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LA PSALMODIE INTÉRIEUR DE L’OFFICE DE LA VIERGE

TANT SELON L'USAGE ROMAIN QUE SELON LE MONASTIQUE

PRÉFACE

&

CHAPITRE PREMIER :

MÉDITATION DES PSAUMES

DE

MATINES

DOM INNOCENT LE MASSON

A Grenoble
Par Andre Faure Imprimeur et Libraire
1689
Avec Approbation & Privilège du Roy

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Aux vénérables religieuses chartreuses

vénérables sœurs en Notre Seigneur,

Vous avez lu tant de fois dans la vie de votre Saint Instituteur de quels moyens la Providence Divine s'est servi
pour introduire dans l'Ordre des Chartreux l'usage d'y dire tous les jours l'Office de la Sainte Vierge, qu'il seroit superflu
de vous en faire ici un long entretien. C'est par une voie miraculeuse que Dieu en a signifié sa volonté aux premiers
Pères de l'Ordre. L’Apôtre saint Pierre leur apparut & leur suggéra cette pratique envers la Sainte Mère de Dieu comme
un moyen qui leur attireroit une grâce particulière qui leur rendroit possible ce qu'ils croioient ne pouvoir plus supporter
; l'austérité de leur désert leur avoit abattu le courage de telle sorte qu'ils étoient déjà en chemin de l'abandonner ; mais
l’apôtre leur ayant suggéré cet exercice de dévotion, de dire chaque jour l'Office de la Vierge, & ayant acquiescé à ses
conseils, ils en ressentirent aussi-tôt les effets, & n'en eurent pas plutôt entrepris la pratique, que leur dégoût s'évanouit,
ils furent remplis de force & de courage, & ils demeurèrent avec consolation d'esprit dans le lieu qui leur avoit paru peu
de temps auparavant insupportable, & ils ont comme transporté à leurs successeurs le même avantage. Vous pouvez
juger de là, Vénérables sœurs, ce que vous devez attendre de la protection de la sainte Vierge, & ce que vous vaudra son
intercession auprès de Dieu, si vous vous servez de ce moyen avec l'estime & la dévotion qu'il mérite, puisque c'est la
divine majesté qui l'a envoyé elle-même annoncer à vos premiers Pères par le Prince des Apôtres.
C'est aussi pour vous aider à le bien mettre en pratique que j'ai satisfait au pressant désir que vous m'avez
témoigné d'avoir cet Office expliqué en la même manière que nous vous avons déjà donné plusieurs psaumes de David
dans les livres de la Psalmodie Intérieure. Je m'estimerais bien récompensé de mon travail, s'il contribue à vous faire
croître dans l'homme intérieur, jusqu'à devenir des Filles élevées au dessus de toute la terre & parvenues à cet état que le
prophète Isaïe attribue aux bons solitaires de s'élever au dessus d'eux même. C'est le grand moyen de connoitre Dieu, de
le contempler, & de s'unir à lui par une ardente charité commencée en cette vie qui se consommera dans l'autre durant
toute l'éternité. C'est aussi le grand bien que le vous souhaite,
& que vous recommandiez à Dieu les besoins de celui qui est

Votre très affectionné confrère F. I. P. D. C.

Approbation de monseigneur l’éminentissime & révérendissime Cardinal, Évêque, et Prince de Grenoble.

Nous Cardinal le Camus, Évêque & Prince de Grenoble, avons vu l'Office de la Sainte Vierge & celui des morts avec
les explications morales qui y sont ajoutées. Nous les avons trouvées dignes de l'auteur. Il n'y a rien que d’orthodoxe &
de très édifiant.
Donné à Grenoble le 8 juillet 1898
Le Cardinal le Camus

Autre approbation

Nous soussignés docteurs en théologie de la Maison & société de Sorbonne, avons lû les livres intitulés la psalmodie
intérieure composés par … que nous estimons d'une grande utilité, non seulement pour les religieux de son Ordre, mais
aussi pour tous ceux qui psalmodient, & généralement pour tous ceux qui les liront. En foi de quoi nous avons rendu ce
témoignage.
Fait à Lyon ce 20 aout 1698
Morange. Cohade.

Autre approbation

Il y a selon l’apôtre une division de grâce dans l’église mais c'est un même & seul esprit qui les produit. On voit de
même sortir tous les jours de la solitude savante & laborieuse du révérendissime Dom N. différents ouvrages, mais c'est
toujours son seul & même esprit, étendu, profond, aisé, qu'on y reconnoit, toujours égal à lui même. Il ne se dément
point dans ses plus petits ouvrages. Cette nouvelle explication de l'Office des morts & de celui de la Sainte Vierge est
rempli d'onction & de sentiments capables d'occuper saintement ceux qui le doivent réciter. J'y ai trouvé avec plaisir
tout ce que la vue de la mort peut inspirer de lugubre & de triste à un solitaire pénitent, & tout ce que la dévotion de la
sainte vierge donne de tendresse & de grâce à une âme pure qui lui est consacrée. C'est le témoignage que j'en rends. &
qu'il sera fort utile non seulement aux religieuses de son Ordre mais aussi à toutes celles qui n'ont point d'autre Office
que celui de la sainte Vierge.
À Lyon ce 22 septembre 1698
Terrasson custode.

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Matines

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C'est l'usage commun de l’Église de faire précéder chaque Office Divin de l'Oraison Dominicale, comme étant
la prière des prières & le fondement de toutes les prières. On y joint la salutation angélique pour honorer & interposer
l'intercession de celle que le Fils de Dieu a choisi pour être sa mère, & nous servir de Médiatrice auprès de lui.
L'usage de notre Ordre est de dire trois fois le Pater & l'Ave avant que de commencer l'Office canonique des
matines du jour nous disons aussi trios fois l'Ave Maria en l'honneur de la Très Sainte Trinité avant que de commencer
les matines de la sainte Vierge, à laquelle ces trois répétitions se peuvent appliquer comme à la Fille du Père, à la Mère
du Fils, & à l'Epouse du Saint Esprit.
Tous les Offices divins se commencent régulièrement par ces paroles du psaume 69 Venez à mon aide ô mon
Dieu &c. Mais on les fait précéder aux Matines de la Vierges par ces autres paroles du psaume 50 Domine labia mea
aperies, en la manière qui suit.

Domine, labia mea aperies


Seigneur, vous ouvrirez mes lèvres
et os meum annuntiabit laudem tuam.
& ma bouche annoncera vos louanges.

Deus, in adjutorium meum intende


Venez à mon aide, ô mon DIeu
Domine, ad adjuvandum me festina.
Hâtez vous seigneur de me secourir

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


Gloire soit au Père & au Fils & au Saint Esprit
R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.
Et qu'elle soit telle & toujours & dans les siècles des siècles, qu'elle a été dans le commencement & dans [-]

L'invitatoire & le psaume 94 Venite exultemus

Ce que nous appelons invitatoire dans l'Office divin est un sujet compris en peu de paroles qui sont
ordinairement tirées de l'Écriture sainte & qui ont quelque rapport avec la fête qu'on célèbre le même jour. Ces paroles
nous invitent à louer Dieu sur le même sujet & à rapporter ce que David nous va enseigner dans ce psaume. On
l’appelle invitatoire parce qu'il contient & nous présente une idée sur laquelle nous sommes comme invités de former
nos intentions & de nous animer à louer Dieu du cœur, aussi bien que de la bouche.
On répète cet invitatoire entier ou en partie à chaque verset du psaume venite qui se chante seulement par ceux
qui font l'Office de chantre ; mais tout le chœur répète l'invitatoire à la fin de chaque strophe pour témoigner qu'il
correspond d'intention & d'attention à ce que dit le chantre, & le chœur renouvelle ainsi ce qui a été choisi pour servir
de sujet de louer Dieu en ce jour. C’est comme une répétition qui se fait du thème d'un sermon sur lequel on fait rouler
tout le discours.
Les paroles de l'invitatoire de l'Office de la Sainte Vierge, selon l'usage de l'Ordre sont celles ci

Ave Maria gratia plena Dominus tecum


Je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous.

On répète cet invitatoire plusieurs fois en la manière & aux endroits marqués si après.

Ces paroles nous veulent donc faire entendre que le sujet qui nous doit exciter à pratiquer ce que ce beau
psaume venite exultemus nous apprend & demande de nous, c'est cette salutation angélique faite à la sainte vierge par
laquelle on lui annonce ce que Dieu veut opérer dans elle, & la faire mère de son Fils qui est Dieu comme lui. Ce sujet
nous doit remplir le cœur de sentiments de reconnaissance & d'amour envers Dieu, & d'une dévotion très respctueuse
envers celle que le Fils de Dieu a choisie entre toutes les femmes pour être sa mère.

L'invitatoire est commencé par le chantre & poursuivi par tout le chœur, & ensuite le petit chantre chante seul
le venite, dont voici le texte & l'explication.

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v. 1 Venite, exsultemus Domino; jubilemus Deo salutari nostro
Venez, réjouissons nous au seigneur, chantons en l'honneur de Dieu notre Sauveur.
v. 2 præoccupemus faciem ejus in confessione, et in psalmis jubilemus ei
[-] présenter devant lui pour célébrer ses louanges & chantons sur des instruments des cantiques à sa gloire.

Ave Maria gratia plena Dominus tecum

C'est avec bien de la convenance & de la raison que l’église a choisi ce psaume pour être placé dans le premier
Office du jour, qui se dit incontinent après être sorti du sommeil de la nuit ; ce terme venez signifie un concours qui se
doit faire de plusieurs personnes, dont les uns appellent les autres comme pour les éveiller & pour les exciter à se
joindre à eux pour faire ensemble une même action.
C'est une espèce de nouvelle vie de raison dans laquelle nous entrons en sortant du sommeil, & l’église nous
apprend par ce psaume quelle est le premier usage que nous en devons faire dans le nouveau jour que Dieu nous donne,
à savoir d’élever nos cœurs à Dieu & nous animer les uns les autres à le louer. L'amour que nous lui devons & la
reconoissance de ses bienfaits qu'il ne cesse de répandre sur nous de jour & de nuit, nous doit remplir d'une joie
ineffable d'avoir un Dieu si bon & si libéral, qui veille sur nous pendant même que nous dormons.
Sans cette joie, au moins la spirituelle, qui réside dans la raison & dans le fond de l'âme, le chant extérieur des
louanges de Dieu ne peut être animé & il ne seroit tout au plus que comme le son d'un instrument, qui n'est point
capable d'être touché de ce qu'il chante.
Le prophète se sert ici du terme de Sauveur comme étant une qualité qui peut exciter même les plus endurcis,
leur remettant devant les yeux le besoin qu'ils ont d'être sauvés, & les faisant ressouvenir que s'ils n'avoient le secours
d'une mains puissante pour les sauver, ils seroient perdus.
Cette exhortation à se hâter marque l’émulation que chacun des conviés à louer Dieu doit avoir de paroitre
devant lui pour lui rendre ses devoirs des le grand matin ; mais elle signifie encore plus la disposition Intérieure où
nous devons être pour bien faire cette action, qui consiste à avoir dans le cœur une humble reconnaissance que Dieu est
tout & que nous ne sommes rien ; l'amour, l'estime & la reconnaissance que nous devons avoir pour lui étant joints
ensemble, nous mettrons en état de faire une vraie jubilation de cœur, qui n'est qu'une marque qui fait connoitre au
dehors par un chant d’allégresse que nos sentiments surpassent tout ce que nous pouvons exprimer par nos paroles.
Ô mon Dieu, tout m'invite & me presse de m'étudier à bien faire ce que votre saint Prophète m'enseigne ici. Ce
seroit vouloir vivre en bête, que de ne vouloir point reconnoitre d'abord au sortir des ténèbres & du sommeil de la nuit
celui qui est l'auteur de ma vie & de qui je dois recevoir toutes choses pendant le jour nouveau où je vais entrer &
durant tout le cours de ma vie. Que puis-je Vous présenter de ma part pour correspondre à votre amour & à vos bienfaits
? Rien sans doute qu'une joie de ce que vous êtes ce que vous êtes, & que des louanges en reconnoisance des biens dont
vous me comblez. Ouvrez moi je vous prie le cœur & l'esprit, afin que se joignat à mes paroles, je me réjouisse en
vous, je vous loue & je vous adore en esprit & en vérité.

v. 3 quoniam Deus magnus Dominus, et rex magnus super omnes deos.


Parce que le seigneur est le grand Dieu & le grand Roi au dessus de tous les dieux.

v. 4 Quia in manu ejus sunt omnes fines terræ, et altitudines montium ipsius sunt
Parce que la terre dans toute son étendue est dans sa main, & que les hautes montagnes lui appartiennent.

Dominus tecum

Le saint Prophète nous ayant excité à élever nos cœurs & nos esprits à Dieu pour lui rendre nos
reconnoissances & nos louanges, nous met devant les yeux ce qui peut toucher le plus nos sens grossiers, & les porter à
reconnoitre autant qu'ils en sont capables ce que Dieu est, ce que nous lui devons, & ce que nous devons attendre de sa
Toute-Puissance.
Il commence par nous montrer que le domaine que Dieu a sur toutes choses est infiniment élevé au desus de
celui des Rois, & que tous ceux à qui ont donnoit le nom de dieux sur la terre, soit ceux à qui les idolâtres rendoient un
culte sacrilége & qui n'étoient que des démons, soit les juges & les puissants de la terre qui n'étoient à l’égard de Dieu
que comme des esclaves à l'égard d'un grand monarque.
Il expose ensuite une autre raison pressante pour engager les hommes à louer Dieu & à l'adorer : c'est que la
terre qui les soutient & qui est leur mère, cette terre d'où ils tirent leur nourriture & leur entretien, toutes ses hauteurs,
toutes ses profondeurs, & toute son étendue sont entre ses mains comme une chose dont il peut disposer selon son bon
plaisir, tout de même que le potier qui tient un morceau d'argile.
Ô mon seigneur, le Ciel & la terre, la mer & tout ce qu'elle contient sont remplis de votre gloire, car tout ce qui
y est sert à la manifester aux anges & aux hommes : donnez moi un cœur de chair qui soit sensible à tous vos bienfaits,
& une raison eclairée, afin que tout ce que je voie & tout ce que je connois de vos admirables ouvrages, & les utilités qe
j'en reçoit me soient un motif continuel de vous en donner des louanges.

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v. 5 quoniam ipsius est mare, et ipse fecit illud, et siccam manus ejus formaverunt.
Parce que la mer est à lui, qu'elle est l'ouvrage de ses mains, & que ses mains ont formées la terre sèche qui
l'environne.

v. 6 Venite, adoremus, et procidamus, et ploremus ante Dominum qui fecit nos


Venez, adorons le, prosternons nous devant le Seigneur qui nous a crée.

v. 7 quia ipse est Dominus Deus noster, et nos populus pascuæ ejus, et oves manus ejus.
Parce qu'il est le Seigneur notre Dieu & que nous sommes sont peuple qu'il nourrit dans ses pâturages & ses
brebis qu'il conduit comme avec la main.

Ave Maria gratia plena Dominus tecum

De la terre il passe à la mer dans le verset qui suit & nous porte à considérer ce que la toute puissante main de
Dieu a fait pour envelopper ses eaux dans de la terre sèche, afin de nous faire jouir de leur utilité & de ce qu'elles
produisent, sans que nous soyons empêché de marcher sur la terre & de recueillir ses fruits. Ce sont des raisons tirées
des choses qui nous sont les plus sensibles & les plus ordinaires, les plus communes & les plus nécessaires que le
prophète nous met devant les yeux pour nous porter à louer Dieu avec des sentiments spirituels, que nous tachions de
proportionner autant qu'il nous est possible à sa grandeur, à sa toute-puissance, & à ses bienfaits.
Le cœur & les affections du saint Prophète s'échauffent à mesure qu'il parles des merveilles de Dieu & de ce
que nous lui devons. Il presse de nouveau ses auditeurs de venir rendre à Dieu leur reconnaissance & leurs devoirs, non
pas seulement par des Cantiques & par des louanges, mais en l'adorant, en se prosternant & en pleurant devant lui. Il
nous y invite par deux raisons pressantes, l'une qu'il nous a fait ce que nous sommes en nous tirant du néant, & l'autre
qu'il nous nourrit & nous conduit comme un pasteur qui gouverne & garde son troupeau.
Nous lui devons l'adoration comme au souverain maitre de notre vie & de toutes choses, nous devons nous
prosterner devant lui, pour lui témoigner notre parfaite soumission, & nous lui devons des larmes du cœur & de la
pénitence, afin d'attirer sa miséricorde sur les ingratitudes & les infidélités que nous avons commises contre lui. Il nous
a donné tout ce que nous avons, mais ce qui perfectionne les œuvres de sa bonté, c'est qu'il nous gouverne par sa
providence, & qu'il nous tient sous ses soins & sous sa conduite, comme le berger y tient ses brebis. Le prophète nous
appelle les brebis de sa main pour nous apprendre que c'est elle proprement qui nous conduit & qui nous soutient, car
quelques secours extérieurs que nous ayons, des docteurs & des pasteurs pour notre conduite, tous ses secours seroient
inutiles s'il n'y mettoit la main lui même & s'il n'y ajoutoit ses inspirations & ses grâces intérieures. Les autres ne font
que comme cultiver & arroser l'arbre, mais c'est lui qui donne l'accroissement.
Ô mon Dieu, je m'estimerois heureux si je savois bien pratiquer devant vos yeux ce que votre prophète
m'enseigne que je dois faire. Les hommes ne peuvent m'apprendre que la manière de Vous rendre une adoration
extérieure, mais c'est vous seul qui pouvez y joindre les deux qualités intérieures qui vous la rendront agréable : l'esprit
& la vérité. Je dois me prosterner devant votre Majesté en la considérant comme ce qui est au dessus de toutes choses,
mais il n'y a que vous qui puissiez me donner l'esprit d'anéantissement avec lequel je dois me prosterner devant votre
grandeur. Enfin mon Seigneur, je dois bien des larmes à votre justice pour apaiser sa colère, mais faites par votre sainte
grâce qu'elles soient accompagnées d'un cœur contrit & humilié. Je suis la brebis de votre main, faites m'en ressentir les
effets en me donnant les secours dont j'ai besoin pour bien faire ce que votre prophète me dit ici, & que je reconnois que
je dois faire.

v. 8 Hodie si vocem ejus audieritis, nolite obdurare corda vestra


Si vous entendez aujourd'hui sa voix, gardez vous bien d'endurcir vos cœurs.

v. 9 sicut in irritatione, secundum diem tentationis in deserto, ubi tentaverunt me patres vestri :
probaverunt me, et viderunt opera mea.
Comme il arriva au temps du murmure qui excita ma colère, & au jour de la tentation dans le désert, où vos
pères me tentèrent & éprouvèrent ma puissance, & furent témoins de mes œuvres miraculeuses.

Dominus tecum

Après que le saint prophète nous a invité à venir adorer Dieu comme lui, & qu'il nous a enseigné à le bien faire,
il nous donne l'avis le plus important & qui est comme la clef de notre correspondance aux desseins de Dieu, & de toute
notre bonne conduite, tant envers lui qu'à l'égard de nous mêmes, & qui nous enseigne à bien joindre les œuvres aux
paroles, sans quoi nos adorations ne seroient que de vaines cérémonies. Si vous entendez aujourd'hui sa voix.
La voix de Dieu a tout tiré du néant en prononçant fiat. Mais c'est cette même voix qui parle aux âmes & aux
cœurs d'une manière qui pour n'être pas sensible aux oreilles du corps, n'en est ni moins véritable ni moins réelle, ni
moins nécessaire, ni moins pénétrante, puisque c'est elle qui retire les hommes du néant du péché. C'est une voix toute
spirituelle & intérieure, mais qui se fait entendre & qui donne le pouvoir, le vouloir & l'accomplissement de tout le bien.
C'est cette voix de la sagesse dont Salomon dit ô hommes, c'est à vous que je crie & ma voix s'adresse aux enfants des

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hommes [Prov. 8] ; & c'est celle dont Jésus-Christ dit dans l'Apocalypse Ecce sto ad ostium & pulso me voici à la porte,
& je frappe.
Il y va de notre salut éternel de bien écouter cette voix & d'en profiter, car si elle se fait entendre & sentir, elle a
résolu de ne contraindre personne, & elle a voulu nous laisser la liberté entière de l'écouter ou de la rejeter. C'est elle qui
nous montre le chemin par où nous devons marcher en cette vie, si nous voulons y éviter les dangers de nous perdre ;
c'est elle qui nous donne la force pour bien marcher, qui nous enseigne à combattre nos ennemis, & qui nous fait
remporter sur eux la victoire.
Le saint prophète a donc bien raison de nous mettre cette vérité devant les yeux, & de nous avertir des
obstacles qui pourroient empêcher tous les bons effets, afin que nous nous en gardions avec d'autant plus de soin qu'il
nous assure qu'ils viennent de nous, & que les secours de Dieu nous mettent en état de ne pouvoir point mettre obstacle
ni à cette voix, ni à ses effets.
Si vous entendez sa voix aujourd'hui. C'est Dieu qui parle ici par la bouche de son prophète, & s'il se sert d'un
terme qui signifie une troisième personne, c'est de celle du saint Esprit qu'il veut parler. Cet aujourd'hui signifie tout le
temps de notre vie, laquelle étant finie nous ne sommes plus dans le temps & nous sommes dans l’éternité ; mais il nous
apprend aussi ce que peut produire l'abus réitéré des grâces de Dieu, qui est capable de contrister son Esprit saint &
d'attirer sur nous un terrible silence, tel qu'est celui dont il est dit dans le livre de la Sagesse je vous ai appelé & vous
n'avez point voulu m'écouter, j'ai étendu ma main & il ne s'est trouvé personne qui ne m'ait regardé. Vous avez méprisé
tous mes conseils, & vous avez négligé mes réprimandes ; je rirai aussi à votre mort, & je vous insulterai lorsque ce
que vous craignez vous arrivera [Prov. 1, 24 sq].
Ce terme si qui marque une incertitude convient bien à nos infidélités, car il nous fait connoitre que si Dieu fait
miséricorde à des milliers de milliers, ainsi que parle l'Écriture, à ceux qui ont sa crainte, on doit néanmoins redouter ce
si, qui veut dire que si nous continuons d'abuser de ses grâces il pourra bien diminuer ou retrancher les paroles
intérieures de sa voix & ses secours. Le terme d'endurcissement marque en même temps que la bonté de Dieu le porte à
parler souvent & longtemps, quoi qu'on ne rende pas à ses paroles tout le respect qu'on leur doit, mais qu'à la fin, le
cœur s'étant endurci, on tombe dans le même malheur, où sont tombés les premiers israélites, qui ont tenté Dieu en
doutant de son pouvoir ; mais à qui il a fait ressentir en bien des manières les effets de sa Toute Puissance, aussi bien par
ses châtiments que par ses bienfaits. Voilà ce que le saint prophète nous veut apprendre.
La colère de Dieu, dont il est ici parlé, ne s'excite pas sans sujet, & le Prophète nous renvoi à ce qui arriva aux
israélites, que les miracles que Dieu faisoit en leur faveur & devant leurs yeux n’empêchèrent de murmurer, de se
révolter, & de faire tout ce que l'Écriture nous rapporte dans l’Histoire de leur marche. Mais tous ces miracles n'étoient
pas suffisant pour les empêcher d'être vaincus par la cupidité, en la préférant à l'observance des lois de Dieu.
Ils ne pouvoient vaincre la cupidité & vivre dans le justice sans un secours de grâce intérieure & Dieu la leur
donnoit, car autrement il faudroit conclure qu'il n'y avoit point de juste dans l'ancienne loi, ce qui est très faux & opposé
au témoignage de l'Écriture, puisqu'elle donne la qualité de juste à Saint Siméon, à Saint Joseph, aux parents de saint
Jean & à une infinité d'autres. Il faut donc reconnoitre que Dieu donnoit aux juifs des secours intérieurs de sa grâce pour
accomplir ses lois, comme il en donne à présent ; sans quoi il seroit inutile de faire éclater sa colère contre des gens qui
n'ont pas le pouvoir d'accomplir ce qu'on leur commande. Si une semblable colère est toute opposée à la droite raison,
elle l'auroit été infiniment plus à la Justice & à la bonté de Dieu. Mais sa colère étoit très juste, parce que non seulement
les miracles visibles ne les empechoient pas de pécher, mais ils resistoient à sa grâce intérieure que Dieu leur donnoit
pour ne point pécher, s'ils avoient voulu. C'est aussi ce que leur reproche saint Étienne, en leur disant qu'ils résistoient
toujours au saint Esprit.
Ô mon Dieu, vous nous avez parlé en bien des manières & vous nous parlez encore tous les jours par vos
inspirations & par les mouvements intérieurs que vous nous donnez ; mais Hélas ! Si nous ne vous écoutons pas, & si
nous ne profitons pas comme nous devons de toutes vos paroles, c'est le bruit de nos affections & de nos passions qui
nous en empêche, c'est que nous nous écoutons trop nous mêmes, c'est que nous ne nous rendons pas assez attentifs à
votre voix, & que nous n'honorons pas assez votre sainte présence par des retours fréquents du cœur & par la prière.
Faites nous la grâce de pouvoir vous dire avec les mêmes dispositions où étoient Samuel : Parlez Seigneur, parce que
votre serviteur vous écoute, & préservez nous de tomber jamais dans le malheur d'avoir les oreilles du cœur fermées à
votre voix.

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v. 10 Quadraginta annis offensus fui generationi illi, et dixi : Semper hi errant corde.
Et isti non cognoverunt vias meas : ut juravi in ira mea : Si introibunt in requiem meam.
Je fus durant quarante ans en colère contre cette race, & je disois le cœur de ce peuple est toujours dans
l'égarement. Ils n'ont point connu mes voies & je jurai dans ma colère qu'ils n'entreroient point dans le lieu de
mon repos.

Ave Maria gratia plena Dominus tecum

Ces paroles expliquent plus ouvertement ce qui excita la colère de Dieu contre le peuple juif, ce qu'ils firent
pendant les années de leur marche dans le désert, qu'on trouve décrite dans le livre de Moise. Mais elles nous font aussi
connoitre ce qui a été la cause de l'égarement de leur cœur ils n'ont point connu les voies de Dieu. Ils n'ignoroient pas
les préceptes du Décalogue, & ils ne pouvoient pas avoir oublié que Dieu lui même l'avoit écrit de son doigt sur les
tables de Moise, puisque la chose se passa avec tant d’éclat qu'ils crurent qu'ils mourroient de peur si Dieu continuoit de
leur parler de cette sorte. Ils savoient la loi sans doute, mais ils ne connoissoient pas les voies de Dieu, parce qu'au lien
de considérer cette sainte Loi par rapport à la volonté de Dieu & à la droite raison, il la regardoient comme étant
opposée à leur cupidité, dont ils vouloient suivre les voies & non pas celles de Dieu. Ils la connoissoient mais ils ne
l'approuvoient pas, parce qu'elle étoit opposée aux désirs de leur cœur corrompu.
Le jurement de Dieu nous marque ce que sa colère lassée par l’impénitence de ceux qui le fâchent le porte
enfin à prononcer ; & il signifie un Décret irrévocable, soit de punition temporelle, soit de damnation éternelle. Nous
avons vu dans ce peuple & même dans la personne de Moise, tout fidèle serviteur de Dieu qu'il étoit l'accomplissement
de ce Décret. Craignons donc les jugements de Dieu, mais d'une manière qui soit toujours filiale, & étudions nous si
bien à nous servir de ses grâces, que nous ne l'engagions jamais à faire contre nous un semblable jurement.
Ô mon Dieu, je reconnois devant vous que j'ai bien mérité de recevoir de vous un semblable jugement. Car
combien de temps ais-je abusé de votre patience, & combien de fois ais-je excité contre moi votre colère ; mais vous
m'avez attendu afin d'avoir pitié de moi. Ce sont les mérites de mon seigneur Jésus-Christ qui ont arrêté le bras de votre
justice & qui m'ont préservé d'en ressentir le poids. Je vous offre ces mêmes mérites pour obtenir de vous la grâce d’être
autant fidèle à me soumettre à vos saintes volontés & à marcher dans vos voies, que j'ai été infidèle à écouter votre voix,
à vous obéir & à vous suivre comme mon Dieu & comme mon Pasteur. Faites moi la grâce d'imiter si bien la Foi & la
fidélité d'Abraham, que je vous engage comme lui à faire un jurement en ma faveur.

