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L’exécution
forcée
en
nature


des
obligations
de
faire.











TABLE DES MATIERES

Introduction ..................................................................................................................3

1. Exclusion de toute exécution forcée........................................................................7


1.1 Les obligations en matière littéraire et artistique ...............................................7
1.2.
La
réintégration
de
salariés
licenciés .................................................................7

1.3.
La
liberté
de
conscience ..........................................................................................8




2. Admission de procédés indirects tendant à l'exécution forcée en nature ...........9
2.1. L’injonction de faire .............................................................................................9
2.2. L’astreinte............................................................................................................10
2.3. La constatation judiciaire d’un acte juridique.................................................13
2.3.1. La promesse unilatérale de vente........................................................13
2.3.2. Le pacte de préférence .........................................................................14
2.4. la faculté de remplacement.................................................................................15

3. Admission de l'exécution forcée directe ...............................................................19


3.1. Les infractions pénales........................................................................................19
3.2. L’expulsion d’un occupant sans titre ................................................................19
3.1. La mise en possession..........................................................................................20

Conclusion...................................................................................................................20


Bibliographie ..............................................................................................................21


 2

Le 8 novembre 1973, le Tribunal de grande instance de Paris1 jugeait que
« l’affirmation d’obligations juridiques découlant d’une convention de strip-tease
voudrait dire dès lors que la femme, éventuellement revenue au sentiment naturel de
la pudeur, pourrait se voir contrainte par le juge, au besoin sous astreinte
comminatoire ou définitive, à s’exposer nue… à la vue du public ».

Cette décision, qui tend à faire sourire, n’oublie pas de rappeler le caractère délicat du
problème soulevé par l’exécution forcée des obligations. Le conflit oppose deux
principes fondamentaux qui sont le principe de la force obligatoire du contrat et celui
du respect de la personne. Cette confrontation des deux principes paraît de prime
abord insoluble. Cependant, il faut pourtant effectuer un choix. On observe que l’on
enseigne traditionnellement que l’exécution des obligations de faire et de ne pas faire
ne peut être imposée au débiteur. Telle est, d’ailleurs, l’une de leurs particularités les
plus notables par rapport à l’obligation de donner.

Cette observation générale n’est pas tout à fait exacte, et la question de l’exécution
forcée concerne beaucoup plus les obligations de faire que les obligations de ne pas
faire, car leur nature les rends plus aisément réalisable. Ainsi lorsque l’objet de
l’abstention est un acte juridique (par exemple une interdiction de vendre en vertu
d’une clause d’inaliénabilité), le juge peut en certaines hypothèses prononcer
l’inopposabilité de l’acte et anéantir par la même la contravention à l’obligation. Il n’y
a pas non plus de difficulté dans les cas où la violation commise par le débiteur est
irréversible. Dans ce cas une condamnation à des dommages et intérêts est la seule
solution. Ainsi en va-t-il pour les obligations de ne pas faire continues mais affectées
d’un délai déjà expiré, ou dépourvues de délai.

Pour les obligations de ne pas faire continues, il est vrai, le conflit existe, tout au
moins pour l’avenir. L’abstention exige en effet un effort nécessairement individuel.
Mais tout est finalement question de degrés. L’important est de définir un seuil
d’intolérance, et l’on conçoit que celui-ci doit se situer au niveau de l’élaboration
d’actes positifs, en d’autres termes, au rang de la créativité, le mot étant pris dans son
sens le plus général.


























































1
TGI Paris, 8 nov. 1973 : D. 1975, p. 401, note Puech.


 3

Négligeant pour ces diverses raisons certains types d’obligations, la présente
chronique ne sera pas pour autant consacrée à l’exécution forcée de toutes les
obligations de faire. Un tel champ de réflexion apparaît trop vaste. De ce fait,
L’attention de cette étude ne sera canalisée que sur les obligations de faire dont
la source est une convention.

L’adage « Pacta sunt servanda », dont Grotius lui a donné toute son amplitude,
signifie que « la signature du contrat constitue comme un serment mutuel de fidélité
que chaque contractant fait à l’autre, au moment où il s’engage : qu’il respectera la
lettre du contrat, dans les termes que les parties ont négociés et sans prétendre
s’arroger par la suite plus de droit qu’il n’en a, soit pour l’exécuter, soit pour s’en
délier »2. Il s’agit là de morale et de philosophie : l’homme est engagé parce qu’il l’a
voulu.

De ce fait, le créancier n’est-il pas fondé à exiger l’exécution en nature ? Son


cocontractant s’est en effet lié, et le condamner à verser des dommages et intérêts
enlèverait tout son sens au respect de la parole donnée. En outre, indépendamment de
ces considérations d’ordre abstrait, on ne saurait trop insister sur le caractère légitime
de l’attachement du créancier à la réalisation des engagements souscrits, car une
indemnité pécuniaire ne remplacera jamais ce qui a été promis. La déception du
créancier dont les prévisions sont déjouées ne peut être effacée. L’argent procurera
d’autres satisfactions que celles qui étaient attendues. Le résultat n’est pas identique et
l’équivalence monétaire est toujours approximative. Au demeurant, le législateur lui-
même à eu conscience de cette infériorité des dommages et intérêts en instituant dans
les articles 1143 et 1144 du Code civil la faculté de remplacement. Le créancier a en
effet la possibilité d’être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux frais du
débiteur. Il peut aussi demander la destruction de ce que le débiteur a construit au
mépris de ses engagements. Ces solutions se traduisent finalement pour la partie
récalcitrante par une simple obligation de s’acquitter du coût de l’opération. Les
procédés de substitution allient donc avec élégance satisfaction du créancier et
intangibilité du refus opposé par le débiteur.

