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Université Paris Est Marne La Vallée – CFA Descartes

Le web et le street art : jusqu’où ne pas communiquer ?


Visibilité et légitimité des sous cultures à l’heure des nouveaux médias.

Mémoire de recherche

pour l’obtention du Master 1 CMW – Culture et Métiers du Web.


Tuteur : Thierry Bonzon

Juin 2010
Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier le milieu de l’ « art officiel », notamment M. Lemire qui a su poser
des barrières à ma réfléxion et me guider dans ce long chemin vers la légitimité scolaire. Merci à M.
Bonzon d’avoir respecté mon côté « underground ».

Merci à ma crew, ma grande équipe que sont mes contacts 2.0. Des encouragements, du soutien, de
la transmission d’informations. Je pense à ma chère @Stephelakh mais aussi @Weloveufunk
@_Jeanne @nikonpassion @Julie_adore @_Sweb … Le web ce grand réseau solidaire.

Merci d’avance à tous les potentiels lecteurs de ce mémoire, qui se montreront intéressés par des
problématiques communicationnelles liées au web. Les usages doivent être justes et adaptés. Les
amateurs de street art pourront surement compléter ce mémoire. N’hésitez pas à échanger avec moi
sur mon e-mail.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Sommaire

Introduction ................................................................................................................... 4

I) Art des rues, art ambigu ............................................................................................. 6

1) Typologie du street art....................................................................................... 6


2) Une démarche commune, non reconnue de tous .............................................. 8
3) Le web comme nouveau territoire ?................................................................ 12

II. Le web : nouvel accès à la légitimité artistique ? ................................................... 18

1) Le web comme instance de visibilité .............................................................. 18


2) Comprendre la notion de légitimité ................................................................ 23
3) Eclectisme du web un moyen de gagner en légitimité .................................. 31

III. Le web : des apports à relativiser. ......................................................................... 38

1) Les nouvelles technologies comme moyen de création .................................. 38


2) L’éthique du street art, pas toujours respectée. .............................................. 43

Conclusion ................................................................................................................... 45

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Introduction

Le street art est l'ensemble des œuvres d'arts que nous pouvons trouver dans notre espace
vital au quotidien. Des graffitis sur les transports, aux fresques sur les murs : il nous suffit d'ouvrir
les yeux pour constater que l'art est partout et à la portée de tous. Il existe de réelles chasses aux
trésors incitant les promeneurs à découvrir la ville sous un angle sensible. Exigeant esprit
aventureux et curiosité intellectuelle, il s'agit souvent de dénicher des œuvres dans des endroits
incongrus. Nous pouvons penser que la recherche artistique n'est pas la seule raison. Rendre ses
œuvres inaccessibles est aussi un moyen d'échapper à la lutte anti-graffiti, menée par les
municipalités. En effet, le street art se veut un art basé sur des pratiques illégales. L'adrénaline est
un moteur essentiel des artistes Mais art et vandalisme, volonté d'accessibilité au plus grand
nombre et discrétion face aux autorités sont des oppositions qui rendent cet art obscur.
Il l'est aussi car il est intégré dans une contre culture urbaine. Appelée aussi grâce à son
homonyme anglais « culture underground », le street art est issu d'une culture « souterraine »,
alternative et souvent en rejet des valeurs de la culture officielle1. Le terme « contre culture »
implique plus fortement un rejet sociopolitique de ces valeurs : et c'est ainsi que nous définirons le
street art. Nous allons étudier l'impact du web et nouvelles technologies de l'information et de la
communication. Les limites spatiales et temporelles sont les mêmes que celles appliquées sur le
web. Les innovations sont rapidement développées. Mais l'information a cet avantage de circuler
aussi vite, en se préoccupant peu des barrières géographiques ou linguistiques. L'image a son propre
sens : mais l'interprétation diffère des acteurs. Les artistes, le grand public et les intellectuels de l'art
officiel perçoivent les œuvres différemment.
Nous allons donc tenter d'en préciser les enjeux sur deux axes : la création et la diffusion. Ce
dernier point se révèlera être le plus important car le web se révèle être un enjeu communicationnel
dense. Le développement du web dit participatif a entrainé une hausse conséquente de créations de
site et de blog. Comment utilise t-on toutes les capacités du web pour en tirer profit, et selon quel
public ? La visibilité sur le web est donc plus grande. Cela entraine t-il automatiquement une plus
grande légitimité ? De plus en plus, de galeries et de musées s'ouvrent à cette culture. Le web et la
meilleure communication des artistes peuvent il avoir contribué à ce mouvement ? C'est ainsi que
nous aborderons notre deuxième axe : les nouvelles technologies de l'information et de la
communication comme moyen de création. Cela peut il être une manière de se distinguer ?

Nous avons mené notre recherche selon trois axes. Nous avons abordé notre sujet grâce à
deux branches de la sociologie. La sociologie de la culture nous a aidés à comprendre le milieu dans
lequel naviguent nos principaux acteurs. Le bilan du ministère de la culture mené par Olivier
Donnat sur les pratiques culturelles des Français permet de bien situer les différents « univers
culturels », et de réfléchir à l'intégration du street art dans le monde culturel français. Ainsi, nous

1 La culture officielle est dite « mainstream » selon la dénomination anglophone.

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pouvons extrapoler et comprendre ainsi d'où vient la légitimité culturelle, avec des ouvrages clés
comme celui de Sylvette Giet, La légitimité culturelle en questions. Notre réflexion sur la culture est
appuyée grâce à des ouvrages sur la notion de goût et d'esthétisme. Sans oublier la Distinction,
ouvrage référence de Bourdieu, nous parcourons autant la philosophie esthétique de la République
de Platon à Du jugement de goût de Kant, que les ouvrages de sociologie du goût. Ces ouvrages
généralistes ont pour but de nous faire comprendre ce qui établit une culture et la rend légitime.
Ainsi, nous pouvons appliquer les notions importantes au web. Ainsi, légitimité et distinction des
sous cultures sont abordées dans l’ouvrage de Dick Hebdige : Sous culture le sens du style. Hebdige
est considéré comme le Levi Strauss2 des cultures underground. Nous avons pour finir, parcourir
des ouvrages sur le street art, afin d'en comprendre le phénomène clairement. Street art de Johannes
Stales nous a permis de différencier les différents genres, et le mémoire de Sarah Clerc Entre
graffeurs et graffeurs ou la diversité d’une même discipline, les différents impacts.

Nous avons donc pu faire une veille sur le street art en ligne. Nous avons pu voir l'étendue
des sites pour vous en présenter une typologie. Ainsi, nous avons étudié chaque site web afin d’en
comprendre l'ensemble des acteurs. Comme précisé ci dessus, nous les avons classifiés en trois
groupes : les artistes, le grand public, et les représentants de l'art officiel. Les artistes se distinguent
en deux groupes : les artistes utilisant le web et les nouvelles technologies et ceux qui rejettent ce
progrès. La séparation est similaire pour le grand public. Nous trouvons les amateurs de street art, et
ceux qui le rejettent. Les amateurs peuvent être de simples passants, qui apprécient de voir leur ville
embellie, ou de vrais collectionneurs. Quand aux représentants de l'art officiel, nous pouvons
distinguer les experts, les galeristes, les commissaires d'expositions, les chercheurs en art... Les
visages sont multiples. Nous ne attarderons pas sur l'aspect technique des entreprises de dégraffitage
car l'aspect matériel a peu d'impact sur le web. Reste que toute la difficulté de notre sujet est de
savoir adapter notre réflexion aux différents acteurs.

Nous allons donc dans une première partie tenter de définir le street art, dans ses différences
techniques. Vous trouverez des illustrations en annexe. Nous tenterons, malgré les différents
moyens artistiques, de définir des caractéristiques communes pour mettre en place une analyse
comparative. Ainsi nous verrons que la démarche artistique peut se dupliquer en ligne grâce au web
2.0. En seconde partie, nous analyserons les différents sites web pour fournir une typologie du web.
Nous mènerons ensuite une réflexion sur la visibilité. Internet suffit il à l'ouverture sur cet art? Nous
verrons que d'autres instances agissent sur le goût et par ailleurs, sur la légitimité et la
consommation3. Pour finir, nous expliquerons les alternatives à la création traditionnelle. Innover
permet de se distinguer. Mais une trop grande attente des technologies ne fait elle pas perdre de vue
la réalité du street art ? Nous allons essayer de répondre à ces questions dans la suite de notre
réflexion.

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Claude Levi Strauss (1908 – 2009) est le spécialiste en anthropologie et en ethnologie. L’anthropologie est la science
qui étudie les êtres humains, tant pour leurs caractéristiques physiques que mentales. L’ethnologie est une discipline
de l’anthropologie, cette disciple étudie les comportements sociaux et culturels.

3 Nous ne résumons pas la consommation à l'impact financier mais aussi au temps consacré aux loisirs et à la culture.

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I) Art des rues, art ambigu


Le mot « street art » a connu un élan d'usage dans les années 80. Synonyme de « post
graffiti », le terme a permis à l'art de rue de se faire une place dans les galeries. Les acteurs de la
dynamique culturelle en France se sont sentis obligés d'en changer la dénomination, pour lui faire
perdre un peu de ce qui en faisait une contre culture. Pour comprendre ce qu'est ce mouvement
culturel contestataire, nous devons déjà définir ce qu'est la culture. Selon l'Unesco4, « la culture peut
être aujourd'hui considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels,
intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social ». L'art fait donc partie de
la culture. Le street art se veut contestataire : nous allons en décrire les caractéristiques dans la
suite de ce mémoire. Existant depuis la nuit des temps, les peintures des vestiges de Pompei peuvent
être considérées comme des graffitis5 , tout comme les diverses inscriptions qui se trouvait sur les
murs à la Renaissance (de 1492 à 1798)6. Ces textes, ces dessins non revendiqués, sont dessinés sur
des murs de manière anonyme sans autorisation préalable. C'est ce que nous retiendrons comme
définition du street art : toute œuvre artistique, revendiquée ou non et ayant pour support la rue ou
tout autre espace public. Le terme se veut le seul reflet d'une réalité complexe : des pratiques
artistiques différentes et de nombreuses codifications.

1) Typologie du street art


Evan Roth, artiste travaillant sur l'informatique open source7 et la culture populaire a crée
une taxonomie des graffitis pour étudier les différents styles. Il s'applique à étudier chaque lettre.
Ainsi, il met en avant pour un seul caractère la recherche calligraphique que propose chaque artiste.
Chaque artiste a son propre style parmi les wildstyle, bubble, oldschool, abstrait, bloc, ignorant,
hardcore, aiguisé8. Mais nous pouvons les regrouper par techniques.

4 L'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) est une branche des Nations
Unies dont le rôle est de maintenir la paix grâce à ces trois problématiques.

5 L'écriture était partie prenante de la vie romaine antique : gravures officielles, inscriptions électorales. Sur les murs
de la ville, l'on trouve aussi des inscriptions faites plus rapidement et de manière illégale. Alain Canu distingue sur
son site dix finalités dont quatre se recoupent avec les finalités actuelles du street art : « pour laisser un souvenir de
son passage », « pour exposer sa philosophie de vie », « pour exhaler ses haines », et les messages de « poètes
inconnus »
Des exemples sont disponibles sur le site : http://www.noctes-gallicanae.org/Pompeii/graffitis.htm

6 Des œuvres d'art nous permettent de comprendre la place du graffiti. Par exemple, la tableau de Melchior
d'Hondecoeter Trompe l'’oeil, révèle la présence de graffiti à la Renaissance, ici sur une porte. Hurlo Thrumbo a,
quant à lui, publié un recueil de graffitis en1731 nommé Original Manuscripts written in Diamond by Persons of
the first Rank and Figure in Great Britain.

7 Un logiciel open source, appelé logiciel libre, permet une diffusion, une utilisation, et une modification gratuite

8 Bien que ces termes soient pour la plupart transparents, vous retrouverez en annexe un lexique reprenant tous les
termes vus. Le vocabulaire sera défini et accompagné visuellement des œuvres phares du mouvement.
Cf. Annexe 1

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a) Le graffiti : art direct

C'est la raison pour laquelle nous allons essayer de dresser une typologie du street art, le but
étant de saisir l'ensemble des problématiques à la lecture de ce mémoire. Le terme graffiti, de
l'italien « graffito » signifiant « stylet », désigne les inscriptions dessinées ou calligraphiées. Elles
s'effectuent au marqueur ou à la peinture aérosol (appelée aussi « bombe aérosol »). Dérivent de
cette pratique des spécialités. Le tag est une signature destinée à être exécutée rapidement, ou
répétée plusieurs fois lors de « vandales »9. Le throw up, aussi appelé flop, est une technique
demandant plus d'aisance de la part du graffeur. Le throw up est effectuée à l'aide de deux bombes
de peinture : une pour le contour, une pour le remplissage. Contrairement au tag, les pièces peuvent
être plus importantes. Les blocks letters reprennent le même principe d'exécution. Mais ces œuvres
ont pour but d'être visibles de loin sur de très grandes surfaces. Pour finir, la fresque a moins de
contraintes techniques car elle demande à l'artiste plus de temps d'exécution. Il peut donc prendre
soin de choisir sa technique, ses couleurs et son thème. Dans la pratique du graffiti, l'on doit noter
différentes styles. Cela diffère des connaissances artistiques de l'artiste, de son entourage, mais aussi
du lieu dans lequel il exerce. Avec l'aérosol, d'autres techniques co-existent pour réaliser des œuvres
de rue.

b) Des techniques alternatives pour plus de rapidité

Le pochoir est une feuille de carton (ou de tout autre matériel rigide) découpée afin de
former un motif, que l'on peut peindre. Cette technique permet de préparer son motif pour
l'appliquer de manière rapide et propre. Cela demande néanmoins un travail de minutie. Il est
difficile de réduire son œuvre à des contours, de rendre le travail de contraste intéressant. Le mot
« stencil » désigne une autre pratique artistique à part entière, issue de la ronéotypie10. Mais il doit
être ici considéré comme synonyme de « pochoir ». Le sticker art est une forme de street art mené à
l'aide d'autocollants. Préparation rapide, pose rapide, aucun risque pour l'artiste : cette forme est
idéale pour apposer sur l'espace public petit graffiti ou logotype. De plus, les dommages pour
l'espace public sont beaucoup plus faibles. Déjà utilisés depuis le début du XXème siècle, les
stickers sont des moyens d'expression contestataires par les militants politiques d'extrême gauche.
C'est aussi l'occasion pour les artistes de concourir pour savoir lequel d'entre eux sera le plus
productif. Contrairement au reste, l'affiche (« poster » en anglais) est un support classique, destiné
à être vu dans la rue ou les espaces publiques. Révélatrice du rapport entre les citoyens et leur
époque, selon les thèmes qu'elle expose, elle a toujours attiré le regard. Informative ou utilitaire, elle

9 Les actions dites « vandales » sont des opérations artistiques menées sans autorisation préalable sur un support
interdit (un mur, une rame de métro, etc.)

10 La Ronéo est une « presse d'imprimerie rotative utilisant un cliché en celluloïd, reproduit sur les épreuves en
utilisant une solution à base d'alcool et un papier carbone »

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est parfois détournée de ses fonctions premières pour se révéler tendre et vindicative. Ainsi les
affiches officielles et sauvages ont toujours cohabitées : d'où la concurrence rude entre ces deux
supports. D'autres formes issues de l'art officiel, peuvent être considérées comme du street art, la
mosaïque (avec le cas d'Invaders notamment11 ) ou les installations artistiques. Les Christo, artistes
issus du mouvement « land art », ont érigés leur première œuvre Iron Curtain en 1962. En réponse à
la construction du mur de Berlin, ils ont barré la rue de Visconti à Paris, bravant les interdictions des
autorités en créant un mur de barils de pétrole. Ils ont ensuite effectué des œuvres plus officielles
comme l'emballage du Pont Neuf, nécessitant financements et autorisations. Cela porte donc à
controverse : les artistes utilisant la rue comme support, font ils forcément partie du mouvement
street art ?