On dit à la fin de chaque psaume le gloria patri qui contient en substance ce qui doit être l'objet & la fin de
toutes nos louages & de nos actions ; & qui est aussi une protestation que nous faisons à la fin de chaque psaume de
notre reconnaissance envers Dieu de ce qui est contenu dans le paume & de ce qu'il nous apprend.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Dominus tecum.

On répète encore une fois l'invitatoire tout entier.

Ave Maria gratia plena Dominus tecum

Après le venite on chante l'hymne ; ce qu'on appelle Hymne dans l'Office Divin est une louange qui se chante
comme un cantique de joie, qui est composé ordinairement en poésie, ainsi qu'on dans les anciens hymnes de l’église,
que nous chantons encore aujourd'hui. Le chant en est d'un air particulier & propre à témoigner la joie qu'on a de
célébrer le mystère, ou les grâces que Dieu a faites au saints dont on fait la fête. C'est un saint cantique qui a plusieurs
strophes ou couplet que les deux chœurs prononcent l'un après l'autre, comme pour se provoquer à bien chanter cette
espèce de louange, dont le chant est tout musical, au lieu que celui de la psalmodie n'a que certains tons réglés.
« Les hymnes, dit saint Augustin sur le psaume 72, sont des chants qui confirment les louanges de Dieu. S'ils
contiennent des louanges mais non pas de Dieu, ce ne sont point des hymnes. Il faut donc pour faire une Hymne que ces
trois choses s'y rencontrent : qu'il soit une louange, une louange de Dieu, & qu'elle soit chanté. » Ce saint Père nous
enseigne par ses paroles les usages anciens de l’église & quelles ont été ses intentions en insérant dans les Offices
divins ce que nous appelons Hymnes.

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HYMNE DES MATINES

selon l'usage de l'Ordre

Mysterium Ecclesiae ! Hymnum Christo referimus, Quem genuit Puerpera, Verbum Patris in Filium.
Incompréhensible mystère ! Un Dieu s'être fait homme, une vierge être mère ! Ô saint & pur amour échauffez nos
esprits, pour louer dignement & la mère & le fils.

Sola in sexu femina Electa es in saeculo. Quae meruisti Dominum Sanctum portare in utero.
C'est vous ô parfaite Marie qu'on trouva seule digne & qui fûtes choisie pour accomplir un jour l'immuable dessein que
le Fils de Dieu prit de naitre en votre sein.

Vates antíqui temporis Praedixerat quod factum est, Quia Virgo conciperet Et páreret Emmanuel.
D'un consentement unanime les Prophètes ont dit qu'une Vierge sans crime par un nouveau miracle un Fils enfantera,
qui vivra parmi nous & nous rachètera.

Mysterium hoc magnum est, Mariae quod concessum est, Ut Deum, per quem omnia, Ex se prodire cerneret.
C'est dans cette fille très pure que voulut s'enfermer l'auteur de la nature, & que s'y revêtant de notre humanité, lui
conserva l'honneur de la virginité.

Gloria tibi Domine, Gloria Unigenito, Una cum sancto Spiritu In sempiterna sæcula. Amen.
Que les hommes unis aux anges célèbrent vos divines louanges, Père Fils, Saint Esprit, suprême Trinité, & puissent
avoir place en votre Éternité. Ainsi soit il.

L'hymne des matines, les antiennes, & tout ce qui est de l'usage romain se trouvera rapporté après le Te Deum.

On a choisi neuf psaumes pour servir aux matines de la sainte Vierge, & on les a divisé en trois classes sous le
nom de Nocturnes pour des jours différents, afin qu'on puisse insérer dans cet office un plus grand nombre de psaumes
qui regardent le mystère de l'Incarnation, sans pourtant que l'Office en soit plus long, & afin que l'attention en soit plus
vive, car elle diminue facilement par une trop fréquente répétition d'une même chose. Elle ne touche plus si fort le sens
quand elle est tournée en une trop grande habitude. Il faut vous dire ici un mot de ce que signifie ce terme de Nocturne.
C'étoit l'usage des anciens de diviser la nuit en quatre veilles dont chacune duroit trois heures, elles se regloient
par l'usage des Clepsydres qui marquoient les heures par l'écoulement de l'eau, au lieu qu'à présent on se sert de sable
qui passe d'un verre dans un autre, & qui a le même effet. Jésus-Christ fait mention de ces veilles quant il dit que si le
Maitre vient à la seconde & la troisième veille, & qu'il trouve ses serviteurs éveillés & sur leurs garde, ils seront
heureux à jamais.
Les soldats observoient exactement ces veilles dans l'armée, afin de se garantir des turpitudes des ennemis &
que le gros de l'armée put se reposer avec plus de sureté, pendant qu'une partie veilloit & faisoit garde. Outre ces trois
veilles dont Jésus-Christ fait mention, il y en avoit une quatrième qui est appelée celle du matin, dont il est fait mention
dans le livre de l'Exode, & qui marque le temps que l'armée de Pharaon fut abîmée sous les flots de la mer. La seconde
veille finissoit à minuit & la quatrième vers le lever du Soleil.
l’église militante qui est une armée rangée en bataille contre les ennemis invisibles & voulu dès les premiers
siècles établir des gardes & des sentinelles, qui observassent les veilles de la nuit & qui fussent comme en armes contre
les embuches de démons, par l'exercice des louanges de Dieu & de la prière, qui sont les armes des chrétiens & son
principal exercice militaire.
Et si les prêtres & les lévites de l’ancienne Loi & même le peuple juif observoient les veilles du seigneur
autour du Tabernacle de l'ancienne Alliance, à bien plus forte raison doit on faire la même chose autour du Tabernacle
du Seigneur où Jésus-Christ habite avec les hommes d'une manière dont l'Ancien Tabernacle n'étoit qu'une ombre. Voilà
d'où vient l’établissement des trois nocturnes qui correspondent à trois de ces anciennes veilles, & de l'Office des
Laudes qui fait la quatrième.
Ce qui faisoit l'occupation des ministres de l’église pendant ces veilles appelées Nocturnes, étoient des
louanges & des prières ordonnées pour chaque Nocturne. Ils étoient pour lors bien plus étendus qu'ils ne sont à présent,
& c'est peut être une des raisons pourquoi on appelle Bréviaires les livres des Heures Canoniales dont nous nous
servons à présent, car ce terme signifie quelque chose d'abrégé.
On a joint ces Nocturnes & les Laudes ensemble qui occupoient autrefois tout le temps de la nuit & on n'en a
fait qu'un Office qui se dit de suite, afin de s'accommoder à la faiblesse humaine ; mais la Providence divine y a voulu
pourvoir d'une autre manière. Elle a inspirée à de saint personnages l'institution de divers Ordres Réguliers où on se lève
à de différentes heures de la nuit, & où on fait comme un exercice de louange perpétuelle en se succédant les uns aux
autres. Vous devez estimer à un grand honneur d'être de ce nombre dans l'Ordre des Chartreux où Dieu vous a appelés,
& où les veilles de la nuit durent régulièrement quatre heures un jour suppléant à l'autre. Mais notre vie doit être une
vigilance continuelle qui nous tienne attentifs à Dieu & à nous mêmes, en sorte que nous puissions dire avec l'Épouse je
dors & mon cœur veille. Voilà qui suffit pour vous faire entendre ce que veut signifier ce mot de Nocturne.

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PREMIER NOCTURNE

Le Dimanche, le lundi, & le jeudi on dit les trois psaumes qui suivent, savoir les Ps. 8 Domine Dominus noster, Ps. 18
Caeli enarrant, Ps. 23 Et Domini est terra.

Les paroles de l'antienne sont


benedicta tu in mulieribus & benedictus fructus ventris tui.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes & le fruit de vos entrailles est béni.

Premier Psaume
Ps. VIII Domine Dominus noster

v. 1 Domine, Dominus noster, quam admirabile est nomen tuum in universa terra !
Seigneur notre Souverain Maitre, que la gloire de votre nom paroit admirable dans toue la terre.

v. 2 quoniam elevata est magnificentia tua super cælos.


Car votre magnificence est élevée au dessus des cieux.

On voit bien par la manière de parler du prophète qu'il étoit comme ravi en admiration lors qu'il composoit ce
psaume. Tout ce qui est sur la terre donne gloire à Dieu, parce qu'il rend témoignage, qu'il est le souverain être, qui est
seul par lui-même, & que toutes les créatures ont reçues l'être de lui. S'il est le Souverain être qui a tout tiré du néant, il
en est aussi le Souverain Maitre qui en dispose comme il lui plait. Et plus ceux qui considèrent les merveilles de ses
œuvres en ont de connoissance, plus ils en conçoivent d'admiration.
Nous appelons magnificence ce qui relève la grandeur & la libéralité des Rois, comme un grand nombre de
domestiques, de riches meubles, de superbes édifices, des festins où on tient table ouverte à tout venant & tout ce qui
peut contribuer à la bonne chère n'est pas épargné. Mais la magnificence de Dieu surpasse infiniment celle de ces Rois
de la terre, qui n'est que comme un petit emprunt de celle de Dieu, & qui est renfermée dans un petit coin de la terre, au
lieu que la magnificence de Dieu s'étend par tout, comprend tout, & ne peut même être contenue dans ce que les Cieux
renferment. Elle est au dessus des Cieux où elle se fait voir & gouter aux anges & aux saints.
Ô mon Dieu, si nous considérions bien toutes les merveilles que vous avez faites pour nous faire connoitre
votre grandeur & votre magnificence, & pour nous faire gouter la suavité de votre bonté, nous ne serions pas seulement
ravis d'admiration, mais nous vous aimerions & nous vous honorerions parfaitement. Je dis avec votre prophète que
vous êtes admirable, mais permettez de vous dire aussi en gémissant, ô mon Dieu, que mon sort est déplorable d'être si
peu sensible à vos bontés & à vos libéralité, de correspondre si peu à votre amour, & d'oublier si facilement ce que je
vous dois. Ô Seigneur, vous connoissez la cause de mon mal, écoutez ces gémissements & changez ce cœur que le
péché a comme pétrifié dans moi, changez le en un cœur de chair, afin qu'il ressente comme il doit vos miséricordes &
combien vous êtes admirable en toutes manières.

v. 3 Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem propter inimicos tuos, ut destruas inimicum et ultorem.
Vous avez formé dans la bouche des enfants une louange parfaite pour confondre vos adversaires & pour
détruire l'ennemi & celui qui veut se venger.

Jésus-Christ étant comme dans un ravissement d'esprit prononça ces paroles Je vous loue mon Père, Seigneur
du Ciel & de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages & aux prudents & que vous les avez révélées aux
simples & aux petits. C'est à peu prés sur la même idée que le prophète se forme un sujet d'admiration.
Par les adversaires de Dieu il faut entendre ces sages insensés, qui n'étant remplis que d'orgueil démentoient
par leur vie déréglée la connoissance qu'ils avoient de l'existence de Dieu & des principes de Justice, qu'il avoit écrit de
son doigt dans leur cœurs ; mais par cet ennemi spécifique qui veut se venger, il faut entendre Lucifer & tous ses anges
révoltés, qui ayant été justement punis de Dieu pour leur orgueil, font des efforts pour se venger de lui en travaillant à la
perte des hommes qu'il a crées à son image & à sa ressemblance.
Le prophète veut donc nous apprendre ici que Dieu a choisi non pas ces sages du monde, mais les humbles &
les petits ; ceux qui selon la parole de Jésus-Christ se sont convertis, & sont devenus comme de petits enfants, qu'il les a
chois pour détruire & confondre l'orgueil par l'humilité, & pour lui rendre ainsi une louange parfaite & un grand
honneur en lui servant comme d'instrument pour détruire le Royaume du diable son ennemi, & pour nous donner de
quoi nous défendre contre ses injustes vengeances.
Ô mon Seigneur, vous nous avez donné un exemple dans la personne de votre Fils bien aimé, qui nous apprend
que ce n'est que par l'anéantissement de notre amour propre & de notre orgueil & par la sainte enfance qu'on peut vous
devenir agréable, qu'on profite de ses bienfaits incomparables, & qu'on surmonte les ennemis de notre salut. Faites moi
la grâce de devenir un fidèle imitateur de sa sainte enfance afin que mes louanges soient de la qualité de celles dont

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parle ici David.

v. 4 Quoniam videbo cælos tuos, opera digitorum tuorum, lunam et stellas quæ tu fundasti.
Quand je considère vos Cieux qui sont les ouvrages de vos doigts, la lune & les étoiles que vous avez affermies

v. 5 Quid est homo, quod memor es ejus? aut filius hominis, quoniam visitas eum ?
Je m'écrie qu'est ce que l'homme pour mériter que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l'homme pour
mériter que vous le visitiez.

Le saint prophète s'étant mis au nombre des petits & nous ayant appris ce qui doit accompagner nos louanges
pour les rendre parfaites, se répand en louanges dont il tire le sujet de la beauté des cieux. Il ne parle point ici du soleil
mais de la lune & des étoiles, & on peut dire que c'est à cause que la nuit étant le temps le plus propre à la
contemplation, & pendant laquelle on peut regarder à son aise la lune & les étoiles. Il n'en est pas de même du Soleil car
le brillant de cet astre empêche qu'on puisse le regarder pendant le jour, comme on regarde les autres astres pendant la
nui. Il appelle tout cela les œuvres des doigts de Dieu & non pas son bras, & c'est pour exprimer la facilité avec laquelle
il a opéré toutes ces merveilles, & la délicatesse de l'ouvrage où il semble que l'adresse est plus nécessaire que la force.
Il nous apprend en même temps ce que nous devons penser & dire à Dieu du fond du cœur en voyant toutes ces
belles choses qu'il a tirées du néant pour le service de l'homme, pour étaler devant ses yeux la beauté & la bonté de son
créateur, & pour servir aux commodités de la vie. Il entre en admiration de ce que l'homme étant si peu de chose, n'étant
que cendre & poussière, chose si peu digne du souvenir de Dieu, il a néanmoins voulu produire tant de si grandes & si
admirables créatures en sa faveur.
Mais ce qui lui cause le plus d’admiration c'est cette visite que Dieu avoit résolu de rendre aux enfants des
hommes, en venant en ce monde & en se revêtant de la nature humaine dans le sein de la Vierge Marie. C'étoit là le
grand sujet de l'admiration de David qui voyoit ce mystère en esprit, & ce doit être aussi le principal sujet de la notre.
Ô mon Dieu, faites moi la grâce d'entrer avec David dans les sentiments que méritent de moi les merveilles de
vos bienfaits & de vos miséricordes, & de n'être pas du nombre de ces hommes brutaux, qui voyant vos merveilles,
vivant de vos bienfaits, font de même que ces animaux immondes qui mangent le gland qui est tombé de l'arbre sans
lever seulement les yeux pour regarder celui qui le produit. Mais vous faites paroitre en ceci une autre grande merveille
de patience en ne cessant pas pour cela de faire du bien à ces ingrats. Que vos bienfaits, ô mon Seigneur, que cette
ineffable visite que votre fils bien-aimé nous a rendu sur la terre ne me servent pas seulement d'un sujet d'admiration,
mais d'un objet efficace d'amour & d'imitation.

v. 6 Minuisti eum paulominus ab angelis; gloria et honore coronasti eum ;


et constituisti eum super opera manuum tuarum.
Vous ne l'avez qu'un peu abaissé au dessous des anges, vous l'avez couronné de gloire & d'honneur, vous l'avez
établi sur les ouvrages de vos mains.

v. 7 Omnia subjecisti sub pedibus ejus, oves et boves universas, insuper et pecora campi,
Vous avez mis toutes ces choses sous ses pieds, & les lui avez assujetties, toutes les brebis & tous les bœufs, &
même les bêtes des champs.

v. 8 volucres cæli, et pisces maris qui perambulant semitas maris.


Les oiseaux du ciel & les poissons de la mer, qui se promènent dans les sentiers de l'Ocean.

Les paroles du sixième verset peuvent être appliquées à l'homme en général, car elles expriment la dignité de
notre nature telle qu'elle étoit avant le péché de notre premier père. Elle étoit un peu moindre que les ages, en ce qu'elle
étoit revêtue d'un corps dont la vie avoit besoin d'être conservée par le moyen du fruit de l'arbre de la vie, elle étoit
d’ailleurs couronnée de gloire & d'honneur par le domaine que Dieu lui avoit donné sur tous les animaux, & par la
création de ce monde inférieur orné de tant d'admirables choses qui sont ensemble comme un riche palais que Dieua
voit préparé pour y recevoir l'homme & le combler d'honneur.
Mais si saint Paul considère ces paroles du psalmiste comme dites exprès pour Jésus-Christ, c'est à cause qu'il
ne s'est pas seulement anéanti en ce faisant homme, mais qu'il s'est mis un peu au dessous des anges, s'étant réduit à
souffrir ce que les anges ne peuvent souffrir, & à avoir besoin de la consolation d'un ange dans le jardin des oliviers, lui
qui est le Roi des Anges. Nous voyons ici ce qu'a produit cette humiliation du Fils de Dieu, elle l'a couronné de gloire &
d'honneur dans le triomphe de sa résurrection. C'est pour cela dit saint Paul que Dieu lui a donné un nom qui est au
dessus de tout nom, qu'il lui a assujetti toutes les créatures par un titre nouveau, & que les anges, aussi bien que tout ce
qui est sur la terre & dans les enfers doit fléchir le genoux en son nom, comme étant entièrement soumis à son empire.
Cette soumission de brebis & de bœufs, d'oiseaux du ciel & de poissons de la mer, dont le domaine appartient
encore aux hommes, quoi que fort imparfaitement, puisqu'ils n'en peuvent jouir que par adresse ou par force, cette
soumission dis-je s'est trouvée parfaitement rétablie en Jésus-Christ. La terre, la mer, les animaux & les poissons lui
obeissoient comme on le voit par tant de faits miraculeux rapportés dans l'Évangile ; mais aussi les anges, qui peuvent

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être ici signifiés par les oiseaux du ciel, lui rendoient leur service, de même que quand il commandoit aux démons ils
étoient contraints de lui obéir.
Ô mon Dieu, je seroit trop heureux si après avoir perdu cette domination sur les animaux, cette couronne de
gloire & d'honneur que j'aurois eue si nos premiers pères ne l'eussent pas perdu pour eux & pour moi, je serois dis-je trp
heureux si je regagnois le domaine de moi même, que j'ai aussi perdu par les péchés. C'est ce que je ne puis recouvrer
que par les mérites de celui qui a réparé l'honneur & les pertes de l'homme en se faisant homme. C'est en me soumettant
parfaitement à sa domination & en suivant ses exemples & ses instructions que j'obtiendrais cet avantage. Enseignez
moi à la bien faire.

v. 10 Domine, Dominus noster, quam admirabile est nomen tuum in universa terra !
Seigneur, notre Souverain Maitre, que la gloire de votre nom paroit admirable dans toute la terre.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint Prophète répète à la fin de ce psaume les mêmes paroles d'admiration qu'il a dites au commencement,
& elles sont comme la conclusion qu'il tire des considérations qu'il a faites dans le cours du psaume. C'est comme s'il
disoit à ses auditeurs : vous m'avez entendu parler d'abord avec des paroles d'admiration, je vous en ai exposé les causes
& les raisons, n'y ai-je donc pas bien sujet de dire Seigneur, notre souverain Maitre, que la gloire de votre nom paroit
admirable dans toute la terre.
Ce psaume a pour titre pro Torcularibus, pour les pressoirs. On a été jusqu'ici fort en peine de ce que cela
signifie, mais saint Ambroise & plusieurs autres saints interprètes sont persuadés que ce psaume & deux autres qui
portent le même titre, qui commencent par des paroles d'une tendre affection, & qui sont remplis de sentiments d'un très
ardent amour de Dieu, ont été inspirés comme pour servir de pressoirs aux bonnes âmes, & faire sortir de leur cœur une
abondance de saintes affections, de même que le pressoir fait sortir le vin du raisin dès qu'il le presse. Je vous
rapporterai à la fin de ce petit livre les deux autres psaumes des pressoirs qui sont Exultate Deo adjutori nostro, &
Quam delicta tabernacula tua, afin que vous ayez pour ainsi parler de quoi mettre souvent & par divers motifs vos
cœurs sous le pressoir de l'amour de Dieu.
Ô mon Dieu, tout ce que nous dit ici votre saint Prophète & tout ce que nous voyons de nos yeux corporels
nous montrent que vous êtes admirable, mais ce que vous faites ressentir intérieurement aux âmes qui vous aiment &
qui vous entendent parler dans leur intérieur, les lumières que vous leur donnez & les sentiments de votre amour que
vous leur imprimez vous rendent encore plus admirable ; ce sont des choses ineffables qu'on ne peut expliquer. Mais
permettez moi de vous dire les mêmes paroles d'admiration au sujet de la sainte mère de votre Fils unique. Car en nous
donnant un rédempteur, vous nous avez donné une vierge pour mère. Celui que le Ciel & la terre ne peuvent contenir
s'est renfermé dans le sein d'une fille, qui a enfanté son créateur & qui est vierge & mère tout ensemble. Voilà des
choses qui sont bien plus admirables que tout ce qui se voit dans le Ciel & sur la terre. Mais ce sont des prodiges de
votre amour. Permettez moi de me servir ici de l'intercession de cette admirable mère, pour obtenir de vous que je ne
sois pas un simple admirateur de vos ouvrages, mais un fidèle disciple de votre Charité.

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Second Psaume du premier Nocturne

Ps. XVIII Caeli enarrant gloriam Dei

Ce psaume continue de nous mettre devant les yeux ce qui nous peut remplir d'estime pour la grandeur de Dieu
aussi bien que pour sa sainte Loi, dont le saint Prophète fait une comparaison avec le corps des cieux. Mais l'application
de ce qu'il dit des cieux convient encore mieux à Jésus-Christ & à ses apôtres ; & c'est ainsi que l’apôtre l'a entendu
dans son epitre aux romains. Il est par conséquent de ceux qui concernent le plus le mystère de l'Incarnation. C'est
pourquoi il est inséré dans l'Office de la Sainte Vierge.

v. 1 Cæli enarrant gloriam Dei, et opera manuum ejus annuntiat firmamentum.


Les Cieux racontent la gloire de Dieu & le firmament publie les ouvrages de ses mains.

v. 2 Dies diei eructat verbum, et nox nocti indicat scientiam.


Un jour annonce cette vérité à un autre jour, & une nuit donne la connoissance à une autre nuit.

v. 3 Non sunt loquelæ, neque sermones, quorum non audiantur voces eorum.
Il n'y a point de langue ni de différent langage par qui leur voix ne soit entendue

v. 4 In omnem terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum.
Leur bruit s'est répandu par toute la terre, & leurs paroles se sont fait entendre jusqu'aux extrémités du monde.

A prendre ces paroles simplement à la lettre, il semble que le prophète nous veut seulement faire entrer en
considération des merveilles de Dieu, qui paroissent dans les Cieux. Et en effet, de toutes les créatures visibles, il n'y en
a point de plus admirable. Si ces vastes globes & tous ces astres ne rendent pas gloire à Dieu avec des sentiments de
raison exprimés par des paroles, ils la déclarent par des œuvres en faisant leurs cours réglément [régulièrement], en
répandant leurs lumières, en versant leurs influences qui produisent tant d'effets merveilleux sans interruption. S'ils ne
nous annoncent pas la gloire de Dieu par l'ouïe, ils nous l'annoncent par les yeux.
Si un jour finit à nos yeux, il donne comme le mot à celui qui le doit suivre, afin qu'il renaisse le lendemain, &
le nuit fait de même. Le jour & la nuit se suivent ainsi l'un l'autre sans y manquer. Il n'y a point de Nation si barbare qui
n'entende & qui ne comprenne combien est grande la gloire & la puissance de celui qui a crée ces beaux astres ; & le
prophète compare leur beauté, leurs cours & leurs effets à un grand son qui s'entend d'un bout du monde à l'autre.
Mais le témoignage de saint Paul & les applications que les Pères de l’église font de ces paroles à la
Prédication de l'Évangile de Jésus-Christ, que les apôtres ont annoncés par toute la terre, nous doivent faire penser à
quelque chose de plus élevé & de plus spirituel que ne sont les Cieux matériels. C'est avec bien de la raison que les
apôtres sont comparés aux Cieux & aux astres, parce qu'ils ont fait sur les âmes les mêmes effets que les Cieux font sur
la terre : ils ont été des Cieux spirituels & des hommes élevés au dessus du monde, comme les cieux le sont au dessus
de la terre.
Ils ont été remplis de Dieu, qui a habité dans eux comme nous disons qu'il habite dans les Cieux. Ils ont
répandu la lumière dans le monde, en lui faisant voir le jour de la vérité ; & si la nuit des ténèbres de l'ignorance & du
péché s'est toujours produite en bien des manières, ils l'ont interrompu & détruite en opposant toujours le jour de la
vérité aux ténèbres des erreurs & de la malice. Si la nuit a enseigné la nuit, en apprenant à former des hérésies, elle n'a
point régné & elle a toujours été détruite dans les âmes fidèles par le jour de la vérité. Leur Prédication s'est répandue en
peu de temps, & le son de leurs paroles a produit des merveilles dans les esprits & dans les cœurs des hommes, & des
effets qui surpassent tous ceux que les cieux & les étoiles du firmament produisent sur la terre & sur les corps.
Les apôtres & les autres prédicateurs de l'Évangile n'ont pas été seulement des cieux & des astres brillants dans
le firmament de l’église, qui ont tirés leur clarté & leurs vertus du soleil de justice ; mais ils ont été des nuées
spirituelles, qui ont répandues la pluie du ciel sur la terre, qui a fait germer & y a produit toutes sortes de biens
spirituels. & nous voyons dans d'autres endroits de l'Écriture qu'elle les représente comme des nuées, qui volant dans
l'air répandent la pluie partout
Ô mon Seigneur, les cieux matériels montrent partout votre gloire & personne ne peut s'exempter de la voir ni
s'excuser de la reconnoitre. Mais celle que nous ont annoncé & raconté vos cieux spirituels nous en apprennent bien
d'autres choses. Les premiers ne nous en annoncent que ce que les cieux peuvent voir de votre gloire, mais les second
nous apprennent tout ce qui est invisible, qui surpasse infiniment tout ce que nos esprits peuvent comprendre, & qui
nous fait voir des yeux de l'âme éclairés de la lumière de la Foi, que tout ce que nous voyons n'est rien en comparaison
de la grandeur de votre gloire. Manifestez Seigneur, manifestez là sur nous, en nous faisant profiter des effets de vos
cieux, de vos astres spirituels aussi bien que de vos influences, afin que nous soyons de ces terres bénites qui rendent du
fruit dans le temps à celui qui les cultive.

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v. 5 In sole posuit tabernaculum suum; et ipse tamquam sponsus procedens de thalamo suo.
Il a établi sa tente dans le soleil & il est lui même comme un époux qui sort de sa chambre nuptiale

v. 6 Exsultavit ut gigas ad currendam viam ; a summo cælo egressio ejus.


Il sort plein d'ardeur pour courir comme un géant dans sa carrière, il part de l’extrémité du ciel

v. 7 Et occursus ejus usque ad summum ejus; nec est qui se abscondat a calore ejus.
Et il arrive jusqu'à l'autre extrémité du ciel, & il n'y a personne qui se cache à sa chaleur.

