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Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945)

par Pierre-Olaf SCHUT

| De Boeck Université | Staps

2006/2 - N° 74
ISSN 0247-106X | ISBN 2-8041-5187-5 | pages 99 à 115

Pour citer cet article :


— Schut P.-O., Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945), Staps 2006/2, N° 74, p. 99-115.

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Spéléologie et spéléisme.
Pierre-Olaf SCHUT,
De la science au plein air (1930-1945)
54 avenue de la Révolution
87000 Limoges PIERRE-OLAF SCHUT
pierre_olaf@hotmail.com

RÉSUMÉ : Après s’être institutionnalisée comme science en 1895, la spéléologie conserve son identité de
pratique savante jusque dans les années 1930. À cette époque, elle est investie par des adeptes des activités
de plein air, alpinistes et scouts notamment, qui contribuent à la faire évoluer. La rencontre des différents
pratiquants donne lieu à un véritable brassage de cultures, chacun apportant un élément de son milieu
d’origine. Ainsi la spéléologie en vient à se rapprocher d’une activité de plein air sans pour autant perdre
sa perspective scientifique. L’objet de cet article est de mettre en évidence ce métissage culturel qui aboutit
à la redéfinition de la pratique.
Notre démarche consiste à mettre à jour les cultures de chacun et évaluer la transformation de la spé-
léologie qui en résulte. Nous soulignerons réciproquement l’influence que les spéléologues exercent sur
la pratique des nouveaux venus. Cette évolution est analysée à travers le discours des différents acteurs
et groupes identifiés. Pour cela nous nous réfèrerons à un corpus de publications, d’ouvrages et de cor-
respondance émanant d’eux.
MOTS-CLÉS : spéléologie, histoire, alpinisme, scoutisme, métissage culturel.

ABSTRACT: Speleology and caving. From a science to an outdoor activity (1930-1945)


After being institutionalized as a science in 1895, caving keeps this scholarly image up until the 1930s. The
activity is then embraced by outdoor enthusiasts like alpinists and scouts whose influence will progres-
sively change it. The mixing together of these very different practitioners gives rise to a genuine cultural
“melting pot”, each party bringing in its own specific ways of practice. This is how caving progressively
becomes closer to an outdoor activity, but without losing its scientific outlook. The point of this article is
to evidence this cultural mix which ended up with a new definition of the activity.
We will look into each party’s cultural specificities and see how it affected the practice of caving. At the
same time we will show how speleologists in their turn influenced new comers to the activity. These
developments will be analyzed through the words of the people and groups concerned. To this end we
will refer to a corpus of reviews, books and letters written by the actors themselves.
KEY WORDS: caving, history, alpinism, scouting, cultural melting pot.

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les espaces du globe les plus hostiles à la présence humaine, tels
que les montagnes ou les grottes, sont restés méconnus. Grâce à la capacité romantique d’inversion
(Durand, 1992), les « monts affreux » et les « cavernes d’effroi » deviennent source d’émerveillement.
Ainsi débute leur investigation. Alpinistes et spéléologues se font les spécialistes de ces territoires et
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se rassemblent au sein de sociétés savantes 1 d’autre part, participe à la redéfinition de la


pour en partager la connaissance. Ils fonction- spéléologie.
nent sur le modèle des sociétés de géographie Le concept de « métissage culturel », que
du XIXe siècle (Broc, 1994) qui, pour complé- nous avons choisi pour donner une intelligibili-
ter la connaissance du monde, compilent les té à l’évolution de la pratique, semble le plus
précieux comptes rendus de voyages, cartes et pertinent. En effet, nous voulons, dans le cadre
observations rapportés par les explorateurs au d’une histoire culturelle, mettre en évidence la
prix de mille péripéties. rencontre et les influences réciproques entre
Mais ces pratiques ont considérablement des ensembles symboliques qui aboutissent à la
évolué depuis, si bien qu’aujourd’hui nous con- définition d’une pratique née de cette alchimie.
naissons l’alpinisme ou la spéléologie davanta- Bien que le concept de métissage soit utilisé
ge comme des loisirs sportifs que comme des préférentiellement pour les études coloniales, il
pratiques savantes. Cette évolution surprenan- peut être étendu, dans une perspective cultu-
te a été bien expliquée en ce qui concerne l’al- relle, à l’ensemble des situations de médiations
pinisme (Defrance et Hoibian, 2002 ; Lejeune, entre deux univers (Laplantine et Nouss, 1997).
1988 ; Hoibian, 2000 ; Ottogalli-Mazacavallo, Gruzinski (1999) a d’ailleurs montré sa perti-
2004 ; Raspaud, 2004 ; Veyne, 1979) mais la nence dans le cadre de l’étude historique et ré-
spéléologie connaît une relative indifférence de cemment, Y. Le Pogam (2004) et les auteurs de
la part des universitaires. Lorsqu’elle est étu- la revue Corps et Culture ont montré son intérêt
diée, l’approche envisagée est plutôt celle de dans le champ des STAPS.
l’histoire des sciences (Shaw, 1979 ; Renault, Pour comprendre l’évolution de la spéléo-
1993). Les usages anthropiques des grottes ont logie, nous sommes tenus d’identifier la culture
bien fait l’objet d’une thèse de géographie cul- qui la singularise à l’origine avant de considé-
turelle (Gauchon, 1996) mais le propre de ce rer les influences auxquelles elle est confrontée.
travail est de mettre en évidence la continuité Pour cela, une attention particulière sera portée
des usages des grottes dans le temps, tandis que aux conceptions de pratiques, mais aussi à la so-
l’historien, lui, veut identifier les changements ciabilité et aux techniques qui sont autant d’indi-
et les ruptures qui ont pu s’opérer. Dans ce cateurs permettant d’appréhender les cultures
chemin à peine défriché par une littérature qui se rencontrent. Quelques personnages, no-
profane 2, la référence à l’histoire de l’alpinisme tables de par leur influence à diffuser largement
et des pratiques de plein air (Pociello et Denis, un modèle de pratique, feront l’objet d’un déve-
2000 ; Lascaud, 2004), proches de la spéléologie, loppement plus particulier.
guide le questionnement. Nous serons donc amenés à évoquer la pra-
L’objet de cet article est donc de compren- tique de la spéléologie que l’on peut qualifier de
dre comment s’opère la charnière entre la pra- « scientifique » telle qu’elle existe en 1930, en
tique scientifique originelle et le loisir sportif parfaite lignée avec celle qui a pu se développer
actuel. Nous allons montrer pour cela comment à la fin du XIXe siècle. Progressivement, de nou-
le métissage culturel, qui intervient entre 1930 veaux acteurs et groupes d’acteurs intègrent
et 1945 lors de la rencontre entre les adeptes de la communauté des explorateurs de grottes,
l’alpinisme et des activités de plein air d’une apportant avec eux leur conception de l’acti-
part, et les explorateurs du monde souterrain, vité qui s’apparente davantage à une activité de

