises,principale- ils sesont empressés ""
de lesdétruire.txtlilxochifl, u"urinr-Ji"uï'rlËi,
jet-des jardins de Teucotzingo, au sul pour ceux de rivière, des petits
donnêepar Tlacaelelà la proposition de Moctezumade ment celles des terres chaudesde la côte du Golfe: parle de statueset lacs d,eau aou.". nj
"Chaque jour', cesprovincesdevaientpayer en tribut de "d'aurres.choses tempsen temps on les vidait afin d,en
faire graverleurs portraits sur les flancsde Chapultepec' encore,que re p.àie,
ai puison les remplissait
,é.;.;. I. i.;;
quand il lui conseillede mettre en oeuvreles jardins de grandesquantitésde fleurs, travailléeset bien présentées Mexico, don Fray Juan de Z "..r,""1î* à nouveau..."38.,,Et dt;b;;
Oaxtepec:"seigneur, je veux que tu laissesen ce monde en bouquets mêlant mille fleurs différentes, parce que r'"n-ii"nple..,ir",î"olul"ii::ïff;;jJiiTl,J;:: sortait une canalisation: I,eau, se prCcipilant
rochers,tombait en fines éclaboussures sur les
un autre souvenir, non moins digne de louange que ce ces terres chaudesen produisent ênormément, toutes Or ces jardins sont effectivement
dédiés à Tlaloc, sur un jardin de
parfumées, plus belles les unes que les autres, et à Chalchiutlicue,ei autresdivinitésd" fleurs tropicales er parfumées.Hr"
que tu as réaliséjusqu'àmaintenant"3l' f" pfri", a" f,.uî]"i r.upp"iii"îJurl
I'odeur délicate.Elles fournissaienten même temps les de-l:rvégétationen général,commele tant rle f61çsque i'on aurait dit qu,il pizuvait;,;.ï;;;
Intimementliées à cet aspecthistoriquedu jardin' ap- montrent l.r;;;; jeux d'eau artificiels s'ajoutent
paraissentaussi des référencespolitiques. En effet, cer- plantes qui produisaient ces fleurs, avec leurs racines, vestrgesque I'on a pu identifier dans c.rtains etémertsnair]-
lesruines:à ô;i;: rels,
afin de les planter dans les palais des princes. Tout ceci pec, un bas-reliefpourrait représenter la rivière qui traverseles jardins
taines sculpturessont un rappel des alliancesqui régis- Xo"hiq;k"l,; pec. -comme d"ô;;;_
ne setvait de tribut que pour démontrer la grandeur et T€tzcotzingoet à Chapultepec,a",,"urpr*"rii,îiuJoi Le rôle de I'eau, dansce contexte,dépasse
sentlesrelations de pouvoir entre les princes,commeon de simples,,jeux" destinésaux ptaisirs
le cadre
peut le constaterpour'fetzcotzingo:"Un peu plus bas, I'autorité mexicaines,et pour que les Mexicains soient aesrois fi ..nii.
appeléset considérés"seigneursde tout ce qui vit", aus- Hormis cessculptures,qui lient étroitement le.souci constant des Mexicains de
il y avait trois bassins,Trois grenouillesêtaientsculptées . le jardin renouer ;";;Ë;;
si bien sur I'eau que sur la terre"33. à ta penseeretigieuse,.ii"uin", o.rigines,mythiquesou non, en exaltant
sur lesbords de celui du milieu. Le bassinsymbolisaitla a., Cairi.", ..iiuiiï lu
Le jardin peut alors apparaîtrecomme un microcos- étaient bâtis sur les hauteurs,et dominaient séed'une sortede .,paradisterrestre,,qu. "i;;;j",;:
lagune, et les trois grenouilles les capitales de t,";.";;; relier au jardin fleuri de Tlaloc-diviiiù
t,on pou..ît
I'empire"3z.Les trois capitalesauxquellesseréfèrelxtli- me de I'empire, où l'on restitue, sur un espaceréduit, des.jardins: .,au sommet de ce parc,
on avait bâti des I'eau. *;d;';;
xochitl sont cellesde la triple alliancequi unissaitMexi- l'ensembledes conquêtes- chaquerégion étant repré- maisons,commedestours',, indique
I*tfif"o.f,itfi.. à.,
co. Texcocoet Tacuba, pour I'exercicedu pouvoir poli- sentée,symboliquement,par les plantesqui la caractéri- maisons construitesà la manière
de t..r;;;;;.;;;; Le jardin: paysaged'un paysage
tique dansla vallée de Mexico, aprèsla chute d'Atzca' sent. Vetencourt signale à cet égard que Mociezuma être, tout simplemelt, des pyramides
<f" t"r*. Oriou
