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défis

cognitifs du
changement
climatique
Travail de session
remis aux professeurs
Pierre Poirier et Luc
Faucher – ISC 9000 -
DIC

Albert Lejeune
[DÉFIS COGNITIFS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE] 9 juin 2010

People are not accustomed to thinking hard, and are often content
to trust a plausible judgment that comes to mind.
Daniel Kahneman, American Economic Review 93 (5) December
2003, p. 1450

Table des matières

INTRODUCTION 3

LA CONSCIENCE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 5

LE CONCEPT DE JUSTICE ENVIRONNEMENTALE GLOBALE 7

LA SCIENCE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE, UNE QUESTION DE CROYANCES? 9

LA THÉORIE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 10


LA RÉSISTANCE À LA THÉORIE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 10
LA RÉVISION DES CROYANCES 11

SOUCI ENVIRONNEMENTAL ET CALCUL DES RISQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 12

SYNTHÈSE ET CONCLUSION 17

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 19

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Introduction

Le Roy-Ladurie (1967) écrivait « Le climat c’est l’histoire du temps qu’il fait ». En raison
des fluctuations atmosphériques, au cours du temps qui passe, le climat varie et change
naturellement. En plus des saisons, ses variations provoquent des cycles de durée de
plus en plus longue. Lorsque l’on parle du changement climatique, il s’agit toutefois, des
changements résultant de l’activité humaine. En effet, l’activité humaine modifie le
système climatique qui est composé de l’atmosphère, des terres, des océans, des glaces
et de la biosphère. Le phénomène du changement climatique pose des défis cognitifs : il
s’agit (1) de penser une menace invisible, un phénomène agissant à une échelle de
temps sans commune mesure avec notre échelle limitée de la vie humaine; (2) de
calculer les probabilités de gains ou de pertes économiques, au niveau des grandes
régions climatiques; (3) d’évaluer les risques écologiques pour les générations futures i.
Ces défis sont souvent mal surmontés et les symptômes des échecs abondent : absence
de définition commune du phénomène du changement climatique, déni et
désinformation, négociations sans aboutissement, interprétations idéologiques d’un
phénomène qui ne devrait relever que de la science, questionnement des croyances des
chercheurs et de la valeur de la science, réactions émotives et difficultés d’évaluation
des risques.

Figure 1 - La nuit de Copenhagen

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La conférence de Copenhagen sur le changement climatique de décembre 2009 en est


un exemple. Il apparait que les négociateurs ont échoué dans leur tâche et ont remis
« le fardeau de l’élaboration d’un consensus » entre les mains des responsables
politiques qui n’ayant disposé alors que de la dernière nuit de la conférence, n’ont pu
décider d’un accord commun sur une réduction des émissions de GES - telle que
pratiquée depuis l’accord de Kyoto et promu par l’Intergovernmental Panel on Climate
Change (IPCC) ou Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ii
(GIEC) -. Les leaders politiques ont opté dans les faits pour une limite au réchauffement
de la planète de 2° C au plus et pour des mesures ayant pour objectif de réduire les
conséquences potentielles par l’octroi de moyens financiers aux pays en
développement. Selon The Guardian, le désespoir était palpable. «Je vous en prie», a
déclaré Ban Ki-Moon, le secrétaire général des Nations unies, plaidant avec les
dirigeants du monde entier pour trouver un moyen de sortir du chaos. «Exercez votre
conscience. /…/ Ce sera votre héritage pour tous les temps».

Fait difficilement observable et concept faisant l’objet de controverses, le changement


climatique est peu compris par l’opinion publique, comme en font foi les sondages. Les
experts et les décideurs, les consommateurs ou les citoyens ne peuvent développer une
perception consciente d’une menace le plus souvent étrangère à leur attention. Le
concept émergent de justice environnementale globale qui y est étroitement lié offre
l’opportunité de réfléchir à la notion de justice, telle qu’analysée par les neurosciences.
La justice est-elle un concept naturel pour les psychologues et les philosophes de la
cognition? La notion de concept faisant l’objet de débats, nous le remplacerons par les
notions de prototype, d’exemplaire et de théorie. Nous examinerons ensuite comment
l’étude de la cohérence des croyances ou des énoncés formant une théorie, permet de
mieux saisir et de comprendre la résistance à la théorie élémentaire qui explique le
changement climatique. Enfin, en suivant les tensions entre les affects et la raison
analytique, nous examinerons quelques biais ou heuristiques de jugement par rapport
au changement climatique.

Le but de ce papier est d’analyser les défis cognitifs reliés au changement climatique à
l’aide des sciences de la cognition de manière à en tirer des enseignements pour les
décideurs et les professionnels concernés par le changement climatique tels que les
hommes politiques, les urbanistes, les architectes et les gestionnaires de plus en plus
contraints à adopter des stratégies ‘vertes’.

Ce papier se divise en quatre paries : La première partie aborde la conscience du


changement climatique ou pourquoi le phénomène de changement climatique échappe-
t-il largement à notre conscience; la deuxième, la justice environnementale globale

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comme concept ou pourquoi sommes-nous sensibles à la notion de justice


environnementale?; la troisième, la science du changement climatique comme
ensemble de croyances ou pourquoi la théorie du changement climatique fait-elle
toujours l’objet de résistance?; et la quatrième le souci environnemental et le calcul des
risques du changement climatique ou comment la connaissance des biais cognitifs
conduit à penser de manière plus rationnelle et à dépasser les émotions en lien avec
changement climatique. Il se termine par une synthèse et conclusion.

