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Non-marchand

Non-marchand / economie sociale Non-marchand


Non-marchand / economie sociale Non-marchand

Storytelling - On va tout vous raconter...


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L'auteur
Meuleman François est un polytechnicien atypique, formé aux
Meuleman
sciences psychologiques et commerciales (Faculté de psychologie de
Mons et Ecole de Solvay). D'abord chercheur à l’Université Libre de
Bruxelles, il exerce ensuite en tant que consultant et formateur. Ses
activités l’ont projeté des deux côtés de la barrière : marchand et non-
marchand. Parmi ses clients, Deloitte et Touche, Shell, Dassault, CORA
France, TNT et Carrefour, mais aussi des ONG, des associations, des
institutions internationales, etc. Il ouvre le secteur non-marchand aux
méthodes commerciales et offre une vision différente, plus éthique, à
ses clients marchands. Meuleman François dispense des cours dans
plusieurs universités et hautes écoles européennes
(Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg).

isbn: 978-2-87496-049-9
PAO : Claire Dufour
NON-
NON-MARCHAND

MARKETING NON-MARCHAND - TOME 2

STORYTELLING
ON VA TOUT VOUS RACONTER…
Petit traité de manipulation à l’usage des gentils
qui veulent « mieux communiquer » ou des méchants
qui n’ont pas beaucoup de budget

MEULEMAN

L’édition profession
professionnelle
L’éditeur veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois
engager sa responsabilité.

Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de
récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de
photocopies ou sous toute autre forme, sans l’autorisation préalable écrite de l’éditeur.

Éditeur responsable
Irène Grätz
Edi.pro ©
Éditions des CCI SA
Esplanade de l’Europe, 2 Bte 5 à 4020 Liège
Belgique
(http://www.edipro.info),
Tél. : 00.32.(0)4.344.50.88
Fax : 00.32.(0).4.343.05.53
© 2009, tous droits réservés

Imprimé en Belgique

ISBN : 978-2-87496-049-9
D/2009/8406/12

www.marketingnonmarchand.com
Avec l’aimable collaboration de Paschal Lecloux.
Lecloux. Un grand merci
pour sa relecture attentive, ses questions et ses conseils.
Cet ouvrage fait partie d’une série de cinq tomes en préparation,
traitant du marketing non-marchand. Ces livres ont été l’occasion
pour l’auteur de faire le point sur quinze ans de pratiques dans le
secteur.

Ce livre
livre est destiné au secteur non-
non-marchand : asso
associations,
hôpitaux, institutions, ONG, écoles…

Il est dédié à tous ceux qui, jour après jour et sans relâ
relâche, travaillent de
midi à minuit au progrès de l’humanité et aident les individus à devenir
des gens meilleurs dans un monde meilleur.

« Toutes les grandes choses sont simples »


W. Churchill
Note importante

Il aurait fallu employer le mode conditionnel, placer des « si » ou des


« peut-être » à chacun des exemples que nous avons choisis. Ces
exemples sont interpellants, parfois dérangeants, voire scandaleux. Ils
jouent sur nos pulsions, nos angoisses et nos conditionnements.

La question reste ouverte : qui a franchi la ligne rouge ? La firme qui


commercialise tel ou tel produit ? La société qui gère son site Internet
ou sa campagne publicitaire ? Le créateur, le photographe ou le
rédacteur ?

Je demande à toutes ces personnes de bien vouloir accepter mes


excuses. Je n’attaque personne, je me contente de pointer du doigt.
Le but de cet ouvrage est pédagogique : j’explique les méthodes
utilisées. J’explique également pourquoi elles fonctionnent et parfois,
sans vouloir être moralisateur, je sous-entends que la ligne de
l’innommable a bien été franchie.

Les lecteurs auront donc l’infinie gentillesse de rajouter au fil de mes


phrases tantôt un conditionnel, tantôt un « si » ou un « peut-être ».
Cela me permettra sans doute d’éviter l’un ou l’autre procès.

À ceux-là, merci.

François
François MEULEMAN

Retrouvez toutes les illustrations de cet ouvrage en couleur et leurs


commentaires sur www.marketingnonmarchand.com
Edi.pro

TA B L E D E S M AT I È R E S

Introduction - Qui part à la chasse… .......................................


