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Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 1993, 132, 73-89

ÉTUDE CHROMATOGRAPHIQUE DE L'HUILE


ESSENTIELLE DE LA PLANTULE DE FENOUIL
AMER (FOENICULUM VULGARE MILL.) ;
CARACTÉRISTIQUES SPECTRALES (UV, IR,
SM) DE SES CONSTITUANTS (*)

A. LAMARTI (**), A. BADOC (***), J.-P. CARDE (****)

L’huile essentielle de plantules cultivées in vitro de


Fenouil amer, Foeniculum vulgare Mill. subsp. vulgare var.
vulgare, a été analysée par chromatographie en phase gazeuse
soit directement à l’aide d’une plaque D.C.I., soit après
extraction au pentane et purification par passage sur une
colonne de gel de silice. On observe peu de différence entre
les 2 méthodes. A côté du dillapiole, composé majoritaire, on
trouve d’autres arylpropènes fortement oxydés. Ces derniers
ont été purifiés par chromatographie sur couche mince
préparative et les caractéristiques spectrales sont données.
L’obtention des isomères cis et trans à partir de la
myristicine et du dillapiole est décrite.

(*) Manuscrit reçu le 22 Décembre 1993.


(**) Département de Biologie, Faculté des Sciences Mhanach II, BP 2121 Tetouan,
Maroc.
(***) Laboratoire de Mycologie et Biologie végétale, Faculté des Sciences
Pharmaceutiques, Université de Bordeaux II, 3, place de la Victoire, 33000
Bordeaux Cedex
(****) CNRS URA 568, Laboratoire de Physiologie cellulaire végétale, Université de
Bordeaux I, av des Facultés, 33405 Talence Cedex.
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INTRODUCTION

Le Fenouil est une Apiacée médicinale, aromatique et industrielle et


une des principales sources d’anéthole, principe des boissons anisées (1,2),
avec l'Anis vert (Pimpinella anisum L., Apiaceae) et la Badiane de Chine
(Illicium verum Hook., Illiciaceae). L'hémisynthèse à partir de l'estragole
tiré du Pin maritime n'est pas autorisée en France pour les applications
alimentaires.
L’huile essentielle de cette espèce a fait l’objet de nombreuses
études (3,4). La teneur en essence des différentes parties de la plante et son
profil présentent une importante variabilité génotypique. À celle-ci s’ajoute
une variabilité due à l’environnement, aux conditions de culture, de récolte,
d’extraction et d’analyse. Le Fenouil amer correspond à Foeniculum vulgare
Mill. subsp. vulgare var. vulgare chémotype (= chémodème) trans-anéthole
(3). Depuis plusieurs années, nous travaillons sur des cultivars améliorés par
la Société CERES et le Centre de Recherche Pernod Ricard.
Avant nos travaux (4), l’essence aux premiers stades de croissance du
Fenouil a été étudiée par peu d’auteurs. Tóth a trouvé sur de jeunes plantes
une majorité de trans-anéthole (5). Croteau et al. (6) ont signalé la présence
de 60-70 % d'arylpropènes dans les feuilles de plants de 16 à 24 jours. Fujita
et al. (7) ont trouvé 90,3 % de dillapiole dans la plantule entière de 42 jours
en culture hydroponique.
Pour la première fois, tous les composés détectés ont été déterminés
avec précision, en ayant recours à diverses techniques spectrophotométriques.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel végétal
Le Centre de Recherche Pernod Ricard nous a fourni des fruits d'un
cultivar "Cérès 25" de Fenouil amer sélectionné par la Société CERES.
Culture in vitro
Après stérilisation, les akènes sont mis à germer dans des boîtes de
Petri sur de l'eau gélosée à 24°C avec un éclairement d'une intensité de 600
lux (2,5 W.m-2) fourni 18 heures par jour. Après trois jours de culture, les
akènes germés sont transférés dans des tubes à essais à raison d'un par tube.
Ces derniers contiennent 15 ml d'eau gélosée (0,6 %), sont bouchés par du
coton hydrophile, recouverts d'une feuille d'étain et placés dans les mêmes
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conditions que précédemment. Les plantules obtenues présentent ainsi un


