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A ce stade,il estdonc permis de sedemandersi cettedirective faite nécessairement avecun temps de retardsur f innovation
se cantonneà un objectif purement environnemental ou si comme l'expériencenous l'a montré, au désespoirdes voix
elle ne seseraitpastransforméeen une véritablepolitique in- nombreusesplaidant pour ,,plusde régulation de la finance,,.
dustriellevisant à protégerle monde écolo-agricoleeuropéen. 11faudrait donc, peut-être,envisagerque la solution soit à
En effet,il faut serappelerque le marchécommun estcaracté- trouver ailleurs.
risé par une Politique Agricole Commune (PAC) qui subven- Le cæur du problèmeestle manquede responsabilité. La qua-
tionne fortement l'industrie agricole et qui depuis plusieurs si-totalitédesétablissements teneursde comptes(ceux dont le
annéesessaiede se réformer. Progressivement,les transferts métier est de s'endetterauprèsde déposantspour gérerIew
au sein de la PAC ont de plus en plus ciblé les biocarburants argent)ont une forme de sociétéà responsabilitélimitée, SA le
considéréscomme une production plus légitime que celle des plus souvent.Cela signifie clairement,comptetenu desfonds
produits agricolesstandards.Ia réforme de la PAC en 2003 a propres très bas des banques,que le déposantest intégrale-
rendu cette politique encoreplus prononcéesi bien que l'on ment responsabled'une mauvaisegestion de sesdépôtspar
constateque les principaux paysbénéficiairesde la PAC sont le banquier Par ailleurs,la présencebienveillantedu préteur
progressivementdevenusles principaux producteursd'éner- en dernier ressort,doubléede taux aujour lejour parfois très
gie renouvelableset donc bénéficiairesdes subventions et bas,rend très séduisantela prise de risquesénormes,avec le
autresprotections. contribuablegarant,comme on s'en doute.
En cette période financièreet économiquedifÊcile,une telle Mais comment sefait-il que toutescesbanquesoptent pour un
politique protectionnisteest extrêmement dangereusepour statut à responsabilitélimitée?
le consommateureuropéen(en 2006, la production d'Etha- La responsabilitéillimitée a pourtant bien un marché et un
nol recevait 1,3 milliard et celle de bioliquide 2,5 milliards prix dansle monde bancaire.Ce facteur de sécuritéintéresse
d'euros).Elle l'est aussipour certainsde sesproducteursdont spécialementles clients fortunés prêts à Ia payer chers pour
les couts de production s'élèventavec la mise en place de voir gérerleurs biens,comme en témoignent les nombreuses
contraintestechniquesexcluant des sourcesd'énergieétran- petitesbanquesprivéesqui existent,en Suisseou ailleurs.
gèresmoins chères.Enfin, elle est particulièrementpréjudi- On peut imaginer que le grand public, pourtant très sensible
ciablepour les producteursétrangers,notamment despaysen à la sécurité,mais peu versé dans le droit des sociétés,fasse
développement,qu'on aide via desaidesinternationalesmais sufÊsammentconfianceà une marque,au conseilde sespro-
qu'on empêchede commercerlibrement au nom d'un unique chesou à seshabitudespour ne pasfaire de la forme juridique
bénéficiaire:f industrie agricole européenne.Cela ne fait-il d'une banqueun critère important de choix. Mais comment