1. Le Club Alpin Français est créé en 1874 et la Société de Spéléologie en 1895.


2. Un symposium consacré à l’histoire de la spéléologie s’est tenu à Millau en 1988. Les articles publiés révèlent une grande richesse
documentaire et certaines réflexions intéressantes. Toutefois, les communications sont de qualité inégale.
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 101

plein air. Ces influences contribuent à transfor- Ce corpus permet d’identifier la culture de
mer la spéléologie mais celle-ci projette aussi, chaque groupe et donc d’évaluer les influences
sur ces nouveaux arrivants, les rudiments scien- réciproques.
tifiques de l’activité. Le terme de cette étude,
en 1945, est marqué par l’intégration de la spé- 1. LA TRADITION SCIENTIFIQUE
léologie – pratique autrefois rattachée au monde DES SPÉLÉOLOGUES ET SA MATÉRIALISATION :
savant – dans le mouvement sportif. En effet, la LE SPÉLÉO-CLUB DE FRANCE
reconnaissance publique par la Direction Géné-
rale de la Jeunesse et des Sports témoigne de sa Le Spéléo-Club de France est créé en 1930
nouvelle identité culturelle et symbolise sa con- pour rassembler tous ceux qui se réclament
sécration en activité de plein air. « spéléologues » à cette époque. Il est dans la
Mais qu’entend-on par « activités de plein droite lignée des sociétés savantes de la fin du
air » ? Il s’agit de ce que Bouet a appelé « les XIXe siècle et incarne la culture originelle de la
sports de nature » (1968), c’est-à-dire des activi- spéléologie en mêlant exploration et connais-
tés qui consistent à explorer un espace naturel. sance scientifique. En effet, à cette époque, la
Bien que ces pratiques soient avant tout de l’or- représentation de l’espace inconnu qui subsiste
dre du loisir, elles ont parfois donné lieu à des sous terre confère à l’exploration des grottes
découvertes géographiques – comme l’alpinis- les usages du voyage savant du XIXe siècle
me, par exemple, qui a permis de dessiner les (Laboulais-Lesage, 2000), c’est-à-dire que cha-
cartes des montagnes – qui les ont associées à que exploration apporte la mise à jour d’espa-
une forme de science. L’idée d’une nature ré- ces nouveaux et enrichit donc la connaissance
génératrice (Villaret, 2005) ainsi que la compo- encyclopédique des géographes.
sante ludique, qui dominent ces activités, leur
valent d’être reprises par des mouvements de 1.1. La résurrection de la Société de Spéléologie
jeunesse dans le cadre d’une pratique éducati- La Société de Spéléologie, créée en 1895, a
ve. Se rapprochant du sport pour contribuer à contribué à définir la « science des cavernes » et
l’éducation physique des jeunes, elles s’organi- tenté de l’inscrire comme branche des sciences
sent selon le même modèle associatif et fédéral. naturelles. E.-A. Martel, avocat parisien passion-
Afin de comprendre le métissage qui trans- né par la science, fut le principal animateur de
forme la spéléologie, les différents acteurs indi- la société jusqu’en 1918, date à laquelle celle-ci
viduels et collectifs qui participent à son histoire interrompt officiellement ses fonctions. À tra-
sont étudiés à travers leurs publications respec- vers elle, E.-A. Martel a construit le modèle de la
tives : Spelunca (1930-1943) représente l’activité « spéléologie scientifique » (Schut, 2004) et s’est
du Spéléo-Club de France ; La Montagne (1936- battu toute sa vie pour lui donner un statut au
1945) révèle les pratiques des alpinistes qui sein du monde savant (Renault, 1999). Malgré
descendent sous terre ; Le Routier (1938-1945) l’arrêt de ses activités de terrain, E.-A. Martel
organe des routiers éclaireurs de France, les- demeure, pendant l’entre-deux-guerres, le
quels, parmi les adeptes du scoutisme, vont se personnage de référence dans ce domaine.
révéler les plus investis dans l’exploration sou- Les spéléologues les plus actifs échangent leurs
terraine. Ces revues sont complétées par les informations avec le « maître », toujours prêt à
ouvrages publiés par différents acteurs ainsi aiguiller les recherches de ses successeurs.
que la correspondance de certains d’entre eux 3. Bientôt, l’un d’eux, Robert de Joly, lui paraît

3. La correspondance entre E.-A. Martel, N. Casteret et R. de Joly est publiée dans : Association E.-A. Martel (1997). La plume et les gouffres.
Correspondance d’Édouard-Alfred Martel. Meyrueis, Association Édouard-Alfred Martel.
102 Pierre-Olaf Schut

avoir les dispositions voulues pour reprendre le obtenu son diplôme d’ingénieur en 1908, après
flambeau. E.-A. Martel va l’encourager à créer quoi il est retourné s’installer dans le sud de la
un groupe de recherches hydrogéologiques France. L’esprit curieux, il suit des cours de
(Martel, 1997), toujours dans un souci de légi- géologie à l’Université de Marseille pendant
timation scientifique de l’activité. La création deux ans. En 1924, avec Henri de Lapierre, il
de l’association « Spéléo-Club de France » n’est participe à des recherches spéléologiques dans
donc pas exempte d’une volonté d’affirmation Bramabiau. Attiré par cette activité, R. de Joly
auprès des instances scientifiques, car Martel commence ses campagnes systématiques en
souffre toujours de leur non-reconnaissance 1926, sur les pas de ceux qui l’ont précédé dans
(Choppy, 1999). sa région : F. Mazauric et E.-A. Martel, avec qui
Robert de Joly multiplie les contacts avec les il entame une correspondance suivie.
quelques spéléologues en activité, afin de les Comme E.-A. Martel, R. de Joly (1947, 8) a
réunir sous cette nouvelle bannière et sous le pa- une aversion pour les sportifs qui s’improvisent
tronage de E.-A. Martel. Le Spéléo-Club de spéléologues et il dénonce cette imposture :
France naît donc au début de l’année 1930 à « On abuse même du qualificatif de spéléologue
Montpellier. Il n’a rien de commun avec une fé- utilisé pour désigner un simple excursionniste
dération sportive puisqu’il reprend presque tex- du dimanche pénétrant sans matériel et sans
connaissance particulière dans une caverne !
tuellement l’objet de la Société de Spéléologie,
C’est probablement pourquoi le savant pro-
son aînée : l’étude des grottes. L’héritage de la fesseur R. Jeannel voudrait qu’on nomme ces
Société de Spéléologie s’exprime à différents derniers tout simplement des spéléistes ! Il n’a
niveaux : tout d’abord, E.-A. Martel est nommé pas tort. »
président d’honneur du club, position qui révèle S’appuyant sur les comptes rendus de
la figure de modèle qu’il représente ; ensuite, la E.A. Martel, de Jules de Malbos ou de Félix
revue que ne tarde pas à publier l’association re- Mazauric, R. de Joly établit ses objectifs d’ex-
prend le titre de celle de E.-A. Martel, Spelunca ; plorations souterraines dans la continuité des
enfin, celui-ci signe un article dans le premier recherches menées par ses prédécesseurs.
numéro évoquant la filiation entre les deux Il organise ses descentes (1937) suivant la
sociétés : méthode mise au point par E.-A. Martel, c’est-
« C’est un louable effort que tente le “Spéléo- à-dire que le chef d’expédition et ses éventuels
Club” sur l’initiative de M. R. de Joly, en es-
collaborateurs assurent l’exploration et le rele-
sayant de ressusciter la revue Spelunca qui, de
1895 à 1914, fut l’organe de la restreinte Société vé des informations nécessaires à la topogra-
de Spéléologie » phie et à toutes sortes d’observations auxquelles
(Martel, 1930, 11). ils peuvent donner du sens scientifiquement.
Ainsi, à la manière de la première version, la L’explorateur jouit d’une position supérieure à
nouvelle série de Spelunca reprend le style d’une celle de ses aides. Ces derniers sont là pour as-
revue scientifique, tel qu’il existait précédem- surer l’aspect technique des manœuvres et ne
ment. voient pas tous le fond des gouffres. En effet,
chaque relais qui ponctue les descentes nécessi-
1.2. Les recherches de R. de Joly te la présence d’une personne pour assurer la
En 1930, R. de Joly a donc repris le flam- remontée des explorateurs. Cette organisation
beau de E.-A. Martel, non seulement au niveau hiérarchique est caractéristique de la spéléolo-
institutionnel mais aussi dans la pratique de gie de E.-A. Martel. R. de Joly pousse ce modèle
la spéléologie. L’homme est issu d’une noble à son paroxysme du fait de son sens de l’orga-
lignée d’origine provinciale. Il a fait ses études nisation et de son autorité quasi dictatoriale
à Paris, à l’École Pratique d’Électricité où il a (Gèze, 1968).
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 103