potzalco;le bassin dont il est questionici est sansaucun "possôdaiten dehorsde la ville d'autresjardins compo- e.srsouventemployépar Cortésou gernal
niau aei Cas_ De le jardin semble principalement
doute celui que I'on appelle maintenant "le bain du sês de toutes les fleurs et arbres odorants que I'on tillo pour désignerles édificesreligieux
aztèq;es). .fait, destiné à
pouvait trouver dans l'empire". La notion spatiale de A cesconstructions,il con,rientà,aj.ui". reproduire un modèle,ou mieux, paysage,
roi", puisqu'il conserveencore,sur un de sesbords, les un celui de la
iË, ,i"u", côte du Golfe (Veracruz,Tabasco),
restestrèsabîmésd'une grenouilleen pierre. Comme on centre, si importante dans la penséeaztèque, semble c3v:mes, naturelles ou non, qui t.ou"nt or: a niuil I,unJ.i_
ler"*ttin", ",
le voit, I'organisation spatialedu jardin et de sesorne- pouvoir se rapporter au jardin, à la fois centre et fusion choisiespour l,élaboration du jardin. ry.1yltye olmeque,que I'on peut considérercomme la
q^ue_la
O" ,;;; ;;ï;; civilisation,,mère" du Mexique.nu",
ments n'est pas neutre. Derrière chaqueélémentqui le des provincesde I'empire, où le prince aime à recevoir caverneest un lieu de cuite, q"i e""q"" u.rr.Cgiorrrliu;
rlËi"" vernentsèche,commeI'esrla valte"
composese cache un symbole, une métaphore,dont le aussibien lesambassadeurs desrégionssoumisesque ses en.mêmerempsque, a" a" frl"t"J,l"
lll:îy:l:"t ryrn-bo_ h^umidedu.Tabascoévoquairsans
sensne peut être découvertque par une analyseprécise amis venus le visiter: "Ensuite se trouvaient les palais nque.le ventrede la mère,surtoutsi
une-uniè."
sourceiaillitau
doure un'uerit"ùi."flriut
que le roi possédaitdans le parc. Ils se composaientde fond. A oaxtepec le temazcsl, a*, treu de délices,où I'eau ne manquait
du contexteoù se situe le jardin' ,.". ;".uir, oJi".
plusieursgrandes salles,cabinetset boudoirs, dont parlê, jouait sans doute ce rôle. fruirs, les ptanres,abonàai."i;il;d
D'autre part, et toujours dans le cadrede cesréféren- ""Jrr'jeîî
.A f.,-"rr*î", ii"
,n*.:, lg:
besoind,irrieuerer de prorégert., ptont",ionr.ïfinî.f;i
cespolitiquesil est necessaire de rappelerque mêmes'ils I'une, immense,et précédéed'un patio, lui servait à re- grotte creuséeau flanc de la colline,
au suà, mrelx reproduire ce modèle,il etaii
sont deslieux de récréation,lesjardins n'oublient pas le cevoir les rois de Mexico et de Tlacopan, et d'autres aménagéepar la main humaine, serait "Ote "tli-
celle q"i ; ir;L;;_ aonc inaispensablJ
grands seigneurs,quand ils voulaient se divertir avec gé le-jeune Nerzahualcoyorl, de.fairevenir dans la valléeies arbres
caractère belliqueux de ceux qui les ont élaborés. Iorsqu,ilfuyaii ilr-;i;;;, et 1", n;;;;;;i:
de Maxrta,roi de Culhuacanr.I"i nairesde la côte du Colfe, desrerres
Nombreux sont les symbolesguerriers qui ornent les lui"la. tropicales(on a vu
l.'ffiË, plus.haut qu'une partie du tribut
rochersmis à nu. commecesdeux tigresde Tetzcotzingo l'historiqueet le religieuxsetrouvent "n""i'., d"
étroitementimbri_ sistait justement en fl eurs). Ixrlilxochitl
".r;;;;il;;;;:
qui, selonIxtlilxochitl, laissentsortir de leur gueule"de qués. iàrfir.r-
Ainsi le jardin est-il un espaceaux fonctions mul- La grotte, qui s,enfonceau coeur de orrgm€.tropicaledes fleurs desjardins ".",t"
I'eauet du feu". Or on sait que le glypheAtlachinolli .. la terre, est un a" f"tr"otring;
tiples: il est souventdifficile de distinguerce qui appar- lieu privilégié pour entrer en conracr quand il par.led,un jardin composé ,.toutes
(eau-feu)est une métaphorenahuatl caractéristiquequi avec les dieux. De de
parfumeesdes reres chaudesiao.pi"go pr.ui-i.r-ili" les fleuï
la guerre. tient au politique ou à I'historique,surtout quand les nombreuses illustrationsnousmontrentde, gue.ri.rs
symbolise ou lui-aussisur ce point, en évoquanI