pasbeaucoupde perdantspour peu de gagnants? expliquer que les investisseursinstitutionnels,les entreprises
moyenneset grandes,ne fassentpasplus attentionà cet aspect
(1) Directive2009/28/CEduparlement européenetduconseil,relative deschoses?Comment expliquer que les nombreusesbanques
à lapromotion deI'utilisation
del'énergieproduiteapartirdesources dont le nom lui-même témoignait de leur ancienneforme à
renouvelablesetmodifiant puisabrogeant lesdirectives
2001/77/CE responsabilitésolidaire et illimitée (le nom des actionnaires
et2003/ 30/ CE,23 attril200t http:/ / eur-lex.
europa.eu/ LexUriSent/ principaux, J.PMorgan & Co, Lehman Brothers, etc.) aient
LexUriSeru. do?uri=OI:L:2009:140:0016:0062:fr:PDF progressivementchangêen sociétés((anonyms5r>, <<Limited>?
S'agirait-ilseulementd'un simple effet d'aubainequi incite les
associésou les mandatairesà profiter d'une réputation solide
RÉGLEMENTATIONBANCAIRE pour développerleur entreprisesansprendre les risquesper-
sonnelsqui vont avec?Par exemple,en profitant d'une fusion
commeil y en a tant eu danslesannées90...
Lesbanquesdoiventdevenir Une autre raison explique probablementcette anomalie:les
formes d'entreprisesdisponibles.I1 est des sociétésdont la
paractions
dessociétés forme rend chaqueassociésolidairementresponsablede la to-
talité de la dette.Il est dessociétésqui, par leur forme, dispo-
à responsabilité
forte sent d'un mécanismed'actionnariatqui facilite l'échangeou
l'émissionde titres sur un marché et donc procure Ia grande Ceh
PATRICK MADROLLE facilité d'accroissementdes capitaux qui est nécessairepour
Chercheur indépendont
sur
face à la défaillanced'un nombre significatif de créancierset
néc
t Allemagng la Franceet le Royaume-Unisont proches à l'ouverture d'agencessur w grand territoire. otrI
d'un accordsur une taxation internationalecommune Mais il n'existerien qui combine à la fois la souplessedu mo-
des banques.Cette mesure va évidemment s'ajouter dèle actionnarialet une responsabilitéde tous les détenteurs les (
aux nombreusesréglementationsdéjà existantes,mais quelle de parts qui soit supérieureà leurs apports.Rien qui permette ala
en sera1'efficacité? au grand public d'accéderà ce type de service.Il faudrait donc SAVC
La taxation internationalecommune desbanques,comme les ce genre d'innovation juridique pour remplir un vide. Appe- apg
nombreusesréglementationsbancairesdéjà existantes,va à lons la SARF: Sociétépar Action à ResponsabilitéForte.
l'encontre du leitmotiv si souvent clamé, de nos gouverne- Quels en seraientles attributs essentiels? Tout d'abord,lesac-
ments:<<ilfaut prêter plus pour sauvernos entreprises!>>. Cette tionnairesde cessociétésne seront que despersonnesphysi-
cred
promesseest évidemment intenableet même suicidairepour quesdument identifiées,ou dessociétésde même type,afin de
lesentreprisesdéjàtrop endettéesdepuislesannéesde bulle et garantirqu'il y aporr chaquecentimede dette,un actionnaire
de taux trop basinitiés par les banquescentrales. physique connu responsablesur sesbiens personnelsà quel-
IJne taxe ((régulatricsr,cornrnsune réglementation,suppose que niveau d'éloignementactionnarialque ce soit. Point donc
une définition précise de I'assietteou de l'objet. Définition d'actionnaireà responsabilitélimitée.

