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PRESENTATIONS EXPERTS PREMIERE SESSION DU TRIBUNAL RUSSELL SUR LA


PALESTINE
BARCELONE-1ER AU 3 MARS 2010

Page 1 : « Le droit du peuple palestinien a l’auto determination » par Madjid Benchikh


Page 5 : « L’Apartheid contre le peuple palestinien » par David Bondia
Page 9 : « Jerusalem et L’Union Europeene » par Ghada Karmi
Page 12 : « Le respect par l’Union européenne de ses obligations internationales en relation avec la
construction par Israël du Mur en territoire palestinien occupé » par Francois Dubuisson
Page 25 : « L’Union européenne et la coopération militaire vers Israël » par Patrice Bouveret
Page 27 : « Pourquoi punir les palestiniens ? » par Veronique de Keyser
Page 29 : « Manquements et violations du droit international par Israel dans les territoires
palestiniens occupes » par Hocine Ouazraf

LE DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN A L’AUTODETERMINATION


Synthèse
Par Madjid Benchikh, professeur émérite à l’Université de Cergy-Pontoise (Paris Val d’Oise),
ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger.

Le présent document rappelle les sources juridiques du principe du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes comme principe général (Charte des Nations unies, résolutions de l’Assemblée
générale et du Conseil de sécurité des Nations unies et conventions internationales) et les sources
juridiques concernant son application au cas palestinien. C’est en référence à cette règle fondamentale
du droit international contemporain que le peuple palestinien mène depuis très longtemps, notamment
depuis la partition décidée par la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29
novembre 1947, une lutte résolue pour exercer son droit à l’autodétermination.

La mise en échec du droit à l’autodétermination du peuple palestinien n’aurait sans doute pas connu le
succès si plusieurs grandes puissances dont l’UE, n’avaient pas choisi de soutenir Israël et de
sauvegarder son impunité. Le document rappelle par ailleurs l’importance de la résolution 242 du
Conseil de sécurité qui d’une part, interdit le recours à la force et en tire les conséquences en
demandant le retrait d’Israël des territoires occupés par la guerre de juin 1967, et d’autre part, servira de
base pour déterminer l’assiette territoriale de l’Etat palestinien. Le droit à l’autodétermination doit dès
lors s’exercer sur les territoires palestiniens de Cisjordanie y compris Jérusalem Est et sur la bande de
Gaza, tels que tous ces territoires étaient configurés avant la guerre de juin 1967. Position également
affirmée par l’Union européenne. De nombreuses résolutions d’organisations internationales,
principalement l’ONU, et les prises de position de nombreux Etats vont dans le même sens.

Même lorsqu’elles s’engagent dans un processus de paix, les autorités israéliennes n’ont jamais
franchement et explicitement reconnu le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Ainsi,
certaines dispositions de l’Accord intérimaire adoptée par les parties suite au « Processus d’Oslo » sont
clairement des violations du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

Il peut paraître paradoxal de vouloir souligner les responsabilités de l’UE, et de certains de ses Etats
membres, dans la violation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien dans la mesure où
plusieurs résolutions et déclarations des organes de cette organisation se démarquent des positions
d’Israël et condamnent les violations du droit international commises par Israël.

L’UE est une puissance économique et politique de premier plan, capable de peser sur la solution du
conflit. Elle est un acteur important de la scène internationale et de surcroît membre du Quatuor.

L’UE dispose d’une représentation importante au sein du Conseil de Sécurité des Nations unies. En
effet, deux Etats membres de l’UE (France et Grande-Bretagne) sont membres permanents du Conseil
de sécurité et ont donc la capacité de proposer et de mettre à l’ordre du jour le recours au chapitre VII
pour débattre et adopter des mesures de sanction contre les politiques israéliennes portant atteinte à la
paix et à la sécurité internationales. Or, elle elle-même n’a jamais cherché sur le plan diplomatique, en
son sein ou dans le cadre des Nations unies à engager ses membres ou la Communauté internationale
dans un processus de sanctions ou de menaces de sanctions pour mettre fin aux violations d’Israël.
Bien plus, en plaçant sur un pied d’égalité l’agresseur israélien et l’agressé palestinien, l’Union
européenne et certains de ses membres contribuent, par une manipulation des faits, à la violation du
principe de bonne foi qui doit gouverner l’application des règles de droit international, conformément à
la Charte des Nations Unies (art. 2 §2) et à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (art.
26). L’Union européenne a pourtant, à plusieurs reprises, agi de façon active et déterminée dans les
affaires relatives aux agressions de la Serbie en Bosnie et au Kosovo et lors du conflit entre la Géorgie
et la Fédération de Russie. Jamais l’UE n’a entrepris un effort équivalent pour amener Israël à respecter
les résolutions du Conseil de sécurité ou des organes de l’Union elle-même.

De plus, en acceptant d’être membre du Quatuor, l’Union européenne a la responsabilité d’agir pour
concrétiser la création d’un Etat palestinien souverain. Le principe de bonne foi oblige l’UE et les Etats
membres à observer une cohérence entre, d’une part, les décisions et déclarations publiques dont ils se
prévalent, les responsabilités acceptées en tant que membres du Quatuor et du Conseil de sécurité et
d’autre part les actes politiques, diplomatiques et juridiques qu’ils engagent. L’UE n’a jamais engagé des
actions permettant de concrétiser les politiques affichées relatives à l’établissement d’un Etat
palestinien. Bien au contraire, l’UE s’est engagée, par certaines de ses politiques, dans une direction
contraire au principe du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. En effet, après les résultats
des élections législatives au Conseil palestinien, qui avaient donné la majorité au mouvement Hamas,
l’UE formule des exigences qui mettent délibérément en échec la volonté du peuple palestinien, comme
si ce dernier ne peut s’exprimer que dans le sens des intérêts et des points de vue étrangers. En niant la
volonté des électeurs palestiniens et en refusant la formation d’un gouvernement d’union nationale
entre l’OLP et le Hamas, l’UE s’est pliée aux exigences israéliennes et a violé le principe et le contenu
du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

L’UE, de surcroît, agit de manière discriminatoire dans plusieurs domaines sensibles pour l’exercice du
droit à l’autodétermination. Dans le cadre du Quatuor et en dehors de ce cadre, l’UE exige que le
Hamas reconnaisse Israël et renonce à toutes violences contre l’occupant sans rien exiger d’Israël en
contrepartie, particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance claire et complète du droit à
l’autodétermination du peuple palestinien, alors que cette reconnaissance est un préalable essentiel qui
doit être exigé d’Israël.

En conclusion :

-Ces discriminations se traduisent finalement par une couverture des violations du droit international
perpétrées par Israël et même par un encouragement à persévérer dans la négation du droit à
l’autodétermination du peuple palestinien.

-Cette interprétation est clairement corroborée par les propositions des ministres des affaires étrangères
de l’UE de « rehausser » les relations et le statut d’Israël avec l’Union. Cette proposition s’ajoute au
« statut avancé » dont bénéficie déjà Israël dans l’UE et qui indiquait que, malgré les résolutions du
Conseil favorables au respect du droit international et malgré toutes les violations du droit international
signalées par les Nations unies, par de nombreux Etats et par les ONG de défense des droits humains,
l’Union européenne est satisfaite et se félicite du comportement de cet Etat. Bien plus, la proposition
de « rehaussement » des relations d’Israël avec l’UE constitue un encouragement à agir dans la même
voie et à recourir à la force. C’est ainsi que quelques mois après cette proposition de « rehaussement »
des relations avec l’Europe, Israël se sent confortée dans sa position d’Etat placé au dessus du droit
international et décide de déclencher, le 30 décembre 2008, des opérations de guerre contre les
populations de Gaza.

-Les réactions de l’UE sont dans le sens des politiques habituelles de cette organisation, qui refuse de
prendre les mesures susceptibles de stopper et sanctionner la violence des armées israéliennes, malgré
l’horreur des massacres de populations civiles et des destructions des services publics les plus
indispensables à la vie des populations. Le rapport Goldstone, réalisé sous l’égide des Nations Unies,
constate de la part des protagonistes du conflit et particulièrement de la part de l’armée israélienne, des
crimes graves qui s’analysent comme des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

-L’Europe soutient l’adoption du rapport Goldstone par l’Assemblée générale des Nations Unies sans
rien faire de plus pour en tirer les conséquences en ce qui concerne les réparations et autres sanctions
qui devraient par suite être décidées contre Israël. Le droit international général exige diverses
réparations intégrales ou par équivalents pour réparer les violations du droit international causées sur
les territoires étrangers. Or dans le cas des destructions et des crimes israéliens, jamais l’UE ou ses Etats
membres n’ont essayé de mettre à l’ordre du jour la question des réparations par Israël conformément
au droit international. Dans ces cas, comme dans d’autres circonstances, aucune initiative n’est
sérieusement avancée par l’UE, ou par la France ou le Royaume Uni de Grande Bretagne, en tant que
membre permanent du Conseil de sécurité et en tant que membre influent du Quatuor, pour décider
des sanctions contre les agressions perpétrées contre le peuple palestinien.
L'apartheid contre le peuple palestinien

Luciana Coconi et David Bondia


Synthèse

Le but de ce document est de déterminer l’existence – ou non – du crime d’apartheid contre le peuple
palestinien en Israël ainsi que dans les Territoires Palestiniens Occupés.

I. Q’est-ce que l’Apartheid ?

a) Définition
- L’article 7 du Statut de la Cour Pénale Internationale définit l’apartheid comme « des actes inhumains
commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un
groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir
ce régime. »
- « Apartheid » est un terme afrikaans signifiant « vivre à part ». C’est un système qui établit, à travers
des lois, des mesures et des pratiques politiques la suprématie d’un groupe d’êtres humains sur un autre
selon des critères raciaux.
- Les éléments qui constituent le Crime d’Apartheid sont[1] : - la « politique des Bantoustans » par
laquelle ont été créés des territoires réservés à des groupes raciaux spécifiques ; - des réglementations
régissant la circulation des Africains noirs et Asiatiques (Indiens) dans les zones urbaines ; - une
politique démographique visant à réduire la population noire tout en favorisant l’immigration des
Blancs ; - l’emprisonnement et le mauvais traitement des leaders politiques non-blancs et des
prisonniers non-blancs en général. Toutes ces violations sont commises à grande échelle, et elles
constituent une pratique discriminatoire systématique des droits de l’homme les plus fondamentaux.
b) Le Crime d’Apartheid a été défini dans différents traités et classifié comme un crime contre
l’humanité, aujourd’hui encore condamné par la législation internationale parce qu’il représente l’une
des pires formes de discrimination raciale.
c) La Convention Internationale sur l’Elimination et la Répression du Crime d’Apartheid, entrée en
vigueur le 18 juillet 1976, définit l’apartheid dans son article II comme « des actes inhumains commis
dans le but d’établir et de maintenir la domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial avec
oppression systématique. »
d) Les auteurs stipulent que les personnes responsables de ce crime en Israël et dans les Territoires
Palestiniens Occupés peuvent être sanctionnées bien qu’Israël n’a pas ratifié la Convention contre
l’Apartheid.
- Parce que l’élimination et la répression de ces crimes contre l’humanité constituent une règle
impérative générée par le droit coutumier international qui engage chaque Etat qu’il ait ratifié les traités
internationaux ou non.
- En ce qui concerne la responsabilité des individus, les Principes de Nuremberg stipulent que : « Le fait
que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage pas la
responsabilité en droit international de celui qui l'a commis. » (Principe II)[2].
- L’Apartheid, un crime contre l’humanité, est sujet à deux principes le distinguant des crimes
ordinaires : le Principe de juridictions universelles[3] ou extraterritoriales et le Principe de non
applicabilité de Limitations Statuaires.
II. Dans la seconde partie du document, les auteurs expliquent en quoi la législation internationale
est applicable en Israël et dans les Territoires Palestiniens Occupés.

III. Puis les auteurs se concentrent sur les violations constantes des droits de l’homme identifiés par
les Comités des Traités et les Rapporteurs Spéciaux de Nations Unies qui révèlent l’existence d’un
régime d’apartheid quand ils sont analysés dans leur ensemble.

IV. Enfin ils démontrent comment le système législatif applicable en Israël et dans les Territoires
Palestiniens Occupés établit des critères de ségrégation et de division de la population en fonction de
paramètres raciaux ou limitent l’application de certains droits de l’homme.

V. Conclusion : les auteurs affirment que la discrimination à laquelle Israël soumet le peuple
palestinien constitue un crime d’apartheid.

L’article II de la Convention sur l’apartheid établit ce qui suit :

« Aux fins de la présente Convention, l'expression « crime d'apartheid », qui englobe les politiques et pratiques
semblables de ségrégation et de discrimination raciales, telles qu'elles sont pratiquées en Afrique australe, désigne les actes
inhumains indiqués ci-après, commis en vue d’instituer et de maintenir la domination d'un groupe racial d’êtres humains
sur n'importe quel autre groupe racial d’êtres humains et de systématiquement les opprimer ;
a) Refuser à un membre ou à des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux le droit à la vie et à la
liberté de la personne :

i) En ôtant la vie des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux ;
Par des « meurtres sélectifs » - qui en fait constituent des exécutions extrajudiciaires – l’armée
israélienne élimine des militants palestiniens dans le but d’étouffer toute tentative de soulèvement.

ii) En portant gravement atteinte à l'intégrité physique ou mentale, à la liberté ou à la dignité des membres d'un
groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, ou en les soumettant à la torture ou à des peines ou des traitements cruels,
inhumains ou dégradants. »
Les restrictions imposées sur la liberté de circulation, la destruction d’habitations et

d’infrastructures infligent un dommage physique et moral au peuple vivant dans les

Territoires Palestiniens Occupés de diverses et nombreuses manières.