Dans certains cas, Ie choix du site où I'on va cons- deuxélémentssetrouventmêlésà la fonctionreligieuse, des nobles y faire desretraitesspirituell* la constructiondu
qui régit I'ensembledesjardins royaux et leur donne une le codex Nuttal où I'on voit Huit_Cerf, i;;;;;; ,-111,1..1. r"*,.oec: .,{JepenseJ qu,il serajusreel agré_
truire le jardin sembled'ailleurs correspondreà descon- revêtî;,rrrre aorequepour ta récréation,
géopolitiques: il s'agiraiten ce sensde mar- unitédépassant lescadres"nationaux", imposêspar les assisdansunegrorte, représenrée ton repos,ainsiqueceui de
sidérations l^ïd^. ]"*l*, par un tes successeurs,
frontièresd'êtat; en effet, si Tetzcotzingoexalteles ver- Iepeu sur la gauche).pourtant, t,Cle*ent tu fassesconstruireun grand réservoir,
quer le domaine conquispar une présenceconstantedu ,ouvert aomi_ g.-9. bassin,où I'on pourrait
tus des rois de Texcoco, et si Chapultepecest chargé nanr de ceuefonctionreligieuse faire mont.. route
conquérant,auquelle vaincudoit sesoumettre,notam- du jaidin .J;;;r;;- I:neauqu'll serapossible,afin de la recueillir
d'honorer ceux de Tenochtitlan,ce sont pourtant les testeI'eau; omniprésenle,
ment en entretenant les jardins qui ont été édifiés sur souveraine, c,es[elle qui or- Ie plus de_terre
er d,irriguer
mêmesdieux oue I'on vénèredans les deux cas. ganiseIe paysage,par rour un j"u que I'on pourra.Ensrite,.nnoyonsïia
son territoire (à Oaxtepec,ou à Atlixco, par exernple)' a" uus.inr,à.îrJ"_ provincede Cuetlaxtla,où gouverne
en ton nom pinotl.

66
TRACI i n ' l0 l986 Lcsjardin,"préhispanirlut:s

que
xuchina- parle Diego Durân)ae. Le codex Bodianus signale les chroniqueurs semble être une véritable reproduction
I'ordre de faire venir des plantes de cacao et de Comme le fait justement remarquer Birgitta Leander
i'"r.*.. t'irée de cette fleur était utilisée par les nobles d'un pay s age or i e n ra l . C , e s t l e l i c u d ' o ri g i n e p a r
ciztli, des plantes de yolloxuchitl, de cacahuaxochill' ex_ dans son livre In Xochitl in Cuicatl, ces personnages qui
pour r oulug*, la l ati gue qu'c ntr aînai enl l es r es pons abi J i - cellence,le lieu de délices où se rerrouvent tous les morts
d'izquixuciitl, de huacalxuchitl, de cacaloxuchill' et de chantent, et dont des volutes fleuris sortent de la
côte si ié, du eoui.rt.-ent. Clavijero, tui, ajoute "qu'il n'y-a marqués par Tlaloc: les noyés, les foudroyés, les person-
toutès les espècer de fleurs que produit cette les temples de bouche, font irrésistiblement penser aux nobles réunis
de toute rien dJplus commun que cette fleur dans nes décédéesd'une maladie placée sous le signe
chaude: peut-être pousseront-elles à Oaxtepec: àe I,eau dans les jardins de Netzahualcoyotl et qui se
Nouvelle-EsPagne"5o. (bubonneux, syphillitiques, lêpreux, goutteux,
façon cela ne coûte rien d'essayer"ar par Du- hydropi_ re t ro u v a i e n t p o u r c h a n re r e r rô c i re r d e s p o è me s e n
-Conquise Si l'on anatyse en détail les fleurs présentées ques). Tel qu'il nous est décrit par Sahagun,
en 1461 par Moctezuma I, la province de l er r es le Tlalocan I'honneur de Ia vie, de I'amitié, des fleurs. par la poésie,
et les r ân, on consta te qu'el l es pr ov i ennent toul es des est bien I'image d,un paradii tropical, évoquant les
Cuetlaxtla se situe effectivement dans le Tabasco' ont été surtout chantée dans des jardins conçus à I'image de la
pro- chaudes ,le la zone tropicale humide' Elles chaudes terres de I'est: .,C,est un lieu de joie eide paix;
fleurs citées dans le pæsage sont originaires de cette peuvent aussl côte du Golfc, les nobles mexicains recréaient Ie;ert Da_
tres choisies pour leur parfum, mais certaines jamais l'on n'y souffre, jamais
vince. Toutes, pour des raisons diverses, étaient desti-
ne viennent à manouer radis de TlalociJ.