La conscience du changement climatique

La prise de conscience découle de l’attention. La conscience semble naître dans des


sous-systèmes dédiés à la perception à un niveau intermédiaire dans le cerveau,
uniquement lorsque l’activité dans ces systèmes est modulée par l’attention (Prinz,
2003). Quand l’attention est présente, la perception devient consciente. La modulation
par l’attention des niveaux de représentation intermédiaires est à la fois nécessaire et
suffisante pour la conscience. En ce qui concerne l’environnement, l’attention se porte
d’une manière générale sur les accidents écologiques tels, la question du trou dans la
couche d’ozone voire la pollution de l’air (Norgaard, 2009). Une des questions possibles
serait de se demander quelle est l’attention ou comment tout au plus développer
l’attention portée au changement climatique? En ce sens il apparait, par exemple, que le
résultat du débat qui a eu lieu à Copenhague ne pourrait mobiliser l’attention. Comment
un individu peut-il focaliser son attention sur un changement de un ou deux degrés
centigrades dans la température de la planète? Les individus n’ont pas une perception
qui se voudrait consciente du changement climatique dans la mesure où ils considèrent
comme normaux les différents états de l’environnement qui coïncident à leur
expérience de vie (Hohenberger, 2009). Aucun référent n’étant réellement possible, il
est toutefois difficile pour eux de réaliser des comparaisons avec des états antérieurs,
quand bien même que ces référents se modifient et changent au cours d’une génération
(Pauly, 1955).

Dans l’analyse de Nisbet et Meyers (2007), l’attention est l’élément clef de la prise de
conscience du changement climatique. En 1986, seuls 39% des américains reconnaissent
avoir eu des informations sur l’effet de serre. Après la canicule de l’été 1988, ce
pourcentage s’accroît de presque de 20 % et passe à 58%. En 2006, 90% des américains
possèdent un certain niveau de conscience du phénomène.

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La conscience semble se manifester dans des sous-systèmes perceptuels de niveau


intermédiaire uniquement lorsque l’activité dans ces systèmes est modulée par
l’attention. Si, par exemple, un individu souffrant d’insuffisance cardiaque identifie une
période de canicule comme risque lié au changement climatique, cet individu conscient
agira de façon conséquente à l’information qui a été amenée dans sa mémoire de
travail. Ses décisions d’agir seront prises à court-terme sous la forme d’une stratégie
individuelle qui sera – en comparaison au phénomène lui-même - indéniablement sous-
complexe telle éteindre plus souvent les lumières, par exemple (Welzer, 2008). La
conscience rend en effet des informations spécifiques disponibles à la mémoire de
travail. Sans conscience, il est impossible à un individu de prendre une décision, de
poser une action consciente. En fait sans conscience, les réponses ne peuvent être que
des réflexes. Même si, en raison de ses impacts limités, une réponse consciente n’est
pas nécessairement adaptée aux défis du changement climatique, l’attention et la
perception consciente forment l’exigence première de cette réponse.

Une question subsiste cependant, quant à l’intérêt de la prise de conscience par un


individu du changement climatique. Si la conscience consiste dans la propriété de
certaines représentations internes de devenir disponibles d’une certaine façon à la
mémoire de travail, alors l’intérêt de la prise de conscience dépend de ce que sont ces
représentations et de ce que leur disponibilité fait pour nous (Prinz, 2003 : 5).

Par exemple, il est utile pour la survie d’un animal de savoir que son prédateur lui
tourne le dos ou lui fait face et le menace, la conscience de la posture du prédateur
devient une condition de sa survie. Mais qu’apporte la conscience du changement
climatique d’un point de vue individuel? Les réponses sont individuellement plus que
limitées et il est difficile d’en percevoir les bénéfices. L’action individuelle, même
consciente et informée, pourrait ne pas être une réponse suffisante à l’ampleur du
phénomène du changement climatique. En conséquence, comment l’attention peut-elle
être soutenue et centrée sur le changement climatique de telle sorte qu’il puisse être
possible de prendre collectivement les précautions nécessaires?

Un exemple intéressant est donné par les effets et conséquences du film d’Al Gore - An
Inconvenient Truth ? Quels sont les termes d’une telle projection auprès d’un public?
Combien de temps ce type de film documentaire permet-il la conscience du phénomène
du changement climatique? Ou tout au moins permet-il une meilleure compréhension?
Il ne semble pas exister de corrélation entre la conscience du phénomène du
changement climatique et sa compréhension. Niesbet et Meyers (2007) soulignent
qu’un niveau de conscience du changement climatique de 90% de l’opinion publique
américaine n’est pas un indice de compréhension du problème. En effet, les sondages

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Gallup pris chaque année de 2001 à 2005 révèlent que seuls 11% des répondants
pensent en savoir beaucoup sur le changement climatique.