Les mauvais traitements et méthodes d’interrogations équivalents à de la torture auxquels sont soumis
les Palestiniens, adultes et enfants, lorsqu’ils sont arrêtés et détenus.

iii) En arrêtant de façon arbitraire et en détenant illégalement les membres d'un groupe racial ou de plusieurs
groupes raciaux ;
La pratique de « détentions administratives » sans inculpations ni procès, qui peuvent être prolongées
pendant de longues périodes et qui touchent non seulement les adultes mais aussi les moins de 18 ans.

b) Imposer de façon délibérée à un groupe racial ou à plusieurs groupes raciaux des conditions de vie destinées à entraîner
leur destruction physique totale ou partielle ;
La fermeture des frontières de Gaza et les restrictions qui s’en sont suivies sur la circulation de
personnes et de nourriture, de même que les dégâts apportés à l’infrastructure de la production
alimentaire, condamnent dans les faits la population à la faim et à la malnutrition.

c) Toutes mesures législatives ou toutes autres mesures mises en place pour empêcher un groupe racial ou plusieurs groupes
raciaux de participer dans la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays, et la création délibérée de conditions
faisant obstacle au plein développement du groupe ou des groupes considérés, en particulier en privant les membres d’un
groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux des droits et des libertés fondamentaux de l’homme, y compris le droit de
travailler, le droit de former des syndicats reconnus, le droit à l’éducation, le droit de quitter son pays et d’y revenir, le
droit à une nationalité, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, le droit à la liberté d’opinion et
d’expression, et le droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques ;
L’ensemble du système juridique isrélien établi un monumental fossé entre les Juifs et les Arabes
palestiniens puisque toute la législation favorise les Juifs et maintient les Arabes palestiniens dans un
état d’infériorité, à travers un certain nombre de lois israéliennes empêchant le retour des refugiés
palestiniens, la récupération de leur terre et qui leur interdit de profiter de leur nationalité.

d) Prendre des mesures, y compris des mesures législatives, visant à diviser la population selon des critères raciaux en
créant des réserves et des ghettos séparés pour les membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, en
interdisant les mariages entre personnes appartenant à des groupes raciaux différents, et en expropriant les biens-fonds
appartenant à un groupe racial ou à plusieurs groupes raciaux ou à des membres de ces groupes ;
Les populations juives et palestiniennes sont clairement séparées, différents espaces physiques leur sont
alloués, avec des niveaux variés dans la qualité des infrastructures, des services et dans l’accès aux
ressources.
e) Exploiter le travail des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, en particulier en les soumettant au
travail forcé ;
Bien qu’Israël n’ait pas de système exploitation du travail de la population palestinienne, sa politique a
restructuré la main d’oeuvre palestinienne à travers la suppression de l’industrie palestinienne,
l’introduction de restrictions sur les exportations ainsi que d’autres mesures ayant augmenté la
dépendance des Territoires Palestiniens Occupés par rapport à Israël, et – aujourd’hui plus que jamais –
par rapport à l’aide internationale. Depuis la victoire en janvier 1996 du Hamas dans les élections de la
bande de Gaza, aucun travailleur provenant de cette région n’a eu quelque accès que se soit à Israël[4].

f) Persécuter des organisations ou des personnes, en les privant de libertés et droits fondamentaux, parce qu'elles s'opposent
à l'apartheid ;
Israël persécute et impose des restrictions sur les personnes qui opposent ce régime basé sur la
ségrégation, qui condemnent les violations des droits de l’homme perpétrées par le gouvernment ou qui
critiquent les actions de l’armée israélienne. Israël réprime également toutes manifestations contre le
Mur dans les Territoires Palestiniens Occupés ou contre l’administration discriminatoire des terres, de
l’eau et des infrastructures.

Au vu de toutes les violations souffertes par le peuple palestinien au jour le jour, nous pouvons
clairement faire le cas du crime d’apartheid dont les Palestiniens sont les victimes.

Cette situation dure depuis 60 ans parce qu’Israël bénéficie de la complicité (active ou passive) de la
Communauté Internationale. Dans ce sens, le silence institutionel de l’Union Européenne et de ses
Etats membres est remarquable, non seulement du point de vue des sérieuses violations des lois
régissant l’aide humanitaire internationale et les droits de l’homme, mais aussi en ce qui concerne
l’hypocrisie qui empêche l’Union Européenne et ses états membres de dénoncer ce crime d’apartheid et
les pousse à accepter le perpétuation d’une politique qui nie le respect du principe de dignité humaine
au peuple palestinien.

[1] Commission des Droits de l’Homme, Etude sur la Question de l’Apartheid du Point de Vue du
Droit Pénal International, E/CN.4/1075, 15 février 1972, pp. 51 – 52.
[2] Principes de Loi Internationale reconnus par la Charte du Tribunal de Nuremberg et par le
Jugement du Tribunal. Projet de Code des Crimes Contre la Paix et la Sécurité de l'Humanité – Annuaire
de la Commission du Droit International, UN, A/CN.4/368, 13 avril 1983
[3] Convention Internationale sur l’Elimination et la Répression du Crime d’Apartheid

[4] Voir : Conseil sur la Recherche en Sciences Humaines, Occupation, Colonialisme, Apartheid ?, mai
2009, Cap Town, Afrique du Sud, p.268
Cas de complicité passive de l’Union européenne vis-à-vis des violations du droit international
qui découlent de l’occupation israélienne des territoires palestiniens.
Par Agnès Bertrand SOAS (Université de Londres) / APRODEV
Synthèse

La position (déclarations politiques) de l’Union européenne vis-à-vis du conflit israélo-palestinien


tourne autour de deux axes :
-la création d’un Etat palestinien indépendant et démocratique ;
-les parties au conflit doivent respecter le droit international : Charte des Nations Unies, droit à
l’autodétermination du peuple palestinien, respect du droit international des droits de l’Home et
respect du droit international humanitaire, en particulier la 4ième Convention de Genève.
Toutefois, les déclarations de l’UE ont été toujours été marquées d’une certaine forme d’équidistance.
Les condamnations de la politique israélienne sont toujours assorties d’une exigence symétrique à
l’endroit de l’Autorité palestinienne. L’UE entretient avec l’Etat d’Israël et l’Autorité palestinienne des
relations étroites et ce dans divers domaines. Citons à cet effet :
-L’UE est le premier partenaire commerciale d’Israël.
-Dans le cadre du partenariat E-M initié à Barcelone en 1995 et crée dans le but de promouvoir des
échanges commerciaux, l’UE insiste sur la nécessité pour les pays partenaires du pourtour
méditérannéen de respecter les droits de l’Homme et les libertés démocratiques. Chaque accord
d’association signé avec ses partenaires contient une clause relative à ces deux principes. Les accords
entre l’UE et Israël n’échappent pas à cette règle. Par ailleurs, l’accord d’association prévoit un régime
de traitement préférentiel attribué seulement aux produits provenant de l’Etat d’Israël. Or, Israël
exporte des produits qui proviennent des colonies de peuplement et ces marchandises bénéficient à
leur arrivée sur le marché européen d’un tarif douanier préférentiel.
-Israël participe aussi à divers programmes européens de recherche. Le même problème –relatif à la
participation des colonies de peuplement- a été soulevé en 2005 avec le Ve et VIe programme cadre
recherche et développement. En effet, la Commission européenne a avoué que des entités basées dans
les colonies de peuplement participent à ces programmes.
-Dans sa politique européenne de voisinage (PEV) mise en place en 2004, politique qui crée un cadre
de relations entre l’UE et les pays de sa périphérie, ces derniers s’engagent à assurer le respect des droits
de l’Homme et les libertés démocratiques à l’instar des principes contenus dans les accords
d’associations. Elle prévoit un système de contrôle annuel qui doit servir de base à un
approfondissement éventuel des relations existantes.
-L’Etat d’Israël est sur le point de conclure des accords en matière d’aviation civile et au sein d’Europol.
Si aucune précaution n’est prise auparavant, comme l’insertion d’une clause limitant le territoire de
l’Etat d’Israël aux frontières de 67, des problèmes liés à la participation des colonies de peuplement
peuvent surgir.
-L’Union européenne est le premier bailleur de fonds de l’Autorité palestinienne. Elle participe à divers
programmes de construction d’infrastructures dans les territoires palestiniens. Or, l’association des
agences de coopération et de développement nationale a estimé que le montant des infrastructures
détruites par Israël depuis 2000 et financées par l’UE et ses Etats membres s’élevait à 56,35 millions
d’euros. Le dommage subi lors de l’opération « Plomb durci » s’estimerait à 12.35 millions d’euros. La
Commission et les Etats membres de l’UE n’ont pourtant aucune intention de demander des
dommages et intérêts pour la destruction de ces infrastructures. Ils se cachent généralement derrière
l’argument qui veut que ces infrastructures ont été données à l’Autorité Palestinienne et que par
conséquent, elle seule a un intérêt à agir.
- L’UE livre le fuel industriel nécessaire au fonctionnement de la centrale électrique de Gaza à travers le
programme PEGASE, le mécanisme de financement d’aide aux palestiniens. Des restrictions ont été
imposées sur la délivrance du fuel suite au blocus de la Bande de Gaza. En octobre 2007 Israël
n’autorisait la livraison que de la moitié du fuel nécessaire à un fonctionnement optimal de la centrale
électrique. En janvier 2008, elle avait épuisé ses réserves et ne pouvait fonctionner qu’à 30 % de ses
capacités. A présent, le total du fuel industriel autorisé à rentrer à Gaza s’élève à 2.2 millions de litres
par semaine soit 75% de ce dont elle a besoin pour fonctionner à 100% (2.9 millions de litre).
En conclusion :
-En théorie l’UE dispose de clauses à travers une série d’accord qui peuvent servir de base juridique
pour la suspension d’un accord en cas de non respect des droits de l’Homme. La Cour de Justice des
communautés européennes l’a confirmée dans sa jurisprudence. Par ailleurs, l’UE a été amenée à
suspendre des accords, pour non respect des droits de l’Homme, dans d’autres situations (cf.
Yougoslavie-UE en 1991, accords d’association UE-Pays ACP, ..) similaires à bien des égards au cas
israélien.
-Les silences répétés de l’UE ou les absences de réaction face à certaines violations des droits de
l’Homme alors qu’elle aurait intérêt à agir puisque ses intérêts politiques ou financiers sont en jeu
peuvent agir comme un signal que la pratique illégale en question est tolérée. Cela est d’autant accentué,
lorsqu’on prend en considération ses engagements préalables, et notamment l’insertion de la clause
droits de l’homme dans ses accords. De surcroit, avec Israël, l’UE est confrontée à un partenaire qui a
une interprétation du droit international et des droits de l’homme différente de la sienne. Ces
différences d’interprétation vont forcement rentrer en jeu lors de l’application des accords entre l’UE et
Israël. La façon dont les Etats membres de l’UE réagissent et laissent ou non Israël appliquer ces
accords en fonction de son interprétation est déterminante puisque non seulement cela peut menacer
l’intégrité de leur propre système juridique et violer l’engagement de la part de l’UE et de ses Etats
membres de baser leurs relations avec Israël sur le respect des droits de l’homme mais aussi cela
constitue un signal de tolérance par rapport a cette interprétation et donc des violations du droit qui en
découlent.
- L’inaction de l’UE face à la destruction de ses projets et ainsi face l’anéantissement des objectifs de
sa politique équivalent à un silence tacite face aux violations du droit international qui ont amené Israël
à la destruction de ces édifices.
- l’UE en délivrant son aide aux Palestiniens se substitue à Israël et remplit pour lui ses obligations de
Puissance occupante. L’Etat d’Israël impose à l’UE sa propre vision de la politique humanitaire de
l’Union européenne à destination du peuple palestinien. L’exemple de l’approvisionnement de la
centrale électrique de Gaza en fuel industriel illustre très bien comment les pratiques illégales
israéliennes peuvent dicter la conduite de la politique humanitaire européenne.
- Sa décision de procéder à l’approfondissement de ses relations avec Israël en décembre 2008 participe
du même signal. Elle prend une telle décision alors que la population de Gaza subit un siège et que de
manière générale la perspective de la création d’un Etat palestinien auquel elle a elle-même dédié
d’importants efforts est très limitée.
-Sans une véritable stratégie qui placerait les droits de l’homme et le droit international en son cœur,
l’UE perpétuera une attitude où elle adapte sa politique constamment aux crises qui découlent du
conflit israélo-palestinien et du coup aide une occupation voire un système d’apartheid à se pérenniser.
Jérusalem et l’Union Européenne

Par Ghada Karmi, Ecrivain et docteur en médecine, Palestine

Synthèse

Ce document présente la situation actuelle de la colonisation de Jérusalem-Est et la réponse politique


contradictoire de l’UE.

Historique : la colonisation de Jérusalem-Est par Israël

Depuis l’acquisition de la partie Est de Jérusalem par Israël au cours de la guerre arabo-israelienne de
1967, ce pays a poursuivi une politique de colonisation agressive, qui s’est déroulée sur plusieurs fronts :

1. Colonisation politique – Jérusalem devient la capitale d’Israël

2. Colonisation physique – accomplie à travers l’implantation de colons israéliens et qui s’allie à une
politique de démolition d’habitations arabes et à l’expulsion d’Arabes de leurs maisons pour les
remplacer par des colons juifs

3. Changement démographique – de façon à transformer Jérusalem en une ville juive, une série de
politiques de judaïsation a été introduite : limite apportée au droit de résidence des Arabes et mise en
place de mesures discriminatoires vis-à-vis des permis de construire. Aujourd’hui, la population de
Jérusalem est composée de 70 pour cent de Juifs contre 30 pour cent d’Arabes ; en 1967, les habitants
étaient presque tous arabes.

4. Exploration archéologique – depuis 1967 des archéologues israéliens ont réalisé d’importantes
excavations dans la vieille ville et à Silwan dans le but de trouver des preuves d’une présence historique
juive. De nombreux rapports indiquent que ces fouilles mettent en danger les anciennes fondations de
monuments historiques islamiques dans la vieille ville et menacent un certain nombre de biens
historiques des périodes islamique et préislamiques.

5. Expansion – l’établissement de colonies a entraîné l’expropriation de nombreux Palestiniens d’une


grande région en Cisjordanie. Le Mur, qui entoure Jérusalem-Est, a permis l’annexion par Israël de
larges zones de territoires palestiniens.