.......................................15
.......15
A. Qui j’étais à six ans et demi ............................................. 15
B. En avant pour l’an 2.0 ..................................................... 16
C. Quelle place pour les gentils ? ......................................... 20
D. Notre rapport à l’immonde .............................................. 22
E. Comment cet ouvrage est-il bâti ? .................................... 23
Chapitre 1 - Pourquoi les histoires parlent-
parlent-elles aux gens ? .......25
.......25
A. Les histoires d’une vie ...................................................... 25
1. La maman, le livre et le garçon qui refusait de dormir ............ 26
2. Pourquoi mon Hamster est-il mort en me regardant ? .............. 28
3. Et les bras de maman… ........................................................ 30
B. C’est beau, l’amour (pour vendre) .................................... 34
C. Un lien qui attache .......................................................... 35
D. Le réflexe du récit ............................................................ 36
E. Le creuset social .............................................................. 36
1. L’identification ...................................................................... 39
2. L’explication symbolique (la recherche de sens) ...................... 42
3. Le stéréotype ........................................................................ 46
F. La fiche technique de fin de chapitre ................................ 50
1. C’est quoi l’inconscient ? ....................................................... 50
2. Pourquoi est-ce important ? ................................................... 52

Chapitre 2 - Il était une fois................................


fois .....................................................
.....................................................55
.....................55
A. Aux origines de la structure narrative................................ 55
B. Un précurseur sauve l’Europe en 18….............................. 56
C. La politique et la renaissance du récit............................... 58

9
Table des matières

D. Vers un Storytelling 2.0 ....................................................59


E. Les marques, c’est toute une histoire .................................60
F. La fiche technique de fin de chapitre ................................62
1. C’est quoi une marque ?........................................................ 62
2. Pour quelles raisons est-ce important ?................................... 63

Chapitre 3 - Pourquoi bien faire, si nous pouvons bâcler


bâcler ? ....... 69
A. L’indispensable « Être pro »..............................................69
B. De la non-communication brutale .....................................72
C. Sartre et les mains sales ...................................................76
1. La non-politisation du secteur ................................................ 77
2. La professionnalisation des techniques de communication
et plus largement de marketing.............................................. 77
3. L’acceptation des règles et codes de fonctionnements
sociaux de la société ............................................................. 78
D. La fiche technique de fin de chapitre ................................78
1. C’est quoi la communication d’empreinte ? ............................ 79
2. Et pourquoi est-ce important ? ............................................... 80

Chapitre 4 - Pour les histoires aussi, il y a des ficelles


à connaître................................
connaître................................................................
............................................................................
............................................ 83
A. Raconter une histoire sans raconter d’histoires ..................83
B. Des histoires qui changent le monde.................................86
1. Changer le monde ! .............................................................. 88
2. Les deux écoles du non-marchand ......................................... 90
3. Qui est plus pauvre que moi ? ............................................... 92
C. Des histoires qui font de nous des héros............................94
D. Des histoires pour entrer dans l’Histoire ..........................100
E. Des histoires que l’on partage ........................................103
F. Des histoires qui parlent de moi......................................105
G. Une histoire qui tisse des liens ........................................107
H. Une histoire de notre époque .........................................111
1. Le culte de l’ignorance ........................................................ 115
2. Les canaux réseaux ............................................................. 119
3. L’intelligence intuitive .......................................................... 122
I. Une histoire qui a du style ..............................................124

10
Edi.pro

J. Une histoire qui m’intéresse ou qui me surprend ............. 126


K. La fiche technique de fin de chapitre .............................. 134
1. C’est quoi la part « affective » des campagnes
de prévention ?................................................................... 134
2. Pourquoi est-ce important ? ................................................. 141

Chapitre 5 - En pratique, comment échafauder une histoire ? ...143


...143
A. Construction d’un récit................................................... 144
B. Encore la « faute » aux Grecs......................................... 144
1. L’équilibre nécessaire .......................................................... 144
2. Les phases du récit.............................................................. 146
C. La fiche technique de fin de chapitre .............................. 157
1. C’est quoi le détail ? ........................................................... 158
2. Pourquoi est-ce important ? ................................................. 160

Chapitre 6 - S’imaginer en héros................................