L’absence ou la présence d’attention apportée au changement climatique est telle que


les valeurs, les croyances, les attitudes et les paradigmes forment des croyances
générales façonnant inconsciemment sans doute les comportements indifférents,
hostiles ou engagés vis-à-vis de l’environnement (0’Connor et al. 1999). Hanno et
Sandvik (2008) notent – après l’analyse d’un échantillon de données provenant de 46
pays - que la conscience du changement climatique n’est pas fonction uniquement de
l’information scientifique mais également de facteurs psychologiques et sociologiques,
voire économiques. Au niveau économique, il apparait par exemple que la volonté
d’une nation de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre (GES) est inversement
proportionnelle à sa part dans ces émissions. Ces conclusions sont généralement
communes aux chercheurs exploitant ce sujet. Zahran et al. (2006) comme O’Connor et
al. (2002) soulignent que l’enrichissement des citoyens d’un pays diminue leur volonté
d’entreprendre des actions correctrices par rapport au changement climatique – une
action telle que conduire moins souvent un véhicule privé. Mais, l’explication cognitive
du manque de conscience ou de l’absence d’actions correctrices reste difficile : le niveau
de vie et les habitudes de consommation restent - face au phénomène nouveau du
changement climatique - extrêmement difficiles à modifier. L’attention et la perception
consciente du changement climatique semble impossible – et vaine au niveau individuel
- Les individus ne seraient-ils pas plutôt sensibles au concept de justice
environnementale globale?

Le concept de justice environnementale globale

En 2009, un rapport de la Banque Mondiale introduit le terme de « justice


environnementale globale» à la suite des constats suivantes (Norgaard, 2009) : 1. Une
contribution disproportionnée des pays de l'hémisphère Nord à la pollution, 2. Des
conséquences plus graves du changement climatique pour les pays du Sud, 3. des
négociations sur le climat favorisant les pays industrialisés en termes de processus et de
résultats et 4. L’altération des conditions climatiques des générations à venir (équité
intergénérationnelle). Les pays riches de l’hémisphère Nord émettent la majeure partie
des GES dans l’atmosphère exposant ainsi les habitants du Sud, souvent des pays
pauvres dépourvus de ressources et d’infrastructures, au risque environnemental.

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Du point de vue des sciences cognitives, le concept de justice apparait naturellement. Il


existerait dans notre cerveau à la façon de structures de données stockées dans notre
mémoire à long-terme et utilisées de façon automatique dans nos processus cognitifs de
haut niveau. La justice serait alors un concept ‘naturel’ (Natural Kind ou NK Concept)
dans la mesure où les chercheurs observent – même chez les grands singes - des
comportements qui semblent répondre à une exigence de justice. Blakemore et al.
(2004), étudiant des sujets humains, font remarquer que les jugements moraux activent
des régions du cerveau impliquées dans la formation de la pensée comme le cortex
frontal médial. D’après l’étude comparée de patients pouvant présenter des lésions, la
région du cortex apparaît comme cruciale dans le développement moral.

Tableau 1. Les définitions de prototype, exemplaire et théorie (Machery, 2009)

Prototype Exemplaire Théorie

Les prototypes singularisent les Selon la vue du concept comme Selon la vue des concepts
propriétés des membres d’une exemplaire, nos processus comme théorie, nos
catégorie de façon statistique. cognitifs supérieurs sont définis représentations mentales sont
Dans la plupart des modèles de sur des représentations de similaires aux théories
prototype, les prototypes sont membres spécifiques d’une scientifiques et les processus
supposés encoder de catégorie qui valent pour cognitifs sont similaires aux
l’information à propos des l’ensemble de la catégorie. Un formes scientifiques de
propriétés typiques de la concept de classe d’objets raisonnement.
catégorie donnée, c'est-à-dire consiste alors en un ensemble
les propriétés propres à la d’exemplaires, ou de Un concept ou une classe
plupart des membres de la représentations de membres d’entités est alors une théorie au
catégorie. particuliers de cette classe. sujet de cette classe, c'est-à-dire
une structure de données qui
encode des généralisations
nomologiques, causales,
modales et fonctionnelles au
sujet de cette classe.

L’approche de Machery (2009) propose de faire fi de la notion de concept et propose de


procéder à l’aide de prototypes, exemplaires et théories (voir tableau 1). La notion de
justice environnementale globale est mise de l’avant par des auteurs comme
Athanasiou et Baer (2002), Baer et al. (2000), Agarwal et Narain (1991), Donohoe
(2003), Roberts et Parks (2007) et Pettit (2004). En fait, même si le changement

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climatique devrait affecter chacun des habitants de la planète, ses impacts seront très
inégaux, ils dépendront des endroits plus ou moins exposés, aux inondations par
exemple, et des infrastructures en place. Les pays pauvres devraient être les plus
affectées (Norgaard, 2009).

En reprenant la notion de prototype pour la justice environnementale globale, on


encode de l’information à propos des propriétés typiques de la catégorie donnée, c'est-
à-dire les propriétés propres à la plupart des membres de la catégorie, par exemple les
pays pauvres les plus menacés par le réchauffement climatique.

En reprenant la notion d’exemplaire, on pourrait considérer les communautés indigènes


de l’Arctique comme étant des exemplaires de l’injustice environnementale globale à
cause de leur localisation dans le Nord où les changements climatiques apparaissent
rapidement, de leur mode de vie traditionnel et de la faiblesse de leurs moyens
économiques (IPCC 2007; Arctic Climate Impact Assessment, 2005). Alors nos processus
cognitifs supérieurs à propos de la justice environnementale globale se définissent sur
des représentations des communautés indigènes de l’Arctique.