2) Une démarche commune, non reconnue de tous

Ces différentes pratiques ont néanmoins des caractéristiques communes permettant de


définir ce qu'est un street artiste, un artiste de rue. Fruit d'une démarche artistique, généralement
contestataire, les œuvres du street art sont travaillées sur des endroits de notre quotidien : la rue, les
transports (métros, trains, camions). Elles peuvent parfois se nicher à des endroits inhabituels ou
inaccessibles. Comme le rappelle Adrien Dartiguenave, rédacteur culturel du blog « Encore un peu
avant minuit » :

« Peindre dans la rue exige des facultés d'adaptations. Car contrairement à une
toile, la rue est un support d'expression irrégulier et accidenté » Le lieu choisi pour déposer
l'œuvre est donc essentiel pour les trois publics du street art que sont : les artistes et leur
communauté, le grand public, le milieu de l'art légitime.

a) Occuper l'espace public

Nous allons expliquer la notion d' « espace public » afin d'en comprendre les enjeux
artistiques. S'opposant à l'espace privé où chacun peut se sentir libre de ses convictions, l'espace se
définit tel un lieu physique (rues, places). La collectivité publique dans lequel il s'insère en est
propriétaire. Il fait partie du domaine immobilier qui l'entoure et il est affecté à l'usage direct du
public. Ainsi, chaque entité vit cet espace à sa façon, que cela soit visuellement ou
psychologiquement. L'espace public se veut aussi symbolique quand on aborde la notion d'espace
politique (se situant à l'intérieur de l'espace public). Il constitue l'essence du lien entre les citoyens,
leur donnant le sentiment d'appartenance à une communauté. Ainsi, les démarches artistiques
effectuées dans ce cadre ont forcément un énorme impact sur la manière de vivre et de penser de la
population. La cohabitation entre les différents acteurs peut s'avérer difficile si leurs intérêts sont

11 Cf Annexe 1

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contradictoires. La collectivité a pour obligation de veiller à l'entretien, de veiller au bon respect de


l'utilisation de l'espace. Ainsi, ses dirigeants peuvent se sentir « agressés » par l'artiste, qui cherche à
modifier sa perception de l'espace public en mettant l'art à la vue de tous, gratuitement. L'artiste
peut se sentir incompris car il respecte malgré tout les règles d'usage de l'espace public. Ces
dernières sont les notions de liberté d'utilisation, d'égalité d'utilisation, de gratuité car tout le monde
peut agir comme bon leur semble dans le milieu urbain qu'occupe l'artiste. Il cherche à donner un
sens supplémentaire à ce qui l'entoure. De plus en plus d'initiatives se développent. Des sociétés
demandent aux streets artistes d'agir sur les supports : que cela soit les commerçants pour leurs
devantures de magasins ou des actions tournées vers le street marketing12. Pour Seak, qui a peint le
Thalys, c’était une formidable initiative qui met en avant le graffiti comme « quelque chose qui
encourage la communication et l'échange interculturel ». C'était aussi une manière de voir les
choses en grand : l'on passe du métro au train à grande vitesse, d'un trajet de banlieue à un train qui
relie trois pays. Broxalex, un duo de graffeurs, est aussi un exemple positif. Il a été sollicité
plusieurs fois par la société Paris Habitat, office public d’Habitations à Loyers Modérés. Du mur
des Restos du Cœur jusqu'à des logements privés, le duo embellit le parc immobilier. Même si ces
artistes « cherchent à intégrer (leurs) œuvres dans l'environnement urbain », ils portent une réelle
réflexion sur la perception de leurs travaux. Même si l'impact marketing est important, qu'en est-il
du social? En effet, l'art n'est pas susceptible de plaire à tous.

b) L'illégalité : un enjeu pour les artistes

L'adrénaline du vandalisme

Ne dit-on pas que « la liberté des uns s'arrête là ou commence celle des autres » ? Les
actions de street art non légales peuvent être punies par la loi car considérées comme une
« destruction, une dégradation ou une détérioration volontaire d'un bien appartenant à autrui »13.
Selon la gravité relative de l'acte, les artistes peuvent encourir une contravention dite de 5ème
classe (1500 euros ou plus) jusqu'à une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende pouvant
atteindre 30000 euros. Au début des années 2000, bon nombre d'élus ont demandé un renforcement
de ses lois mais le cadre politique a tendance à s'assouplir. Par exemple, de nombreux conseillers
d'arrondissements parisiens réfléchissent à mettre en place des murs légaux pour capter la
dynamique du street art. Pour Julie Navarro, conseillère culturelle à la mairie du 19ème
arrondissement de Paris, le street art est un vrai vecteur d'intégration sociale dont les municipalités

12 Le marketing, appelé mercatique en français, consiste à déterminer la démarche produits vis à vis des
consommateurs. Il joue ce qu'on appelle les 4P : produit, prix, publicité, distribution (place). Le street marketing
reprend les mêmes dispositions en les appliquant à l'espace public. Cela peut être de la publicité (sur panneaux ou
illégale en reprenant les actions de street art). Cela peut jouer sur les réseaux de distributions. Nous pouvons penser
à la distribution de journaux gratuits.

13 Extrait de l'article R-635-1 du Code Pénal.


Vous trouverez les textes de lois en annexe 2.

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doivent profiter.

Un moyen de s'affranchir des conventions

Quels sont les enjeux pour les différents acteurs? Pour les artistes, travailler sur l'espace
public permet de s'exprimer aux yeux de tous. Les lieux parcourus par la population sont l'occasion
pour les artistes de s'affranchir des conventions tant artistiques qu'idéologiques. La rue est un terrain
de jeu idéal que les artistes apprécient plus qu'une simple toile. Blek le rat, célèbre pochoiriste, était
architecte de formation. Avec une solide culture artiste et underground, il offre une nouvelle
perception de la ville. Les individus peuvent se forger leur propre opinion sur l'art sans passer par de
grands discours officiels. Travailler dans la rue permet aussi de rendre les œuvres gratuites et
ouvertes. Beaucoup de particuliers et d'amateurs se les accaparent. Certains les récupèrent, en usant
à leur tour de l'illégalité. Il est arrivé de voir des pans de murs détruit pour récupérer des œuvres.
Ainsi Invader, célèbre pour ses représentations de « space invaders 14» en mosaïque, raconte dans
une interview que quelqu'un a été jusqu’ à tailler la pierre pour récupérer une de ses pièces.
Malheureusement l'artiste l'a retrouvé en vente sur E-Bay15. Bien que gratifiant de se voir aux
enchères, il trouve la démarche un peu « culottée ». Il est vrai que beaucoup de collectionneurs
détournent les œuvres de leur but originel. Swoon, graffeuse, trouve que l'aspect négatif de
l'amateurisme est de donner une valeur à des projets qui se voudraient gratuits.

Un double impact artistique sur les amateurs et l'art officiel

Les vrais amateurs n'ont qu'en tête leur sensibilité artistique. L'illégalité leur importe peu.
Ils apprécient de voir leur ville embellie. Chaque œuvre sur leur trajet de vie quotidienne est une
découverte. Certains s'amusent à les regrouper dans des sites internet de type encyclopédique. Les
internautes se connectant sur le site, peuvent visualiser une carte et de les retrouver. Adidas a
d'ailleurs lancé une application Iphone reposant sur le même principe. Urban Art Guide se veut
organisé comme un catalogue de galeries. Les personnes peuvent prendre des photos pour mettre
un jour l'application, et retrouver selon chaque lieu un historique complet avec biographie de
l'artiste. Cela permet d'avoir une vision complète du Berlin underground. Malheureusement, le
guide est seulement valable pour les villes de Berlin et Hamburg. Mais cela a de quoi développer les
initiatives des marchands et galeristes d'art. Les premiers expositions ont eu lieu dans les années

14 Les spaces invaders sont des personnages issus du jeu vidéo du même nom. Le joueur est représenté par un vaisseau,
et doit accumuler des points en tuant ces envahisseurs de l'espace. Invader a choisi ces personnages, pour faire le
parallèle avec la prolifération de ces œuvres, et leurs possibles caractères dérangeants.

15 Ebay est un service de vente aux enchères sur Internet.

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7016 mais c'est dans les années 200017 que le street art s'est imposé dans les musées reconnus
mondialement : en 2008 au Tate Modern, en 2009 au Grand Palais pour l'exposition « Tag » et à la
fondation Cartier grâce à l'exposition « né dans la rue- Graffiti ». Des galeries spécifiques sont
même crées spécifiquement à cette occasion, comme la Magda Danysz Gallery, le studio 55 ou la
galerie Onega. Le prix des œuvres augmente, surtout aux enchères. David Benhamou, webmaster
du site www.maquisart.com & ancien graffeur a ouvert un département consacré au graffiti et au
street art au sein de la maison de vente Millon-Cornette-de-Saint-Cyr. C'est aussi sous l'impulsion
de Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la culture, que l'exposition Tag a eu lieu au
Grand Palais. Suite au triomphe de l'exposition, il a encouragé les collectivités à entamer le
dialogue avec les artistes. L'illégalité a permis au street art de se faire connaître en se faisant voir du
plus grand nombre. Les artistes ont pu attirer les visiteurs dans les musées, les galeries par leur
simple présence dans la rue.

Des enjeux parfois incompris.

Il existe dans le grand public, un deuxième aspect que nous ne pouvons négliger. Il s'agit de
réfractaires au street art. Ces personnes peuvent être à la fois des particuliers ou des décisionnaires
du monde artistique. La SNCF, âpre combattante du graffiti, a fait une étude sur un échantillon de
voyageurs sur l'impact des graffitis sur les utilisateurs du réseau de transports grâce à l'IFOP18.
« 85% d'entre eux trouvent les tags dégradants pour les biens et les lieux et portent atteinte à leur
sécurité » Ces personnes occultent souvent l'objectif artistique pour ne visualiser que l'aspect
dégradant et sale. Elles pensent que les artistes manquent de respect envers leurs concitoyens.
Même les artistes dit « autorisés » ne trouvent pas grâce à leurs yeux : leurs activités reflétant une
mauvaise gestion de la part des collectivités. Kelling et Coles19, deux chercheurs en criminologie
ont émis une théorie de la « vitre brisée » en 1982 dans la revue Atlantic Monthly. Eric Stauffer
résume leur pensée en une phrase « Si la fenêtre d'un immeuble est détruite et qu'elle n'est pas
remplacée, le bâtiment apparaîtra comme un lieu dont personne ne prend soin et bientôt toutes les
fenêtres seront brisées ». Les petites dégradations au sein de l'espace public sont ressenties comme
une dégradation générale du cadre de vie. Voir ses marques au quotidien laisserait croire que le
crime est impuni, et inciterait la délinquance. Cela peut évidemment être appliqué au street art. Le
graffiti notamment, serait la fenêtre ouverte à d'autres sortes d'agressions : la population ayant la
sensation que le crime reste impuni. Cependant, toutes les municipalités ne restent pas inactives.

16 La première exposition consacrée aux graffitis se déroule en 1972 à la Razor Gallery, à New York.

17 Exposition au Tate Modern du 23 mai 2008 au 25 août 2008


Exposition au Grand Palais du 27 mars 2009 au 3 mai 2009
Exposition à la Fondation Cartier du 7 janvier 2009 au 10 janvier 2010.

18 L'IFOP -institut français d'opinion publique- est une des entreprises leader en sondage d'opinion.

19 KELLING Georges et COLES Catherine, “Fixing Broken Windows : restoring order ad reducing crime in our
communities”, Athlantic Monthly, Free Press, 1998.

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Pour exemple, Reims enlève depuis plus de 20 ans et cela gratuitement les graffitis sur simple
demande des particuliers. Technique utilisée, l'aérogommage se veut sans danger de dégradations,
sans risque pour l'opérateur et efficace sur toutes surfaces. Les techniques se veulent toujours
améliorées. D'autres municipalités sont plus radicales. Dans le cadre des Jeux Olympiques d'hiver
de Vancouver, les services de la mairie ont recouvert les rues d'un bleu « olympique ». Les fresques
autrefois autorisées ont été repeintes au même titre que les tags illégaux. Outre une discrimination
anti-artistique, cela souligne un enjeu politique. Malgré le statut de Montréal de capitale canadienne
du graffiti, la ville s'est vu exclure des manifestations, se posant alors clairement la question de son
appartenance à la nation canadienne.

Certains artistes tentent de sortir de cette ambigüité artistique en ne procédant que par des
moyens légaux. Dans un souci écologique, Philippe Baudelocque travaille à la craie. La technique
est plus respectueuse de son écosystème : l'espace public n'est pas abimé, et l'artiste se sent plus en
osmose avec son outil de travail. Outre le fait que l'aérosol avait un impact sur sa santé, Philippe
Baudelocque a développé son travail artistique, en créant de nouveaux motifs animaliers. La craie
rend son travail plus éphémère, « tout comme l'est la nature » selon lui. D'autres réfléchissent en
termes d'impact sur l'urbanisme. Il existe du green graffiti. A l'aide d'un mélange de produits
biologiques, de la mousse peut être collée aux murs pour embellir le milieu urbain de manière
écologique. Alexandre Orion, graffeur de Sao Paulo va plus loin avec son concept de «Reverse
Graffiti ». Il exécute ses œuvres, sur la poussière des tunnels de la ville. Ainsi, il prend de court les
détracteurs du street art en nettoyant les tunnels, pour protester contre la pollution à Sao Paulo. Ces
œuvres, sont contraintes à être effacés, ce qui oblige la municipalité à nettoyer les tunnels. Orion
arrive quand même à ses fins. Le reportage d'Arte qui a présenté ses artistes propose une dernière
rencontre avec Marco83, un artiste de « light painting ». Le light painting consiste à utiliser un
temps de pause longue sur un appareil photo pour capter le mouvement de la lumière, et ainsi
dessiner des formes à l'aide d'une simple lampe. Cela n'a aucun impact sur l'environnement et offre
une liberté à l'artiste. La journaliste de conclure le reportage en disant : « Le graffiti qui réconcilie
tout le monde serait il purement virtuel? ». Nous allons essayer de prouver que le web a les mêmes
dispositions pour être envisager comme un terrain profitable au street art.

3) Le web comme nouveau territoire ?

Comment concilier les notions de légalité, d'anonymat et de communautarisme ? Nous


pensons que le web peut être considéré comme un nouveau territoire et combler les divers besoins
du public du street art.

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a) Le web 2.0 : des démarches simplifiées.

Le web de la deuxième génération, nommé web 2.0, se veut un espace d'expression libre et
visible aux yeux de tous. L'ensemble est vu par Tim O'Reilly20 comme une plateforme d'échange et
de travail collaboratif. Les nouveaux services ont entrainés une modification des usages. Les gens
créent et partagent plus facilement leur propre contenu. On peut aisément créer un site web, grâce à
l'aide de CMS (Content Management System, en français Système de Gestion de Contenus). Ce
sont des logiciels qui après avoir été installés sur un serveur21, permettent de concevoir des sites
web aisément. Grâce à une interface en WYSIWYG22, rentrer des données devient un jeu d'enfant.
Grâce aux nouveaux standards du web23, le contenu est dissocié de sa forme offrant alors une
meilleure performance d’affichage. Un même système préinstallé permet de créer un blog en se
connectant à une simple URL24. En remplissant un formulaire de contact avec des informations de
type pseudo, URL, nom du blog, un espace dédié est crée en quelques clic. Des services sont
spécialisés pour les blogs dédiés à la vidéo (vlog) ou à la photo (photoblog). Les plus connus sont
Blogger, Canalblog, Over-blog, Skyblog et Wordpress. Outres les caractéristiques techniques
comme la capacité de stockage, la possibilité d'utiliser des URLs personnalisés et les modifications
graphiques; chaque plateforme est spécialisée pour un type de public. Skyrock séduit un public
d'adolescent, Canalblog les blogs féminins et manuels. Les plateformes de partage dédiées à la
photographie les plus connues sont Flickr et Picasa. Les photos peuvent être retouchées, diffusées
sous la forme d'albums et décrites sous la forme de folksonomies25. C'est une occasion pour les
artistes de diffuser leurs œuvres. Ils peuvent le faire selon les Creative Commons, règles de droits
d'auteurs simplifiés. Pour information, sachez qu'il existe quatre droits : le droit à la paternité,
l'interdiction aux modifications, l'interdiction aux utilisations commerciales sans autorisation
préalable et l'obligation de diffuser l' œuvre avec la même licence Creative Commons. Cela permet
de sécuriser les diffusions artistiques. Il existe d'autres services comme les forums et les wikis26.

20 Tim O'Reilly est le créateur du terme Web 2.0 qui a utilisé pour la première fois dans son texte fondateur What is
Web 2.0 : Design Patterns and Bussiness Models for the Next Generation of Software publié en 2005.

21 Un serveur est un espace de stockage sur lequel sont installés divers logiciels qui permettent l'utilisation, la
consultation et la création de sites web.

22 WYSIWYG = « What you see is what you get. Cette interface offre une mise en page similaire à du traitement de
texte.

23 Les standards du web sont issus du W3C (World Wide Web Consortium). Fondée par Tim Berners-Lee, l'inventeur
du web, la communauté regroupe des chercheurs, des membres d'organisation et des internautes , dans le but
d'optimiser les usages du web.