Au niveau des résultats obtenus, il est clair 1.3. Les spéléologues du Spéléo-Club de France
que R. de Joly complète énormément les con- à la suite de R. de Joly
naissances en matière de géographie souterrai- R. de Joly agit activement en faveur de l’ex-
ne, comme le reflètent les nombreux articles qu’il pansion du Spéléo-Club de France. Il ne man-
publie dans la revue Spelunca. Le fruit de ses ex- que pas d’enrôler dans son projet tous ceux qui
plorations apparaît généralement sous forme de manifestent le désir de pratiquer l’exploration
listes de cavités, rangées par communes. Chaque souterraine. Chaque campagne d’exploration
cavité est située, décrite physiquement et géolo- est l’occasion de transmettre ses connaissances
giquement, et généralement accompagnée d’une et de diffuser sa conception de la pratique. Il en-
topographie. Malgré tout son travail R. de Joly courage les plus motivés à mettre sur pied un
ne révolutionne cependant pas l’hydrogéologie.
club régional, dépendant du Spéléo-Club de
Le plus souvent, ses conclusions ne font que cor-
France, pour grossir les rangs de la société. De
roborer les thèses de E.-A. Martel. P. Renault
cette façon, les nouveaux adeptes de la spéléolo-
(1993) le qualifie de « continuateur » de l’œuvre
gie sont de plus en plus nombreux et pratiquent
spéléo-hydrologique de celui qu’il appelle son
selon les objectifs et méthodes de R. de Joly (cf.
« maître ». Le Spéléo-Club de France apparaît,
figure 1).
sous l’impulsion de R. de Joly, comme les socié-
La production de ces derniers en témoigne
tés de géographie de l’époque (Broc, 1994),
puisque les articles qui paraissent dans Spelunca
poursuivant un travail d’un intérêt scientifique
sont construits comme ceux de R. de Joly. Ils se
certain mais néanmoins en marge des problé-
présentent comme des contributions à l’inven-
matiques de la recherche officielle, laquelle est
taire spéléo-hydrologique : classées par com-
désormais rarement dissociable de l’université
mune, les listes des cavités visitées se succèdent,
(Weisz, 1983).

Figure 1. Évolution des effectifs du Spéléo-Club de France entre 1930 et 1945


104 Pierre-Olaf Schut

systématiquement accompagnées d’observations l’institution soit rejetée ou révolutionnée, il


faites par les explorateurs. Seule la qualité des re- semble que de nouvelles conceptions apparais-
marques permet de juger du niveau de connais- sent ainsi peu à peu à travers quelques person-
sance géologique des différents protagonistes. nes ou groupes de personnes.
Cette influence sur la conception de pratique
se double de celle sur la technique d’explora- 2. LES SPÉLÉO-CLUBS DU CLUB ALPIN
tion. À la demande des adeptes, trop nombreux FRANÇAIS ET L’INFLUENCE DES ALPINISTES
pour être formés individuellement, R. de Joly À PARTIR DE 1936
rédige en 1937 un ouvrage sur les techniques
d’exploration souterraine qui va servir de réfé- « Des alpinistes, vraisemblablement lassés des
rence pendant trente-cinq ans. Les nombreux refuges bondés et des papiers gras qui jalonnent
correspondants réclamant à R. de Joly les con- la mer de Glace, se rabattent vers les mondes
seils d’un expert, sont invariablement renvoyés souterrains pour prendre leur part des ultimes
au « Manuel », au point que celui-ci est réédité “premières” qui restent à faire en France et vont
chercher dans les Scialets et les Chourums des
en 1963. Le Spéléo-Club de France est l’incarna-
Préalpes calcaires »
tion de la conception de l’activité de son prési- (Weite, 1946, 9)
dent, directement issue de celle que E.-A. Martel
L’arrivée des alpinistes, motivée par la pers-
a développé à la fin du XIXe siècle. La concen-
pective de découvertes possibles en spéléologie,
tration géographique des adhérents dans les dé-
donne l’occasion d’une confrontation entre des
partements voisins du sien 4 témoigne encore du
cultures différentes puisque les nouveaux venus
lien direct entre R. de Joly et les membres du
vont projeter sur l’exploration souterraine leur
Spéléo-Club de France.
conception de pratique. Ce phénomène est
La situation provinciale du siège du club,
compliqué par le fait que les alpinistes traver-
bien que justifiée par la proximité des massifs cal-
sent une crise identitaire, partagés entre
caires, ne contribue pas à la légitimation scientifi-
l’« excursionisme cultivé » qui suscite l’adhésion
que à laquelle a toujours prétendu E.-A. Martel.
de la majorité des membres du Club Alpin Fran-
Sa distance de la capitale et sa faible représen-
çais et une conception techniciste impulsée par
tation internationale l’éloignent de ce but mais
le Groupe de Haute Montagne (Hoibian, 2000).
R. de Joly, quant à lui, semble se contenter
Ce clivage s’exprime dans l’influence culturelle
d’une activité scientifique d’amateurs, sans ma-
des alpinistes sur les spéléologues, sans pour
nifester le désir de reconnaissance de la part de
autant engendrer de vives oppositions dans ce
la communauté savante. Il faut dire aussi que
cadre.
les institutions scientifiques sont moins ouvertes
à la légitimation d’une discipline qu’à la Belle 2.1. L’« alpinisme à rebours »
Époque et que le maintien de l’édition d’une Tandis que la spéléologie a été jusqu’alors
revue savante relève déjà de l’exploit étant considérée comme une pratique scientifique, les
donné le climat économique difficile de l’épo- alpinistes lui donnent une nouvelle vie en tant
que (Charle, 2004). que pratique corporelle. Même si le Club Alpin
Moins porté sur la légitimité scientifique, Français était réputé à ses débuts comme une
R. de Joly laisse donc venir à lui des adeptes de société savante, encourageant notamment les
l’exploration souterraine qui n’ont pas néces- productions scientifiques, l’alpinisme a rapide-
sairement ce regard sur la pratique. Sans que ment été appréhendé comme une pratique