La justice environnementale globale est une théorie quand nos représentations


mentales sont similaires aux théories scientifiques et les processus cognitifs sont
similaires aux formes scientifiques de raisonnement. Le faible niveau de compréhension
du changement climatique ne mobilise pas les individus des pays riches à se construire
une théorie de la justice environnementale globale. La littérature ne pointe pas vers le
concept de justice environnementale comme théorie, mais bien comme exemplaires, à
travers les cas des communautés directement menacées au nord par la fonte des
glaciers ou au sud par l’avancée de la désertification. Cependant cette même littérature
propose de nouveaux concepts comme celui de vulnérabilité qui a fait l’objet d’un
rapport de l’IPCC et celui d’adaptation au changement climatique (Grothmann et Patt,
2005). On peut penser qu’à travers ces deux nouveaux concepts de vulnérabilité et de
capacité d’adaptation se construit une meilleure théorie non pas de la justice
environnementale globale mais de la réponse humaine au changement climatique.

La science du changement climatique, une question de croyances?

Il arrive aux chercheurs de changer d’opinion comme en témoigne un site web


(http://www.edge.org/q2008/q08_index.html) présentant un centaine de témoignages
de chercheurs (Thagard et Findlay, 2009). Certains de ces témoignages proviennent de

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chercheurs qui – après l’avoir combattue – acceptent la théorie du changement


climatique.

La théorie du changement climatique


Cette théorie du changement climatique est simple et peut tenir en 4 assertions :

1. La terre se réchauffe
2. Ce réchauffement aura des impacts dévastateurs sur la société humaine
3. Les gaz à effet de serre (GES) sont les principales causes de ce réchauffement et
4. La réduction de ces émissions de GES est la meilleure façon de réduire les
impacts négatifs du changement climatique.

Dans leur synthèse de l’histoire des croyances à propos du changement climatique,


Thagard et Findlay (2009) présentent le scientifique suédois Svante Arrhenius comme
ayant discuté le premier de la quantité de dioxyde de carbone émise dans l’atmosphère
en 1896, alors que l’idée d’effet de serre et de réchauffement de la planète reviendrait à
Joseph Fourier, en 1824. Dans les années 1960, Charles Keeling découvre que le niveau
de dioxyde de carbone croît sans cesse dans l’atmosphère alors que Syukuro Manabe et
Richard Wetherland calculent ensemble que le doublement de la quantité de dioxyde de
carbone va faire augmenter la température de la terre de plusieurs degrés. En 1977,
l’opinion scientifique conçoit le changement climatique comme étant le plus grand
risque pour le siècle à venir. Quelques années plus tard, suite à des sècheresses
dévastatrices et à des irrégularités climatiques inhabituels, James Hansen, le chef de
l’institut Goddard de la NASA va témoigner devant le Congrès américain au sujet des
dangers d’inondations, de vagues de chaleur et de fonte des glaces… Ce qui fera écrire
Claude Allègre (2010) que le changement climatique n’est qu’une invention de la NASA
pour obtenir plus de crédits de la part du gouvernement fédéral.

En 1988, l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) est mis en place et


commence à produire sa série impressionnante de rapports sur l’état du climat mondial;
le cinquième de ces rapports est annoncé pour 2010.

La résistance à la théorie du changement climatique


Mais la résistance aux conclusions du GIEC (IPCC) est toujours substantielle et elle prend
trois formes : 1. Le réchauffement peut être expliqué par des fluctuations énergétiques
naturelles du soleil, 2. La quantité de GES émise par l’activité humaine n’est pas
suffisante pour provoquer un effet de serre, et 3. Même si les conclusions de l’IPCC sont
correctes, il n’y a pas de crise imminente et il n’y a aucune nécessité d’actions coûteuses
pour y répondre.

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Les grandes compagnies pétrolières et certains groupes de réflexions proches des


conservateurs financent et développent cette résistance à la théorie du changement
climatique, aidés en cela par l’ex Président Bush et le Premier Ministre Harper, tous
deux liés à l’industrie pétrolière (Thagard et Findlay, 2009). Une simple théorie en
quatre points devient un enjeu clé pour le contrôle de l’opinion publique; l’information
scientifique mise en circulation devient contradictoire et chaque individu procède alors
à son propre mélange de croyances. C’est alors que doit intervenir la logique pour
rétablir la cohérence dans les croyances.

La révision des croyances


Thagard et Findlay (2009) vont analyser la structure des inférences qui mène à
l’assertion que la planète se réchauffe à cause de la production des GES. Ils utilisent
pour cela le principe de la cohérence explicative qui tient en 7 principes : 1. Symétrie, 2.
Explication, 3. Analogie, 4. Priorité des données, 5. Contradiction, 6. Compétition et 7.
Acceptation.

