Professional Documents
Culture Documents
des
obligations
de
faire.
Introduction ..................................................................................................................3
Conclusion...................................................................................................................20
Bibliographie ..............................................................................................................21
2
Le 8 novembre 1973, le Tribunal de grande instance de Paris1 jugeait que
« l’affirmation d’obligations juridiques découlant d’une convention de strip-tease
voudrait dire dès lors que la femme, éventuellement revenue au sentiment naturel de
la pudeur, pourrait se voir contrainte par le juge, au besoin sous astreinte
comminatoire ou définitive, à s’exposer nue… à la vue du public ».
Cette décision, qui tend à faire sourire, n’oublie pas de rappeler le caractère délicat du
problème soulevé par l’exécution forcée des obligations. Le conflit oppose deux
principes fondamentaux qui sont le principe de la force obligatoire du contrat et celui
du respect de la personne. Cette confrontation des deux principes paraît de prime
abord insoluble. Cependant, il faut pourtant effectuer un choix. On observe que l’on
enseigne traditionnellement que l’exécution des obligations de faire et de ne pas faire
ne peut être imposée au débiteur. Telle est, d’ailleurs, l’une de leurs particularités les
plus notables par rapport à l’obligation de donner.
Cette observation générale n’est pas tout à fait exacte, et la question de l’exécution
forcée concerne beaucoup plus les obligations de faire que les obligations de ne pas
faire, car leur nature les rends plus aisément réalisable. Ainsi lorsque l’objet de
l’abstention est un acte juridique (par exemple une interdiction de vendre en vertu
d’une clause d’inaliénabilité), le juge peut en certaines hypothèses prononcer
l’inopposabilité de l’acte et anéantir par la même la contravention à l’obligation. Il n’y
a pas non plus de difficulté dans les cas où la violation commise par le débiteur est
irréversible. Dans ce cas une condamnation à des dommages et intérêts est la seule
solution. Ainsi en va-t-il pour les obligations de ne pas faire continues mais affectées
d’un délai déjà expiré, ou dépourvues de délai.
Pour les obligations de ne pas faire continues, il est vrai, le conflit existe, tout au
moins pour l’avenir. L’abstention exige en effet un effort nécessairement individuel.
Mais tout est finalement question de degrés. L’important est de définir un seuil
d’intolérance, et l’on conçoit que celui-ci doit se situer au niveau de l’élaboration
d’actes positifs, en d’autres termes, au rang de la créativité, le mot étant pris dans son
sens le plus général.
1
TGI Paris, 8 nov. 1973 : D. 1975, p. 401, note Puech.
3
Négligeant pour ces diverses raisons certains types d’obligations, la présente
chronique ne sera pas pour autant consacrée à l’exécution forcée de toutes les
obligations de faire. Un tel champ de réflexion apparaît trop vaste. De ce fait,
L’attention de cette étude ne sera canalisée que sur les obligations de faire dont
la source est une convention.
L’adage « Pacta sunt servanda », dont Grotius lui a donné toute son amplitude,
signifie que « la signature du contrat constitue comme un serment mutuel de fidélité
que chaque contractant fait à l’autre, au moment où il s’engage : qu’il respectera la
lettre du contrat, dans les termes que les parties ont négociés et sans prétendre
s’arroger par la suite plus de droit qu’il n’en a, soit pour l’exécuter, soit pour s’en
délier »2. Il s’agit là de morale et de philosophie : l’homme est engagé parce qu’il l’a
voulu.
Mais une telle suppression du conflit entre la force obligatoire du contrat et la liberté
du débiteur n’est pas universellement possible, et il existe bien des cas où le créancier
2
P.-Y. GAUTIER, « un auteur, une idée »,RDC 2009, p. 1595.
4
désire l’exécution par le débiteur, et par lui seulement. « Il est évidemment trop facile
de sacrifier les intérêts du créancier sur l’autel de la liberté individuelle sous prétexte
que l’exécution forcée est source de scandale »3. Mais il est tout aussi évident que des
violences, physiques comme morales, peuvent être inadmissibles et doivent alors être
rejetées. Ce débat ne peut être éludé ; il faudra que le juge décide s’il ordonne
l’exécution forcée ou s’il la refuse.