Mais une telle suppression du conflit entre la force obligatoire du contrat et la liberté
du débiteur n’est pas universellement possible, et il existe bien des cas où le créancier

























































2
P.-Y. GAUTIER, « un auteur, une idée »,RDC 2009, p. 1595.



 4

désire l’exécution par le débiteur, et par lui seulement. « Il est évidemment trop facile
de sacrifier les intérêts du créancier sur l’autel de la liberté individuelle sous prétexte
que l’exécution forcée est source de scandale »3. Mais il est tout aussi évident que des
violences, physiques comme morales, peuvent être inadmissibles et doivent alors être
rejetées. Ce débat ne peut être éludé ; il faudra que le juge décide s’il ordonne
l’exécution forcée ou s’il la refuse.

Au fil du temps, les solutions ont varié. Sur un plan historique, après s’être
tardivement imposée en droit romain, l’exécution directe subit une longue éclipse au
Moyen Age et, au XVIe siècle, le président du Sénat de Savoie, Antoine Fabre,
formulait l’interdiction de l’exécution forcée des obligations de faire dans le fameux
brocard : Nemo praecise potest cogi ad factum quia sine vi et impressione id fieri non
potest, ideoque in obligationibus faciendi succedit praestatio ejus quod interest 4.
Mais cette négation absolue de l’exécution en nature, due à une analyse discutable du
Digeste par les glossateurs, s’avéra vite embarrassante, et l’on s’efforça d’en limiter
les applications, si bien qu’à la fin de la monarchie, l’état de l’Ancien droit pouvait se
résumer ainsi : le fait promis est in obligatione, toutes les obligations de faire et de ne
pas faire doivent être exécutées en nature. Pourtant le Code civil ne semble pas avoir
enregistré cette évolution. En effet, loin de consacrer le triomphe de l’exécution
forcée, son article 1142 porte : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout
en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur ».

L’interprétation de ce texte est la principale difficulté. Pris à la lettre, il paraît opposer


un obstacle absolu à toute contrainte, quelle qu’elle soit. Ni le poids moral de la
parole donnée, ni les besoins de la sécurité juridique ne pourraient prévaloir contre la
liberté individuelle. Mais une rupture aussi totale avec les principes adoptés à la fin de
l’Ancien Régime serait surprenante. Il n’est pas vraisemblable que les rédacteurs du
Code civil aient pu sereinement envisager un tel affaiblissement de la force
obligatoire du contrat. Cela pour deux raisons.

La première est relative à une autre analyse qui fait de l’article 1142 du Code civil une
protection relative tenant aux moyens. Le Code civil n’a pas banni, sans distinction, la


























































3
W. JEANDIDIER, l’exécution forcée des obligations contractuelles de faire : RTD civ. 1976, p. 702.
4
Adage qui signifie : personne ne peut être contraint à accomplir un fait, par ce que cela ne peut se
réaliser sans violence ni pression, et pour cette raison, le paiement de la valeur de ce qui est dû
remplace l’obligation de faire.



 5

pression sur le débiteur ; seuls sont interdits les procédés d’exécution brutaux,
impliquant une atteinte inadmissible à la personne humaine. En revanche, la
contrainte indirecte ne suscite pas la même réprobation, et il est légitime d’y recourir,
sous peine de ruiner le principe du respect de la parole donnée. L’avantage de la
construction est de réaliser une conciliation entre deux impératifs apparemment
contraires, et ceci explique l’accent mis en droit positif sur cette interprétation de
l’article 1142 du Code civil. On assiste ainsi , depuis le Premier Empire, à un net
développement de l’exécution forcée des obligations de faire conférant à la force
obligatoire du contrat une effectivité maximale.

La seconde est relative à l’article 1184 du Code civil qui propose, dans son alinéa 2,
une alternative à l’article 1142. Il dispose que « la partie envers laquelle l’engagement
n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention
lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec des dommages et
intérêts. » Ainsi, on voit écrit de manière explicite dans le Code, la possibilité pour le
créancier d’obtenir en justice la condamnation du débiteur à fournir la prestation qui
était convenue dans le contrat et ce, en nature. La formulation de cet article peut
laisser sous-entendre une certaine hiérarchie entre les deux options, mais ce n’est pas
le cas en pratique. Le créancier peut demander dans un premier temps l’exécution
forcée du contrat, puis dans un second, la résolution de ce dernier. 5

L’étude de l’exécution forcée en nature des obligations de faire nous amène a


distinguer trois types de situations en fonction de la possibilité, ou de l’impossibilité,
de contraindre le débiteur de manière directe ou indirecte à exécuter la prestation
attendue. Au premier plan on observe les situations où tout procédé d'exécution
forcée, même indirecte, doit être banni (1.). Ensuite, se présente les situations où le
créancier peut obtenir en nature l’exécution escompté par des voies indirectes (2.).
Enfin, celles où l'exécution forcée directe est admise, soit parce qu'elle n'implique pas
véritablement une atteinte à la liberté individuelle, soit parce que cette atteinte est
jugée minime (3.). Il est intéressant de souligner dès à présent que la deuxième
catégorie d'obligations de faire est la plus fournie en pratique et que les deux autres
apparaissent comme des exceptions.


























































5
D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, droit des obligations, ELLIPSES, 2008, n°282.


 6

1. Exclusion de toute exécution forcée pour les prestations empreintes d’intuitu
personae.

Les conventions conclues intuitu personae sont celles qui impliquent une appréciation
des qualités personnelles du cocontractant. Cependant, le caractère intuitu personae
du contrat au moment de sa formation ne suffit pas à exclure l'exécution forcée. Par
exemple certaines obligations de somme d'argent peuvent s'inscrire dans des contrats
empreints de ce caractère (par exemple le prêt). De même, d'autres contrats conclus
intuitu personae n'excluent pas le recours à la technique de l'astreinte ou à la faculté
de remplacement. Il faut que le degré de l'intuitus personae soit tel qu'il prolonge son
effet pendant toute la durée du contrat, qu'il exclue toute possibilité d'exécution par un
tiers et qu'il interdise toute contrainte même indirecte sur le débiteur. Même la
contrainte morale exercée par la menace de sanctions pécuniaires autres que celles
découlant de l'inexécution semble dès lors intolérable.