parfum' être consommées, notamment dans les boissons Ies epis de maTstendre, les calebasses,les plants
appréciées par les nobles aztèques (pour.leur (xuchinacaztli' iz' d,ama_ Cest ainsi que, peu à peu, s'érablir un double ieu de
nées aux nobles, comme le chocolat rante, les piments verts, les tomates, Ies haricots
leur beauté, leurs vertus réelles ou supposees)' curatives' et en miroir entre le jardin, senséreprésenter le Tlalocan. ct Ie
d'un ouixuchit[t. Plusieurs ont des vertus gousse et les fleurs. Et là vivaient les
La xuchinacaztli 0a fleur d'oreille) provient (yollo' dieux appelés Tla_ Tlalocan, représentation idéalisée des terres trooicales
à Ia p.ru.tt pi"nd." le rang de plantes médicinales loque"5l. Un peu plus loin, Sahagrin préciæ I'univers
arbre tropical dont la fleur, selon Rémi Siméona2' quatre d'entre de Veracruz et de Tabasco. ll y a là comme une mise en
bois- xuchitl, cacaloxucàila). Enfin, au moins du ïalocan, ênumérant plantes et animaux typiques
fois belle et à I'odeur suave, servait à parfumer les religieuses de abîme du paysage: celui-ci s'élabore à partir d'une
elles ont des significations symboliques ou la côte du Golfe: ,,Là poussent Ie cacao, le tiànàcaztti,
matrice commune, d'un espaceidéat, que les architec(es
sons. huqc al x uc hi tl , i z qui x uc hi tl '
la ta- ivoltoxuchitl, et le caoutchouc. Là poussent le magnolia et toutes
La yolloxuchitl /fleur de coeur), identifiée avec pas, bien enten- sor- et les jardiniers mexicains tentent de mettre en forme _en
Cette iacaloxuchitl). Cette typologie n'exclut tes de fleurs. On y trouve toutes sortes d'oiseaux
lauma mexicana43 est une sorte de magnolia' par aux ce sens, plus qu'un lieu dc rêcréation, le jardin est un
de du, les inter fér enc es ' pui s que I'i z qui x uc hi tl '. plumes précieuses, le Taquon, le rlauhquechol,
fl"ur, ,re, blanche et très parfumée, s'ouvre en forme aussl une le te- lieu de re-création.
pour exemple, qui symbolise la vie et le mais, est oquechol, le xiuhtototl.
coeur. d'où son nom. On faisait infuser sesgratnes On y trouve le perroquet et Mais en tant que recherchede cet espace idéal qu'est
planti que I'on peut consommer, mélangée avec du cho- I'oiseau quetzal"52. Le teonacaztli (variété de la
combattre l'épilePsiea. sociale xochi- le Tlalocan, on peut se demander si lejardin n'est
iotut. dn constatera de même que Ia hiérarchie nacaztli dont nous avons dêjà parlé) est une fleur troDi- ;as la
elle' est
La cacahuàxochill (la fleur de cacao)' quant à de fleurs mise à plat d'une des méraphores fondatrices de la nen_
la poésie des jardins se trouve confirmée par les espèces c al e, de c oul eur j au n e , e r rrè s p a rf u mé e . O n I , u t i l i s à i t
une fleur sacrée, qui revient sans cesse dans réservees sée mexicaine: la métaphore otepett
1l.eau, la
hu- rassàmblees à Oaxrepec, qui sont exclusivement pour aromatiser le chocolatJr.
mexicaine, où elle joue le rôle d'enjôleuse du coeur euant aux oiseaux aux montagne), qui symbolise la ville, et que Sahagûn rcnte
aux nobles. plumes précieuses,il s'agit aussi d'oiseaux
main (c/ la chanson en encadré45)' tropicaux: le d'expliquer dans son Histoire Cénérale des Choses tle
tlauhquechol et le reoquechol sont en fait le même la
ani_ Nouvelle-Espagne.. ..Les anciens habitants de cette terre
mal, une sorte de canard renommé pour la splendeur disaient que les rivières sortaient d'un endroit appeti,
de
sesplumes rouges;le xiuhtolot!, lui, est fameux oour ses Tlalocan, qui est une sorte de paradis rerrestre (...) Ils
Et cacao
floreciente La neurdccacao plumes verles; et le :aquan, ou mieux le
Yeehuava zasuàntototl. d i s a i e n t a u s s i q u e l e s mo n ra g n e s re p o s a i c n t s u r l u i . r. t
Ti|lriii,llill"t," v""ntiW EmbrieS| mi corozôn Enivre mon coeur
pour s on pl um age j a u n e e t b ri l l a n t . O n l e v o i t .