24 URL : Uniform Resource Locator : adresse permettant de localiser les différentes ressources présentes sur le web.

25 Folksonomie est le nouveau terme pour désigner la manière de classifier les informations sur le Web. Chaque
utilisateur peut définir des mots clés, par exemple sur une photo. Sans être spécialiste, il participe ainsi à l'indexation
de l'Internet mondial.

26 Un wiki est un site web destiné à un usage de travail collaboratif. L'exemple le plus connu est Wikipedia,
l'encyclopédie en ligne.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Des sites orientés spécialement sur le street art, s'en inspirent. Ils ont pour vocation de créer un
espace de diffusion des œuvres et d'échanges afin de recréer le principe de communauté. L'éventail
des choix techniques est grand, et la création de sites aisés. Les droits de diffusions ont même été
simplifiés grâce à l'avènement du web communautaire.

b) Internet au service de communautés.

Le web n'est il pas le reflet de notre société individualiste ? Comment des individus peuvent
ils recréer ce sentiment d'appartenance malgré les distances et la frontière entre réalité et virtuel?
Nous devons tout d'abord faire la différence entre Internet et le Web. Internet est le réseau mondial
reliant différents ordinateurs entre eux. Le Web en est une application : un ensemble d'hyperliens,
visibles grâce à un navigateur. Internet, bien avant l'avènement du web dans les années 90, a été le
lieu des premiers rassemblements virtuels.

La mentalité hippie a marqué les années 1970. Mouvement contre culturel, ce courant de
pensées prône la paix et se place en réaction à l'ordre établi. Il réagit principalement à la guerre du
Vietnam, dans laquelle les Etats Unis se sont engagés dès 1968. L'armée n'étant pas professionnelle,
recrutait par conscription27. Le seul moyen d'y échapper était de rentrer à l'université. Ainsi, les
chercheurs, les intellectuels de l'époque étaient tous hippies. Leur philosophie veut qu'ils puissent
tirer profil au maximum des choses. Ils ont donc alors encouragé le développement des réseaux
dans un but d'échanges et de partages des données. Dès 1969, ARPANET a permis d'établir une
liaison entre l'université de Californie et le Stanford Research Institute, de Los Angeles à Menlo
Park. Les chercheurs ont pu passer outre le rôle militaire de protection des données d'ARPANET
pour en faire un outil d'échanges de savoir. D'ailleurs, le Whole Earth Catalog, manuel de survie du
hippie, a été crée en 1968 par un universitaire Stewart Brand. Il présente dès le premier numéro un
ordinateur dit « calculateur de bureau » de la marque Helwett Packard. Stewart Brand avait compris
l'enjeu de rendre ces technologies personnelles pour le développement des échanges.

Le mouvement hippie s'épuise, les idéalistes rêvent d'un autre monde. Ils découvrent la
science fiction et tentent d'utiliser le virtuel pour partager leurs idées. Ainsi ils débattent sur des
newsgroups grâce au réseau Usenet28. Passionné d'échecs (sur net.chess) ou de science fictions
(mailing list SF_LOVERS), les internautes trouvent enfin un endroit constructif pour diffuser leurs
idéaux. Cette notion de communauté s'est renforcée au fil du temps grâce à deux services : le chat et
les outils de travail collaboratif. IRC29, conçu en 1988, a posé les jalons de nos logiciels de

27 Service militaire obligatoire

28 Usernetwork est un ensemble de forum en réseaux inventé en 1979

29 Internet Relay Chat ou discussion relayée par Internet.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

conversations instantanées actuelles. Différents canaux de discussions offrent la possibilité


d'échanger textes et fichiers. Le chat est néanmoins devenu source d'échanges interpersonnels, seuls
les forums (Usenet) ont gardé cette vocation. Les espaces de travail collaboratif (les wikis, Moodle,
Google Wave pour exemple) cultivent cet esprit et permettent à des internautes ayant des points
communs, professionnels ou non, de partager. Le communautarisme est donc une notion clé liée à
Internet, permettant aux artistes internautes de retrouver une certaine complicité, de recréer une
crew virtuelle.

Le web, crée en 1998 par Tim Berners-Lee, est doté de règles techniques, celles du W3C.
Quant à son utilisation morale et éthique, plusieurs textes peuvent être étudiés comme par exemple,
la Déclaration d'Indépendance du Cyberespace30 de John Perry Barlow. Fondateur de l'Electronic
Frontier Foundation, l'auteur défend à travers son association la liberté d'expression sur Internet.

« We must declare our virtual selves immune to your sovereignty, even as we


continue to consent to your rule over our bodies. We will spread ourselves across the Planet
so that no one can arrest our thoughts ».
« Nous devons déclarer nos subjectivités virtuelles étrangères à votre souveraineté,
même si nous continuons à consentir à ce que vous ayez le pouvoir sur nos corps. Nous nous
répandrons sur la planète, si bien que personne ne pourra arrêter nos pensées »

Soutenu par ce texte, les artistes peuvent exprimer leurs idées sans crainte. Selon l'EFF, le politique
doit rester en dehors du système, qui se veut autorégulé. Seul le principe de liberté régit les usages
d'Internet.
« We have no elected government, nor are we likely to have one, so I address you
with no greater authority than that with which liberty itself always speaks. »
« Nous n'avons pas de gouvernement élu et nous ne sommes pas près d'en avoir un,
aussi je m'adresse à vous avec la seule autorité que donne la liberté elle-même lorsqu'elle
s'exprime »

Les codifications propres aux crews se retrouvent sur Internet : les initiés se retrouvent ensemble
autour de certaines pratiques. Les personnes extérieures au groupe ne peuvent saisir toutes les
subtilités de la chose. Barlow s'adresse spécifiquement aux politiciens mais l'on peut extrapoler
cette phrase : « You do not know our culture, our ethics, or the unwritten codes ». Le web a son
langage, ses propres références qu'il faut savoir manier pour mener à bien une campagne de
communication personnelle.

30 Vous trouverez le texte intégral de la Déclaration d'Indépendance du Cyberespace en annexe 3

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

c) Anonymat et gratuité

Sur Internet, la culture de l'anonymat est bien présente. Il est courant d'utiliser des
pseudonymes, notamment pour les services de communication. Outre le choix pratique, cela permet
à l'internaute de se choisir une identité propre. L'image d'un mot peut avoir une incidence sur les
actions d'un groupe. Prenons les exemples de mes contacts Twitter : @Geekypornygirl31 affiche
clairement son genre sexuelle et les thèmes qu'elle va aborder tout au long de sa timeline, tout
comme @Nikonpassion. @StepheLakh affiche de manière détournée son prénom et son nom, tout
comme @MathildeV. Nous ne pouvons faire de conclusions hâtives mais @Armaggedon paraît être
attribué plus facilement à un homme, et @Ohoceane à une femme. Quoiqu'il en soit, un pseudo
vous suit toute votre vie. J'ai connu @Pipomantis au lycée sous les chats d'AOL ; j'ai pu le retrouver
6 ans après sur Twitter avec le même pseudo. C'est un moyen pour les artistes de conserver leur
anonymat, mais aussi de se cacher derrière un personnage. Une protection supplémentaire peut être
attribuée grâce à la protection des adresses IP. En effet, c'est par ce biais que l'on peut localiser un
internaute. L'Internet Protocol permet aux ordinateurs de communiquer entre eux sur le réseau.
Chaque ordinateur a un numéro unique, attribué automatiquement selon la connexion utilisée. Mais
il existe des logiciels permettant de générer de vraies fausses IP, et ainsi conserver l'anonymat de
l'internaute.

La gratuité est un des principes culturels d'Internet. Lors de la création d'ARPANET, la


question du contenu ne se posait pas. Seules des données officielles transitaient : données
aérospatiales, bancaires. L'Etat n'avait aucun intérêt à monétiser ses propres données. Puis s'est
posée la question de développer des systèmes d'exploitation pour des ordinateurs destinés au grand
public. Les laboratoires Bell, à la pointe dans les domaines des télécommunications, a développé en
1969 Unix. Ce système fut vendu sous licence aux universités dès 1973. Le système malléable
permettait aux informaticiens de le modifier. Malheureusement la licence avait un goût qui pouvait
se révéler prohibitif. En 1983, Richard Stallmann décide de contourner cet obstacle en créant le
GNU32 project. La difficulté était de recréer un système aussi stable et complet qu'UNIX en
repartant de zéro. Richard Stallmann est le fondateur de la Free Software Fondation, fondation
mettant en avant le logiciel libre. La fondation est toujours active. Lorsque l'on regarde le site de la
branche Europe, l'on voit qu'elle veille sur tous les fronts. La FSFE tente de sensibiliser les
particuliers, ainsi que les divers gouvernements à utiliser des logiciels libres. Elle propose
formations, conseils mais elle cherche aussi à actualiser les standards du web. Le but étant que les
utilisateurs puisse passer au libre sans perdre de données. Leurs grands combats sont les brevets

31 La convention sur le réseau social Twitter veut que les pseudonymes d'utilisateurs soient précédés d'un arobase.
Twitter est un micro réseau social.

32 Pour l'anecdote, l'acronyme GNU signifie GNU is Not Unix.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

logiciels33 et la gestion des droits numériques34. Cette inspiration des premiers échanges
informatiques continue de prospérer, avec des projets comme les Creative Commons, licence de
diffusion simplifié ou Wikipedia, espace de partage encyclopédique. L'esprit du logiciel libre
continue à planer au dessus des internautes. J'écris moi même ce mémoire sous Open Office35. Les
artistes peuvent s'exposer sur la toile dans le respect de leur état de création artistique : c'est à dire
gratuité, ouverture à tous.

Après avoir étudié les différentes formes de street art, et leurs caractéristiques communes,
nous avons approfondi notre connaissance du web. Ainsi, nous trouvons une corrélation flagrante
entre les besoins des artistes, et l'offre du web. Liberté, gratuité, anonymat, facilité de création,
partage simplifié : toutes les conditions semblent réunies pour recréer un endroit convivial de travail
et d'échange pour les artistes. Ainsi, le web peut être envisagé comme un nouveau territoire. L'on
peut occuper la toile de manière créative sans aucune crainte. Cependant, quelles sont les formes
d'expression en ligne ? Sont-elles optimisées ?

33 Le brevet logiciel est un titre de propriété appliqué au logiciel, résolvant une problématique technique.

34 La gestion des droits numériques est une protection technique permettant de restreindre le fichier à la lecture, à la
copie ou à la diffusion.

35 Open Office est un logiciel libre de traitement de texte.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

II. Le web : nouvel accès à la légitimité artistique ?


Nous avons démontré de quelle manière le web pouvait être un moyen d'expression
alternatif pour les artistes de rue. Nous allons essayer de faire une typologie des différents sites
web. Un important travail a été effectué par un groupe d'étudiantes à Sciences Po dans le cadre de
leur master de communication. Leur théorie était de montrer que certains sites web pouvaient être
sujet à controverses en tant que nouveau moyen de communication auprès du public ; leur terrain
étant le street art. La différence principale réside dans le traitement du sujet. Le but du site est de
faire une cartographie web de manière objective. Les étudiantes ont pu interroger la plupart des
acteurs du street art pour recueillir le maximum de témoignages, et ce jusqu'aux entreprises de
dégraffitage ou les commissaires priseurs. L'objectivité est résumée en trois règles : « ne pas juger
une situation par le critère de la vérité, ne pas être relativiste, ne pas recourir à la différence entre le
rationnel et l'irrationnel ». Nous utiliserons donc les documents produits36, afin de les analyser, et de
compléter notre réflexion.

1) Le web comme instance de visibilité

Sous quelle forme le street art est disponible sur le net? Comment les sites sont ils
regroupés? Nous avons distingué cinq types de sites web. Nous allons réfléchir en terme d'impact
communicationnel, en les présentant du moins au plus participatifs. Vous trouverez des exemples en
annexe 5. Nous résumerons les caractéristique des ces différents sites dans des tableaux pour
clarifier l'information.

a) Typologies des sites web

Les sites institutionnels

Tout d'abord, nous pouvons songer aux sites publics et culturels. Ils sont les reflets de
l'institutionnalisation du street-art. Site du ministère de la culture, des différents musées ou des
festivals : on y trouve des informations de type académique37. Nous avons choisi trois sites : le site
du festival international de graffiti de Bagnolet, le site de l'exposition Tag au Grand Palais, et la
page de l'exposition Street art du Tate Museum. Nous y retrouvons les caractéristiques suivantes
nous offrant une vision lisse et simple de la contre culture street art.

Informations génériques : Ces sites présentent une biographie des artistes et de familiarisent les
internautes avec leurs œuvres. Ils montrent l'ensemble des œuvres et leurs dates de démonstration à

36 Les documents sus nommés seront présentés en annexe 4

37 Synonyme d'officielle. Le terme se réfère aux académies scientifiques ou artistiques , institutions décisionnaires.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

l'intérieur du lieu d'accueil. Outre les informations pratiques, un calendrier des évènements précise
les dates des manifestations ponctuelles (comme une rencontre avec les artistes, ou un atelier
artistique).

Informations spécifiques au web : Des documents multimédias interagissent avec l'internaute afin
de lui faire vivre le street art, et de lui faire découvrir de manière ludique les œuvres. Cela peut être
une visite interactive, un diaporama de photographie, une vidéo, etc.

Informations spécifiques à l'institutionnalisation L’accès presse permet aux journalistes et autres


organismes médias de retrouver les informations essentielles, ainsi que des documents multimédias
en haute définition. Une page web offre un espace de visibilité aux partenaires qui ont contribué à
l'établissement de l'événement, tant financièrement que par échange de services.

Les sites d'artistes tenu par des webmasters légitimes

Ainsi se crée un premier niveau d'information auquel se succèdent les sites officiels et les
blogs d'artistes. Ce type de site web permet de toucher deux sortes de public. Le milieu artistique
peut se faire une vision globale de la scène street art et contacter les artistes pour la création
d'évènement à venir. Le grand public peut découvrir les œuvres exposées de manière plus
approfondie, ainsi que la démarche artistique que l'auteur aura voulu expliciter. Nous avons donc
choisi comme représentatif le site officiel de Banksy, graffeur ; celui de Blek le Rat, pochoiriste; et
Stencil History X. Ce dernier blog est tenu par une galeriste, Samantha Longhi. Nous classons les
sites de galeristes et de professionnels dans la même catégorie car il présente des œuvres, les
décrypte pour les deux mêmes publics. De par leur savoir, et leur expérience, ils sont totalement
reconnus et approuvés tant par les artistes que par le grand public. Voici leurs caractéristiques
communes : l'on aperçoit clairement une scission entre la vocation artistique et commerciale.

Vocation artistique La présentation des artiste est une partie est conventionnelle. Elle permet
d'établir un cadre clair, rassurant le public. La plupart des artistes cherche avant tout à exposer leurs
œuvres, soit grâce à une visionneuse, où à l'insertion dans des articles de blog. Une catégorisation
distincte permet aux internautes de se situer par rapport à la variété des styles et des techniques. Les
sites font généralement la différence entre les œuvres d'outdoor et d'indoor38, ce qui distingue les
œuvres vandales39, ou proches du système, et les œuvres réutilisées dans l'art officiel.

Vocation commerciale : Ce genre de site est très souvent équipé d’une boutique en ligne. Ainsi elle
trône comme une vitrine supplémentaire pour les artistes, qui peuvent vendre leurs œuvres sans

38 « Outdoor » signifie en anglais extérieur, « indoor » intérieur.

39 Sans autorisation légale

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

passer par les marchands d'arts ou galeristes. Les galeristes publiant des ouvrages, se servent aussi
de cette option sur leur site Internet. Un formulaire de contact, et d’autres liens vers les réseaux
sociales peuvent encourager dialogue et consommation

Les sites web « encyclopédiques »

Ces sites web tenus par des amateurs ont pour vocation de regrouper toutes les
représentations du street art. Des plateformes ont vocation de partage d'image comme Tumblr40 ou
via des albums comme Flickr. Après avoir fait notre propre veille sur Tumblr, nous avons remarqué
ce qui fait la particularité de ses sites web. Le panel des œuvres est large, ce qui permet d'avoir une
vision d'ensemble de l'art de rue. Le point négatif est que cela peut manquer d'explications et perdre
l'internaute dans la profusion d'images. Seuls les lecteurs avides de jolies images, ou les amateurs
confirmés trouveront leur bonheur. L'aspect participatif prend enfin une valeur importante.