Au fil du temps, les solutions ont varié. Sur un plan historique, après s’être
tardivement imposée en droit romain, l’exécution directe subit une longue éclipse au
Moyen Age et, au XVIe siècle, le président du Sénat de Savoie, Antoine Fabre,
formulait l’interdiction de l’exécution forcée des obligations de faire dans le fameux
brocard : Nemo praecise potest cogi ad factum quia sine vi et impressione id fieri non
potest, ideoque in obligationibus faciendi succedit praestatio ejus quod interest 4.
Mais cette négation absolue de l’exécution en nature, due à une analyse discutable du
Digeste par les glossateurs, s’avéra vite embarrassante, et l’on s’efforça d’en limiter
les applications, si bien qu’à la fin de la monarchie, l’état de l’Ancien droit pouvait se
résumer ainsi : le fait promis est in obligatione, toutes les obligations de faire et de ne
pas faire doivent être exécutées en nature. Pourtant le Code civil ne semble pas avoir
enregistré cette évolution. En effet, loin de consacrer le triomphe de l’exécution
forcée, son article 1142 porte : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout
en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur ».
La première est relative à une autre analyse qui fait de l’article 1142 du Code civil une
protection relative tenant aux moyens. Le Code civil n’a pas banni, sans distinction, la
3
W. JEANDIDIER, l’exécution forcée des obligations contractuelles de faire : RTD civ. 1976, p. 702.
4
Adage qui signifie : personne ne peut être contraint à accomplir un fait, par ce que cela ne peut se
réaliser sans violence ni pression, et pour cette raison, le paiement de la valeur de ce qui est dû
remplace l’obligation de faire.
5
pression sur le débiteur ; seuls sont interdits les procédés d’exécution brutaux,
impliquant une atteinte inadmissible à la personne humaine. En revanche, la
contrainte indirecte ne suscite pas la même réprobation, et il est légitime d’y recourir,
sous peine de ruiner le principe du respect de la parole donnée. L’avantage de la
construction est de réaliser une conciliation entre deux impératifs apparemment
contraires, et ceci explique l’accent mis en droit positif sur cette interprétation de
l’article 1142 du Code civil. On assiste ainsi , depuis le Premier Empire, à un net
développement de l’exécution forcée des obligations de faire conférant à la force
obligatoire du contrat une effectivité maximale.
La seconde est relative à l’article 1184 du Code civil qui propose, dans son alinéa 2,
une alternative à l’article 1142. Il dispose que « la partie envers laquelle l’engagement
n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention
lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec des dommages et
intérêts. » Ainsi, on voit écrit de manière explicite dans le Code, la possibilité pour le
créancier d’obtenir en justice la condamnation du débiteur à fournir la prestation qui
était convenue dans le contrat et ce, en nature. La formulation de cet article peut
laisser sous-entendre une certaine hiérarchie entre les deux options, mais ce n’est pas
le cas en pratique. Le créancier peut demander dans un premier temps l’exécution
forcée du contrat, puis dans un second, la résolution de ce dernier. 5
5
D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, droit des obligations, ELLIPSES, 2008, n°282.
6
1. Exclusion de toute exécution forcée pour les prestations empreintes d’intuitu
personae.
Les conventions conclues intuitu personae sont celles qui impliquent une appréciation
des qualités personnelles du cocontractant. Cependant, le caractère intuitu personae
du contrat au moment de sa formation ne suffit pas à exclure l'exécution forcée. Par
exemple certaines obligations de somme d'argent peuvent s'inscrire dans des contrats
empreints de ce caractère (par exemple le prêt). De même, d'autres contrats conclus
intuitu personae n'excluent pas le recours à la technique de l'astreinte ou à la faculté
de remplacement. Il faut que le degré de l'intuitus personae soit tel qu'il prolonge son
effet pendant toute la durée du contrat, qu'il exclue toute possibilité d'exécution par un
tiers et qu'il interdise toute contrainte même indirecte sur le débiteur. Même la
contrainte morale exercée par la menace de sanctions pécuniaires autres que celles
découlant de l'inexécution semble dès lors intolérable.