Si l'on prend ces paroles simplement à la lettre, il semble que le saint prophète veut décrire seulement d'un
manière poétique le lever & le cours réglé du soleil, qui paroit le matin à l’extrémité du ciel, & qui après l'avoir
parcouru avec une vitesse très grande parvient le soir à l'autre extrémité. Il s'y cache à nos yeux, mais il n'interrompt
jamais sa course. Il parcourt l'autre hémisphère pour reparoitre le lendemain à la même extrémité du Ciel que le jour
précédent. Sa lumière éclaire tout, sa chaleur se communique à tout, & il est comme le père de la nature. C'est pourquoi
le soleil étant la créature dont Dieu se sert le plus pour l'entretien de l'univers, & étant la plus belle de toutes ses
créatures visibles, le saint prophète dit que Dieu y a comme établi sa tente, afin de nous marquer par là que Dieu a fait
cet astre pour faire ressentir à toutes les créatures du monde les effets de sa providence.
Mais pour poursuivre le sentiment de saint Paul, qui applique ce psaume aux cieux & aux astres spirituels, il
faut dire que le soleil dont il est ici parlé est Jésus-Christ, le soleil de justice, dans lequel la plénitude de la divinité
habite corporellement, ainsi que parle saint Paul ; & que cette chambre des noces d'où il sort comme un époux, est le
sein de la sainte vierge, d'où il est sorti après y avoir uni la nature humaine à la divine, & fait une même personne de ces
deux natures si différentes.
C'est de là qu'il est sorti comme un géant pour fournir la carrière de sa vie mortelle avec une ardeur digne de sa
charité. Il a surpassé comme un géant tous les autres hommes en force & en vertu, & a marché toujours à grand pas,
passant & faisant du bien partout, & délivrant ceux que les démons tenoient comme dans l'oppression de leur tyrannie.
Il est sorti du plus haut des cieux pour venir se faire homme sur la terre, & il est remonté, couronné de gloire &
d'honneur à son ascension après le triomphe de sa Résurrection. C'est un soleil qui éclaire & qui échauffe bien d'une
autre manière que le soleil naturel, car celui ci n'éclaire & n’échauffe que les corps visibles & mortels, mais celui la
éclaire les âmes & leur fait produire des fruits qui demeurent pour la vie éternelle. C'est un feu consumant qui dévore
tout ce qu'il y a d'impur dans les âmes & qui purifie ses élus comme l'or dans la fournaise. Voilà le sens le plus
convenable qu'on puisse donner à ces paroles du prophète.
C'est vous ô mon sauveur qui êtes le véritable soleil, la lumière universelle, qui donnez aux âmes la lumière de
la Foi, la chaleur de la charité, & le soutien de l'espérance. C'est vous qui convertissez les cœurs & qui les rendez
féconds en bonnes œuvres ; achevez sur moi celle qui vous a fait sortir du haut des cieux pour descendre sur la terre, qui
vous a porté à choisir un tabernacle parmi les hommes & à ne retourner au haut des cieux qu'après m'avoir mérité par
vos souffrances & par votre mort le droit de vous y suivre, d'y entrer en possession & d'y jouir d'une demeure éternelle.
Faites moi la grâce de profiter de vos influences, & de vos bienfaits, afin que je ne perde point le précieux héritage que
vous m'avez acquis, en même temps que vous m'avez délivré de la captivité du péché. C'est de quoi je prie par les
mérites & l'intercession de celle qui a été ce lit nuptial où s'est accompli le mystère de votre incarnation.

v. 8 Lex Domini immaculata, convertens animas; testimonium Domini fidele, sapientiam præstans parvulis.
La loi du Seigneur, qui est sans tache, convertit les âmes, le témoignage du Seigneur est fidèle & il confère la
sagesse aux petits.

v. 9 Justitiæ Domini rectæ, lætificantes corda; præceptum Domini lucidum, illuminans oculos.
Les justices du Seigneur sont droites, elles font naitre la joie dans les cœurs, le précepte du Seigneur est tout
rempli de lumière & il éclaire les yeux.

Toutes ces lois humaines qui ont été composées par ces sages de l'antiquité se sont trouvées tachés, & comme
salies par beaucoup de choses qui autorisoient les vices au lieu de les punir ; mais la loi de Dieu contenue dans le
Décalogue n'a rien qui ne soit juste, saint, convenable, & qui ne convainque la raison humaine de la justice & de la
pureté de cette loi. C'est d'où vient qu'elle converti les âmes, en ce que trouvant les règles de la raison que Dieu a
gravées dans leurs cœurs écrites dans les saintes lois du Décalogue, elles sont contraintes d'avouer que le Dieu qui a
établi ces lois est plein de justice, de sainteté, & d'équité ; qu'il ne demande des hommes que ce que leur propre raison
leur apprend qu'ils sont obligés de faire, & à qui leur propre conscience fait des reproches quant ils les ont transgressés.
Elle converti ensuite pleinement les âmes quand elles écoutent la voix de Dieu, qui en leur faisant connoitre la justice de
ses lois, les attire à aimer celui qui en est l'auteur, & à lui rendre leur soumission par une fidèle obéissance à ce que ces
lois leu ordonnent.
Ces saintes lois rendent ainsi témoignage à Dieu. Ce témoignage est fidèles car les vérités qu'il contient ont
tout l'effet qu'on en peut désirer, en faisant devenir sages ceux qui sont disposé à le recevoir, & qui le reçoivent avec le
respect qu'il mérite. Ce ne sont pas les orgueilleux qui ne veulent écouter que les raisonnements de leurs sens corrompus
par le péché & par les habitudes du péché qui ont cet avantage ; mais les humbles qui sont [-] nom de petits.

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Les justices du seigneur dont ces saintes lois portent témoignage, étant reçues & goutées par les âmes fidèles,
répandent dans leurs cœurs une joie ineffable, car rien en peut réjouir davantage le cœur que le témoignage d'une bonne
conscience. Mais les vérités qu'elle contiennent sont si remplies de sagesse & de lumière qu'elles ouvrent les yeux de
l'esprit & les rendent pénétrant pour connoitre de plus en plus combien les volontés de Dieu sont saintes & équitables,
& en quoi consiste le véritable bien &le véritable mal. Elle les dispose aussi à voir Dieu en la manière que Jésus-Christ
l'enseigne dans l'Évangile, où il appelle heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.
Ô mon Dieu, imposez moi cette sainte loi en la manière que vous le demande ce même saint prophète dans son
psaume 118. Imposez la moi d'une manière toute nouvelle, en me remplissant réellement le cœur & L'Esprit du respct
que je lui dois & qu'elle mérite, que je ne fasse jamais rien qui lui soit opposé. Ce sera par ce moyen que vous
accomplirez ce que nous a fait espérer un de vos Prophètes, que vous donneriez vos lois de telle sorte qu'elles ne
seroient pas simplement dans vos saintes écritures, mais dans nos cœurs. Ce sera aussi le moyen d’empêcher que ma
faiblesse ne soit tuée par la lettre, étant soutenue par la vie de votre esprit.

v. 10 Timor Domini sanctus, permanens in sæculum sæculi; judicia Domini vera, justificata in semetipsa,
La crainte du Seigneur qui est sainte subsiste dans tous les siècles, les jugements du seigneur sont véritables, &
pleins de justice en eux même.

v. 11 desiderabilia super aurum et lapidem pretiosum multum, et dulciora super mel et favum.
Ils sont plus désirables que l'abondance de l'or & des pierres précieuses, & plus doux que n'est le miel & qu'un
rayon plein de miel.

v. 12 Etenim servus tuus custodit ea; in custodiendis illis retributio multa.


Car votre serviteur les garde avec soin, & on trouve en les gardant une grande récompense.

Le saint Prophète marque ici les autres effets que produit la crainte filiale avec laquelle on observe les
commandements de Dieu, elle rend la vie sainte & la mort heureuse, & suivie d'une récompense qui ne finira jamais.
Cette crainte sera pour lors abîmée dans la parfaite charité, mais sa récompense subsistera toujours. Les jugements du
Seigneur, qui nous sont exprimés par sa loi, où nous trouvons les sentences que sa justice a prononcée, n'ont point
besoin d'être justifiés par des raisonnements & par des preuves, car ils portent dans eux même la preuve de leur équité,
& ils ne laissent aucun prétexte à la raison d'en pouvoir appeler, puisque la conscience même du transgresseur le
convainc de son crime & de la juste punition qu'il mérite.
Ces jugements de Dieu ne portent pas seulement dans eux même les preuves de leur justice, mais ils donnent
en bon droit de l'admiration de ce qu'en si peu de paroles que contient le Décalogue, la sagesse de Dieu y a renfermée
tous les principes du droit naturel & la justice universelle ; car elle cesse d'être justice lors qu'elle transgresse quelque
Règle du Décalogue.
L'or, l'argent & tout ce qu'il y a de précieux ne peut contenter que la cupidité. Ce qui fait le bien, la joie, & la
nourriture de l'âme lui est infiniment profitable. La saint Prophète a donc bien raison de préférer la Loi de Dieu à toutes
ces richesses périssables, car celles ci n'ont qu'une fausse douceur suivie d'amertumes, & l'autre a une douceur ineffable
qui en finira jamais.
Le saint prophète produit sa propre expérience pour preuve de ce qu'il dit, il a bien raison d'assurer que
l'observance de cette sainte loi porte avec soi sa récompense. Car elle commence par les faire sentir dès cette vie par les
bénédictions que Dieu verse sur celui qui la garde fidèlement, par la joie d'une bonne conscience, & les consolations
spirituelles dont il le favorise, & par la vive espérance de la joie éternelle dont il le remplit. S'il n'y a rien au monde qui
puisse donner ces avantages, n'est il pas vrai de dire qu'il n'y a rien de plus désirable que l'accomplissement de la loi de
Dieu, puisque c'est elle qui les fait trouver.
Ô mon seigneur, je suis un misérable pécheur qui ait transgressé souvent & avec énormité vos saintes lois, & je
ne suis pas digne de bien parler de ce qu'elles valent & de ce qu'elles méritent, mais tel que je suis je reconnois devant
vous ce que l'expérience m'a appris, qu'il n'y a rien au monde qui soit plus digne d'horreur que la transgression de ces
saintes lois, qui fait perdre votre grâce, & qui jette l'âme dans la mort du péché, & qu'il n'y a point de consolation au
monde qui soit comparable à celle qui vient d'une bonne conscience, qui n'est bonne que parce qu'elle accompli
fidèlement vos saintes lois. Faites moi la grâce de ne les jamais déshonorer & de les préférer non seulement à tous les
biens de la terre, mais même à tout ce qui est désirable au ciel & en la terre.

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v. 13 Delicta quis intelligit? ab occultis meis munda me ; et ab alienis parce servo tuo.
Qui est celui qui connoit ses fautes ? Purifiez moi mon Dieu, de celles qui sont cachées en moi, & préservez
votre serviteur de celles qui lui sont comme étrangères.

v. 14 Si mei non fuerint dominati, tunc immaculatus ero, et emundabor a delicto maximo.
Si je n'en suis point dominé je sera alors sans tache, & purifié d'un très grand péché.

Le saint prophète apporte ici le correctif de la présomption qu'on pourroit lui imputer au sujet de ce qu'il vient
de dire de sa propre exactitude à observer les saintes lois de Dieu, comme s'il s'éstimoit pour cela exempt de péché. IL
confesse donc par avance ce que le bine aimé disciple de Jésus-Christ a dit depuis si nous disons que nos sommes sans
péchés nous nous séduisons nous mêmes & la vérité n'est point en nous. Car tant que nous sommes, nous faisons
beaucoup de fautes.
Mais après nous avoir enseigné en quel sens nous devons prendre ce qu'il a dit, il nous apprend à recourir au
même remède dont il se sert. Il s'adresse à la miséricorde de Dieu & le prie de lui pardonner tous ses péchés d'ignorance
qui lui sont cachés, parce qu'il ne les connoit point. Il ne laisse pas néanmoins des les reconnoitre devant la justice de
Dieu comme de véritables péchés sur lesquels l'amour & la confiance joints à l'esprit de pénitence attirent le pardon
sans qu'il soit besoin de s'inquiéter pour les découvrir.
Ces péchés des étrangers que David craint & dont il demande d'être délivré, sont ceux qu'on contracte
facilement dans la compagnie des hommes déréglés, dont les mauvais exemples font beaucoup de tort, & les méchants
entretiens font tomber facilement en de grandes fautes les hommes même qui sont de bonne volonté. Mais David qui
étoit Roi fait assez connoitre le danger où sont les Rois, les Princes, & les Grands, quand ils laissent prendre le dessus
sur eux à des hommes qui ont quelque fois de la prudence humaine mais qui n'ont que peu ou point de crainte de Dieu
ni de conscience. Ces hommes les séduisent, les pervertissent & les trompent facilement par leurs adresses, & on voit
naitre de là de grandes injustices & de grands crimes.
Si David tout saint qu'il étoit craignoit d'être séduit & perverti par ces sortes de personnes & qu'il reconnoissoit
le danger qu'il y avoit de tomber dans de grands péchés en se laissant gouverner par leurs avis &même qu'il étoit
difficile de se garder de leurs adresses sans un secours particulier de Dieu, que ce saint prophète lui demande, combien
soit on craindre les mauvais effets de la familiarité & de la compagnie des hommes pervertis. Gardons nous donc de ce
qui a donné tant de crainte à un si saint homme, & croyons que le danger est si grand que nous devons demander à Dieu
à son exemple qu'il nous en délivre. Rien n'est plus commun ni plus facile que de devenir méchant avec les méchants.
C'est ce que David reconnoit bien ici puisqu'il croit qu'il pourra être sans tache si Dieu le délivre de leurs mains. Mais
rien n'est aussi plus avantageux en cette vie que la conversation & l'amitié des gens de bien.
Ô mon Dieu, vous êtes le seul qui connoisse le fonds des cœurs & qui savez par conséquent de quoi est capable
notre faiblesse. Vous savez combien j'ai fait de tort aux autres par mes paroles & par mes actions déréglées, & je ne suis
pas capable de le connoitre. Vous savez aussi le tort que d'autre m'ont fait. Combien ais-je donc besoin de vous faire la
même prière que vous fait ici David sur mes péchés cachés.
Mais mon expérience ne m'a que trop appris ce qu'il dit ici des effets que produisent les exemples, les
entretiens, & les familiarités des personnes déréglées. La corruption du cœur d'un homme se communique facilement au
cœur d'un autre, & on s'apprend si aisément les uns les autres à mal parler, à mal penser, à mal faire, que votre cher Fils
a prononcé malheur au monde à cause du scandale. Rien n'est plus vrai que ce que la vérité même a dit. Préservez moi
d'être une occasion de chute à d'autres & d’être aussi attiré au péché par le méchant exemple d'autrui.

v. 15 Et erunt ut complaceant eloquia oris mei, et meditatio cordis mei in conspectu tuo semper.
Alors les paroles de ma bouche vous seront agréables aussi bien que les méditations secrètes de mon cœur, que
je ferai toujours en votre présence.

v. 16 Domine, adjutor meus, et redemptor meus.


Seigneur vous êtes mon aide & mon rédempteur.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Voici encore d'autres effets que le saint prophète considère comme les fruits du bonheur qu'on a d'être préservé
de la corruption que causent d'ordinaire les engagements qu'on prend avec des personnes déréglées. IL dit qu'il ne sera
pas seulement par ce moyen hors du danger de tomber dans de grands péchés, mais qu'il jouira des avantages de ceux
qui ont le cœur pur & sans tache, qui sont dégagés des maximes & de l'esprit du monde, & qui marchent en la présence
de Dieu. Leurs paroles seront agréables à Dieu car il écoute volontiers leurs prières, & leurs cœurs vidés des affections
de la terre se porteront à méditer les choses célestes. Ce sont les plus grands avantages qu'on puisse avoir en cette vie,
mais il reconnoit aussi que tous ces biens ne se produiront pas par lui même, & que ce sont des fruits de la grâce de
Dieu. Il l'appelle son aide parce que c'est par son secours qu'il fera le bien, & son Rédempteur parce qu'il le delivrera du
mal, c'est lui qui l’empêche d'y tomber & qui l'en peut retirer s'il y tombe.
Ô mon Dieu, ce que je dois désirer uniquement en cette vie, c'est de vous connoitre, de vous aimer, & de vous

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plaire. Votre sainte prophète me montre ici les moyens par lesquels je puis parvenir à cet avantage & ne m'en point
rendre indigne. Mais c'est par le secours de votre grâce que je saurais & que je pourrais m'en bien servir. Ecoutez les
parles de mon cœur. Faites moi la grâce de ne [p. 52] & en tous lieux comme mon aide & mon Rédempteur.

Troisième Psaume du premier Nocturne

Ps. XXIII Domini est terra

Ce psaume regarde proprement l’Ascension de Notre Seigneur & déclare qui sont ceux qui pourront avoir part
à sa gloire, aussi bien que les qualités qu'ils doivent avoir pour y pouvoir prétendre. Il convient à l'Office de la Sainte
Vierge parce qu'il révèle ce qui devoit terminer l'œuvre que Jésus-Christ venoit accomplir sur la terre en se faisant
homme dans son sein. Les deux premiers psaumes de ce Nocturne nous annoncent le grand dessein de notre
Rédemption & l'entrée du Fils de Dieu en ce monde, & ce troisième nous représente la gloire avec laquelle il en devoit
sortir.

v. 1 Domini est terra, et plenitudo ejus; orbis terrarum, et universi qui habitant in eo.
La terre & tout ce qu'elle renferme est au Seigneur, toute la terre habitable & tous ceux qui l'habitent sont à lui.

v. 2 Quia ipse super maria fundavit eum, et super flumina præparavit eum.
Parce que c'est lui qui l'a fondée au dessus des mers, & rétablie au dessus des fleuves.

Ces deux versets sont comme un préambule dont le prophète se sert pour nous disposer à bien comprendre ce
qu'il nous veut apprendre dans la suite de ce psaume. Il nous remet donc devant les yeux une chose dont nous ne
pouvons point douter, qui est que tout appartient à Dieu. La terre & tous ceux qui en sont les habitants, aussi bien que la
mer & tout ce qu'elle contient, & il nous rappelle en la mémoire cette grande merveille de la sagesse de Dieu, qui a
établie la terre un peu plus élevée que les eaux, en sorte que l'une & l'autre étant nécessaire, la terre contienne l'eau sans
que l'eau abîme la terre, comme il arrivoit comme si l'eau étoit plus haute que la terre.
Ô mon Dieu, ce n'est pas sans raisons que votre prophète nous prévient par ces paroles car il nous va enseigner
la raison pourquoi vous n’élevez pas tous les hommes à votre gloire, quoi que vous soyez également le Dieu & le Père
de tous les hommes. Il nous veut montrer qu'il ne tient qu'à eux, & que s'ils ne montent pas sur votre sainte montagne,
c'est qu'ils s'en ferment la voie, en refusant de faire ce qui est nécessaire pour y monter & pour demeurer avec vous dans
le lieu de votre gloire. Ouvrez moi le cœur pour bien entendre ce qu'il va dire, & donnez moi votre sainte grâce pour le
bien mettre en pratique.

v. 3 Quis ascendet in montem Domini? aut quis stabit in loco sancto ejus?
Qui est ce qui montera dans la montagne du Seigneur ? Ou qui est ce qui s’arrêtera dans son lieu saint ?

v. 4 Innocens manibus et mundo corde, qui non accepit in vano animam suam, nec juravit in dolo proximo suo
Celui dont les mains sont innocentes & le cœur pur, qui n'a pas reçu son âme en vain ni fait un serment faux &
trompeur à son prochain.

La montagne du Seigneur est le ciel, qui est au dessus de toutes les montagnes de la terre, & son lieu saint c'est
le paradis, où les bienheureux jouiront de la joie de leur Seigneur pendant toute l’éternité. Le saint prophète fait sur ceci
une interrogation qui est ce qui montera. C'est comme s'il disoit à tous les hommes assemblés en un lieu. C'est Dieu qui
a fait la terre, & la mer, & qui vous a tiré du néant ; il est votre père, son dessein est de vous rendre heureux à jamais en
vous recevant dans sa propres maison & dans sa gloire ; & il ne veut pas qu’aucun de vous périsse, mais que tous
reviennent à lui par la pénitence. Voulez vous donc jouir de ce grand bien ? Vous l'obtiendrez sans doute si vous faites
ce que je vais vous dire.
IL demande ensuite quatre conditions dont la première est l'innocence des mains c'est à dire qu'on ait point fait
de mauvaises actions. Car dans la sainte Écriture les œuvres sont ordinairement signifiées par les mains, comme étant
les instruments naturels par le moyen desquels on peut travailler. Il faut donc n'avoir point fait de mauvaises actions
pour parvenir à ce bon heur, ou bien si on en a fait, être purifiés par la pénitence, car si on ne l'entendoit ainsi, David lui
même seroit exclu de cette Montagne du Seigneur.
La Deuxième est pureté de cœur qu'on ne peut avoir en cette vie qu'en renonçant aux cupidités criminelles &
aux mauvaises pensées, ou bien en se lavant dans les eaux de la pénitence après en avoit été sali.
La troisième est de n'avoir pas reçu son âme en vain. c’est l'avoir reçue en vain que de ne l'appliquer pas à
honorer Dieu pendant nos jours mortels, de l'employer à la vanité & de perdre le temps au lieu de s'en servir pour
l’éternité.

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Et la quatrième est de ne n'être point servi du jurement pour tromper son prochain.
Ces quatre conditions ne se peuvent proprement trouver qu'en la personne de Jésus-Christ, & si elles se
rencontrent dans d'autres ce n'est que par sa grâce & par la communication de ses mérites.
Ô mon Dieu, il n'y a que votre cher Fils qui n'a jamais péché & de la bouche duquel il n'est jamais sorti aucune
parole trompeuse. Nous avons tous péché, & nous avons besoin que vous fassiez éclater votre gloire en nous faisant
miséricorde. Mais vous nous avez communiqué le fruit de ses mérites, & ce qui nous fournit les moyens de monter
votre sainte Montagne. C'est lui seul qui le mérite par lui même & si nous y montons ce n'est que par sa faveur. Faites
moi la grâce d'imiter selon mes forces ce qu'il m'a enseigné par ses exemples, pour avoir les conditions que nous
marque ici votre prophète.

v. 5 hic accipiet benedictionem a Domino, et misericordiam a Deo salutari suo.


C'est lui qui obtiendra du Seigneur la bénédiction, & qui obtiendra miséricorde du Dieu son sauveur.

v. 6 Hæc est generatio quærentium eum, quærentium faciem Dei Jacob.


Telle est la race de ceux qui le cherchent sincèrement, de ceux qui cherchent à voir la face du Dieu de Jacob.

En entendant de Jésus-Christ précisément les paroles des verset précédents, la bénédiction dont il est ici parlé
& qu'il a reçue surpasse tout ce qu'on en peut dire & penser. Car il l'a reçue d'une manière si parfaite que tout ce qui est
béni au ciel & en la terre ne l'est que par lui & c'est de sa plénitude que nous le recevons. Il a mérité pour lui d'être
comme la source de toutes les bénédictions, & il a reçu de Dieu son Père al miséricorde pour la répandre sur nous. Mais
comme dans les Prophéties de David, Jésus-Christ & son Eglise sont le plus souvent un-[p. 57] corps, dont il est le chef,
ces paroles du saint prophète peuvent aussi être appliquées à chacun de ses membres fidèles.
Telle est la race. Ces paroles montrent ouvertement que c'est de la race de Jésus-Christ que la prophète veut ici
parler, qui n'est autre chose qui les fidèles qui composent son Église. Ce sont ceux là que Jésus-Christ, qui est la voie
par où on va au père, & enseigné par ces paroles & par ses exemples, & dirige sans cesse par les impressions de sa
grâce pour bien chercher Dieu, afin qu'il leur soit tout en toutes choses pendant leurs jours mortels. C'est lui qui les
presse intérieurement & qui les rempli d'amour & de désir de voir la face de leur Père céleste, qui s'est donné à lui
même parlant à Moise, le nom du Dieu d'Abraham, d'Isaac, & de Jacob. Voilà le mystère de l’église unie à son chef &
vivant de sa vie, comme le cep de la vigne vit de sa racine, excellemment bien exprimé, aussi bien que les fruits de
notre rédemption.
Ô mon Dieu, c'est par votre cher Fils, & par la vertu de ses mérites que j'attends votre Bénédiction & votre
miséricorde. Car par moi même je ne suis qu'une terre qui n'est capable de porter que des ronces & des épines & qui ne
mérite que la malédiction. C'est sur lui seul que je m'appuie. Mais puisque j'ai l'honneur d'être de sa race, enseignez moi
à vous chercher en vérité afin que je vous trouve dans le temps & dans l’éternité où j’espère que j'aurai la joie de voir
votre face & de posséder la souverain félicité en jouissant de vous pour jamais.

v. 7 Attollite portas, principes, vestras, et elevamini, portæ æternales, et introibit rex gloriæ.
Levez vos portes ô Princes, & vous portes éternelles levez vous, & vous ouvrez afin de faire entrer le roi de
gloire

v. 8 Quis est iste rex gloriæ? Dominus fortis et potens, Dominus potens in prælio.
Qui est ce Roi de gloire, le seigneur, qui est vraiment fort & puissant, le Seigneur qui est puissant dans le
combat.