6. Effets sociétaux – Israël restreint la circulation des Palestiniens dans et hors de Jérusalem, les
coupant ainsi de ce qui a été un centre important de la vie palestinienne.
La politique de l’UE sur Jérusalem

La politique de l’UE sur Jérusalem se caractérise par une contradiction fondamentale. D’une part, la
position officielle de l’UE établit que chacun des points décrit ci-dessus est illégal. Mais d’autre part,
l’UE ne porte aucune pression significative sur Israël pour que ce pays mette fin à ces activités, tout en
maintenant des relations proches et privilégiées avec Israël.

Contradictions dans la politique de l’UE avec Israël

1. Bien que l’UE a publié des rapports, des déclarations et des opinions critiquant les agissements
d’Israël à Jérusalem-Est parce qu’ils vont à l’encontre de la politique officielle de l’UE, ceux-ci ont
rarement, si ce n’est jamais, résulté en sanctions ou en l’exercice de pressions significatives pour
qu’Israël respecte les lois internationales.

Exemples

- La réunion du Conseil de l’UE des Affaires Etrangères du 8 décembre 2009 : « A réaffirmé que l’UE
ne reconnaît aucun des changements faits par Israël dans les territoires occupés, y compris à Jérusalem,
et que les colonies de peuplement et la barrière de séparation ont été érigées sur des terres occupées,
que la démolition de maisons et les expulsions sont illégales au regard du droit international, qu'elles
constituent un obstacle à la paix et menacent de rendre impossible une solution fondée sur la
coexistence de deux États… Le Conseil demande instamment au gouvernement israélien de mettre
immédiatement fin à toutes les activités d'implantation et réclame l’ouverture de points de passage à
Gaza ». ET il appelle à la résolution de la question du statut de Jérusalem comme future capitale de
deux États.

- Les Chefs de Mission de l’UE produisent des rapports réguliers dont beaucoup critiquent la conduite
d’Israël à Jérusalem. Cependant, ces rapports restent confidentiels et ne sont pas publiés sous la
pression d’Israël.

2. L’UE répare souvent les dommages causés par Israël sur les bâtiments et l’infrastructure palestiniens
sans jamais réclamer de compensations financières à Israël.

3. Au contraire, et malgré les violations israéliennes, l’UE maintient une relation forte avec Israël tout
en lui accordant des avantages exceptionnels.

Exemples
Liens politiques et commerciaux

- L'Accord d'Association entre l'Union européenne et Israël 1995, ratifié en 2000, fournit des avantages
politiques et financiers à Israël, qui a également signé un accord de structure avec la Banque
Européenne d’investissements lui accordant des prêts, et institutionnalise ses relations avec Israël.

- L’UE est le plus gros marché d’exportation d’Israël et sa deuxième source d’importation (après les
USA). Israël est également membre du Partenariat Euro-Méditerranéen.

- En ce qui concerne Gaza, le consensus est qu’il est peu probable que l’UE impose des sanctions à
Israël.

- L’UE s’est engagé dans un profond partenariat avec Israël dans des domaines tels que les échanges
commerciaux et l’investissement, et des coopérations économiques, sociales, financières, civiles,
scientifiques, culturelles et sociales dans le but d’intégrer Israël dans les politiques européennes et des
programmes faits « sur mesure ». Israël va recevoir 14 millions d’Euros en coopération financière au
cours des sept prochaines années.

- Le premier ministre italien a proposé le 1er février 2010 qu’Israël devienne un état-membre de l’UE.

Coopération scientifique

L’UE a permis à l’Université Hébraïque d’accéder au programme Euraxess ce qui a mené au


développement d’une large gamme d’activités communes dans les milieux scientifique et technique et
dans le domaine de la recherche. Israël a accès aux fonds de recherches de l’EU ainsi qu’à ses
équipements. De nombreux programmes communs invitent les scientifiques israéliens dans les
universités européennes et les centres technologiques. Les étudiants israéliens ont droit à des bourses
fondées par l’UE dans de nombreux domaines. En janvier 2010, Israël a été invité à intégrer l’Espace
Européen de Recherche ce qui lui offre d’énormes avantages et lui permet l’accès à la recherche
scientifique européenne.

Conclusion

Cette ambivalence envers Israël résulte en une véritable complicité dans les abus commis contre les
droits de l’homme des palestiniens et va à l’encontre du droit international. Tant que cette situation
durera, il est peu probable que la conduite d’Israël changera. Dans ce sens, l’UE est devenu un outil aux
mains d’Israël et l’auteur complice d’actes illégaux vis-à-vis du droit international et des Palestiniens.
Le respect par l’Union européenne de ses obligations internationales
en relation avec la construction par Israël du Mur en territoire palestinien occupé

Par François Dubuisson, Professeur Assistant, Centre de droit international de l’Université Libre de
Bruxelles (ULB)

Dans son avis consultatif rendu le 9 juillet 2004 dans l’affaire concernant les Conséquences juridiques de la
construction d’un mur en Territoire palestinien occupé[1] (ci-après « l’avis »), la Cour a conclu à l’illégalité de la
construction par Israël du « Mur » et du régime juridique qui y est associé. Cette construction, dans la
mesure où elle se faisait en territoire palestinien occupé, a été jugée comme étant contraire au droit
international humanitaire, à divers instruments concernant les droits de l’homme, ainsi qu’au principe
du droit des peuples à l’autodétermination. En conséquence, la Cour a non seulement indiqué qu’Israël
avait l’obligation de cesser l’érection du mur et de détruire les portions déjà construites mais a
également établi que pesaient sur les Etats tiers et les Nations Unies une série d’obligations juridiques
visant l’Etat d’Israël, formulées de la manière suivante :

- « Tous les Etats sont dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la
construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette
construction; tous les Etats parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l'obligation, dans le respect de la
Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international
humanitaire incorporé dans cette convention » ;

- « II appartient par ailleurs à tous les Etats de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et
du droit international, à ce qu'il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à
l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination » ;

- « L'Organisation des Nations Unies, et spécialement l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité,


doit, en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent
être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du
régime qui lui est associé ».

Comme on peut le constater, la mise en œuvre de l’avis relatif au mur se conçoit essentiellement, pour
les Etats, en terme d’obligations telles qu’elles sont constatées par la Cour internationale de Justice[2].

A la suite du prononcé de la décision sur le Mur, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, à
une très large majorité[3], la résolution ES 10/15 par laquelle elle « prend acte de l’avis consultatif
donné par la Cour internationale de Justice »[4]. Par cette résolution, l’Assemblée « demande à tous les
États Membres de l’Organisation des Nations Unies de s’acquitter de leurs obligations juridiques telles
qu’elles sont énoncées dans l’avis consultatif»[5]. Cet élément de la résolution est fondamental, puisqu’il
indique que les Etats qui ont voté en sa faveur, parmi lesquels on compte l’ensemble des Etats
membres de l’UE, se reconnaissent effectivement liés par les obligations qui sont énoncées à leur
charge dans l’avis de la Cour[6].

De l’avis de la CIJ et de la résolution ES 10/15 de l’AG des Nations Unies, on peut donc dégager à
charge des Etats membres de l’Union européenne les obligations internationales suivantes, conçues
comme constituant dans leur chef la conséquence juridique du caractère illicite de la construction par
Israël du mur en territoire palestinien occupé :

- l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur ;


- l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette
construction ;
- l'obligation de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans la quatrième
convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août
1949 ;
- l’obligation de veiller à ce qu'il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à
l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination ;
- l’obligation, au sein des Nations Unies, d’examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin
de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur.

Tandis que les deux premières obligations visent un devoir d’abstention (obligation de ne pas faire), les
trois dernières impliquent de la part des Etats l’adoption d’un comportement actif visant à amener
Israël à se conformer au droit international. Dans la suite du rapport, nous examinerons successivement
le respect par l’UE et ses Etats membres de ces deux catégories d’obligations.

I. Le respect par l’Union européenne de ses obligations d’abstention concernant la situation


illicite créée par la construction du mur en territoire palestinien

Comme on l’a montré, l’UE et ses Etats membres sont tenus par un devoir d’abstention qui se
composent de deux obligations distinctes : ne pas reconnaître la situation illégale créée par la
construction du mur (A) ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation (B).

A. Le respect par l’Union européenne et ses Etats membres de leur obligation de ne pas
reconnaître la situation illicite créée par la construction du mur

L’illicéité de la construction du mur implique que les Etats n’admettent aucun effet juridique à la
situation de fait établie par cette construction. Cette obligation découle du fait que, comme l’a constaté
la CIJ, « le tracé choisi pour le mur consacre sur le terrain les mesures illégales prises par Israël et
déplorées par le Conseil de sécurité [l’installation de colonies de peuplement] » et que le mur « dresse
ainsi un obstacle grave à l'exercice par le peuple palestinien de son droit a l'autodétermination[7] » de
même qu’il viole le droit international humanitaire et le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques[8]. Selon la commission du droit international, cette obligation « vise non seulement la
reconnaissance officielle de ces situations mais aussi l’interdiction de tous actes qui impliqueraient une
telle reconnaissance »[9].

La vérification du respect de cette obligation suppose d’analyser les positions prises par l’UE et ses
Etats membres, en relation avec la construction du mur par Israël. A cet égard, il ne semble pas que les
déclarations ou les actes adoptés par l’UE ou ses Etats membres traduisent une quelconque
reconnaissance juridique de la situation illégale établie par l’érection du mur. Comme on l’a vu, les Etats
membres de l’UE ont voté en faveur de la résolution ES 10-15 de l’AG des Nations Unies qui prend
acte de l’avis de la CIJ et ont depuis lors approuvé, au sein de l’UE, plusieurs déclarations réaffirmant
l’illicéité de la construction du mur par Israël. Ainsi, lors du sommet tenu à Bruxelles en juin 2005, le
Conseil européen a énoncé :

« Le Conseil européen, tout en reconnaissant le droit d'Israël de protéger ses citoyens contre des
attentats, demeure préoccupé par la poursuite de la construction de la barrière de séparation dans le
territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est et dans ses alentours, en contradiction avec les
dispositions pertinentes du droit international. […]

Le Conseil européen réitère l'importance qu'il attache au respect de la légalité internationale par les
parties. En particulier, aucune partie ne devrait entreprendre des mesures unilatérales ni préjuger des
questions relatives au statut final. L'Union européenne ne reconnaîtra aucune modification des
frontières de 1967 autre que celles qui sont négociées entre les parties »[10].

Dans le même sens, le Conseil des affaires étrangères du 8 décembre 2009 a rappelé « que les colonies
de peuplement et la barrière de séparation ont été érigées sur des terres occupées, que la démolition de
maisons et les expulsions sont illégales au regard du droit international, qu'elles constituent un obstacle
à la paix et menacent de rendre impossible une solution fondée sur la coexistence de deux États »[11].

On peut dès lors conclure que l’UE et ses Etats membres ont satisfait à leur obligation de ne pas
reconnaître comme valide la situation illégale créée par la construction du mur en territoire palestinien
occupé.

B. Le respect par l’Union européenne et ses Etats membres de leur obligation de ne pas prêter
aide ou assistance au maintien de la situation créée par la construction du mur
La construction du mur par Israël établissant une situation illégale, les Etats tiers ne peuvent prêter
aucune aide ou assistance au maintien de cette situation. Cette obligation « vise les comportements qui,
ex post facto, aident l’Etat responsable à maintenir une situation » qui se prolonge en violation du droit
international[12]. En l’espèce, ce serait notamment le cas d’Etats qui offriraient à Israël une aide
financière ou une assistance technique dédiée aux travaux de construction du mur. A notre
connaissance, aucune aide de ce type n’est accordée à Israël par l’UE ou ses Etats membres, de sorte
que l’on doit considérer que ceux-ci respectent leurs obligations internationales à cet égard.

II. Le respect par l’Union européenne et ses Etats membres de leurs obligations de faire
respecter le droit international par Israël

Le second volet des obligations qui s’imposent aux Etats consiste à faire respecter par Israël le droit
international humanitaire et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. L’avis de la CIJ
souligne la fait que ces obligations doivent être mises en œuvre par les Etats individuellement ou
collectivement, notamment au sein des Nations Unies.

L’obligation de faire respecter le droit international humanitaire prend sa source dans l’article 1er
commun aux conventions de Genève[13], qui énonce que « les Hautes Parties contractantes s'engagent
à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances ». Selon le Commentaire
des Conventions de Genève, « si une Puissance manque à ses obligations, les autres Parties
contractantes (neutres, alliées ou ennemies) peuvent elles - et doivent elles - chercher à la ramener au
respect de la Convention »[14]. Cela implique que les Etats « fassent […] tout ce qui est en leur pouvoir pour
que les principes humanitaires qui sont à la base des Conventions soient universellement
appliqués »[15].

L’obligation de veiller à la mise en œuvre du droit du peuple palestinien à l’autodétermination découle,


selon la Cour, de son caractère d’obligation erga omnes et du principe énoncé par la résolution
2625 (XXV) de l’AG des Nations Unies, selon laquelle « tout Etat a le devoir de favoriser,
conjointement avec d'autres Etats ou séparément, la réalisation du principe de l'égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, conformément aux dispositions de la Charte »[16].

La difficulté posée par la mise en œuvre de ces deux obligations réside en ce qu’elles constituent des
obligations de comportement ou de moyen, consistant à déployer une diligence raisonnable afin
d’obtenir le respect de l’obligation internationale en cause. A cet égard, les mesures à déployer afin
d’amener l’Etat concerné à respecter ses engagements ne sont pas prédéfinies, et sont tributaires des
moyens à la disposition des Etats, dans les circonstances particulières de l’espèce[17]. Ainsi, si la Cour
indique dans son avis qu’il faudra « examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de
mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est
associé », elle ne détermine pas en quoi devraient consister ces « nouvelles mesures »[18].