même stade de développement.
Extraction par le pentane
Nous avons utilisé du pentane bidistillé. Ce solvant solubilise la
plupart des constituants des essences, extrait moins de pigments que l'éther
ou le méthanol, permet de concentrer les extraits sans perte des constituants
très volatils, vu son faible point d'ébullition.
L'essence est obtenue par broyage à température ambiante d'une
vingtaine de plantules dans du pentane en présence de sulfate de sodium
anhydre. A plusieurs reprises, on verse un peu de pentane, on broie et on
récupère au fur et à mesure à l'aide d'une pipette Pasteur le surnageant dans
une fiole de 25 ml. Le poids de matière sèche est évalué à partir du résidu
d'extraction placé dans des boîtes de Petri après dessiccation dans une étuve à
60°C.
Purification et fractionnement de l'extrait
Afin de séparer les composés de poids moléculaire élevé (pigments),
on utilise une colonne (10 x 1,5 cm) de gel de silice 60 (70-230 mesh,
Merck). Les hydrocarbures monoterpéniques sont élués par 30 ml de pentane
et les composés oxygénés par 30 ml d'éther éthylique. Les 2 fractions sont
réunies, concentrées sous un très faible courant d'azote et additionnées d'un
volume exact (0,1 ml) d'une solution d'étalon interne, l'œnanthate d'éthyle
(= heptanoate d'éthyle) à 0,6 g/l dans du pentane bidistillé.
Chromatographie en phase gazeuse
L'extrait purifié est immédiatement analysé à l'aide d'un
chromatographe Intersmat IGC 16 à détecteur à ionisation de flamme et d'une
colonne capillaire apolaire CPSil-5CB de 25 m x 0,22 mm d.i. et 0,25 µm
d'épaisseur de film (Chrompack). Les conditions opératoires sont les
suivantes : débit d'azote (1 ml/2,5 min), programmation de température
(60°C 10 min, puis 60 à 280°C à raison de 4°C/min), volume injecté (2 µl),
diviseur de flux (1/100), sensibilité (10-11), températures de l'injecteur et du
détecteur (200 et 250°C), intégrateur Spectra Physics 4100, vitesse de
déroulement du papier (5 mm/min).
Platine D.C.I.
La platine D.C.I. (Désorption-Concentration-Introduction) permet une
analyse directe de l'essence sans extraction préalable. Elle accepte les
échantillons solides (secs ou humides) et liquides. Son principe est très
simple. Une plantule de Fenouil amer, coupée en 4 morceaux est placée dans
une nacelle dans un four à désorption thermique (10 min à 100°C) balayé par
un courant de gaz inerte (0,5 bar d'azote). On introduit 0,1 ml d'étalon
interne (solution d'œnanthate d'éthyle à 0,6 g par litre de pentane bidistillé)
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en même temps que le matériel végétal. Les composés volatils sont concentrés
sur un piège de tenax refroidi à -10°C par l'azote liquide pendant 15 min.
Puis l'injection est réalisée par passage rapide du piège de tenax de -10 à +
200°C.
La séparation et la détection sont obtenues par un chromatographe
Di700 (Delsi) équipé d'une colonne capillaire CPSil-5CB (25 m x 0,22 mm
d.i.) et d'un détecteur à ionisation de flamme. Les conditions opératoires
utilisées sont les mêmes que précédemment. La surface des pics est mesurée
par un intégrateur Delsi Enica 21. Le résidu végétal restant dans la nacelle est
récupéré pour l'estimation du poids de matière sèche.
Obtention des arylpropènes
Le cis-anéthole a été obtenu par isomérisation du trans-anéthole sous
l'effet d’un rayonnement ultraviolet à 254 nm (8,9). 50 mg de trans-anéthole
sont dilués avec 100 ml de pentane bidistillé dans une fiole Pyrex. La
solution est placée à 10 cm d'une source UV (254 nm).
Les arylpropènes fortement oxydés ne sont pas commercialisés ou
difficiles à se procurer à l'état pur. Nous sommes donc partis de fruits
d'Aneth d'Inde (Anethum graveolens L., Apiaceae), riches en dillapiole