1.1. Pour ce qui est des obligations en matière littéraire et artistique, il est très
généralement admis que doivent bénéficier du régime de faveur de l’article 1142 du
Code civil les obligations dans le domaine artistique ou intellectuel. Ainsi, l'artiste qui
s'est engagé à faire un portrait ou à produire toute autre œuvre littéraire ou artistique
ne peut être contraint, même par le biais de l'astreinte, à achever son œuvre ou même
à la livrer, une fois achevée, son droit moral le rendant seul et discrétionnairement
maître de la divulgation. On site généralement a titre d’exemple l’affaire Whistler6.
6
Req., 14 mars 1900, Whistler, DP, 1900.I.1947, n. M. Planiol.
7
sanctionnant d'abord pénalement le refus de la réintégration7, en admettant ensuite la
possibilité d'une condamnation à réintégration sous astreinte8. La justification de la
solution ancienne par la règle de l'article 1142 du Code civil était en contradiction
avec l'application restrictive de ce texte car aucune liberté fondamentale de
l'employeur, comparable à la liberté de la création artistique, n'était compromise en
l’espèce.
8
impossible en raison de la nécessité de mettre en œuvre des moyens de contrainte
physique sur la personne du débiteur.
En revanche, d'autres moyens empruntant des voies détournées permettent avec une
efficacité souvent comparable d'obtenir le même résultat, et ce, sans qu'aucune
atteinte soit portée à l'intégrité et à la liberté physique du débiteur.
Tout d'abord, il faut rappeler les moyens inhérents à la technique contractuelle, tels
que la clause pénale ou certains procédés comme l’exception d’inexécution11 et le
droit de rétention.
Cependant, il y a lieu de mettre essentiellement l'accent, au titre des procédés indirects
d'exécution forcée, sur les techniques (moyennant l'intervention du juge) qui
permettent au créancier d'obtenir la prestation même qu'il escomptait, soit du débiteur
lui-même, soit du juge dans un cas particulier, soit d'un tiers. Il s'agit de l'injonction
de faire (2.1.), de l'astreinte (2.2.), de la constatation judiciaire d’un acte juridique
(2.3.), enfin de la faculté de remplacement prévue par l'article 1144 du Code civil
(2.4.).
11
L'exception non adimpleti contractus n'accorde a l'excipiens qu'un droit de suspension temporaire
pour l'exécution de ses obligations. Elle constitue un moyen de pression pour inciter le cocontractant à
respecter son obligation et pour ainsi obtenir l'exécution du contrat.
9
Cette procédure a un champ d'application plus limité que celle d'injonction de payer.
Cette injonction est applicable aux obligations contractuelles nées "entre des
personnes n'ayant pas toutes la qualité de commerçant"12, elle est principalement
conçue en faveur des consommateurs, alors que l'injonction de payer est
principalement destinée aux professionnels. Elle met à leur disposition une procédure
simple, rapide et peu onéreuse, en vue de la solution des litiges d'importance limitée.
En effet, autre différence par rapport à l'injonction de payer, l'injonction de faire ne
peut être mise en œuvre que dans la limite du taux de compétence du tribunal
d'instance, juridiction qui est seule compétente pour l'ordonner.
2.2. Pour ce qui est de l’astreinte, elle est la condamnation du débiteur à payer au
créancier, s'il n'exécute pas son obligation, telle somme par jour (ou semaine, ou
mois...) de retard, s'il s'agit d'une obligation de faire, ou par infraction constatée, s'il
s'agit d'une obligation de ne pas faire. Souverainement fixée par le juge, la somme en
question est déterminée de telle manière qu'elle représente pour le débiteur, compte
tenu des circonstances et de sa situation patrimoniale, une perte substantielle et
croissante s'il persiste dans son refus. La somme ainsi due au créancier est
indépendante de toute idée de réparation. Aussi l'astreinte peut-elle être prononcée
même en l'absence de tout préjudice13 et si un préjudice est constaté, l'astreinte s'y
ajoute.14 Elle est constitutive d'une peine privée et ne dispense en aucun cas le
débiteur de l'exécution de son obligation. L'astreinte a délibérément pour but de peser
sur la volonté du débiteur, afin de briser sa résistance. Elle est une mesure licite
d'intimidation qui, ne touchant pas la personne du débiteur, n'est pas contraire à la
règle qu'exprime l'article 1142 du Code civil. Issue d'une pratique jurisprudentielle
apparue dès le lendemain du Code civil,15 la technique de l'astreinte, en l'absence de
textes, est restée longtemps discutée en doctrine et n'a fait l'objet, en jurisprudence,
que d'applications prudentes. La généralisation progressive de son emploi a déterminé
le législateur à intervenir. La loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 l'a dotée d'un statut
législatif, consacrant le dispositif imaginé par la jurisprudence et le dépassant même, à
certains égards. Ces dispositions ont elles-mêmes été abrogées et remplacées par
celles, plus substantielles, de la loi 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
12
NCPC, art. 1425-1
13
Cass. 1re civ., 28 févr. 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 97.