4. 58 % des membres du Spéléo-Club de France résident dans les départements voisins du Gard où vit R. de Joly.
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 105

physique de loisir. Lorsque les alpinistes s’orien- en se spécialisant plus particulièrement dans
tent vers la spéléologie, cela se traduit par l’inven- l’hydrogéologie. Tous deux sont reconnus au
tion d’une expression – « alpinisme à rebours » lendemain de la Seconde Guerre mondiale
(Gèze, 1936) –, qui révèle bien la transposition di- comme les plus éminents spécialistes des phéno-
recte d’une pratique à l’autre. Dès lors, on com- mènes karstiques. À leurs côtés, on compte aussi
mence à parler de la spéléologie comme d’un quelques ingénieurs qui réalisent d’importan-
sport. B. Gèze (1936, 317) cite l’intérêt de l’activi- tes recherches scientifiques comme A. Bourgin,
té à plusieurs titres : « hydrologique, géologique, auteur d’une œuvre importante sur les circula-
et, on peut bien le dire, sportif ». Moins attaché tions du Vercors et du Dévoluy.
à la dimension savante, P. Chevalier (1948, 11), Il est à noter que les quelques personnes
membre du Groupe de Haute Montagne, écrira citées ci-dessus étaient toutes engagées dans
plus tard : une carrière scientifique qui n’avait nul besoin
« Naturellement, comme tous les alpinistes qui d’être orientée ou réorientée vers des questions
ont goûté un peu des gouffres, nous avons été propres aux phénomènes souterrains. Le choix
conquis immédiatement par ce nouveau sport ». du sujet d’étude est le produit d’une volonté
L’exploration souterraine donne l’occasion personnelle, d’une curiosité éveillée par la pra-
d’une activité physique que les auteurs cités as- tique de la spéléologie. Avec eux les membres
similent directement à un sport. Cette dimen- du Club Alpin Français participent largement
sion, jusque-là occultée, contribue à porter un au progrès de la science des cavernes comme
nouveau regard sur la spéléologie. Les alpinis- en témoigne la publication des Travaux scientifi-
tes sont donc parmi les premiers à développer ques du Club Alpin Français en 1943. Sans con-
une conception qui aboutira à la reconnaissance tradiction, les alpinistes, transposant leur vision
publique de la spéléologie en tant qu’« activité de leur activité d’origine, donnent ainsi vie à la
de plein air ». spéléologie en tant que pratique physique tout
Mais, fait intéressant, alors que les alpinistes en renforçant la dimension scientifique de leur
investissent la communauté spéléologique en af- propre pratique.
firmant la dimension corporelle de l’activité, ils Mais leur culture passe aussi par une orga-
s’intéressent très vite à son aspect scientifique. nisation qui suit le modèle sportif.
Ils y sont d’autant plus réceptifs qu’ils disposent
souvent d’une solide formation intellectuelle et 2.2. Les spéléologues dans des clubs sportifs
que l’alpinisme au sein du Club Alpin Français a L’arrivée des alpinistes correspond à un chan-
conservé une forte tradition savante. On entre- gement d’organisation chez les spéléologues.
voit, dès lors, la subtilité du métissage culturel Suivant le modèle de la société savante, telle
en action. qu’était conçue la Société de Spéléologie à la fin
Dans les rangs des spéléo-clubs alpins, plu- du XIXe siècle et tel qu’est encore conçu le Spé-
sieurs membres disposent, en effet, d’un impor- léo-Club de France en 1930, les membres sont
tant bagage scientifique. Au moins deux d’entre des individus qui pratiquent leur activité à titre
eux ont une position académique : B. Gèze est personnel ou en collaboration ponctuelle, cha-
docteur ès sciences et professeur à l’Institut que spéléologue disposant d’une équipe d’aides
national agronomique et il met à profit ses ex- et d’éventuels assistants. Cette organisation cor-
plorations spéléologiques pour développer sa respond à celle de la recherche scientifique qui,
carrière de géologue ; quant à F. Trombe, ingé- même lorsqu’elle est le fruit d’une coopération,
nieur chimiste, docteur ès sciences, puis direc- est toujours représentée par une personnalité
teur de recherches au C.N.R.S., il fait de même auprès de ses pairs.
106 Pierre-Olaf Schut

Figure 2. Apparition des clubs dans les auteurs de Spelunca entre 1930 et 1945

Par contre, le modèle d’organisation qu’im- d’organisation par les spéléologues témoigne de
portent les spéléologues du Club Alpin Fran- l’échange culturel entre les communautés.
çais est celui d’un véritable « club », dans lequel Au-delà de l’échelle locale, la structuration
les personnes s’effacent au profit de l’associa- nationale au sein du Club Alpin Français sert
tion qui les réunit. La personne morale rempla- d’exemple. En effet, ce dernier est doté d’une
ce la personne physique. Même si l’apparition commission nationale de spéléologie, créée en
des premiers clubs de spéléologie précède de 1936, qui assure le lien entre les différents grou-
peu l’apparition des groupes au sein du Club pements régionaux. Le Spéléo-Club de Paris
Alpin Français, ce sont les alpinistes qui contri- sera l’un des premiers clubs de spéléologie à sol-
buent à systématiser cette forme d’organisation liciter des instances sportives pour financer ses
(cf. figure 2). Ainsi, le Spéléo-Club de Paris et le activités spéléologiques. Ce type de fonctionne-
Spéléo-Club Alpin de Lyon sont tous deux ment qui s’appuie sur la dotation publique et
créés en 1936. qui est en passe de devenir le modèle en vigueur
La guerre interrompt le mouvement mais dans le milieu sportif (Ducrot, 1996) bouleverse
celui-ci reprend rapidement à la Libération. celui des sociétés spéléologiques qui avaient tou-
Après Paris et Lyon, c’est au tour de Nice, Mont- jours fonctionné sur la base de dons ou de sub-
pellier, Marseille et Grenoble de fonder leur ventions au titre de leurs activités scientifiques.
groupe spéléologique respectif au sein du Club Les spéléo-clubs du Club Alpin Français sont les
Alpin Français. Le modèle associatif est caracté- premiers à fonctionner sur ce modèle qui sera
ristique du mouvement sportif (Bardout, 2000) repris au niveau national par les spéléologues
et l’organisation de la spéléologie autour de dès la Libération, témoignant ainsi de l’influen-
clubs apparaît comme un rapprochement de la ce culturelle des alpinistes sur l’organisation de
culture sportive. L’appropriation de cette forme la pratique.
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 107