(10,11) et de Persil (Petroselinum crispum (Mill.) A.W. Hill, Apiaceae),
riches en myristicine (12). L'extraction a été réalisée à température ambiante
par trois broyages successifs d'environ 0,2 g de méricarpes avec du pentane
bidistillé et du sulfate de sodium anhydre dans un mortier.
Chromatographie préparative sur couche mince
Nous avons réalisé une chromatographie ascendante sur plaque de gel
de silice 60 F254 (Merck) de 1 mm d'épaisseur avec un support en verre
(20 x 20 cm). Les cuves sont saturées 24 heures avec, comme phase
mobile, un mélange chloroforme : benzène (75:25, v/v). La hauteur de
développement est de 15 cm. La myristicine et le dillapiole sont détectés à
254 nm, élués par l'éthanol absolu et stockés à l’obscurité pour éviter une
isomérisation à la lumière (13).
Isomérisation alcaline
Les isomères cis et trans de l'isomyristicine et de l'isodillapiole sont
obtenus de la myristicine et du dillapiole par hydrolyse alcaline (14). Cette
réaction fait passer les allylbenzènes (prop-2-ényl) en propénylbenzènes
(prop-1-ényl) cis et trans.
À 30 ml d'éluat obtenu à partir de la CCM préparative, on ajoute dans
un tube à essai (200 x 15 mm) 4 paillettes de KOH soit environ 350 mg. Le
tube est fermé hermétiquement, placé dans un bain-marie à 75°C pendant
24 heures. Après refroidissement, l'éthanol est éliminé par évaporation sous
vide à 40°C. Le résidu est repris avec 20 ml de pentane et concentré sous un
faible courant d'azote.
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Spectrophotométrie ultraviolet
Les spectres UV dans l'éthanol absolu ont été enregistrés sur un
appareil Beckman modèle 25.
Spectrophotométrie infrarouge
Les spectres infrarouge ont été enregistrés au moyen d'un
spectrophotomètre Bomem à transformées de Fourier (FTIR) couplé à une
imprimante Panasonic Digital Plotter VP-6803P. Les éthers-oxydes fortement
concentrés dans l'éthanol ont été déposés entre deux lames de NaCl.
Spectrométrie de masse
L'identification des composés a été réalisée par couplage CPG/SM au
CÉSAMO (Centre d'Étude Structurale et d'Analyse des Molécules
Organiques) à l'Université de Bordeaux I.
Basse résolution.
Les spectres sont obtenus sur un spectromètre de masse Fisons-
Instruments Auto Spec-Q couplé à un chromatographe en phase gazeuse
Packard 5890 muni d'une colonne capillaire CPSil-5CB (50 x 0,32 mm d.i.)
et d'un détecteur à ionisation de flamme. Le mode opératoire est le suivant :
résolution (1000), débit d'hélium (1,5 ml/min), température du four (60°C
10 min, puis 60 à 300°C à raison de 4°C/min), quantité injectée (2 à 3 µl),
température de l'injecteur (250°C), énergie d'ionisation électronique (70 eV),
courant d'ionisation (100 mA), voltage d'accélération (8 kV), température de
la source d'ionisation (180°C).
Les spectres obtenus ont été comparés avec ceux des témoins et des
spectres de référence (15-17).
Haute résolution
La mesure par spectrométrie de masse haute résolution (7000) des
ions moléculaires a été entreprise par couplage CPG/SM avec la même
colonne et les mêmes conditions d'ionisation. La température est ainsi
programmée : 25°C/min de 30 à 50°C puis 3°C/min de 50 à 300°C. La
température de l'injecteur est de 220°C. Le perfluorokérosène a été utilisé
comme référence interne.
Calcul des coefficients Ki
Chaque constituant de l’essence présente en chromatographie en phase
gazeuse un coefficient de réponse vis-à-vis du détecteur à ionisation de
flamme. Pour calculer les concentrations Ci des produits, il est nécessaire de
connaître les facteurs Ki/Ke de réponse par rapport à l’étalon interne. Nous
avons calculé ces coefficients pour les différents témoins (tableau I).
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RÉSULTATS