1.1. Pour ce qui est des obligations en matière littéraire et artistique, il est très
généralement admis que doivent bénéficier du régime de faveur de l’article 1142 du
Code civil les obligations dans le domaine artistique ou intellectuel. Ainsi, l'artiste qui
s'est engagé à faire un portrait ou à produire toute autre œuvre littéraire ou artistique
ne peut être contraint, même par le biais de l'astreinte, à achever son œuvre ou même
à la livrer, une fois achevée, son droit moral le rendant seul et discrétionnairement
maître de la divulgation. On site généralement a titre d’exemple l’affaire Whistler6.

1.2. En ce qui concerne la question de la réintégration de salariés licenciés,


l'impossibilité de toute contrainte, même indirecte, tendant à l'exécution en nature a
été également largement exploitée à propos du difficile problème de la réintégration
des salariés injustement licenciés. Pendant longtemps, la jurisprudence se fondait sur
l'article 1142 du Code civil pour refuser cette réintégration et pour n'accorder que des
dommages et intérêts. Ce n'est qu'à une époque relativement récente que la Cour de
cassation a imposé la solution opposée pour les délégués du personnel, en


























































6
Req., 14 mars 1900, Whistler, DP, 1900.I.1947, n. M. Planiol.


 7

sanctionnant d'abord pénalement le refus de la réintégration7, en admettant ensuite la
possibilité d'une condamnation à réintégration sous astreinte8. La justification de la
solution ancienne par la règle de l'article 1142 du Code civil était en contradiction
avec l'application restrictive de ce texte car aucune liberté fondamentale de
l'employeur, comparable à la liberté de la création artistique, n'était compromise en
l’espèce.

1.3. En revanche, lorsqu’est en cause une question de conscience, l'exclusion de


tout procédé de contrainte est justifiée. Comme il l’a été cité dans l’introduction de
cette étude, faut-il approuver les juges d'avoir, à propos d'une convention de strip-
tease et sans préjudice de la question de la validité du contrat, écarté l'idée "que la
femme, éventuellement revenue au sentiment naturel de la pudeur, pourrait se voir
contrainte par le juge, au besoin sous astreinte comminatoire ou définitive, à
s'exposer nue à la vue du public."9 La liberté de conscience a aussi été utilisée par la
Cour de cassation pour justifier la censure d'un arrêt qui avait condamné un mari
israélite divorcé à délivrer, sous astreinte, à son ex-épouse la lettre de répudiation (
dénommée le gueth ) lui permettant de se remarier selon sa foi religieuse.10

Au vu des exemples cités ci-dessus, il semble que l’application de l’article 1142 du


Code civil de manière littérale paraît imprécise. Si il paraît évident que certaines
obligations ont un caractère personnel suffisamment accentué pour justifier pareille
solution, l'exemple type restant celui de l'obligation de l'artiste, il paraît beaucoup plus
difficile de formuler un critère de ce degré extrême de l'intuitus personae. Il faut s'en
remettre, semble-t-il, à l'appréciation souveraine du juge.

2. Admission de procédés indirects tendant à l'exécution forcée en nature.

Pour de très nombreuses obligations de faire, l'exécution forcée directe apparaît



























































7
Cass. crim., 28 mai 1968 : Bull. crim. 1968, n° 438 ; D. 1969, p. 471, note Verdier.

8
Cass. soc., 14 juin 1972 : D. 1973, p. 114, note N. Catala.
9
TGI Paris, 8 nov. 1973 : D. 1975, p. 401, note Puech.
10
Cass. 2e civ., 21 nov. 1990 : D. 1991, p. 434, note Agostini.



 8

impossible en raison de la nécessité de mettre en œuvre des moyens de contrainte
physique sur la personne du débiteur.
En revanche, d'autres moyens empruntant des voies détournées permettent avec une
efficacité souvent comparable d'obtenir le même résultat, et ce, sans qu'aucune
atteinte soit portée à l'intégrité et à la liberté physique du débiteur.
Tout d'abord, il faut rappeler les moyens inhérents à la technique contractuelle, tels
que la clause pénale ou certains procédés comme l’exception d’inexécution11 et le
droit de rétention.
Cependant, il y a lieu de mettre essentiellement l'accent, au titre des procédés indirects
d'exécution forcée, sur les techniques (moyennant l'intervention du juge) qui
permettent au créancier d'obtenir la prestation même qu'il escomptait, soit du débiteur
lui-même, soit du juge dans un cas particulier, soit d'un tiers. Il s'agit de l'injonction
de faire (2.1.), de l'astreinte (2.2.), de la constatation judiciaire d’un acte juridique
(2.3.), enfin de la faculté de remplacement prévue par l'article 1144 du Code civil
(2.4.).

2.1. Pour ce qui est de l’injonction de faire, celle-ci s’inspire de la procédure


d'injonction de payer. Un décret n° 88-209 du 4 mars 1988 a créé la procédure
d'injonction de faire. Déjà, antérieurement, le juge des référés s'était vu reconnaître le
pouvoir d'ordonner l'exécution de l'obligation non sérieusement contestable, même s'il
s'agit d'une obligation de faire. L'injonction de faire paraît contredire la règle formulée
par l'article 1142 du Code civil. En réalité il n'en est rien. Il s'agit, en fait d'une simple
mesure procédurale d'intimidation permettant de signifier solennellement et par voie
judiciaire à un débiteur dont l'obligation ne paraît pas contestable qu'il est tenu
d'exécuter celle-ci. Cette injonction n'a cependant ni force exécutoire, ni autorité de
chose jugée, mais elle interrompt la prescription et vaut mise en demeure.
En cas d'échec, il faut revenir au droit commun. L'avertissement judiciaire n'est pas
pour autant dénué d'efficacité, le débiteur sachant que, s'il n'y défère pas sans motif
valable, il ne peut espérer aucune indulgence en cas de procédure au fond.
L'injonction peut, au surplus, être renforcée par l'adjonction d'une astreinte provisoire.


























































11
L'exception non adimpleti contractus n'accorde a l'excipiens qu'un droit de suspension temporaire
pour l'exécution de ses obligations. Elle constitue un moyen de pression pour inciter le cocontractant à
respecter son obligation et pour ainsi obtenir l'exécution du contrat.