Qui ihuintia noyotlo Enivre mon coeut ce sonr q u ' e l l e s é t a i e n t p l e i n e s d ' e a u , e t re c o u v e rt e s
Embriega mi coraz'n d.unc
Mac ic ninapanliuh Allons' ptês de cette fleul l es m èm es v ar i étés d e f l e u rs e t d ' o i s e a u x q u e l . o n
Con él ande yo adornado couche de terre, comme s'il s'agissait de grandes jarres
Zan no Jeluhcan de même retrouve dans les jardins royaux de Texcoco ou de
Y de iSuol modo taûbién Te_ d'eau, ou des maisons pleines d,eau; si un jour lcs mon-
Ma ica huel latiuh lra mon coeur nochti{lan, et qui font I'enchantement des visiteurs:
Yeehuaya Pueda ir ni corazôn tagnes devaient se briser, ils prétendaient que I'eau
Noyollo pas
iQue ko se marchilen Que ne se fânent "tout le reste du parc, comnre je l,ai déjà dit, était plan_
Mdcq in cuetlahuia Les fleurs! qu'elles contenaient en jaillirair et s'en irail noycr
L6 flores! té d'une grande variété d,arbres et de fleurs odorantes; ia
xochillo terre. C'est de là que yient la tradition d'appeler les villes
et dans ces arbres vivaient mille espècesd'oiseaux, sans où vivenl les hommes a/lep€l/, ce qui veut dire rlonlaqne
compter ceux que le roi tenait enfermés dans des caseset d ' e a u o u mo n t a g n e p l c i n e ri ' e a u ' ' . 0 .
qu'on av ai r fai t v en i r d ' u n p e u p a rt o u t . To u s
cÀ oi. I l e s t a i s é d c v o i r, e n l i s a n t c e re x t e , q u ' i l n ' c x p l i q u e
(bourreria huanito) est elle aussi une En regroupant donc, dans un même lieu, des plantes seaux chantaient de manière si harmonieuse que l,on
L'izquixuchitl ne pas le pourquoi de la métaphore, puisque dans son
tropicales, c'est la côte du Colfe, le pays de l'est' qui est con-
fleur de couleur blanche, qui évoque le mais éclaté, et pouv ai l s 'en tas s ei " ra .
tenu linguistique elle se limite à une description rle la
mis en valeur, et que I'on essaie de recrêer artificielle-
par là symbolise la vie6. Mêlée au chocolat, elle lui don- Si I'on compare ces descriptions avec la fresque dé- montagne, et non à une métaphorisation dc la ville: Ie
ment. entre autre par I'organisation du paysage des jar- couvcrte à Teolihuacan, dans le palais de Tepantitla, on
ne une saveur Particulière- couple atl-tepetl se limite donc à une seule explication
dins, couverts d'une épaissefrondaison où nichent des
La huacalxuchitl (fleur en forme de panier? - de constate que de nombreux éléments contribuent à faire naturelle, physique, qui concerne la structure interne dc
milliers d'oiseaux exotiques.
huacol, qui signifie la hotte) est une variété de de ce paysage une représentation des paysagestypiques la montagne, et n'analyse pas le glissement de sens qui
Or, cette côte du Golfe, reprodrrite dans le jardin, sert
philodendionaT. Selon Hernandez, cette fleur êtait of- de la côte du Golfe; sur les bords d'une rivière oouri.nt permet de passer de cette d€scription à son expression
aussi de "paysage matrice", pour reprendre une termL dc s pl anl s dc m al s et d e c a c a o . d e s f l e u rs e t d i s a rb rc s
ferte aux dieux et aux monarques4s. i ma g é e (l a v i l l e ). I l ma n q u e p a r c o n s é q u e n t u n é l é me n t ,
nologic d'Augustin Berque, c'est-à-dire qu'elle sert de
Enfin, la cacaloxuchitl (fletr de corbeau) - ots Plume- fruitiers. Dcs personnages chantent, d,autres se bai- celui qui permettrait de faire la transition entre Ie pre-
modèle pour évoquer Ie paradis de Tlaloc, le Tlalocan
rio acutifoha, était une plante réservée aux selgneurs' gnent, ou bi en pl onge n t d a n s l , e a u . C e rt a i n s
iouent à la mi e r e t l e d e u x i è me t e mp s d e I a mé t a p h o re . I l n ' e n t rc
pousse (souvent confondu avec le mythique Tamoanchan). Le
comme I'indique Sahagûn, s'il s'agit de celle qui bal l c . ou al or s ehas se n rl e s p a p i l l o n s . D ' a u ; re s e n c o re pas dans le cadre de notre étude de résoudre le prob)ème'
Tlalocan, en effet, tel que nous le trouvons décrit chez
dans les régions tropicales (or c'est bien de celle-là dont choisissent de se reposer à l,ornbre des arbres. posé par cell.e inâdéquation entre le modèle et I'irnagc:

68
I 986 Lcsjardins préhispaniques
TRACI i f l0

r€présentation du Tlalocan,si semblableaux jardins,


sues.Cervantés de Salazarnote que lesjardins de Moc- souverainaztèquefait venir dans son jardin des jardi-
on noteracepeûdantqu'une explicationpossibleserajt ressemblaientà desjardins sus- I'adéquationenrremodèleet image, .rnpr"in,. .i niersde Cuetlaxtla,chargésde s'occupercommeii con-
i.rumu, à ChapulIepec,
tlle au fair que la mottagne, lieu élevé,est un lieu de dé- pendus:
matrice sembleêtre résolue,à condition
"n,r. d'en tirer
les vient desfleurs et desplantesramenéesde cetterégio162.