Le saint Prophète passe ici tout à coup comme par un transport d'esprit à nous exprimer de manière
prophétique, qui est celui qu'il a en vue, en disant tout ce qu'il vient de dire & qu'il va dire. C'est du Roi de gloire qui est
venu sur la terre dont il veut parler, puisqu'il crie aux anges de lui ouvrir les portes afin qu'il entre au Ciel. C'est de
Jésus-Christ qui est le Roi de la gloire puisqu'il se l'est acquise pour lui & pour ses élus à titre de victoire & de conquête
, & qu'il l'est ainsi doublement, par voie d’héritage & par acquisition. Il dit qu'on élève ces portes car les Cieux étant
comme le toit de la terre, la porte ne s'ouvre pas de coté comme quand elle est dans une muraille, mais il faut la lever en
haut pour faire un passage.
Voilà le Fils de Dieu [-] qui descend du Ciel en terre pour combattre & pour vaincre ; qui remonte au Ciel,
victorieux de la mort & de l'enfer au jour de sa glorieuse Ascension ; & qui mène en triomphe avec lui toute la captivité
dont il s'est rendu le maitre en les rachetant au prix de son précieux sang.
Mais le saint prophète se sert ici d'une manière de s'exprimer qui marque l'admiration & la joie de son cœur, &
qui est fort propre pour nous faire connoitre l'admiration des anges & les sentiments que nous devons avoir de ce Roi de
gloire, dont il veut parler. Il fait répondre les anges, comme si avant d'ouvrir ces portes ils vouloient savoir qui est ce
Roi de gloire. C'est la même chose que ce que nous voyons dans le cantique où on demande à l'épouse qui est donc ce
bien-aimé qu'elle cherche, sur quoi elle dit ce qu'elle en pense, de l'abondance de son cœur ; & ce n'est que poura voir le
plaisir de l'entendre parler qu'on l'interroge.
David fait ici la même chose, & il répond aux anges d'une manière qui est fort convenable au grand ouvrage

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que Jésus-Christ venoit d'accomplir sur la terre. Il y avoit fait paroitre sa force & sa puissance en bien de manières.
Mais le prophète marque spécifiquement la force qu'il a montré dans le combat, par lequel il a vaincu le diable & le
monde, la Mort & l'enfer. Il a lié ce fort armé qui tenoit les hommes captifs sous le joug du péché, & il a dissipé &
détruit ses armes, il a été la mort de la mort, en mourant lui même dans le combat, & il a mordu l'enfer, a brisé les portes
d'airain & rompu les verrous de fer, comme parle l'Écriture. Voici quels sont les combats du Messie, que David voyoit
des yeux de l'esprit quand il écrivoit ceci.
Ô mon Dieu, voilà de grandes merveilles que votre saint prophète nous signifie en peu de mots. Nous avons vu
l'accomplissement de tout ce qu'il dit ici & nous jouissons du fruit des combats & des victoires de votre adorable Fils. Il
s'est fait ouvrir les portes du Ciel & il y est entré à nos yeux, afin que nous ne puissions douter en aucune manière de sa
puissance & de sa force, de la vérité de ses promesses, & de son Royaume éternel dans les cieux. Nous ne devons point
aussi douter qu'il ne veuille nous en rendre participants puisqu'il nous a unis à lui par sa charité ineffable ; afin que nous
ne fassions qu'un même corps avec lui ; car ce seroit vouloir détruire son propre corps, si la tête étant entrée dans les
cieux, les membres fidèles ne suivoient point leur tête. Je ne doute donc pas ô mon Dieu de la vérité & de la fidélité de
ses promesses. Mais j'ai un combat à soutenir à son exemple contre le diable, le monde & la chair, qui sont ses ennemis
& qui sont aussi les miens. Faites moi la grâce de le bien faire, afin que ces ennemis qui [-] puissent pas se vanter
d'avoir repris quelque chose sur lui en me réduisant à ma première servitude.

v. 9 Attollite portas, principes, vestras, et elevamini, portæ æternales, et introibit rex gloriæ.
Levez vos portes ô Princes & vous portes éternelles levez vous &vous ouvrez afin de laisser entrer le Roi de gloire.

v. 10 Quis est iste rex gloriæ? Dominus virtutum ipse est rex gloriæ.
Qui est donc ce Roi de gloire ? Le Seigneur des puissances est lui même ce Roi de gloire.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Cette répétition que le prophète fait ici de la même chose qu'il a déjà dite aux anges a une merveilleuse énergie
pour nous faire connoitre le saint transport de joie où il étoit en contemplant les merveilles du triomphe du Fils de Dieu,
qui se devoit faire aussi Fils de David en se faisant homme. Il parle donc comme si les anges n'avoient pas encore voulu
ouvrir les portes qu'ils n'eussent entendu quelque chose de plus que ce qu'il venoit de dire de celui qu'il appelloit le Roi
de gloire.
Il leur répond de manière à faire connoitre que celui dont il parle est Dieu lui même, en se servant des termes
par lesquels Dieu est signifié par toutes les Écritures, où on l'appelle le Seigneur des armées, c'est à dire le Seigneur de
toutes les Puissances du Ciel & de la terre. Il nous exprime aussi par ces paroles les deux natures de Dieu & de l'homme
qui sont unies ensemble en la personne de Jésus-Christ. Il semble que ce qu'il avoit dit dans la première réponse ne
regardoit que l'humanité du Fils de Dieu, mais dans cette seconde il exprime sa divinité.
Ô mon seigneur, les anges ne répliquent plus rien à la réponse de votre saint prophète. Ces deux interrogations
qu'ils font nous marquent l'admiration où ils étoient de voir la nature humaine élevée à une si haute dignité qu'elle l'est
en la personne de votre Fils bien aimé. Ce sont des merveilles & des secrets de votre sagesse qu'il faut admirer avec
votre apôtre, quand il considère que vous n'avez point voulu vous servir des anges pour opérer l'œuvre de notre
rédemption ; mais d'un homme sorti de la race d'Abraham. Ô mon Dieu faites moi la grâce de bien reconnoitre &
d'honorer la dignité de ma nature, & de ne la point déshonorer par des actions qui soient indignesd'une nature que votre
Fils unique a choisie pour l'unir à la sienne dans sa personne divine.

L'antienne se dit ici toute entière

Benedicta tu in mulieribus & benedictus fructus ventris tui


Vous êtes bénie entre toutes les femmes, & béni est le fruit de votre ventre
Diffusa est gratia in labiis tuis
Une grâce admirable s'est répandue sur vos lèvres

On dit le Pater & l'Ave


Les leçons & les bénédictions qui les précèdent se trouvent à la fin du troisième nocturne.

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SECOND NOCTURNE

composé de trois psaumes


Ps. XLIV eructavit cor meum
Ps. XLV Deus refugium nostrum
Ps. LXXXVI Et fundamenta ejus
qui se disent le mardi & le vendredi

L'antienne contient ces paroles :


Homo natus est in ea & ispe fundavit altissimus
Un homme est né dans elle & c'est cet homme qui est le très haut & qui l'a fondée lui même.

Premier psaume

Ps. XLIV Eructavit cor meum

On peut appeler ce psaume le psaume de la plus tendre dévotion des bonnes âmes. Car elles y voient comme un
espèce de contrat de mariage & un saint cantique de la noce où s'est fait l'union de la nature divine avec la nature
humaine dans le sein de la sainte vierge ; le saint prophète a été comme le notaire de ce contrat & en a spécifié les
clauses & les conditions que le saint Esprit lui avoit révélées plus de mille ans avant qu'il fut accompli ; & c'est ce saint
mariage qui nous a fait renaitre à une nouvelle vie. Mais ce qui est très remarquable c'est que les interprètes hébreux,
ainsi que les grecs & les latins conviennent que ce psaume doit s'entendre uniquement du Messie & de son épouse qui
est l’église.

v. 1 Eructavit cor meum verbum bonum : dico ego opera mea regi.
Mon cœur a prononcé une excellente parole, c'est au Roi suprême que j'adresse & que je chante mes ougrages.

v. 2 Lingua mea calamus scribæ velociter scribentis.


Ma langue est comme la plus de écrivain qui écrit très vite.

Il semble que le saint prophète veuille faire ici quelque chose qui approche ce qu'observent les notaires dans les
actes publiques, où ils déclarent d'abord leur noms & leur qualité, ce qu'ils vont faire & pour quelle fin ils le font. Car il
exprime tout cela en peu de mots. Ce n'est point une simple histoire qu'il va écrire, c'est quelque chose où il n'a point
d'autre part que de servir d'instrument à l'Esprit de Dieu qui l'anime & qui le fait écrire, il a le cœur rempli de
merveilles, il en est dans l'admiration, & ne pouvant produire au dehors toutes les vues & les connoissances que l'Esprit
de Dieu lui donne, il se sert d'un terme qui signifie l'effet d'une abondance qui est si grande qu'on ne peut l’empêcher de
paroitre par un bruit qui sort de la bouche.
Il est plein non pas d'une chose qui l'engage à dire des paroles désagréables, comme il s'en trouve souvent dans
les prophéties, où on voit en plusieurs endroits des menaces & des prédictions de plusieurs désastres, de meurtres, de
famine, d'incendie, de captivité & d'autres choses semblables. Mais il est plein de la plus agréable & de la meilleure de
toutes les choses, d’une parole de joie & vie, d'une parole qui regarde le Verbe divin, c'est à dire la pensée & la parole
de Dieu même.
C'est de ce Verbe & des merveilles qu'il veut opérer sur la terre pour la rédemption du genre humain dont le
prophète est rempli & dont il veut parler, & comme c'est le fils de Dieu, le Roi suprême de toutes choses, qui l'a choisit
pour être l’interprète de cet admirable mystère & qui lui a rempli le cœur des merveilles qui doivent se rencontrer dans
son accomplissement, il veut nous faire connoitre que dans tout ce qu’il va dire, c'est plutôt ce Roi qui parle que lui, &
que par conséquent tout doit être attribué à ce roi & non pas à lui même.
Il se compare à la plume de l'ecrivain pour nous montrer qu'il n'est que l'instrument de celui qui le fait écrire, &
que c'est l'Esprit de Dieu qui lui tient comme la main, & qui lui dicte ce qu'il va dire. Il écrit vite car n'étant que
l'instrument de celui qui le fait écrire il n'a pas besoin d'étudier ni de penser à ce qu'il doit écrire car il le trouve sous sa
plume. Et nous verrons qu'il ne s'agit dans ce divin psaume qu'un de contrat de mariage entre la nature divine & la
nature humaine, du Fils de Dieu qui est l'Époux & de l’église qui est l'Épouse. On y voit les qaulités & les richesses de
l'Époux & ce qu'il veut faire pour son épouse, & on y voit aussi les avantages qu'il veut faire à son épouse, ce qu'il
demande d'elle, & quelles seront les suites de cet admirable mariage.
Il va parler comme un homme qui voit devant ses yeux les choses dont il parle, & il s'en explique comme s'il
lisoit dans un livre tout ce qu'il doit dire.
Ô mon Dieu ce n'est pas sans raison que votre prophète commence ce psaume par un si agréable préambule,
parce qu'il nous va dire la plus admirable chose & la plus consolante qu'on puisse jamais dire, c'est le grand mystère de

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votre charité, c'est l'œuvre de la puissance de votre bras, c'est ce qui doit ravir en admiration les anges & tous les
bienheureux dans le Ciel, & c'est enfin ce qui est le fondement de notre espérance, de notre soutien & de notre
consolation sur la terre. Ouvrez moi par votre sante grâce les oreilles du cœur, afin qu'il soit bien pénètre des admirables
effets de votre charité, & qu'il en conçoive tous les sentiments de reconnaissance que je vous en doit.

v. 3 Speciosus forma præ filiis hominum, diffusa est gratia in labiis tuis : propterea benedixit te Deus in æternum.
Vous surpassez en beauté les enfants des hommes & une grâce admirable est répandue sur vos lèvres, c'est
pour cela que Dieu vous a béni éternellement.

v. 4 Accingere gladio tuo super femur tuum, potentissime.


Vous qui êtes tout puissant, ceignez vous de votre épée sur votre cuisse.

IL regarde premièrement l'Époux, & pour exprimer ce qu'il en pense c'est à lui même qu'il adresse sa parole. IL
est surpris de ce qu'il voit & de ce qu'il nous va dire, qu'un Dieu se devoit faire homme ; & il s'explique à lui même
étant comme saisi d'un transport d'admiration en voyant la beauté & les admirables qualités de ce nouvel homme. C'est
comme si étant sais d'étonnement de voir cet époux il se tournoit vers lui, & s’arrêtant à le regarder fixement il disoit :
Quoi mon Dieu, c'est donc vous qui devez être l'époux de ce mariage dont je vais faire l’épithalame ? Et qu'en
continuant à le regarder il exprimoit autant qu'il lui est possible les perfections & les qualités qu'il voit dans lui, aussi
bien que les merveilles qu'il doit faire, & il nous dit ce qu'il pense de sa beauté.
Le Fils de Dieu surpasse en beauté tous les anges & tout ce qu'il y a de beau au Ciel & en la terre, & sa
Divinité est la source de toute la beauté, mais le prophète voyant tout cela renfermé dans l'homme-Dieu qu'il admire, il
lui parle comme à un homme, & lui dit que sa beauté surpasse celle de tous les enfants des hommes, puisqu'il est celui
qui est beau par lui même & par excellence, non seulement à l'égard de sa divinité, mais aussi à cause des beautés de
l'âme & du corps dont sa divinité a enrichi son humanité.
De la beauté du corps il passe à son éloquence & à la grâce admirable qui étoit toute naturelle à ses paroles &
qu'il répandoit par ses lèvres en les ouvrant pour parler. Grâce & paroles si admirables qu'elles surpassoient infiniment
la vertu qu'a l'ambre d'attirer la paille & l'aimant d'attirer le fer, car elles convertissoient les cœurs & elles se faisoient
suivre, témoin les apôtres & entre autres saint Matthieu, qui quitta tout pour suivre celui qui lui parloit ; Parole si forte
& si rempli de vertu, que la mer & les vents, la vie & la mort, tous les éléments, & les démons même, lui obeissoient.
D'où venoit cette grâce & cette vertu ? David nous l'apprend : c'est de la Bénédiction éternelle que l'humanité
de Jésus-Christ devoit recevoir de Dieu dans le choix qu'il avoit fait d'elle pour être uni éternellement au verbe divin, &
servir par conséquent à composer un homme dans lequel la plénitude de la divinité devoit habiter corporellement, ainsi
que parle saint Paul. Cette bénédiction étoit sans fin & sans mesure. Voilà bien des merveilles contenues en ce peu de
paroles du prophète.
Les paroles du quatrième verset nous marquent d'un manière prophétique ce que le Fils de Dieu venoit faire au
monde en ce faisant homme. Il venoit pour y soutenir un grand combat contre la mort, le diable & l'enfer, & pour
délivrer le genre humain de la servitude & de la captivité. C'est ce que le prophète nous veut faire entendre d'une
manière agréable, en disant à ce nouvel homme, qu'il reconnnoissoit comme le plus puissant de tous les puissants, & le
plus fort de tous les forts, qu'il s’armât de son épée, comme étant l'instrument dont on se sert pour soutenir un combat
contre ses ennemis.
Ô mon Dieu, si le sage voulant nous faire comprendre quelque chose de votre beauté se sert de la comparaison
de celle que nous voyons dans les créatures que vous avez tirés du néant, que pouvons nous penser qui nous puisse
donner une juste idée de celle de votre Fils bien aimé, que votre apôtre appelle la figure de votre substance & l'image de
votre bonté. C'est avec bien de la raison que saint Anges voulant exprimer quelque chose de sa beauté dit que le soleil &
la lune l'admirent. A beauté correspond à sa beauté & il a employé celle-ci pour me faire ressentir les effets de l'autre. Il
a montré par effet ce que peuvent son bras & son épée, il a vaincu les ennemis & m'a délivré de la captivité. Faites moi
la grâce de me bien tenir sous la protection de son bras & sous la défense de son épée.

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v. 5 Specie tua et pulchritudine tua intende, prospere procede, et regna
Servez vous de votre beauté & de votre majesté ainsi que d'un arc tendu, avancez vous & soyez heureux dans
vos combats, & Établissez votre règne.

v. 6 propter veritatem, et mansuetudinem, et justitiam; et deducet te mirabiliter dextera tua.


Par le ministère de la vérité, de la douceur & de la justice, & votre droite vous fera faire des progrès miraculeux
& étonnants.

Il ne s'agit pas ici de la beauté du corps, qui consiste dans une belle proportion des membres, dans le bel air
d'un visage gai & coloré, & dans un port agréable & majestueux ; mais de la beauté spirituelle dont veut ici parler le
saint prophète, qui consiste dans la justice & dans la sagesse, dont fait comme la belle proportion & la seconde est
comme l'éclat d'une lumière qui se répand par tout. L'âme est véritablement belle quand elle a la volonté pleine de
justice & l'entendement rempli de sagesse. C'est une beauté que l'âge ne [flétrit] point mais qui [-] toujours & qui
augmente plutôt qu'elle ne diminue.
Ce n'est point par les armes matérielles que Jésus-Christ a vaincu le diable & le monde, mais ç'a été par l’éclat
de cette beauté de son âme, qui étant jointe à la force de sa divinité a fait ce que le saint Prophète prédit ici. Sa justice &
sa sagesse lui ont servi comme d'épée & d'arc pour vaincre ses ennemis. Sa sagesse a vaincu les ruses du démon, & sa
justice a surmonté la malice de cet ennemi du genre humain, qui a fait entrer la mort sur la terre par la fureur de son
envie.
Sa sagesse a conduit ses flèches, & le saint Prophète joint ici ses souhaits à ce qu'il voyoit qu'il arriveroit à ce
saint époux, dont il prédit la prospérité & le règne. Il ne venoit sur la terre épouser la nature humaine qu'afin de la
délivrer des mains de ses ennemis. Mais par le combat généreux d'un véritable homme il a non seulement vengé les
injures des hommes, mais même il les a mis en état de vaincre celui qui les avoit injustement soumis à sa domination
tyrannique. IL a fait bien plus, car il a donné à des hommes le pouvoir de délier ceux qui s'étant de nouveau laissés
séduire par cet ancien ennemi seroient retombé dans leur première captivité.
La prospérité du vainqueur s'est étendue sur tout le genre humain, non seulement en le retirant de la captivié,
mais en lui fournissant aussi les moyens d'être heureux à jamais : s'il étoit déjà le roi des démons & des hommes par
nature, il en a acquis le règne par un nouveau titre, par celui d'une victoire remportée sur les démons & par celui de
Libérateur des hommes qu'il a fait devenir ses frères cohéritiers de son royaume, après les avoir acquis au prix de son
sang & de sa vie. L4empire doit être bien doux à ceux qui y sont soumis quand celui qui en est le Roi ne les réduit sous
son empire que pour les retirer d'une dure servitude & les rendre participants de sa gloire & de ses richesses. Voilà
quelle a été la prospérité & le règne de l'Époux dont parle ici le prophète.
Comme il ne s'agit point d'armes matérielles dans le combat de l'Époux, il n'est pas aussi question de la force
du corps & ni la violence des bras pour battre ses ennemis, les mettre en fuite & remporter sur eux une victoire
complète. C'étoit donc par sa beauté spirituelle qu'il combattoit ses ennemis, & le saint prophète nous l'explique ici plus
ouvertement en disant par le ministère de la vérité où il nous exprime sur quoi l'Époux établissoit sa conduite, ce qui
gouvernoit comme sa main droite dans l'exercice de son combat, & les vertus royales dont il étoit remplis, qui marquent
par combien de raisons aussi bien que de titres il méritoit la dignité de Roi, mais d'un Roi admirable.
La manière de régner du saint époux est ici bien marquée par la vérité, la douceur, & la justice, car toute sa
conduite a roulé sur ces vertus. Il étoit la vérité même, comment auroit il donc pu s'écarter de la vérité qui le rendoit
parfaitement fidèle dans ses paroles & dans ses promesses ? La justice des rois a comme deux visages, l'un doux &
agréable or ceux qui ont du mérite, l'autre sévère & irrité pour les mauvais sujets. Mais la douceur a toujours été
inséparable de la justice du saint époux. Témoin le jugement qu'il rendit en faveur de la femme adultère. C'est pourquoi
le saint prophète met ici la douceur avant la justice, afin de nous faire connoitre que celle du saint époux n'auroit rien
d'âpre, qu'il exerceroit toujours sa justice avec douceur, & qu'elle n'auroit rien de rebutant ; & que c'est cela même qui
rendroit sa conduite admirable, & qui lui donneroit un progrès merveilleux par ce nouveau moyen, qui n'appartient qu'à
Dieu seul, d'attirer les hommes à son Empire par le lien de leur propre liberté, prévenue des bénédictions de sa douceur
divine.
Ô mon seigneur, vous êtes le Roi des rois & le seigneur des seigneurs, mais vous exercez votre royauté d'une
manière admirable, car vous ne voulez pas user de contrainte ; & quoi que vous fassiez sans cesse du bien à ceux qui
sont vos sujets naturels, vous les laissez en leur liberté. Votre cher Fils s'est rendu un Roi admirable par la beauté de son
[p. 74] la vérité, sa douceur & sa justice. C'est par cette conduite qu'il a voulu me racheter & me donner une part à son
royaume. Faites moi la grâce d’imiter & d'honorer en toutes choses ces mêmes vertus dont il s'est servi pour opérer ma
délivrance & mon salut, & de n'estimer au monde rien de beau & de bon que ce qui peut rendre mon âme agréable à vos
yeux. Ce sera par les mêmes moyens que je vaincrai ses ennemis & les miens & que je m'avancerai dans vos bonnes
grâces.

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v. 7 Sagittæ tuæ acutæ : populi sub te cadent, in corda inimicorum regis.
Vos flèches sont très aiguës, les peuples tomberont sous vous, & elles pénétreront jusqu'au cœur des ennemis
du roi.

v. 8 Sedes tua, Deus, in sæculum sæculi; virga directionis virga regni tui.
Votre trône ô Dieu subsistera éternellement, le sceptre de votre règne sera un sceptre de rectitude & d'équité.

La douceur qui accompagne la justice de notre Roi ne diminue en rien la force de ses armes. Ses flèches sont
plus perçantes que les épées les plus tranchantes, elles sont aiguës d'une manière si admirable, puisque sans faire de
blessures au corps elles pénètrent les cœurs ; & si elles font tomber par terre les peuples entier, c'est sans tuer personne,
si elles détruisent la vieille vie, ce n'est que pour en donner une nouvelle.
Voilà une belle expression prophétique que David nous fait de la parole de Jésus-Christ dont il pénètre les
cœurs de ses ennemis, qui les fait mourir au péché pour vivre à sa grâce, & dont cet admirable Roi se sert sur ses sujets
pour les faire devenir ses amis d'ennemis qu'ils étoient, après avoir percé leur cœurs des flèches de sa grâce & de sa
charité.
Mais le prophète nous déclare ouvertement la divinité de cet admirable Roi, & nous fait entendre que s'il paroit
homme à nos yeux, il est Dieu & homme tout ensemble. Il nous a parlé de sa beauté & de sa conduite selon son
humanité dans les premiers versets de ce psaume, ce qu'il devoit faire pour nous délivrer, pour nous acquérir & pour
nous faire son royaume, & des heureux succès de sa conduite dont il nous exprime même la manière. Mais enfin il nous
déclare qu'il s'agit ici d'un Roi bien autre que ne sont les rois de la terre, puisque cet un Roi dont le trône est au dessus
de tout le monde crée, c'est un roi éternel, c'est un Dieu même, dont le gouvernement & la conduite sont incapables de
s’écarter de la droiture & de l'équité.
Ô mon Dieu, je vois ici d'admirables choses qui m’apprennent ce que la Foi m'enseigne des qualités de votre
fils bien aimé, des faits incomparables de mon Rédempteur & de mon Libérateur avoit été révélé à votre prophète &
écrit depuis tant siècles. Quelle confusion sera ce au jour où votre cher Fils, ce Roi de gloire qui nous est ici annoncé
jugera les justices ; pour ceux qui ont connus ces vérités, qui les ont vu accomplies, qui en ont gouté les effets & qui
auront abusé par leur infidélité de toutes les merveilles qu'il a faites pour l'amour d'eux. Ô mon seigneur je ne m'étonne
pas s'ils diront alors aux montagnes de tomber sur eux pour les cacher de devant sa face, mais vous savez que ma
faiblesse est si grande que je tombe dans les inclinations de la chair si votre grâce ne soutient mon esprit & ma raison.
Soutenez moi donc, fortifiez moi, affermissez moi en me donnant l'Esprit de force , afin que toutes ces merveilles que je
reconnois & que j'adore ne me soient pas un sujet de confusion & de condamnation éternelle.

v. 9 Dilexisti justitiam, et odisti iniquitatem; propterea unxit te Deus, Deus tuus, oleo lætitiæ, præ consortibus tuis.
Vous avez aimé la justice & haï l'iniquité, c'est à cause de cela ô Dieu que votre Dieu vous a oint d'une huile de
joie, d'une manière plus excellente que tous ceux qui y ont part avec vous.

v. 10 Myrrha, et gutta, et casia a vestimentis tuis, a domibus eburneis ; ex quibus delectaverunt te


filiæ regum in honore tuo.
Il sort de vos habits & de vos maisons d'ivoire une odeur de myrrhe, d'aloës & de cannelle, ce qui a engagé les
filles des Rois à vous procurer de la joie fans votre état de gloire.

Il est dit de tous les hommes que leurs pensées & tout leur penchant les porte aux mal dès leur tendre jeunesse,
mais il n'en devoit pas être de même de l'humanité sacrée de Jésus-Christ qui ne pouvoit aimer que la justice & avoir le
péché en horreur. C'est ce que le prophète nous veut ici faire entendre & nous faire connoitre en même temps le mystère
de l'union de l'humanité avec la divinité, en appelant ce même homme son Dieu, & en répétant deux fois le nom de
Dieu. Car il veut par là nous signifier que Dieu le père a oint son Fils qui est Dieu comme lui, non pas dans sa divinité
car elle est incapable de recevoir cette onction, mais dans son humanité.
Par l'huile de joie il faut entendre les grâces & la gloire éternelle auxquelles les anges & les saints ont part,
mais c'est d'une manière qui n'entre point en comparaison avec l'onction de Jésus-Christ. Car il en est le maitre en
qualité de Seigneur des biens de son Père qu'il distribue à qui il lui plait, & ce n'est que par lui & par son moyen qu'on
peut y participer. Il est aussi appelé le Christ qui veut dire oint, parce qu'il est oint par excellence & d'une manière qui
surpasse tous les autres. Il n'est pas seulement oint de la grâce & de la gloire mais aussi de la divinité, qui a rendu son
humanité la source de toutes les onctions de joie, c'est à dire de tout ce qui peut produire la sanctification des autres, &
les faire entrer en jouissance de la joie éternelle.
La myrrhe l’aloès & les autres parfums dont il est ici fait mention & qui étoient estimés les plus exquis du
temps de David, ne signifient que les vertus du même Christ, qui répand par tout une odeur divine & céleste. Ces
maisons d'ivoire nous marquent les appartements précieux du Palais céleste de l'Époux, ainsi que ses vêtements nous
signifient son humanité, qui étoit comme le vêtement qui couvroit sa divinité, & l'un & l'autre nous exprime d'une
manière métaphorique la grandeur, les richesses, & les admirables vertus de celui dont parle ici le prophète.
Ce sont de ces mêmes parfums que parle l'épouse du cantique quand elle dit tirez nous après vous & nous
courrons à l'odeur de vos parfums. Mais les effets en sont ici exprimés car c'est d'où vient que ces filles des Rois, c'est à
dire en plusieurs endroits de l'Écriture les peuples, les nations, les royaumes, & encore plus les âmes illustres en vertus,

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qui leur donnent une noblesse préférable à toutes celles des Rois de la terre ; ces filles des rois, dis-je, attirées & courant
à l'odeur des parfums du saint époux lui ont donné de la joie au jour de sa gloire ; C'est à dire que quand son nom a été
comme une huile répandue par toute la terre, la joie de Jésus-Christ s'est accomplie en faisant voir dans ses apôtres &
dans tant de martyrs& de confesseurs & de vierges la force de sa grâce & la grandeur de Dieu son père, comme la
sienne. C'étoit lui même qui étoit la source de cette joie, car c'étoit de ses vêtements que soirtoient ces parfums attirants
& charmants. Mais il avoit la joie de voir dans ces saintes âmes la correspondance à sa charité, qui est ce qu’il désiroit
le plus, comme il l'a témoigné lui même par ses paroles & par ses exemples admirables. Voila les merveilles que le saint
prophète renferme en ce peu de paroles.
Ô mon Dieu, votre cher fils est venu sur la terre nous apprendre à aimer ce que vous aimez & à détester ce que
vous haïssez, & il nous l'a montré dans sa personne par ses paroles & par ses exemples. Je suis bien convaincu que ce
que vous aimez est ce qui est uniquement aimable & désirable & que ce que vous haïssez mérite une haine
irréconciliable. Mais vous connoissez le penchant de ma nature corrompue, faites moi la grâce d'être si bien attiré &
pénètre des parfums célestes de votre cher Fils que je ne suive jamais ce que mon amour naturel corrompu me voudroit
faire aimer, mais que je puisse contribuer de quelque chose à la joie du céleste époux dont il est ici parlé, en aimant ce
qu'il a aimé, & en faisant ce qu'il m'a recommandé.

v. 11 Astitit regina a dextris tuis in vestitu deaurato, circumdata varietate.


La reine s'est tenue à votre droite ayant un habit enrichi d'or & étant environnée de divers ornements.

v. 12 Audi, filia, et vide, et inclina aurem tuam; et obliviscere populum tuum, et domum patris tui.
Ecoutez ma fille, ouvrez vos yeux & ayez l'oreille attentive, & oubliez votre peuple & la maison de votre père.