Concernant l’obligation de faire respecter le droit humanitaire, les mesures pouvant contribuer à en
assurer la mise en œuvre qui sont évoquées par la doctrine sont de nature très variées quant à leur
portée coercitive, et vont des condamnations publiques aux contre-mesures, en passant par les mesures
de rétorsion (rupture des relations diplomatiques, non renouvellement d’avantages,…) ou encore la
saisine du Conseil de sécurité[19]. S’y ajoutent des mesures propres au droit international humanitaire,
comme la convocation d’une Conférence des Hautes Parties contractantes, l’établissement d’une
commission d’établissement des faits ou la répression des infractions graves de droit humanitaire[20].
Concernant l’obligation relative à la mise en œuvre du droit à l’autodétermination du peuple palestinien,
elle se limite, selon le texte de la résolution 2625 déjà cité, à un « devoir de favoriser » ce droit,
« conjointement avec d'autres Etats ou séparément ».

La portée exacte des obligations mises à la charge des Etats par l’avis de la CIJ demeure assez floue
quant aux mesures précises que leur respect impose d’adopter[21]. Il n’est dès lors guère aisé de fixer le
minimum attendu des Etats pour satisfaire leur obligation de « faire respecter » le droit humanitaire ou
de « favoriser » le droit à l’autodétermination ? Toutefois, s’agissant de véritables obligations, on peut
considérer qu’il est requis des Etats qu’ils adoptent, dans le respect du droit international, les mesures
raisonnablement envisageables qui sont de nature à inciter effectivement l’Etat concerné à respecter le
droit international. Il est a fortiori exigé que les Etats s’abstiennent d’actes qui iraient à l’encontre de
l’objectif d’incitation au respect du droit humanitaire et du droit à l’autodétermination.

A l’heure actuelle, il faut partir du constat qu’Israël n’a pas mis fin à la construction du Mur, qui s’est
poursuivie depuis 2004, ce qui signifie que les mesures prises jusqu’à présent se sont révélées
inefficaces. Dans les lignes qui suivent, nous examinerons tout d’abord, quelles sont les actions
effectivement entreprises par l’UE et ses Etats membres en vue de mettre en œuvre leurs obligations
énoncées dans l’avis (1). Ensuite, nous examinerons si d’autres mesures plus efficaces sont
raisonnablement à la disposition de l’UE et ses Etats membres afin de faire respecter par Israël ses
obligations internationales (2). Enfin, nous vérifierons si l’UE et ses Etats membres ont adopté des
mesures pouvant être considérées comme allant à l’encontre de l’objectif d’amener Israël à respecter le
droit humanitaire et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien (3). La conjonction de ces trois
éléments nous permettra de faire une évaluation de la manière dont l’UE et ses Etats membres ont
rempli leurs obligations de faire respecter le droit humanitaire et de favoriser le droit à
l’autodétermination par Israël.

1. Les mesures prises par l’UE et ses Etats membres pour faire respecter le droit international
par Israël en relation avec la construction du mur

La première mesure à avoir été adoptée par les Etats de l’UE est le vote en faveur de la résolution de
l’AG des Nations Unies ES 10/15 du 20 juillet 2004. Cette résolution prévoit la mise en œuvre de deux
mesures particulières : une demande adressée au Secrétaire général de créer un registre des dommages
subis par la population palestinienne et une invitation faite à la Suisse, en tant que dépositaire des
Conventions de Genève, à conduire des consultations et à faire rapport sur les moyens d’assurer le
respect du droit humanitaire dans l’affaire en cause.

Le Registre des dommages a été créé en décembre 2006 par la résolution ES-10/17, en faveur de
laquelle les Etats de l’UE ont voté[22]. Comme le précise le préambule de la résolution, cette mesure
s’inscrit dans la mise en œuvre de l’avis de la CIJ, en particulier son paragraphe 153, et des principes du
droit humanitaire et des droits de l’homme[23]. En juin 2009, environ 1500 plaintes avaient été
enregistrées[24]. Il faut toutefois noter qu’en l’absence de toute coopération d’Israël, le
dédommagement effectif des populations palestiniennes affectées par la construction du Mur risque
bien de rester lettre morte.

La seconde demande, adressée à la Suisse, a conduit à la publication par cette dernière d’un Rapport en
juillet 2005 relatif aux consultations menées à l’égard des Etats Parties quant aux moyens d’assurer le
respect par Israël de la 4e Convention de Genève, en particulier en relation avec la construction du
mur[25]. Sans entrer dans le détail de l’analyse[26], le Rapport rendu par la Suisse n’a débouché sur
aucune recommandation précise quant à l’adoption de mesures concrètes visant à inciter Israël à
respecter le droit humanitaire, et ce en raison de l’absence de consensus parmi les Etats.

Au delà de l’appui aux mesures prévues par la résolution ES-10/15, la politique de l’UE s’est limitée à
réitérer sa condamnation de l’édification du Mur dans plusieurs déclarations consacrées au processus de
paix au Moyen-Orient[27].

2. L’abstention de prendre d’autres mesures à la disposition de l’UE et de ses Etats membres


susceptibles de contribuer à faire respecter ses obligations internationales par Israël

La politique de l’UE décrite ci-dessus, qui a consisté essentiellement en l’adoption de déclarations de


condamnation, ayant démontré son inefficacité, il est nécessaire de vérifier si d’autres mesures étaient
raisonnablement disponibles, mesures qui auraient davantage pu contribuer à inciter Israël à se
conformer aux prescrits du droit international.

Parmi les moyens de « sanction » dont dispose les Etats afin de signifier leur réprobation face à une
violation grave du droit international figure la prise de mesures de rétorsion, qui se définissent comme
des actes inamicaux licites en eux-mêmes, pris en réaction à un acte inamical ou illicite[28]. Dans le cas
présent, ces mesures pourraient consister en la suppression d’avantages commerciaux. On pense en
particulier à la possibilité de dénonciation ou de suspension de l’Accord d’association conclu par
l’Union européenne avec Israël[29] , qui accorde aux parties une série d’avantages économiques et
douaniers. Une telle mesure ne soulèverait guère de difficultés juridiques, dans la mesure où l’article 82
de l’Accord autorise « chacune des Parties [à] dénoncer l’accord en notifiant son intention à l’autre
partie », l’accord cessant « d’être applicable six mois après cette notification ». Le recours à la possibilité
de dénoncer l’Accord d’association s’impose d’autant plus que son article 2 précise que « les relations
entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des
droits de l'homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales
et qui constitue un élément essentiel du présent accord » et que son préambule souligne « l’importance
que les parties attachent […] aux principes de la charte des Nations Unies ». L’existence d’une décision
de la CIJ établissant dans le chef d’Israël de multiples violations des droits de l’homme et du droit
humanitaire et le refus persistant d’Israël d’y mettre fin rend difficilement justifiable le fait que l’UE
s’abstienne de conditionner toute poursuite de l’application de l’Accord au respect du droit
international.

On constate que des mesures conformes au droit international sont à la disposition de l’UE, mais que
celle-ci ne préfère pas, par choix politique, y avoir recours, officiellement pour favoriser le processus de
négociation[30]. La poursuite du processus de paix est en effet souvent invoquée pour tolérer la
continuation de violations d’obligations internationales[31], dont la Cour a pourtant souligné le
caractère d’obligations erga omnes[32]. Cette attitude a été sévèrement critiquée par un groupe de huit
experts et rapporteurs spéciaux de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme, dans une déclaration
publiée en août 2005 :

« In large measure it seems that the ICJ's Opinion has been ignored in favour of negotiations
conducted in terms of the Road Map process. The exact nature of these negotiations is unclear but it
seems that they are not premised on compliance with the Opinion of the ICJ. They seem to accept the
continued presence of some settlements, which were found by the ICJ to be unlawful, and by necessary
implication the continued existence of some parts of the wall in Palestinian territory. In short, there
seems to be an incompatibility between the Road Map negotiations and the Court's Opinion […] »[33].

Dans cette mesure, il est essentiel que l’UE, notamment au sein du Quartet, promeuve un processus de
négociation qui se fonde sur le respect immédiat par Israël de ses obligations internationales, en
particulier la cessation de la construction du mur en territoire palestinien occupé qui, comme l’a
souligné la CIJ, vient renforcer l’installation illégale de colonies et « risque également de conduire à de
nouvelles modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé »[34]. En
s’abstenant d’exiger que tout processus de paix prenne appui sur le respect préalable par Israël de ses
obligations internationales, l’UE manque à son devoir de faire respecter le droit humanitaire et de
favoriser le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

3. L’adoption par l’UE de mesures allant à l’encontre de l’objectif de respect du droit


international par Israël

Depuis l’avis rendu par la CIJ, non seulement l’UE n’a pas envisagé de prendre des mesures de
rétorsion à l’égard d’Israël, mais en outre elle a choisi de lui accorder des avantages politiques et
économiques supplémentaires. Le 8 décembre 2008, le Conseil de l’UE a décidé de procéder à un
rehaussement de ses relations bilatérale avec Israël, en vue du renforcement des structures du dialogue
politique avec cet Etat[35]. Cet approfondissement des relations implique notamment la tenue annuelle
d’un sommet au niveau des chefs d’Etat, de trois réunions au niveau des ministres des Affaires
étrangères, l’invitation d’experts israéliens aux réunions de groupes de travail traitant de questions telles
que le processus de paix au Proche-Orient, les droits de l’homme ou la lutte contre le terrorisme,
l’invitation à l’alignement d’Israël sur les positions de l’UE en matière de politique étrangère et de
sécurité commune ou encore la mise en œuvre d’efforts en vue d’une normalisation du statut d’Israël
au sein du système institutionnel des Nations Unies. De manière tout à fait paradoxale, la décision du
Conseil souligne que « ce rehaussement doit être fondé sur les valeurs partagées des deux parties, en
particulier sur la démocratie et le respect des droits de l’Homme, de l’Etat de droit et des libertés
fondamentales, la bonne gouvernance et le droit humanitaire international », tandis qu’à l’occasion de ce
même sommet, le Conseil a condamné la politique israélienne de colonisation comme « contraire au
droit international » et compromettant « la création d’un Etat palestinien viable ». La conclusion d’un
accord donnant à Israël un statut privilégié auprès de l’Union, supposé fondé sur le respect des droits
de l’homme et du droit international humanitaire, alors même que cet Etat est convaincu de violer de
manière grave ces droits et n’offre nullement de mettre fin à ces violations apparaît être en claire
violation de l’obligation de l’UE et de ses Etats membres de faire respecter la 4e Convention de Genève
et de favoriser le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Depuis l’avènement du
gouvernement mis en place par B. Netanyahu, il semble que la mise en œuvre du rehaussement des
relations avec Israël ait été freinée par les autorités européennes[36]. Mais en l’absence d’une décision
officielle de suspendre ou rapporter la décision de rehaussement, celle-ci demeure en son principe et
continue à poser problème avec les engagements internationaux de l’UE et ses Etats membres.
Conclusions

Au terme du présent rapport, il est permis de tirer les conclusions suivantes concernant la
responsabilité internationale de l’UE et de ses Etats membres en relation avec la construction par Israël
du Mur en territoire palestinien occupé :

- les obligations internationales auxquelles sont tenus l’UE et ses Etats membres :

Au regard des principes de droit international pertinents, appliqués dans l’avis de la Cour internationale
de Justice du 9 juillet 2004 et repris dans la résolution ES-10/15 de l’AG des Nations Unies, l’UE et ses
Etats membres sont tenus par l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la
construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette
construction, de même qu’ils sont tenus par une obligation de faire respecter par Israël le droit
international humanitaire et une obligation de veiller à ce qu'il soit mis fin aux entraves à l'exercice par
le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination. Enfin, il incombe l’obligation d’examiner au
sein des Nations Unies quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la
situation illicite découlant de la construction du mur.

- la responsabilité internationale de l’UE et de ses Etats membres au regard de ces obligations :

1° Compte tenu des déclarations répétées condamnant l’illégalité de la construction du Mur, l’UE et ses
Etats membres ont satisfait à leur obligation de ne pas reconnaître comme valide la situation illégale
créée par la construction du mur en territoire palestinien occupé ;

2° Il n’existe aucun élément permettant de conclure au manquement par l’Union européenne et ses
Etats membres de leur obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée
par la construction du mur ;

3° En s’abstenant de prendre des mesures efficaces visant à inciter Israël à respecter le droit
international, comme la suspension de l’Accord d’association, l’UE et ses Etats membres violent leur
obligation de faire respecter le droit international humanitaire et de favoriser le droit à
l’autodétermination du peuple palestinien ;

4° En promouvant, au sein du Quartet, un processus de paix qui n’exige pas d’Israël la cessation
immédiate de la construction du Mur et qui en tolère la poursuite, l’UE et ses Etats membres violent
leur obligation de faire respecter le droit international humanitaire et de favoriser le droit à
l’autodétermination du peuple palestinien ;

5° En accordant des avantages complémentaires à Israël au terme d’un accord de rehaussement qui se
présente comme fondé sur le respect du droit international humanitaire alors même que ce droit est
violé par cet Etat de manière grave et persistante, l’UE et ses Etats membres violent leur obligation de
faire respecter le droit international humanitaire et de favoriser le droit à l’autodétermination du peuple
palestinien.
[1] C.I.J., Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, Avis consultatif du
9 juillet 2004, http://www.icj-cij.org.

[2] Voy. R. O’KEEFE, « Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied
Palestinian Territory : A Commentary », R.B.D.I., 2004/1, pp. 142-146 ; V. LOWE, « The significance
of the Advisory Opinion on the Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied
Palestinian Territory : A Legal Analysis », in Implementing the ICJ Advisory Opinion on the Legal
Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory — The role of
Governments, intergovernmental organizations and civil society, Report, 27 may 2005, United Nations,
International Meeting, on the Question of Palestine, Geneva, 8 and 9 March 2005,
http://domino.un.org/UNISPAL.NSF/frontpage5!OpenPage, pp. 22-24 ; P. WECKEL, « Chronique
de jurisprudence internationale », R.G.D.I.P., 2004, p.1035.

[3] 150 voix pour, 6 contre (Etats-unis, Israël, Austraie, Palau, Micronesie, Iles Marshall) et 10
abstentions.

[4] A/RES/ES-10/15, Avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le
pourtour de Jérusalem-Est, 20 juillet 2004.

[5] Nous soulignons.