L’enjeu crucial de la révision des croyances scientifiques est de faire face à des situations
où de nouvelles hypothèses ou évidences suscitent le besoin de rejeter des croyances
qui ont déjà été adoptées. Il faut donc évaluer toutes les hypothèses pertinentes en
rapport avec les nouvelles évidences. La base de données scientifique ainsi construite
se composera d’un ensemble de propositions décrivant des évidences et d’hypothèses
pour les expliquer. Pour Thagard et Findlay (2009), leur approche de recherche de la
cohérence dans les croyances rencontre bien les exigences fixées par Gärdenfors (1988,
1992) qui décrit les trois types de changement de croyances : expansion, révision, et
contraction. On parle d’expansion quand une nouvelle proposition est introduite dans
un système de croyances, de révision quand une nouvelle proposition implique le rejet
d’une ou de plusieurs anciennes propositions contradictoires, et de contraction quand
certaines propositions ne contribuent plus à maximiser la cohérence.

En conclusion de leur analyse, Thagard et Findlay (2009) soutiennent que la cohérence


explicative et émotionnelle permet de comprendre l’adoption rationnelle de
l’hypothèse du réchauffement de la planète suite aux activités humaines. De plus, des
déviations d’une révision des croyances rationnelles sous la forme de réfutation induite
par l’émotion peuvent être comprises en termes d’intrusion de valeurs émotionnelles
politiques dans l’évaluation de la meilleure explication. Comme la résistance à la
théorie de l’évolution de Darwin de poursuit de nos jours, la résistance à la théorie du
changement climatique implique de faire face à des contraintes émotionnelles autant
que cognitives.

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Cette importance de l’émotion est présente également dans l’évaluation des risques et
impacts du changement climatique. La section suivante, et dernière avant la conclusion,
revoit l’approche de Kahneman et Tversky où l’émotion peut se substituer à la pensée
rationnelle.

Souci environnemental et calcul des risques du changement


climatique

Le troisième rapport du GRIEC a été sévèrement critiqué pour n’avoir pas présenté les
projections de réchauffement climatique pour le 21 ème siècle à l’aide de probabilités
quantitatives. Mais la mise au point de prévisions quantifiées pose des défis
fondamentaux, en particulier au sujet de l’incertitude de la réponse du système et de
l’erreur du modèle (Allen et al., 2004). Il faut donc distinguer entre les incertitudes
suivantes : l’incertitude de scénario (incertitude due à différents scénarios d’émission de
GES); la variabilité naturelle (la variabilité climatique chaotique interne et celle
provenant de l’extérieur, du soleil, des volcans etc.); et l’incertitude de la réponse
(l’incertitude due à notre ignorance - état insuffisant de connaissances scientifique et
technologique - de la réponse du système climatique quand il est soumis à certaines
forces). En fait, l’incertitude de la réponse contribue pour 50% à l’incertitude des
prévisions pour l’année 2100, le reste étant dû principalement à des incertitudes de
scénario (idem).

Cette notion d’incertitude de la réponse est liée directement au principe de précaution


qui a l’ambition de régler les cas pour lesquels l’incertitude est due principalement à un
état insuffisant de connaissances scientifique et technologique (Dupuy et Grinbaum,
2004). Le principe de précaution fondé sur l’incertitude de la réponse, ne tient pas
compte de l’importante incertitude de type scénario pour le changement climatique.
Cependant, des pays comme la France ont inclus dans leur Constitution un principe de
précaution environnementale (article 5 de la Charte de l’environnement en France,
Charte qui a été constitutionnalisée en 2005) : « Lorsque la réalisation d’un dommage,
bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière
grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du
principe de précaution, à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin
d’éviter la réalisation du dommage »(Le Monde, 21 avril 2010).

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Figure 2. La distinction entre probabilité, conséquence et risque (GIEC, 2003)

Quelques exemples soulèvent certaines questions relatives à l’application du principe de


précaution. Après les 5 jours de paralysie du ciel européen provoquée par le volcan
islandais Eyjafjöl, ce principe de précaution n’est-il pas dans les faits un principe
d’anxiété? Après une réaction disproportionnée à la menace de la grippe H1N1 et la
fermeture de l’espace aérien européen, on oublierait de mesurer la réalité effective du
danger qui peut être reliée à l’incertitude de scénario. Par manque de volonté et de
rigueur, le principe de précaution semble être précédé d’un principe de suspicion et
d’anxiété (idem).

L’approche rationnelle de Kahneman et Tversky (KT) fait justement la distinction entre le


risque comme une sensation et le risque comme calcul ou computation : ce sont les
systèmes 1 et systèmes 2 décrits dans de nombreuses contributions du Prix Nobel
Daniel Kahneman, récompense partagée en 2002 avec Vernon Smith. Bref, une réaction
émotive guidée par le système 1 de KT se substitue à un effort rationnel d’examen des
risques et des options qui devrait mobiliser le système 2. En effet, le risque peut être un

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sentiment ou une sensation traité par le système 1, ou une computation ou un calcul,


traité par le système 2.

Quand le risque est une sensation, cette association est dirigée par un affect. Cette
association implique alors le système 1, le système cognitif qui génère des réactions
rapides, automatiques et viscérales, particulièrement lors d’expériences récentes et
personnelles.