2.3. Le modèle de la cordée et le progrès par les alpinistes spéléologues, oblige les hom-
technologique mes laissés en relais à attendre dans des gouf-
Outre l’aspect organisationnel, la structure fres où la température est voisine de 5 oC et le
de groupe a un impact direct sur la sociabilité taux d’humidité proche des 100 %.
et la pratique de la spéléologie. Le modèle de C’est pourquoi, très vite, les membres du
l’explorateur au statut supérieur dirigeant ses Club Alpin Français consacrent une partie de
ouvriers est bousculé. Au sein d’un club, l’ex- leurs efforts aux progrès du matériel (Maheu,
ploration est collective et lorsqu’il existe un chef 1936). Ainsi F. Trombe (1943) expérimente de
d’expédition, celui-ci dispose d’une autorité sur nouvelles techniques de remontée sur corde
les décisions qui ne saurait se traduire par une simple en utilisant les « singes » de son ami
exploitation physique de ses camarades. H. Brenot. Il s’agit de sortes de mâchoires qui
Poussant encore davantage cette logique, permettent à l’explorateur de remonter de
Pierre Chevalier (1976) et son équipe sont les manière autonome le long d’une corde lisse.
premiers à pratiquer la spéléologie sur le modè- Après le succès de cette première expérience,
le de la cordée à la fin des années 1930. Chaque P. Chevalier, ami et collègue de F. Trombe,
participant réalise l’exploration dans son en- multiplie les innovations techniques pour per-
semble, tandis qu’auparavant le fond du gouf- mettre aux spéléologues d’évoluer continuelle-
fre était un lieu que seul le chef d’expédition et ment ensemble sous terre. Il utilise aussi les
quelques patients et passionnés collaborateurs « singes » de H. Brenot mais également le rap-
pouvaient atteindre. Comme l’explique B. Gèze pel d’échelles. Avec l’usage de nouvelles tech-
(1968, 12) à propos de R. de Joly : nologies et méthodes, la pratique des alpinistes
« Un seul reproche concernant la technique de spéléologues devient plus collective et convivia-
l’exploration a souvent été adressé à R. de Joly le, se rapprochant ainsi d’une activité de plein
par certains de ses collaborateurs eux-mêmes : air pratiquée dans le cadre du loisir. Elle entre
sa conception peut-être un peu exclusive du aussi dans un processus de rationalisation de la
rôle de “chef”, premier à pénétrer dans les ca- pratique qui, par l’intermédiaire des innova-
vernes, premier à franchir chaque difficulté, tions technologiques, permet de meilleures per-
seul parfois à arriver au bout, dernier à reve-
formances, phénomène commun à celui que
nir, tandis que des confrères fort expérimentés
connaissent les alpinistes à cette époque sous
doivent rester pour commander la manœuvre
des aides extérieurs et que d’autres se morfon- l’impulsion du Groupe de Haute Montagne.
dent au relais pendant de longues heures ». Il est intéressant de noter que celui qui a fait
Les alpinistes du Groupe de Haute Montagne, le plus évoluer les techniques en spéléologie est
adeptes de l’alpinisme en cordées autonomes, P. Chevalier, un membre de ce groupe dont
renversent ce modèle, contestant un fonctionne- nous avons évoqué la conception plus technicis-
ment hiérarchique. Cependant, malgré l’obstacle te de l’alpinisme. Toutefois, on ne peut obser-
idéologique ou philosophique, certaines con- ver là aucun clivage par rapport au Club Alpin
traintes techniques subsistent. Si E.-A. Martel et Français puisque l’homme est membre fonda-
R. de Joly abandonnaient systématiquement teur des Spéléo-Clubs alpins de Paris et Lyon,
un homme au sommet de chaque descente ver- au sein même de cette institution.
ticale, c’était aussi par nécessité, pour assurer la L’apparition des alpinistes dans la commu-
remontée des explorateurs. Ce mode de fonc- nauté spéléologique en 1936 contribue donc à
tionnement est d’ailleurs de plus en plus insup- faire énormément évoluer la culture de l’activité.
portable, dans la mesure où l’attaque des En transposant leur mode de fonctionnement et
gouffres des karsts préalpins et pyrénéens, à leur conception de la pratique, les alpinistes
des altitudes comprises entre 1000 et 2000 m rapprochent la spéléologie des activités de plein
108 Pierre-Olaf Schut

air et créent les conditions favorables à son in- ces disciplines. Lorsqu’il ne mesure pas ses per-
tégration au mouvement sportif au moment de formances dans une compétition, il les note sur
la Libération. En échange, les spéléologues, très son carnet dans le but de battre ses propres re-
attachés à leur conception scientifique, parta- cords (Jolfre, 1992).
gent avec les alpinistes leur vision de l’activité Quand il aborde l’exploration des grottes,
qui reste compatible avec une pratique de loi- c’est donc avec l’ensemble de ce qui fait sa per-
sir. Il y a donc métissage puisque chaque grou- sonnalité. Faisant preuve d’une curiosité scien-
pe partage un peu de sa culture avec l’autre et tifique importante, il n’en demeure pas moins
reconstruit ainsi une identité collective. un sportif cherchant à se dépasser dans l’activi-
Parmi les membres du Club Alpin Français, té physique, à aller plus loin dans le culte de
il existe un spéléologue pyrénéiste solitaire qui, l’effort, sans hésiter parfois à aller jusqu’à pren-
de fait, ne favorise pas la diffusion du modèle dre des risques. C’est ainsi qu’il découvre et
de groupe mais va faire largement évoluer la plonge dans les siphons en apnée et qu’il des-
conception de la spéléologie vers une activité cend les abîmes avec une simple corde. Son
physique de plein air à part entière : Norbert sens du record et sa passion pour l’exploration
Casteret. souterraine l’incitent à explorer des grottes tou-
jours plus hautes et plus profondes. Il est ainsi
3. NORBERT CASTERET, LE SPORT AU SERVICE amené à établir le record de France de la grotte
DE LA SCIENCE la plus haute (Casteret, 1928) et du gouffre le
plus profond (Casteret, 1936).
Norbert Casteret fait figure de personnage Cependant, comme il l’écrira plus tard,
à part sur la scène spéléologique. Issu de la pe- N. Casteret (1955) voit la spéléologie comme un
tite bourgeoisie provinciale, il se distingue par « sport au service de la science ». En adepte des
une vocation précoce aux charmes de l’explo- activités physiques de plein air, il classe la spé-
ration souterraine et de l’aventure qu’elle in- léologie dans ce type de loisir mais le hasard de
carne. Tout en suivant les traces de son père ses pérégrinations souterraines l’incite à s’inté-
dans une carrière juridique, il pratique plu- resser à la préhistoire et à d’autres sciences.
sieurs activités physiques, dont la spéléologie. Il 3.2. La découverte scientifique au bout du chemin
participe activement à la définition et à la diffu-
N. Casteret est un explorateur assidu et sa
sion d’une forme de pratique spécifique. Son
curiosité des grottes l’amène à s’interroger sur
parcours personnel permet de comprendre sa
leur fonctionnement. Comprendre la forma-
conception de l’activité qu’il a véhiculée par une
tion de la grotte est d’un grand secours pour
œuvre littéraire exceptionnelle qui débute en
qui cherche à explorer les galeries inconnues
1933.
des cavités.
3.1. Le sportif à la rencontre des cavernes Ainsi, il va bientôt s’interroger sur les circu-
Il est important de connaître le sportif lations d’eau et va faire œuvre de géographe !
qu’était déjà Norbert Casteret avant de devenir Il réalise même une expérience qui ne peut
spéléologue. Né en 1897 au moment où com- laisser indifférents les spécialistes de la disci-
mence à émerger le culte de la nature à travers pline puisqu’elle permet de mettre en évidence
le sport (Lejeune, 2001), il pratique dès son plus les sources de la Garonne (Casteret, 1933), clô-
jeune âge des activités de plein air : aviron, cour- turant ainsi un débat de longue date entre
se à pied, saut, natation, plongeon. N. Casteret savants. En effet, suite à de nombreux échanges
est un excellent sportif et un fervent compéti- avec E.-A. Martel, il rédige un mémoire sur le
teur : il collectionne les médailles dans toutes sujet et vérifie ses hypothèses en colorant à la
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 109