Jusqu'ici le saint Prophète n'avoit parlé que du Roi Epoux, mais il va nous faire connoitre la Reine épouse de ce
Roi, & qui est cette reine. Il nous la montre donc non pas comme assise, puisqu'il sembleroit qu'il y eut de l'égalité entre
elle & son époux, mais il la fait paroitre comme étant debout, & placée à sa droite. Cette épouse est l’église composée
de l'assemblée des fidèles qui sont comme les membres de son corps, mais le principal de ces membres, c'est la Sainte
Vierge qui en est comme la mère, puisqu'elle est la mère de son époux & qui est aussi celui dont l’église a été formée,
de même qu'Eve fut formée de la côte d'Adam.
C'est sainte Vierge que David consideroit ici comme étant le principal & le plus beau membre de l’église, &
elle en est comme le cou, qui joint la tête avec le reste du corps & par où passe ce que la tête communique aux autres
membres. Le prophète s'en explique assez en l’appelant sa fille, car la sainte Vierge est véritablement sa fille selon le
sang.
Cet habit enrichi d'or, les autres ornements dont il voit cette reine parée, nous représentent mystérieusement les
dons célestes & les vertus dont Dieu a orné son Église. La charité, la sagesse, la doctrine de la vérité & des bonnes
mœurs, la Foi, l'Espérance, & la Charité, en un mot, la diversité des grâces que Dieu a données aux apôtres, aux
martyrs, aux Docteurs & aux Confesseurs, de toutes sortes de conditions.
Mais le saint prophète se trouvant si fort engagé dans les intérêts de cette reine, qui est sa fille, veut ici comme
user des sentiments & de l'autorité du père pour recommander à sa fille ce qu'elle doit observer pour bien correspondre à
l'honneur que le Roi lui fait de la faire reine, en la prenant d'une manière admirable pour être sa mère & son épouse tout
ensemble. Écoutons donc bien les admirables instructions qu'il lui donne, car c'est l'Esprit de Dieu qui le fait parler & ce
qu'il dit à sa fille selon la chair, convient à toutes les bonnes âmes qui sont les filles de sa fille en qualité d'enfants de
l’église.
La première est qu'elle écoute & qu'elle voie cela veut dire qu'elle soit attentive aux paroles intérieures &
extérieures de son époux, qu'elle les considère pour s'en nourrir, & le cœur & l'esprit, & que ses paroles soient comme la
nourriture de sa vie, puisque c'est son époux seul qui a les paroles de la vie éternelle.
La seconde est qu'elle ait l'oreille attentive & soumise c'est à dire qu'elle montre par son obéissance & sa
fidélité à accomplir ce que son époux lui dit, qu'elle estime & qu'elle aime ce qu'il dit comme venant de la sagesse
même & comme étant ce qui lui fait connoitre ce qui est agréable à sa majesté, & par conséquent ce qu'elle doit faure
pour correspondre à son amour.
La troisième est qu'elle oublie son peuple ce qui signifie un si grand détachement, un si grand mépris des
choses du monde qu'on cesse d'avoir commerce & liaison avec lui, jusqu'au point qu'on en ait comme perdu le
commerce.
Et la quatrième qu'on oublie même la maison de son père ce qui marque un détachement des affections les plus
naturelles des parents & des proches. Ne semble t il pas, lorsque David parle de la sorte, qu'il a déjà entendu prêcher
Jésus-Christ son fils selon la chair, & qu'il a appris de lui toutes les pratiques de la perfection évangélique sur la prière
& sur la vigilance qui nous doit rendre attentifs à Dieu & à nous mêmes, sur la fuite du monde, comme étant l'ennemi
de Dieu & de notre salut, & sur la sainte haine des parents qu'il faut avoir pour devenir un véritable disciple du céleste
époux. Mais en disant tout ceci à la sainte Vierge sa fille, il ne faisoit que prédire ce qu'elle pratiqueroit à la perfection
& ce qui lui attireroit ce qu'il va annoncer dans la suite de ce psaume.
Ô mon Dieu, vous n'avez pas voulu au commencement du monde que l'homme demeurât seul sur la terre, &
vous lui avez donné une aide semblable à lui en lui formant une femme, que vous avez composée de sa chair & de ses
os. C'est cette femme qui avoit été la cause de notre perte, mais pour réparer ce malheur vous avez voulu vous servir

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d'une femme, & l'associer au grand ouvrage de notre rédemption en qualité de Mère de votre Fils unique, de mère du
Rédempteur & de l'Époux de l’église, qui a bien voulu être composé selon le corps de la chair & des os de cette sainte
mère. Voilà de grands miracles de Charité qui me doivent remplir de sentiments de reconnaissance, d'amour & de
confiance. Si j'ai l'honneur de vous avoir pour Père & votre Fils pour frère, j'ai aussi pour mère cette reine, cette fille de
David, à qui il donne ici des enseignements. Apprenez moi mon Dieu à bien mettre en pratique les enseignements que
ce saint Prophète donne ici à sa fille, afin que j'honore comme je dois le fils & la mère, & que j'ai part à ce que David va
prédire à sa fille.

v. 13 Et concupiscet rex decorem tuum, quoniam ipse est Dominus Deus tuus, et adorabunt eum.
Et le roi désirera votre beauté parce qu'il est le Seigneur votre Dieu & que les peuples l'adoreront.

v. 14 Et filiæ Tyri in muneribus vultum tuum deprecabuntur; omnes divites plebis.


Et les filles de Tyr viendront avec leur présents, tous les riches d'entre les peuples
vous offriront leurs humbles prières.

Il n'est point ici question de la beauté du corps, comme on le verra déclaré ouvertement un peu plus bas, mais
bien de celle de l'âme qui s'établit sur les avis spirituels que le prophète vient de donner à sa fille & qu'on peut appeler
les solides principes de la perfection chrétienne. C'est l'attention à Dieu, accompagnée d'une fidèle obéissance à ses lois,
à ses saintes volontés signifiées, & le détachement parfait des créatures pour aimer Dieu par dessus toutes choses. Voilà
sur quoi toute la beauté de l'âme est fondée, & ce qui la rend digne d'être aimée de Dieu d'un amour de complaisance.
Mais enfin que cette épouse reconnoisse toujours cette différence infinie qui est entre elle & l'époux, & qu'elle
soit pénétrée de la reconnaissance du pur amour, qui a porté l'époux à la faire son épouse, il lui déclare que son époux
n'est pas un homme simple, mais qu'il est un home & Dieu tout ensemble, son seigneur & son Roi, à qui toute la terre
rendra ses adorations. On ne pouvoit exprimer tant de grandes choses en moins de paroles, car elles contiennent tout le
mystère de l'humanité de Notre Seigneur unie à sa divinité, & les principes de toute la perfection qu'il a enseignée dans
son Évangile.
Le saint prophète ayant parlé de l'adoration qu'on rendra à l'époux, parce qu'il est Dieu & que sa divinité est
comme cachée sous le voile de son humanité, déclare aussi à l'épouse les honneurs qu'on lui rendra. Il fait entendre par
les filles de Tyt les Nations étrangères distinctes du peuple juif. Ces Nations étrangères rendront donc leurs hommages à
l'épouse & lui feront des présents en bâtissant des temples à son honneur, & ils auront recours à sa protection & à ses
intercessions comme étant très puissants auprès du divin époux.
Pouvoit on mieux exprimer le culte qu'on rend aujourd'hui à la sainte Vierge & Mère de Dieu ? Tout ceci
s'applique aussi à l’église, mais les expressions conviennent si bien au culte religieux qu'on rend à la sainte vierge
Marie, qu'il est à croire que le saint Prophète regardoit spécifiquement sa fille comme celle qui devoit être la Mère & le
plus bel ornement de l’église, & qu'il avoit vu en esprit le culte & la vénération qu'on lui rend aujourd'hui.
Ô mon Dieu, je vois ici la prophétie des grâces & des dons que votre divine Majesté avoit résolu de faire à
celle que votre Fils vouloit choisir pour être sa Mère. Votre miséricorde a voulu nous pourvoir d'un grand secours en
donnant à votre Fils une mère qui seroit aussi la notre, & qui fut notre médiatrice auprès de lui, comme son Fils & le
votre est le suprême médiateur entre vous & les hommes. Cette sainte Mère a pratiquée fidèlement à vos yeux ce que
David son père lui recommande dans ce psaume, en vous obéissant parfaitement & en vous aimant uniquement.
Accordez moi par les mérites du Fils & de la Mère la grâce d'imiter ces mêmes vertus afin que mon âme devienne
agréable à vos yeux.

v. 15 Omnis gloria ejus filiæ regis ab intus, in fimbriis aureis, circumamicta varietatibus.
Toute la gloire de celle qui est la fille du Roi lui vient du dedans au milieu des franges d'or & des divers
ornements dont elle est environnée.

v. 16 Adducentur regi virgines post eam; proximæ ejus afferentur tibi.


Des vierges seront amenées après elle & on vous présentera celles qui sont les plus proches.

C'est ici où le saint prophète nous enseigne que toute cette beauté de l'épouse & ses riches vêtements dont il a
parlé ne doivent pas être entendus ni de la beauté du corps ni des vêtements matériels, mais d'une manière spirituelle.
C'est du dedans & de l'intérieur de l'âme que vient cette beauté. C'est de la Charité & de toutes les vertus qui en naissent
comme de leur mère que s'entendent ses franges d'or & tous les autres ornements de l'épouse, qui est appelée la fille du
Roi parce qu'étant l'épouse du Fils, elle est la Fille du Père éternel. Mais celle qui est Mère & épouse de ce divin Fils
comme est la sainte Vierge, mérite d'être appelée la Fille du Roi des rois, parce que Dieu le Père l'a crée pour être la
Mère de son Fils.
Des vierges seront amenées au Roi après elle. Il semble que ce saint Roi veuille ici nous prédire la virginité de
sa fille, qui devoit être vierge & mère tout ensemble, & la première qui devoit comme lever l'étendard de la virginité ; &
qui a aussi prévu ce qui est arrivé à tant de saintes âmes, qui attirées par l'exemple de la virginité de Marie, se sont
consacrées à l'unique amour de l'Époux céleste en renonçant aux engagements du mariage. Mais David comprend aussi

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dans ses paroles tout le corps des âmes fidèles qui compose l’église, qui en venant à Jésus-Christ par la Foi & par les
œuvres, sont amenées à lui en suivant les instructions & les sentiments de l’église leur mère. Elles y sont amenées par
les attraits de la grâce & par l'assistance de leurs bons anges. Mais il semble que David parle ici directement à cette
Reine des vierges, que celles-ci ont suivies, & qui sont devenues ainsi les plus proches par la ressemblance de son état
de vierge.
Ce sont nos âmes, ô mon Dieu qui sont honorées de votre image & ressemblance, qui peuvent être belles à vos
yeux, & non pas nos corps dont la beauté n'est qu'une ombre qui s'anéantit par la mort. Il n'y a que mon âme qui puisse
avoir la beauté & les ornements qui vous la rende agréable, & c'est de là qu'elle peut tirer une innocente gloire, qui est
celle de vous plaire, mais c'est vous qui êtes la source de cette beauté & de ses ornements intérieurs dont parle ici votre
Prophète. C'est de vous que je les attends & je vous les demande. Faites moi devenir une de ces âmes fidèles qui sont
appelées les proches de cette admirable épouse qui est tout ensemble Reine, Mère & vierge ; que je sois à sa suite,
attaché à elle, & présenté à vous par elle même afin que l'ayant toujours pour mère, je vous ai à jamais pour père.

v. 17 Afferentur in lætitia et exsultatione; adducentur in templum regis.


Elles seront présentées avec des transports de joie, on les conduira jusques dans le temple du Roi.

v. 18 Pro patribus tuis nati sunt tibi filii; constitues eos principes super omnem terram.
Vous avez engendré plusieurs enfants pour succéder à vos pères, & vous les établirez Princes sur toute la terre.

Ce saint prophète nous exprime quelle sera la joie des noces de toutes ces vierges avec la céleste époux, de ces
noces qui seront multipliées par autant d’âmes fidèles qui seront conduites dans le Temple céleste de ce Roi de gloire
comme dans le lit nuptial où sa charité les unira à lui pour toute l’éternité.
David nous exprime ici la fécondité du mariage du céleste époux avec son épouse, nous y voyons la naissance
des apôtres & des premiers disciples du saint époux, qu'il a établi Princes sur toute la terre, en les envoyant prêcher par
tout le monde, dont ils se sont rendus les Princes en convertissant à Dieu les Rois & les Princes, les peuples & les
Nations, & en leur donnant les saintes lois de l'Évangile. Toute la terre les révère & les reconnoit comme de grands
princes de la cour du Roi de gloire, & les peuples se mettent sous leur protection, sachant le crédit qu'ils ont auprès de
Dieu.
Ces princes ont laissé des successeurs qu'ils représentent toujours & qui succèdent à leur ministère. Voilà
comment au lieu des pères qui sont morts il renait des enfants qui tiennent leur place.
Ô mon Dieu, nous voyons ici les mystères de votre charité & les dispositions de votre providence, par la
conversion du monde bien exprimé, il ne nous reste qu'à profiter des effets continuels de votre miséricorde. Voilà ces
pauvres pécheurs, ces idiots bien marqués dont votre sagesse a voulu se servir pour confondre la sagesse du monde &
pour nous faire voir en effet que celle des hommes n'est qu'une folie en comparaison de la votre. Faites moi la grâce
d'honorer en toutes choses cette sainte folie, & cette admirable sagesse de vos apôtres, dont vous avez voulu vous servir
pour montrer au monde que ce qui paroissoit insensé à ses yeux surpassoit infiniment toute sa sagesse.

v. 19 Memores erunt nominis tui in omni generatione et generationem


Ils se souviendront Seigneur de votre nom dans la suite de toutes les races.

v. 20 propterea populi confitebuntur tibi in æternum, et in sæculum sæculi.


Et c'est pour cela que les peuples publieront éternellement vos louanges dans tous les siècles des siècles.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint Prophète nous exprime ici les exercices des apôtres & de leurs successeurs, de cette noble race de
l’église née du mariage dont il est question dans ce divin psaume, qui seront d'annoncer les merveilles de Dieu, de le
faire connoitre aux hommes, & de procurer sa gloire jusqu'à la fin du monde.
Et enfin les effets & les fruits de ce divin mariage nous sont marqués dans le dernier verset dont nous voyons
l'accomplissement devant nos yeux. Les peuples ressentent les effets du sacre mystère de l'Incarnation qu'ils voient
prophétisé d'une manière si évidente dans cet admirable psaume. Ils rendent à Dieu des actions de grâces & des
louanges continuelles pour leur rédemption & pour le s bienfaits infinis qu'ils ont reçu de lui en les faisant renaitre par
Jésus-Christ sont Fils unique qui s'est fait le saint époux de leur mère.
Ô mon Dieu, je vous dois la vie & tout ce que je suis, mais de quoi m'auroit servit ma vie naturelle si vous ne
m'aviez donné une vie surnaturelle, qui d'enfant de colère me fit devenir un enfant de votre dilection. Je dois cette vie à
votre charité & à celle de votre Fils bien aimé, qui s'est livré pour moi & qui a donné sa vie pour me faire renaitre à
cette nouvelle vie. C'est lui qui est ma véritable vie & je ne vis que par sa vie. Préservez moi de retomber dans ma
vieille vie de mort, & faites moi la grâce d'honorer la vie de mon sauveur, de telle sorte que le saint époux de ce
psaume, Jésus-Christ, soit ma vie. Je gagnerais ainsi beaucoup en mourant puisqu'au lien de ma vie temporelle &
mortelle que je quitterai, j'entrerai dans la vie immortelle & éternelle.

29
Second psaume

Ps. XLV Deus noster refugium & virtus

On a vu dans le psaume précèdent la manière dont Dieu a voulu accomplir le mystère de notre rédemption par
l'union de la nature divine avec la nature humaine qui s'est faite dans le sein de la sainte vierge. Elle a enfant é par ce
moyen un homme-Dieu qui s'est fait à lui même une épouse qui est l’église d'où sont nés les apôtres. Leur principauté &
les effets de leur prédication sont exprimé dans le même psaume. En un mot on y voit l'exaltation de la sainte Église par
ces noces célébrées avec le Fils de Dieu, mais on voit aussi dans celle ci ce qui a suivi la prédication de l'Évangile, les
persécutions de l’église, & sa délivrance. On l'a donc mis avec bien de la raison à la suite du précédent dans l'Office de
la sainte vierge.

v. 1 Deus noster refugium et virtus; adjutor in tribulationibus quæ invenerunt nos nimis.
Dieu est notre refuge & notre force, & c'est lui qui nous assiste dans les grandes afflictions qui nous ont
enveloppées

v. 2 Propterea non timebimus dum turbabitur terra, et transferentur montes in cor maris.
C'est pourquoi nous ne seront point sais de crainte quand la terre seroit renversée, & que les montagnes
seroient transportées dans le fond de la mer.

v. 3 Sonuerunt, et turbatæ sunt aquæ eorum; conturbati sunt montes in fortitudine ejus.
Ses eaux ont fait un grand bruit & ont été toutes agitées, les montagnes ont été renversées par sa puissance.

Les expressions du saint prophète marquent ici quelque chose de grand & de fort extraordinaire dans le genre
d'affliction, quelque chose qui devoit tout à fait surpasser les forces humaines, en sorte que ceux qui souffroient ces
persécutions avoient besoin que Dieu lui même leur fut un refuge où ils pussent éviter les poursuites & la fureur de leurs
persécuteurs, & fût leur force pour endurer les supplices & les cruautés des mêmes persécuteurs.
C'est ce qu'on a vu arriver peu de temps après la naissance de l’église, comme il est marqué dans les actes des
apôtres. l’église croissoit & se multiplioit visiblement avec beaucoup de paix & de tranquillité après l'Ascension de
Notre seigneur, & la venue su Saint Esprit, mais la persécution s’éleva tout d'un coups, les apôtres furent fouettés, saint
Étienne lapidé, & on vit assez dans ce que saint Paul faisoit alors avec quelle fureur les enfants de la Synagogue
persecutoient la nouvelle Église.
Mais nous voyons dans le second verset de ce psaume l'admirable force & le courage invincible que Dieu a
donné à ces nouveaux athlètes & aux martyrs qui ont vaincu les tourments & la mort pour la gloire de Jésus-Christ dans
toutes les horribles persécutions qui sont depuis survenues à l’église.
L'histoire ecclésiastique en décrit le détail d'une manière qui fait horreur & c'est ce que le prophète veut
signifier par ce renversement de la terre & par ce transport des montagnes au fond de la mer, par ce bruit des eaux & par
leur agitation car cela marque que tout le monde étoit dans l'émotion, que la chose a été poussée à de si grandes
extrémités qu'on ne pouvoit pas la faire mieux connoitre, que par cette idée du renversement de la terre, du transport des
montagnes dans la mer, & de l'agitation des eaux. Mais il marque aussi la force du bras & de la puissance de Dieu dans
les dernières paroles du troisième verset qui nous signifient le renversement que Dieu a fait de tous ces orgueilleux
persécuteurs, qui étoient comme des montagnes que Dieu a renversées.
Ô mon Dieu, vos conseils sont impénétrables, mais ils n'en sont pas moins admirables. Cela se voit dans les
moyens dont vous vous êtes servi pour établir, pour augmenter & pour exalter votre Église, en renversant tous les
conseils des hommes & en leur faisant ressentir qu'en employant tous leurs efforts, comme ils ont fait pour anéantir
votre Église & l’étouffer sans sa naissance, c'étoit cela même dont vous vouliez vous servir pour les accabler sous le
poids de votre Toute Puissance, qui faisoit ainsi comme retomber leurs coups & leur fureur sur leurs propres têtes. Vous
avez voulu nous donner d'admirables exemples dans la fidélité de vos martyrs, mais vous nous avez montré en même
temps ce que peuvent faire & souffrir des hommes qui ont recours à vous comme à leur refuge, & qui cherchent dans
vous toute leur force. Faites moi la grâce de faire l'un & l'autre.

30
v. 4 Fluminis impetus lætificat civitatem Dei : sanctificavit tabernaculum suum Altissimus.
Un fleuve réjouit la cité de Dieu par l'abondance des ses eaux. Le Très Haut a sanctifié & s'est consacré son
tabernacle.

v. 5 Deus in medio ejus, non commovebitur; adjuvabit eam Deus mane diluculo.
Dieu est au milieu d'elle, c'est pourquoi elle sera inébranlable, & Dieu la protégera dès le grand matin.

Le saint prophète va ici à la cause de l'intrépidité de ces généreux enfants de l’église, & nous fait connoitre
d'une manière prophétique ce qui les a animés & soutenus dans leur combat, de telle sorte qu'au lieu d'être vaincu par la
fureur des démons & des hommes, ils leur en sont devenus un sujet de terreur aussi bien que d'admiration.
David vous veut faire entendre par ce fleuve impétueux l'abondance des grâces célestes & des consolations du
saint Esprit que Dieu a fait couler dans son Église dès sa naissance, & dans les cœurs de ses fidèles enfants qui les a
remplis d'une joie si précieuse, qu'ils n'ont pas seulement méprisé tous les biens du monde & tous les vains plaisirs de la
vie, mais même qu'ils ont trouvé des douceurs ineffables dans les supplices & dans la mort.
Voilà ce qui a fait que les apôtres après avoir été fouettés avec ignominie dans une assemblée où étoient les
Princes de la Synagogue des Juifs, s'en retournèrent remplis de joie de ce qu'ils avoient eu l'honneur de souffrir un
semblable outrage pour le nom de Jésus-Christ. Saint Paul se glorifioit d'avoir été fouetté, mis en prison, lapidé & réduit
à une grande indigence. Ce sont là des effets des eaux de ce fleuve dont parle ici David, & ce sont elles qui ont fait que
les martyrs & tous les saints ont trouvé de la consolation dans leurs afflictions & dans leurs souffrances. Toutes ces
âmes fidèles étoient des temples de Dieu où il habitoit. Il les a sanctifiées & c'étoit la sainteté qu'il leur avoit
communiquée qui les tenoit ainsi fermes au milieu de toutes les attaques & du Démon & du monde.
Ce fleuve des grâces & des consolations du saint Esprit que Dieu répand en ce monde sur son Église & sur les
âmes fidèles, n'est que comme une branche du torrent de délice dont il enivrera ses élus dans sa sainte cité, mais ce qui
rend l’église invincible & inébranlable, c'est que Dieu est au milieu d'elle & qu'il est toujours prêt à lui donner sa
protection & ses secours. C'est ce que le prophète nous apprend par les termes du grand matin, qui marque une
diligence si grande qu'il n'est pas besoin de recourir, ni d'attendre après, & que le secours est à la porte de la maison
avant qu'on l'ouvre, afin d'entrer lors qu'on aura ouvert.
Ô mon Dieu, votre miséricorde a pourvu d'une admirable manière à tous nos besoins, mais incomparablement
plus aux spirituels qu'aux corporels. Si nous ne profitons de tant de secours c'est notre faute. Vous nous donnez de quoi
remplir nos esprits d'espérance & de joie, nos cœurs de force & de douceur, & nos âmes d'une nourriture céleste. Le
saint époux de l’église ne l'a point quittée en montant au ciel pour s'assoir à votre droite, il est demeuré avec elle & au
milieu de nous, & sa grâce est toujours prête à me secourir. Donnez moi l'esprit de prière & de confiance, afin que
j'obtienne de vous par ce moyen une grande part à vos secours, & que je me serve bien du temps de vos miséricordes en
me souvenant qu'il doit finir avec notre vie & qu’après celle ci viendra le temps de votre justice.

v. 6 Conturbatæ sunt gentes, et inclinata sunt regna : dedit vocem suam, mota est terra.
Les Nations ont été remplies de troubles & les royaumes ont été abaissés, il a fait entendre sa voix & la terre a
été ébranlée.

v. 7 Dominus virtutum nobiscum; susceptor noster Deus Jacob.


Le seigneur des armées est avec nous, le Dieu de Jacob est notre défenseur.

Le saint Propéte exprime ici nettement les effets que produit sur la terre la venue du céleste époux de l'Eglise.
Le monde qui étoit tout à fait sous la domination du Démon s'est troublé & s'est trémoussé comme le fait un ennemi
qu'on va attaquer dans son fort. Il a rempli la terre de meurtres & de cruautés mais tous ses efforts n'ont point empêché
que les Rois & les royaume n'aient été humiliés en pliant le cou sous l'autorité de l’église, & en recevant le sacré joug de
la croix & de son amour. C'est ainsi que les royaumes ont été abaissés.
La voix des Prédicateurs de l'Évangile accompagnée de tant de miracles & de prodiges s'est fait entendre, &
rien n'a pu résister à la force de la grâce & de l'Esprit qui parloit par leur bouche ; tout a été ébranlé par cette voix, & il
n'y a eu que ceux qui n'ont point voulu l'entendre, qui sont demeurés dans l'endurcissement.
Mais David s'explique aussi ouvertement de ce qui est la cause de tous ces prodiges. Il répond comme si on lui
avoit demandé : mais d'où peut venir ce si grand changement qui se doit faire & qui marque un pouvoir si absolu dans
celui qui renverse ainsi le monde ? Il répond, dis-je, que c'est le Seigneur des armées célestes, le Roi des anges & que le
Dieu de jacob a entrepris notre délivrance & notre défense d'une manière admirable en venant lui même habiter sur la
terre avec nous & en se faisant homme comme nous, c'est ce qui le porte à appeler tout le monde à voir ce spectacle
comme une chose prodigieuse.
Ô mon Seigneur, il n'y a rien qui puisse résister à votre volonté & tout sert à faire éclater votre gloire. Vous
l'avez montré dans les moyens dont vous vous êtes servi pour convertir le monde, & pour renverser toute sa gloire &
tout son orgueil. Tant que vous serez avec nous nous serons en sureté, & si vous nous quittez nous serons en proie à nos
ennemis. Mais vous ne nous quitterez jamais que nous ne vous quittions les premiers. C'est le malheur des malhuers
dont je vous prie de me préserver.

31
v. 8 Venite, et videte opera Domini, quæ posuit prodigia super terram, auferens bella usque ad finem terræ.
Venez & voyez les œuvres du Seigneur qu'il a fait paroitre comme des prodiges sur la terre, en faisant cesser
toutes les guerres jusqu'au bout de l'univers.

v. 9 Arcum conteret, et confringet arma, et scuta comburet igni.


Il brisera l'arc & mettra les armes en pièces, & il brulera les boucliers en les jetant dans le feu.

Ces paroles du saint prophète nous signifient diverses choses. On peut entendre par là la victoire que Jésus-
Christ a remportée sur le démon & sur le monde dans la conversion des gentils. C'est une victoire prodigieuse aux yeux
des hommes que de voir tout vaincu sans avoir usé d'aucune violence dans le combat qu'il a fallu donner pour vaincre,
& toutes les armes ont été ainsi comme brisées par la souveraine puissance du vainqueur, toutes résistances ont été
comme anéanties. Sa doctrine enseigne au monde converti à renoncer à toutes les guerres & à abandonner l'usage des
armes, car elle n'enseigne que charité & douceur, que paix & patience. Et si les hommes suivoient les maximes du
christianisme, il n'y auroit plus de guerre au monde, & on n'auroit plus besoin d'armes. Mais le sens le plus naturel nous
marque ce qui arrivera à la fin du monde, & quelle sera la paix & le bonheur des élus, après la consommation du siècle
qui mettra fin aux guerres & aux armes, que les péchés des hommes ont introduites sur la terre. Ils ne se battrons plus
alors, mais ils seront parfaitement soumis à l'Empire de Jésus-Christ leur juge, qui les aura jugés selon leurs mérites.
C'est un prodige bien digne d'admiration ô mon Dieu de voir ce qu'étoit le monde avant sa conversion, & ce
qu'il a été depuis que votre cher fils l'a converti. On voyoit alors des hommes non seulement ne plus rechercher
l'honneur, les biens, & la grandeur du monde, & ne vouloir plus se venger de ceux qui les avoient offensés, mais même
renoncer à la vie & souffrir la mort avec une patience admirable plutôt que de se défendre. C'étoit la même chose qui si
on avoit vu des loups & des lions convertis en agneaux. Faites moi la grâce d'honorer comme je dois la paix & la
douceur chrétienne, & de n'avoir plus recours à d'autres armes qu'aux spirituelles, qui servent à combattre & à vaincre le
démon & la cupidité.

v. 10 Vacate, et videte quoniam ego sum Deus; exaltabor in gentibus, et exaltabor in terra.
Soyez dans un saint repos & considérez que c'est moi qui suis Dieu véritablement. Je serai élevé au milieu des
Nations & je serai élevé dans toute la terre.

v. 11 Dominus virtutum nobiscum; susceptor noster Deus Jacob.