 9

Cette procédure a un champ d'application plus limité que celle d'injonction de payer.
Cette injonction est applicable aux obligations contractuelles nées "entre des
personnes n'ayant pas toutes la qualité de commerçant"12, elle est principalement
conçue en faveur des consommateurs, alors que l'injonction de payer est
principalement destinée aux professionnels. Elle met à leur disposition une procédure
simple, rapide et peu onéreuse, en vue de la solution des litiges d'importance limitée.
En effet, autre différence par rapport à l'injonction de payer, l'injonction de faire ne
peut être mise en œuvre que dans la limite du taux de compétence du tribunal
d'instance, juridiction qui est seule compétente pour l'ordonner.

2.2. Pour ce qui est de l’astreinte, elle est la condamnation du débiteur à payer au
créancier, s'il n'exécute pas son obligation, telle somme par jour (ou semaine, ou
mois...) de retard, s'il s'agit d'une obligation de faire, ou par infraction constatée, s'il
s'agit d'une obligation de ne pas faire. Souverainement fixée par le juge, la somme en
question est déterminée de telle manière qu'elle représente pour le débiteur, compte
tenu des circonstances et de sa situation patrimoniale, une perte substantielle et
croissante s'il persiste dans son refus. La somme ainsi due au créancier est
indépendante de toute idée de réparation. Aussi l'astreinte peut-elle être prononcée
même en l'absence de tout préjudice13 et si un préjudice est constaté, l'astreinte s'y
ajoute.14 Elle est constitutive d'une peine privée et ne dispense en aucun cas le
débiteur de l'exécution de son obligation. L'astreinte a délibérément pour but de peser
sur la volonté du débiteur, afin de briser sa résistance. Elle est une mesure licite
d'intimidation qui, ne touchant pas la personne du débiteur, n'est pas contraire à la
règle qu'exprime l'article 1142 du Code civil. Issue d'une pratique jurisprudentielle
apparue dès le lendemain du Code civil,15 la technique de l'astreinte, en l'absence de
textes, est restée longtemps discutée en doctrine et n'a fait l'objet, en jurisprudence,
que d'applications prudentes. La généralisation progressive de son emploi a déterminé
le législateur à intervenir. La loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 l'a dotée d'un statut
législatif, consacrant le dispositif imaginé par la jurisprudence et le dépassant même, à
certains égards. Ces dispositions ont elles-mêmes été abrogées et remplacées par
celles, plus substantielles, de la loi 9 juillet 1991 portant réforme des procédures

























































12
NCPC, art. 1425-1
13
Cass. 1re civ., 28 févr. 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 97.
14
Cass. 1re civ., 20 nov. 1991 : Bull. civ. 1991, II, n° 308
15
Cass. req., 29 janv. 1834 : GAJC, t. 2 : Dalloz, 11e éd. 2000, n° 234.



 10

civiles d'exécution et de son décret d'application du 31 juillet 1992.

2.2.1. Observons maintenant son champ d'application. Même si l’exécution


forcée des obligations de faire ne constitue pas le seul domaine d'application de
l'astreinte, ce procédé apparaît comme le moyen le plus efficace et le plus
commode pour contraindre un débiteur récalcitrant à exécuter son obligation.
L'objet de l'obligation de faire importe peu. Parmi d'innombrables autres
illustrations, on peut citer le recours à la technique de l'astreinte :
- pour contraindre un vendeur ou un fabricant à livrer l'objet commandé (Cass.
req., 4 août 1947 : Gaz. Pal. 1947, 2, p. 30.) ;
- pour obtenir d'un employeur la délivrance d'un certificat de travail (Cass. soc.,
29 juin 1966 : Bull. civ. 1966, V, n° 641) ;
- pour forcer un occupant à vider les lieux (Cass. com., 15 nov. 1967 : Bull. civ.
1967, III, n° 369) ;
- pour obliger un bailleur à effectuer des travaux dans les lieux loués (Cass. 3e
civ., 9 juill. 1970 : Bull. civ. 1970, III, n° 471) ;
- pour faire respecter les obligations légales de voisinage (Cass. 3e civ., 26 avr.
1968 : D. 1968, p. 526, note Franck).

2.2.2. Pour ce qui est de la compétence judiciaire, l'astreinte est


habituellement prononcée à la demande du créancier, agissant en exécution
forcée. Le tribunal conserve alors un pouvoir souverain de donner suite à cette
demande ou non.16 Mais le tribunal peut aussi recourir d'office à ce procédé sans
avoir même à provoquer les explications des parties et sans avoir à motiver sur
ce point sa décision. 17
L'astreinte peut être prononcée par "tout juge"18 de droit commun ou
d'exception, civil ou commercial ou répressif, y compris le juge des référés.19

2.2.3. Il est important de différencier l’astreinte provisoire de l’astreinte


définitive. Deux modalités de l'astreinte sont prévues : l'astreinte provisoire et
l'astreinte définitive. La première est par nature révisable par le juge, en hausse

























































16
Cass. 1re civ., 3 oct. 1956 : Bull. civ. 1956, I, n° 328.
17
Cass. 2e civ., 21 mars 1979 : D. 1979, p. 449, note Santa-Croce.