Interface simplifiée Tant au niveau du design que de l'administration du blog, donc pour le
webmaster ou le lecteur, tout est clair. Crée comme une encyclopédie non exhaustive du street art,
ce site se lit comme un livre d’images. Le webmaster veille et offre une vision large de cette contre
culture. Les différents mouvements sont représentés sans préférence, selon les images trouvés sur
Internet.

Aspect participatif L'internaute peut soumettre une image avec une courte description pour qu'elle
soit visible sur le site. Amateurs, artistes, les destinateurs sont décrits par un pseudonyme. Grâce à
la géolocalisation41, certains sites proposent, de manière facultative, la possibilité de repérer les
œuvres sur une carte. Elle peut être postée sur le site web et générée automatiquement, ou être
disponible via une application pour téléphonie mobile

Les sites communautaires

L'aspect participatif trouve toute son aura dans les sites communautaires. Ces sites ont pour
vocation de regrouper les artistes dans le but de récréer l'esprit de « crew ». Nous avons choisi deux
leaders, Fatcap.com, crée en 1998 et Ekosystem.org, crée en 1999. A l'époque, les sites étaient des
pages statiques, très peu mises à jour. L'internaute n'était qu'un simple lecteur : le seul moyen
d'interagir était les forums. Le principe s'est perpétué dans le temps. Les différents internautes
unissent leurs synergies individuelles pour créer un mouvement de pensée. Les données suivantes

40 Tumblr reprend le principe de micro blogging sans limitation de caractères. La plateforme est simplifiée au
maximum. L'on peut signaler que l'on apprécie des images, tout comme l'on peut reposter des images trouvés sur
d'autres blogs de la plateforme. Ainsi le site fuckyeahstreetgraffiti.tumblr.com, offre à la fois, un formulaire de
téléchargement d'images mais se charge de faire une veille à travers l'interface du blog.

41 La géolocalisation permet de repérer un objet ou une personne par ses coordonnées géographiques (longitude et
latitude) grâce à diverses technologies de télécommunications, notamment les satellites.

20
Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

définissent les dernières caractéristiques issues du web 2.0 que nous retrouvons sur les sites web
représentatifs

Création de comptes personnels Les internautes peuvent créer leur compte pour créer une page
personnelle. On distingue souvent deux types de profils: les comptes artistes ou les comptes
photographes. Les profils peuvent être complétés par des photos ou des vidéos. Certains utilisateurs
créent un profil mais ne mettent aucun information : ce sont de simples visiteurs.

Contenu interactif Les sites proposent des galeries de photos, des vidéos (voir une webTV) et des
fiches de présentation d'artistes. L'arborescence et la classification des objets multimédias peuvent
être plus ou moins diffuses. L'on voit que sur Ekosystem, seul un système de tag permet de classer
les photos alors que Fatcap caractérise ses différents objets selon leur style, leur classification
géographique. Les sites proposent des interviews et des reportages, à double destination. Le grand
public peut se tenir informé, et les artistes y trouvent de quoi alimenter leur réseau.

Lien sur les réseaux sociaux L'idée de réseau, de communauté s'est développée à travers de
nombreux services Web 2.0. Ainsi, les artistes peuvent se retrouver et multiplier leurs liens sur
d'autres plateformes comme Facebook42 ou Twitter43. Certains sites gardent les moyens traditionnels
de communication, comme par exemple un forum. Cela permet d'éviter de rompre les habitudes des
internautes.

Nous remarquons ici, que plus l'aspect participatif se développe, plus la communauté se restreint
aux seuls crews artistiques. Le grand public, les novices auront tendance à se tourner vers des
informations institutionnelles qu'ils jugent plus sur, alors que les artistes auront peut être tendance à
se replier sur leur communauté. D'autres sites gravitent autour de la sphère du street art. Nous
pouvons penser aux medias ou aux blogs personnels, qui reprennent certaines informations.
Cependant, il n'y a rien de conventionnel dans les règles de présentation. Ils ne font que reprendre
des informations préexistantes à leurs comptes. Nous avons souhaité nous concentrer uniquement
sur les standards de contenu et d'informations des sites pour définir une typologie des sites web.

b) La théorie de visibilité appliquée.

42 Facebook est un réseau social crée par Mark Zuckerberg. Destiné initialement aux étudiants d'Harvard, il s'est
ouverte aux diverses communautés estudiantines. Maintenant, les gens l'utilisent pour garder contact avec des amis
mais aussi pour découvrir d'autres personnes.

43 Twitter est un service de micro blogging permettant d’échanger des messages de 140 caractères maximum. Le but
est de répondre « Que faites vous maintenant » (« What are you doing? »). Les usages se sont variés : pour devenir
du micro blogging, un service de veille ou un moyen de créer son propre réseau.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Nous devons maintenant évoquer les apports de ces différents supports d'informations, notamment
la visibilité. Dominique Cardon en évoque dans son ouvrage44 cinq types. Les actions en
« paravent » sont visibles selon des critères de recherches objectifs, derrière un traitement
automatisé des données (par exemple un moteur de recherche). Le « clair obscur » offre une
visibilité approfondie de l'intimité de quelqu'un mais limitée à son entourage proche. Il est difficile
d'accéder à ce niveau d'informations. L'on peut penser à des blogs d'accès privés ou des réseaux
types Hellotipi45. L'éclairage dit « phare » rend visible ce que Dominique Cardon appelle les
« traits identitaires ». Goût, passion, métier : les informations sont délivrées dans le but délibéré de
se créer un réseau social et/ou professionnel. La visibilité « post it » est celle due grâce au nouveau
système de géolocalisation. L'endroit et l'heure de disponibilités sont affichés de manière plus ou
moins directe. Nous pouvons penser au couple de services : Twitter / Foursquare. Twitter répond à
la question « What are you doing? »46 en fonction de l'heure. Foursquare indique le lieu dans un
tweet selon la syntaxe suivante : « I'm at (…) » avec une URL de destination vers le site. Le lien
ouvre une fenêtre avec le nom d'un lieu, une carte, les utilisateurs s'étant déjà localisés sur le site.
Ainsi, je peux savoir que l'utilisation @yannleroux a été mangé au Leon de Bruxelles de la rue Lino
Aventura à Bordeaux le 24 avril a 21h approximativement47. La dernière forme de visibilité est la
« lanterna magica ». Les internautes se cachent derrière un avatar, permettant de modifier leur
identité en ligne. Cela permet souvent de contourner la timidité et offre la possibilité de nouvelles
relations. Cependant, il est très rare que cela interagisse avec le monde réel, IRL48.

Nous allons tâcher d'appliquer ces notions à notre terrain. La recherche « street art
collective » sur Google équivaut à 3490000 résultats sur Google, et « blog street art » à 2270000. La
croissance des supports web est significative. Cependant, nous devons nous interroger sur la
problématique d'impact ? Tous les messages seront ils reçus dans la foule d'interactions ? Ne seront
ils perdus sans indices de contextualisation49 (spatialisation, temporalité) ? Les street artistes sont
donc confrontés à « la société de visibilité de soi ». Ils doivent compensés l'hyper médiation du
web en étant visibles à la fois à travers leurs œuvres, mais aussi la personnalité. Ils doivent donc
agir respectivement sur leurs visibilités « paravent » et celle dite « phare ». Leurs œuvres,

44 CARDON Dominique, « Le design de la visibilité », Réseaux, Paris, numéro 15, 2008, pp.93-137

45 Hellotipi est une plateforme permettant de créer des sites à usages familiaux. Outre un accès sécurisé, il offre un
grand nombre d'options intéressantes : création d'albums photos, d'arbres généalogiques, de livres d'or, de rappel
d'anniversaire, etc.

46 Cette accroche est désormais remplacée par « What's happening? », littéralement « qu'est ce qui est en train de se
passer? ». Malgré tout, les internautes restent attachés à la première version.

47 Vous trouverez l'ensemble de nos démarches en annexe 6 de ce mémoire. Le profil d' @YannLeroux sur Twitter
étant public, n'importe quel internaute pouvait connaître ses faits et gestes.

48 IRL, in real life est l'acronyme opposé d'IVL, in virtual life.

49 Fait de remettre dans le contexte, ici dans le contexte temps et géographique

22
Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

diffusées sous forme d'images jpeg50, peuvent être correctement référencées grâce aux
métadonnées. Les données EXIF51 peuvent données des informations sur la prise de vue de l’œuvre.
En HTML, lorsque nous postons des images sur un site, l'attribut ALT permet de décrire l'image
dans un but de référencement. De plus, si le classement des images et les folksonomies dont elles
sont issues sont correctement mises en place, le référencement des images devraient être bénéfiques
pour l'artiste. Les divers moteurs de recherche devraient retrouver facilement et objectivement les
données. Pour la visibilité dite « phare », c'est à l'artiste de partager son parcours, ses
problématiques de création pour créer une communauté autour de son profil. Myspace, Facebook,
Twitter, Flickr ou les divers sites communautaires spécialisés dans le street art sont là pour le guider.
La visibilité est elle ici à justement dosée? En effet, malgré cette mise en exergue de l'artiste auprès
du grand public, il existe un clivage important entre art officiel, et street art est toujours présent. Un
internaute lambda se tournera surement plus facilement vers des sources institutionnelles, et a
contrario les artistes rejoindront leurs communautés. Il faudrait pouvoir mêler les deux types de
visibilité. Les artistes peuvent déjà s'affranchir de cette barrière en créant leur propre site, en
personnalisant leurs services. Grâce à cela, ils tendent à ce que les internautes puissent alors
comprendre les enjeux artistiques, et les galeristes le caractère profondément underground de cette
culture. Néanmoins, cela leur apporte t-il une réelle légitimité ?

2) Comprendre la notion de légitimité

Aujourd'hui, qui n'a pas de sites web ? Mêmes les particuliers ont un espace d'expression sur
le net pour assouvir une quête de visibilité et de reconnaissance. Qu'en est t-il des espaces
personnels des artistes ? Cela leur aide t-il à trouver un accès à la légitimité auprès de leur trois
publics ? Nous devons d'abord comprendre les différentes problématiques et leurs constructions
dans le temps. Ainsi nous tenterons d'actualiser chaque définition en les appliquant à notre terrain.

a) Deux points de vues sur la légitimité culturelle.

La définition initiale de Max Weber

Nous devons d'abord définir ce qu'est la légitimité culturelle. En sociologie, la légitimité

50 Le JPEG est une norme pour les objets images, permettant d'en restreindre le poids grâce à un système de
compression de pixels. L'avantage est qu'il y peu de pertes, ce qui donne une qualité satisfaisante pour l'internaute.
Néanmoins, sachez qu'il existe d'autres formats, selon les désirs de compressions (ex : RAW non compressé, GIF
très compressé)

51 EXIF signifie Exchangeable Image File Format. Les appareils photographiques numériques génèrent
automatiquement les informations de date et heure de prise de vue. Ils peuvent aussi, si un système de
positionnement géographique est lié, insérés des informations de ce type.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

équivaut à de la reconnaissance sociale. Nommée « domination » par Max Weber52, l'auteur en


donne une définition succincte dans son ouvrage Economie et Société

« Nous entendons par « domination » […] la chance, pour des ordres spécifiques (ou
pour tous les autres), de trouver obéissance de la part d'une groupe déterminés d'individus.
Il ne s'agit pas cependant de n'importe quelle chance d'exercer « puissance » et
« influence » sur d'autres individus. […] Tout véritable rapport de domination comporte un
minimum de volonté d'obéir, par conséquent un intérêt, extérieur ou intérieur à obéir. »

Ici assimilée au domaine politique, l'on peut transposer cette citation à la légitimité
artistique. Selon Weber, il y a trois possibilités de validités pour la légitimité. La première est son
caractère rationnel, « reposant sur la croyance » et les traditions de dominations antérieures. Ainsi,
nous pouvons penser à la légitimité artistique décidée par le milieu artistique. Nous verrons
l'importance que les institutions décisionnaires ont sur la légitimité, et par conséquent le goût et la
consommation. Elles permettent donc aux artistes d'accéder à la reconnaissance; que cela soit
auprès du milieu de l'art légitime, ou du grand public. La seconde validité est due au caractère
traditionnel, c'est à dire au caractère traditionnel des légitimités précédentes. L'on peut penser alors
aux précédents styles artistiques légitimés. Si un nouvel artiste s'inspire d'un mouvement précédent,
il sera plus facilement reconnu et gagnera en crédibilité. La dernière validité est due au caractère
charismatique des représentants au pouvoir. Ici, il faudrait qu'un artiste arrive à transcender les
barrières de l'art officiel.

Une légitimité différente selon les acteurs...

Dans son ouvrage La légitimité culturelle en questions, Sylvette Giet explique la légitimité
culturelle en termes d'acteurs53 avec des personnages « prescripteur social » et « experts ». Mais elle
s'attarde aussi sur les notions d' « intellectuels », d' « artistes », de « chercheurs », d' « amateurs » et
de « producteurs ». Les prescripteurs sociaux et les experts peuvent être ceux de l'art officiel. Les
intellectuels peuvent être des amateurs, s’intéressant au street art de manière très approfondie. Les
chercheurs ont une caution intellectuelle plus importante vers l'univers scolaire. L'amateur, quant à
lui, peut simplement être celui qui apprécie voir de jolies œuvres au quotidien. L'on observe une
multitude d'acteurs. Il est important d'adapter notre problématique de légitimité à l'ensemble des
personnes concernées

… et les cultures.

52 WEBER, Max, Economie et société, Paris, Plon, 1971, 650 p.


53 Dispositif et légitimation des acteurs, p.14 à 20.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

De plus, nous pouvons nous demander si les différents publics du street art ont la même
notion de culture ? Culture populaire, culture moyenne, culture cultivée est la classification
commune. Mais Olivier Donnat54, dans son rapport sur les pratiques culturelles des Français
précise cette distinction en mettant en avant sept univers culturels.

Toute une tranche de la population est exclue de toutes actions culturelles. Ce sont
généralement des personnes âgées non diplômées de milieux ruraux. Elles n'ont eu aucun accès à la
culture. Un premier groupe est issu de la culture populaire. Issue du cercle familial, les activités se
veulent distractives et sans prétention. La télévision et la radio ont une place très importante pour ce
groupe d'individus, souvent âgés et issus de milieux ruraux. Un deuxième univers appelé « univers
juvénile » est centré autour de la musique et des activités à forte sociabilité (comme le cinéma par
exemple). Ces différents univers rassemblés forment ce que l'on appelle « culture populaire ». La
culture moyenne est représentée par le français moyen. Ses activités sont regroupées autour du
pôle audiovisuel et musical. Il est au courant de l'actualité culturelle mais ne s'approprie pas d'autres
formes d'arts plus évolues, comme le spectacle vivant. Pour finir, la culture dite cultivée se
distingue sous trois formes. L'univers classique regroupe les personnes diplômées de plus de 45
ans. Les activités sont toutes effectuées dans un but de « bonne volonté culturelle ». Le but est d'en
tirer profit, notamment pour faire valoir une position sociale. Les activités peuvent être la lecture,
l'écoute de musique classique, le théâtre ou la visite du patrimoine. L'univers moderne des jeunes
diplômés urbains regroupe les activités nocturnes et l'activité musicale. Certaines activités
continuent à être pratiquées mais ont perdu leur impact social, comme la lecture. L'univers
branché est le mélange des univers classique et moderne. Dotée d'un fort éclectisme, les personnes
en faisant partie sont les plus grandes consommatrices de culture, souvent décisionnaires dans les
institutions. Pour transposer cette théorie à notre terrain, le grand public correspond à la culture
populaire et moyenne. Les personnes de l'art officiel, font partie de la culture cultivée dite classique.
Les streets artistes puisent leur inspiration dans la culture populaire mais font partie de l'élite de la
culture branchée.

a) Légitimité et goût : deux notions liées

La philosophie esthétique : fondement de la notion de goût.

La philosophie a très tôt abordé la notion de goût, comme « sentiment de la beauté des
choses ». L'esthétisme est une pratique à part entière. La beauté serait quelque chose d'innée. Les
personnes développent une plus ou moins grande sensibilité face à la beauté. Ainsi avoir des goûts
différents représenterait une déviance de l'esprit humain. Le premier à aborder la question est

54 Olivier Donnat est actuellement chargé d'études sur la problématiques des publics et des pratiques culturelles au
département des études, de la prospective et de la statistiques du ministère de la culture.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Socrate, lors d'une conversation avec Hippias, dans le Grand Hippias de Platon. Bien que
concluant sur la phrase « Difficiles sont les belles choses », il ouvre la voie vers une première
définition.