[6] Voy. P. BEKKER, « The ICJ's Advisory Opinion regarding Israel's West Bank Barrier and the
Primacy of International Law », in Implementing the ICJ Advisory Opinion on the Legal
Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory — The role of
Governments, intergovernmental organizations and civil society, op. cit., pp. 64-70 ; M. HMOUD, « The
significance of the Advisory Opinion rendered by the ICJ on the legal consequences of the
construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory », in Implementing the ICJ Advisory
Opinion on the Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian
Territory — The role of Governments, intergovernmental organizations and civil society, op. cit., 53-60.

[7] Avis, § 122.

[8] Avis, § 137.

[9] Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite et commentaires y relatifs, 2001, p. 309.

[10] Conseil européen de Bruxelles, Conclusions de la présidence, 16 et 17 juin 2005, Annexe IV,
10255/05.

[11] Conclusions du Conseil des Affaires étrangères sur le processus de paix au Proche-Orient, 8
décembre 2009, 17281/09.
[12] Commission du droit international, op. cit., p. 313.

[13] Voy. Avis, § 158. Voy. aussi C.I.J., affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. États-Unis), Rec. 1986, § 220 ; L. BOISSON DE CHAZOURNES et L.
CONDORELLI, « Quelques remarques à propos de l’obligation des Etats de “respecter et faire
respecter” le droit international humanitaire “en toutes circonstances” », in Studies and Essays on
International Humanitarian Law ans Red Cross Principles in Honour of Jean Pictet, Geneva-The Hague,
Martinus Nijhof Publishers, 1984, pp. 17-35 ; L. BOISSON DE CHAZOURNES et L.
CONDORELLI, « Common Article 1 of the Geneva Conventions revisited : Protecting Collective
Interests », I.R.R.C., 2000, pp. 67-89 ; N. LEVRAT, « Les conséquences de l’engagement pris par les
Hautes Parties contractantes de “faire respecter” les Conventions humanitaires », in F. KALSHOVEN
and Y. SANDOZ (Eds), Implementation of International Humanitarian Law, Dordercht/Boston/London,
Martinus Nijhof Publishers, 1989, 267-269 ; E. DAVID, Principes de droit des conflits armés, 3e ed., Brussels,
Bruylant, 2002, pp. 562-569.

[14] J. PICTET (Dir.), Les Conventions de Genève du 12 août 1949, Commentaire, vol. IV, Genève, CICR,
1956, 21.

[15] Ibidem, nous soulignons.

[16] Avis consultatif, § 156. Voy. M. CHEMILLER-GENDREAU, « Responsibility of Governments


and intergovernmental organizations in upholding international law » in Implementing the ICJ Advisory
Opinion on the Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian
Territory — The role of Governments, intergovernmental organizations and civil society, op. cit., pp. 71
et s.

[17] See N. LEVRAT, op. cit., pp. 275-281.

[18] See P. WECKEL, op. cit., p. 1036.

[19] Voy. U. PALWANKAR, « Mesures auxquelles peuvent recourir les Etats pour remplir leur
obligation de faire respecter le droit international humanitaire », I.R.R.C., 1994, pp. 11-27 ; L.
BOISSON DE CHAZOURNES et L. CONDORELLI, op. cit., pp. 76-84.

[20] See L. BOISSON DE CHAZOURNES and L. CONDORELLI, op. cit., p. 77 ; N. LEVRAT, op.
cit., pp. 281-293.

[21] A. IMSEIS, « Critical Reflections on the International Humanitarian Law Aspects of the ICJ Wall
Advisory Opinion », A.J.I.L., 2005, pp. 114-117.

[22] A/RES/ES-10/17 du 15 décembre 2006.

[23] Article 3 du Règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre,
et article 29 de la 4e Convention de Genève de1949.

[24] Voy. OCHA, Five Years after the International Court of Justice Advisory Opinion. A Summary of the
Humanitarian Impact of the Barrier, United Nations, July 2009, p. 30.

[25] Rapport de la Suisse, en sa qualité de Dépositaire des Conventions de Genève, en application de


la résolution ES-10/15 de l’Assemblée générale, Annexe à la lettre datée du 30 juin 2005, adressée au
Président de l’Assemblée générale par le Représentant permanent de la Suisse auprès de l’Organisation
des Nations Unies A/ES-10/304, 5 juillet 2005.

[26] Pour une analyse plus approfondie du rapport, voy. Fr. DUBUISSON, « The Implementation of
the Advisory Opinion of the International Court of Justice concerning the Legal Consequences of the
Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory », Palestine Yearbook of International Law 2004-2005,
vol. XIII, 2007, pp. 27-54.

[27] Voy. notamment Conclusions du Conseil des Affaires étrangères sur le processus de paix au
Proche-Orient, 8 décembre 2009, 17281/09, § 6 ; Conclusions du Conseil Affaires générales et relations
extérieures sur le processus de paix au Moyen-Orient, 23 avril 2007, 8768/07, § 7; Conclusions du
Conseil Affaires générales et relations extérieures sur le Moyen-Orient, 22 janvier 2007, 5548/07, § 6 ;
Conclusions du Conseil Affaires générales et relations extérieures sur le Moyen-Orient, 10 avril 2006,
8228/06, p. 3; Conclusions du Conseil Affaires générales et relations extérieures sur le Moyen-Orient,
21 novembre 2005, 14754/05, § 7.

[28] Voy. J. SALMON (Dir.), Dictionnaire de droit international public, Brussels, Bruylant, 2001, p. 1007.

[29] Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et
leurs États membres, d'une part, et l'État d'Israël, d'autre part, J.O.C.E., 21 juin 2000, L.147/3. Sur cette
question, voy. aussi M. CHEMILLER-GENDREAU, op. cit.

[30] Voy. par exemple la réponse du Ministre belge des Affaires étrangères concernant la position
européenne :

« Le Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, dans sa Déclaration sur le processus de paix au Proche-
Orient, a souligné que "tout en reconnaissant à Israël le droit d’assurer la sécurité de ses citoyens, il
demeurait préoccupé par la poursuite de la construction de la barrière de séparation dans le territoire
palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est et dans ses alentours, en contradiction avec les
dispositions pertinentes du droit international".
Membre de l’Union, la Belgique souscrit bien sûr à cette déclaration et demeure vigilante à l’égard de
tous les développements susceptibles de menacer le processus de paix au Moyen-Orient. La poursuite
de cette construction, en contribuant à la dégradation des conditions de vie des Palestiniens et en
risquant de créer un fait accompli est de nature à rendre plus difficiles encore les efforts de la
Communauté internationale et notamment ceux du quartet USA-UE-ONU-Russie, en faveur d’une
paix juste et durable au Moyen-Orient.
Ni les sanctions, ni une éventuelle activation de la clause de l’Accord d’Association UE-Israël relative au
respect des Droits de l’homme ne nous semblent cependant opportunes. La raison en est notamment
que des développements positifs, certes relatifs, ont été constatés depuis le Sommet de Sharm el-Sheikh
entre Mahmoud Abbas et Ariel Sharon, en février dernier. Le Conseil européen des 16 et 17 juin 2005,
dans sa Déclaration sur le Proche-Orient, prend acte de ces développements positifs » (Réponse à la
demande d’explications de M. Christian Brotcorne au ministre des Affaires étrangères sur "l’avis rendu
par la Cour internationale de Justice le 9 juillet 2004 relatif au mur de séparation construit par Israël"
(n° 3-960), 15 juillet 2005, Sénat de Belgique).
[31] Sur ce point, voy. M. KOHEN, « The Advisory Opinion provides the legal framework for the
Israëli-Palestinian conflict », in Implementing the ICJ Advisory Opinion on the Legal Consequences of
the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory — The role of Governments,
intergovernmental organizations and civil society, op. cit., pp. 88-92.

[32] Avis, §§ 155-157.

[33] UN Experts Mark Anniversary of ICJ "Wall Opinion" : Call on Israël to Halt Construction of the
Wall, HR/05/092, 4 August 2005, Special Rapporteur on the situation of human rights in the
Palestinian territories occupied since 1967 Prof. John Dugard, Special Rapporteur on adequate housing
as a component of the right to an adequate standard of living Mr. Miloon Kothari, Special Rapporteur
on violence against women, its causes and consequences Ms. Yakin Erturk, Special Rapporteur on the
right to education Mr. Vernor Munoz Villalobos, Special Rapporteur on the right of everyone to the
enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health Mr. Paul Hunt, Special
Rapporteur on contemporary forms of racism, racial discrimination, xenophobia and related
intolerance Mr. Doudou Diène, Chairperson, Rapporteur, Working Group on arbitrary detention Ms.
Leila Zerrougui, Special Rapporteur on trafficking in persons, especially in women and children Ms.
Sigma Huda.

[34] Avis, § 122.

[35] Conclusions du Conseil – Renforcement des relations bilatérales de l’Union européenne avec ses
partenaire méditéranéens, 2915e session, 8-9 décembre 2008.

[36] Voy. « EU-Israel meeting ends with no progress on 'upgrade' », 16 juin 2009,
http://euobserver.com/9/28310.
L’Union européenne et la coopération militaire vers Israël

Par Patrice Bouveret, Observatoire des armements

Synthèse

Les violations manifestes du droit international humanitaire auraient dû conduire — depuis de


nombreuses années — la communauté internationale à prononcer un embargo sur les transferts
d’armes à l’encontre des acteurs du conflit israélo-palestinien. Ce n’est pas le cas. Il n’existe aucune
résolution adoptée par le Conseil de sécurité en ce sens. Hormis en 1948, ou le Conseil de sécurité
imposa un embargo sur les transferts d’armes vers Israël et les pays arabes voisins alors en conflit. De
courte durée, il fut levé en 1949 après la signature d’une convention d’armistice entre Israël, l’Égypte, la
Jordanie, le Liban et la Syrie. Toutefois, cela ne signifie pas que les États qui transfèrent des armes dans
cette région soient exonérés de toute responsabilité. Car, comme le souligne le CICR : « Un État qui
transfère des armes ou des équipements militaires fournit au destinataire les moyens de s’engager dans un conflit armé,
dont la conduite est régie par le droit international humanitaire. L’article premier commun aux quatre Conventions de
Genève de 1949 stipule que les États ont l’obligation de “respecter et faire respecter” le droit international
humanitaire. Afin d’éviter que l’accès non réglementé aux armes et aux munitions facilite les violations du droit
humanitaire, la manière dont le destinataire est susceptible de respecter ce droit devrait être l’un des éléments à prendre en
compte lors de toute décision en matière de transferts d’armes. ». Les États tiers, doivent en conséquence veiller
tout particulièrement à ce que les armes transférées ne soient pas utilisées pour commettre des
violations graves du droit international humanitaire. Toutefois, nous pouvons noter ces dernières
années — principalement depuis la fin de la guerre froide et surtout la première guerre du Golfe de
1991 —quelques évolutions en la matière. D’une part, un certain nombre d’instruments régionaux —
comme, par exemple depuis 1998, le Code de conduite de l’Union européenne, devenu juridiquement
contraignant en décembre 2008 — comprennent aujourd’hui une liste de critères à prendre en
considération avant d’autoriser des transferts d’armes.
Les sources d’information relatives aux matériels exportés vers Israël manquent de transparence. La
difficulté principale est d’établir une liste fiable et précise du type de matériel exporté afin de pouvoir
vérifier si leur usage est conforme au Code de conduite mis en place par l’UE. L’auteur rappelle, par
ailleurs, qu’il existe différents moyens à l’échelle internationale de disposer d’informations sur le
transfert d’armes, parmi ceux-ci, il cite notamment le registre des Nations unies sur le commerce des
armes établi depuis 1992, qui repose sur la base des déclarations volontaires annuelles de chacun des
États membres de l’ONU. Il rappelle une autre source utilisé en particulier par le monde des médias,
des ONG et de nombreux gouvernements : l’Institut d’études stratégiques indépendant (SIPRI) fondé
en 1966 en Suède et qui publie tous les ans un rapport sur le commerce des armes.
Au niveau européen il existe un instrument de réglementation des transferts d’armes : Le Code de
conduite de l’Union européenne. Cet instrument de réglementation né à la suite de la guerre contre
l’Irak de 1991 contient huit principes destinés à encadrer le commerce des armes et la coopération
militaire. En décembre 2008, le Code a acquis un caractère juridiquement contraignant avec pour
principal ambition « d’empêcher les exportations de technologies et qu’équipements militaires qui
pourraient être utilisés à des fins de répression interne ou d’agression internationale, ou contribuer à
l’instabilité régionale » (« Position commune 2008/944/PESC définissant des règles communes régissant le contrôle
des exportations de technologie et d’équipements militaires »
Pratiquement chacun des huit critères peut s’appliquer et conduire les États membres à refuser toute
exportation de matériel et technologies militaires en direction d’Israël… D’ailleurs, au fil des
informations fournies dans les différents rapports annuels de l’Union européenne, nous pouvons
constater que — à des degrés divers — tous les critères ont été utilisés pour justifier des refus de
licence à Israël.
La difficulté d’établir une interdiction de transfert d’armes vers Israël provient du fait que pour les États
membres, il s’agit d’un examen au cas par cas et que le lien doit être direct entre le produit exporté et
son utilisation contraire aux critères tels qu’ils sont définis. De plus, la Position commune précise bien
(article 4, alinéa 2) que « la décision de procéder au transfert ou de refuser le transfert de technologie ou d’équipements
militaires est laissée à l’appréciation nationale de chaque État membre ». Par ailleurs, la Position commune repose
sur une procédure de confiance entre les États et aucun système de vérification des autorisations au
regard des critères, ni de sanctions en cas de non-respect, n’a été mis en place. Pour vérifier l’application
par les États membres qui exportent en direction d’Israël des critères de la Position commune, il serait
nécessaire que soit publiée la liste précise des matériels exportés. Seule la publication d’une liste précise
des produits exportés permettrait de mesurer plus précisément la contribution militaire — et la
responsabilité — des différents États européens exportateurs dans les massacres perpétrés par l’armée
israélienne à l’encontre des populations palestiniennes largement étayés par les différents rapports
publiés par les organismes internationaux comme la commission Goldstone, Amnesty International,
Human Rights Watch, etc. Et, par cette occasion, de vérifier comment les critères du Code de conduite
de l’Union européenne sont appliqués. Car, le diable se cache dans les détails et l’enjeu des exportations
d’armes ne peut se mesurer à la seule aune de son volume financier.
Si on prend l’exemple de la France — qui représente environ la moitié des exportations de l’Union
européenne —, nous pouvons savoir qu’Israël a passé commande pour du matériel classé dans
différentes catégories d’armement. Or, il s’avère que ces exportations en question sont en
contradiction avec les critères du code de conduite.
Et lorsque, par exemple, le gouvernement français est interpellé — que ce soit par des journalistes, des
députés ou même par des représentants associatifs —, le porte-parole du ministère des Affaires
étrangères, ne cesse d’affirmer que « s’agissant d’Israël, pays pour lequel le montant total des exportations
françaises d’armements est relativement faible, la Cieemg [Commission interministérielle pour l’étude des exportations du
matériel de guerre] est particulièrement vigilante sur toutes les exportations de matériels de guerre »[1]. Une affirmation
de principe impossible à vérifier en l’absence d’éléments plus précis.
De même, interpellé par un député, qui s’inquiétait justement de « l’intensification des échanges dans le
domaine de l’armement », M. Hervé Morin, ministre de la Défense, lui a répondu que « le niveau des ventes
directes de matériels français à l’État israélien demeure relativement faible et reste concentré sur des composants ».
Pourtant, des enquêteurs d’Amnesty International, à partir de débris d’un missile utilisé par les
Israéliens à Gaza, à l’encontre d’une ambulance palestinienne, ont constaté que certains composants
portaient la mention « made in France ».