14
Cass. 1re civ., 20 nov. 1991 : Bull. civ. 1991, II, n° 308
15
Cass. req., 29 janv. 1834 : GAJC, t. 2 : Dalloz, 11e éd. 2000, n° 234.
10
civiles d'exécution et de son décret d'application du 31 juillet 1992.
11
ou en baisse. Il est constaté dans la pratique qu’elle est révisée fréquemment à la
baisse. Elle doit toujours faire l'objet d'une liquidation, après exécution de
l'obligation ou lorsque l'inexécution est devenue certaine, ou encore avant
prononcé d'une nouvelle astreinte, définitive, le cas échéant. La liquidation
consiste dans la fixation du montant qui doit réellement être versé au créancier.
Le pouvoir de modération du juge va jusqu'à celui de lever l'astreinte
prononcée.20 Tant qu'elle n'est pas liquidée, l'astreinte provisoire ne constitue
donc qu'une menace, ce qui en réduit l'efficacité. En revanche, une fois liquidée,
elle est irréductible, même, a jugé la Cour de cassation, en cas de survenance de
faits nouveaux.21 La seconde est, comme son appellation l'indique, non
susceptible de révision. Son montant, tant que l'exécution n'est pas obtenue, est
définitivement acquis au créancier, sans préjudice des dommages et intérêts qui
peuvent s'y ajouter. La gravité de la mesure requiert une décision expresse du
juge qui la prononce. De plus, la loi du 9 juillet 1991 interdit désormais de
prononcer d'emblée une astreinte définitive. En somme, le procédé moins rigide
de l'astreinte provisoire doit d'abord être éprouvé à l'encontre du débiteur.
Comme la précédente, l'astreinte définitive doit être liquidée par le juge de
l'exécution, à moins que le juge qui l'a prononcée reste saisi de l'affaire ou se
soit réservé ce pouvoir. Mais la liquidation se réduit, cette fois, à une opération
arithmétique, aucune modération n'étant possible.
2.3. Pour ce qui est de la constatation judiciaire d’un acte juridique. Lorsque
l’obligation de faire est celle de passer un acte juridique, il est parfois possible d’y
20
Cass. 3e civ., 19 oct. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 353.
21
Cass. 2e civ., 15 mai 2003 : Bull. civ. 2003, II, n° 143.
12
suppléer par une décision judiciaire. Tel est le cas, par exemple, pour les ventes
immobilières passées par acte sous seing privé, qui requièrent pour leur pleine
efficacité l’accomplissement des formalités de la publicité foncière. Si le vendeur se
refuse à souscrire l’acte notarié, il peut être remédié par une constatation judiciaire de
la vente, le jugement pouvant faire l’objet de l’indispensable publicité foncière.22
Cependant la jurisprudence est plus nuancée pour ce qui est des promesses
unilatérales de vente et des pactes de préférence lorsque ces derniers ne sont pas
respectés.
2.3.2. Pour ce qui est du Pacte de préférence, les solutions doivent être, a
22
Req., 18 mars 1912, S. 1913, 1, p. 11.
23
Cass. civ., 12 juin 1954 : JCP G 1954, II, 8225.
24
Cass. 3e civ., 22 mars 1968 : D. 1968, p. 412, note D. Mazeaud.