héros...........................................
...........................................163
...........163
A. Les univers du héros ...................................................... 163
B. Les archétypes du héros................................................. 170
C. La fiche technique de fin de chapitre .............................. 174
1. C’est quoi le héros humanitaire, le sauveur social ? ............... 174
2. Pourquoi est-ce important ? ................................................. 175

Chapitre 7 - Le short-
short-telling................................
telling...................................................
...................................................179
...................179
A. Méthodologie................................................................ 180
1. Le héros et son environnement ............................................. 181
2. L’épreuve............................................................................ 183
3. Les alliés et les ennemis....................................................... 184
4. La reconnaissance / La réussite............................................ 186
B. Créer une image par l’histoire : les Picture Stories ........... 187
1. Définition de la Picture story ................................................ 187
2. La corde à 7 nœuds ............................................................ 187
C. Quand l’histoire se fige ................................................. 201
1. La Non-histoire ................................................................... 201
2. Le figé................................................................................ 203
3. Le moulu-mélangé............................................................... 205
D. La fiche technique de fin de chapitre .............................. 206
1. C’est quoi la Digital Story ? ................................................. 206
2. Pourquoi est-ce important ? ................................................. 210

Une page et demie pour conclure................................


conclure..........................................
..........................................213
..........213

11
Rappel
Le lecteur s’engage à avoir pris connaissance de la note en
page 7 et d’en avoir compris le sens.
Edi.pro

I N TRODUCTION
TRODU CTION

Qui part à la chasse…

A. Qui j’étais à six ans et demi


« Évidemment que » les psychologues ont raison; « évidemment que »
nous sommes toujours l’enfant que nous étions à six ans;
« évidemment que » certains en profitent…

Cette phrase résume l’effroyable simplicité de ce constat : « on nous


manipule ». Tous autant que nous sommes, nous sommes manipulés
par des personnes. Et ces personnes sont de vrais spécialistes : ils
utilisent des méthodes puissantes et efficaces.

Qui sont-elles, ces personnes ? Des politiques, des managers, des


publicitaires…

Parmi leurs méthodes, le Storytelling est en passe de devenir


l’instrument de référence : plus simple que beaucoup d’autres et
d’une efficacité redoutable, le Storytelling est actuellement l’outil de
manipulation bon marché par excellence.

Désormais, plus besoin de bac +5, il suffit de mettre en application


quelques principes élémentaires. Devenu accessible, le Storytelling se
généralise. Désormais, il n’est plus limité à son milieu d’origine, au
monde clos de la politique. Il est à présent massivement utilisé sur le
web, dans le marketing, dans la communication et plus récemment
dans le management.

15
Introduction

Image 1 - L’enfant face à ses rêves

Légende
Le regard de ce garçon est empli de désir : le désir de
devenir grand, le désir d’avoir une voiture rouge…
Ce regard est plus que désir; il est fascination. Cette
fascination et ces désirs sont structurants. Ils permettent à
l’enfant à la fois de se bâtir un imaginaire et de se projeter
dans un futur. Mais qui ? Qui va permettre à cet enfant
d’atteindre « l’inaccessible étoile » ?

B. En avant pour l’an 2.0


« Évidemment que » les spécialistes ont raison : c’est le siècle du Net
(et le Net, c’est l’image); « évidemment que » l’enfant que nous étions
à 6 ans est fasciné par ses images; « évidemment que » certains en
profitent…

Cette phrase introduit la complexité de notre siècle. Plus que tout


autre, ce siècle est celui de l’image.

L’image véhicule quantité de choses : elle est le berceau de


l’imaginaire, du rêve et de l’expression. L’image est devenue le
tremplin de nouvelles formes de communication. Nos Courriels, nos
Textos et surtout Internet, avec ses blogs, ses centaines de millions de
sites et ses réseaux sociaux : tout est image.

16
Edi.pro

Ce monde de l’image est une opportunité : « on » va mieux


communiquer; « on » va s’exprimer davantage; « on » va rêver; « on »
va partager…

Mais ce monde de l’image est aussi une opportunité pour d’autres


personnes, pour des gens moins bien intentionnés : « ils » vont mieux
vendre; « ils » vont imposer leurs idées; « ils » vont gagner des
élections, des guerres, imposer des systèmes économiques ou
financiers…

Ces « on » et ces « ils » pourraient, de façon insidieuse, faire penser à


un discours réducteur basé sur la paranoïa ou la désinformation.