Les coefficients de réponse Ki tendent à augmenter avec le temps de


sortie (tableau I). Les valeurs trouvées suggèrent aussi des Ki voisins pour
des composés apparentés chimiquement.
On constate en effet que le Ki du myrcène, terpène acyclique, est
nettement plus élevé que ceux de l'α-phellandrène, du limonène et du
γ-terpinène, terpènes monocycliques. Le coefficient obtenu pour la fenchone
(0,81) est proche de celui d'autres cétones comme la carvone (0,83). Mais le
sabinène a un Ki de 0,87, nettement plus élevé que celui d'autres terpènes
bicycliques comme le camphène et les pinènes (0,67).
Les premiers composés qui sortent (figure 1, tableau II) sont les
monoterpènes non oxygénés bicycliques (α-pinène, camphène, sabinène,
β-pinène) puis les monoterpènes non oxygénés acycliques (β-myrcène) ou

Fig. 1: Chromatogramme des composés volatils de plantule de 30


jours extraits par la technique de désorption (platine D.C.I.). Les pics
sont numérotés par ordre de sortie. L’étalon interne est l’œnanthate
d’éthyle.
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TABLEAU I
Coefficients de réponse (Ki) vis-à-vis du détecteur à ionisation de
flamme des substances rencontrées dans l'essence de plantule de
Fenouil amer, avec indication sur l'origine, le poids moléculaire et la
formule chimique.
témoin origine PM formule coefficient Ki
α-pinène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,67
camphène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,67
sabinène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,87
β-pinène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,67
β-myrcène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,77
α-phellandrène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,79
α-terpinène Fluka 136 C 10H 16 0,70
p-cymène Pernod-Ricard 134 C 10H 14 0,65
β-phellandrène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,79
limonène Pernod-Ricard 136 C 10H 16 0,68
γ-terpinène Fluka 136 C 10H 16 0,71
fenchone Fluka 152 C 10H 16O 0,81
œnanthate d'éthyle Fluka 158 C 9H 18O 2 1,00
terpinolène Interchim 136 C 10H 16 0,69
linalol Pernod-Ricard 154 C 10H 18O 0,84
fenchol Fluka 154 C 10H 18O 0,84
camphre Pernod-Ricard 152 C10H 16O 0,83
terpinène-4-ol Pernod-Ricard 154 C 10H 18O 0,85
estragole Pernod-Ricard 148 C 10H 12O 0,83
acétate de fenchyle Interchim 196 C 12H 20O 2 0,83
anisaldéhyde Prolabo 136 C 8H 8O 2 0,86
carvone Pernod-Ricard 150 C 10H 14O 0,84
cis-anéthole hémisynthèse 148 C10H 12O 0,85
trans-anéthole Pernod-Ricard 148 C 10H 12O 0,86
myristicine CCM préparative 192 C 11H 12O 3 0,89*
trans-isomyristicine hémisynthèse 192 C 11H 12O 3 0,90*
dillapiole CCM préparative 222 C 12H 14O 4 0,91*
trans-isodillapiole hémisynthèse 222 C 12H 14O 4 0,91*
apiole CCM préparative 222 C 12H 14O 4 0,91*

* : valeurs extrapolées
80

TABLEAU II
Pourcentages des différents constituants de l’huile essentielle
de plantule de Fenouil amer de 30 jours après extraction par du
pentane ou après la technique de désorption (platine D.C.I.).
%
_____________
temps de platine extraction
n° rétention D.C.I. par
pic constituants (min) solvant
Hydrocarbures monoterpéniques 21,8 20,6
( 1 ) α-pinène 9,6 2,30 2,24
( 2 ) camphène 10,2 0,10 tr
( 3 ) sabinène 11,3 0,10 tr
( 4 ) β-pinène 11,6 0,95 0,93
( 5 ) β-myrcène 12,3 0,10 tr
( 6 ) α-phellandrène 13,0 13,9 13,4
( 7 ) α-terpinène 13,5 0,20 0,10
( 8 ) p-cymène 13,6 0,10 tr
( 9 ) β-phellandrène 14,2 0,40 0,40
( 1 0 ) limonène 14,3 1,70 1,63
( 1 1 ) γ-terpinène 15,7 1,30 1,24
( 1 3 ) terpinolène 17,3 0,66 0,63
Monoterpènes oxygénés 3,6 3,5
( 1 2 ) fenchone 16,7 0,90 0,88
( 1 4 ) linalol 17,5 0,50 0,45
( 1 5 ) fenchol 18,3 0,70 0,70
( 1 6 ) camphre 19,5 0,04 0,04
( 1 7 ) terpinène-4-ol 21,4 0,50 0,50
( 1 8 ) acétate de fenchyle 23,7 0,90 0,90
( 1 9 ) carvone 24,4 0,10 0,05
Arylpropènes 74,6 75,8
( 2 0 ) estragole 22,3 1,20 1,25
( 2 1 ) anisaldéhyde 24,0 0,20 0,20
( 2 2 ) cis-anéthole 24,6 1,70 1,80
( 2 3 ) trans-anéthole 26,3 11,3 11,5
( 2 4 ) myristicine 35,2 1,60 1,70
( 2 5 ) trans-isomyristicine 36,4 0,54 0,54
( 2 6 ) dillapiole 38,7 55,5 56,0
( 2 7 ) trans-isodillapiole 39,5 0,71 0,72
( 2 8 ) apiole 40,4 1,90 2,10
Total 100 99,9

tr: traces (<0,01 %)