« Moi, vois-tu, je soutenais[...] que le plaisir qui provient de la vue et celui qui
provient de l'ouïe doivent être beaux, non pas de ce fait qu'une propriété, que chacun se
trouverait dans le cas de posséder, les deux ensemble, d'autre part, ne la posséderaient pas,
ou bien que cela serait le cas de l'un et l'autre ensemble, ou comme de chacun séparément
[…]. »
« C'est que, je pense, les qualités dont, en chaque cas, nous constatons ainsi
l'inhérence doivent si elles sont vraiment inhérentes aussi à chacun, l'être aussi à
l'ensemble »

Pour résumer la pensée de Socrate, la beauté est un « plaisir utile » qu'il résume promptement en
« plaisir de la vue » et « plaisir de l'ouïe ». Leurs qualités seraient inhérentes55 à l'objet. Ainsi, l'idée
de beau ne peut se discuter. Si nous reprenons la théorie des idées que Platon a développée dans
Protagoras, le beau est une idée, en tant que sensibilité. Et les œuvres d'art ne sont que des copies
de réalité, la réalité étant elle même copie d'idées. Ainsi, notre propension au goût dépendrait de
notre sensibilité à recevoir les idées, en particulier.

Hume et Kant, deux philosophes du XVIIème siècle ont repris cette notion de « jugement
de goût ». Hume appartient au mouvement empiriste56. Pour lui, la connaissance que nous avons
des choses vient de notre expérience sensible57. Dans son ouvrage De la norme de goût, il dit :

« La beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe
seulement dans l'esprit qui la contemple et chaque esprit perçoit une beauté différente. Une
personne peut même percevoir de la difformité là ou une autre perçoit de la beauté ; et tout
individu devrait être d'accord avec son propre sentiment sans prétendre régler ceux des
autres »

Hume infirme les hypothèses des Anciens. Pour lui, beauté (et donc goût) sont issus de la sensibilité
et de la réflexion de chaque être. Ainsi pour, une chose a autant de qualificatifs que de personnes
l'observant. Aucune interprétation ne prévaut pour parler du bon goût. Cette doctrine ne permet de
donner un avis objectif sur la notion du « bon goût ». Mais elle est importante car elle a inspiré

55 L' « inhérence » est l'union de deux choses inséparables dans leur nature, que l'on ne peut séparer par la seule force
de l'esprit.

56 Empirisme vient du grec « empeira » qui signifie expérience.

57 Sensible est synonyme d' « usage de nos sens »

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Emmanuel Kant n'accepte pas cette vision simpliste. Il donne respectivement ses propres
définitions du goût et du jugement de goût dans ses ouvrages Sur Le jugement du goût et Critique
de la faculté de juger
« Le goût est la faculté de juger d'un objet ou d'un mode de représentation, sans
aucun intérêt par une satisfaction ou une insatisfaction. On appelle beau l'objet d'une telle
satisfaction »

« Il serait (bien au contraire) ridicule que quelqu'un qui se pique d'avoir du goût
songeât à s'en justifier en disant : cet objet (l'édifice que nous avons devant les yeux, le
vêtement que porte tel ou tel, le concert que nous entendons, le poème qui se trouve soumis à
notre appréciation) est beau pour moi. Car il n'y a pas lieu de l'appeler beau, si ce dernier
ne fait que lui plaire à lui »

Pour Kant, le goût n'est inhérent ni à la forme de l'objet, ni à la sensibilité des sujets qui y sont
confrontés. C'est une démarche intellectuelle objective, qu'il appelle « jugement réfléchissant ». On
ne peut y répondre en décrivant un phénomène tel que « l'eau gèle en dessous de zéro degré
Celsius ». La réflexion, qui se veut objective, ne peut s'expliquer car elle n'a pas de finalité. Là ou
l'Homme met une interprétation, il s'agit du Sublime58 et non de la beauté. Cette définition pure
pourrait desservir nos street artistes, bien loin des goûts dits académiques. Bourdieu va reprendre
cette théorie du bon goût, et en expliquer le processus d'assimilation.

Bourdieu ou comment lier goût et légitimité.

Bourdieu, sociologue français, a été acteur de son temps en introduisant des concepts
directeurs, comme l'habitus. L'habitus est la raison poussant les personnes à agir. Bourdieu étudie
les habitus liés à la culture dans son ouvrage de référence La distinction. Nous allons donc tirer
notre réflexion de cette étude primordiale qui a pour sous titre « critique sociale du jugement ».
Ainsi, après avoir défini ce qu'est le « jugement de goût », il va mettre en exergue les différentes
pratiques culturelles avec système socioéconomique mis en place.

«Le goût : un des enjeux les plus vitaux des luttes dont le champ de la classe et le
champ de production culturelle sont le lieux. Le jugement de goût est la manifestation
suprême du discernement qui réconciliant l'entendement et la sensibilité (…) définit
l'homme accompli »59

58 Du latin « sublimis » qui signifie « haut », sublime est surement la valeur la plus importante, dans la philosophie
esthétique sur l'échelle de la beauté. Ce terme connote fortement cette notion de plaisir.

59 Citation page 9 de – BOURDIEU, Pierre, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, 1979,
672 p.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Bourdieu définit le goût comme des manifestations de préférences culturelles. Cette manifestation
est la jonction entre les sens et la raison. Ainsi dès le début de son ouvrage, il assimile certaines
pratiques culturelles à certains groupes sociaux. Il lie jugement de goût et jugement social. Bourdieu
distingue alors deux goûts : le « goût pur » et le « goût barbare ». Si l'on reprend l'analogie avec les
univers culturels de Donnat, le goût pur correspond aux univers « cultivés ». Il correspond à la
consommation de produits légitimités, et se veut élitiste. En opposition à ce dernier, se trouve le
goût « barbare »60, nommé ainsi par les élites.

Notre disposition à avoir du goût dépend de trois facteurs, que Bourdieu explicite dans son
ouvrage. Tout être humain est doté de deux sortes de capital culturel dont le « capital hérité ». Ce
dernier, nommé « capital social » dépend de l'origine sociale de la personne. Ainsi comme nous
l'avons vu grâce à Oliver Donnat, chaque univers culturel associé à une classe sociale61 a ses
propres pratiques. L'opéra, par exemple, n'est pas une pratique issue des classes populaires. Il faut
être né dans une classe sociale aisée pour accéder à ce genre d’activités. La corrélation entre
l'origine sociale et l'école est prouvée. C'est à dire que plus le diplôme des parents sera élevée, plus
les enfants auront une chance de réussite.

« Et c'est parce que cette transmission du capital culturel s'accomplit au moins pour
partir, à l'insu du donateur et du donataire, par osmose, en quelque sorte, mais aussi parce
que les stratégies éducatives consciemment mises en œuvres sont presque toujours
dissimulées, que le capital scolaire prédisposé à fonctionner comme capital symbolique – à
la fois méconnu et reconnu, cumulant les prestiges de la propriété innée et les mérites de
l'acquisition » 62

Ensuite la transmission du « capital social » peut être implicite, que cela soit par l'environnement de
travail ou le temps de loisirs. Même si ces derniers sont favorables, il n'empêche que l'institution
scolaire a son rôle à jouer tant elle est méritocratique63. Avec ou sans capital accumulé, elle

60 Vient du grec ancien » barbaros » qui signifie étranger. Le terme a une connotation négative, et ce depuis l'Antiquité.
« Barbare » était le terme utilisé pour les personnes qui parlait une langue étrangère incompréhensible, qui parlaient
littéralement le « bar-bar ».

61 La notion de classe sociale est engendrée par la comparaison de différents groupes selon des facteurs socio-
économiques. Ainsi, il n'existe pas de typologie fixe. La première date de Marx et de son ouvrage Les luttes de
classes en France (1850). Il distingue : l'aristocratie financière, la bourgeoisie industrielle, la bourgeoisie
commerçante, la petite bourgeoisie, la paysannerie, le prolétariat, et le lumpenprolétariat (sous prolétariat). Ainsi,
ces distinctions ne servent que des exemples pour illustrer notre propos. Certains sociologues approchent même une
théorie de fin des classes en prônant la moyennisation des classes.

62 Voir l’article issu de « Sciences Humaines » dans la webographie : Capital et Reproduction Scolaire de Gerard
Maurer.

63 Méritocratie a pour racine le mot « mérite » et sa racine grecque « kratos » qui signifie pouvoir. Ainsi, toutes les
décisions et récompenses sont attribuées au mérite, c'est à la valeur juste du rapport entre résultats et efforts fournis.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

démocratise les savoirs, et donne une chance à tous ses élèves d'acquérir le meilleur. En effet, seuls
les efforts sont récompensés, peu importe l'origine social ou le pouvoir. Il existe donc un « capital
scolaire » à ne pas négliger. Pour finir, il existe le « capital culturel acquis » qui correspond à la
somme des activités effectuées de manière autonome. L'écoute de musique, la lecture, la visite du
patrimoine, peuvent être des activités effectuées grâce à des tiers comme la famille, les amis selon
les goûts, les envies et les possibilités économiques. L'autodicdatisme64 peut être un moyen de
réussir. Même si pour cela, les personnes sont confrontées à la légitimité de leurs choix, rien ne les
oblige à suivre la norme de leur classe sociale. Ainsi, certaines personnes arrivent à dépasser leur
carcan social. Elles peuvent donc passer d'un rang à l'autre sur l'échelle sociale, que cela soit de
manière ascendante ou descendante. Il faut néanmoins noté que les gens ont une nette tendance à la
reproduction. Or pour Bourdieu, les personnes n'ont pas le choix. Elles se trouvent obligatoirement
confronter à ces normes.

« Reconnaître que toute œuvre légitime tend en fait à imposer les normes de sa
propre perception et qu'elle définit tacitement comme seul légitime le mode de perception
qui met en œuvre une certaine disposition et une certaine compétence (…) C'est prendre
acte du fait que tous les agents qu'ils le veuillent ou non, qu'ils aient ou non es moyens de
s'y conformer, se trouvent objectivement mesurés à ces normes »65

Ainsi, nous comprenons maintenant en quoi, le goût est un enjeu important de la légitimité
culturelle. Cependant, nous pourrions supposer qu'il existe deux normes culturelles : celle du « goût
pur »66 et celle qui est propre à notre univers particulier. Ainsi se déroule un jeu subtil pour tendre à
découvrir d'autres objets culturels. Souhaitons-nous nous rapprocher de la norme du « bon goût » ?
Agissons nous dans un but de curiosité intellectuelle ou en rejet de notre milieu social? Cela peut
nous donner des pistes dans notre réflexion vis à vis du street art. Mais il est bon avant préciser
notre pensée d'analyser la théorie des contemporains de Bourdieu.

Les pensées contemporaines

Wenceslas Lize et Olivier Roueff distingue dans leur ouvrage67 quatre « instances de
propagation du goût ». L'espace social est ce que nous avons pu appeler tout au long de ce mémoire

64 L'autodidactisme est la faculté d'une personne à se doter d'un capital culturel de manière autonome.

65 Citation issue de la page 29 de BOURDIEU, Pierre, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, Editions de
Minuit, 1979, 672 p.

66 Que l'on peut aussi nommé « bon goût »


67 LIZE Wencess & ROUEFF Olivier, « La fabrique des goûts », Actes de la recherche en sciences sociales, numéro
181-182, janvier 2010, pp. 4-11.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

le milieu social, le groupe auquel on appartient. Même si l'on tend à une moyennisation, l'on a
précédemment vu l'importance du groupe68, du réseau et des relations sociales.

« La dépendance des goûts à l'égard des rapports sociaux n'est jamais directe car
elle est ressaisie dans les logiques propres du champ de production. (…) Parmi ces
intermédiaires se trouvent notamment ceux qui mettent en présence les œuvres, et parfois
les artistes, avec des publics, en tentant de contrôler les modalités et les effets de cette
rencontre par la prescription des classements et des manières d'apprécier »

Ainsi, interviennent différentes institutions. Les aménagements publics (salles de concert, musées),
mais aussi les dirigeants culturels ont un rôle clé dans le déterminisme du goût. Pour Alain
Dominique Gallizia69, directeur de l'exposition « TAG » au Grand Palais, il est important de se
poser la question du positionnement du street art. Il estime que « le rôle d'un musée est de recueillir
les arts avant qu'il ne disparaisse » pour que « le grand public se fasse une idée positive de cet art ».
La notion de fréquentation est tout aussi importante : il faut savoir saisir les opportunités qui nous
sont offertes. La faculté des personnes d'échanger et de se sociabiliser est un dernier facteur à
prendre en compte. Selon cette théorie, le web et ses internautes en tant que producteurs de
contenus peuvent être un moyen de faire apprécier le street art. Cela peut fonctionner même si cet
art est illégitime.

L'on peut prendre goût à des choses qui sont illégitimes. Dans l'ouvrage Regards croisés sur
les pratiques culturelles supervisé par Olivier Donnat, les auteurs Catherine Llaty, Sylvie Brignatz,
Jean Marc Mariottini s'interroge justement sur les raisons de telles pratiques. Par exemple, pourquoi
Pierre Sarkozy, fils du Président de la République, est il producteur de rap ? Cette musique est
assimilée à un milieu populaire. L'on peut agir en rejet de son milieu social. Nous pouvons aussi
aller au delà des différences culturelles pour rechercher une certaine sociabilité. Le rap, tout
comme le street art (mais aussi sur des domaines moins connotés underground) offre un sentiment
d'appartenance à une communauté, un réseau qui nous est propre. Ainsi, certains réseaux se veulent
presque exclusif. Nous allons nous tourner vers le terrain musical pour trouver un exemple. Dans
l'ouvrage de Sylvette Giet, Serge Noël Ranavo, directeur technique d'Ocara France, une maison de
productions spécialisée dans les musiques du monde, est cité. Il cherche à s'éloigner du grand
public. Il souhaite en effet recréer des conditions de production similaires aux conditions de
création. Or tout le monde n'a pas accès à ces moyens. Cela confère donc un statut élitiste à cet art,
qui n'a pas forcément de rapport avec le milieu social (bien que les possibilités d'accès soient
fortement dues aux fréquentations). M. Ranavo considère que c'est une qualité de ne pas toucher le
grand public. Nous sommes donc confrontés à deux problématiques distinctes : une recherche de
sociabilité et un désir d'appartenance à un groupe précis, parfois même fermé. Nous pouvons

68 Que cela soit avec Bourdieu ou Donnat, le groupe social apparaît essentiel dans la définition et la diffusion du goût

69 Emission d'Arte tout ca tout ca

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

comprendre pourquoi le street art attire des personnes d'horizons aussi variées. Le
communautarisme entraine une hausse de la sociabilité. La recherche artistique, et la pratique
illégale peuvent souligner ce phénomène, tout en le rendant étroit. Ainsi, bien que donnant la
sensation de distinction aux artistes, cela entraine un conflit de légitimité. La légitimité gagnée entre
artiste semble incompatible avec recherchée auprès du milieu de l'art officiel. Art et vandalisme
reste des notions antagonistes trop fortes. Et quid de l'antagonisme entre esprit de crew et ouverture
sur le grand public?

3) Eclectisme du web un moyen de gagner en légitimité

a) Afficher et diffuser ses goûts pour pousser à la consommation

« Le cyberespace dans son ensemble, peut être considéré comme une hypericône vivant
contenant l'ensemble des images artistiques, scientifiques, enregistrées, ou simulées, produites ou
captée par l'artifice humain. Cette hypericône, fractale, complexe qui s'enfle d'un processus
d'enrichissement continuel, est indéfiniment explorable de manière interactive ».

Pierre Levy, dans son ouvrage Vers la cyberdémocratisation70, aborde la notion


d’omnivision. L'espace internet est alors considéré comme un ensemble d'images explorable par
tous sans limite temporelle ou géographique. Comme nous l'avons lors de la typologie des sites web
consacrés au street art, il existe différents moyens de contribuer à la mouvance de l'information. Peu
importe l'enjeu de la communication : il a déjà été prouvé que le web était un excellent moyen de
gagner en visibilité. Pierre Levy insiste sur une notion importante, qui est l'interactivité. Il existe
donc de réelles possibilités d'échanges. Ainsi, le web est un moyen d'afficher nos goûts. C'est aussi
une manière d'élargir ses horizons culturels. Dans son ouvrage Internet et la socialisation du goût,
Olivier Assouly met en évidence le phénomène d' horizontalisation du goût.