Voilà pourquoi, j’ai pris le temps d’expliquer les méthodes utilisées;


j’ai voulu, à chaque paragraphe, faire référence à des exemples.

L’exemple qui suit est repris du site officiel de Mac Do : cette page
Internet est assez dérangeante.

Il est en effet facile de comprendre que ni le rêve d’une puissante


voiture rouge, ni la virée en vélo au début de la nuit, ni l’un ni l’autre,
n’offrent à l’enfant des repères positifs.

L’un prône l’apologie de la consommation, voire de l’agressivité, et


l’autre celle de la déviance : la virée se déroule à l’heure où les
enfants devraient être près de leurs parents; entre chien et loup, c’est
dans l’inconscient l’heure où l’on sort faire des bêtises…

17
Introduction

Image 2 - L’enfant face à ses rêves, la suite…

Légende
Au point précédent, nous avions laissé notre bambin au beau
milieu de ses rêves. Et une question restait ouverte : Mais qui ?
Qui va permettre à cet enfant d’atteindre « l’inaccessible
étoile » ?
Nous le retrouvons ici. La réponse est donc simple : c’est
l’entreprise du clown Ronald.
La voiture rouge et la virée en vélo apparaissent donc ici
comme les vecteurs de vente du Big Mac.

Remarque
Ce ne sont pas des enfants, mais des préados (le terme actuel
est « adonaissants »). Il faut en effet toujours représenter la
cible par ce qu’elle voudrait être et non par ce qu’elle est.
L’enfant se rêve en préado sûr de lui et « libre » : c’est ce que
Mac Do lui vend (cf. infra).

18
Edi.pro

Cette page Internet intègre deux photos fort différentes. Elles mettent en
présence des techniques diamétralement opposées. Ces techniques
auront bien entendu des effets tout à fait différents sur le consommateur.
• La première, celle de l’enfant à la voiture, est statique.
C’est un descriptif pétré. « Voici ce qu’il se passe », nous dit
l’image. Elle ne prend pas parti. Elle montre.
Et ce qu’elle montre, c’est la mise en situation d’un désir : la
voiture rouge. Au-delà, il y a d’autres concepts qui pointent le
bout de leur nez : la puissance, la masculinité, la réussite,
l’argent, la force… Mais tous ces concepts restent statiques. Ils
réveillent le désir.
• La seconde, celle des enfants à vélo, est dynamique.
Elle plonge consciemment ou (le plus souvent) inconsciemment le
consommateur dans l’histoire. L’image nous interroge : « Où
vont-ils ? Pourquoi fuir ? Pourquoi sont-ils ensemble à cette heure-
là ? Sont-ils à la plage ou en banlieue ? » Ces questions induisent
la construction d’un discours, d’une histoire. Ce sont ces images
que l’on désigne sous le terme de Picture Stories.
Ce sont ces images qui sont puissantes : elles font vendre ou
voter. Elles peuvent nous motiver aussi.

Image 3 - Le chien et la plage

19
Introduction

Légende
Cette Picture Story provient du site de partage Flickr. Ici,
soyons quelque peu plus techniques, l’axe « narratif » est
oblique. Les personnages sont placés sur une même droite qui
part du coin inférieur droit – le chien –, passe par le centre de
l’image – l’homme – et se termine dans le coin opposé – les
trois oiseaux. Cette oblique inverse symbolise l’arrêt, la mort
ou la récession. Le chien est par nature le compagnon fidèle.
Les oiseaux – trois (le nombre maléfique) –, sont-ils sauveurs
ou annonciateurs d’une catastrophe ? Et l’homme, saute-t-il ?
Vole-t-il ?
La photo nous plonge dans ces univers et dans leurs récits.
Ici pour rêver; ailleurs, dans d’autres photos, pour acheter…

C. Quelle place pour les gentils ?


Pourquoi ce sont toujours les méchants qui sont efficaces et pourquoi
ce sont toujours les méchants qui utilisent les méthodes de
communication les plus récentes comme le Storytelling ?

Aucune idée. Un complexe peut-être : comme si les gentils étaient


persuadés de devoir être plus catholiques que le pape.

Pour répondre à cette question, je propose de partir d’un axiome


simple : « Ce ne sont pas toujours les méchants qui gagnent. » À
partir de là, tout est possible.