81

monocycliques (α- et β-phellandrène, α- et γ-terpinène, p-cymène, limonène,


terpinolène). Viennent ensuite les monoterpènes oxygénés (fenchone, linalol,
fenchol, etc.) puis les arylpropènes (estragole, trans-anéthole, dillapiole,
etc.). Plusieurs composés ont des temps de rétention très voisins: α-terpinène
et
p-cymène, β-phellandrène et limonène. L’étalon interne sort à 89°C sans
coïncider avec un pic de l'essence.
28 composés ont été identifiés dans l'essence de la plantule de Fenouil
amer. La trans-isomyristicine et le trans-isodillapiole sont signalés pour la
première fois chez le Fenouil. Ces composés ne sont présents qu'en faible
quantité.
Le dillapiole est le constituant majoritaire de l’huile essentielle des
plantules, suivi de l’α-phellandrène et du trans-anéthole.
Les 2 techniques d’extraction donnent des résultats sensiblement
identiques. Le pourcentage d’hydrocarbures monoterpéniques est légèrement
plus élevé et celui de arylpropènes plus faible pour la technique de désorption.
La teneur en essence obtenue par ces 2 méthodes est similaire.
Rapportée au poids de matière sèche, elle est de 0,62 % pour l’extraction au
pentane et 0,64 % pour la technique de désorption.
L'isomérisation du trans-anéthole en cis-anéthole (Figure 2) s'est
avérée linéaire au cours du temps (figure 3).

20
pourcentages

10

0
0 2 4 6 8 10 12
heures

Fig. 2: Chromatogramme d'une Fig. 3: Pourcentage de


solution de trans-anéthole après cis-anéthole formé au cours du
action des rayons UV durant temps d'irradiation.
6 heures.
82

Les trois éthers-oxydes phénoliques séparés par CCM préparative


sont révélés en bleu aux UV à 254 nm. Ils apparaissent en brun après
pulvérisation d'une solution de vanilline sulfurique à 1 % et en bleu foncé sur
fond jaune après pulvérisation d'une solution d'acide phosphomolybdique
éthanolique à 20 % suivies dans les deux cas d'un chauffage 10 min à 100°C.
Les formules et les Rf sont les suivants :

Une co-injection en chromatographie en phase gazeuse de ces


substances nous a permis d'identifier avec certitude leur temps de rétention.
L'isomérisation de la myristicine donne naissance préférentiellement
au propényl trans (figure 4). De la même manière, on obtient 69,8 % de
dillapiole, 11,2 et 19 % de cis- et trans-isodillapiole.

Fig. 4: Chromatogramme de la myristicine (1) et de ses isomères cis (2) et


trans (3) propényl obtenus par action de KOH à chaud. Les pourcentages,
les temps de rétention en minutes et les formules de la chaîne latérale ont
été indiqués.
83

Les principales radiations infrarouges absorbées par les groupes


fonctionnels des arylpropènes fortement oxydés sont 945 (-OCH2O-), 995
(-CH=CH2), 1245 (-OCH3), 1445 et 1620 cm-1 (C=C aromatiques).
Les spectres ultraviolet de la myristicine, du dillapiole et de l'apiole sont
voisins. Les longueurs d'ondes maximales de ces 3 éthers-oxydes sont
respectivement de 220,8, 220,8 et 218,3 nm. On a un deuxième pic
beaucoup plus faible vers 290 nm.
Les spectres de masse des monoterpènes et des arylpropènes
rencontrés dans l'essence des plantules sont reportés dans le tableau III.
Un spectre de masse haute résolution a été fait sur certains témoins et
en particulier sur le trans-anéthole. La fragmentation de ce composé est
décrite dans la figure 5.