«La frontière entre culture populaire et culture savante aurait tendance à se


brouiller. De nombreuses enquêtes montrent l'apparition dans les normes du bon goût d'un
éclectisme culturel, le dominant serait devenu culturellement omnivore, et l' omnivoracité
serait même devenue une norme de bon goût. L'édification des frontières symboliques se
déplace des objets culturels vers les attitudes, la manière de consommer : le même produit
culturel fait plus facilement l'objet de plusieurs lectures simultanées. »

Ainsi, nous retrouvons dans cette citation, deux idées primordiales. Tout d'abord, celle que les
frontières entre univers culturels sont moins nettes. Les français sont devenus plus curieux

70
La cyberdémocratisation de Pierre Lévy est un papier tiré de l’ouvrage suivant : LAJOIE, Eric & GUICHARD, Eric,
L’odyssée Internet, enjeux sociaux, Montréal, Presses Universitaires du Québec, 2005.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

intellectuellement. Plus d'ouverture d'esprit ne peut être que bénéfique pour les street artistes,
certains dépassant les barrières et les conventions sociales. Un exemple est Emmanuel de Brantes.
Ancien chroniqueur culturel, issu d'un milieu élevé, il est maintenant directeur d'une galerie
consacrée au street art. Il devient même de bons goûts de s'intéresser aux univers branchés
underground afin de correspondre à la mode actuelle. Ce qui est rassurant pour l'artiste, c'est qu'un
même produit culturel peut être interprété différemment selon ses publics. Ainsi, ce qui sera mode
pour l'un, sera passion pour l'autre. Cela peut encourager le street artiste à s'adapter, à proposer
différents supports de diffusions selon les publics qu'il essaye de viser. Ainsi, il peut composer un
site vitrine, pour toucher le grand public et exposer ses œuvres. En parallèle, peut retrouver sa crew
et d'autres artistes sur les réseaux sociaux. Ces différentes attitudes peuvent se retrouver dans les
moyens de communication destinés aux dirigeants artistiques. Plusieurs se regroupent,
spontanément ou sous un agent afin de s'afficher aux yeux de l'art officiel. Un des premiers artistes
C215 était doté d'un site Internet. C'est ainsi que j'ai pu le contacter et découvrir son espace sur
Facebook. Il expose ses œuvres et donne la possibilité aux internautes de vivre une expérience
interactive en partageant images et lien. C215 fait aussi partie du projet Stencil History X, un projet
de livre présentant les artistes pochoiristes sous l'égide de Samantha Longhi, galeriste. Ainsi sur son
blog, outre les artistes qu'elle promeut, elle fait découvrir chaque lundi un nouvel artiste. Elle
propose aussi une rétrospective en image de ses expositions à travers le monde. Via les
commentaires, elle échange et développe ses idées. C'est grâce à des personnes comme elle que se
diffuse le goût du street art sur Internet

Nous allons donc reprendre une expression de Florence Allard à notre usage « culture sur
mesure ». Internet est donc un patchwork géant, dans lequel grâce aux outils web 2.0 de création et
de diffusion recréer notre propre univers culturel. Cela se fait depuis les années 1990 par l'internaute
mais l'Etat a mené une politique culturelle que Florence Allard a très bien décrite. Elle cite Madame
Trautmann, ministre de la culture entre mars 1997 et mars 2000. En pleine période d'expansion du
web, l'Etat se devait d'être un moteur et de prôner :

« Le développement de la dimension culturelle du réseau des réseaux s'illustre de


mille manières : édition en ligne, utilisation du réseau par les entreprises culturelles
innovantes, par les internautes qui veulent s'exprimer et créer, connexion des établissements
culturels, formation du public à ces technologies qui sont des technologies culturelles, et
enfin développement des contenus. »

Ainsi, ce que nous avons essayé de prouver dans les précédentes parties de ce devoir a été compris
par le gouvernement dès les prémisses d'Internet. L'Etat avait saisi l'enjeu des nouvelles
technologies pour l'appliquer à un domaine aussi vaste que la culture. C'est d'ailleurs à la fin des
années 90 que les premiers sites sur le graffiti (Fatcap, Ekosystem) ont vu le jour. Le mouvement
culturel underground a aussi suivi la tendance que Madame Trautmann résume en une phrase :
«L’utilisation de l’internet permet à chacun de faire des choix, d.’être actif, de réaliser un projet»

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

« Les médias ne sont pas de simples courroies de transmission facilitant l'accès aux œuvres
et aux produits culturels. Ils fonctionnent comme une véritable instance de reconnaissance et de
légitimation pour tous ceux qui ne font pas partie des milieux cultivés », selon Olivier Donnat.

Le Web a un puissant pouvoir pédagogique. Les internautes peuvent enfin devenir des
consom'acteurs71 de produits culturels. Internet offre toutes les possibilités : que cela soit de la
lecture, de la possibilité de consommer de la culture, ou de la créer sereinement. Outre la possibilité
de s'afficher et d'échanger, il existe un système inné sur Internet. Le système hyperliens permet une
navigation généralement fluide sur Internet, naviguant de pages en pages. Il peut aussi exister un
crossover72 sur les sites culturels. Le crossover est une page ou un encart affichant des éléments
(liens ou produits) afin d'inciter l'internaute, implicitement ou non, à consommer. Cela est la
résultante de la mémorisation des actions de l'internaute dans le but de comprendre où se situe
l'attention du lecteur. L'internaute est normalement redirigé vers un contenu adéquat. Même si la
portée semble être plus commerciale, certains blogs proposent des messages aléatoires selon la
navigation de l'internaute. Ils peuvent aussi proposer un tri par catégorie ou mots clés. Cela entraine
donc plus de visibilité mais aussi une hausse de la consommation. Ainsi, un véritable réseau
personnel dans le réseau se crée.

L'avantage du web est une double exposition. Les adhérents de l'art officiel peuvent
échanger et se retrouver autour d'une culture underground, en ne se souciant justement pas des
barrières sociales. Les crews d'artistes sont assez renfermées sur elles : le milieu de l'art peut plus
facilement rentrer en contact. Les sites ouverts sur le grand public sont uniquement à but informatif
et commercial. Les sites sont vitrines : présentation des artistes, des œuvres et d'une boutique en
ligne. Les artistes sont donc face à un dilemme : qui doivent-ils toucher? Et dans quel but? Jean
Baptiste Lebelle propose une solution en érigeant le Web comme moyen d'expression légitime et
totalement libre.

« Les spécificités du discours internétiques permettent de s'exprimer d'une façon


radicalement nouvelle : Un site peut revêtir un aspect très officiel (sans pour autant l'être)
ou se rapprocher de la propagande pure et simple, être une sorte de tract numérique,
anonyme et massivement distribué »73

Ainsi, ils mettent leurs talents à profit en exposant dans des galeries et vendant leurs œuvres, tout

71 Consomm’acteur est l’acronyme entre consommateur et acteur. C’est donc une personne responsable de ses achats,
qui agit dans un souci d’éthique et d’équité.

72 Mot anglophone signifiant croisement.

73 http://barthes.ens.fr/scpo/Presentations98-99/lebelle.html

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

en continuant à exercer leur art dans les rues, de manière souvent illégale. Comme l'a suggéré
Bourdieu, « les individus en position dominée pratiqueront des stratégies de subversion en
cherchant à transformer les règles de fonctionnement du champ ». Ainsi le web peut être un moyen
pour les street artistes d'acquérir une légitimité. Evan Roth nous offre sur son site, un petit guide
d'utilisation du web à l’ intention des artistes underground. L'étape zéro rappelle que la rue et le net
sont des moyens alternatifs pour contrer les grands systèmes. Il prend pour exemple les hackers, qui
contre le système pour diffuser leurs idéaux largement. L'étape un encourage les artistes à devenir
indépendant, à contourner le système judiciaire. Le nombre semble faire la légitimité. L'étape deux
prône le travail sur l'espace public « pas de copyright, pas de propriété, juste la gloire », l'étape trois
celle d'être déviant. Ainsi, l'on se rend compte qu'Evan Roth veut toujours les contres cultures
underground. Les dernières étapes insistent sur la notion de communauté et de partage « Construit
ton audience ». Ci dessous retrouvez les textes originaux en anglais. Malgré la bonne volonté qui
émerge de ce texte, le web est-il un moyen suffisant pour gagner en légitimité?

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III. Le web : des apports à relativiser.

Comme nous l'avons dans les précédentes parties, le web offre donc des caractéristiques
similaires, pour encourager la diffusion des œuvres sur un support plus simple et plus performant.
Les artistes gagnent clairement en visibilité, en créant leur site. C'est aussi l'occasion de gagner en
légitimité, en s'affichant et s'appuyant sur les goûts d'autrui. Le web est un espace personnel
patchwork dans lequel on peut révéler ses goûts. S'ils manquent de légitimité, nous pouvons le faire
sous couvert d'anonymat. Toutes les conditions semblent idéales pour propager le street art à travers
la toile, et offrir aux artistes une reconnaissance. Il reste une difficulté que nous allons essayer
d'aborder. ComScore74, en janvier 2009, les internautes avaient dépassé le nombre d'un milliard à
l'échelle mondiale. Le bureau d'étude ne prenait en compte que les internautes de plus de 15 ans,
sans s'attarder sur les réseaux publics comme les cybercafés, ou l'Internet Mobile. Selon Forrester
Research, un autre cabinet de recherche prévoit 2,2 milliards d'internautes en 2013. Nous ne
pouvons nier l'impact communicationnel du web. Mais comment se distinguer dans la masse ? Par
exemple, lorsque nous saisissons « Tag en direct »75 dans Google, nous ne trouvons aucune
information officielle. Seuls les blogs des personnes participantes, des spectateurs ressortent dans
les résultats de recherche. Nous allons ici, exposer quelques solutions qui nous sont apparus.

1) Les nouvelles technologies comme moyen de création


Nous avons basé notre réflexion sur deux institutions. Le Free Art and Technology, crée
par Evan Roth et James Powderly, est donc composé de chercheurs, d'artistes, d'ingénieurs et de
juristes s'attachant à la culture populaire. Il nous était intéressant de survoler leurs différentes études
car ils s'intéressent à l'interaction entre culture populaire donc, et logiciel libre. Evan Roth, est un
artiste graffeur, qui lors de ses études en « Communication, Design and Technology School » à
l'école Parsons76 a pu travailler sur le graffiti. Il a essayé d'établir une taxonomie77 du graffiti. Le
projet n'est pas clos. Il s'agit de répertorier le plus grand nombre de graffiti sur la ville de New York,
mais aussi sur tout le territoire américain. Evan Roth compare chaque lettre et les classe afin de
montrer la diversité et la recherche artistique, de ces œuvres souvent rejetées. « The intent of these
studies is to show the diversity of style as expressed in a single character ». Vu le succès de cette
première thèse, Evan Roth a ouvert, toujours avec James Powderly, le Graffitti Research Lab. Le

74 Comscore est une société chargée d'études e-marketing. Ces données sont diffusées par le Journal du Net

75 « Tag en direct » est un happening qui a lieu le 8 et 9 mai 2010, durant lequel les graffeurs ont pu travailler en direct
devant des spectateurs.

76 Parsons is the new school for Design

77 La taxinomie (ou taxonomie), du greg « taxis » placement et de « nomos » la loi, désigne en informatique, un
système de classement thématique.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

laboratoire cherche aussi à créer des connexions entre logiciel libre, informatique et graffiti. Nous
allons donc démontrer que ce point de vue, peut être un moyen d'émerger du web.

a) GML nouveau langage de diffusion...


Le GML – graffiti mark up language – est un nouveau langage informatique inspiré du
XML. XML signifie extensible mark up language. Il permet de structurer des informations de
manière générique et de pouvoir partager des données de manière automatisée.

« It makes visible the unseen movements of graffiti writes in the creation of a tag.
Motion tracking, computer vision technology, and a custom C++ application are user to
record and analyze a graffiti writer's pen movement over time. These gestures are processed
to produce algorithmically-generated digital projections (…) Relationships are created
between analog and digital graffiti styles forming a link among traditionnal graffiti,
experimental street art, and new media. Graffiti is represented in the language of
information analysis, offering a system for greater understanding of a higly coded form of
creative expression »

Outre l'explication technique qui peut nous rester difficile à analyser, ce qui nous semble important
est le lien crée entre le graffiti dit « traditionnel » et le cyberespace. Il existe enfin une norme qui
nous permet d'exploiter ces deux mondes, qui pouvaient nous paraître si éloignés. Les mouvements
du graffeur, que cela soit dans la rue ou sur l'application Iphone, sont déconstruits, pour retranscrire
le mouvement dans le temps et en trois dimensions. Cela va permettre d'envisager le street art sous
trois angles. Une base de données mondiale va pouvoir être construite. Une communauté va se
construire autour du principe d'échange et de création, et ainsi rassembler les différentes crews dans
une seule et même optique

« The project aims to build the world's largest archive of graffiti motion and bring
together two seemingly disparate communties that share an interest hacking systems, wheter
found in code or in the city » - Le projet a pour but de construire la plus grande archive de
graffitis au monde et de réunir deux communautés disparates qui partage le même intérêt à
transgresser des normes, que cela soit dans du code ou dans la rue.

Cela peut permettre aussi d'avoir une solide connaissance des différents styles artistiques et de
comprendre l'étendue du phénomène. Le format GML, permet lui, une lecture multiplateforme et
une rapidité de diffusion. Les graffitis sont recensés sur un site web 000000book.com. Ainsi plus de
13000 graffitis sont répertoriés. L'on peut ainsi visionner images, restitution du graffiti en flash. De
nombreuses applications ont été crées en lien avec ce site. Il existe de nombreux lecteurs qui
circulent sur le net mais le Graffiti Research Lab a évidemment sorti ses applications, sur Iphone.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Après Fat Tag, application permettant le tag en deux dimensions, Dust tag est une application
Iphone qui permet de créer des tags avec l'aide de son seul doigt, le tout en trois dimensions. Les
tags peuvent être transmis au site 000000book.com, et diffusés.

b) ...a entrainé la création de nouveaux moyens de productions.


Le Graffiti Research Lab a développé en parallèle de nouveaux moyens de création. Le
GML a permis de décortiquer la technique de production et de la transposer à d'autres supports.
Nous allons les exposer ici car innover est la meilleure manière de se distinguer. L'utilisation des
nouvelles technologies lors d'une démarche artistique est totalement nouvelle. Ainsi, les artistes
collaborant avec le Graffiti Research Lab ont des chances de se faire remarquer, que cela soit par
leurs pairs ou par le milieu de l'art officiel.

Il existe de nombreux moyens ludiques comme le robot tagger. Ce bras articulé retranscrit de
manière automatisé les données en GML, en données robotiques. Il est intéressant de voir l'image
car l'objet est toujours le même. C'est l'artiste, son bras, qui est remplacé. Nous nous rendons alors
de l'importance de la volonté artistique. Peu importe le support, la démarche artistique prévaut. Le
web semble être alors un support viable. Dans le même état d'esprit, le Graffiti Research Lab a sorti
Eye Writer qui offre une problématique similaire. Un système de eye-tracking78 associé à un
logiciel permet de retranscrire le mouvement des pupilles, et donc de dessiner avec leurs yeux. Avec
un système de projection, l'on peut diffuser et afficher ces graffitis sur d'autres supports. Le but du
laboratoire est de démocratiser ces recherches pour offrir ce nouveau moyen d'expression au plus
grand nombre. Ils proposent un manuel de création pour créer sa propre paire de lunette pour 50
dollars, en utilisant une caméra PS3-Eye crackée79. Cela ouvre des perspectives sociales. Le
graffeur, Tempt One, est atteint d'une maladie neurologique dégénérescente en 2003. Très célèbre

78 En oculométrie, science du regard, l'eye-tracking constitue à enregistrer la position du regard. Cela permet
d'enregistrer un chemin de lecture. Ici, ce chemin est reproduit sur d'autres supports. Ces recherches sont aussi
utilisés en e-marketing pour comprendre l'impact des pages sur l'internaute.

79 Cracker un objet signifie modifier les capacités techniques de cet objet pour en optimiser les performances.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

dans les années 80, il peut continuer d'exercer grâce à l'Eye Writer. Il dit:

« I can’t' even begin to describe how good it feels to be able to rock styles again, and
through my art I've been able to raise awareness about my disease. […]. Art is a tool of
empowerment and social change and I consider myself blessed to be able to create and use
my work to promote health reform, bring awareness and help others »

Je ne peux même pas décrire le bonheur que l'on ressent lorsqu'on est de nouveau
capables de (dessiner), et à travers mon art, je suis capable de sensibiliser le public à ma
maladie […] L'art est un outil d'autonomisation et de changement social, et je me considère
heureux d'être capable de créer et d'utiliser pour promouvoir la réforme de santé (…).

Tempt One portant un prototype de lunettes

Sa nouvelle manière de graffer lui a permis de se distinguer, et ainsi de se donner de nouvelles


opportunités. Il a ouvert une fondation Tempt One ALS Foundation pour soutenir les personnes
atteintes du même syndrome.