25
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993 : JCP G 1995, II, 22366, obs. D. Mazeaud
13
priori, les mêmes dans certaines hypothèses voisines de la précédente (et vice-
versa), telles que celles où un pacte de préférence a été consenti à un éventuel
acquéreur. Le pacte de préférence, pourtant moins contraignant que la promesse
de vente puisqu'il laisse au propriétaire la liberté de ne pas vendre, était au par
avant plus contraignant car, si ce pacte était relatif à un immeuble, il était
soumis à la publicité foncière sous peine d’inopposabilité aux tiers. Dans un
souci de cohérence, la Cour de cassation a effectué un revirement de
jurisprudence le 16 mars 1994 et a affirmé que "le pacte de préférence, qui
s'analyse en une promesse unilatérale conditionnelle, ne constitue pas une
restriction au droit de disposer" soumise à l'exigence de la publicité foncière.26
Dès lors, la force obligatoire d'une telle convention devait logiquement être
traitée de la même manière que pour la promesse unilatérale de vente. Ainsi, si
le promettant a cédé le bien à un tiers en violation du pacte de préférence, cet
acte ne peut être remis en cause si le tiers était de bonne foi et le bénéficiaire du
pacte ne peut prétendre qu'à des dommages et intérêts.27
La jurisprudence accorde désormais, au bénéficiaire de la promesse, le droit de
se faire substituer à l'acquéreur sous la condition que « ce tiers ait eu
connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ».28 Cependant, certains auteurs
comme P.-Y. Gautier sont venus relever l’impossibilité quasi matérielle de
rapporter une telle preuve.29 Ensuite, est intervenu la solution d’un arrêt de
2008. Celui-ci précisant que « les parties à une promesse unilatérale de vente
sont libres de convenir que le défaut d’exécution par le promettant de son
engagement de vendre peut se résoudre en nature par la constatation judiciaire
de la vente. »30 Ce type de clause, si elle est insérée dans la promesse ou le
pacte, laisse entrevoir la possible réalisation d’une telle substitution au profit du
créancier. De plus, un arrêt récent est venu préciser que « la connaissance, par le
tiers, du pacte de préférence et de l’intention de son bénéficiaire de s’en
prévaloir s’apprécie à la date de la promesse de vente, qui vaut vente, et non à
celle de sa réitération par acte authentique s’il n’est pas constaté que les parties
26
Cass. 3e civ., 16 mars 1994 : Juris-Data n° 1994-000633.
27
Cass. com., 27 mai 1986 : RTD civ. 1987, p. 89, obs. Mestre.
28
Cass. ch. Mixte, 26 mai 2006, D. 2006, p. 1861, note P.-Y. Gautier, et p. 1864, note D. Mainguy.
29
P.-Y. GAUTIER, « Exécution forcée du pacte de préférence : un peu victoire à la Pyrrhus, beaucoup
probatio diabolica », D. 2006, p. 1861.
30
Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721.
14
avaient entendu faire de celle-ci un élément constitutif de leur engagement.»31
Désormais, si, à la date de la promesse de vente, il est établie que le tiers n’était
pas de mauvaise foi, le bénéficiaire du pacte de préférence ne pourra plus
rechercher l’annulation de la vente ni sa substitution à l’acquéreur.
Il semble, aux vues de ces éléments, que l’écart qui était déjà creusé entre la
jurisprudence qui et la doctrine ne cesse de s’accentuer.
Il reste que la faculté de remplacement offerte par l'article 1144 du Code civil apporte
une très importante atténuation au principe formulé par l'article 1142 de ce même
Code.
31
Cass. 3e civ., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-22.027 : RTD civ., 2009, p. 524, obs. B. FAGES,
violation du pacte de préférence et date à laquelle doit s’apprécier la mauvaise foi du tiers ; RDC 2009,
p. 991 et s., obs. Y.-M. LAITHIER, « pacte de préférence : le rejet de la demande de substitution en
dépit de la mauvaise foi du tiers acquéreur ».