Je cite souvent deux exemples significatifs, très significatifs :


l’avènement du nazisme dans l’Allemagne d’avant-guerre et la
gestion de « l’affaire Dutroux » en Belgique.

Hitler, à l’instar de ce que feront la plupart des hommes politiques


américains de la fin du 20ème siècle, a mis en histoire son discours.
Loin d’être rationnel, il était même très régressif : la crise battait son
plein et il fallait persuader des personnes déstabilisées, elles aussi en
crise. L’idée fut d’utiliser un langage de cour de récréation.

20
Edi.pro

Le fin Politique qu’était Hitler (ou ses conseillers ?) savait qu’à une
personne en crise « on » parle comme à un enfant. Une crise grave
implique dès lors tout naturellement que l’on ait recours à un discours
qui équivaudrait à celui adressé à un enfant de 5 ans. L’histoire à
raconter est simple : « Il n’est pas comme nous ! Il faut l’éjecter ! On
va insulter, on va frapper le « 4 yeux » [NDLR : celui qui a des
lunettes] ou le gros de la classe ! »

A contrario, le premier ministre belge en charge de son pays lors de


l’affaire Dutroux a échoué. Il n’a pas su adapter son discours. Il n’a
pas raconté; il n’a pas mis en histoire; il s’est limité à un discours
rationnel. Pour rappel, dans les années 90, Marc Dutroux se fait arrêter
par la police. Ce pédophile a enlevé et assassiné dans des conditions
qui dépassent l’entendement cinq jeunes filles. Le petit royaume, et
même l’Europe, est bouleversé par la narration et surtout le calvaire
des enfants. Tout le pays régresse : les parents ont peur; « on » croit
voir des Mercedes blanches en embuscade près des écoles; les enfants
sont traumatisés et, surtout, une grande partie du pays croit au
complot. Affairisme, occultisme, sectes diaboliques et politiques : tout
est mélangé. Un demi-million de personnes dans les rues, les usines en
grève, le palais de justice de Gand attaqué, le royaume est déstabilisé.
Et là, le premier ministre, mal conseillé, prend le parti d’une
communication élaborée sur le schéma explicatif. Il parle aux citoyens
de façon très structurée. L’important est l’explication, la logique et le
raisonnement. Quelle erreur ! Il est poussé à la démission. Il aurait suffi
qu’il mette en histoire son chagrin, qu’il utilise un discours régressif. Il
aurait dû prendre un nounours et le déposer, une larme à l’œil, devant
la maison de Sars-La-Buissière, maison où deux petites filles enfermées
sont mortes de faim.

Pourquoi ce premier ministre n’a-t-il pas fait usage des méthodes


actuelles de communication politique ? Obama, Bush, Sarkozy, tous
ont recours au Storytelling; tous expriment des émotions au travers
des récits « qu’ils vendent ».

Cet ouvrage-ci a sa place. Non pour valoriser des pratiques, mais


pour aider ceux qui ont besoin de communiquer pour de bonnes
causes, pour qu’ils aient accès aux mêmes outils. Bush ou Pampers
ne doivent pas être les seuls à maîtriser ces techniques.

21
Introduction

D. Notre rapport à l’immonde


Les Picture Stories sont utilisées sur le web par les grands groupes.
L’objectif est de mettre l’Internaute dans une logique de récit.

Il y a de nombreux exemples qui nous placent devant des questions


éthiques.

Nous verrons au chapitre 7 comment bâtir un récit sur une image, la


Picture Story. Mais le pivot est l’utilisation d’un élément déstabilisant.

Cet élément va placer le spectateur dans une démarche dynamique


et ainsi permettre au récit de se mettre en marche. Le gentil de cette
histoire est bien évidemment le produit ou la marque.

J’ai repris ci-dessous l’exemple Mac DO. La Picture Story de cet


exemple est issue de son site internet français.

Tout au long des pages de ce traité, nous verrons d’autres exemples,


parfois pires…

Image 4 - Le clown et la plage

22
Edi.pro

Légende
À première vue, rien de bien choquant : un clown, Ronald,
qui joue avec des enfants. Ce doit être les vacances, la
plage, le sable…
Quelle histoire est ici mise en scène ?
Pensons différemment. Pour comprendre, voire déceler
l’élément déstabilisant, intéressons-nous aux détails. Ce qui
est perçu inconsciemment, mais non dit : il y a bien une
plage. Sur cette plage, un groupe d’enfants semble être
laissé seul avec un clown. Les habits du clown sont
clairement visibles mais pourquoi les enfants ont-ils l’air
nus ? Que font-ils à la tombée de la nuit sur une plage
déserte ? Tout est en place pour l’histoire. Heureusement, le
clown, c’est Ronald… Ouf sauvés par Mac Do. Ne confions
plus nos enfants à d’autres fast foods.