18
L. n° 91-650, 9 juill. 1991, art. 33.
19
Cass. 2e civ., 18 oct. 1978 : JCP G 1980, II, 19299, note Boyer.


 11

ou en baisse. Il est constaté dans la pratique qu’elle est révisée fréquemment à la
baisse. Elle doit toujours faire l'objet d'une liquidation, après exécution de
l'obligation ou lorsque l'inexécution est devenue certaine, ou encore avant
prononcé d'une nouvelle astreinte, définitive, le cas échéant. La liquidation
consiste dans la fixation du montant qui doit réellement être versé au créancier.
Le pouvoir de modération du juge va jusqu'à celui de lever l'astreinte
prononcée.20 Tant qu'elle n'est pas liquidée, l'astreinte provisoire ne constitue
donc qu'une menace, ce qui en réduit l'efficacité. En revanche, une fois liquidée,
elle est irréductible, même, a jugé la Cour de cassation, en cas de survenance de
faits nouveaux.21 La seconde est, comme son appellation l'indique, non
susceptible de révision. Son montant, tant que l'exécution n'est pas obtenue, est
définitivement acquis au créancier, sans préjudice des dommages et intérêts qui
peuvent s'y ajouter. La gravité de la mesure requiert une décision expresse du
juge qui la prononce. De plus, la loi du 9 juillet 1991 interdit désormais de
prononcer d'emblée une astreinte définitive. En somme, le procédé moins rigide
de l'astreinte provisoire doit d'abord être éprouvé à l'encontre du débiteur.
Comme la précédente, l'astreinte définitive doit être liquidée par le juge de
l'exécution, à moins que le juge qui l'a prononcée reste saisi de l'affaire ou se
soit réservé ce pouvoir. Mais la liquidation se réduit, cette fois, à une opération
arithmétique, aucune modération n'étant possible.

2.2.4. Le recours à l'astreinte réduit ainsi considérablement la portée de


l'article 1142 du Code civil. Il ne faudrait cependant pas trop hâtivement
conclure qu'il enlève toute utilité à ce texte. D'une part, en effet, les tribunaux ne
font pas de l'astreinte un usage systématique, même lorsque le créancier en fait
la demande ; ils en apprécient toujours l'opportunité. D'autre part et surtout, il
faut rappeler qu'il reste un domaine, comprenant des obligations ayant un
caractère personnel si marqué que toute contrainte, même indirecte, paraît
inacceptable.

2.3. Pour ce qui est de la constatation judiciaire d’un acte juridique. Lorsque
l’obligation de faire est celle de passer un acte juridique, il est parfois possible d’y

























































20
Cass. 3e civ., 19 oct. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 353.
21
Cass. 2e civ., 15 mai 2003 : Bull. civ. 2003, II, n° 143.



 12

suppléer par une décision judiciaire. Tel est le cas, par exemple, pour les ventes
immobilières passées par acte sous seing privé, qui requièrent pour leur pleine
efficacité l’accomplissement des formalités de la publicité foncière. Si le vendeur se
refuse à souscrire l’acte notarié, il peut être remédié par une constatation judiciaire de
la vente, le jugement pouvant faire l’objet de l’indispensable publicité foncière.22
Cependant la jurisprudence est plus nuancée pour ce qui est des promesses
unilatérales de vente et des pactes de préférence lorsque ces derniers ne sont pas
respectés.

2.3.1. Pour ce qui est des Promesses unilatérales de vente, si le promettant a


passé avec un tiers un contrat en violation de son engagement, tel qu'une vente
ou la constitution d'un droit réel, la meilleure sanction paraît consister dans
l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et
d’obtenir sa substitution à l’acquéreur. Pourtant, l'acte juridique irrégulier met
en cause une troisième personne, dont les intérêts légitimes doivent être pris en
compte. De plus, la jurisprudence ne prononce l'anéantissement de l'acte que si
la preuve de la mauvaise foi du tiers est rapportée, c'est-à-dire la preuve qu'il
avait connaissance, au moment du contrat contesté, de l'existence de
l'engagement de son cocontractant.23
La même solution, c'est-à-dire le maintien de l'acte passé en violation de la
promesse, doit être retenue dans l'hypothèse où le cocontractant de mauvaise foi
du promettant a rétrocédé le bien à un sous-acquéreur de bonne foi.24 Dans les
hypothèses où les droits du tiers sont inattaquables, seul reste possible l'octroi de
dommages et intérêts.
Il est plus contestable, en revanche, et a été très vivement critiqué en doctrine le
refus de donner effet à la levée d'option du bénéficiaire d'une promesse de
vente, en l'absence d'acte passé avec un tiers, en raison de la rétractation de sa
promesse par le promettant, au motif que celui-ci n'était tenu que d'une
obligation de faire se résolvant en dommages et intérêts25.

2.3.2. Pour ce qui est du Pacte de préférence, les solutions doivent être, a

























































22
Req., 18 mars 1912, S. 1913, 1, p. 11.
23
Cass. civ., 12 juin 1954 : JCP G 1954, II, 8225.
24
Cass. 3e civ., 22 mars 1968 : D. 1968, p. 412, note D. Mazeaud.

25
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993 : JCP G 1995, II, 22366, obs. D. Mazeaud