Le seigneur des armées est avec nous, le Dieu de Jacob est notre défenseur.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint prophète apprend de la part de Dieu quelle doit être la principale préoccupation d'un homme converti
& d'un véritable chrétien. Il n'est plus question d'employer ses soins à faire des guerres ni de se servir d'autres moyens
propres pour faire des conquêtes sur la terre, mais après avoir reçu des connoissances de Dieu si admirables que son Fils
bien aimé nous est venu donner lui même, il faut qu'il fasse sa principale étude de considérer & de connoitre la grandeur
& les bontés de Dieu, ce qu'un homme lui doit & ce qu'un homme doit attendre de lui.
Mais David nous enseigne en même temps ce qu'on doit faire pour se disposer à connoitre & voir Dieu par l'œil
de la contemplation. Il faut user de la retraite & se mettre dans le repos par une sage séparation du bruit des hommes, il
faut cesser de s'occuper des choses du monde, & détacher son cœur de vanités. Voilà quel est le repos auquel le saint
Prophète nous exhorte, comme étant le seul moyen de connoitre & de gouter Dieu dans cette vie mortelle.
Nous voyons a présent de quelle manière de Fils de Dieu a été exalté au dessus des Nations & au dessus de tout
ce qui est sur la terre. Mais tout cela n’est que comme matériel en comparaison de ce que cette exaltation paroit à une
âme élevée dans la contemplation des choses divines & célestes. Elle voit Dieu, sa grandeur & ses merveilles d'une
manière toute autre que ne le voient les gens du commun. Et c'est dans ces âmes que Dieu se plait d'être exalté car il en
veut faire comme le trône de sa gloire. Enfin le prophète répète encore ce qu'il a dit au septième verset & il l'établit
comme la raison qui nous doit persuader la vérité de toutes les merveilles qu'il nous annonce & de ce qui en est la
source & le fondement.
Ô mon Dieu, enseignez moi à bien mettre en pratique cette sainte oisiveté où étoit Marie Magdeleine aux pieds
de Jésus-Christ votre Fils. C'étoit là qu'elle accomplissoit ce que votre prophète nous dit ici, elle se reposoit en
apparence & selon le corps, mais son âme sortoit comme hors d'elle même pour s'unir à celui qui lui parloit & qui en lui
parlant de la bouche lui remplissoit l'âme de la connoissance des perfections divines dont il lui imprimoit la beauté &
l'amour dans le cœur à mesure qu'il les lui decouvroit par ses paroles. Imposez silence aux vaines idées de mon esprit &
aux désirs de mon cœur, afin que je sois en état de vous connoitre davantage & de vous aimer plus parfaitement.

32
Psaume troisième

Ps. LXXXVI Fundamenta ejus in montibus sanctis

La naissance du Fils de Dieu fait homme dans le sein de Marie & la gloire de l’église son épouse sont si
parfaitement exprimées dans ce psaume que c'est avec une grande raison qu'il a été choisi pour entrer dans la
composition de l'Office de la très Sainte Mère De Dieu.

v. 1 Fundamenta ejus in montibus sanctis; diligit Dominus portas Sion super omnia tabernacula Jacob.
Les fondements de cette ville sont posés sur les saintes montagnes, le Seigneur aime les portes de Sion plus
que toutes les tentes de Jacob.

v. 2 Gloriosa dicta sunt de te, civitas Dei !


On a dit de vous des choses glorieuse, ô cité de Dieu !

Le saint Prophète avoit vu en esprit cette même ville qui a été depuis montré à saint Jean dans son apocalypse,
où il dit qu'il a vu la sainte cité de Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descendoit du ciel, & que Dieu avoit préparée comme
un épouse qui est ornée pour plaire à son époux. David étant épris d’étonnement à la vue de cette admirable ville
produit ici comme une saillie de cœur par laquelle il commence par exprimer les sentiments qu'il a conçu de cette ville
céleste. Saint Jean l'appelle vielle & épouse tout ensemble parce qu'elle renferme une infinité d’habitants qui ne sont
tous ensemble qu'un même corps dont le Fils de Dieu est la tête, & ce corps est aussi celui de son épouse.
Ce qui rend un édifice inébranlable, de sont les fondements. Le prophète voyant donc sur qui étoit fondée la
nouvelle Sion, cette Église dont une partie est déjà triomphante dans le Ciel, pendant que l'autre combat encore sur la
terre voyant dis-je que c'étoit Jésus-Christ qui en étoit le fondement, il s'explique mystérieusement de sa fermeté en
disant qu'elle est fondée sur les saintes Montagnes, c'est à dire sur ce qui est au dessus de tout le monde & de toutes les
choses crées, sur ce qui n'est sujet ni à l’altération ni au changement. En voyant de quels avantages Dieu vouloit
favoriser sa nouvelle Église en lui donnant son Fils pour fondement & pour époux, il dit avec raison que Dieu l'aime
plus qu'il n'a aimé les tentes des enfants de Jacob, & plus même que le tabernacle & l'arche d'Alliance qui les
protegeoint lors qu'ils étoient dans le désert.
L'ange & Moise étoient seulement députés de la part de Dieu pour délivrer & pour conduire ce peuple, mais ici
Dieu est venu lui même chercher & racheter son Église, établir sa demeure au milieu d'elle, la laver de ses taches dans
son propre sang & mourir d'amour pour elle. Ce sont là des témoignages d'amour que Dieu n'avoit point donnés à ces
habitants des tentes de Jacob.
Le saint Prophète ne pouvant exprimer tout ce qu'il a vu de sainte cité & ce qu'il en pense, lui adresse sa parole
& comprend en général & par un terme d'admiration ce qu'il ne peut expliquer en détail. C'est à lui même que Dieu a dit
toutes ces merveilles qui n'ont rien que de grand, de glorieux & d'admirable. Car tout y est divin & ineffable.
Ô mon Dieu se peut il rien dire de plus glorieux, que ce que votre bonté nous a fait connoitre des vérités
éternelles que la Foi nous révèle de votre gloire céleste & des biens qu'elle contient, que ce qu'elle a fait pour nous faire
connoitre à nous, & nous manifester votre gloire & votre charité, que ce qu'elle a voulu faire pour nous rendre
participants de la gloire de votre fils bien aimé, & enfin que ce qu'elle veut nous donner en l'autre vie, qui surpasse tout
ce que les yeux ont vu, l'oreille a entendu, & tout ce que le cœur humain a jamais pu désirer & comprendre. C'est ce que
nous verrons à découvert & dont nous jouirons dans cette sainte cité dont votre prophète parle ici avec admiration. C'est
là où est ma Patrie. Faites moi la grâce de passer si heureusement le pèlerinage de cette vie, que je ne perde pas le droit
de citoyen de cette sainte cité que votre cher Fils m'a acquis.

v. 3 Memor ero Rahab et Babylonis, scientium me


Je me souviendrai de Rahab & de Babylone qui me connoitront

v. 4 ecce alienigenæ, et Tyrus, et populus Æthiopum, hi fuerunt illic.


Les étrangers, ceux de Tyr, & le peuple d'Ethiopie s'y sont trouvés réunis.

Il n'y avoit autrefois que les juifs qui avoient droit d'entrer dans le Temple & d'être de la synagogue ancienne.
Mais le saint Prophète nous apprend ici qu'il n'en sera pas de même de cette nouvelle cité, dont les pierres sont prises
sur la terre & transférées dans le ciel pour en composer & perfectionner l’édifice ; mais que toutes les Nations du monde
y auront accès & droit de bourgeoisie : les Égyptiens, les babyloniens, les Ethiopiens, & tous les autres qui étoient les
plus grands ennemis des enfants d'Israël, se trouveront unis avec eux dans cette sainte cité.
Il nous prédit ici que ceux qui par leur naissance naturelle étoient des citoyens d'Égypte, d'Ethiopie & de tous
les autres pays étrangers ne seront plus distingués des juifs ni les uns des autres, parce qu'étant régénérés par la nouvelle
génération que Dieu en a faite par Jésus-Christ, ils deviendront les citoyens de cette nouvelle ville la Jérusalem céleste,
où l'on ne fait plus de distinction du Gentil & du Juif, du Barbare & du Scythe, du serviteur & de celui qui est libre,

33
mais où Jésus-Christ est tout en tous.
Ô mon Dieu vous êtes le Seigneur de toutes choses & tous les enfants des hommes ont l'honneur de porter
votre ressemblance, vous êtes le Père de tous & c'est le nom que vous voulez qu'ils vous donnent. Rien n'est plus
convenable au sentiments d'un bon Père que de vouloir être connu, aimé, & honoré de tous ses enfants, & de les rendre
tous participants de ses biens. Votre cher Fils nous a enseigné une union de charité qui marque assez bien quelle est la
perfection de la votre. Confirmez & achevez ce que vous avez commencé dans votre Église, afin que personne ne soit
exclu de l'entrée de cette sainte cité où ce qui est des-uni de votre charité ne peut entrer.

v. 5 Numquid Sion dicet : Homo et homo natus est in ea, et ipse fundavit eam Altissimus?
Ne dira-t-on pas à Sion un homme est né dans elle, & c'est cet homme qui est le Très Haut & qui l'a lui même
fondée.

v. 6 Dominus narrabit in scripturis populorum et principum, horum qui fuerunt in ea.


Le Seigneur l'annoncera dans la description des Princes & des Peuples qui auront été dans elle.

v. 7 Sicut lætantium omnium habitatio est in te.


Ceux qui habitent dans vous ô Sion sont tous dans la joie.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint Prophète continue de parler avec étonnement comme voulant dire une chose qu'à peine auroit on oser
dire, parce qu'on ne l'auroit pu croire. Ce prodige est qu'il naitra un homme dans Sion, c'est à dire parmi le peuple de
Dieu, qui paroitra être un homme semblable aux autres, mais qui sera bien un autre homme, car ce sera le Très Haut lui
même, l'auteur & le fondateur de Sion, qui se sera fait homme. Cette prophétie de la naissance du Fils de Dieu entre les
hommes est une des plus évidentes de toutes celles qui se trouvent dans les saintes Écritures.
C'est le Seigneur lui même qui a annoncé cette vérité, qui l'a confirmée par une infinité de miracles, & qui l'a
prouvée par le témoignage des Martyrs. Toutes les Écritures des Peuples & des Nations, des Rois & des Princes, qui
sont devenus enfants de l’église & citoyens de cette sainte Sion, sont remplies des preuves de cette incomparable
merveille de l'Incarnation du Fils de Dieu.
Enfin le saint Prophète termine toutes ces choses glorieuses qui lui ont été révélées de cette sainte cité de Dieu,
en la congratulant de ce que tous ses citoyens, bien loin d'être exposés aux afflictions & aux disgrâces de la vie, seront
dans la Joie d'une Fête éternelle. Nous voyons dans ce psaume la fondation de l’église que Jésus-Christ a établie sur lui
même, sa fermeté inébranlable, son étendue & son triomphe dans le Ciel, où elle aprticipe au Royaume & à la joie de
son Dieu & de son époux.
Ô mon Dieu, je trouve ici les plus grandes merveilles de votre charité comprises en peu de paroles. C'est le
verbe raccourci qui nous exprime en peu de mots par la bouche de son prophète l'anéantissement où il s'est mis pour
nous retirer du second néant, où le péché nous avoit précipité. Préservez moi du malheur de perdre l'avantage que j'ai
d'être de son peuple. Faites que j'annonce les effets de sa grâce par une vie qui soit digne d'un citoyen de votre sainte
cité & qu'enfin je participe à la joie éternelle de ceux qui habitent dans cette sainte ville.

On répète ici l'antienne


Homo natus est in ea & ipse fundavit eam altissimum.
Un homme est né dans elle, & c'est cet homme qui est le Très haut qui l'a lui même fondée.

V/. Specie tua & pulchritudine tua


servez vous de votre beauté & de votre Majesté
R/. Intende , porspere, procède & régna
Avancez vous, soyez heureux, & Établissez votre règne.

On dit ensuite le Pater & l'Ave & on reprend les bénédictions que vous trouverez ci-après à la tête des leçons.

34
TROISIÈME NOCTURNE

composé de trois psaumes


Ps. XCV cantate Domino
Ps. XCVI Dominus regnavit
Ps. XCVII cantate Domino
qui se disent le mercredi & le samedi

l'Antienne contient ces paroles :


Laeva ejus sub capite meo, & dextera illius amplexabitur me.
Sa main gauche sera sous ma tête, & il m'embrassera de sa main droite.

Premier Psaume

Ps. XCV Cantate Domino

Nous trouvons dans ce psaume, & dans les deux suivants, des expressions de joie qui marquent que le saint
prophète étoit dans un ravissement qui le tiroit hors de lui même, lors qu'il composa ces psaumes. Il en avoit sans doute
un grand sujet. Car Dieu lui avoit fait voir en esprit le Royaume de Jésus-Christ ; ce qu'il opereroit dans toute la terre, &
la conversion de tout le monde, réduit sous son empire par des moyens admirables. Ce sont des effets de la maternité de
Marie ; & la gloire du Fils fait celle de la Mère. C'est pourquoi on a eu raison de choisir ces trois psaumes pour les faire
entrer dans la composition de son Office.
Il semble que les trois psaumes du premier Nocturne tendent à faire connoitre la grandeur de celui qui a voulu
se faire le Fils de Marie, & que les trois psaumes du second Nocturne nous annoncent le mariage spirituel du Fils de
Marie, la naissance & l'établissement de l'Église ; mais que les trois qui composent ce troisième Nocturne exposent à
nos yeux le triomphe & la gloire de Jésus-Christ & de son Église.

v. 1 Cantate Domino canticum novum, cantate Domino omnis terra


Chantez au seigneur un cantique nouveau ; chantez au Seigneur dans toute la terre

v. 2 Cantate Domino & benedicite nomini ejus ; anuntiate de die in diem salutare ejus
Chantez au Seigneur, et bénissez son saint Nom ; annoncez dans toute la suite des jours le salut qu'il nous
donne.

C'est ici une saillie & un saint épanchement du cœur d'un homme qui étant surpris de quelque événement qui le
transporte de joie invite tout le monde à chanter avec lui un cantique nouveau ; c'est à dire un cantique qui ne soit pas du
commun ; mais qui soit tout extraordinaire, afin qu'il corresponde à la joie & à l'affection du cœur de celui qui invite à
chanter.
C'est ce qu'on doit penser de l'état où étoit le cœur de David quand il composoit ce psaume. Une foule de
merveilles qu'il voyoit dans le mystère de la rédemption du genre humain, d'un Dieu fait homme, du Fils de Dieu
anéanti, de sa vie, de ses miracles, de sa Passion & de sa mort, du triomphe de sa Résurrection, & de la conversion du
monde ; cette foule de merveilles venant tout d'un coup frapper son esprit le fait ici parler comme un homme ravi hors
de lui-même, il répète par trois fois chantez, ce qu'il faisoit peut être pour nous signifier les trois personnes adorable de
la Très Sainte Trinité, à chacune desquelles il rendoit ses hommages, comme l'ont fait les Séraphins dans Isaïe, en
répétant trois fois Sanctus.
Les cantiques de Moise, & des autres anciens Patriarches, étoient des cantiques qui n'étoient connu que des
Juifs, & il n'y avoit qu'eux qui les chantassent : c'étoient de vieux cantiques ; mais celui-ci est nouveau parce que le
sujet surpasse tous les autres : que toute la terre doit y avoir part & qu'il y va de l'intérêt de tout le monde.
Il commence à expliquer au second verset qu'elle est la matière des cantiques & le sujet des louanges. C'est la
venue du Sauveur du monde, dont il nous marque le nom en nous exhortant à bénir le saint Nom de celui qui vient nous
sauver ; & comme son salut durera toujours, & que nous en recevons les effets à tous moments, il nous exhorte à l'en
bénir, & à l'en remercier de jours en jours, c'est à dire sans jamais discontinuer.
Ô mon Dieu, quel cantique de joie pourroit-on inventer qui put correspondre aux merveilles de votre bonté &
de votre charité qu'annonce ici votre saint prophète. Il ne les voyoit que de loin ; mais nous en avons vu
l'accomplissement, & nous en ressentons les effets. Enseignez nous à composer ces cantiques du cœur, que votre charité
fait composer sur le champ & sans étude, quand elle y a établi sa demeure. Nous avons bien sujet de nous réjouir d'avoir
un Seigneur si bon, si grand & si puissant. Vous devez être toute notre joie, puis que vous êtes notre unique & souverain
bien ; puis que vous êtes la source de la joie, & de la joie éternelle. Faites moi la grâce de ne me réjouir qu'en vous, &
selon vous.

35
v. 3 Annunciate inter gentes gloriam ejus ; in omnibus Populis mirabilia ejus.
Annoncez sa gloire parmi les Nations, & ses merveilles au milieu de tous les peuples.

v. 4 Quoniam magnus Dominus & laudabilis nimis : terribilis est Deus super omnes Deos.
Parce que le Seigneur est grand & infiniment louable : il est sans comparaison plus redoutable que tous les
dieux.

v. 5 Quoniam omnes Dii Gentium Deamonia : Dominus autem cealos fecit.


Parce que tous les dieux des Nations sont des démons : mais le Seigneur est le créateur des cieux.

C'est aux Prédicateurs de l'Évangile que le saint prophète adresse ici particulièrement sa parole ; et il marque
que leur ministère ne s'exerceroit pas seulement sur les Juifs ; mais qu'ils annonceroient par toute la terre les merveilles
qui le portent à chanter ce cantique, & qu'ils enseigneroient à toutes les Nations du monde à connoitre le vrai Dieu.
Il exprime même quel sera le premier sujet de leurs prédications : que tous ces Dieux que ces Nations & ces
Peuples révèrent ne sont des dieux que de nom, qui n'ont aucun pouvoir, qui ne méritent ni culte ni louange ; mais que
ce sont des Démons qui les ont précipités dans l’idolâtrie, & de là dans toutes sortes de vices & de crimes, en les
trompant par de vains Oracles, qui parloient quelque fois par la bouche des idoles ; & que le Dieu qu'il leur annonce est
le seul Dieu, qui a crée le Ciel. Voilà la Prédication des Apôtres bien énoncée.
Nous nous étonnons à présent, ô mon Dieu, de l'aveuglement de nos pères, qui se faisoients des dieux à leur
mode ; & le culte qu'ils leur rendoient nous paroit plus digne de risée qu'un jeu d'enfants ; mais ce nous doit être un
double sujet de confusion, de voir qu'après avoir connu la vérité de ce que vous êtes, & de que nous vous devons, les
hommes se font encore des Idoles spirituelles de leurs affections déréglées. C'est l'orgueil & la présomption qui est la
cause de ces dérèglements & de ces faiblesse. Donnez nous la sainte vertu d'humilité ; car c'est elle qui nous attirera
votre grâce par le moyen de laquelle nous nous servirons bien des connoissances que vous nous avez données.

v. 6 Confessio et pulchritudo in conspectu eius: sanctimonia, et magnificentia in sanctificatione eius.


Il ne veut devant lui que beauté, & que sujets de louanges ; la [sainteté], la magnificence [éclatent] dants son
saint Nom.

v. 7 Afferte Domino patriae gentium, afferte Domino gloriam et honorem: afferte Domino gloriam nomini eius.
Venez ô nations différentes, apporter vos présents au Seigneur, venez offrir au Seigneur l'honneur & la gloire,
venez offrir au Seigneur la gloire qui est due à son Nom.

Le saint Prophète continue de déclarer ce qu'on devoit annoncer aux Nation des perfections divines. Il a
commencé par ce qui devoit donner de la crainte : qui est sa grandeur & sa Toute-Puissance, qui rend Dieu terrible aux
rebelles, & il continue par ce qui leur doit donner de l'amour & de l'admiration. Il dit donc qu'il n'y a rien autour de lui
qui ne fasse éclater sa beauté, de même que les rayons qui sortent du soleil répandent par tout sa lumière ; mais que son
Palais son Temple céleste où il habite est rempli de sainteté & d'une magnificence convenable à sa Grandeur & à sa
Majesté. Rien n'est donc plus digne d'amour, que celui qui est revêtu de beauté & de gloire, & qui est la source de tout
le bien. C'est lui seul qui est digne d'amour par lui même ; & c'est ce que le saint Prophète veut exprimer par ces
paroles.
Il exhorte ensuite avec une ardeur convenable à son admiration & à son amour, toutes ces Nations à qui toutes
ces merveilles devoient être annoncées ; & les invite à venir rendre leur hommage à ce Dieu si grand & si terrible, si
beau, & si glorieux, qui a fait pour elles de si admirables choses ; il les invite par trois fois à venir, comme il les a invité
par trois fois à chanter. C'est aux familles des gentils qu'il parle ; & ce sont elles qu'il invite à venir rendre la gloire &
l'honneur qu'ils doivent à Celui qui est descendu du Ciel en terre, pour opérer le grand ouvrage de leur rédemption, qui
les a fait être enfants adoptifs de Dieu, & les a rendu participants des promesses faites au patriarche Abraham & sa
race ; qui en suite est remonté glorieux dans le Ciel, où il leur a acquis & préparé un Royaume. Quelle gloire & quel
honneur ne doivent elles pas rendre aux œuvres & au Nom d'un si admirable Libérateur.
Ô mon Dieu, nous n'avons rien qui soit digne de vous, ni qui puisse correspondre à la reconnaissance que nous
vous devons de vos bienfaits. C'est vous seul qui pouvez quelque prix à ce que nous vous pouvons faire pour vous
rendre la gloire & l'honneur que nous vous devons. C'est l'amour & la soumission d'un cœur contrit & humilié qui vous
peut être agréable. Je vous demande votre sainte grâce pour pouvoir vous offrir l'un & l'autre tous les jours & tous les
moments de ma vie.

36
v. 8 Tollite hostias, et introite in atria eius: adorate Dominum in atrio sancto eius.
Prenez des victimes & entrez dans sa maison : adorez le Seigneur à l'entrée de son Tabernacle.

v. 9 Commoveatur a facie eius universa terra: dicite in gentibus, quia Dominus regnavit.
Que toute la terre tremble devant sa face : dites parmi les Nations que le Seigneur a établi son règne.

Le saint prophète parle ici selon les usages des hébreux, selon lesquels les Juifs qui venoient au Temple de tous
les endroits de la Judée, offroient des victimes : & après avoir adoré Dieu, ils s'en retournoient chacun dans leur ville.
Mais il y a d'autres victimes que Dieu demande de nous, qui sont spirituelles, & qui lui sont plus agréables que les
matérielles. Ces victimes sont un cœur contrit & humilié, l'oraison, le jeune, l'aumône, & surtout le sacrifice de la Croix
qui se renouvelle tous les jours une infinité de fois sur nos autels. C'est cette victime pure que le Prophète Malachie a
prédit qui s'offriroit à Dieu par toute la terre ; que les Gentils ont reçus comme l'unique qu'ils devoient offrir à Dieu ; &
qui contient d'une manière suréminente tous les autres sacrifices, qui n'étoient que comme l'ombre de celui-ci.
C'est avec bien de la raison que David dit ici que toute la terre doit trembler devant sa face, puisque celui qui
est offert dans ces hosties non sanglantes est d'une manière admirable l'Offrant & la chose offerte, le prêtre & la victime.
Les interprètes marquent aussi que l'expression du prophète n'est point sans mystère ; puisqu'il se sert ici d'un terme qui
signifie une hostie non sanglante, & qui est de ces autres sacrifices dont quelques uns étoient composés de farine.
Mais ce qui devoit à bon droit émouvoir toute la terre, c'est le Royaume du Fils de Dieu, & les moyens dont il
s'est servi pour régner. C'est ce qui fait dire à David, pressé d'admiration, & sans s'expliquer autrement que le Seigneur a
régné.
Peut on douter que Dieu qui est le créateur du Ciel & de la Terre n'en soit pas toujours le Maître & le Roi
absolu. C'est donc d'une autre espèce de Royaume & de règne qu'il veut ici parler : c'est du royaume de Jésus-Christ, qui
ayant vaincu le Diable, la mort & le monde, est devenu Roi universel, & s'est établi un Royaume, qu'il s'est soumis au
sceptre de la Croix. Des traditions très anciennes portent qu'il étoit fait ici mention de la Croix sous le terme de bois ; &
qu'au lieu qu'à présent nous lisons simplement le Seigneur a régné, on lisoit autrefois dans la version des Septante, le
Seigneur a régné par le bois : & que c'est l'industrie des Hebreux qui a fait évanouir ces paroles du texte de la Bible. Il
en reste encore des vestiges dans les Offices Divins où dans un des versets du temps de Pâques on dit encore qui
Dominus regnavit a ligne. Mais ce tremblement de la terre devant la face du Seigneur, ces empressements que le
prophète témoigne pour faire savoir à toutes les Nations du monde que le Seigneur a régné ; marquent assez qu'il veut
parler du Royaume que Jésus-Christ s'est acquis par la Croix ; & les œuvres en sont la preuve.
Ô mon Dieu, c'est vous même qui nous avez fourni la victime dont parle ici votre prophète, afin que nous
puissions la prendre & vous l'offrir, pour obtenir de vous tout ce que nous pouvons désirer pour notre salut éternel. Elle
vous est d'une odeur de suavité incomparable, & elle nous obtiendra tout, si en vous l'offrant nous y joignons une
conformité d'intention & d'action qui corresponde à la sainteté de celui qui souffre que nous le prenions pour en faire
notre victime. Faites moi la grâce de bien unir mes adorations aux siennes, & de montrer par tout par mes œuvres que
son règne est parfaitement établi sur moi & dans moi, afin que j’accomplisse bien ce que dit ici votre prophète.

v. 10 Etenim correxit orbem terrae, qui non commovebitur: iudicabit populos in aequitate.
Car il a affermi toute la terre, qui ne sera pas ébranlée : il jugera les peuples selon l'équité

v. 11 Laetentur caeli, et exultet terra, commoveatur mare, et plenitudo eius: gaudebunt campi,
et omnia, quae in eis sunt.
Que les cieux se réjouissent & que la terre tressaille de joie, que la mer & que tout ce qui la remplit en soit
toute émue, les campagnes ressentiront cette joie, aussi bien que tout ce qu'elles contiennent.

Jésus-Christ en tant que Dieu a crée la terre, & l'a mise dans un état qui se soutient toujours selon l'intention de
celui qui l'a faite ; mais en venant au monde il a dissipé les ténèbres de erreurs du paganisme avec tout leur suite, & a
donné aux hommes des lois si justes & si saintes que si son seul précepte de la Charité étoit bien accompli, tout seroit
dans une tranquillité inébranlable. Il n'a donc pas seulement fondé d'une manière stable le globe de la terre ; mais il a
corrigé les mœurs de ses habitants en leur donnant des lois très justes, très saintes, très équitables, & très convenables à
leur raison & à leur repos. Il y a aussi établi, comme un tribunal de Justice, où il rend des jugements très équitables de
récompense pour les bons, & de punition pour les méchants ; il y écoute les remontrances de ses serviteurs, il leur donne
des secours, & les gouverne par les opérations de son esprit & de sa grâce.
Cette venue du Sauveur & de ce nouveau Roi devoit être avec raison un sujet de joie si grand & si
extraordinaire, que le saint prophète ne pouvant suffisamment exprimer ce qu'il en pense, il invite le Ciel & la Terre, la
mer & les poissons, & toutes les créatures inanimées à s'en réjouir, voulant nous signifier par là que si elles étoient
capables de sentiments elles tressailliroient de joie.
La première venue de ce Roi a servi à réparer & à sanctifier tout ; & la seconde sera suivie d'une sanctification
éternelle de ses Élus, qui sera accompagnée de la délivrance de la servitude sous laquelle saint Paul dit que les Créatures
gémissent & souffrent des douleurs d'enfantement, à cause des abus qu'en font les pécheurs. Ce sera pour lors que ce
juste Juge vengera les Créatures des injures que leur auront fait les pécheurs, qu'il les punira selon l'énormité de leurs
crimes, & que ces Créatures seront dans l'état de joie que prédit ici le prophète. Voilà quelles sont les merveilles qu'il

37
nous veut annoncer dans ces deux versets.
Ô mon Dieu, les sujets de joie qui ont accompagné la venue de votre cher Fils en ce monde surpassent tout ce
qu'on en peut dire. Il a apporté le salut au monde, & il nous a comme rendu la raison en nous apprenant à vous
connoitre, à vous aimer & à bien vivre. Mais ce nous sera aussi un étrange sujet de confusion si nous engageons sa
justice à porter contre nous un jugement de condamnation. Il est mon Sauveur & mon Libérateur ; mais il doit être aussi
mon Juge. Faites moi la grâce d'user si bien de ses bontés & de ses grâces, que je ne l'engage point à me punir en juge
sévère.

v. 12 Tunc exultabunt omnia ligna silvarum a facie Domini, quia venit: quoniam venit iudicare terram.
Tous les arbres des forets tressailliront alors par la présence du Seigneur, à cause qu'il vient, à cause qu'il vient
juger la terre.

v. 13 Iudicabit orbem terrae in aequitate: et populos in veritate sua.