E. Comment cet ouvrage est-


est-il bâti ?
Cet ouvrage veut mettre en exergue deux mondes que tout oppose,
mais qui, dans les faits, vivent au quotidien en harmonie : le secteur
marchand et le secteur non-marchand. Nous alternerons donc
exemples de pratiques dans les secteurs commercial, managérial ou
politique et méthodes de mises en pratique pour le secteur non-
marchand (ou pour les petites entreprises).

Le chapitre 1 sera l’occasion de comprendre pourquoi les histoires


ont autant d’impacts sur ceux qui les écoutent ou les « subissent ».

Le chapitre 2 propose un tracé très subjectif de l’histoire du


Storytelling. Il ose faire l’impasse sur les mythes, les archétypes et
l’influence des contes et chansons du Moyen Âge [L’auteur vous
renvoie au livre Storytelling de Salmon, aux éditions La Découverte].

Le secteur non-marchand vit encore majoritairement à l’aire du


prémarketing. Le chapitre 3 est l’occasion d’une réflexion en forme
d’avertissement. Ne soyons pas les naïfs, il est possible d’être du bon
côté de la barrière sans devoir se déguiser en gentil.

23
Introduction

Le chapitre 4 rentre frontalement dans le vif du sujet en tentant de


répondre à une question : quelles sont les clefs d’une histoire réussie ?

Faire de ces méthodes théoriques des instruments pratiques et


simples de communication, c’est l’objectif des chapitres 5 et 6.

Le chapitre 5 expose les outils d’élaboration d’un récit et le chapitre 6


s’attarde sur le « comment faire » un héros, un vrai.

Le chapitre 7 est consacré au Short-telling : l’art de raconter en peu


de temps. Non plus pour vendre de l’inutile, mais pour sensibiliser,
faire passer des messages, récolter des fonds ou motiver.

Pour conclure l’ouvrage, nous nous sommes octroyé une page. Cette
conclusion sera un appel à la raison : c’est parce que nous
travaillons à améliorer le futur ou le quotidien d’individus, que nous
devons être meilleurs; c’est parce que le monde n’attend pas que
notre Communication doit devenir Marketing.

24
Edi.pro

C HAPITRE 1
Po u r q u o i l e s h i s t o i r e s
parlent- elles aux gens ?

Les histoires fascinent : nous les écoutons et les acceptons. Parce


qu’elles touchent notre sensibilité, parlent aux enfants encore cachés
en nous et font rêver les éternels ados que nous sommes toujours.

Consciemment ou inconsciemment, les histoires font resurgir des


angoisses et réveillent des désirs.

Ces histoires nous poussent à acheter, à consommer, à voter, à agir


ou à refuser.

Pourquoi ? Pourquoi tout cela est si simple pour une histoire et si


complexe pour des mots argumentés ? Pourquoi une histoire
parvient-elle à nous faire réagir alors qu’un discours rationnel nous
laisse indifférents ?

Ce chapitre répond à ces questions. Et le lecteur le découvrira, nous


n’avons pas fini de marcher au son de ces histoires…

A. Les histoires d’une vie


Il y avait les histoires de papy dans le fauteuil, les histoires de maman
(et parfois de papa) dans le lit, celles de mamy à l’heure du goûter et
celles de la maîtresse quand nous étions sages.

25
Chapitre 1 - Pourquoi les histoires parlent-elles aux gens ?

Toutes ces histoires ont rythmé nos enfances. La plupart nous ont fait
rêver, certaines nous ont effrayés. Mais toutes, d’une manière ou
d’une autre, ont offert une structure à nos rêves, à notre imaginaire et
nos désirs.

Elles nous ont également donné des clefs pour grandir, des clefs pour
comprendre notre monde.

Pourquoi les araignées sont noires comme la nuit ?