 13

priori, les mêmes dans certaines hypothèses voisines de la précédente (et vice-
versa), telles que celles où un pacte de préférence a été consenti à un éventuel
acquéreur. Le pacte de préférence, pourtant moins contraignant que la promesse
de vente puisqu'il laisse au propriétaire la liberté de ne pas vendre, était au par
avant plus contraignant car, si ce pacte était relatif à un immeuble, il était
soumis à la publicité foncière sous peine d’inopposabilité aux tiers. Dans un
souci de cohérence, la Cour de cassation a effectué un revirement de
jurisprudence le 16 mars 1994 et a affirmé que "le pacte de préférence, qui
s'analyse en une promesse unilatérale conditionnelle, ne constitue pas une
restriction au droit de disposer" soumise à l'exigence de la publicité foncière.26
Dès lors, la force obligatoire d'une telle convention devait logiquement être
traitée de la même manière que pour la promesse unilatérale de vente. Ainsi, si
le promettant a cédé le bien à un tiers en violation du pacte de préférence, cet
acte ne peut être remis en cause si le tiers était de bonne foi et le bénéficiaire du
pacte ne peut prétendre qu'à des dommages et intérêts.27
La jurisprudence accorde désormais, au bénéficiaire de la promesse, le droit de
se faire substituer à l'acquéreur sous la condition que « ce tiers ait eu
connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ».28 Cependant, certains auteurs
comme P.-Y. Gautier sont venus relever l’impossibilité quasi matérielle de
rapporter une telle preuve.29 Ensuite, est intervenu la solution d’un arrêt de
2008. Celui-ci précisant que « les parties à une promesse unilatérale de vente
sont libres de convenir que le défaut d’exécution par le promettant de son
engagement de vendre peut se résoudre en nature par la constatation judiciaire
de la vente. »30 Ce type de clause, si elle est insérée dans la promesse ou le
pacte, laisse entrevoir la possible réalisation d’une telle substitution au profit du
créancier. De plus, un arrêt récent est venu préciser que « la connaissance, par le
tiers, du pacte de préférence et de l’intention de son bénéficiaire de s’en
prévaloir s’apprécie à la date de la promesse de vente, qui vaut vente, et non à
celle de sa réitération par acte authentique s’il n’est pas constaté que les parties

























































26
Cass. 3e civ., 16 mars 1994 : Juris-Data n° 1994-000633.
27
Cass. com., 27 mai 1986 : RTD civ. 1987, p. 89, obs. Mestre.
28
Cass. ch. Mixte, 26 mai 2006, D. 2006, p. 1861, note P.-Y. Gautier, et p. 1864, note D. Mainguy.
29
P.-Y. GAUTIER, « Exécution forcée du pacte de préférence : un peu victoire à la Pyrrhus, beaucoup
probatio diabolica », D. 2006, p. 1861.

30
Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721.


 14

avaient entendu faire de celle-ci un élément constitutif de leur engagement.»31
Désormais, si, à la date de la promesse de vente, il est établie que le tiers n’était
pas de mauvaise foi, le bénéficiaire du pacte de préférence ne pourra plus
rechercher l’annulation de la vente ni sa substitution à l’acquéreur.

Il semble, aux vues de ces éléments, que l’écart qui était déjà creusé entre la
jurisprudence qui et la doctrine ne cesse de s’accentuer.

2.4. Concernant la faculté de remplacement dont dispose le créancier. Pour de


nombreuses prestations constitutives d'obligations de faire (par exemple : fourniture
de marchandises standard ou exécution de travaux) le créancier compte
essentiellement obtenir un certain résultat. Il aura généralement pu choisir parmi
plusieurs prestataires possibles. Il peut donc obtenir d'un autre ce que celui avec
lequel il a contracté lui refuse. C'est cette possibilité que le législateur prévoit à
l'article 1144 du Code civil, en établissant un lien entre la défaillance du premier
débiteur et le recours à un autre cocontractant : « Le créancier peut aussi, en cas
d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du
débiteur ». La parenté avec l'exécution forcée est plus lointaine et le procédé, à
l'évidence, plus indirect. Du point de vue du débiteur, on ne trouve aucune trace de
contrainte, ni une ressemblance avec l’exécution en nature. Il n'a qu’à supporter une
indemnisation, à moins que, par application de la nouvelle disposition ajoutée à
l'article 1144 du Code civil par la loi du 9 juillet 1991, il ne soit « condamné à faire
l'avance des sommes nécessaires à cette exécution ». Quant au créancier, s'il parvient
à obtenir satisfaction en nature par cette voie, il reçoit néanmoins autre chose que ce
qu'il aurait dû recevoir du débiteur initial, cette autre chose fût-elle rigoureusement
identique, en quantité et en qualité, à celle que devait ce dernier.

Il reste que la faculté de remplacement offerte par l'article 1144 du Code civil apporte
une très importante atténuation au principe formulé par l'article 1142 de ce même
Code.

























































31
Cass. 3e civ., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-22.027 : RTD civ., 2009, p. 524, obs. B. FAGES,
violation du pacte de préférence et date à laquelle doit s’apprécier la mauvaise foi du tiers ; RDC 2009,
p. 991 et s., obs. Y.-M. LAITHIER, « pacte de préférence : le rejet de la demande de substitution en
dépit de la mauvaise foi du tiers acquéreur ».


 15

2.4.1. Pour ce qui est de la livraison de marchandises, La faculté de
remplacement vaut pour toutes les variétés d'obligations de faire, du moins dès
lors que la substitution d'un tiers au débiteur défaillant est concevable. Son
domaine d'élection est cependant celui des obligations de livraison en matière
mobilière. Elle offre à l'acheteur qui n'obtient pas la délivrance le moyen de
sortir du dilemme que constitue l'option, qui lui appartient normalement, entre
une action en délivrance aléatoire et qui, même assortie d'une demande
d'astreinte, retarde en toute hypothèse l'exécution, et la simple action en
dommages et intérêts, qui ne lui procure qu'une satisfaction très imparfaite s'il a
réellement besoin, spécialement pour l'exercice de sa profession, des
marchandises attendues. Grâce à la faculté de remplacement, cet acheteur
pourra, moyennant une autorisation de justice, se procurer ailleurs les
marchandises dont il a besoin, aux frais du débiteur défaillant. Suivant les cas, le
juge n'autorisera le remplacement qu'après injonction au débiteur initial d'avoir
à exécuter à bref délai son obligation et à défaut d'une telle exécution.
Le remplacement se fait aux frais du débiteur, ce qui signifie concrètement que
ce dernier devra indemniser son cocontractant si, pour obtenir les marchandises
auprès d'un tiers, il doit payer un prix supérieur au prix convenu dans le contrat.
Il faut admettre également le principe, quoique la question soit rarement
soulevée, d'une indemnisation du préjudice résultant du retard occasionné par
l'inexécution, ainsi que d'autres frais éventuellement exposés par l'acquéreur.
L'obligation nouvelle d'avancer, le cas échéant, les sommes nécessaires au
remplacement peut constituer une autre manière de faire venir le débiteur à
résipiscence. Bien que l'article 1144 du Code civil ne fasse aucune distinction
entre choses fongibles et corps certains, il a été jugé que la faculté de
remplacement ne peut pas jouer lorsque l'accord des parties s'est réalisé sur un
objet bien déterminé, en l'occurrence une machine d'occasion.32