Quand le risque est une computation, le système 2 désigne alors un système analytique
trouvant ses fondements dans la logique formelle, les statistiques Bayésiennes, le calcul
des probabilités, qui fonctionne lentement. Il peut être mobilisé délibérément et
consciemment par des humains mais il manque alors de support affectif (Weber, 2006).
Dans le cas du changement climatique, le résultat du fonctionnement des systèmes 1 et
2 décrits par KT aboutit au paradoxe suivant : notre système analytique nous suggère de
sérieuses menaces dans le futur alors que notre système affectif ne nous alerte pas. Or,
l’attention provoquée par le volcan islandais Eyjafjöl et la perception consciente des
impacts du nuage jumelée à une sensation d’anxiété permet l’application rapide d’un
principe de précaution environnementale. Mais dans le cas du changement climatique,
la menace est diffuse, l’attention est absente, les sensations très limitées ce qui ne
permet pas aux autorités publiques de déclencher des mesures drastiques en vertu d’un
principe de précaution environnementale.

Comme le changement climatique est un changement sans précédent dans son


ampleur, les personnes tendent plutôt à l’ignorer ou à en atténuer les effets. Pour
Heidbrink (2007), l’incertitude dans la prise de décision s’étend ainsi au domaine de
l’éthique de la responsabilité et, par conséquent, au principe de précaution en ce sens
que nous devrions nous considérer responsables des conséquences de nos actions
même si nous ne pouvons les prédire. Mais l’éthique de la responsabilité semble nous
éloigner des exigences de la pensée rationnelle.

Pour KT, les individus ne sont pas habitués à investir les efforts nécessaires à pensée
rationnelle : People are not accustomed to thinking hard, and are often content to trust
a plausible judgment that comes to mind. Les gens se fient alors à un nombre limité de
principes heuristiques qui réduisent les tâches complexes d’attribution des probabilités
et de prédiction de valeurs à de simples opérations de jugement. L’attribution subjective
de probabilités ressemble à l’évaluation subjective de quantités physiques telles que la
distance et la taille.

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Figure 3. Représentation des probabilités de distribution de la sensibilité du climat


de 16 experts du GIEC

Les experts scientifiques en changement climatique font face à ces heuristiques. Pour
Morgan (2004), les protocoles d’entrevue qui servent à obtenir des probabilités
subjectives doivent tenir compte de biais potentiels comme l’excès de confiance et les
heuristiques de jugement. Les jugements sont effectués selon des règles heuristiques.
Selon Kahneman et Tversky, il existe trois types d’heuristiques de jugement:
representativeness (représentativité : les personnes jugent la vraisemblance qu’un objet
appartienne à une classe particulière en termes de sa ressemblance avec cette classe),
availability (disponibilité : un jugement de probabilité dépend de l’aisance avec laquelle
une personne peut penser le précédentes occurrences de cet événement ou peut
imaginer de telles occurrences) et anchoring (ancrage : un jugement de probabilité est

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souvent dépendant du point de départ de ce jugement qui devient alors un ancrage)


ainsi qu’une douzaine de biais systématiques.

La quantification de l’incertitude structurelle - c.à.d. l’incertitude quant à l’existence et


la définition de toutes les variables pertinentes et les relations fonctionnelles existant
entre ces variables - se fait au moyen de la formulation de différentes alternatives
plausibles portant sur des relations non encore parfaitement connues. Les estimations
des experts seront ensuite recueillies et présentées sur des graphes du type présenté à
la figure 2.

Au cours de leurs discussions portant sur leurs jugements de probabilité, les experts en
changement climatique du GIEC ont mis au point un style de communication qui impose
de discuter de probabilités non avec des chiffres mais bien à partir de mots. Mais ces
mots possèdent une signification intuitive pour beaucoup de personnes. De ce fait, les
auteurs du rapport se sont efforcés de définir des étendues de probabilité à l’aide de
correspondances avec 7 termes tels que virtuellement certain, probable, plausible,
possible, improbable etc.

Que faut-il retenir de cette dimension cognitive rationnelle du changement climatique.


Dans leurs écrits de 1974, KT ne proposent pas de définition précise du concept
d’heuristique : il s’agit à la fois des principes, des processus, de cues. En 2002, leur
définition générique de l’heuristique devient celle-ci: il y a utilisation d’une heuristique
quand une personne évalue un attribut cible de l’objet d’un jugement en lui substituant
un attribut heuristique qui lui vient plus rapidement, facilement à l’esprit. Le mot a deux
sens: 1. un processus cognitif, 2. une substitution qui se produit lors d’un jugement
particulier.

L’essence de la substitution d’attribut, c’est d’offrir une réponse raisonnable à une


question qui n’a pas été posée. Autrement dit: l’évaluation d’un attribut heuristique
vient immédiatement à l’esprit et sa relation associative avec l’attribut cible est
suffisante pour échapper au contrôle du système 2. Nous avons vu que notre système
analytique – le système 2 - nous suggère de sérieuses menaces dans le futur alors que
notre système affectif ne nous alerte pas.

Le changement climatique est donc un défi cognitif pour le système 2. Nous avons
passé en revue certaines de ses caractéristiques cognitives : manque d’attention et de
conscience chez l’homme alors qu’un concept de justice environnementale globale se
développe sous forme d’exemplaires; difficultés de partager une théorie cohérente du

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[DÉFIS COGNITIFS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE] 9 juin 2010

changement climatique, théorie toujours défiée par des croyances plus idéologiques
que scientifiques et finalement absence relative d’émotions telle que l’anxiété quant à
son impact.