Pourquoi on ne peut pas voir leurs yeux ?
Pourquoi le noir de la nuit a des yeux ?
Pourquoi les garçons veulent toujours des voitures rouges et préfèrent
la confiture aux fraises ?
Et pourquoi les filles disent « beurck » des garçons et des limaces ?

1. La maman, le livre et le garçon


garçon qui refusait
de dormir

Il y a deux choses merveilleuses dans une vie de parent : porter un


enfant qui dort dans son lit et raconter une histoire à un enfant qui
s’endort.

Dans les deux cas, vous êtes comme « un Géant » : l’enfant


s’abandonne. C’est plus que de la confiance, il se remet entièrement
à vous. Il a dans ces moments-là une façon de vous étreindre ou de
vous regarder…

Une histoire
histoire que je racontais à mes fils
Marco dort; Mathias est réveillé. La chambre est noire et
silencieuse.

Mathias est sûr ou, plutôt, il voudrait de toutes ses forces s’être
trompé : on a marché dans le grenier.

Un bruit sec, encore un : là, plus de doute, Mathias a entendu.


Distinctement, il a perçu un craquement : on a marché dans le
grenier.

26
Edi.pro

Il se tait; il retient sa respiration. Les deux mains accrochées à la


couverture, les oreilles grandes ouvertes. Pourvu que, pourvu que
rien… « Je me suis trompé; je dois m’être trompé ». Encore un
craquement : on a marché dans le grenier.

« Je vais me lever » : Mathias fixe le plafond. Trois bruits distincts


et réguliers juste au-dessus de lui. Il voudrait crier, mais aucun son
ne sort de sa bouche : on a marché dans le grenier.

« Marco pourquoi tu dors ? »

Image 5 - On
On a marché dans le grenier

Légende
L’histoire finit bien, c’est finalement papa qui marchait dans
le grenier et qui vient faire un bisou à son Mathias.
Ce type d’histoire permet à l’enfant de projeter ses peurs.
Elle lui donne des mots pour les exprimer : oui, j’ai peur du
noir, des bruits dans la nuit et des méchants !

Chacun a gardé « UN » souvenir de ses premières années. Ce souvenir


parle d’une maman et d’une histoire. Nos premières nuits furent
peuplées de chevaliers, de dragons et de princesses. Elles furent aussi
secouées, plus rarement, par des assauts de vaisseaux pirates, des
attaques de tyrannosaures affamés ou de monstres sans tête.

Ces histoires et les rêves qui les suivaient nous ont imposé une
manière de rêver, une façon d’avoir peur, de désirer des choses et
d’aimer des personnes. Même à l’âge adulte, nos rêves sont toujours
des histoires, des récits… Ils restent notre soupape : à travers nos
rêves, nous exprimons nos craintes et nos désirs.

Les gentilles princesses et les monstres ont changé d’apparence, mais


le processus reste le même. Durant la nuit, nos songes nous
permettent de nous défaire des tensions de la veille et de gérer celles
du lendemain... En quelque sorte, nos rêves sont l’expression naïve
de nos journées. Et comme ils le font pour les enfants, ils nous disent
« tu peux avoir peur », « tu peux avoir envie. »

27
Chapitre 1 - Pourquoi les histoires parlent-elles aux gens ?

2. Pourquoi
Pourquoi mon Hamster est-
est-il mort en
me regardant ?

Le Hamster est allongé sur le dos, la tête vers le haut. Il remplit à


peine la moitié de la paume de la main de maman. L’enfant s’arrête;
il semble ailleurs. « Dis maman, pourquoi il est mort en me
regardant ? »

Les enfants en ont bien d’autres : pourquoi il pleut ? Pourquoi il fait


noir la nuit ? Pourquoi la colle ne colle pas dans le tube ? D’où vient le
froid du « Frigo » ? Pourquoi les voisins n’ont pas de voiture ?

Ces premières questions ont scellé notre rapport au monde. Il est un


âge où l’enfant doit savoir « Pourquoi » ou « Comment ».

Les parents, parfois amusés et parfois désemparés face à ces


questions, essaient de répondre. Comme leurs propres parents
l’avaient fait avant eux, ils auront recours aux histoires, aux récits.