15
2.4.1. Pour ce qui est de la livraison de marchandises, La faculté de
remplacement vaut pour toutes les variétés d'obligations de faire, du moins dès
lors que la substitution d'un tiers au débiteur défaillant est concevable. Son
domaine d'élection est cependant celui des obligations de livraison en matière
mobilière. Elle offre à l'acheteur qui n'obtient pas la délivrance le moyen de
sortir du dilemme que constitue l'option, qui lui appartient normalement, entre
une action en délivrance aléatoire et qui, même assortie d'une demande
d'astreinte, retarde en toute hypothèse l'exécution, et la simple action en
dommages et intérêts, qui ne lui procure qu'une satisfaction très imparfaite s'il a
réellement besoin, spécialement pour l'exercice de sa profession, des
marchandises attendues. Grâce à la faculté de remplacement, cet acheteur
pourra, moyennant une autorisation de justice, se procurer ailleurs les
marchandises dont il a besoin, aux frais du débiteur défaillant. Suivant les cas, le
juge n'autorisera le remplacement qu'après injonction au débiteur initial d'avoir
à exécuter à bref délai son obligation et à défaut d'une telle exécution.
Le remplacement se fait aux frais du débiteur, ce qui signifie concrètement que
ce dernier devra indemniser son cocontractant si, pour obtenir les marchandises
auprès d'un tiers, il doit payer un prix supérieur au prix convenu dans le contrat.
Il faut admettre également le principe, quoique la question soit rarement
soulevée, d'une indemnisation du préjudice résultant du retard occasionné par
l'inexécution, ainsi que d'autres frais éventuellement exposés par l'acquéreur.
L'obligation nouvelle d'avancer, le cas échéant, les sommes nécessaires au
remplacement peut constituer une autre manière de faire venir le débiteur à
résipiscence. Bien que l'article 1144 du Code civil ne fasse aucune distinction
entre choses fongibles et corps certains, il a été jugé que la faculté de
remplacement ne peut pas jouer lorsque l'accord des parties s'est réalisé sur un
objet bien déterminé, en l'occurrence une machine d'occasion.32
32
Cass. com., 20 janv. 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 26 ; D. 1976, p. 36.
16
demeure de s'exécuter.33
17
également être trouvé dans l'idée d'urgence. En raison des impératifs de
simplicité et de rapidité qui caractérisent les relations commerciales, la pratique
commerciale, approuvée par les tribunaux, a admis un remplacement
extrajudiciaire permettant au commerçant, qui attend une livraison et qui, de ce
fait, est lui-même empêché de remplir ses engagements envers ses clients, de se
procurer les marchandises auprès d'un autre fournisseur, sans avoir recours
préalablement à une autorisation, après mise en demeure ou après la date fixée
pour la livraison. Le risque d'arbitraire et d'abus est évité par le nécessaire
contrôle judiciaire a posteriori, si le règlement d'éventuelles indemnités donne
lieu à un litige entre les parties.
18
l'article 1142 du Code civil et la maxime Nemo praecise cogi..., et l'impératif de la
force contraignante des obligations. S'il est des cas où l'évolution des mœurs a conduit
à renoncer au recours de à la force publique, il en subsiste d'autres où un tel recours
reste de pratique courante.
3.1. Pour ce qui est des infractions pénales. On peut citer, tout d'abord, les
hypothèses où la violation d'une obligation de faire est en même temps constitutive
d'une infraction pénale. Tel est le cas spécialement de l'obligation de restitution dans
le mandat, le dépôt ou le prêt à usage, qui est susceptible, si certaines conditions sont
réunies, de la qualification d'abus de confiance.37 Le créancier a certes besoin, dans
ces hypothèses, du secours de la justice répressive mais le résultat est bien, sur le plan
civil, une exécution forcée en nature de l'obligation de restitution.
3.2. Concernant l’expulsion d'un occupant sans titre. Il est admis également que la
présence illégitime d'une ou plusieurs personnes en un lieu privé où elles ne devraient
pas être, donnant naissance à une obligation de déguerpir, peut être sanctionnée par
une expulsion manu militari. L'exemple type, en matière contractuelle, est celui du
locataire qui se maintient sans titre dans les lieux après expiration ou résiliation du
bail. Si l'on se contentait d'octroyer au propriétaire des lieux des dommages et intérêts,
comme l'application littérale de l'article 1142 le commanderait, on l'enfermerait dans
la situation d'un bailleur forcé. C'est pourquoi, sous réserve de certaines restrictions
législatives tenant au moment de l'année et de certaines réticences des autorités
publiques à se prêter à l'exécution des décisions de justice en ce domaine, le principe
d'une exécution forcée directe est admis. Celle-ci, a-t-on souligné, se fait sans atteinte
véritable à la personne, l'expulsion étant opérée le plus souvent par simple enlèvement
de tout mobilier.