fluorescéine la source présumée du fleuve. Ce Cet intérêt, N. Casteret le doit avant tout à
travail de réflexion et de terrain confirme sa son talent d’écrivain. Son premier ouvrage
compréhension du phénomène hydrologique Dix ans sous terre connaît un immense succès et il
et fait l’objet d’une communication à l’Académie est traduit dans onze langues. J. Chabert (1986) a
des Sciences (Casteret, 1931). retrouvé un exemplaire comportant la mention
Cet exemple du parcours de N. Casteret « 79e édition » et estime que l’ouvrage a pu pas-
montre comment sa propre conception de la ser le cap des 100 000 exemplaires, sans compter
spéléologie a évolué. D’abord simple sportif, l’édition russe. À partir de là, N. Casteret écrit
pratiquant l’exploration souterraine comme il pratiquement un livre par an avec un succès
aurait fait une excursion en vélo, il est bientôt semblable. Son style, il va sans dire, est très diffé-
confronté à des questions d’ordre scientifique. rent de celui des ouvrages des premiers savants
Pour N. Casteret, la science devient une finalité spéléologues. Norbert Casteret divise son texte
à laquelle peut occasionnellement contribuer en deux parties égales : dans la première il fait le
l’explorateur souterrain, même si la spéléologie récit de ses aventures souterraines, tandis que la
demeure une activité qui donne l’occasion de deuxième lui permet la vulgarisation d’un aspect
découvrir un espace naturel particulier tout scientifique de la spéléologie. Le style romanes-
comme la voile permet de découvrir la mer et que et fluide de la première partie rend la lectu-
l’alpinisme, la montagne. Cette conception de re agréable, et les explications plus techniques de
l’activité qui est la sienne est largement diffusée la seconde partie sont sans aucune comparaison
auprès des spéléologues de son époque comme avec un texte de E.-A. Martel, par exemple, qui
des futurs spéléologues. relèverait davantage de la thèse d’hydrogéologie.
L’abbé Bethléem, dans la Revue des lectures, écrit à
3.3. La diffusion de sa conception de pratique
son propos :
à partir de 1933
« Chose rare chez les spécialistes, l’auteur est
N. Casteret a largement répandu le fruit de heureusement doté de sympathiques facultés
ses recherches. Son travail de promotion de la narratives, surtout quand il décrit avec sponta-
spéléologie est colossal du fait de l’intense activi- néité et intensité cette gamme d’impressions
té qu’il déploie mais aussi et surtout parce qu’il qui vont de l’angoisse à la joie débordante... »
(Pavan, 1947, 97)
s’adresse non pas à une élite mais au grand pu-
blic. En effet, par la plume et la voix, N. Casteret C’est ainsi que N. Casteret a fait connaître la
multiplie les communications avec d’heureux spéléologie au grand public comme une activi-
résultats. té ouvrant la porte à l’aventure. Les récits d’ex-
D’une part, il écrit, comme nous le verrons plorations se présentent comme des péripéties
plus loin, des livres au succès retentissant, mais excitantes dans lesquelles on suit le spéléolo-
il agit aussi en tant que conférencier. Profitant gue dans ses élans les plus audacieux. La nar-
de son succès littéraire, il fait salle comble jus- ration, à la première personne du singulier,
qu’au-delà des frontières françaises. Son dis- franchit le pas allant du compte rendu scienti-
cours est vibrant d’enthousiasme et de sincérité fique au reportage d’exploration passionnant
et il se termine systématiquement par une inci- (Bryan, 1988). Quant à la partie scientifique,
tation à pratiquer. Cette formulation explicite elle donne au lecteur de simples connaissances
n’est qu’une formalité puisque la conférence de base en spéléologie qui lui permettent d’ap-
est déjà, en elle-même, une véritable invitation précier les observations les plus techniques.
à la pratique. Le public touché est immense : L’œuvre littéraire de N. Casteret apparaît
N. Casteret réalise près de 1200 conférences, comme une invitation à l’exploration des grot-
rassemblant jusqu’à 2000 personnes dans une tes. L’activité y semble accessible à tout un cha-
même salle. cun puisque l’auteur fait parfois d’incroyables
110 Pierre-Olaf Schut

découvertes muni d’une simple lampe et éven- ment scout, les « Routiers » des Éclaireurs de
tuellement d’une corde. De plus, il souligne qu’il France représentent une classe d’âge plus
n’est nul besoin d’aller aux confins du monde : élevée : les 16-20 ans. À cet âge, les jeunes
l’aventure commence à côté de chez soi ! Il faut membres d’un clan peuvent choisir de se spé-
dire que la conjoncture de l’époque est très favo- cialiser dans une ou plusieurs activités. Dans
rable. D’une part, les loisirs de nature sont dans les années 1940, la spéléologie se présente
l’air du temps et, d’autre part, les livres de comme une option possible et elle attire effec-
N. Casteret profitent de l’avènement de la litté- tivement quelques clans résidant à proximité
rature d’aventure (Venayre, 2002), marqué par des régions karstiques. Il est à souligner que le
la parution du Petit Manuel du parfait aventurier contexte particulier du régime de Vichy est fa-
de Pierre Mac Orlan en 1920. vorable aux pratiques physiques de plein air ju-
L’action promotionnelle de N. Casteret gées comme intrinsèquement éducatives. Ainsi
connaît un succès énorme ; or ses nombreux le mouvement scout bénéficie d’une aide im-
lecteurs représentent la future génération de portante de l’État et jouit d’un succès qui facili-
spéléologues. Du coup, ceux-ci aborderont l’ac- te la réalisation de ses ambitions (Cholvy, 1999).
tivité suivant le modèle de leur mentor, en
4.1. La spéléologie, une nouvelle activité
donnant une place prépondérante à l’aspect
de plein nature
aventureux de l’exploration souterraine. Parmi
les disciples de N. Casteret, ses plus jeunes lec- Avant d’identifier la forme de pratique des
teurs sont les premiers touchés. Le succès des routiers Éclaireurs, il est important de connaître
mouvements de jeunesse et notamment du scou- quelles influences ces jeunes gens ont reçues. Le
tisme, permet à certains d’entre eux de s’initier à scoutisme leur a apporté un certain goût pour la
l’activité. nature et même un goût certain pour les aven-
tures où elle préside. Après une solide forma-
4. LES SCOUTS SPÉLÉOLOGUES tion physique par le biais de la méthode
naturelle (Palluau, 2002), ils expérimentent dif-
Le scoutisme est né à la veille de la Première férentes activités de plein air telles que le canoë,
Guerre mondiale sous l’impulsion de Lord le kayak, la natation, la voile ou encore le ski.
Baden-Powell. L’ambition de ce mouvement Parcourant la nature en tout sens, ils rencon-
est de permettre aux jeunes de renouer le con- trent des grottes vers lesquelles s’ouvre, tout na-
tact avec la nature tout autant que de les turellement, leur âme d’explorateurs en herbe
éduquer : nourrie par les romans de N. Casteret... Et voilà
« Toute activité acceptée, ou mieux proposée les premières incursions organisées au sein de
par les garçons eux-mêmes, est bonne si elle plusieurs clans !
tend soit à développer l’habileté manuelle ou la Bientôt, presque toutes les grandes régions
débrouillardise, soit à mieux faire connaître ou
karstiques sont explorées par les routiers Éclai-
apprécier la nature, soit à rendre service à la
collectivité, soit encore à développer des qualités reurs. Le clan de la Toison d’Or pratique dans
morales comme le franc-jeu, l’esprit d’équipe, la les environs de Dijon ; le clan de la Diosaz dé-
loyauté. » bute ses explorations à la Diau, près d’Annecy ;
(Laneyrie, 1985, 19-20) le clan Lesdiguières fait ses premiers pas dans
La vie au grand air favorise la rencontre le Vercors ; le clan des Genévriers de Toulon
avec les grottes qui s’ouvrent dans les régions s’oriente vers les grottes de la Sainte-Baume.
calcaires. Ainsi, les jeunes scouts se muent en Dans les colonies aussi, les Éclaireurs de France
explorateurs et, munis de lampes torches, illu- se livrent à des explorations souterraines. Ainsi,
minent les ténèbres des grottes. Dans le mouve- en Algérie, le clan Millot explore les grottes du
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 111