Ainsi, la réponse sera présentée de manière à ce que l’enfant la


comprenne. Elle sera simplifiée et romancée jusqu’à prendre
l’apparence d’un petit récit : « Le Hamster mort est parti pour le ciel,
parce que là-bas, il sait que sa maman Hamster l’attend et qu’elle lui
a gardé une belle carotte… C’est comme ça chez les hamsters ».1

Inconsciemment, l’adulte va vouloir protéger l’enfant. Il va tenter


d’adoucir ce qui lui paraît dur et simplifier les concepts qui lui
semblent complexes. L’histoire est l’outil qui permet tout cela.

Notre premier rapport au monde passe ainsi par le récit. L’enfant peut
comprendre les objets, les situations et les événements grâce à la
traduction que ses parents ou ses grands-parents ont réalisée pour lui.

Dès lors, l’histoire va structurer pour toujours notre approche et


surtout la compréhension de notre environnement.

1
Ce qui perturbe les enfants est le pour quoi (le but). Les parents (et les enseignants)
privilégient souvent le pourquoi (les origines). Plus que l’explication des causes,
l’important, c’est la finalité pour l’enfant. Elle donne du sens aux choses.
« Pourquoi il pleut ? » La bonne réponse n’est pas l’explication du cycle de l’eau mais
bien « C’est pour faire pousser les fruits, les légumes et donner à boire aux animaux ».

28
Edi.pro

Tu sais ce que c’est qu’une école ? Une grande école ? C’est une
grande cour avec des bâtiments tout autour et des enfants qui
jouent.

Et tu verras, le premier jour, quand tu arriveras dans cette cour, tu


vas te faire plein d’amis, et il y aura une maîtresse… et, attention, il
faudra l’écouter ! Et si tu l’écoutes, elle t’apprendra « les livres »…

Elle va t’apprendre plein de choses ! Et en fin d’année, tu auras


un bulletin et peut-être même un prix si tu es le premier…

Moi quand j’avais ton âge, j’ai rencontré un garçon qui s’appelait
Tom. Dès le premier jour, il est devenu mon ami. Je crois que
nous sommes devenus amis car nous avions peur tous les deux de
la madame.

Image 6 - La
La grande école

Légende
Le récit de la maman permet à l’enfant de matérialiser des
angoisses dont il n’est pas fier. Il rend ces angoisses vivantes
et concrètes. L’angoisse est alors partageable. Maman m’a
compris, elle a mis des mots sur une peur non maîtrisable.
Elle peut m’aider à passer au-dessus de mes craintes.

Ces toutes premières histoires installent un premier réflexe : si je veux


comprendre le monde, si je veux comprendre l’autre, je peux y arriver
« facilement » à travers des histoires.

Cette première vérité présente un corollaire intéressant : si je veux


faire comprendre le monde, si je veux me faire comprendre, je peux y
arriver « facilement » à travers des histoires.

C’est l’une des bases du Storytelling. Il faut utiliser le plus vieux


canevas de compréhension de l’être humain et ce canevas, c’est
précisément l’histoire. Elle est le véhicule idéal pour expliquer, pour
vendre ou pour convaincre.

C’est donc bien vrai, « on » nous parle comme à des enfants !

29
Chapitre 1 - Pourquoi les histoires parlent-elles aux gens ?

3. Et les bras de maman…

Ces premières histoires enfantines élaborent notre décodeur : elles


mettent en place une structure, un processus de compréhension et
d’interactions avec notre environnement.

Elles impliquent également un autre processus. À travers la relation


« parents-enfant », l’enfant comprend que chaque histoire est
empreinte d’affectif.

Ces éléments affectifs sont importants, car ils impliquent l’enfant dans
l’histoire. Cette facette affective le met en lien avec la personne qui
raconte et le fait pénétrer dans le récit. Il est « captivé » au sens
propre : capturé par le récit.

Cette facette affective est très largement utilisée en Storytelling :


l’homme politique ne vous vend pas un programme, il vous explique
un problème, une catastrophe ou un risque. L’affectif est peur ou
angoisse. Il ne vous donne aucune solution, il veut seulement vous
persuader qu’il sera le gentil et qu’il vous sauvera des griffes des
méchants.

Selon le même type de processus, les « gens du marketing » ne vous


vendent pas un produit, mais une histoire. Et dans cette histoire, à
l’instar de la démarche du politique, leur marque ou leur produit sont
les sauveurs.

Cette histoire nécessite un élément déstabilisant, une crainte ou un


désir tabou.

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