AGEFI MAGAZINE ] PME 10 MAI 2O1O


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Ces actionnairesseraientresponsablesen cas de liquidation par le canton d'Obwald (qui a passédepuisà f impôt propor-
d'une parTiedesdettescorrespondantà leur part dansla socié- tionnel), carIa Constitution fédéralesuissestipule que chacun
té, et non, solidairementet sanslimites, comme c'estl'usage. doit contribuer aux financespubliquesselonsa ,<capacité éco-
Il leurs estnécessaire de disposerd'un établissementdu genre nomique>>. Qu'y a-t-il donc de si spécialaveclesbienspublics?
<cadastre>>, public et protégé de la faillite en casde crise ma- Pourquoi leur coût ne polJrrait-ilpas êtreréparti selonl'impôt
jeure. Son rôle serade mettre à chaqueinstant à la disposition de capitation,comme les biens privés?Pourquoi I'impôt pro-
du public, la liste complètedesactionnairesde ladite société. gressifest-il généralementconsidérécomme r<juster?
Pour tout achat d'une action de SARE,l'authentification de I^aréponsesetrouve probablement dans notre héritage cultu-
tous nouveaux actionnaires,personnesmoraleset physiques, rel datant de l'époque où nous étions encore regroupésen
seraun préalableà l'autorisationde la transaction.En casde tribus nomades,lorsquela survie du groupe était plus impor-
liquidation, cet établissementpermettra de centraliserle rem- tante que la survie d'un individu. La chasseétait un effort
boursementde la dette aux bénéficesdesayant droits. collectif et la tribu entièresepartageaitla proie si l'entreprise
Ce type de sociétés'adresse bien sûr aux actionnairesexpéri- était réussie.Bien que la répartition ne fûrt sans doute pas
mentés,plus attentifs au managementet souhaitant obtenir égale,même les femmes et les enfantsayant moins contribué
une rémunération supplémentaireen contre-partiedu risque au résultat necevaientune part. Hayek avance que les Lradi-
encouruet de leur apportd'information sur le marchéconcer- tions culturellesse transmettentde générationen génération
nant cessociétés.Moyennant cesdispositions,on peut raison- et que celle du pafiageen fait certainementpartie.Les 10000
nablementpenserqu'une SARF disposerade capitauxpropres ans écoulésdepuisla sédentarisationde l'homme ne pouvant
plus élevés,d'une taille plus modeste.Pour le reste,comme paseffacerles trois millions d'annéespendantlesquellesnous
les obligationsd'information au public, la SARF devrait être étions nomades,il ne faut pas s'étonnerque la tradition du
similaire aux sociétésanonymes. partage et de la solidarité perdure.Par ailleurs, la révolution
Appliquée à une banqug cette approchela rend par défaut agricoled'il y a 10 000 ansa entrainéune culture baséesur de
pleinementresponsables desdépôtsde sesclients.Elle I'oblige nouveauxprincipes- ceux de l'échangemarchandbasésur la
à préciserexplicitementpar contrat les conditionsauxquelles propriété privée. Sansla propriêtê privée, il n'y aurait pas eu
elle transfèretoute ou partie de cetteresponsabilitéà ceux qui d'échanges,sanséchangespas de division du travail et sansdi-
souhaiteraientpar exempleune meilleure rémunération. vision du travail, pasde villes,pasde civilisation.Maisjusqu'à
Sa mise en æuvre pour les banquesimpliquera peut-êtrede maintenant,nous n'avonspas résolu le conflit entre cesdeux
les obliger à y recourir progressivement,tant est confortable principes:Ie partageet la propriétéprivée.
la manne politique et monétaireen situation de crise. Il existe toutefois une différence essentielleentre le partage
volontaire et le partage contraint. Le premier respecteles
droits de propriété et confère,un sensmoral à l'acte de solida-
rité; le secondviole les droits de propriété et vide la solidarité
Himpôtprogressif de tout sensmoral. Si l'on peut afÊrmer sanstrop de risques
que le parTagevolontaire bénéficie d'un soutien quasi-una-
estdiscriminatoire nime, peut-on être aussiaffrrmatif en ce qui concernele par-
tage contraint?Il faudrait interroger les plus fortunés sur cette
Cette forme d'imposition est dirigée contre les question... Ce qui est certain, c'estque Ie partageobligatoire
entrepreneurs les plus prospères et est utilisée devient du même coup une affaire politique.
en faveur des moins imaginatifs et des moins actifs.

VICTORIACURZONPRICE soctoLoGrEPoLTTIQUE
Professeurhonoraireà I'Universitéde Genèveetprésidente
du conseild'administrationdeI'Institut ConstantdeRebecque. Ladémocratieeuropéenne
Que I'impôt soit progressifou proportionnel, les plus riches périraen Grèce
paient plus que les moins riches.C'estseulementavecl'impôt
de capitation que le montant prélevé est le même pour tous. La crise des fi.nancespubliques en Grèce a une
Dansles démocratiesmodernes,f imposition progressiveestla dimension emblématique et historique. Car elle
plus répandue- le plus riche paie proportionnellementplus pourrait marquer un nouveau pas vers l'Etat
que le moins riche. arbitraire et le démantèlement de la démocratie.
Limposition proportionnelleest quant à elle controverséecar
l'opinion généraleestime que le riche doit payer ,,selonses GILLESDRYANCOUR
autrementdit toujours plus.Limpôt de capitation,
capacitésr>, DocteurèsSciences Economiques
lorsquericheset moins richessubissentle même prélèvement, CollaborateurdeI'Institut Turgot
est encoreplus disputé. \ T"l n'est besoin de revenir en détail sur la situation
Bien que personnene sembleregretterque le riche et le moins | \| factuelle de Ia Grèce.Deux extraits tirés d'articles,
riche paient un prix identique pour une baguettede pain, ou I \ parus dans la pressepermettront de s'en faire ra-
un même émolument pour un service de l'Etat (comme le pidement une idée: <I^aGrèce est en faillite. Léconomiste
renouvellementd'un passeport),tout le monde sembleconsi- Nouriel Roubini n'a pas mâché sesmots jeudi à Davos. La
dérer que le riche doit contribuer plus que le moins riche au péninsulg qui supportela note de crédit la plus bassede toute
financementde l'État. De sorte qu'en juin 2007, le Tribunal Ia zone euro hellénique,traverseen tout casla pire crise de
fédêraI suissea interdit I'imposition <,dégressive>r
introduite sesfinancespubliques depuis trente ans. Le déficit frôle les

AGEFI MAGAZINE I PME 1 10 MAI 2O1O

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