fense,et que sanseau la vie est impossible'Le lieu idéal' comme conséquences:le jardin est lui_mêmeune mêtaphore,
"Zamora: Ici, Moctezumacultivait desarbres Mais cette sciencehorticole n'est jamais complèiement
où p"uu"nt vivre les hommes, serait donc un lieu élevé' ty- inscrite dans I'espace,du lieu humain pu.
dansun jardin; tu en verrasaussiailleurs,du même a*""11"n."
qu'est la ville, vouéeà Tlaloc et aux divinitês
séparéede la magie et de Ia religion. Les jaràiniers de
où I'eau abonde. pe, endescendant un peuplusloin, parcequelesIndiens de l,eau Cuetlaxtla se livrent en effet à des pratiques magiques
En ce sens,le jardin pourraitêtrel'expression de cette -de la ville-jardinnous passonsau jardin-ville.Selon
pour préféraientles côtesaux plaines' pour favoriser la poussedes fleurs de Oaxtepec: ;,Ils
métaphorepriseau pied de la lettre,une tentatlve jardins nombre de chroniqueurs,dont Chimalpahinjs, jeûnèrenthuit jours sur elles, se sacrifiant-la partie
Alfaro: On dirait qu'ils voulaient faire des c,est
réaliserI'aicord entre le modèle et I'image' Comme Tlalocqui accueillelesAztèquesà Tenochiitlan,en
leur haute des oreilles et arrosant les plantes avec le sane
suspendus.
nous I'avonsvu, en effet, le jardin est un lieu de culte offrant sonamitiéet saprotection,.oort.uir" un
â Zarîo:al oui, c'est un Peucela"57' 1arai., qu'ils en tiraienr,demandantaux majordomesde granl
consacréaux divinités de I'eau' et notammenl c'est reconnaîtrecetteantériorité.
L'eau et la montagne:à Chapultepecnous retrouvons des quantitésde papier, d'encenset de caoutchou;. Ils
Chalchiutlicue,déessedeseauxcourantes,desrivières et
pre- les deuxéléments,commeà Tetzcotzingo'Or cescorres- offrirent un grand sacrifice au dieu des fleurs, en lui
dessources-il s'agit donc d'un espaceliê à I'eau' pondances ne peuventpas êtredûesau hasarddansun
Pour réussir à construire et à entretenir des jardins
offrant d'innombrables cailles mortes, dont ils utili_
mier termede la métaphore'Le secondterme,la mon- très aussisomptueux,il était indispensaUle
puis- rniuerscommecelui des Aztèques,où I'espaceest ae ,nettreenleu saientle sangpour asperger lesplanteset I'endroitoù ils
lagne,est explicitementmarquédans le paysage' des connaissances horticoleset hydrauliquesqu" ,aul".
fortementstructuré.D'ailleurs,la fresquede Tepantilla lesavaientplantées... "63.
q,i" t., gtunàt jardins royaux' situéshors de la-ville' le Tlalo- pouvaientposséderles civilisationsagrairesqui
les qu. noot avonsdéjàévoquée,et qui représente ont pré- Enfin, parmi les connaissances impliquéesdans l,éla-
sont batis sur une colline. A Oaxtepec,par exemple' à cédédans la valléeles envahisseurs
àn, conlugueaussiles deux termesde la métaphore: chichimèiues. ùais boration desjardins, entrentcellesdu contrôle de I,eau:
architectesdoivent construire un grand bassin au som- pu.tit d;un" montagne stylisées'écoulent deux cours
il n'existepas de preuveque cescivilisationsaient
élabo- pour recréer le paysagetropical d,où proviennent
met du jardin pour permettreI'irrigation par gravitê des q' Avec cette ré des jardins semblablesà ceux que les Aztèques les
à'eau qui sedêversentdansun lac (cîFie' ont fleurs, il était nécessaire
de déployerune trèshaute tech_
arbresei desfliurs plantésen contrebas'Dans sesDialo- conçuspar la suite. Or ceux_ciexigentun effortiumain
nicité dansle domaine de I'hydraulique, héritagedes ci_
considérable, qui peut apparaîtrecommeun fucr.u. à.