2.4.2. Mise en demeure préalable. Avant de mettre en œuvre la faculté de


remplacement et de requérir du juge l'autorisation d'y procéder, le créancier doit,
conformément au droit commun, et sauf urgence justifiée mettre le débiteur en


























































32
Cass. com., 20 janv. 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 26 ; D. 1976, p. 36.


 16

demeure de s'exécuter.33

2.4.3. Autorisation judiciaire préalable. Le principe du remplacement prévu à


l'article 1144 du Code civil ne peut être mis en œuvre qu'après autorisation de
justice. Le texte ne le dit pas expressément, tout en étant dépourvu d'ambiguïté :
l'autorisation que le créancier doit préalablement solliciter ne peut être, en effet,
qu'une autorisation judiciaire. Cette condition répond au principe général que
nul ne peut se faire justice à soi-même. Le créancier peut certes valablement
passer un nouveau contrat et agir en résolution du premier et en dommages et
intérêts. Mais les deux rapports restent alors distincts et le créancier, surtout,
n'est pas à l'abri d'une offre tardive d'exécution qu'il peut ne pas être en mesure
de refuser sans s'exposer lui-même au reproche d'inexécution de ses
engagements.
Le juge saisi d'une telle demande d'autorisation apprécie son opportunité.
L'article 1144 du Code civil dispose en effet que "le créancier peut... être
autorisé...". Suivant les circonstances, le juge peut donc accorder l'autorisation,
ou prononcer une astreinte, ou combiner les deux procédés, ou encore
n'accorder que des dommages et intérêts.34

2.4.4. Cependant on note une exception en cas d’urgence. Le créancier peut,


sans retard, procéder de sa seule initiative au remplacement.35 Mais cette
solution peut s'expliquer aussi, en dehors de la technique du remplacement, par
la combinaison de la conclusion du nouveau contrat avec l'action en dommages
et intérêts pour inexécution du premier, l'urgence justifiant alors le rejet de toute
offre d'exécution du premier débiteur. En cas d'urgence, le jugé des référés peut
accorder l'autorisation de remplacement.36

2.4.5. On observe une exception supplémentaire en matière commerciale.


Une dérogation plus importante à la nécessité d'une autorisation judiciaire
préalable résulte des usages commerciaux. Son fondement peut d'ailleurs

























































33
Cass. 3e civ., 16 juill. 1997 : Contrats, conc., consom. 1997, comm. n° 175, obs. Leveneur.
34
Cass. req., 23 mars 1909 : DP 1910, 1, p. 343 ; S. 1909, 1, p. 552.
35
Cass. civ., 2 juill. 1945 : RTD civ. 1946, p. 39, obs. J. Carbonnier.
36
CA Paris 7 déc. 1994 : Juris-Data n° 1994-023773.


 17

également être trouvé dans l'idée d'urgence. En raison des impératifs de
simplicité et de rapidité qui caractérisent les relations commerciales, la pratique
commerciale, approuvée par les tribunaux, a admis un remplacement
extrajudiciaire permettant au commerçant, qui attend une livraison et qui, de ce
fait, est lui-même empêché de remplir ses engagements envers ses clients, de se
procurer les marchandises auprès d'un autre fournisseur, sans avoir recours
préalablement à une autorisation, après mise en demeure ou après la date fixée
pour la livraison. Le risque d'arbitraire et d'abus est évité par le nécessaire
contrôle judiciaire a posteriori, si le règlement d'éventuelles indemnités donne
lieu à un litige entre les parties.

3. Admission de l'exécution forcée directe. Dans un certain nombre de situations, il


est admis en doctrine et en jurisprudence que l'exécution forcée peut être directement
imposée au débiteur, au besoin en faisant appel à la force publique, soit que le fait du
débiteur puisse être obtenu sans véritable atteinte à sa liberté physique, soit qu'une
telle atteinte, tout en étant inévitable, soit jugée suffisamment bénigne pour ne pas
constituer un obstacle, soit encore que l'atteinte, quoique grave, soit par ailleurs
légitime, notamment en raison de la qualification pénale des faits. Ces solutions
doivent être replacées dans le cadre de l'effort de conciliation et dans la recherche d'un
équilibre satisfaisant entre l'impératif de liberté individuelle, qui sous-tend la règle de


 18

l'article 1142 du Code civil et la maxime Nemo praecise cogi..., et l'impératif de la
force contraignante des obligations. S'il est des cas où l'évolution des mœurs a conduit
à renoncer au recours de à la force publique, il en subsiste d'autres où un tel recours
reste de pratique courante.

3.1. Pour ce qui est des infractions pénales. On peut citer, tout d'abord, les
hypothèses où la violation d'une obligation de faire est en même temps constitutive
d'une infraction pénale. Tel est le cas spécialement de l'obligation de restitution dans
le mandat, le dépôt ou le prêt à usage, qui est susceptible, si certaines conditions sont
réunies, de la qualification d'abus de confiance.37 Le créancier a certes besoin, dans
ces hypothèses, du secours de la justice répressive mais le résultat est bien, sur le plan
civil, une exécution forcée en nature de l'obligation de restitution.