[1] Point presse du porte parole du Quai d’Orsay en date du 16 janvier 2009
(www.diplomatie.gouv.fr).
“Pourquoi punir les Palestiniens ?”
9 mars 2010
http://www.vdekeyser.be/2010/03/09/pourquoi-punir-les-palestiniens/

Du 1er au 3 mars s’est déroulé la première session internationale du Tribunal Russell pour la
Palestine, dont l’objectif est de déterminer les responsabilités de l’Union européenne et de ses États
membres dans les violations et les crimes commis par l’État hébreu contre le peuple palestinien
depuis plus de 60 ans. A l’appel des trois personnalités Ken Coates, Nurit Peled et Leila Shahid, ce
Tribunal s’est composé de personnalités de tous milieux, y compris israéliennes, reconnues pour
leur défense des droits des Palestiniens sur la base du droit international. Le Comité de parrainage
international s’est déjà étoffé d’une centaine de personnes comme Boutros Boutros-Ghali, ancien
secrétaire général de l’ONU, Mohammed Bedjaoui, ancien président de la Cour internationale de
justice, Noam Chomsky, professeur émérite au Massachussets Institute of Technology (MIT),
Gisèle Halimi, éminente avocate et ambassadrice de la France auprès de l’UNESCO… ou encore
Ken Loach, cinéaste.
C’est à plusieurs titres que Véronique De Keyser a été appelée comme témoin : membre de la
Commission des droits de l’homme, membre de la Délégation pour les relations avec le Conseil
législatif palestinien, Chef de la mission d’observation pour l’Union européenne des élections de
2006 en Palestine… La députée européenne soutient aussi très activement au sein du Parlement le
rapport Goldstone demandant des enquêtes indépendantes, répondant aux standards internationaux,
à Israël, au Fatah et au Hamas, sur l’opération “Plomb durci” à Gaza où elle s’était rendue pendant
le conflit.
Véronique De Keyser (Belgique), membre du Parlement européen a dénoncé la gravité des
violations commises par Israël avec la complicité européenne. Elle constate un changement radical
par rapport aux années 90, lors du gel des accords d’association par Cheysson. Et, à la veille de la
guerre de Gaza, évoque l’upgrading d’Israel. « Il y a une véritable responsabilité active de l’UE
dans les drames. En 2006, après les élections législatives palestiniennes, au bout de 3 mois l’UE a
décidé de sanctionner économiquement l’Autorité palestinienne. Ce fut un coup de tonnerre ! »,
expliqua Véronique De Keyser. Gaza était déjà dans une situation lamentable, l’AP proche de la
banqueroute à cause des USA. D’où la reprise de la violence, un attentat à Tel Aviv, le crise
humanitaire Gaza… « La question est : pourquoi punir les Palestiniens ? L’Europe joue au pompier
pyromane : elle crée un mécanisme intérimaire d’aide aux Palestiniens : l’aide humanitaire
seulement, on achète aux Israéliens le fuel et l’électricité et on donne une allocation aux plus
pauvres palestiniens pour qu’ils ne meurent pas de faim…
Puis ce fut l’escalade de la violence, l’embrasement au Moyen Orient par l’opération « Pluie d’été »
sur Gaza avec déjà des destructions importantes. Avec la guerre israélo-libanaise, la ligne rouge
était dépassée. L’Italie et la France ont fait pression pour que soit établie la Finul au Liban. Les
Parlementaires européens voulaient qu’Israël rende des comptes… et l’on a discuté au Conseil de
l’upgrading… sans parler des dédommagements et puis on fait une conférence de donateurs pour
reconstruire le Liban !
Deuxième événement : en décembre 2006, E. Olmert et T. Livni rencontrent une délégation de
parlementaires européens. Olmert dit qu’il faut renforcer le Fatah. Donc, donner des armes et de
l’argent à Abbas… pour contrôler le Hamas (et se battre contre lui). Printemps 2007, jamais les
Européens ni les USA ni Israël n’ont voulu favoriser l’unité palestinienne mais ils ont poussé aux
affrontements.
En décembre 2008, T. Livni annonce une intervention militaire au Parlement européen. Conclusion
du Conseil européen : le renforcement de la coopération avec Israël ! L’Europe savait qu’il y aurait
« Plomb durci » et a donné son soutien politique à Israël. Mais le Parlement refuse. La présidence
française de l’Europe considère que l’upgrading est le meilleur moyen de se faire entendre par
Israël. Il s’agit d’une politique qui se superpose à toutes nos règles et clauses de manière
incohérente. Le rapport Golstone fut une pierre dans la mare : pas de réaction du Parlement
européen, on en a parlé avec équidistance ahurissante (des morts des deux côtés). La société civile
doit pallier les insuffisances des politiciens. La députée place tout de même quelques espoirs en la
nouvelle équipe européenne.
Un membre du jury posa la question du Hamas présent sur la liste des terroristes alors qu’il est
représentant légitime du peuple palestinien. Véronique de Keyser stigmatisa cette liste opaque, sans
contrôle démocratique, plusieurs fois prise en défaut car il n’y a pas de droit à la défense. Ainsi, les
Moudjahidine du peuple (Iran) qui voulaient en sortir ont gagné devant la Cour européenne de
Justice. L’UE n’a fait aucune remarque au Hamas avant les élections et la liste électorale
comprenait des candidats non Hamas. Après ces élections, un quart du gouvernement et du
parlement palestinien a été mis en prison par Israël, sans la moindre réaction européenne. Or,
partout dans le monde, on réagit quand des parlementaires sont mis en prison, s’est offusqé Mme de
Keyser.
Si le Tribunal Russell souligne que le premier coupable dans cette affaire est Israël, la complicité de
plusieurs Etats rend ces derniers coupables d’un conflit qui ne cesse d’empirer au fil des ans. Les
témoignages ont été terrifiants et la responsabilité de l’Union européenne, sans équivoque. Seul le
courage des responsables politiques européens pour imposer le Droit à Israël pourrait arrêter cette
tragédie. C’est la conclusion du « tribunal populaire de conscience face à l’injustice » que partage
Véronique De Keyser.
Pour tout savoir des conclusions de la première session internationale du Tribunal Russell sur la
Palestine : http://tribunalrussell.blog.pangea.org/files/2010/03/CONCLUSIONS-TRP-FR.pdf
MANQUEMENTS ET VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL PAR ISRAËL DANS
LES TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPES
BARCELONE
1er, 2 et 3 MARS 2010