Il jugera toute la terre dans l'équité, & les peuples selon la règle de sa vérité.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Il est ici fait mention des deux venues du Seigneur & ce que le saint Prophète y dit convient mystérieusement à
l'une & à l'autre. L'épouse du cantique dit que son bien aimé est comme un Pommier au milieu des arbres sauvages des
forets, par lesquelles paroles elle veut signifier que son époux, dont la venue est ici annoncée, est à l'égard des autres
hommes ce qu'un pommier chargé de feuilles & de fruits est à l’égard des arbres des forêts, qui ne portent que des
feuilles, qui se sèchent & tombent par terre, & qui n'ont que du bois propre à nourrir le feu. David nous marque ici sous
le même symbole des arbres sauvage des forêts le grand sujet de joie que la venue de Jésus-Christ en ce monde a
apportée aux hommes, car elle les a converti comme des arbres stériles en arbres fructueux, & comme des bois propres
à être jetés au feu en arbres dignes d'être transplantés dans le Paradis céleste, pour y servir d'ornement dans le jardin de
la Maison de Dieu.
Cette première venue est toute de miséricorde mais la seconde sera de Justice, car elle se fera pour juger la
terre & les peuples. Et le tressaillement de joie de ces arbres de forêt signifie pour cette seconde la même chose que ce
qui est dit dans les versets précédents de la délivrance de la servitude que les pécheurs font souffrir aux créatures. Ce
jugement sera redoutable mais le juge sera parfaitement équitable en retirant la terre & toutes les créatures d'entre les
mains des pécheurs. Il jugera aussi les peuples avec tant de vérité & de justice que les propres consciences n'auront rien
à répliquer contre la sentence du Juge, qui ne peut ni se tromper ni être trompé dans ses jugements.
Nous avons éprouvé ô mon Dieu la grandeur de votre miséricorde, & nous savons qu'elle est infinie dans ses
dons, dans sa patience, & dans sa persévérance ; mais préservez moi s'il vous plait d'éprouver la rigueur & l'étendue de
votre justice. Je suis persuadé que vous ne nous châtiez que d'une manière qui est bien au dessous de ce que méritent
des coupables, mais je sais aussi ce qu'un cœur contrit & humilié est capable d'obtenir de vous. Il désarme votre justice
& c'est aussi dans l'humble confession de mes péchés & dans la contrition de mon cœur que je met mon espérance ; car
le mérite du sang de votre Fils qui me doit juger, animant l'un & l'autre, engage votre miséricorde à me retirer des mains
de votre justice. Faites moi la grâce d'avoir cette contrition de cœur d'une manière qui soit proportionnée à l'amour que
je vous dois.

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Psaume second

Ps. XCVI Dominus regnabit exultet terra

v. 1 Dominus regnavit : exsultet terra; lætentur insulæ multæ.


Le Seigneur a été reconnu pour le Roi suprême, que la terre tressaille de joie, que toutes les iles se réjouissent.

v. 2 Nubes et caligo in circuitu ejus; justitia et judicium correctio sedis ejus.


Une nuée est autour de lui & l'obscurité l'environne, la justice & le jugement sont le soutien de son trône.

Ce psaume contient la continuation du progrès du Royaume de Jésus-Christ & de l’établissement de l’église,


qui sera dans sa perfection consommée après que ce même Seigneur aura jugé les peuples, selon la vérité & avec une
parfaite équité, ainsi qu'il est dit au dernier verset du psaume. L'expérience fait assez connoitre que si les Rois & les
Princes de la terre étoient indépendants, & s'ils n'avoient Dieu au dessus d'eux, qui est leur maitre absolu, l'état de
servitude où toutes les Nations seroient réduites en quelque endroit du monde qu'elles habitassent leur seroit un grand
sujet d'affliction. Ce leur doit être donc un grand sujet de joie d'avoir un Roi suprême qui est le Roi des rois, & qui a un
pouvoir absolu de réduire en poussière & au néant tous les Rois de la terre. Mais le saint prophète veut ici parler du
Royaume de Jésus-Christ dont les habitants de toute la terre ferme & des iles de la mer ont bien sujet de tressaillit de
joie. Car ils ont en sa personne un Roi qui a daigné se faire leur frère, afin qu'ils fussent les héritiers de Dieu son père, &
ses cohéritiers. Ils ont en lui un Dieu qui les a tirés du néant & un Seigneur qui les a racheté de la servitude du démon &
du péché.
Cette nuée & cette obscurité dont parle ici David signifie dans d'autres endroits de l'Écriture que Dieu est
invisible à nos yeux & qu'il est comme un soleil couvert de nuages, qui se fait bien sentir quoi qu'on ne le voie pas ;
mais elles nous marquent ici ce que l'Évangile nous apprend de la venue de Jésus-Christ lors qu'il viendra faire le
jugement universel, car il est dit qu'il viendra dans les nuées du Ciel. Ce seront pour lors que s'accompliront les
prophéties qui portent que tout œil le verra, & ceux mêmes qui l'ont percés de coups dans sa passion. La justice & le
jugement soutiendront son trône, c'est à dire que tous ses jugements seront tellement réglés & modérés par sa justice
qu'ils seront parfaitement équitables.
Ô mon Dieu nous avons bien des sujets de nous réjouir du règne de votre cher Fils, puisque c'est lui qui nous
fait devenir votre Royaume & vos prêtres, ainsi que saint Jean le dit dans son Apocalypse, & qu'il veut même nous
associer à son Royaume, mais vivant sur la terre en l'état où nous sommes, que deviendrions nous si nous n'avions un
Roi comme lui tout sage pour nous gouverner, tout fort pour nous défendre de tant & de si puissants ennemis qui nous
environnent, & tout puissant pour nous délivrer de leurs mains quand nous y sommes malheureusement tombés. C'est
lui qui est l'auteur de toute la véritable joie que nous pouvons avoir au monde, & qui nous rend participants de sa joie
éternelle. Préservez moi du malheur de changer tous ces grands sujets de joie en de funestes gémissements, par des
infidélités & des abus de vos grâces.

v. 3 Ignis ante ipsum præcedet, et inflammabit in circuitu inimicos ejus.


Le feu marchera devant lui & embrasera tout autour de lui ses ennemis.

v. 4 Illuxerunt fulgura ejus orbi terræ; vidit, et commota est terra.


Ses éclairs ont paru par toute la terre, elle les a vu & en a été toute émue.

v. 5 Montes sicut cera fluxerunt a facie Domini; a facie Domini omnis terra.
Les montagnes se sont fondues comme la cire par la présence du Seigneur, la présence du Seigneur a fait
fondre toute la terre.

Nous voyons clairement dans ces paroles du prophète ce qui doit immédiatement précéder le Jugement
Universel, de la même manière que Jésus-Christ & ses apôtres nous l'ont enseigné. Le jour du Seigneur, dit l’apôtre
saint Pierre, viendra comme le larron, & alors les cieux passeront avec une grande impétuosité, les éléments fondront
par l'ardeur du feu, la terre & les montagnes seront brulées.
Ce sera alors que le Seigneur mettra comme les armes à la main des créatures pour les venger de ses ennemis
& que les foudres seront lancées comme une flèche qui part d'un arc bien tendu & iront frapper directement les
méchants. C'est ainsi qu'il en est parlé d'en d'autres endroits de l'Écriture. Mais le prophète explique ici la chose d'une
manière élégante & poétique, pour nous faire connoitre ce que la seule présence du Juge est capable de produire.
Vous pouvez, Seigneur, anéantir d'un clin d'œil les mêmes créatures que vous avez tirées du néant par une
parole. Mais il est bien juste que vous vous serviez de vos créatures pour châtier les hommes par les mêmes choses dont
ils se sont servis contre vos intentions pour vous offenser. Donnez nous votre sainte crainte filiale qui nous porte à vous
honorer comme père, & à vous redouter comme Roi, & qui nous préserve de tomber dans la crainte funeste que produit
la présence de vos terribles châtiments.

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v. 6 Annuntiaverunt cæli justitiam ejus, et viderunt omnes populi gloriam ejus.
Les cieux ont annoncé sa justice & tous les peuples ont vu sa gloire.

v. 7 Confundantur omnes qui adorant sculptilia, et qui gloriantur in simulacris suis.


Que tous ceux là soient confondus qui adorent des ouvrages de sculpture & qui se glorifient dans leurs idoles.

Ces paroles du saint prophète marquent ce qui accompagnera la venue & la descente du Juge pour juger les
vivants & les morts. C'est pourquoi s'explique saint Paul en ses termes le Seigneur descendra lui même du Ciel au
moment qu'il aura fait donner le signal par la voix de l'Archange & par la trompette de Dieu, & alors ceux qui sont
morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers.
Ce sera dans ce jugement universel que tous les peuples verront la gloire de Jésus-Christ qui viendra dans les
nuées avec une Majesté suprême & une puissance absolue, & ce sera là aussi que la confusion dont parle ici le Prophète
tombera sur la tête des idolâtres.
Ô mon Seigneur, les Cieux & tous les astres nous annoncent sans cesse votre grandeur par leur beauté, & votre
justice par leurs cours qui est si admirablement bien réglé. Tout prêche ce que vous êtes & ce que vous pouvez, ce que
nous vous devons & jusqu'à quel point nous dépendons de vous, mais vos bienfaits continuels me font sans cesse
connoitre que je vous suis redevable de tout. Faites moi la grâce de vivre dans la dépendance & dans la soumission que
je vous dois, & d'être du nombre de ces vrais adorateurs que vous désirez qu'ils vous adorent en esprit & en vérité.

v. 8 Adorate eum omnes angeli ejus. Audivit, et lætata est Sion


Adorez le vous tous qui êtes ses anges, Sion l'a entendu & s'en est rejouie

v. 9 et exsultaverunt filiæ Judæ propter judicia tua, Domine.


Et les filles de Juda ont tressailli de joie, Seigneur, à cause de vos jugements.

v. 10 Quoniam tu Dominus altissimus super omnem terram; nimis exaltatus es super omnes deos.
Parce que vous êtes le Seigneur Très Haut qui avez l'Empire sur toute la terre, vous êtes infiniment élevé au
dessus de tous les dieux.

Ces paroles nous marquent l'autorité suprême du juge à qui les anges doivent & rendent leurs adorations
comme à leur Seigneur & à leur Dieu. Le saint prophète prédit ici ce qui arrivera au jour du jugement. Les armées des
anges accompagneront leur Roi & lui rendront leurs adorations & leurs soumissions. Ils assisteront à son Jugement
comme des ministres prêts à exécuter ses ordres. C'est dès à présent un sujet de joie aux filles de Sion, c'est à dire aux
âmes fidèles qui ont entendu les vérités que la loi leur a fait connoitre, & qui en sont pénétrées. Mais elles tressailliront
de joie quand elles verront accompli devant leurs yeux ce qu'elles ont cru par la Foi, la fidélité de Dieu dans ses
promesses, son équité dans ses jugements, le triomphe de Jésus-Christ & l'admirable conduite que sa sagesse a observée
en toutes choses, en atteignant d'un bout à l'autre avec force & en disposant tout avec douceur.
Ce sera alors que ces saintes âmes gouteront ce que le Prophète dit au verset dixième de la grandeur & des
perfections de Dieu, dont il s'explique de la manière la plus sensible qu'il peut, par rapport à la manière de concevoir des
gens de son temps.
Ô mon Dieu, on ne trouve que des sujets de joie spirituelle dans la fidélité à connoitre & à accomplir votre
divine volonté, au lieu qu'il n'y a que du travail & de l'affliction d'esprit dans tout ce qui s'en écarte. Faites moi la grâce
de mépriser tout ce que le monde estime propre à donner de la joie, & de choisir les saintes larmes de la pénitence, afin
part aux consolations des âmes qui sont les véritables Filles de la Sion céleste, & que j'adore à jamais avec les anges le
Souverain, l'équitable juge, dont parle ici votre Prophète.

40
v. 11 Qui diligitis Dominum, odite malum : custodit Dominus animas sanctorum suorum ;
de manu peccatoris liberabit eos.
Vous qui aimez le Seigneur, haïssez le mal ; le Seigneur garde les âmes des saints & il les délivrera de la main
du pécheur.

v. 12 Lux orta est justo, et rectis corde lætitia.


La lumière s'est levée sur le juste, & la joie dans ceux qui ont le cœur droit.

v. 13 Lætamini, justi, in Domino, et confitemini memoriæ sanctificationis ejus.


Réjouissez vous, justes, au Seigneur ; & célébrez par vos louanges la mémoire de sa sainteté.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint Prophète s'étant expliqué de ce que l'Esprit de Dieu lui avoit révèle de la seconde venue de Jésus-
Christ, adresse sa parole aux justes pour les porter à reconnoitre les grands avantages qu'ils ont d'aimer Dieu & pour les
exhorter à concevoir de plus en plus l'horreur que mérite ce qui peut faire perdre ce précieux amour. Car c'est cet amour
qui les préserve des malheurs où seront plongés les méchants en ce jour terrible, & qu'ils seront appelés à la jouissance
d'une joie ineffable & d'un royaume éternel.
Il les anime à la confiance parfaite qu'ils doivent avoir en Dieu puisque c'est lui qui garde leurs âmes. C'est un
gardien tout puissant qui les délivrera des mains du pécheur, qui est le Démon, en leur donnant le secours des grâces qui
leur feront vaincre ses tentations & qui les délivreront de ses pièges.
Ce sont les justes qui reçoivent de Dieu la véritable lumière de sa sagesse & de l'intelligence, qui en leur faisant
voir les vérités divine leur fait connoitre en même temps la vanité & la bassesse des choses de la terre. C'est de là que
reconnoissant les choses pour ce qu'elles sont & ne voulant aimer que ce qui est véritablement aimable, leur cœur se
rend droit en se portant à ce qui est uniquement conforme à son principe à sa fin & il jouit de la paix de la conscience &
de la joie que donne le saint Esprit. Il nous décrit ici parfaitement bien d'où vient la véritable joie du cœur c'est à savoir
de la lumière de la grâce & d'une droiture d'une bonne conscience.
Ceux qui sont dans cet état ont bien des sujets de se réjouir au Seigneur puisque c'est lui qui est la source de
tous ces avantages, & de rendre un témoignage de louanges à sa sainteté, tant de celle que Dieu a en lui même comme
étant la source de tous le bien, que de celle qu'il communique à l'âme du juste par l'infusion de ses dons & de ses grâces,
& par sa divine garde. Voilà ce que le saint prophète nous veut enseigner.
Ô mon Dieu, il n'y a que celui qui vous connoit & qui vous aime qui puisse éviter les maux de la vie présente
& ceux de la vie future. Il n'y a que celui que vous gardez qui puisse être en sureté parmi les pièges & les dangers de
cette vie. Mais la cupidité m'auroit bien tôt aveuglé si votre lumière ne m'éclairoit & votre main ne me conduisoit. De
quoi me puis je donc réjouir sur la terre, si ce n'est de ce que vous êtes mon Dieu & que vous me communiquez sans
cesse la lumière de la vérité, les secours de votre grâces, & les mouvements de votre esprit. Faites moi la grâce de ne me
glorifier jamais d'autre chose que de l’honneur que j'ai de vous appartenir.

41
Psaume troisième

Ps. XCVII Cantate Domino canticum novum

Ce psaume est sur le même sujet que le psaume 95, il prédit la première & la seconde venue de Jésus-Christ, la
première pour sauver le monde, la seconde pour le juger.

v. 1 Cantate Domino canticum novum, quia mirabilia fecit.


Chantez au Seigneur un nouveau cantique parce qu'il a fait des prodiges,

v. 2 Salvavit sibi dextera ejus, et brachium sanctum ejus.


Sa droite & son saint nous a sauvé pour sa gloire.

Le saint prophète voyoit ici en esprit tous les miracles que le fils de Dieu devoit faire en se faisant homme & il
avoit sujet d'exhorter toute la terre à chanter un nouveau cantique car il en donne aussi tôt deux raisons essentielles qui
sont les prodiges qu'il a fait aux yeux du monde & le salut des hommes qu'il a opéré. Ces prodiges sont un homme
nouveau, conçu du saint Esprit & né d'une mère vierge, un homme qui n'a jamais péché & qui a sauvé tous les pécheurs,
qui a fait ouïr les sourds & parler les muets, qui a rendu la vue aux aveugles & fait marcher les boiteux, qui a fait
revivre les morts & s'est ressuscité lui même, qui est monté au ciel, d'où il a envoyé le Saint Esprit, & qui s'est servi de
pauvres hommes idiots pour persuader aux sages & aux prudents de la terre la nécessite de rendre leurs adorations à
jésus crucifié, de mépriser les choses terrestres & présentes & de désirer les futures. En un mot, qui a vaincu le monde,
non pas avec le fer, mais avec le bois de la croix.
Il s'est sauvé lui même en vainquant le monde & le démon, & en se retirant de la mort, & il a sauvé tous les
hommes sans avoir besoin & s'en s'être servi d'autre chose que de son bras & de sa main, mais d'un bras saint, dont la
force bien différente de celle des Rois de la terre a été toute spirituelle, car c'est par la charité & par l'humilité, par la
patience & par l'obéissance qu'il a vaincu ses ennemis, non pas en répandant le sang humain, mais en versant le sien
propre. Tout est admirable dans celui qui a combattu, dans le combat, & dans la victoire. Ce sont là les prodiges que
Dieu a fait pour montrer qu'il aimoit les hommes & ce sont eux qui ont porté le saint prophète à nous exhorter au chant
d'un cantique nouveau.
Ô mon Dieu, il n'y a rien qui ne soit admirable dans les ouvrages de vos mains, qui paroissent à nos yeux ;
mais c'est peu de chose en comparaison des prodiges de charité que votre cher Fils a fait à nos yeux pour nous retirer de
la servitude du péché, nous élever à votre connoissance, & nous faire participants de vos grâces, de vos dons, & de votre
gloire. Regardez moi toujours comme un ouvrage de votre miséricorde & de votre charité & faites moi la grâce de ne
pas détruire dans moi par mon infidélité ce que vous y avez opéré par votre pure bonté.

v. 3 Notum fecit Dominus salutare suum; in conspectu gentium revelavit justitiam suam.
Le Seigneur a fait connoitre le salut qu'il nous reservoit, il a manifesté sa justice aux yeux des Nations.

v. 4 Recordatus est misericordiæ suæ, et veritatis suæ domui Israël.


Il s'est souvenu de sa miséricorde & de la vérité des promesses qu'il a faites à la maison d'Israël.

v. 5 Viderunt omnes termini terræ salutare Dei nostri.


Toute l'étendue de la terre a vue le salut que notre Dieu nous a procuré.

Nous voyons ici la prédication que Jésus-Christ a faite lui même su salut qu'il venoit apporter au monde en
enseignant aux hommes à connoitre Dieu, & les vérités de la Foi, & en leur donnant en même temps les moyens
nécessaire pour vivre d'une vie bien réglée & toute sainte, d'une vie qui d'enfants de colère nous fit devenir les enfants
de Dieu.
La prédication des apôtres nous y est aussi prédite ; car ce sont eux dont il s'est servi pour accomplir ce que dit
ici le prophète, pour manifester aux Nations combien la justice de Dieu est rigoureuse sur le péché, puisqu'il l'a puni si
rigoureusement dans son propre Fils qui n'avoit jamais péché, mais qui s'étoit chargé de satisfaire pour le péché. Ils
nous ont manifesté en quoi consiste la véritable justice, qui nous fait rendre à Dieu, à nous même & au prochain, ce que
nous leur devons, & accomplir ce qui nous fait devenir agréables à ses yeux.
C'est ce qu'il avoit promis de faire aux anciens pères, mais beaucoup de temps s'étant écoulé depuis sa
promesse, il a semblé, par rapport à notre façon de concevoir, que c'étoit comme une de ces choses anciennes dont on se
souvient après l'avoir longtemps laissée comme ensevelie dans l'oubli. Cette promesse ayant donc été faite à la maison
d'Israël, Dieu a fait voir que tout ce qu'il promettoit étoit fondé sur la vérité, qui ne trompe personne.
Mais cette promesse de salut, & de faire connoitre la justice, c'est étendue bien plus loin que la maison d'Israël
parce qu'elle s'est communiquée jusqu'au bout du monde. La prédication de l'Évangile, l'effusion du saint Esprit & des
grâces de Dieu ont ouvert les esprits des hommes qui étoient comme ensevelis dans la chair & le sang, & leur ont fait

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voir des yeux de la Foi celui qui est leur Sauveur & ce qu'il a fait pour les sauver. Voilà bien des choses que le saint
Prophète renferme en peu de paroles.
Ô mon Dieu, toute la terre est remplie de votre gloire & des connoissances célestes & naturelles que votre cher
Fils nous a manifestées, mais l'orgueil & la malice des hommes les a peu à peu altérées & corrompues, en mêlant leurs
idées & leurs façons de concevoir corrompues avec la pureté de vos vérités révélées. Faites moi la grâce de bien tenir
mon entendement captif au service de la Foi afin que mes propres lumières qui ne sont que ténèbres ne m’aveuglent
point & ne m’empêchent pas de voir les vérités sur lesquelles votre cher Fils a établi mon salut, & de les conserver
entières & dans leur pureté.

v. 6 Jubilate Deo, omnis terra; cantate, et exsultate, et psallite.


Chantez avec joie les louanges de Dieu, vous tous habitants de la terre, chantez des cantiques, tressaillez de
joie, & jouez des instruments.

v. 7 Psallite Domino in cithara; in cithara et voce psalmi ; in tubis ductilibus, et voce tubæ corneæ.
Chantez sur la harpe des cantiques au Seigneur, sur la harpe & sur l'instrument à dix cordes, au son des
trompettes battues au marteau, & de celle qui est faite avec la corne.

v. 8 Jubilate in conspectu regis Domini : moveatur mare, et plenitudo ejus; orbis terrarum, et qui habitant in eo.
Faites retentir de saints transports de joie en présence du Seigneur votre Roi, que la mer en soit émue avec tout
ce qui la remplit, toute la terre, & ceux qui l'habitent.

Les joies de l'âme sont ineffables, & celles que Jésus-Christ nous a apportées & méritées par sa rédemption &
qu'il communique par ses grâces, celles que le Saint Esprit fait ressentir aux âmes fidèles & que produit l'amour de
Dieu, ne peuvent pas s'exprimer. C'est ce que le saint prophète tache de nous faire entendre en amassant ici tout ce que
sont esprit transporté d'admiration lui pouvoit suggérer pour donner des marques d'une joie parfaite.
Tous ces différents instruments nous signifient la variété des vertus & des dons de Dieu, qui sont comme un
admirable concert de voix & d'instruments dans l'âme que Dieu vivifie, & dans le cœur pur auquel il se fait voir par l'œil
d'une foi vive & à laquelle il se fait gouter par la douceur de sa charité. L'âme qui est en cet état ne sait plus ce qu'elle
dit, elle voudroit que tout chantât les louanges de Dieu & que les créatures inanimées y tinssent leur partie. C'étoit sans
doute en cet état qu'étoit l'âme de David lorsque transporté d’étonnement de tous ces prodiges qu'il voyoit en esprit, il
composoit ce psaume.
C'est la venue de ce Seigneur, de ce Roi universel qui le transporte ainsi hors de lui même, & c'est cette
admirable présence de Dieu, fait homme & conversant sur la terre entre les hommes, qui lui fait désirer que la mer, les
poissons & les montagnes pussent témoigner leur joue par des mouvements d’allégresse aussi bien que tous les hommes
de la terre. Le sujet le mérite bien puisque celui qui les a ainsi honoré de sa présence est le Seigneur & le sauveur de
tous les hommes, & particulièrement des fidèles, ainsi que parle saint Paul, & qu'il est venu, comme dit saint Léon, pour
sauver tous les hommes.
Ô mon Dieu, tout ce que votre saint prophète dit ici pour nous exciter à la joie est un effet qu'il fait pour
décharger son cœur de la plénitude des sentiments de joie que la venue des prodiges de votre charité lui ont fait
concevoir. Mais il n'y a rien au monde qui puisse exprimer ce que vous êtes capable de faire ressentir à l'âme à qui vous
découvrez vos miséricordes & à qui vous faites ressentir une simple touche de votre charité. Je ne mérite pas de
participer à de semblables joies, je demande seulement que vous me conserviez ce témoignage de ma conscience qui
m'apprend que je suis votre enfant & que vous êtes mon père, & que je ne fasse rien qui me puisse priver de la paix
intérieure que donne ce témoignage.

v. 9 Flumina plaudent manu; simul montes exsultabunt a conspectu Domini : quoniam venit judicare terram.
Les fleuves frapperont des mains comme aussi les montagnes tresailleront de joie à la présence du Seigneur à
cause qu'il vient juger la terre.

v. 10 Judicabit orbem terrarum in justitia, et populos in æquitate.


Il jugera toute la terre selon la justice & les peuples selon l'équité.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Tout ce qu'il dit des montagnes & des fleuves est métaphorique & marque le grand bien & l'incomparable suejt
de joie qu'apportera au monde la venue de Jésus-Christ. Car dans la première il vient juger la terre en lui donnant de
saintes lois & en gouvernant tout avec autant de sagesse que de justice. Il répète ici pour la seconde fois ce qu'il a déjà
dit à la fin du psaume 95, qui est le premier de ce Nocturne, où je vous renvois pour éviter les redites.

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On répète l'antienne
Laeva ejus sub capite meo, & dextera illius amplexabitur me.
Sa main gauche sera sous ma tête, & il m'embrassera de sa main droite.

V/. Adducentur Regi virgines post eam


Des vierges seront amenées après elle
R/. Proximae ejus afferentur tibi
On vous présentera celles qui sont les plus proches.

On dit le Pater & l'Ave.

V/. et ne nos indúcas in tentatiónem


et ne nous abandonnez point à la tentation
R/. sed líbera nos a malo.
Mais délivrez nous du mal

V/. Ostende nobis, Domine, misericordiam tuam.


Montrez nous Seigneur, votre miséricorde
R/. Et salutare tuum da nobis.
Et accordez nous votre assistance salutaire.

On ne dit pas le jube Domine benedicere quand ont est seul

Benedictio
castitatem mentis & corporis tribat nobis filius virginis.
Que le fils de la Vierge nous donne la chasteté de l'esprit & du corps.

Les trois leçons qui suivent se disent tous les jours & en tous temps selon notre usage.

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PREMIÈRE LEÇON

tirée du premier chapitre de saint Luc

missus est angelus Gabriel a Deo in civitatem Galilææ, cui nomen Nazareth, ad virginem desponsatam viro,
cui nomen erat Joseph, de domo David : et nomen virginis Maria.
Et ingressus angelus ad eam dixit : Ave gratia plena : Dominus tecum : benedicta tu in mulieribus. Quæ cum
audisset, turbata est in sermone ejus, et cogitabat qualis esset ista salutatio.
Et ait angelus ei : Ne timeas, Maria : invenisti enim gratiam apud Deum. Ecce concipies in utero, et paries
filium, et vocabis nomen ejus Jesum : hic erit magnus, et Filius Altissimi vocabitur, et dabit illi Dominus Deus
sedem David patris ejus : et regnabit in domo Jacob in æternum. Et regni ejus non erit finis.
Dieu envoya l'ange Gabriel dans une ville de Galilée nommée Nazareth, à une vierge qui avoit pour époux un homme
de la maison de David, appelé Joseph ; & cette vierge s'appelloit Marie. L'ange étant entré où elle étoit lui dit : je vous
salue ô pleine de grâce, le seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes. Mais elle l'ayant ouïe fut
troublée de ces paroles & pensoit en elle même quelle pouvoit être cette salutation. Ne craignez point Marie, lui dit
l'ange, car vous avez trouvé grâce devant Dieu, vous concevrez dans votre sein & vous enfanterez un fils que vous
nommerez jésus. Il sera grand & sera appelé le Fils du Très Haut & le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son
père & il régnera éternellement dans la maison de Jacob. Et son règne n'aura point de fin.