3.2. Concernant l’expulsion d'un occupant sans titre. Il est admis également que la
présence illégitime d'une ou plusieurs personnes en un lieu privé où elles ne devraient
pas être, donnant naissance à une obligation de déguerpir, peut être sanctionnée par
une expulsion manu militari. L'exemple type, en matière contractuelle, est celui du
locataire qui se maintient sans titre dans les lieux après expiration ou résiliation du
bail. Si l'on se contentait d'octroyer au propriétaire des lieux des dommages et intérêts,
comme l'application littérale de l'article 1142 le commanderait, on l'enfermerait dans
la situation d'un bailleur forcé. C'est pourquoi, sous réserve de certaines restrictions
législatives tenant au moment de l'année et de certaines réticences des autorités
publiques à se prêter à l'exécution des décisions de justice en ce domaine, le principe
d'une exécution forcée directe est admis. Celle-ci, a-t-on souligné, se fait sans atteinte
véritable à la personne, l'expulsion étant opérée le plus souvent par simple enlèvement
de tout mobilier.

3.3. Pour ce qui est de la mise en possession, l’exécution forcée doit encore être
admise, plus généralement, chaque fois qu'elle est possible sans exiger une
intervention personnelle directe du débiteur. La jurisprudence a ainsi reconnu qu'un
acheteur pouvait être contraint de prendre livraison38, ou encore qu'un locataire


























































37
Code pénal, art. 314-1.
38
Cass. com., 12 juin 1963 : Bull. civ. 1963, III, n° 316.


 19

pouvait se faire délivrer la chose louée.39

4. Conclusion. Au final, on constate que le principe formulé par l'article 1142 du


Code civil n'est point dépourvu de portée pratique. Que ce soit directement ou plus
souvent indirectement. La plupart des obligations de faire sont en réalité susceptibles
d'exécution en nature. D’ailleurs, cette exécution forcée en nature n'est totalement
exclue que si elle est devenue impossible, ce qui relève de l'évidence, ou si elle ne
peut être obtenue sans une atteinte intolérable à la liberté, plus intellectuelle que
physique, du débiteur.





































































39
Cass. com., 23 mai 1964 : Bull. civ. 1964, III, n° 260



 20

Bibliographie

Ouvrages divers :

Code civil, DALLOZ, 2010.

F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, les obligations, DALLOZ, 10e éd., 2009,
n°1108 et s.

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, les obligations,


DEFRENOIS, 3e éd., 2007, n°1129 et s.

D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, droit des obligations, ELLIPSES, 2008, n°282 et


s.

Ph. DELEBECQUE et F.-J. PANSIER, droit des obligations, régime général, LITEC,
5e éd, 2009, n°59 et s.

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B. FAGES, droit des obligations, L.G.D.J., 2007, n°353 et s.

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LEFEBVRE, 2009, n° 14900.

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D. MAINGUY, « L'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter », RTD


civ. 2004, p. 1.

D. MAINGUY, « annulation et substitution : les deux mamelles de la préférence ? »,


D. 2006, p. 1861.

D. MAINGUY, « Réflexions à contre-courant en matière de violation d'un pacte de


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D. MAINGUY, « Défense, critique et illustration de certains points du projet de


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B. FAGES, « violation du pacte de préférence et date à laquelle doit s’apprécier la


mauvaise foi du tiers » : RTD civ., 2009, p. 524.

Y.-M. LAITHIER, « pacte de préférence : le rejet de la demande de substitution en


dépit de la mauvaise foi du tiers acquéreur », RDC 2009, p. 991 et s.

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Jurisprudences
:



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Req., 14 mars 1900, Whistler, DP, 1900.I.1947, n. M. Planiol.
Cass. crim., 28 mai 1968 : Bull. crim. 1968, n° 438 ; D. 1969, p. 471, note Verdier.
Cass. soc., 14 juin 1972 : D. 1973, p. 114, note N. Catala.
TGI Paris, 8 nov. 1973 : D. 1975, p. 401, note Puech.
Cass. 2e civ., 21 nov. 1990 : D. 1991, p. 434, note Agostini.
Cass. 1re civ., 28 févr. 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 97.
Cass. 1re civ., 20 nov. 1991 : Bull. civ. 1991, II, n° 308.
Cass. req., 29 janv. 1834 : GAJC, t. 2 : Dalloz, 11e éd. 2000, n° 234.


 22

Cass. req., 4 août 1947 : Gaz. Pal. 1947, 2, p. 30.
Cass. soc., 29 juin 1966 : Bull. civ. 1966, V, n° 641.
Cass. com., 15 nov. 1967 : Bull. civ. 1967, III, n° 369.
Cass. 3e civ., 9 juill. 1970 : Bull. civ. 1970, III, n° 471.
Cass. 3e civ., 26 avr. 1968 : D. 1968, p. 526, note Franck.
Cass. 1re civ., 3 oct. 1956 : Bull. civ. 1956, I, n° 328.
Cass. 2e civ., 21 mars 1979 : D. 1979, p. 449, note Santa-Croce.
Cass. 2e civ., 18 oct. 1978 : JCP G 1980, II, 19299, note Boyer.
Cass. 3e civ., 19 oct. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 353.
Cass. 2e civ., 15 mai 2003 : Bull. civ. 2003, II, n° 143.
Req., 18 mars 1912, S. 1913, 1, p. 11.
Cass. civ., 12 juin 1954 : JCP G 1954, II, 8225.
Cass. 3e civ., 22 mars 1968 : D. 1968, p. 412, note D. Mazeaud.
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993 : JCP G 1995, II, 22366, obs. D. Mazeaud
Cass. 3e civ., 16 mars 1994 : Juris-Data n° 1994-000633.
Cass. com., 27 mai 1986 : RTD civ. 1987, p. 89, obs. Mestre.
Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721.
Cass. 3e civ., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-22.027
Cass. com., 20 janv. 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 26 ; D. 1976, p. 36.
Cass. 3e civ., 16 juill. 1997 : Contrats, conc., consom. 1997, comm. n° 175, obs. Leveneur.
Cass. req., 23 mars 1909 : DP 1910, 1, p. 343 ; S. 1909, 1, p. 552.
Cass. civ., 2 juill. 1945 : RTD civ. 1946, p. 39, obs. J. Carbonnier.
CA Paris 7 déc. 1994 : Juris-Data n° 1994-023773.


 23


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