3.3. Pour ce qui est de la mise en possession, l’exécution forcée doit encore être
admise, plus généralement, chaque fois qu'elle est possible sans exiger une
intervention personnelle directe du débiteur. La jurisprudence a ainsi reconnu qu'un
acheteur pouvait être contraint de prendre livraison38, ou encore qu'un locataire
37
Code pénal, art. 314-1.
38
Cass. com., 12 juin 1963 : Bull. civ. 1963, III, n° 316.
19
pouvait se faire délivrer la chose louée.39
39
Cass. com., 23 mai 1964 : Bull. civ. 1964, III, n° 260
20
Bibliographie
Ouvrages divers :
F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, les obligations, DALLOZ, 10e éd., 2009,
n°1108 et s.
Ph. DELEBECQUE et F.-J. PANSIER, droit des obligations, régime général, LITEC,
5e éd, 2009, n°59 et s.
21
P.-Y. GAUTIER, « Exécution forcée du pacte de préférence : un peu victoire à la
Pyrrhus, beaucoup probatio diabolica », D. 2006, p. 1861.
Jurisprudences
:
TGI Paris, 8 nov. 1973 : D. 1975, p. 401, note Puech.
Req., 14 mars 1900, Whistler, DP, 1900.I.1947, n. M. Planiol.
Cass. crim., 28 mai 1968 : Bull. crim. 1968, n° 438 ; D. 1969, p. 471, note Verdier.
Cass. soc., 14 juin 1972 : D. 1973, p. 114, note N. Catala.
TGI Paris, 8 nov. 1973 : D. 1975, p. 401, note Puech.
Cass. 2e civ., 21 nov. 1990 : D. 1991, p. 434, note Agostini.
Cass. 1re civ., 28 févr. 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 97.
Cass. 1re civ., 20 nov. 1991 : Bull. civ. 1991, II, n° 308.
Cass. req., 29 janv. 1834 : GAJC, t. 2 : Dalloz, 11e éd. 2000, n° 234.
22
Cass. req., 4 août 1947 : Gaz. Pal. 1947, 2, p. 30.
Cass. soc., 29 juin 1966 : Bull. civ. 1966, V, n° 641.
Cass. com., 15 nov. 1967 : Bull. civ. 1967, III, n° 369.
Cass. 3e civ., 9 juill. 1970 : Bull. civ. 1970, III, n° 471.
Cass. 3e civ., 26 avr. 1968 : D. 1968, p. 526, note Franck.
Cass. 1re civ., 3 oct. 1956 : Bull. civ. 1956, I, n° 328.
Cass. 2e civ., 21 mars 1979 : D. 1979, p. 449, note Santa-Croce.
Cass. 2e civ., 18 oct. 1978 : JCP G 1980, II, 19299, note Boyer.
Cass. 3e civ., 19 oct. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 353.
Cass. 2e civ., 15 mai 2003 : Bull. civ. 2003, II, n° 143.
Req., 18 mars 1912, S. 1913, 1, p. 11.
Cass. civ., 12 juin 1954 : JCP G 1954, II, 8225.
Cass. 3e civ., 22 mars 1968 : D. 1968, p. 412, note D. Mazeaud.
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993 : JCP G 1995, II, 22366, obs. D. Mazeaud
Cass. 3e civ., 16 mars 1994 : Juris-Data n° 1994-000633.
Cass. com., 27 mai 1986 : RTD civ. 1987, p. 89, obs. Mestre.
Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721.
Cass. 3e civ., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-22.027
Cass. com., 20 janv. 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 26 ; D. 1976, p. 36.
Cass. 3e civ., 16 juill. 1997 : Contrats, conc., consom. 1997, comm. n° 175, obs. Leveneur.
Cass. req., 23 mars 1909 : DP 1910, 1, p. 343 ; S. 1909, 1, p. 552.
Cass. civ., 2 juill. 1945 : RTD civ. 1946, p. 39, obs. J. Carbonnier.
CA Paris 7 déc. 1994 : Juris-Data n° 1994-023773.
23