Djebel Taya avec succès. De plus, outre ces Et lorsqu’il s’agit de juger « l’Exploit de
clans qui font de la spéléologie une spécialisa- l’Année » en 1943, les deux clans vainqueurs
tion, il en existe de nombreux autres qui font sont récompensés pour leur activité en spéléo-
des incursions souterraines plus ponctuelles logie. Il est assez remarquable que l’un de ces
(Choppy, 1988). deux clans vainqueurs soit choisi pour avoir
Issus d’un milieu populaire, les jeunes Éclai- exploré une nouvelle partie de la grotte du
reurs sont parfois freinés dans leurs explora- Boundoulaou, ce qui a amené à corriger les
tions par manque de matériel mais certains premières conclusions de E.-A. Martel sur son
groupes s’ingénient à trouver des solutions pra- fonctionnement !
tiques et s’équipent d’échelles et de cordes pour Cette complémentarité entre l’exploit spor-
descendre leurs premiers gouffres. tif et la découverte d’ordre scientifique apparaît
Guidés par une certaine idéologie de con- de manière récurrente. Alors que certains clans
quête (Laneyrie, 2000), les jeunes Éclaireurs se contentent de visiter les grottes, d’autres les
découvrent la terre sous tous ses aspects : ils in- explorent et en extraient de multiples informa-
vestissent la mer en pratiquant la voile, les tions, des plans, etc. Deux exemples : le clan
montagnes avec l’alpinisme et les grottes grâce des Genévriers expose au musée de Toulon ses
à la spéléologie. Celle-ci apparaît, au même découvertes souterraines et le clan des Chênes
titre que les autres activités de plein air, comme Verts de Montpellier, après avoir réalisé des
un ensemble de techniques permettant de s’en- fouilles archéologiques, publie une note sur ses
gager dans un espace particulier. résultats dans le Bulletin de la Société Préhistorique
Au-delà des techniques, la rencontre avec les Française.
cavernes offre l’opportunité d’observer la nature Au contact des spéléologues, les routiers dé-
pour la connaître et la comprendre. Les pédago- couvrent l’importance de la dimension scienti-
gies actives développées par les scouts s’ap- fique de l’activité et s’engagent dans cette voie,
puient sur cette rencontre pour favoriser une souvent avec succès. L’éducation par les prati-
éducation complète de l’enfant, à la fois physi- ques de plein air trouve un complément perti-
que et intellectuelle. La formation aux rudi- nent dans l’activité scientifique, ce qui explique
ments de la spéléologie pousse les jeunes gens à avec quelle facilité les clans ont intégré la cultu-
lire des auteurs tels que N. Casteret, R. de Joly re de l’activité. En échange, ils vont confirmer
ou E.-A. Martel. La dimension scientifique de l’intérêt pédagogique de la spéléologie dans
l’activité leur apparaît et souvent les passionne. l’éducation de la jeunesse.
S’appropriant cette culture, ils témoignent dès 4.2. La spéléologie, moyen d’éducation
lors d’une activité scientifique qui suscite l’admi-
ration. Ainsi le dirigeant du mouvement qui La pratique de la spéléologie constitue en
présente la publication des résultats de l’expédi- elle-même une pratique éducative. Son statut
tion du clan Millot conclut par ces mots : de spécialisation lui vaut d’être enseignée aux
« Mais je tiens à signaler que le clan Millot est plus jeunes pour que ces derniers puissent
un clan comme tous les autres, un clan de rou- s’enrichir davantage en la pratiquant. Ainsi la
tiers de 16 à 20 ans, et non pas une réunion de tradition pédagogique du mouvement de jeu-
vieux messieurs ou de professionnels de la spé- nesse aboutit à la création d’un « enseignement
léologie [...]. C’est donc une réussite à tous de la spéléologie », chose parfaitement inédite.
points de vue, que cette nouvelle expédition de Pendant l’été 1944 va se dérouler à Saint-
spéléologie du clan Millot. Je suis heureux de
Julien-en-Vercors le premier stage d’initiation
le féliciter et de le citer en exemple à tous les
clans spécialisés » et de perfectionnement à la spéléologie. Le
(Anonyme, 1942, 361). contenu de cette formation aborde autant la
112 Pierre-Olaf Schut