Évidemment, le fait que le changement climatique soit un défi cognitif pour notre
système analytique place la communauté scientifique au cœur de ce défi. Et comme le
travail de prédiction est un travail d’analyse de l’incertitude et du risque, les
heuristiques de jugement seront toujours présentes et les experts veillent – y compris à
l’intérieur du GIEC – à les baliser.

Synthèse et conclusion

Nous avons volontairement restreint la littérature en sciences de la cognition à quatre


thèmes : la conscience, le concept, les croyances et l’approche rationnelle. À l’intérieur
de ces thèmes, nous avons peu discuté des débats qui opposent certains protagonistes
tels que les liens entre perception et représentation (est-ce le but de la perception de
fournir des représentations précises?), la réduction ou non de la conscience et des
qualia, la nature rationnelle ou irrationnelle de l’être humain, ou les rôles des
composantes internes et externes de la cognition (Stainton, 2006).

Nous avons voulu, en examinant quelques défis cognitifs du changement climatique,


apprendre ce que les sciences de la cognition pouvaient nous enseigner au sujet du
quasi échec de la conférence de Copenhagen (décembre 2009). Nous avons montré que
les thèmes des sciences de la cognition retenus expliquaient les symptômes observés
autour du changement climatique tels que : absence de définition commune du
phénomène du changement climatique, déni et désinformation, négociations sans
aboutissement, interprétations idéologiques d’un phénomène qui ne devrait relever que
de la science, questionnement des croyances des chercheurs et de la valeur de la
science, réactions émotives et difficultés d’évaluation des risques.

Est-ce que le explications proposées à l’aide des théories de la perception consciente,


du concept de la justice environnementale globale, de la cohérence des croyances et
des biais cognitifs sont susceptibles d’aider les décideurs et les professionnels concernés
par le changement climatique tels que les hommes politiques, les urbanistes, les
architectes et les gestionnaires à concevoir, évaluer et mettre en œuvre des stratégies
‘vertes’?

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En fait, la littérature en gestion propose 5 raisons qui poussent les compagnies à


adopter des stratégies ‘vertes’ (Townsend, 2006). Ce sont :

1. Les valeurs et les impacts environnementaux


2. Les règlements gouvernementaux
3. Les opportunités et les pertes économiques
4. Les crises organisationnelles
5. La pression des parties prenantes.

Les valeurs et les impacts environnementaux ne sont pas mutuellement exclusifs. Les
valeurs environnementales sont, par exemple, une croyance dans le droit des êtres
vivants à bénéficier d’un environnement sain, ce qui peut pousser une compagnie ou un
ensemble de compagnies à revoir les GES émis par une chaîne logistique. Les
règlements gouvernementaux attirent l’attention des gestionnaires et peuvent les
amener à une perception consciente des impacts sur le climat de leurs activités. Les
opportunités économiques impliquent la conception de nouveaux produits ou processus
‘verts’ alors que le risque de perte est lié à une non-conformité environnementale. Les
développements de KT sont utiles pour réfléchir aux gains et aux pertes dans le futur.
Les crises organisationnelles font suite à des crises qui peuvent résulter de manque de
transparence, de comportements non éthiques ou de fautes de gestion, telle que la
crise de marée noire dans le golfe du Mexique (New York Times, 2010).

Le tableau 2 croise les cinq causes sociétales, écologiques, réglementaires,


organisationnelles et économiques de la mise en place de stratégies ‘vertes’ avec les
quatre défis abordés dans ce travail. De façon non limitative, il apparaît que les valeurs
et impact environnementaux posent – à l’entreprise ou à l’organisation publique - un
défi de justice environnementale globale relié à la définition même de la mission de
l’organisation. Les règlements gouvernementaux sont nombreux dans les pays
développés, ils imposent aux organisations d’orienter leur attention vers les
caractéristiques environnementales de leurs produits et processus de fabrication.
L’évaluation des opportunités économiques, liées par exemple au lancement de
nouveaux produits verts, peut être enrichie par les réflexions de KT sur les heuristiques
de jugement. Les crises organisationnelles, parfois générées par des crises écologiques,
modifient les motifs d’attention et interrogent l’ensemble des croyances qui confèrent à
l’entreprise sa théorie des affaires (Voir Drucker, 1994). Finalement, les pressions des
parties prenantes doivent être traitées, qu’elles proviennent de groupes écologiques, de

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[DÉFIS COGNITIFS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE] 9 juin 2010

consommateurs, de fournisseurs ou d’actionnaires. La variété de ces pressions multiple


la nature des défis cognitifs reliés à la mise en place de stratégies vertes.

Tableau 2. Défis cognitifs et stratégies vertes

Attention Justice Croyances Biais


conscience environnementale théorie cognitifs
globale
Les valeurs et les impacts
environnementaux +++
Les règlements
gouvernementaux +++
Les opportunités et les
pertes économiques +++
Les crises
organisationnelles +++ +++
La pression des parties
prenantes +++ +++ +++ +++

En conclusion, l’analyse des défis cognitifs du changement climatique – dans laquelle de


nombreux chercheurs en psychologie, sociologie et cognition se sont déjà investis – est
une introduction pertinente aux défis cognitifs de la conception, de l’évaluation et de la
mise en œuvre de stratégies ‘ vertes’.