Fig. 5 : Hypothèses de fragmentation du trans-anéthole

DISCUSSION ET CONCLUSION

Les techniques d'extraction par le pentane et par désorption ne


présentent pas de différence notable et on pourra choisir l'une ou l'autre.
84

TABLEAU III
Caractéristiques des spectres de masse des différents constituants de
d'akènes in vitro

constituants fragment m/z [intensité relative]

α-pinène 93 [100] 92 [29] 77 [23] 91 [23] 79 [18]


camphène 93 [100] 121 [78] 107 [42] 79 [40] 67 [39]
sabinène 93 [100] 77 [28] 41 [24] 91 [19] 79 [19]
β-pinène 93 [100] 41 [48] 69 [47] 79 [21] 39 [18]
β-myrcène 41 [100] 69 [96] 93 [94] 27 [19] 39 [16]
α-phellandrène 93 [100] 91 [22] 92 [21] 77 [20] 136 [18]
α-terpinène 121 [100] 93 [92] 136 [49] 91 [28] 77 [26]
p-cymène 119 [100] 134 [21] 91 [14] 120 [11] 41 [7]
β-phellandrène 93 [100] 77 [31] 91 [22] 79 [17] 136 [17]
limonène 68 [100] 93 [46] 67 [33] 79 [19] 41 [18]
γ-terpinène 93 [100] 136 [32] 121 [29] 91 [23] 43 [23]
fenchone 81 [100] 69 [53] 41 [24] 82 [12] 80 [11]
terpinolène 121 [100] 93 [89] 136 [77] 79 [32] 91 [28]
linalol 71 [100] 93 [59] 41 [50] 55 [47] 43 [40]
fenchol 81 [100] 80 [46] 71 [27] 69 [26] 43 [23]
camphre 95 [100] 81 [75] 41 [46] 108 [44] 83 [42]
terpinène-4-ol 71 [100] 111 [51] 93 [35] 43 [31] 86 [28]
estragole 148 [100] 147 [42] 121 [34] 117 [27] 77 [18]
acétate de fenchyle 81 [100] 43 [74] 80 [44] 136 [20] 93 [19]
anisaldéhyde 135 [100] 136 [71] 82 [36] 77 [27] 39 [16]
carvone 82 [100] 54 [39] 108 [34] 93 [22] 39 [18]
cis-anéthole 148 [100] 147 [37] 133 [23] 117 [19] 121 [17]
trans-anéthole 148 [100] 147 [40] 117 [24] 133 [23] 121 [19]
myristicine 192 [100] 165 [23] 91 [20] 119 [15] 193 [13]
trans-isomyristicine 192 [100] 165 [19] 91 [22] 161 [12] 119 [10]
dillapiole 222 [100] 177 [29] 207 [18] 149 [11] 78 [10]
trans-isodillapiole 222 [100] 177 [27] 207 [15] 77 [10] 65 [9]
apiole 222 [100] 207 [24] 149 [12] 77 [12] 32 [11]

[ ]: intensité relative (%) des principaux fragments classés dans un ordre décroissant.
85

l'essence des plantules de Fenouil amer issues de la germination


sur eau gélosée.

fragment m/z [intensité relative]

121 [15] 41 [15] 39 [12] 94 [11] 43 [11] 1 3 6 [7]


41 [25] 43 [24] 95 [23] 77 [23] 68 [22] 1 3 6 [14]
136 [18] 43 [13] 69 [12] 39 [12] 94 [11]
77 [17] 94 [13] 27 [13] 43 [11] 91 [11] 1 3 6 [8]
79 [15] 77 [12] 94 [11] 91 [11] 67 [10] 1 3 6 [4]
94 [7] 32 [6] 43 [5] 41 [5] 78 [4]
79 [22] 43 [18] 41 [17] 105 [15] 39 [12]
117 [6] 115 [5] 39 [5] 77 [5] 27 [5]
94 [13] 41 [12] 43 [10] 69 [9] 80 [9]
94 [16] 136 [16] 53 [15] 39 [14] 107 [13]
77 [21] 79 [16] 92 [14] 41 [11] 27 [11]
152 [10] 39 [9] 28 [9] 67 [6] 27 [6]
77 [26] 41 [24] 43 [19] 39 [17] 107 [17]
69 [38] 80 [26] 83 [18] 68 [16] 121 [16] 1 5 4 [0]
72 [19] 84 [16] 82 [14] 67 [14] 41 [14] 1 5 4 [0]
69 [39] 109 [31] 152 [30] 55 [29] 39 [19]
41 [23] 81 [19] 69 [19] 68 [14] 55 [14] 1 5 4 [12]
133 [17] 91 [14] 78 [13] 149 [12] 39 [11]
41 [16] 121 [14] 69 [13] 82 [12] 72 [11] 1 9 6 [0,4]
107 [15] 92 [14] 54 [13] 108 [13] 93 [11]
107 [17] 41 [16] 106 [11] 53 [11] 58 [9] 1 5 0 [7,5]
105 [16] 77 [15] 91 [13] 103 [12] 79 [12]
105 [16] 77 [15] 115 [11] 103 [10] 91 [10]
161 [12] 65 [12] 39 [12] 131 [12] 191 [11]
131 [9] 191 [8] 193 [7] 39 [6] 65 [5]
77 [9] 39 [9] 106 [8] 65 [8] 53 [8]
149 [8] 78 [8] 106 [7] 121 [6] 53 [5]
177 [11] 191 [10] 45 [9] 39 [9] 91 [8]