« The Foundation is a collaborative of urban artists who recognize their ability to


enhance the life for others, through the use of creative art » - « La fondation est l'ensemble
des collaborations d'artistes urbains, qui reconnaissent leur capacité à améliorer la vie des
autres, à travers leurs arts créatifs ».

Ainsi, il prône le street art, comme moyen de transmission d'un message. Partager l'art, encourager
les patients à créer, peut être une manière de les aider à supporter la lourdeur du quotidien. Cela
montre à quel point l'art peut être important, tant socialement que dans une démarche
d’épanouissement personnel. Cette innovation montre à quel point il faut faire preuve d'ingéniosité,

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

et de passion pour se rendre visible.

Quoi de mieux que le laser pour se faire remarquer ? Le Graffiti Research Lab soutient une
initiative hollandaise. Le travail laser constituait en la prise d'une photo avec une pause longue
pour capturer la lumière. Or, ce groupe d'artistes, Muonics, a trouvé un système alternatif. La
caméra, reliée à un ordinateur, capture le parcours d'un pointeur laser. Ce parcours est généré dans
un graphe, et renvoyé sur la surface grâce un projecteur. La deuxième version du logiciel permettant
de générer les parcours est due au Graffiti Research Lab. Les évolutions permettent un rendu bien
meilleur : différents pinceaux et rendus, ajout et personnalisation des couleurs. L'on a l'impression
d'être face à une œuvre réellement peinte. L'avantage pour les artistes est de pouvoir investir des
surfaces énormes, qui ne sont pas forcément accessibles. La question de la légalité ne se pose plus.
Si les graphistes respectent les normes de sécurité dues à l'utilisation du laser, le graffiti n'est plus
considéré comme vandale. Ainsi, plus de personnes se sentent concernées.

Evan Roth, explique « Quand vous n'endommagez rien, vous intéressez un public
beaucoup plus large. Vous parvenez à capter l'attention des gens qui sont contre le
vandalisme […] Notre travail consiste à fabriquer des outils qui permettront aux citoyens
d'avoir une voix face aux annonceurs »

Certains aimeraient y voir des innovations à but commercial. Mais malgré les coûts, Evan Roth ne
cède pas. Néanmoins, d'autres innovations bien que très intéressantes sont portées par différentes
marques.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Un étudiant allemand a lancé Wii Spray, une simulation de graffiti sur Wii. La Wii est une
console de jeux vidéos de la marque Nintendo. Elle reconnait les mouvements effectués à l’aide de
la manette. La gestuelle des joueurs influe sur le comportement du jeu. Ainsi, les joueurs ont
tendance à reproduire les gestes du jeu. Pour jouer à Wii Spray, il faut intégrer la manette dans une
bombe de peinture fictive. Nous pouvons alors, comme dans la réalité, graffer sur notre télévision.
Les étudiants ont voulu créer ce produit pour donner la possibilité aux artistes de travailler
ensemble, sans restriction géographique ou temporelle. Bien que l’initiative soit bonne, on peut
s’interroger. Le fait de devoir posséder un certain matériel, est un peu contre les principes du street
art. Nous allons donc essayer de déterminer sur l’éthique du street art est respecté avec ces
nouvelles pratiques.

2) L’éthique du street art, pas toujours respectée.

Tout d’abord, nous pouvons voir que ces innovations nécessitent un coût. Il est vrai que le
Graffiti Reserch Lab essaye de les minimiser. Mais dans le cas du « Eye Writer » qui ne coûte que
50 euros, cela demande de grandes compétences. L’informatique, la robotique ne sont pas maitrisés
par tous. Cela rend le street art élitiste. Caractéristique fondamentale d’une contre culture
underground, cela est contradictoire avec l’ouverture et la visibilité prôné par le web. Notre
référence a été ,pour bien comprendre le street art en termes historiques, le mémoire de Sarah Clerc,
entre graffeurs et graffeurs ou la diversité d’une même discipline. Elle nous rappelle ce qui fait le
fondement de sa discipline.

Impakt, graffeur, rappelle « le graffiti c’est éphémère, on le sait depuis qu’on a


commencé. Ephémère, que ce soit dans la notoriété, dans tout quoi. Parce que […] tu peux
faire de supers belles peintures, mais si tu les fais sur tes murs, une fois que tes murs ils se
sont écroulés […] tu vas rester dans la tête des gens, mais on ne parlera plus de toi »

C’est ce qui fait l’intérêt du street art. Le mouvement de la ville entraine une façon de s’exprimer
bien différente. Le web bien que très rapide, reste une source d’archivage. On ne peut pas jouer
avec les dégradations du temps, ou l’accumulation d’œuvres d’arts. Le vandale est une notion très

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

importante, car le street art est partie prenante d’une contre culture. Le fait de pratiquer une activité
légale ne rend il pas le street art moins convaincant ? Ce qui était déviant est dorénavant banalisé,
les signes contre culturels ayant été récupéré par la culture officielle. Comme dit Dick Hebdige
dans Sous Culture : le Sens du Style, « Aucun sous culture n’échappe au cycle qui mène de
l’opposition à la banalisation, de la résistance à la récupération ». Nous pouvons penser à
l’exposition « Tag en direct » qui a eu lieu le 8 et 9 mai 2010, avenue du Wagram. Outre un manque
de communication en ligne qui rend les choses élitistes, le choix du lieu huppé, digne d’une culture
classique, tend à songer à ce principe de récupération. C’est la lutte pour l’espace public, que cela
soit virtuel ou réel, que se montre le vrai enjeu de la culture underground, le but étant d’imposer des
messages contre culturels. Elles doivent pour fonctionner transmettre des messages et impacter sur
la vie sociale du public, ce qui n’est pas forcément le cas sur Internet. Beaucoup d’internautes ne
savent pas où chercher et se noie sous un flot d’informations. Alors que dans la rue, les œuvres sont
tout de suite disponibles au regard. Raphael Suriani, street artiste de rappeler « Aucun média même
la peinture sur toile ne peut parler correctement de cet art. Il faut aller dans la rue pour
comprendre son atmosphère, pour être un contact réel avec l’art ». Nous ne cherchons pas là à être
contradictoire mais à balayer l’ensemble des points de vue. Le web et les nouvelles technologies ne
répondent malheureusement pas à toutes les problématiques. Il faut se souvenir que le street art
vient de la rue. Malgré son exposition, le street art ne quittera surement jamais la rue.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Conclusion

Nous nous sommes posés la question de savoir quels seraient les impacts du web et des
nouvelles technologies de l’information et de la communication sur une contre culture. Intéressés
par le rôle de l’image comme transmetteur d’information, nous nous sommes plongés dans le
domaine du street art, avec comme terrain l’ensemble des sites web et des acteurs liés à ces
nouveaux moyens de communication. L’impact est un mot essentiel de ce mémoire. Mais il faut
avant tout comprendre la base de nos problématiques : qu’est ce que le street art ? Quelles sont les
possibilités dus au web ? Nous avons donc défini cela en première partie. Puis nous avons pu
réfléchir en termes d’enjeux. Le web permet il d’acquérir une visibilité ? Quid de la légitimité ?
Nous avons que la visibilité était accrue de manière durable mais que les artistes pouvaient être
noyés dans la foule. Les services web étant vus comme des moyens d’exprimer le goût, pouvaient
entrainer une hausse de la légitimé. Restait le problème de distinction que nous avons essayé de
régler en aborder les NTIC comme moyen de création. Il est possible d’atteindre cet idéal entre art,
vandalisme, légitimité auprès de sa crew et succès. Certains artistes semblent le prouver. Nous
pouvons penser à C215, dont nous avons explicité la démarche. Il allie travail dans la rue,
expositions en galerie, réseaux sociaux et sites web. Son travail est valorisé et il semble épanoui.

Néanmoins, la multitude de points de vue est telle que nous ne pouvons statuer
définitivement sur ce point. Nous laissons la porte ouverte à toutes interrogations, à tout dialogue. Il
manque d’ailleurs des interactions entre le monde scientifique et les cultures populaires en France.
La plupart des données innovantes que j’ai trouvées viennent des Etats Unis. Les études et les
rapports français n’échappent guère aux frontières de l’art officiel. C’est donc un point qu’il serait
intéressant à développer dans le cadre de l’application pratique de ce mémoire. Nous pourrions
espérer trouver un juste milieu pour ériger une pratique culturelle marginalisée vers le grand public,
sans lui faire perdre de sa valeur. Evidemment ceci est un vaste projet, mais c’est ce que nous
plaisons à retenir du street art. Le street art est un art alternatif, permettant de transmettre un
message de manière subversive tout en touchant le plus grand nombre de personne. Notre première
démarche sera de diffuser ce travail en ligne, et de le laisser en téléchargement libre. En espérant
que cela fasse émuler les consciences.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Annexe 1 : Les différents genres du graffiti


• Techniques

Tag

Anonyme

Throw up

Irex, Rex, Futen

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Fresque

Debt

Pochoir

Mosko

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Sticker

Anonyme

Affiche

Lois in wonderland

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Mosaïque

Invaders

• Styles

Wildstyle

Bubble

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Oldschool

Abstrait

Bloc

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Ignorant

Hardcore

Aiguisé

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Annexe 2 : Les textes de loi punissant le street art

Article R 635-1 du Code Pénal


La destruction, la dégradation ou la détérioration volontaires d'un bien appartenant à autrui dont il
n'est résulté qu'un dommage léger est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e
classe. Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également
les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension
pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

2° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à
autorisation ;
3° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre
disposition ;
4° Le retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis
pendant trois ans au plus ;
5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose
qui en est le produit ;
6° Le travail d'intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures.

Le fait de faciliter sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation de la


contravention prévue au présent article est puni des mêmes peines.
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues
par l'article 121-2, de l'infraction définie au présent article.

Les peines encourues par les personnes morales sont :


1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-41 ;
2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose
qui en est le produit.
La récidive de la contravention prévue au présent article est réprimée conformément aux articles
132-11 et 132-15.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Annexe 3 :

La déclaration d’indépendance du cyberespace de John Perry Barlow


HIER, le grand invertébré de la Maison-Blanche a apposé son sceau sur la loi de «réforme» des
télécommunications de 1996, tandis que Tipper Gore prenait des photographies numériques de
l'événement pour les faire figurer dans un livre intitulé: Vingt-quatre heures dans le cyberespace.
On m'avait demandé de participer, moi aussi, à la rédaction de ce livre en écrivant un texte pour la
circonstance. Étant donné le monstrueux traitement que cette loi se propose d'infliger au Net, j'ai
décidé que le moment était aussi bien choisi qu'un autre pour apporter un peu d'eau au moulin
virtuel.
Après tout, la loi sur la «réforme» des télécommunications, adoptée par le Sénat avec seulement
cinq voix contre, rend illégal et passible d'une amende de 250 000 dollars le fait de dire «merde» en
ligne ou n'importe lequel des sept autres gros mots qu'il est interdit de prononcer dans les médias;
ou encore de parler explicitement de l'avortement, ou d'évoquer les diverses fonctions corporelles
autrement qu'en termes strictement cliniques.
Cette loi tente de soumettre la conversation dans le cyberespace à des contraintes plus sévères que
celles actuellement en vigueur dans la caféteria du Sénat, où j'ai eu l'occasion de dîner plusieurs fois
et où j'ai toujours entendu des représentants du Sénat des États-Unis d'Amérique parler en
employant des expressions fort colorées et indécentes.
Ce projet de loi a été mis en oeuvre contre nous par des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce que
nous sommes, ni de la nature de nos conversations. Comme le dirait mon cher ami Louis Rossetto,
rédacteur en chef de Wired , «c'est comme si des analphabètes venaient vous dire ce qu'il faut lire».
Eh bien, qu'ils aillent se faire foutre.
Ou, plus exactement, qu'ils sachent que nous prenons congé d'eux. Ils ont déclaré la guerre au
cyberespace; montrons-leur combien nous pouvons être astucieux, déroutants et puissants pour nous
défendre.
J'ai écrit un texte (d'une solennité de circonstance) qui, je l'espère, deviendra l'un des nombreux
moyens susceptibles d'y contribuer. Si vous le jugez utile, j'espère que vous le diffuserez aussi
largement que possible. Vous pouvez retirer mon nom si cela vous arrange; je ne me soucie
vraiment pas d'être mentionné.
J'espère bien, en revanche, que ce cri va résonner dans le cyberespace, en se modifiant, en
grandissant et en se dupliquant, jusqu'à ce qu'il devienne un énorme vacarme, à la mesure de cette
loi imbécile qu'ils viennent de préparer contre nous.
Je vous donne une :
DECLARATION D'INDEPENDANCE DU CYBERESPACE
Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d'acier, je viens du cyberespace,
nouvelle demeure de l'esprit. Au nom de l'avenir, je vous demande, à vous qui êtes du passé, de

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

nous laisser tranquilles. Vous n'êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n'avez aucun droit de
souveraineté sur nos lieux de rencontre.
Nous n'avons pas de gouvernement élu et nous ne sommes pas près d'en avoir un, aussi je m'adresse
à vous avec la seule autorité que donne la liberté elle-même lorsqu'elle s'exprime. Je déclare que
l'espace social global que nous construisons est indépendant, par nature, de la tyrannie que vous
cherchez à nous imposer. Vous n'avez pas le droit moral de nous donner des ordres et vous ne
disposez d'aucun moyen de contrainte que nous ayons de vraies raisons de craindre.
Les gouvernements tirent leur pouvoir légitime du consentement des gouvernés. Vous ne nous l'avez
pas demandé et nous ne vous l'avons pas donné. Vous n'avez pas été conviés. Vous ne nous
connaissez pas et vous ignorez tout de notre monde. Le cyberespace n'est pas borné par vos
frontières. Ne croyez pas que vous puissiez le construire, comme s'il s'agissait d'un projet de
construction publique. Vous ne le pouvez pas. C'est un acte de la nature et il se développe grâce à
nos actions collectives.
Vous n'avez pas pris part à notre grande conversation, qui ne cesse de croître, et vous n'avez pas
créé la richesse de nos marchés. Vous ne connaissez ni notre culture, ni notre éthique, ni les codes
non écrits qui font déjà de notre société un monde plus ordonné que celui que vous pourriez obtenir
en imposant toutes vos règles.
Vous prétendez que des problèmes se posent parmi nous et qu'il est nécessaire que vous les régliez.
Vous utilisez ce prétexte pour envahir notre territoire. Nombre de ces problèmes n'ont aucune
existence. Lorsque de véritables conflits se produiront, lorsque des erreurs seront commises, nous
les identifierons et nous les réglerons par nos propres moyens. Nous établissons notre propre contrat
social. L'autorité y sera définie selon les conditions de notre monde et non du vôtre. Notre monde
est différent.
Le cyberespace est constitué par des échanges, des relations, et par la pensée elle-même, déployée
comme une vague qui s'élève dans le réseau de nos communications. Notre monde est à la fois
partout et nulle part, mais il n'est pas là où vivent les corps.
Nous créons un monde où tous peuvent entrer, sans privilège ni préjugé dicté par la race, le pouvoir
économique, la puissance militaire ou le lieu de naissance.
Nous créons un monde où chacun, où qu'il se trouve, peut exprimer ses idées, aussi singulières
qu'elles puissent être, sans craindre d'être réduit au silence ou à une norme.
Vos notions juridiques de propriété, d'expression, d'identité, de mouvement et de contexte ne
s'appliquent pas à nous. Elles se fondent sur la matière. Ici, il n'y a pas de matière.
Nos identités n'ont pas de corps; ainsi, contrairement à vous, nous ne pouvons obtenir l'ordre par la
contrainte physique. Nous croyons que l'autorité naîtra parmi nous de l'éthique, de l'intérêt
individuel éclairé et du bien public. Nos identités peuvent être réparties sur un grand nombre de vos
juridictions. La seule loi que toutes les cultures qui nous constituent s'accordent à reconnaître de
façon générale est la Règle d'Or (6). Nous espérons que nous serons capables d'élaborer nos
solutions particulières sur cette base. Mais nous ne pouvons pas accepter les solutions que vous
tentez de nous imposer.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Aux États-Unis, vous avez aujourd'hui créé une loi, la loi sur la réforme des télécommunications,
qui viole votre propre Constitution et représente une insulte aux rêves de Jefferson, Washington,
Mill, Madison, Tocqueville et Brandeis. Ces rêves doivent désormais renaître en nous.
Vous êtes terrifiés par vos propres enfants, parce qu'ils sont les habitants d'un monde où vous ne
serez jamais que des étrangers. Parce que vous les craignez, vous confiez la responsabilité
parentale, que vous êtes trop lâches pour prendre en charge vous-mêmes, à vos bureaucraties. Dans
notre monde, tous les sentiments, toutes les expressions de l'humanité, des plus vils aux plus
angéliques, font partie d'un ensemble homogène, la conversation globale informatique. Nous ne
pouvons pas séparer l'air qui suffoque de l'air dans lequel battent les ailes.
En Chine, en Allemagne, en France, en Russie, à Singapour, en Italie et aux États-Unis. vous vous
efforcez de repousser le virus de la liberté en érigeant des postes de garde aux frontières du
cyberespace. Ils peuvent vous préserver de la contagion pendant quelque temps, mais ils n'auront
aucune efficacité dans un monde qui sera bientôt couvert de médias informatiques.
Vos industries de l'information toujours plus obsolètes voudraient se perpétuer en proposant des
lois, en Amérique et ailleurs, qui prétendent définir des droits de propriété sur la parole elle-même
dans le monde entier. Ces lois voudraient faire des idées un produit industriel quelconque, sans plus
de noblesse qu'un morceau de fonte. Dans notre monde, tout ce que l'esprit humain est capable de
créer peut être reproduit et diffusé à l'infini sans que cela ne coûte rien. La transmission globale de
la pensée n'a plus besoin de vos usines pour s'accomplir.
Ces mesures toujours plus hostiles et colonialistes nous mettent dans une situation identique à celle
qu'ont connue autrefois les amis de la liberté et de l'autodétermination, qui ont eu à rejeter l'autorité
de pouvoirs distants et mal informés. Nous devons déclarer nos subjectivités virtuelles étrangères à
votre souveraineté, même si nous continuons à consentir à ce que vous ayez le pouvoir sur nos
corps. Nous nous répandrons sur la planète, si bien que personne ne pourra arrêter nos pensées.
Nous allons créer une civilisation de l'esprit dans le cyberespace. Puisse-t-elle être plus humaine et
plus juste que le monde que vos gouvernements ont créé.
Davos (Suisse), le 8 février 1996.