oomlnauonexercéepar la ville sur les campagnes: vilisations agrairesqui ont précédéI'arrivée des Mexi_
des cainsdansla valléede Mexico: ,.pour faire venir l,eau
villagesentierssont en effet obligésde s,occuper
de leur nécessaire aux fontaines,bassins,bains et canalisations.
entretien;il s'agit d'une véritable corvéeà laquelle
et que I'on distribuait afin d,irriguer les fleurs et les
étaientastreintsplusieurscentainesA. p".ronne,
arbresde ce parc, ils furent obligésde construirede for_
année,sur despériodesoscillantentre g0 jours "nulo"
et un ;. tes murailles de mortier, qui couraient de colline en
Pour. I'entretien des jardins de Netzahualcoyotl,
lxtiit_ colline,d'une hauteuret d'une grandeurincroyable,et
xochitl recensehuit centresde provinceset teurs
iCpen_ sur lesquelles reposaituneconduite.Le tout aboutissait
dances(Tolantzinco,euauhchinan"o,Xicotepec,
Ëau_ au point le plus haut du parc',64.Il esttoujourspossible
hatla,-^Yauhrepec, Tepechco,Ahucayocanet t2uauhna- de voir à TetzcotzingoIesvestigesde I'aquedui décrit
huac)-(e. Sj I'on reportecesvillessur une carte (exceptées par
Ixtlilxochitl,ainsiqu'unegrandepartiedu rêseaude
cellesdont la localisationn'est pas sûre), nous
voyons canalisationsqui permettaientI'irrigation de tout Ie iar-
qu'elles sont toutes situéeshors de la u"ite"
Ae Ve"i"à, din, grâceà un systèmed'écoulementpar gravité iorr
au sud, Quauhnahuac et yauhtepec,à l,est,Xicotepec, iemblable
Tolantzincoet euauhchinanco,au contact des à celui qu'évoqueDurân pour le jardin de
routes Oaxtepec6s.Ainsi conçu, Ie jardin préhiipanique
menanIaux basses terrestropicales. apparaît comme un résuméde toutes les connaissanies
A cet effort humain considérable, il convient
agraireset hydrauliquesqui sont néesdu contact entre
d'ajouter des connaissances techniquespre"iser, qui peuplesconquérantset peuplesconquis - seuleI'arrivée
rendent en fait très coûteusecette tentative de
recons- des Espagnolsput bouleverserles schémastraditionnels
truction spatialequ'est le jardin: de véritablesspécialis-
du jardin, et imposer une autr€ façon de percevoir le
lesdoivents'occuperde la flore et de la faune
iu,il hé_ mondeet I'esoace.
berge.Cortésrappellequedesvétérinaires étaientchar_
gés de la sanlédes oiseauxde Moctezumam,
D'autre
part, il étaitdifficiled'acclimatersur desrerres
relative_
ment froides et sèches,soumisesà d,importantesva_
riations du climat, des plantes originaires de régions
chaudeset humides:..peut-êtrepousseront-elles à Oax_
tepec;de toute facon cela ne cotte rien d'essayer,,,
déclareTlacaelelà Moctezuma6t.pour répondre
aux
problèmesposés par une acclimatationàiffi.il..
l.
Fig. 4: Le Tlalocan'

'70
|0 r 986 Lesj ardi nspri .hi s pani ques
TRA( ] O

59. Felnando de Alva Ixrlilxochitl, op, cit., p.


21. Bernal Diaz del Castillo, op. cil., p.306. tl4. 62. Ibidem, p.248.
Conclusion 60. "ll y.avait pour s'occuperdes oiseauxlrois
22. Francisco Cervantes deSalùar - Mexico en .1J54,Dialogue I' p. cent personnes qui ne Ibidem, p. 247.
faisaientrien d'autre. Il y en avait d,aurres qut
étaient sculement 64. Fcrnmdo de Alva lxtlilxochitl, op, cit., p,
la civili- chargés de soigner fes oiseaux malades,,. ll4.
Quand triomphent les conquérants, en effet, "Des chemins, dcs niradors bien ouvragés,surploilbùient cha 67.