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i
Le changement climatique devrait produire en effet des changements tels que le retrait des glaciers, la fonte de la
banquise, l’élévation du niveau moyen des océans, la modification des régimes de précipitations pouvant entraîner
inondations et sécheresses, l’augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements climatiques extrêmes
comme les ouragans ou les cyclones, la modification de la circulation de courants marins comme le Gulf Stream. Sans
compter les effets sur l’agriculture et les conséquences sur les risques de disparition de la faune et la flore.

ii CONSCIENTS DU PROBLÈME QUE POURRAIT POSER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE À L’ÉCHELLE DU GLOBE, L’ORGANISATION MÉTÉOROLOGIQUE MONDIALE
(OMM) ET LE PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L’ENVIRONNEMENT (PNUE) ONT CRÉÉ, EN 1988, LE GROUPE D’EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR
L’ÉVOLUTION DU CLIMAT (GIEC). LE GIEC EST UN ORGANE INTERGOUVERNEMENTAL QUI EST OUVERT À TOUS LES PAYS MEMBRES DE L’ONU ET DE L’OMM.

LE GIEC A POUR MISSION D’ÉVALUER, SANS PARTI PRIS ET DE FAÇON MÉTHODIQUE, CLAIRE ET OBJECTIVE, LES INFORMATIONS D’ORDRE SCIENTIFIQUE,
TECHNIQUE ET SOCIO-ÉCONOMIQUE QUI NOUS SONT NÉCESSAIRES POUR MIEUX COMPRENDRE LES FONDEMENTS SCIENTIFIQUES DES RISQUES LIÉS AU
CHANGEMENT CLIMATIQUE D’ORIGINE HUMAINE, CERNER PLUS PRÉCISÉMENT LES CONSÉQUENCES POSSIBLES DE CE CHANGEMENT ET ENVISAGER
D’ÉVENTUELLES STRATÉGIES D’ADAPTATION ET D’ATTÉNUATION. IL N’A PAS POUR MANDAT D’ENTREPRENDRE DES TRAVAUX DE RECHERCHE NI DE SUIVRE
L’ÉVOLUTION DES VARIABLES CLIMATOLOGIQUES OU D’AUTRES PARAMÈTRES PERTINENTS. SES ÉVALUATIONS SONT PRINCIPALEMENT FONDÉES SUR LES
PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES DONT LA VALEUR SCIENTIFIQUE EST LARGEMENT RECONNUE.

L’UNE DES PRINCIPALES ACTIVITÉS DU GIEC CONSISTE À PROCÉDER, À INTERVALLES RÉGULIERS, À UNE ÉVALUATION DE L’ÉTAT DES CONNAISSANCES RELATIVES
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE. LE GIEC ÉLABORE AUSSI DES RAPPORTS SPÉCIAUX ET DES DOCUMENTS TECHNIQUES SUR DES SUJETS QUI NÉCESSITENT DES
INFORMATIONS ET DES AVIS SCIENTIFIQUES INDÉPENDANTS ET CONTRIBUE EN OUTRE À LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (CHANGEMENT CLIMATIQUENUCHANGEMENT CLIMATIQUE) PAR SES TRAVAUX SUR LES MÉTHODES À APPLIQUER POUR LES
INVENTAIRES NATIONAUX DE GAZ À EFFET DE SERRE.

LE GIEC DÉFINIT ACTUELLEMENT LES GRANDES LIGNES DU CINQUIÈME RAPPORT D’EVALUATION (AR5), QUI PARAÎTRA EN 2014. COMME CE FUT LE CAS DANS LE
PASSÉ, LES GRANDES LIGNES SONT ÉLABORÉES SELON DES MODALITÉS PRÉCISES AUXQUELLES DOIVENT SE CONFORMER DES SPÉCIALISTES DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE DE TOUTES LES DISCIPLINES ET DES UTILISATEURS DES RAPPORTS DU GIEC, EN PARTICULIER LES REPRÉSENTANTS GOUVERNEMENTAUX. LES
GRANDES LIGNES SERONT PRÉSENTÉES À LA TRENTE ET UNIÈME ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU GIEC ET AUX SESSIONS DE SES TROIS GROUPES DE TRAVAIL, QUI SE
RÉUNIRONT À BALI, INDONÉSIE, DU 26 AU 29 OCTOBRE 2009.

LE GIEC EST AUSSI EN TRAIN D’ÉLABORER DEUX RAPPORTS SPÉCIAUX. UN RAPPORT SPÉCIAL SUR “ LES SOURCES D’ÉNERGIE RENOUVELABLES ET LES MESURES
D’ATTÉNUATION DU CHANGEMENT CLIMATIQUE” DEVRAIT ÊTRE PRÊT EN 2010. LE RAPPORT SPÉCIAL “ GÉRER LES RISQUES D’ÉVÉNEMENTS EXTRÊMES ET DES
CATASTROPHES POUR AMÉLIORER L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE” EST AUSSI EN PRÉPARATION ET VA SORTIR EN 2011. (SOURCE :
http://www.ipchangement climatique.ch/home_languages_main_french.htm#1 ).

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