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Annexe 4 : Cartographie
Le street art sur le web

Disponible sur http://ionesco.sciences-po.fr/com2009/streetart/wordpress/?page_id=138

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Annexe 5
Nous vous proposons ici les visuels représentatifs des sites dont nous nous sommes servis pour
notre typologie des sites web.

Les sites publics

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Les sites d’artistes

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Les sites encyclopédiques

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Les sites participatifs

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Annexe 6 : Exemple de géolocalisation sur Internet - Foursquare

Exemple de message géolocalisé sur Twitter.

I’m + lieu + lien vers la seconde capture d’écran

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Annexe 7 : Exemple de code GML – graffiti mark up language.


<gml spec='0.1c'>

<tag>

<header>

<client>

<name>Laser Tag</name>

<version>2.0</version>

<username>MyUserName</username>

<permalink>http://000000book.com/data/156/</permalink> /* where this tag was uploaded, optional */

<keywords>katsu,paris,fondationcartier</keywords> /* comma-separated */

<uniqueKey>28sks922ks992</uniqueKey> /* iPhone model etc. */

<ip>192.168.1.1</ip>

<time>1928372722</time> /* unixtime */

<location>

<lon>-39.392922</lon>

<lat>53.29292</lat>

</location>

</client>

/* This is all stuff that relates to the orientation and dimensions of the client*/

/* So if we know how to re-map the 0.0-1.0 coordinates that come in for each point */

/* Also for figuring out the down vector for devices with accelerometers and how that effects drips */

<environment>

<offset>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

<z>0.0</z>

63
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</offset>

<rotation>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

<z>0.0</z>

</rotation>

<up>

<x>0.0</x>

<y>-1.0</y>

<z>0.0</z>

</up>

<screenBounds> /* use this as your multipler to get 0.0 to 1.0 back to right size - pts should never go off 0.0 to 1.0 */

<x>1024</x>

<y>768</y>

<z>0</z>

</screenBounds>

<origin>

<x>0</x>

<y>0</y>

<z>0</z>

</origin>

<realScale> /* how these units relate to real world units - good for laser tag */

<x>1000</x>

<y>600</y>

<z>0</z>

<unit>cm</unit>

</realScale>

</environment >

</header>

<drawing>

64
Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

/* for all stroke and movement stuff it helps to have everything inside the stroke tag */

/* this way it is easy to get a sense of order to events */

<stroke isDrawing='false'> /* for non drawing mouse movements */

<pt>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

<z>0.0</z> /* this is optional */

<t>0.013</t> /* time is optional too */

</pt>

</stroke>

<stroke> /* by default stroke drawing is true */

/* each stroke could be drawn with a different brush */

/* if no brush tag is found for a stroke then it inherits the previous settings */

<brush>

<mode>0</mode> /* same as uniqueStyleID but an internal reference */

<uniqueStyleID>LaserTagArrowLetters</uniqueStyleID> /* unique blackbook string for your style */

/* see note about spec at the bottom - like unique style but with extra info */

<spec>http://aurltodescribethebrushspec.com/someSpec.xml</spec>

<width>10</width>

<speedToWidthRatio>1.5</speedToWidthRatio> /* put 0 for fixed width */

<dripAmnt>1.0</dripAmnt>

<dripSpeed>1.0</dripSpeed>

<layerAbsolute>0</layerAbsolute> /*Think photoshop layers*/

<color>

<r>255</r>

<g>255</g>

<b>255</b>

<a>255</a> /* optional */

</color>

<dripVecRelativeToUp> /* what angle do are drips go in relation to our up vector */

<x>0</x>

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

<y>1</y>

<z>0</z>

</dripVecRelativeToUp>

</brush>

<pt>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

<z>0.0</z> /* this is optional */

<t>0.013</t> /* time is optional too */

</pt>

<pt>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

<z>0.0</z> /* this is optional */

<t>0.013</t> /* time is optional too */

</pt>

<pt>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

<z>0.0</z> /* this is optional */

<t>0.013</t> /* time is optional too */

</pt>

</stroke>

/* this stroke inherits the previous stroke properties */

/* but changes color and draws on the layer below */

<stroke>

<info> /* optional info - more stuff soon*/

<curved>true</curved>

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

</info>

<brush>

<color>

<r>255</r>

<g>255</g>

<b>0</b>

</color>

<layerRelative> /* this means one layer bellow the previous layer */

-1

</layerRelative>

</brush>

<pt>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

</pt>

<pt>

<x>0.0</x>

<y>0.0</y>

</pt>

</stroke>

</drawing></tag></gml>

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Bibliographie
Sociologie de la culture : généralités

COULANGEON , Philippe, Sociologie de la culture, Paris, La découverte, 2005, 120 p.

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DONNAT, Olivier, Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris, La Documentation Française,
2003, 348 p.

Contre culture & cultural studies

BIZOT, Jean-François, Underground : l’histoire, Paris, Denoël, 2001, 351 p.

GELDER, Ken, The subcultures reader, London, Routledge, 2005, 639 p.

HEBDIGE, Dick, Sous-culture Le sens du style, Paris, Zones/La découverte, 2008, 155 p.

Sociologie du gout

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BOURDIEU, Pierre, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, 1979, 672
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GIET, Sylvette, La légitimité culturelle en questions, Limoges, PULIM, 2004, 248 p.

LIZE Wencess & ROUEFF Olivier, « La fabrique des goûts », Actes de la recherche en sciences
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WEBER, Max, Economie et société, Paris, Pocket , Paris, 2003, 210 p.

Web et Nouvelles technologies

ALLARD Laurence & VANDENBERGHE Frédéric, “Express Yourself! Les pages perso. Entre
légitimation technopolitique de l’individualisme expressif et authenticité réflexive peer to peer”,
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CARDON Dominique, « Le design de la visibilité », Réseaux, Paris, numéro 162, 2008, pp.93-137

LAJOIE, Eric & GUICHARD, Eric, L’odyssée Internet, enjeux sociaux, Montréal, Presses
Universitaires du Québec, 2005.

Etudes sur le street art

BOUDINET, Gilles, Pratique tags : vers la proposition d’une « transe-culture », Paris, L’harmattan,
2002, 256 p.

CLERC, Sarah, Entre graffeurs et graffeurs, où la diversité d’une même discipline, Lyon, 2006,
145p. URL : http://doc-iep.univ-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/MFE2007/clerc_s/html/index-frames.html [13/12/2009]

Webographie
Sites généralistes sur le street art
http://legraffiti.com

Des sites généralistes et participatifs


http://fatcap.com
http://ekosystem.org
Ce site est tenu par des étudiantes de Sciences Po dans le cadre de leur mémoire sur le street art sur
Internet http://ionesco.sciences-po.fr/com2009/streetart/wordpress/?page_id=8

Site d’artistes

Blek le rat : http://blekmyvibe.free.fr/

Banksy : http://www.banksy.co.uk/

Brotalex : http://www.brokalex.com

Tempt One : http://www.temptone.wordpress.com

Space Invaders : http://www.spaceinvaders.de/

Sites de musées et de galeries


Galeries Oneg : http://www.galerie-onega.com/

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Magda Gallery : http://www.magda-gallery.com/

The Studio 55 : http://www.thestudio55.com/

Discours officiels
Site du Ministère de la Culture, page reproduisant le discours de Renaud Donnedieu de Vabres, sur
la synthèse de la mission « Cultures Urbaines » en mars 2007 [dernière consultation 28/04/2010]
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/communiq/donnedieu/cultures-urbaines2007.html

Discours juridiques
Site officiel sur la législation des créatives commons http://fr.creativecommons.org/index.htm
[dernière consultation 10/02/2010]

Réfléxion anti graffitis


Un site généraliste http://www.nograffiti.com

Site de la ville de Reims, page présentant les actions de la ville en matière de dégraffitage

http://www.ville-reims.fr/index.php?id=126 [dernière consultation le 24/03/2010]

Site présentant la dernière innovation en matière de dégraffitage


http://www.aerogommage.net/index.htm [dernière consultation le 24/03/2010]

Article d’Eric Strausser, criminologue sur le magazine en ligne de l’Université de Lausanne « Paris
New York même combat contre le crime ? » : un document sur la théorie de la fenêtre brisée
http://www2.unil.ch/unicom/allez_savoir/as22/pages/as22_politique.html [dernière consultation
17/04/2010]

Web et Nouvelles technologies

Site présentant l’histoire d’Internet, nommé « La face cachée d’Internet »


http://www.9atech.com/page_fete1.html [dernière consultation le 28/03/10]

Site de Tim O Reilly, page dans laquelle il définit les enjeux web 2.0 [dernière consultation
13/04/2010] http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Site officiel de l’Electronic Frontier Foundation sur laquelle est reproduite en anglais la Déclaration
D’indépendance du Cyberespace https://projects.eff.org/~barlow/Declaration-Final.html [dernière
consultation 12/05/2010]

Innovations et street art


Site personnel d’Evan Roth http://evan-roth.com/
Graffiti Research Lab : http://graffitiresearchlab.com/

Free Art Technology http://fffff.at/

Site de marque présentant l’application Iphone, Urban Art Guide : un guide culturel proposant de
découvrir les œuvres de street art de Berlin et Hamburg http://www.urbanartguide.com/ [dernière
consultation le 07/04/2010]

Site présentant la thèse de fin d’études d’Evan Roth, sa taxonomie, son classement des graffitis
http://www.ni9e.com/graf_taxonomy/graf_tax_01.html [dernière consultation 12/05/2010]

Site de présentation de la Wii Spray, un jeu vidéo en réalité augmentée, permettant de graffer sur
notre téléviseur http://www.wiispray.com [dernière consultation 12/05/2010]

Site de l’Eye Writer, innovation permettant de réaliser des œuvres sur ordinateur, à l’aide du
mouvement de sa rétine http://www.eyewriter.org/ et du laser tag
http://graffitiresearchlab.com/projects/laser-tag/ [dernière consultation 12/05/2010]

Cultures
Page d’une plateforme de travail collaboratif pour les élèves et enseignants en histoire, elle présente
la théorie de Max Weber sur la légitimité http://icp.ge.ch/po/cliotexte/fin-xixe-siecle-et-debut-du-
xxe-siecle/legitimite.legalite.html [dernière contribution 19/05/2010]

Article du magazine Sciences Humaines « Capital culturel et reproduction scolaire » de Gérard


Mauger http://www.scienceshumaines.com/capital-culturel-et-reproduction-scolaire_fr_12504.html
[dernière consultation 22/04/2010]

Videographie
Street art : la rébellion éphèmère a été diffusé le jeudi 25 mars 2010 à 22h25 sur Arte. Le reportage

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

présente un panorama du street art à l’échelle mondiale et pose des problématiques similaires. Vous
pouvez trouver un résumé sur le lien suivant
http://www.arte.tv/fr/semaine/244,broadcastingNum=1090615,day=6,week=12,year=2010.html
[dernière consultation 14/05/2010]

Le graffiti vandalisme ou nouvelle forme d’art, reportage issu de Global Mag, un reportage diffusé
sur Arte le mercredi 24 février 2010. L’extrait est disponible en ligne sous l’URL suivante
http://global.arte.tv/fr/2010/02/24/les-graffitis-vandalisme-ou-nouvelle-forme-dart/ [dernière
consultation 14/05/2010]

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Table des matières


Introduction .......................................................................................................................................... 4

I) Art des rues, art ambigu .................................................................................................................... 6

1) Typologie du street art ............................................................................................................ 6


a) Le graffiti : art direct .....................................................................................................7
b) Des techniques alternatives pour plus de rapidité .........................................................7

2) Une démarche commune, non reconnue de tous ................................................................... 8


a) Occuper l'espace public .................................................................................................8
b) L'illégalite : un enjeu pour les artistes ...........................................................................9
L'adrénaline du vandalisme ..................................................................................... 9
Un moyen de s'affranchir des conventions ............................................................ 10
Un double impact artistique sur les amateurs et l'art officiel ................................. 10
Des enjeux parfois incompris. ............................................................................... 11

3) Le web comme nouveau territoire ? ..................................................................................... 12


a) Le web 2.0 : des démarches simplifiées. .....................................................................13
b) Internet au service de communautés. ..........................................................................14
c) Anonymat et gratuité ...................................................................................................16

II. Le web : nouvel accès à la légitimité artistique ? .......................................................................... 18

1) Le web comme instance de visibilité ................................................................................... 18


a) Typologies des sites web .............................................................................................18
Les sites institutionnels .......................................................................................... 18
Les sites d'artistes tenu par des webmasters légitimes ........................................... 19
Les sites web « encyclopédiques » ........................................................................ 20
Les sites communautaires ...................................................................................... 20
b) La théorie de visibilité appliquée. ...............................................................................21

2) Comprendre la notion de légitimité ..................................................................................... 23


a) Deux points de vues sur la légitimité culturelle. .........................................................23
La définition initiale de Max Weber ...................................................................... 23
Une légitimité différente selon les acteurs... .......................................................... 24
… et les cultures. ................................................................................................... 24
b) Légitimité et goût : deux notions liées ........................................................................25

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

La philosophie esthétique : fondement de la notion de goût. ................................ 25


Bourdieu ou comment lier goût et légitimité. ........................................................ 27
Les pensées contemporaines .................................................................................. 29

3) Eclectisme du web un moyen de gagner en légitimité ........................................................ 31


a) Afficher et diffuser ses goûts pour pousser à la consommation ..................................31

III. Le web : des apports à relativiser. ................................................................................................ 38

1) Les nouvelles technologies comme moyen de création ....................................................... 38


a) GML nouveau langage de diffusion... .........................................................................39
b) ...a entrainé la création de nouveaux moyens de productions. ....................................40

2) L’éthique du street art, pas toujours respectée. ................................................................... 43

Conclusion ......................................................................................................................................... 45

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Mathilde Viana – Web et street art : jusqu’où (ne pas) communiquer

Mots clés
Culture -Nouvelles technologies de l’information et de la communication – Internet – Street Art –
Graffiti – Visibilité – Légitimité – Innovation – Impact social

Résumé
Dans ce mémoire, nous nous interrogeons sur les enjeux communicationnels d’une sous culture. Le
street art est un terrain particulier où l’image est vectrice d’un fort message. L’impact du message
transmis est il plus important sur le web ? Nous verrons donc, si le web peut être vecteur de
visibilité et légitimité. La légitimité est elle similaire selon les différents acteurs ? Les enjeux sont
ils si positifs pour cette contre culture ?

Abstract
In this thesis, we wonder about the communicationnel goals of a counter culture. The street art
culture is a particular point where the image is the main way to inform people. So we need to
underline the impact of communication on Web. IT can be vector of visibility and legitimacy? Quid
of the various actors? Are the impacts so positive for this counter culture?

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