progression souterraine et ses techniques que fique très vaste qui leur ouvre de nouveaux ho-
les aspects scientifiques de la spéléologie. Le rizons et contribue à les éduquer selon le projet
« brevet de spéléologie » exige de l’impétrant pédagogique formulé par Lord Baden-Powell.
qu’il soit capable de rédiger un rapport sur son Cet engagement dans l’activité les incite à con-
exploration comportant : cevoir un enseignement qui légitime sa fonc-
– un croquis topographique avec plan tion éducative et c’est celui-ci qui va, à son tour,
d’exploration à l’usage d’un visiteur éventuel ; enrichir les adeptes de la spéléologie.
– des photographies (extérieur et intérieur) ;
– des dessins ; CONCLUSION
– des observations sur la faune, les concré-
tions, les fossiles, éventuellement sur les traces Les influences auxquelles est soumise la
préhistoriques, l’habitat humain ; communauté spéléologique entre 1930 et 1945
– des histoires ou légendes recueillies à propos contribuent à façonner un nouveau visage à la
de cette grotte, s’il y a lieu. pratique. Son investissement par des adeptes
d’activités de plein air fait évoluer la « science
Ce stage connaît un succès certain qui lui
des cavernes » originale. En effet, tous partagent
vaut d’être renouvelé l’année suivante et multi-
un goût certain pour la nature, son investisse-
plié dans différents lieux par la suite.
ment physique et sa compréhension intellec-
Ces formations, qui s’adressent d’abord aux tuelle, mais chaque acteur et groupe d’acteurs a
Éclaireurs de France, vont bientôt être offertes sa spécificité issue de sa propre histoire. Leur
aux « sympathisants », c’est-à-dire à toute per- confrontation provoque un métissage de l’activi-
sonne intéressée. Cette ouverture donne à l’ini- té souterraine.
tiative scoute une influence directe sur la
Les alpinistes arrivent massivement à partir
communauté spéléologique puisqu’elle adresse
de 1936. Ils apportent un mode d’organisation
aussi sa formation à ses nouveaux ou futurs
et une sociabilité qui correspond au modèle du
membres. En éduquant les spéléologues qui se-
mouvement sportif. De plus, ils participent à
ront plus tard les figures de proue de la spéléo- une réflexion sur les techniques et technologies
logie française, elle introduit sa culture et utilisées par les spéléologues dans le but de faire
notamment sa culture pédagogique. Celui qui face à des explorations plus engagées dans des
sera le principal organisateur de la formation gouffres à la fois plus difficiles d’accès et plus
en spéléologie par la suite, M. Letrône, a effec- profonds. De leur côté, les jeunes explorateurs
tivement suivi l’un de ces stages. du mouvement scout montrent le caractère
De plus, le caractère éducatif des activités de éducatif de l’activité et créent de toutes pièces
plein air leur vaut d’être récupérées par l’admi- un enseignement de la spéléologie.
nistration de la Jeunesse et des Sports pour sa Mais l’essentiel de l’évolution de la spéléolo-
politique éducative. L’intégration de la spéléo- gie réside davantage dans la conception de prati-
logie au scoutisme et son enseignement contri- que. Dans ce domaine, les alpinistes, N. Casteret
buent à donner une signification éducative à et les scouts contribuent à forger une identité de
cette activité. la spéléologie en tant qu’activité de plein air.
La rencontre du scoutisme et de la spéléolo- L’exploration souterraine fait désormais partie
gie va finalement enrichir les deux activités. Les de ces pratiques qui permettent de découvrir
jeunes Éclaireurs découvrent une nouvelle pra- un espace naturel singulier, au même titre que
tique qui leur réserve de nombreuses aventures la voile ou l’alpinisme. Son prolongement scien-
dont ils sont friands. La spéléologie apporte, en tifique lui donne une qualité supplémentaire
outre, aux jeunes gens une perspective scienti- sans pour autant être indispensable.
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 113

Réciproquement, l’intégration des alpinistes CASTERET, N. (1933). Dix ans sous terre. Paris, Perrin.
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ZUSAMMENFASSUNG : Speläologie und Höhlenklettern. Von der Wissenschaft zur Freizeitaktivität


(1930-1945)
Nachdem sie 1895 als Wissenschaft institutionalisiert worden war, hat die Speläologie ihre Idendiät als
wissenschaftliche Praxis bis in die 30er Jahre bewahrt. In dieser Zeit wurde sie von Anhängern der Frei-
luftaktivitäten in Beschlag genommen, besonders Alpinisten und Pfadfinder, die dazu beitrugen, sie
weiterzuentwickeln. Das Zusammentreffen von verschiedenen Aktiven führte zu einer wahren
Mischung der Kulturen, wobei jeder ein Element aus seinem Ursprungsmilieu beisteuerte. So hat sich
die Speläologie in Richtung Natursportart entwickelt, ohne jedoch ihre wissenschaftliche Perspektive
zu verlieren. Ziel dieses Artikels ist es, diese kulturelle Mischung aufzuzeigen, die zu einer Neudefinition
dieser Praxis führte. Unsere Methode besteht darin, all die Kulturen aufzudecken und die daraus resul-
tierenden Transformationen der Speläologie zu evaluieren. Wir werden umgekehrt den Einfluss der
Speläologen auf die Praxis der Neuankömmlinge unterstreichen. Diese Evolution wird anhand des Dis-
kurses der unterschiedlichen Akteure und identifizierten Gruppen analysiert. Dabei stützen wir uns auf
ein Korpus von Publikationen, Werken und Schriftwechsel von ihnen.
SCHLAGWÖRTER : Speläologie, Geschichte, Alpinismus, Pfadfindertum, kulturelle Mischung.
Spéléologie et spéléisme. De la science au plein air (1930-1945) 115

RIASSUNTO : Speleologia e speleologismo. Dalla scienza all’aria aperta (1930-1945)


Dopo essersi istituzionalizzata come scienza nel 1895, la speleologia conserva la sua identità di pratica
scientifica fino agli anni 1930. In quest’epoca è investita dai sostenitori delle attività all’aria aperta,
soprattutto alpinisti e scout, che contribuiscono a farla evolvere. L’incontro dei diversi praticanti dà
luogo ad un vero mescolamento di culture, in cui ognuno porta un elemento dal suo ambiente d’origine.
Così la speleologia arriva ad essere assimilata ad un’attività all’aria aperta senza tuttavia perdere la sua
prospettiva scientifica. L’oggetto di quest’articolo è di evidenziare questo mescolamento culturale che
sfocia nella ridefinizione della pratica.
Il nostro procedimento nell’evidenziare le culture di ognuno e di valutare la trasformazione della spe-
leologia che ne risulta. Sottolineeremo reciprocamente l’influenza che gli speleologi esercitano sulla pra-
tica dei nuovi arrivati. Quest’evoluzione è analizzata attraverso il discorso di diversi protagonisti e
gruppi identificati. Perciò ci riferiremo ad un corpus di pubblicazioni, di opere e di corrispondente deri-
vate da essi.
PAROLE CHIAVE : alpinismo, mescolamento culturale, scoutismo, speleologia, storia.

RESUMEN : Espeleología y « speleismo ». Desde la ciencia hasta el pleno aire (1930-1945)


Después de haberse institucionalizada como ciencia en 1895, la espeleología conserva su identidad de
práctica culta hasta los años treinta. En esta época, está invertida por adeptos de las actividades de pleno
aire, alpinistas y scouts en particular, que contribuyen a su evolución. El encuentro de los diferentes
practicantes ocasiona una verdadera mezcla de culturas, cada uno llevando un elemento de su medio
de origen. Así, la espeleología se acerca de una actividad de pleno aire sin perder por ello su perspectiva
científica. El objeto de este artículo es poner de relieve este mestizaje cultural que consigue a la redefi-
nición. de la práctica.
Nuestro planteamiento consiste en poner al día las culturas de cada uno y en evaluar la transformación
de la espeleología que resulta. Destacamos recíprocamente la influencia que los espeleólogos ejercen
sobre la práctica de los nuevos venidos. Esta evolución se analiza a través del discurso de los distintos
protagonistas y grupos identificados. Por eso nos referimos a un corpus de publicaciones, obras y corres-
pondencia emanando de ellos.
PALABRAS CLAVES : espeleología, historia, alpinismo, escutismo, mestizaje cultural.

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