HOCINE OUAZRAF

Depuis 1948, Israël viole de manière persistante toutes les normes impératives du droit international.
L’attitude d’Israël a toujours consisté en un mépris ouvert de ses obligations internationales.
Le respect du principe du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
Droit acquis de haute lutte par les peuples colonisés, il constitue la pierre angulaire du droit
international. Depuis 60 ans, Israël prive le peuple palestinien de l’exercice de son droit à
l’autodétermination. Or, le principe du droit à l’autodétermination des peuples (aussi appelé « droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes ») est consacré par la Charte des NU qui dans son article 1er point 2
dispose qu’un des buts des Nations Unies est : « de développer entre les nations des relations
amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à
disposer d’eux-mêmes… ».
La résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 de l’Assemblée générale des Nations unies (ci-après
l’AG des NU) sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et pays coloniaux vient rappeler cette
obligation et l’interdiction de soumettre des peuples à une subjugation, à une domination et à une
exploitation étrangères.
Par ailleurs, le principe inaliénable du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est réaffirmé dans la
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats du
24 octobre 1970 (résolution 2625 (XXV) de l’AG des NU).
Dans sa résolution 2649 du 30 novembre 1970, l’AG des NU reconnaît l’application de la résolution
1514 (XV) au cas palestinien en soulignant que les Palestiniens sont un peuple soumis à une
« domination coloniale et étrangère » et qu’il bénéficie à ce titre des principes énoncés dans la
résolution 1514 (XV). Elle « condamne les gouvernements qui refusent le droit à l’autodétermination
aux peuples auxquels on a reconnu ce droit, notamment les peuples d’Afrique australe et de
Palestine. »
Plus récemment, la Cour internationale de Justice, dans l’affaire sur les Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, a affirmé qu’Israël viole le principe du
droit à l’autodétermination du peuple palestinien. De surcroît, elle rajoute qu’aujourd’hui le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes est devenu un droit opposable erga omnes.
Elle souligne par ailleurs qu’en vertu de l’article 1er paragraphe 3 commun au Pacte relatif au droits
économiques, sociaux et culturels et au Pacte relatif aux droits civils et politiques, que les Etats parties à
ces deux conventions ont l’obligation de faciliter l’exercice du droit à l’autodétermination. De la sorte,
elle rappelle les obligations de l’Etat d’Israël lié par plusieurs conventions relatives aux droits de
l’Homme bien que l’Etat d’Israël semble vouloir écarter leur application aux territoires palestiniens au
motif que ces instruments internationaux ne protègent qu’en temps de paix et pas en temps de guerre.
Argument balayé par la Cour qui conclut de manière claire à l’application des conventions relatives aux
droits de l’homme et ce, de manière complémentaire au droit international humanitaire. L’Etat d’Israël
est donc tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en matière de droits de l’Homme dans les
territoires palestiniens occupés en vertu des instruments conventionnels qu’il a ratifiés. Position qui sera
reprise par le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies qui rappelle que les dispositions des
deux pactes s’appliquent aux habitants des territoires palestiniens.
L’un des corollaires direct du droit du peuple palestinien à l’autodétermination est l’interdiction de
l’acquisition de territoires par la force. En effet, la privation du droit à l’autodétermination du peuple
palestinien par l’Etat d’Israël contrevient également au principe d’interdiction d’acquisition de
territoires par la force tel qu’énoncé avec vigueur à l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des NU qui
souligne :
« Les membres des Nations Unies s’abstiennent dans leurs relations internationales, de
recourir à la menace ou l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout Etat, soit de tout autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies. »
En juin 1967, suite à la guerre des six jours, les forces armées israéliennes occupent l’ensemble des
territoires qui constituaient la Palestine historique. A cette date, l’Etat d’Israël occupe désormais la
Cisjordanie, la Bande de Gaza et la partie orientale de Jérusalem. Le 22 novembre 1967, le Conseil de
sécurité des Nations unies (ci-après le CS des NU) adopte la résolution 242 qui rappelle le principe
d’interdiction d’acquisition de territoires par la force, pose les principes d’une paix juste au Proche-
Orient et appelle l’Etat d’Israël à un « retrait des forces armées israéliennes des territoires
occupées lors du récent conflit ». Israël est tenu d’appliquer les résolutions du Conseil de Sécurité en
vertu de l’article 25 de la Charte des Nations unies qui contraint les Etats membres à « accepter et
exécuter les décisions du Conseil de sécurité ». A ce jour Israël a violé et continué de violer plus de 30
résolutions du Conseil de sécurité.
La conjonction des deux principes (autodétermination et interdiction de l’acquisition de territoires par
la force) apparaît clairement dans les résolutions de l’AG 31/20 de l’AG des NU du 24 novembre
1976 qui considère que l’évacuation des territoires occupés par Israël en 1967 est une condition
préalable à l’exercice du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
Par ailleurs, l’AG reconnaît aux peuples soumis à une domination coloniale « un droit à la résistance »
en vue de recouvrir leurs droits légitimes. La reconnaissance explicite du « droit à la résistance » du
peuple palestinien apparaît clairement dans la résolution 2649 du 30 novembre 1970 aux termes de
laquelle l’AG :
« 1.Affirme la légitimité de la lutte que mènent les peuples assujettis à une domination
coloniale et étrangère et auxquels on a reconnu le droit à disposer d’eux-mêmes pour
recouvrer ce droit par tous les moyens dont ils disposent ;
2. Reconnaît le droit qu’ont les peuples assujettis à une domination coloniale et étrangère,
dans l’exercice légitime de leur droit à l’autodétermination, de solliciter et de recevoir tous
types d’assistance morale et matérielle, conformément aux résolutions de l’Organisation des
Nations Unies et à l’esprit de la Charte des Nations Unies »
Rappelons par ailleurs comme nous venons de l’exposer que la résolution susmentionnée fait
directement référence au cas palestinien.
La légitimité du droit à la résistance est repris à l’article 1er § 4 du Protocole additionnel aux
Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (ci-après Protocole I) qui souligne que les conflits visés par la présente Convention :
« …sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination
coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies. »
2)Les colonies de peuplement et le pillage de ressources naturelles
Le développement et l’extension des colonies de peuplement sont une entrave permanente et illégale à
la jouissance effective par les Palestiniens de leur droit à disposer d’eux-mêmes. Depuis 1967, Israël
s’est lancé dans une politique soutenue de colonisation des territoires palestiniens avec en Cisjordanie et
à Jérusalem-Est près de 150 colonies. Plus de 38% de la Cisjordanie est composé de colonies dont le
nombre ne cesse d’augmenter y compris pendant les périodes dites de « processus de paix ». Ainsi, le
nombre de colonies a augmenté de 63% depuis 1993, et ce malgré le lancement du processus de paix à
Oslo.
La colonisation des territoires palestiniens occupés depuis 1967 constitue une constante de la politique
de tous les gouvernements israéliens toutes tendances et toutes sensibilités politiques confondues. La
mise en place d’une politique intensive de colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par les
autorités israéliennes viole de nombreuses dispositions du droit international et en particulier certains
principes du droit international humanitaire.
Bien qu’Israël conteste l’application des principes du droit international humanitaire aux territoires
palestiniens, il ne fait aucun doute aujourd’hui que la IVième Convention de Genève « relative à la
protection des personnes civiles en tant de guerre », adoptée le 12 août 1949 soit applicable dans les
territoires palestiniens occupés (ci-après IVième Convention). D’une part, l’Etat d’Israël lié par cette
convention qu’elle a ratifiée le 6 juillet 1951 ; d’autre part, la Palestine s’est engagée en 1982 dans une
déclaration unilatérale à appliquer cet instrument conventionnel. Israël réfute l’application de la IVième
Convention au motif que la Palestine n’est pas un territoire d’une Haute partie contractante au regard
de la Convention. Or, cette position ne résiste pas à l’analyse des articles concernant le champ
d’application des principes consacrés dans la IVième Convention. En effet, l’article 4 de la IVième
Convention fait des Palestiniens des bénéficiaires de la protection consacrée par ce texte conventionnel.
Il dispose que :
« Sont protégées par la Convention les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque
manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une partie au
conflit ou d’une puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes. »
L’AG des NU et le CS des NU ont à plusieurs reprises réitéré ce point de vue et demandé de manière
constante et répétitive à Israël, d’appliquer la IVième Convention. Ainsi le 5 novembre 2009 l’AG, dans
sa résolution 64/10 qui entérine les conclusions du rapport GOLDSTONE, rappelle de manière claire
que :
« les règles et principes pertinents du droit international, notamment humanitaire et des
droits de l’homme, en particulier la Convention de Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 19491, qui est applicable au territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. »
Enfin, il en est de même du Comité international de la Croix-Rouge, qui a plusieurs reprises, a appuyé
et entériné les positions du CS des NU et de l’AG des NU.
Il est à noter par ailleurs, que si l’Etat Israël a ratifié les quatre Conventions de Genève de 1949, il n’a
pas ratifié le Protocole I. Il reste néanmoins tenu de les respecter, dans la mesure où les principes
consacrés par les deux Protocoles font partie du droit international coutumier. Ils doivent donc être
respectés par toutes les parties d’un conflit armé.
En vertu de l’article 49 (par.6) de la IVième Convention, les colonies de peuplement sont illégales. Elles
contreviennent aux principes énoncés dans cet article qui stipule que :
« la puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa
propre population civile dans le territoire occupé par elle. »
Ces pratiques qui visent à bouleverser les données démographiques de la population palestinienne ont
été condamnées à plusieurs reprises par le CS des NU et l’AG des NU. Ainsi dès le 8 décembre 1972,
l’AG des NU rappelle l’interdiction de toute modification de la structure démographique et matérielle
des territoires arabes occupés.
Un tel point de vue sera réitéré à plusieurs reprises par le CS des NU. Ainsi, dans sa résolution 446 (22
mars 1979) le Conseil de sécurité rappelle que la colonisation des territoires arabes occupés n’a
« aucune validité en droit » et prie Israël puissance occupante de se retirer des territoires occupés.
Par ailleurs, la politique de colonisation des territoires palestiniens a porté atteinte au droit du peuple
palestinien à sa souveraineté sur ses ressources naturelles. La problématique de la gestion des ressources
naturelles est à mettre en lien avec le respect du principe du droit à l’autodétermination du peuple
palestinien. Il s’agit d’un droit collectif qui fait largement partie du droit du peuple palestinien à
disposer de lui-même. Les questions relatives à la gestion des ressources naturelles comme corolaire
direct du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ont fait l’objet d’intenses débats au sein des Nations
Unies. Dans la résolution 3281 (XXIX) du 12 décembre 1974 (Charte des droits et des devoirs
économiques des Etats), l’AG rappelle que toutes les formes d’occupation et d’appropriation de
ressources naturelles qui les accompagnent sont interdites. Ces ressources doivent êtres restituées, voir
le cas échéant êtres indemnisées.
Les deux aspects de cette résolution (condamnation et indemnisation) ont été consacrés dans plusieurs
résolutions de l’AG des NU relatives au cas palestinien. A titre d’exemple, l’article 2 de la résolution
3175 du 17 décembre 1973 revient sur l’interdiction de l’exploitation des ressources par une puissance
occupante et réaffirme que « toutes les mesures prises par Israël pour exploiter les ressources humaines
et naturelles des territoires occupés sont illégales et demande à Israël de mettre immédiatement un
terme à toutes ces mesures. ». Quant au droit à l’indemnisation du peuple palestinien, il fait lui aussi
l’objet de plusieurs résolutions de l’AG qui appellent « à une pleine indemnisation pour l’exploitation,
l’épuisement, les pertes des ressources naturelles des territoires palestiniens. »
L’annexion de Jérusalem-Est
Dans la lutte du peuple palestinien pour le recouvrement de son droit à l’autodétermination, la
question de Jérusalem semble être une des plus épineuses. La ville de Jérusalem bénéficiait à l’origine
d’un statut international spécifique défini par la résolution 181 de l’AG des NU du 29 novembre 1947
de la manière suivante :
« La ville de Jérusalem sera constitué en corpus separatum sous un régime international
spécial et sera administré par les Nations Unies. Le Conseil de tutelle sera désigné pour
assurer, au nom de l’Organisation des Nations unies, les fonctions d’autorité chargée de
l’administration. »
Le statut international de Jérusalem consacré par la résolution 181de l’AG des NU sera remis en cause
par la politique d’expansion territoriale de l’Etat d’Israël. En effet, dès 1948, Israël s’empare de la partie
occidentale de la ville suite à la première guerre israélo-arabe (1948-1949). Ce qui allait aboutir à une
division de la ville : le nouvel Etat juif occupant la partie occidentale de la ville sainte. Cette action sera
dénoncée par l’AG des NU qui rappelle la nécessité de placer la ville sainte sous régime international et
souligne que la ville de Jérusalem « devrait jouir d’un traitement particulier et distinct de celui des autres
régions de Palestine et devrait être placé sous le contrôle effectif des Nations Unies »
La décision israélienne d’étendre sa souveraineté par décret (décret 2064 du 28 juin 1967), à l’ensemble
du territoire de Jérusalem, suite à la guerre des six jours de juin 1967, est vigoureusement dénoncée par
le CS des NU. Dans sa résolution 298 (25 septembre 1971), le CS des NU « confirme de la façon la plus
explicite que toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le
statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de
populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non
avenues. »
Malgré les appels du CS des NU sommant l’Etat d’Israël de s’abstenir d’adopter toute disposition
législative ou administrative visant à altérer le statut politique ou physique de la ville de Jérusalem, une
étape de plus est franchie par les autorités israéliennes le 30 juillet1980 par l’adoption de la loi
fondamentale faisant de Jérusalem la capitale « entière et réunifiée de l’Etat d’Israël ». Face à cette
situation le CS des NU dans sa résolution 478 du 20 août 1978 :
« 2. Affirme que l’adoption de la loi fondamentale par Israël constitue une violation du droit
international (…)
5. décide de ne pas reconnaître la loi fondamentale et les autres actions d’Israël, qui du fait de
cette loi, cherchent à modifier le caractère et statut de Jérusalem et demande :
a) à tous les Etats membres d’accepter cette décision ;
b) aux Etats qui ont établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces
missions de la Ville sainte »
Aujourd’hui l’Etat d’Israël poursuit activement et impunément l’annexion illégale de Jérusalem Est par
sa politique de judaïsation qui se manifeste par un processus de colonisation accru et soutenu, le
transfert de population d’Israël vers Jérusalem Est, l’expulsion des résidents palestiniens sous
différents motifs et la destruction de leurs habitations. Ces pratiques réduisent jour après jour les
chances de faire de Jérusalem, la capitale de deux Etats. L’Union Européenne n’a jamais reconnu
l’annexion de Jérusalem Est par Israël et ses États Membres ont donc installé leurs missions
diplomatiques accréditées à Tel Aviv.
Depuis 1967, les résolutions du CS des NU ayant trait au statut de Jérusalem vont constamment
rappeler la condamnation de l’annexion par les autorités israéliennes de la ville sainte.

Le blocus de Gaza et l’opération « Plomb durci »