Conæ de Refociôn, p. o)- Fr. Dego Durân, op. cù.
sation aztèque disparaît, et avec elle les jardins qu'elle que bassin peuplé d'oiseaux. Là Mociezuma vcnaii les voir cl se 61. Fr. Diego Dvân, op. cit., p.247 66. Comme I'indique un texte datant de I617,
où l,on parle des sa-
avait fait naître. Trop chargés de symboles, trop impli- reposer". Llernân Corlés, o2 dr., p. 61. Iaires versés aux Indiens jardiniers de la vilie de
l4exico: aCN.
"En plus du palais Principal donl nous avons déjà parlé, ainsi Indios, vol. 9, exp. 38, F 22.
qués dans la culture vaincue, ils laissent la place à
que cclui qu'occupaient les Espagnols, MoctczÙma possédail
d'autres symboles, à d'autres conceptions du monde. Et plusieuts maisons dc r€pos (c4jos de rccreaciôn) qui emt'ellis-
de fait, si les Espagnols, à plus ou moins long terme, saicnl la ville et l€ rendaientplus illûstre" Anlonio de Solis, o/''
d é l r u i s e n l l e s j a rd i n s me xi ca i ns,c' est pour en constr uir e cit., p. 1'70.
d'autres, qui obéissent à d'autres règles. Il entre donc z) . lbidem, pp. 11l-172.
"Toutes lcs hcrbcs médicinales el uliles qùe renfermaicnt ccs Jtf_
d a n s l a s ui te d e n o tre trâ va i l d e nous pcncher sur ccs jar -
dins vâlaient la peine d'être vues". Bernal Diaz del Castillo' o2' BIBLIOGRAPHIE
dins espagnols transplantés au Mexique, et sur les jar- cir.. p. l?0.
dins mexicains transformés par les Espagnols. De rnê- 21, Irrancisco Javicr Clavijerc - ]listoriu antiSua de México, p Z)2'
me, il sera intéressant de voir en quoi les traditions me- 28. Fernaudo de AIvà llllilxochitl, op. cil., p. l15.
xicaines ont influencé l'élaboration des jardins espa- 29. Fr. f)iego Durân - Histoila d( las Indias de Nuera Espaf,a,T ll,
p. 244.
gnols (par I'adoption de plantes originaires de Nouvclle-
30. "(oû avâi() laillé en rond dtns une pierre les années depuis la
Espagne, dont certaines ont été envoyées à la cour de naissance du roi Netzaiualcoyo!l iusqu'à cg jour; à I'exltrrieu( sc
ACOSTA J. de, 1985- Historia naturcr morat
) de la Indi6. Fondo de IXTLILXOCHITL F. de A., l9?7 _ Obras histôric0, t. II. UNAM,
I'Empereur - mais aussi, au Mexique, par le fait que, si trouvaient lcs annèes,et à la fin de chacunc,gravéesde ia nlôme
Cultura Econômica, México.
México,
les jardins sont conçus par les Espagnols, ils sont réali- manière, sescxploirsles plus dignesde mémoire". Fernaildo de
ARMILLAS p. cr R. WEST, l9J0 _.,Læ
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Poesia y realidad de los .Jùdines Floliltes,,,; flor y conto. Lo poerio de
31. Fr- Diego Durân, op. cil., P. U7- Cuaclernos Americo_
donc, les jardins mexicains ne meurent pas: ils répon- nos L: 165-182.
tos Aztecos. SEP,/INt, México.
Fernando de Al?a lxililxochill, op. cit , p ll5.
dent à d'autres nécessités,et par là produisent de nou- Fr. Diego Durân, op. cit.,P 2o8 MOTOLINIA Fr. 1., l9B4 - Histotid de los indiôs
veaux paysages qui sont peut-être le résultat de la fusion 34. Fernando de Alva lrtlilxochill, op cit , p l16
CERVAN:rES DE SALAZAR F., t9B2 _
México en 1Sj4 y Tumato PorrÉa, "Sepa Cuântos...", Méxjco.
de Nuera Espaf,o,
Imperial. porrûa,,,Sepan Cuântos...,,, México.
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16. Bernal Diaz dcl claslillo, oP. cit.' p. 159
5E. "ll esl cnfin arrjvô Huilzilopochlli. mcn fils; il est arri!é où s'élè-
t7. Ibidem, p. 170.
r rra sa maison. ll esl lras précieu\; \ ous vi\ rez ici, su. Ia surface
18. Fernando de .Alva l\llilxochitl, oP dt ' P t14'
de la rerro, qui rsr norre nèr.. Cilimallahin ' Relacion$ origr
19. lbidem, p. t16.
ûales de Chul& Amuqu?nte(an. TerLerù Rela(ion, P 94
20. l{ernân Cortés, oP, (it., P l24

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