Les ions parents sont indiqués en souligné.


86

Les légères différences s'expliquent facilement. La technique de


désorption capte mieux les composés les plus volatils, comme dans la
chromatographie d'espace de tête. Inversement, les composés plus lourds
passent moins facilement dans le flux de gaz vecteur, car le matériel végétal
n'est pas broyé. La platine D.C.I. est plus rapide car elle ne demande pas
d'extraction, ni de purification par passage sur une colonne. C'est une
méthode très sensible, adaptée aux microanalyses. La nacelle ne peut
cependant renfermer qu'un faible volume de matériel végétal. Compte tenu de
la fréquente variabilité chimique intrapopulationnelle que l'on rencontre chez
les plantes aromatiques, cette technique ne garantit pas l'obtention de résultats
statistiquement valables en une seule analyse. Elle consomme par ailleurs
beaucoup d'azote liquide nécessaire au refroidissement du piège de tenax.
Les temps de sortie varient peu pour un même type de colonne
capillaire. En conformité avec les observations de Shulgin (18,19), nous avons
observé une sortie des isomères dans l'ordre suivant : allyl puis cis-propényl
puis trans-propényl.
Les auteurs calculent rarement les coefficients Ki. Ces derniers
tendent à augmenter avec la température et donc avec le poids moléculaire et il
semblerait que des composés chimiquement voisins aient des coefficients peu
différents. Ces observations demanderaient à être vérifiées avec d'autres
composés.
En accord avec les observations de Fujita et al. (7), le dillapiole est le
principal constituant des plantules. L'huile essentielle est donc très différente
de celle des parties aériennes plus âgées ou des fruits, plus riches en trans-
anéthole. Bien que l'oxydation des arylpropènes soit importante, on a moins
de monoterpènes oxygénés que d'hydrocarbures terpéniques.
Le trans-anéthole, interdit de commercialisation, fournit par
isomérisation l'isomère cis beaucoup plus toxique (20). Il a été montré pour la
première fois que cette isomérisation est linéaire avec le temps.
La myristicine, l'apiole et le dillapiole ont tous un maximum
d'absorption proche de 220 nm en conformité avec les données de Shah e t
al., (21). Les principales radiations infrarouges absorbées par les groupes
fonctionnels des arylpropènes fortement oxydés concordent avec celles
décrites dans la littérature (22-24).
Les spectres de masse de la trans-isomyristicine et du trans-
isodillapiole sont reportés pour la première fois et sont proches de leurs
isomères correspondants.

Les auteurs remercient Monsieur G. Bourgeois, du CÉSAMO, pour l e s


analyses en spectrométrie de masse et le Centre de Recherche Pernod
Ricard pour la fourniture de matériel végétal et chimique.
87

RÉFÉRENCES

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4 - Lamarti (A.) - Évolution de l’huile essentielle de fenouil amer
(Foeniculum vulgare Mill.) dans les différents organes de plantules
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88

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89

ABSTRACT
Chromatographic study on the essential oil of bitter Fennel
seedlings (Foeniculum vulgare Mill.); spectral characteristics
(UV, IR, MS) of its constituents

The essential oil of bitter Fennel seedlings Foeniculum vulgare Mill.


subsp. vulgare var. vulgare cultivated in vitro, was analysed by gas liquid
chromatography either directly by a solid injection with D.C.I. plate, or after
pentane extraction and purification on a silica gel column. Few differences
were observed between the 2 methods. Beside dillapiole, the main volatile
compound, other oxygenated arylpropenoids were observed. They were
purified by preparative thin layer chromatography and their spectral
characteristics are given. The obtention of cis and trans isomers of
myristicine and dillapiole is described.

Key-words: Fennel, Foeniculum vulgare, plantlet essential oil,


isodillapiole, isomyristicine.

__________

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