Dans sa politique d’agression contre le peuple palestinien, la bande de Gaza est soumise depuis plus de
trois ans à un blocus économique et humanitaire par les autorités israéliennes qui en on fait « une entité
hostile ». Il convient ici d’apporter quelques éclaircissements quant au statut juridique de la bande de
Gaza au regard des principes du droit international. L’évacuation des colons et des militaires israéliens
de la bande de Gaza en 2005 a été présentée par les responsables politiques et militaires israéliens
comme une action mettant un terme à l’occupation de ce territoire. C’est ainsi que l’ex-premier Ministre
israélien, Ariel SHARON déclarait le 15 septembre 2005 à l’AG des NU que la bande de Gaza était
désormais un territoire libre et souverain, ce qui mettait fin aux obligations d’Israël envers ce territoire
en tant que puissance occupante. Or, le paramètre déterminant qui permet d’établir si un territoire est
occupé en droit international est le contrôle effectif d’un territoire qui ne passe pas nécessairement par
une présence militaire. Au regard de toute une série de considérations, il ne fait aujourd’hui aucun doute
qu’Israël demeure une puissance occupante qui exerce un contrôle effectif sur la bande de Gaza. En
effet, les différents éléments suivants permettent d’accréditer notre thèse :
a) Israël contrôle toujours les six voies d’accès à la bande de Gaza ;
b) Israël contrôle toujours la bande de Gaza au moyens d’incursions militaires ;
c) Israël interdit certaines parties de la Bande de Gaza aux habitants. Dans ces zones, ordre a été donné
à l’armée de tirer en cas de non respect de cette interdiction ;
d) Israël a toujours le contrôle total de l’espace aérien de la bande de Gaza ;
e) Israël contrôle toujours les eaux territoriales de la bande de Gaza ;
f) Israël contrôle les registres de l’état civil des Palestiniens : les statuts des habitants de la bande de
Gaza sont déterminés par l’armée israélienne ;
Toutes ces considérations font que la bande de Gaza demeure un territoire occupé au regard des
dispositions du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Israël
reste une puissance occupante et les habitants de la bande Gaza continuent à bénéficier de la protection
de la IVième Convention. Tous les agissements de l’Etat d’Israël dans la bande de Gaza doivent donc
être évalués à la lumière des dispositions de ces deux branches du droit international. Ainsi le blocus et
le siège de la bande de Gaza en vigueur depuis plus de trois ans contreviennent aux obligations
internationales de l’Etat d’Israël. Cette pratique s’apparente à bien des égards à une punition collective
prohibée par l’article 33 de la IVième Convention. En outre, en tant que puissance occupante, Israël a le
devoir de tout faire en vue de prévenir les crises humanitaires auxquelles est confrontée la Bande de
Gaza du fait du blocus. C’est du moins ce qui ressort de l’article 55 de la IVième Convention.
Le blocus de la bande de Gaza a engendré des pénuries en tous genres du fait d’agissements des
responsables militaires israéliens. Les mesures prises par Israël (fermeture des points de passage,
réduction des fournitures de fioul et d’électricité, cessation des activités bancaires, crise alimentaire,
chômage endémique, …) sont des violations manifestes du droit international des droits de l’homme,
en particulier les dispositions du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels comme le
droit à la vie (art.6), le droit à une nourriture suffisante (art.11), le droit au meilleur état de santé
physique et mentale (art.12), le droit à l’éducation (art.13), …
De plus, le blocus de la Bande de Gaza a accru les risques de malnutrition alimentaire des enfants. Le
droit des enfants à des conditions de vie décentes et à la santé font partie des principes repris à l’article
24 de la Convention relative aux droits de l’enfant que l’Etat d’Israël a ratifié.
Lors de l’offensive militaire « Plomb durci » lancée contre la bande de Gaza entre le 27 décembre 2008
et le 18 janvier 2009, que le CICR n’hésite pas à qualifier « d’épicentre d’un vaste séisme », devant
l’immense dévastation humaine et matérielle imposée par les 22 jours de l’opération, Israël a
délibérément commis des violations du droit des conflits armés. A commencer par le principe le plus
élémentaire qui vise à faire la distinction entre personnes civiles et combattants. Selon le droit
international humanitaire, les parties à un conflit doivent impérativement, lors des opérations militaires,
faire la distinction entre personnes civiles et combattants. Les attaques menées de manière
indiscriminées sont prohibées. Le rapport GOLDSTONE souligne que les forces armées israéliennes
ont pris pour cible la population civile de la bande de Gaza au mépris des règles les plus élémentaires
du droit international humanitaire. Les attaques lancées contre des civils contreviennent aux principes
énoncés dans les articles 48 et 51 du Protocole I. Pour les membres de la Mission GOLDSTONE, il ne
faut aucun doute que :
« le comportement des forces armées israéliennes est constitutif de graves violations de la
quatrième Convention de Genève pour avoir tué délibérément des personnes protégées et leur
avoir causé délibérément de grandes souffrances, (…). La Mission constate aussi que le fait de
prendre délibérément pour cible et tuer arbitrairement des civils palestiniens est une violation
du droit à la vie. »
L’organisation israélienne « Rompre le silence » a recueilli le témoignage de soldats qui ont participé à
l’opération militaire et qui confirment les conclusions du rapport GOLDSTONE. Les témoignages
font état d’attaques délibérées contre des civils palestiniens lors de l’opération « Plomb durci ». Les
soldats présents étaient par ailleurs soumis à des pressions du rabbinat militaire qui consistaient à
déshumaniser les Arabes et à traiter le conflit comme une guerre sainte contre un ennemi démoniaque.
Autre distinction a respecté lors de tout conflit armé international : la distinction objectif
militaire/objectif civil.
D’après le rapport GOLDSTONE, l’armée israélienne a délibérément visé des objectifs civils lors des
opérations militaires. De tels comportements constituent une violation de la règle du droit international
humanitaire coutumier selon laquelle les attaques doivent être strictement limitées aux objectifs
militaires. Or, les bombardements aériens, les attaques de la marine et les incursions terrestres ont
provoqué des destructions d’habitations civiles (pas moins de 21000 habitations ont été détruites),
d’hôpitaux civils et d’institutions officielles au mépris des dispositions de l’article 53 IVième
Convention et 51 du Protocole I. Pour le Juge Richard GOLDSTONE, il ne fait aucun doute que « les
destructions illégales et aveugles qui ne se justifient pas par des nécessités sont constitutives de crimes
de guerre. »
-refus d’évacuer ou d’apporter assistance aux blessés
Le rapport GOLDSTONE souligne aussi que les forces armées israéliennes ont systématiquement
refusé l’évacuation des blessés palestiniens et interdit l’accès de ces derniers aux ambulances. Or,
l’article 56 de la IVième Convention interdit formellement d’entraver de quelque manière que ce soit le
travail des humanitaires et du personnel médical sur les terrains de conflit.
-L’utilisation de civils palestiniens comme boucliers humains et les personnes détenues en Israël
L’utilisation de civils palestiniens comme boucliers humains par Israël lors de l’ Opération plomb durci
a été dénoncé par les membres de la Mission GOLDSTONE. Le rapport de la Mission fait état de
situations où :
«Les forces armées israéliennes ont obligé des civils palestiniens sous la menace de leurs
armes à prendre part à des perquisitions au cours des opérations militaires. (…). La Mission
conclut que cette pratique revient à utiliser des civils palestiniens comme boucliers humains et
est donc interdite par le droit international humanitaire. Elle compromet le droit à la vie des
civils de manière arbitraire et illégale et constitue un traitement cruel et inhumain.
L’utilisation de boucliers humains est un crime de guerre. »
Plusieurs instruments conventionnels internationaux interdisent l’usage des non-combattants comme
boucliers humains. Ainsi, la IVième Convention prohibe explicitement ces pratiques. Son article 28
prévoit qu’aucune « personne protégée ne pourra être utilisée pour mettre, par sa présence, certains
points ou certaines régions à l’abri des opérations militaires ». Le Protocole I (article 51 par. 7) est
encore plus explicite quant à l’interdiction d’utiliser les civils comme boucliers humains.
Par ailleurs, la Mission souligne que lors des opérations militaires de nombreux civils palestiniens ont
été détenus, certains dans la bande de Gaza et d’autres dans des centres de détention en Israël. Ce qui
l’a conduite à souligner que :
« Des faits recensés, la Mission conclut que de nombreuses violations du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l’Homme ont été commises dans le cadre
de ces détentions. Des civils, notamment des femmes et des enfants, ont été détenus dans des
conditions dégradantes, privés de nourriture, d’eau, d’accès aux installations sanitaires et
exposés aux éléments en janvier. »
Ce qui l’amène à conclure :
« que ces traitements sont constitutifs de l’infliction d’une peine collective à ces civils ainsi que
des mesures d’intimidation et de terreur. Ces faits sont de graves infractions aux Conventions
de Genève et constituent un crime de guerre. »
La plupart des détenus palestiniens ont été incarcérés en Israël, une situation qui est contraire à l’article
76 de la IVième Convention. Il est à souligner que le même article prohibe les mauvais traitements des
personnes incarcérées.
En mai 2009, le Comité contre la torture des Nations Unies s’est dit préoccupé des conditions de
détention des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes. Le Comité constate en effet, que
certaines pratiques israéliennes sont contraires à la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
-L’acheminement de l’aide humanitaire
Le rapport de la Mission revient aussi sur les difficultés rencontrées par les agences humanitaires en
vue de ravitailler la population civile palestinienne en biens de premières nécessités et en vivres. Elle
souligne à ce propos qu’en entravant de manière délibérée l’acheminement de l’aide humanitaire, Israël
contrevient aux obligations qui lui incombent au regard de la IVième Convention et en particulier à son
article 23.
-Fermeture des frontières
De plus, toutes les frontières de la bande de Gaza sont demeurés closes pendant le conflit empêchant
les habitants de fuir la zone de conflit. Les habitants de la bande de Gaza vivant sur ce territoire exigüe
de 360 kilomètres carrés ont été contraints par l’armée israélienne à rester sur place sans avoir la
moindre possibilité de se mettre en sécurité et à l’abri des opérations militaires. Selon la déclaration
Universelle des droits de l’Homme toute personne, a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et
de revenir dans son pays (art.13 par.27) et toute personne a le droit de chercher asile (art.14 par.1). La
liberté de quitter tout pays, y compris le sien, est également consacré par le Pacte relatif aux droits civils
et politiques (art.12 par. 2). Ce qui n’a pas empêché l’Etat d’Israël de maintenir les frontières de la bande
de Gaza fermés tout au long du conflit.
En conclusion, et au regard de tous les éléments précités sur les pratiques de l’armée israélienne lors de
l’Opération « Plomb durci », nous citerons le Professeur John DUGARD, rapporteur spécial des
Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens y compris
Jérusalem-Est, qui note :
« On peut fort bien soutenir qu’Israël a transgressé les règles les plus fondamentales du droit
international humanitaire, commettant des crimes de guerre au sens de l’article 147 de la
quatrième Convention de Genève et de l’article 85 du Protocole additionnel aux Conventions
de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (Protocole additionnel I). Au nombre de ces crimes figurent des attaques
lancés directement contre des civils et des biens à caractère civil et des attaques lancées sans
distinction entre les objectifs militaires et les civils ou les biens de caractère civil (art.48, 51,
par.4 et 52 par.1 du Protocole I) ; le recours excessif à la force par des attaques
disproportionnés contre des civils et des biens de caractère civil (art.51, par.4 et 51 par.5 du
Protocole I) ; et le fait de semer la terreur parmi la population civile (art.33 de la quatrième
Convention de Genève et art.51 par. 2 du Protocole I). »

-Les agissements de l’Etat d’Israël : des crimes contre l’humanité ?


Face à tous les agissements des forces militaires israéliennes dans la bande de Gaza lors de l’opération
« Plomb durci », la Commission d’enquête dirigée par le Juge GOLDSTONE s’interroge sur la
possibilité de voir de tels actes constitués des crimes contre l’humanité. Elle traduit son propos de la
manière suivante :
« La Mission a examiné la question de savoir si les divers actes qui privent les Palestiniens de
la bande de Gaza de moyens de subsistance, de travail, de logement et d’eau, qui dénient leur
liberté de circulation et leur droit de quitter leur propre pays et d’y entrer, qui restreignent leur
accès aux tribunaux et à des moyens de recours utiles ne sont pas assimilables à une
persécution qui constitue un crime contre l’humanité. Au vu des éléments disponibles, la
Mission est d’avis que certains des actes du Gouvernement israélien pourraient habiliter un
tribunal compétent à conclure à l’existence de crimes contre l’humanité. »

La construction du Mur en Cisjordanie occupée


La Cour internationale de Justice a été amenée à se prononcer, à la demande de l’AG des NU, sur la
légalité du Mur construit dans le territoire occupé palestinien. Dans le prononcé de son avis consultatif
rendu le 9 juillet 2004, la CIJ reprend de manière détaillée les violations du droit international évoquées
que je viens d’évoquer. Son avis est sans équivoque quant à l’illégalité du Mur dans le territoire
palestinien :
-l’édification du Mur par Israël, puissance occupante, dans le territoire palestinien occupé, y compris à
l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui sont associés, viole les obligations
internationales lui incombant ;
-Israël doit mettre un terme aux violations du droit international résultant de la construction du Mur.
Il lui incombe de cesser la construction du Mur et de démanteler les portions de cet ouvrage situés le
territoire palestinien occupé ;
-de réparer les dommages engendrés par la construction du Mur ;
-les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du
Mur et de ne pas prêter assistance au maintien de la situation créee par cette situation.
Dans son prononcé, la CIJ rappelle que la construction du Mur dans le territoire palestinien occupé
« ampute l’assise territoriale sur laquelle le peuple palestinien est fondé à exercer son droit à
l’autodétermination et contrevient au principe interdisant l’acquisition de territoire par le recours à la
force ». Par ailleurs, elle craint que le tracé du Mur ne préjuge de la future frontière entre Israël et la
Palestine. Elle estime que la « construction du Mur et le régime qui lui est associé créent sur le terrain
un « fait accompli » qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la description
qu’Israël donne du mur, la construction de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto. » Elle se dit
inquiète du tracé du Mur qui va au-delà de la ligne verte de 1967.
De plus, par la construction du mur, Israël méconnaît des obligations internationales relevant de textes
conventionnels ratifiés par Israël. Parmi celles-ci citons :
-Selon la CIJ, « la construction du Mur a entraîné la destruction ou la réquisition de propriétés dans des
conditions contraires aux prescriptions des articles 46 et 52 du règlement de la Haye de 1907 et de
l’article 53 de la IVième Convention. ». Ces destructions ne peuvent êtres justifiés par une nécessité
militaire ou la sécurité nationale ;
-La construction du Mur a engendré des restrictions importantes à la liberté de circulation des habitants
du territoire palestinien occupé et ce, en violation de l’article 12 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques qui note « quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit de
circuler librement et d’y choisir librement sa résidence ». Ces restrictions de circulation engendrent la
violation d’autres droits reconnus aux Palestiniens par le Protocole I tels que : le droit à la santé, au
travail, à l’éducation, à un niveau de vie suffisant, … Il est à souligner que les restrictions de liberté ne
concernent pas uniquement les alentours du tracé du mur. En effet, en Cisjordanie des barrages
permanents entravent quotidiennement les déplacements des Palestiniens. En 2009, on comptait pas
moins de 634 barrages faisant obstacle à la circulation des Palestiniens. Israël affirme que ces points de
contrôle sont nécessaires à sa sécurité. Or, il est à noter que la plupart de ces points de contrôle sont
situés au-delà de la ligne verte en Cisjordanie.
La CIJ a aussi analysé les obligations juridiques incombant aux Etats tiers. Elle souligne que la
construction méconnaît de manière flagrante les obligations découlant de la IVième Convention et
qu’en vertu de l’article 1er cet instrument conventionnel, « les Hautes parties contractantes s’engagent à
respecter et à faire respecter la présente convention en toutes circonstances ». Tout Etat partie se voit
dans l’obligation d’œuvrer au respect de cette convention qu’il soit ou non partie à un conflit. Elle
classe au rang d’obligations erga omnes, les violations internationales d’Israël dues à la construction du
Mur. Ces obligations « par leur nature même concerne tous les Etats et vu l’importance des droits en
cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient
protégés. ». La CIJ estime, par ailleurs, que « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il s’est
développé à partir de la Charte et de la pratique de l’Organisation des Nations Unies, est un droit
opposable erga omnes. »
Le 20 juillet 2004 l’AG a adopté la résolution ES-10/15 dans laquelle elle enjoint Israël à se conformer
à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice.
L’accord d’association Union européenne/Israël
C’est dans le cadre du processus de Barcelone (novembre 1995) fixant les relations entre l’Union
européenne et les pays partenaires du pourtour méditérranéen que fut signé en 1995 l’accord
d’association Union européenne/Israël. Ratifié par la Knesset, les parlements nationaux des Etats-
membres et le Parlement européen, il entrera en vigueur en juin 2000. Cet accord vise à une
libéralisation progressive des échanges commerciaux entre Israël et l’Union européenne, notamment
pour les produits agricoles, les services et la libre circulation des capitaux. Il prévoit également de
favoriser la coopération de chaque pays partenaire avec l’Union européenne dans les domaines social et
culturel. Toutefois, certaines clauses de cet accord semblent êtres méconnues par l’Etat d’Israël. Il s’agit
principalement des principes contenus dans les articles 2 et 83 de l’accord d’association.

-l’article 2: la clause droits de l’homme et des principes démocratiques


L’article 2 de l’accord d’association précise que les relations résultant du partenariat doivent être
fondées sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques. Or, force est de constater,
que si généralement l’Union européenne condamne les violations du droit international commises par
Israël dans les territoires palestiniens, elle ne tire aucune conséquence juridique au regard des principes
énoncés dans l’article 2. La persistance de la violation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés conduit à une violation manifeste de l’article 2 de l’accord d’association. En vertu
de ces considérations, l’Union Européenne est donc obligée de suspendre l’accord UE-Israël, et ce tant
qu’Israël viole les droits de l’homme. La possibilité de suspendre les accords d’association a été évoquée
en 2002 dans une résolution du Parlement européen dans laquelle il appelle au gel de cet accord en
raison de la violation manifeste de l’article 2. Par ailleurs, des procédures de contrôle du respect des
accords d’association sont prévues. En effet, aux termes de l’article 79, le Conseil des Ministres de
l’Union européenne peut prendre des mesures appropriées en cas de non respect des accords
d’association. L’Union européenne loin de se conformer à la résolution du Parlement européen évoquée
ci-dessus ou aux mécanismes de contrôle prévus dans l’accord d’association analyse en ce moment les
possibilités d’un rehaussement de son partenariat avec Israël.

-l’article 83 : le champ territorial de l’application de l’accord d’association


Le champ territorial de l’application de l’accord d’association se limite selon les principes énoncés dans
l’article 83 à l’Etat d’Israël dans ses frontières de 1967. Or, Israël viole les dispositions juridiques de
l’article 83 en exportant à destination de l’Union européenne des produits en provenance des colonies
de peuplement sous label israélien dans le but de bénéficier des avantages commerciaux de l’accord
d’association notamment la réduction des droits de douane lors de l’entrée des produits israéliens sur le
territoire de l’Union européenne.

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