V/. Tu autem Domine miserere nobis.


R/. Deo Gratias.

Nous voyons ici que Dieu a pourvu par une admirable disposition de sa providence que la réconciliation de
l'homme se fit dans le même ordre & de la même manière que la chute étoit arrivée. Le Démon en avoit formé le
dessein & il s'étoit servi d'un serpent pour l’exécuter, ce fut par le moyen du dialogue avec une femme qu'il vint à bout
de son entreprise &il en obtint aussi le funeste succès par le consentement d'une femme. Le même ordre s'est observé
dans la réparation de l'homme. Dieu en conçoit le dessein & il l’exécute par le ministère d'un ange, un entretien se fait
entre l'ange & la vierge, & enfin c'est par le consentement de cette vierge que l'œuvre s'accomplit.
C'est l'ange Gabriel dont le nom signifie la force de Dieu qui est député pour ce ministère. Il s'agissoit ici
d'annoncer que celui qui est la sagesse & la force de Dieu vouloit naitre d'une femme, rien n'étoit donc plus convenable
que le choix que Dieu a fait de cet ange du premier ordre pour en faire l'ambassade.
Pourquoi Dieu a t il voulu que cette vierge eut un époux ? Les Pères de l’église en donnent diverses raisons,
mais nous en rapporterons seulement deux, dont l'une est que le Fils de Dieu ne vouloit pas que sa mère fut exposée au
blâme public, & qu'il vouloit mettre sa pudeur à l’abri des soupçons qui se forment facilement sur ce qui regarde la
pureté. Et l'autre raison est qu'il vouloit ôter aux juifs le prétexte qu'ils auroient pu prendre de le persécuter avec raison,
le croyant né d'un adultère.
Le nom de Marie reçoit diverses interprétations mais celle qui est la plus reçue dans l’église comme on le voit
dans l'hymne Ave maris stella, c'est celle d'étoile de la mer. Ce nom convient bien à cette sainte mère, car de même
qu'une étoile sert de guide à ceux qui naviguent sur la mer, ainsi les pécheurs sont conduits au port de salut par le moyen
de Marie, & comme le rayon sort de l'étoile sans qu'elle en reçoive aucune blessure, le Fils de Dieu est aussi sorti de son
sein sans faire aucun tort à sa virginité.
Mais écoutons son dévot saint Bernard parler de l'abondance de son cœur de ce nom de Marie & de cette belle
étoile. « Gardez vous bien, dit il, de détourner vos yeux de la clarté de cette étoile, si vous ne voulez point être accablé
de tempêtes. Qui que vous soyez, qui savez que dans la mer de ce siècle vous naviguez plutôt entre les orages & les
tempêtes que vous ne marchez sur le terre, regardez cette étoile, réclamez Marie. Si les flots de l'orgueil ou de
l'ambition, de la détraction ou de l'envie attaquent votre vaisseau, regardez cette étoile, appelez Marie à votre secours. Si
vous sentez que la colère ou l'avarice ou les appétits déréglés de la chair donnent des secousses à la petite barque de
votre esprit, regardez cette étoile, invoquez Marie. Si l'énormité de vos péchés & le dérèglement de votre conscience
vous veulent faire concevoir des sentiments de désespoir, regardez cette étoile, recourrez à Marie. En un mot, si les
dangers, les angoisses & les doutes vous inquiètent, pensez à Marie, invoquez Marie. Que son nom ne s'éloigne ni de
votre cœur ni de votre bouche. Mais pour obtenir d'elle le suffrage de ses prières, ne perdez pas de vue l'exemple de la
vie & de sa conversation. Si vous la suivez vous ne vous écarterez jamais de la bonne voie. Si vous la priez vous serez
rempli d'espérance, & si vous pensez à elle vous serez préservé de l'erreur, sa protection vous délivrera de la crainte, ses
enseignements vous retireront de soin & de peine. Si elle vous est favorable, vous parviendrez au port, & vous
connoitrez par votre propres expérience avec combien de raison il est dit est le nom de la Vierge c'est Marie. »
C'est dans le secret & dans la séparation du commerce des hommes que l'ange est venu trouver cette sainte
Vierge occupée à l'oraison & à la contemplation des choses célestes, qui ne cherchoit point d'autre compagnie que celle
de ses saintes pensées & qui ne s'éstimoit jamais moins seule que quand elle étoit seule, car elle étoit pour lors en pleine
liberté de converser avec Dieu & avec les anges, & parce qu'elle ne cherchoit point à se rendre agréable au monde ni
aux hommes, elle a trouvé grâce devant Dieu.
Le nom de Joseph son époux doit être fort vénérable, puisque celui qui prote ici ce nom, qui signifie
accroissement, en a fait un si considérable devant Dieu qu'il l'a choisit pour servir de Père à son Fils & d'époux à sa
sainte Mère, & pour être comme un ange de son grand conseil, à qui il a révélé & confié l’économie du divin mystère de

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l'incarnation. L'ancien patriarche Joseph qui fut vendu en Égypte avoit été comme la figure de celui-ci dans le
gouvernement de la maison de son Roi & dans sa chasteté à l’égard de la femme de son maitre.
L'ange apparu à la sainte vierge sous la forme corporelle d'un homme, parce qu'il venoit annoncer qu'un Dieu
se faisoit homme. Il l'appelle pleine de grâce parce qu’elle avoit reçue avec plénitude ce qui ne se donne aux autres que
par partie. Elle est sans doute bien pleine de grâce, puisque Dieu s'est servi d'elle comme d'un canal pour faire couler
une abondante pluie de grâces sur les créatures ; elle donné de la gloire au Ciel, un Dieu au monde, la paix au monde, &
la Foi aux Gentils. C'est par elle que Dieu a proscrit les vices, établit le bon ordre dans la vie, & réglé les mœurs en la
rendant la mère de son Fils. Enfin, Dieu étoit bien avec elle puisqu'il venoit se renfermer dans son sein pour y vivre
naturellement de sa sibstance.
Sa bénédiction est bien [autre que celle ?] des autres femmes, parce qu'elle choisie pour porter dans son sein la
source de toutes les bénédictions. Si elle a paru troublée à la parole de l'ange, ce n'étoit point d'un trouble d'incrédulité
comme celui de Zacharie, mais c'étoit à cause que l'ange lui apparoissoit sous la forme d'un homme, dont la présence
choquoit la délicatesse de sa pudeur. Cette bénédiction & les louanges que l'ange lui donnoit lui paroissoient trop
excellentes. Plus on donne de louanges aux âmes humbles & plus elles sont saisies de crainte. Son trouble n'a donc été
qu'un effet de sa pudeur virginale & il a été soutenu par la force car elle ne s'est point effarouchée & ç'ont été la pudeur
& la discrétion qui lui ont fait garder le silence & penser en elle même.
Elle n'a pas trouvée grâce seulement pour elle même, mais elle l'a aussi trouvée pour tous & elle est devenue
toute à tous. C'est son sein qui a ouvert sa miséricorde à tous & tous son participants de sa plénitude, la captif y a trouvé
sa rédemption, le malade sa guérison, le triste & l'affligé sa consolation, le pécheur le pardon, le juste la grâce, l'ange la
joie, & la Très Sainte Trinité sa gloire.
Le nom de jésus que l'ange lui dit qu'elle devoit donner à son Fils contient la raison & la fin de sa naissance,
car c'est un terme hébreu qui signifie sauveur en notre langue. La grandeur de jésus se faisoit assez connoitre par son
nom de Fils de Dieu, & le royaume de David dont il est ici parlé ne s'entend pas du temporel mais de celui qui est
éternel & qui sera soumis à jamais à l'empire de Jésus-Christ.
« Ô que ce Royaume est glorieux, dit le dévot saint Bernard, dans lequel on voit tous les Rois unis & assemblés
pour louer celui qui est le Roi des rois & le seigneur des seigneurs & dont la gloire rendra les justes brillants comme le
soleil dans la maison de leur Père. Ô si jésus se souvient de moi pauvre pécheur selon la bonté qu'il lui a plu de
témoigner à son peuple, lorsqu'il sera entré dans son Royaume. Ô s'il daigne me vivifier comme mon sauveur, lorsqu'il
aura remis son Royaume entre les mains de son Dieu & de son Père, afin que je me voie comblé des biens de vos élus,
afin que je me réjouisse de cette joie qui est propre à votre peuple, & que vous soyez loué dans votre héritage. Venez
cependant mon Seigneur jésus, ôtez tous les scandales de votre royaume qui est mon âme, afin que vous y régniez
comme vous le devez parce que vous êtes mon Dieu & mon Roi, qui avez tant de fois sauvé les israélites. »
Ô mon Dieu, je vois ici en abrégé ce que votre miséricorde infinie a voulu faire pour la rédemption du monde.
Tout y est adorable, tout y est admirable, tout y est aimable ; vous donnez votre fils pour nous faire devenir ses frères &
en lui donnant une mère admirable, vous nous donnez un sein maternel où nous puissions trouver refuge, & une mère
médiatrice entre le souverain médiateur & nous. Vous nous donnez aussi en la personne de Joseph un père, qui a tout
crédit auprès de votre Fils, l'ayant choisi entre tous les hommes pour être le nourricier de son corps, l'époux de sa mère,
& l’exécuteur de vos desseins dans l’éducation de son enfance. Je reconnois votre cher Fils pour mon Roi souverain :
j'appartiens à son royaume & je vous demande par ses propres mérites & par l'intercession de Marie & de Joseph que
j'appartienne si parfaitement à son Royaume qu'il règne sur moi à jamais.

Le répons est selon notre usage un cantique formé de divers idées tirées du cantique des cantiques, & voici ses
paroles.

Vidi speciosam, sicut columbam ascendentem desuper rivos aquarum: cuius inaestimabilis odor erat nimis in
vestimentis eius & sicut dies verni circumdabant eam flores rosarum et lilia convallium.
J'ai vu une belle qui montoit en haut comme une colombe de dessus les eaux coulantes, dont les vêtements rendoient
une odeur inestimable, & elle étoit comme dans un beau jour de printemps environnée de fleurs de roses & de lis des
vallées.

Viderunt eam filiae Sion, et beatissimam praedicaverunt et reginae laudaverunt eam.


Les filles de l'ont vues, elles l'ont estimée & declarée très heureuse & les reines lui ont données des louanges.

& sicut dies verni circumdabant eam flores rosarum et lilia convallium.
& elle étoit comme dans un beau jour de printemps environnée de fleurs de roses & de lis des vallées.

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SECONDE LEÇON

Dixit autem Maria ad angelum : Quomodo fiet istud, quoniam virum non cognosco ? Et respondens angelus
dixit ei : Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi obumbrabit tibi. Ideoque et quod nascetur ex te
sanctum, vocabitur Filius Dei. Et ecce Elisabeth cognata tua, et ipsa concepit filium in senectute sua : et hic
mensis sextus est illi, quæ vocatur sterilis: quia non erit impossibile apud Deum omne verbum. Dixit autem
Maria : Ecce ancilla Domini : fiat mihi secundum verbum tuum.
Alors Marie dit à l'ange comment cela se fera t il ? Car je ne connais point d'homme. L'ange lui répondit le saint Esprit
surviendra en vous & la vertu du Très haut vous couvrira de son ombre : c'est pourquoi le saint enfant qui naitre de vous
sera appelé le Fils de Dieu. Voilà que votre cousine Elisabeth a conçu un fils en sa vieillesse, & celle qu'on appelloit
stérile est à présent dans son sixième mois. Parce qu'il n'y a rien d'impossible à Dieu. Marie dit alors : voici la servante
du seigneur qu'il me soit fait selon votre parole.

V/. Tu autem Domine miserere nobis.


R/. Deo Gratias.

Le propos ou le vœu de virginité qu'avoit fait le sainte vierge paroit d'une manière évidente par le vœu qu'elle
fit à l'ange, mais la conduite de ses parents en la mariant, & le consentement qu'elle donne elle même à un mariage,
nonobstant son vœu, sont un mystère dont on ne connoitra les motifs qu'en l'autre monde. Son vœu poivoit être inconnu
à ses parents, ainsi ils ne péchoient pas en proposant un mariage à leur fille, mais il falloit que la fille eut une assurance
intérieure du saint Esprit que son mariage ne l'empécheroit pas de demeurer vierge.
Elle montre ici une grande force & une grande présence d'esprit, car sans s'étonner de la vue d'un ange qui lui
paroissoit sous la forme d'un homme, & sans s’écarter de ce que la prudence pouvoit inspirer elle ne doute point que la
chose ne se fasse ; mais elle veut connnoitre de quel moyen Dieu se servira pour accomplir ce qu'il lui semble être
incompatible avec sa virginité. Ce n'est que sa virginité qui la met en soin. Elle avoit lu qu'une vierge devoit enfanter, &
elle ne doutoit pas que la chose arrivât ainsi infailliblement ; mais Dieu n'avoit point révélé à ses prophètes de quelle
manière cela s'accompliroit. C'est ce qu'elle demande à l'ange, afin de l'apprendre de lui.
L'ange lui explique de quelle manière s'accomplira ce mystère & il en attribue l'œuvre au saint Esprit. Les
œuvres de Dieu sont indivisibles dans la sainte Trinité, mais nous voyons dans les saintes lettres que de certaines
opérations sont attribuées au Père, d'autres au Fils, d'autre au Saint Esprit ; & il est constant que dans le mystère de
l'incarnation c'est la personne du Fils qui s'est incarnée & non pas celle du Père & du Saint Esprit. Les grâces sont
exprimées dans le nouveau testament sous le terme d'Esprit, & le saint Esprit est l'amour du Père & du Fils.
L'incarnation du Fils de Dieu étant un effet de l'amour de Dieu incomparable, est donc à bon droit attribuée au saint
Esprit qui est son amour essentiel.
Dieu s'est couvert comme d'un ombre en s’incarnant dans les entrailles de cette sainte Mère, car sans cela
l’éclat de sa Majesté n'auroit pas été supportable à une femme mortelle. La vertu divine est demeurée cachée dans elle
sous l'ombre de la chair de son Fils, & elle a été ainsi mise à l'ombre comme sous un nuage qui couvre le Soleil & qui le
rend visible. C'est aussi par l'ombre de la chair vivifiante de Jésus-Christ que nous avons vu le verbe fait chair, le soleil
dans la nuée, & la lumière éternelle comme sous le boisseau.
Le Fils de Dieu a été de toute éternité mais il n'avoit point reçu de nom & c'est à présent qu'il qu'il doit en
recevoir un que l'ange nomme à Marie, & qu'il lui dit que ce qui naitre d'elle sera saint. Car ce qui est né du Père éternel
avant tous les siècles & qui naitre d'elle, ne sera qu'un même homme qui sera Fils de Dieu & fils de la Vierge sans qu'il
y ait deux fils mais un seul qui sera le fils de l'un & de l'autre. C'est ce qui fait que la maternité de la sainte Vierge est
comme le Chef d'œuvre de Dieu.
L'ange voyoit bien ce qui donnoit de la crainte & du trouble à cette innocente vierge, c'étoit la perte de sa
virginité ; c'est pourquoi il lui apporte encore l'exemple d'une femme stérile qui a conçu par miracle, afin de la tirer de
tout soin ; puisque celui qui avoit ainsi mis cette femme en état d'être mère pouvoit en faire autant à l’égard d'une vierge
en la faisant devenir mère sans cesser d'être vierge.
La réponse enfin qu'elle fait à l'ange est bien succincte mais on y voit reluire d'une manière admirable son
humilité, son obéissance & sa foi je suis dit elle la servante du Seigneur. Il est le maitre & je ne suis point en mon
propre pouvoir, je dépend du sien comme une servante. Qu'il fasse donc tout ce qu'il lui plaira comme vous me l'avez
annoncé. L'honneur d'être choisie pour être la mère de Dieu étoit quelque chose de si grand que le nom de servante
sembloit ne lui plus convenir, mais puisqu'elle devoit enfanter un Dieu anéanti, qui venoit enseigner la douceur &
l'humilité de cœur comme sa doctrine singulière, le même Esprit qui lui faisoit concevoir le Fils de Dieu la remplissoit
dans le même moment d'une humilité si grande & si parfaite qu'elle correspondoit à l'œuvre qu'il accomplissoit dans
elle.
Elle étoit pleine de grâce, elle étoit pleine d'humilité, car la vertu d'humilité est toute familière avec la grâce,
puisque Dieu résiste aux superbes & donne sa grâce aux humbles. On voit enfin trois merveilles que Dieu a faites dans
l'accomplissement de cet adorable mystère de l'Incarnation. Un Dieu & un homme unis ensembles dans une même
personne ; une mère & une vierge dans celle qui l'enfante ; la Foi & le cœur humain, les choses invisibles &
surnaturelles & les naturelles jointe ensemble. Mais il faut remarque que comme dans Dieu il n'y a qu'une essence en
trois personnes, il y a au contraire en Jésus-Christ une personne & trois essences, la divinité, l'âme & le corps ; la

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divinité est engendrée, son âme a été crée, & son corps a été fait.
Ô jésus mon sauveur, c'est vous qui avez été touché intérieurement d'une affliction de cœur en voyant notre
misère, & qui avez pensé sur nous des pensées de paix & de rédemption. Étant le Fils de Dieu, vrai Dieu consubstantiel
& coéternel avec le Père & la saint Esprit, qui habitez la même lumière inaccessible, & qui soutenez toutes choses par la
parole de votre vertu, vous n'avez pas dédaignez d'abaisser votre grandeur jusqu'à descendre dans la prison de notre vie
mortelle, afin de gouter & de détruire notre misère, & de nous mettre en état de jouir de votre gloire éternelle. Vous êtes
descendu de votre trône de gloire pour vous refermer dans le sein d'une vierge, qui étoit votre servante humble &
anéantie à ses yeux. Souvenez vous de vos miséricordes & ne permettez pas que je perde le fruit de votre admirable
charité & de tous les prodiges que vous avez fait pour me délivrer de la mort éternelle , pour me faire enfant adoptif de
votre Père céleste, votre frère & votre cohéritier. Donnez moi cette sainte vertu d'humilité car puisque c'est elle qui vous
a porté à vous faire le fils de la sainte Vierge, ce sera aussi cette vertu qui m'attirera la grâce de l'heureuse
consommation de ma vie dans votre charité. Ô saint Marie, Mère & Vierge, Servante & Reine tout ensemble, souvenez
vous de ce qui se passa dans vous au moment que vous vous fûtes déclarée la servante du Seigneur & soumise à tout ce
qu'il voudroit faire de vous. De quelle douceur fûtes vous comme enivrée, & de quelle ardeur de charité fûtes vous
enflammée au moment que vous sentîtes dans votre âme & dans votre corps la présence de la divine majesté, qui
formoit sa chair de la votre, & qui tiroit de vos membres la substance dont il composoit ceux de son humanité sacrée, de
ce corps où la plénitude de la divinité venoit habiter corporellement. Souvenez vous de toutes ces merveilles & que je
suis l'un de ceux qui vous a attiré tant de bénédictions, puisque ça été pour me racheter que le Fils de Dieu s'est fait
votre Fils. Faites moi ressentir les effets du pouvoir que vous avez auprès de lui en m'obtenant la grâce d'être préservé
du malheur d'être séparé de lui par un usage déréglé de ma liberté.

Le répons est tiré du cantique du cantique

Quæ est ista quæ ascéndit per desértum, sicut vírgula fumi ex aromátibus myrrhæ et turis, † Et univérsi
púlveris pigmentárii.
Qui est celle qui monte du désert comme un verge de fumée, qui sort des parfums de la Myrrhe & de l'encens, & de
toutes les poudres de senteurs des parfums.

Mel et lac sub lingua tua, et odor vestimentórum tuórum sicut odor turis.
Le miel & le lait est sous votre langue, & vos vêtements sentent l'odeur de l'encens.

Et univérsi pulveris pigmentariEt univérsi púlveris pigmentárii.


& de toutes les poudres de senteurs des parfums.

48
TROISIÈME LEÇON

Exsurgens autem Maria in diebus illis, abiit in montana cum festinatione, in civitatem Juda: et intravit in
domum Zachariæ, et salutavit Elisabeth. Et factum est, ut audivit salutationem Mariæ Elisabeth, exsultavit
infans in utero ejus : et repleta est Spiritu Sancto Elisabeth: et exclamavit voce magna, et dixit : Benedicta tu
inter mulieres, et benedictus fructus ventris tui. Et unde hoc mihi, ut veniat mater Domini mei ad me ? Ecce
enim ut facta est vox salutationis tuæ in auribus meis, exsultavit in gaudio infans in utero meo. Et beata, quæ
credidisti, quoniam perficientur ea, quæ dicta sunt tibi a Domino.
Un peu après Marie parti avec promptitude & s'en alla dans les montagnes de Judée en une ville de la tribu de Juda […]
Et vous êtes bienheureuse d'avoir crû parce que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur seront
accomplies.

V/. Tu autem Domine miserere nobis.


R/. Deo Gratias.

La sainte vierge s'est appelée servante du Seigneur & elle en veut faire L'exercice & prévenir ce que son Fils a
dit depuis, qu'il n'étoit pas venu au monde pour se faire servir mais pour servir lui même. Elle court au service de sa
cousine dont l'ange lui avoit révélé la grossesse. Elle est persuadé de la vérité du fait, & en allant s'en réjouir avec sa
cousine, celui qu'elle portoit dans son sein alloit accomplir le dessein qu'il avoit de sanctifier son Précurseur.
Les merveilles furent bien-tôt découvertes de part & d'autre mais Elisabeth prévint Marie. Et la déclaration
qu'Elisabeth lui fit de ce que le Saint Esprit lui avoit révélé de la maternité de la vierge & de ce que la voix de Marie
animée de celle de son Fils avoit produit sur l'enfant qu'Elisabeth portoit dans son sein, cette déclaration dis-je, mis
Marie dans un état de ravissement qui lui fit produire son cantique Magnificat qui ne contient pas seulement les
sentiments de Marie, mais aussi les oracles de son Fils qui parloit par sa bouche.
Marie se hâte en allant chez sa cousine afin de paroitre le moins qu'elle pouvoit en public, mais elle nous
apprenoit par cette diligence que la grâce du saint Esprit & la charité font faire le bien avec promptitude & sans en
différer l'accomplissement au lendemain. C'est de l'abondance du cœur que la bouche parle. Celle de sainte Elisabeth
étoit si rempli de sentiments d'admiration & de tendresse, d'affection & de dévotion qu'il ne faut pas s'étonner si elle
s’écria à haute voix, car son cri correspondoit à l'affection & la dévotion de son cœur.
Elisabeth répète ce que l'ange avoit déjà dit de la bénédiction de Marie, mais elle u ajoute ce que le saint Esprit
lui avoit révélé de celui qui étoit dans le sein de Marie. Elle connoissoit qu'il n'étoit pas simplement homme, mais aussi
qu'il étoit Dieu, puisqu'elle appeloit Marie la mère de son Seigneur & qu'elle s'etimoit indigne d'être ainsi visitée &
recherchée par celle dont la dignité surpassoit tout ce qui peut être estimé grand au monde, comme étoit la qualité de
Mère de Dieu.
Ô Sauveur de nos âmes, nous voyons ici la vertu admirable que vous avez donné à la voix de votre sainte mère
dès les premiers moments de votre conception, car les paroles dont elle a salué Elisabeth ont produits en même temps
qu'elles ont été prononcées un joie ineffable, dont la grandeur ne pouvant être resserrée dans le cœur d'Elisabeth,
l'engagent à s’écrier à haute voix. Elle n'a pas seulement témoigné sa joie, mais elle nous a manifesté celle que le petit
saint Jean qu'elle portoit dans son sein avoit ressenti à la voix de cette sainte Mère. Les paroles de votre sainte Mère
remplirent Elisabeth du saint Esprit qui lui a révèle les divins mystères de votre incarnation & l'ont même enrichie du
don de prophétie.
C'étoit vous, ô mon Dieu, qui donniez cette force aux paroles de votre Mère, mais nous connoissons par là
qu'elle est comme le canal par où vous faites découler abondamment vos grâces & vos dons sur ceux qui ont une
véritable dévotion à celle dont vous avez voulu être le fils. Ô mon Seigneur, faites moi la grâce de vivre de telle sorte,
que j'attire sur moi les regards & la complaisance de celle à qui vous avez voulu obéir comme son fils. C'est ce que je
ferai si je suis fidèle à imiter vos exemples & à accomplir vos paroles. Et si je suis sous la protection de votre Mère, je
recevrai avec abondance les effets de la votre.
Puis qu'une de vos paroles, ô sainte vierge, a été capable de produire de si grandes merveilles dans sainte
Elisabeth & dans l'enfant qui étoit encore renfermé dans son sein, que ne pouvez vous pas obtenir de Dieu pour nous, en
y employant vos prières ? Je vous dit donc de tout mon cœur & avec la confiance que doit avoir un fils envers une mère
de grâce & de bénédiction, de miséricorde & de charité comme vous êtes, ces paroles de la sainte Elisabeth : sainte
Marie Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant & à l'heure de notre mort. Ainsi soit il.

Le répons est tiré du cantique de la sainte vierge magnificat

Beátam me dicent omnes generatiónes, † Quia fecit mihi Dóminus magna qui potens est
Toutes les races me diront bien-heureuse parce que celui qui est tout puissant & dont le nom est saint & fait en moi de
grandes choses.

Magníficat ánima mea Dóminum, et exsultávit spíritus meus in Deo salutári meo.
Mon âme glorifie le Seigneur & mon esprit a tressailli de joie en Dieu mon sauveur.

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Le Cantique Te Deum Laudamus se dit tous les jours

Hymne de saint Ambroise & de saint Augustin


Te Deum

Te Deum laudámus: te Dóminum confitémur.


Ô Dieu nous annonçons vos louanges & nous confessons à la face du Ciel & de la terre que vous êtes le Seigneur & le
Maitre de toutes choses.

Te ætérnum Patrem, omnis terra venerátur.


C'est vous, ô incomparable Père, Être Souverain, infini & éternel que toute la terre révère.

Tibi omnes ángeli, tibi cæli et univérsæ potestátes :


C'est à votre divine Majesté, c'est à votre gloire, c'est à votre saint Nom, que tous les anges, les Cieux, & toutes les
puissances rendent hommage.

tibi chérubim et séraphim incessábili voce proclámant :


C'est à vous que les Chérubins & les Séraphins adressent leurs voix enflammées en chantant

Sanctus, Sanctus, Sanctus


saint, saint, saint

Dóminus Deus Sábaoth.


Le Seigneur Dieu des armées

Pleni sunt cæli et terra maiestátis glóriæ tuæ.


Le Ciel & la terre sont remplis de la Majesté de votre gloire

Te gloriósus Apostolórum chorus,


Ce glorieux chœur des apôtres

te prophetárum laudábilis númerus,


cette honorable & louable assemblée des prophètes

te mártyrum candidátus laudat exércitus.


Cette généreuse armée de martyrs qui portent les marques de leurs glorieux combats sont occupés à chanter sans cesse
vos louanges.

Te per orbem terrárum sancta confitétur Ecclésia,


Et notre Mère la sainte Église fait éclater sa confession de Foi par toute la terre

Patrem imménsæ maiestátis;


Elle confesse, ô Père céleste, que vous êtes Père d'une Majesté infinie

venerándum tuum verum et únicum Fílium;


que vous avez un Fils unique engendré de votre propre substance, éternel & adorable comme vous.

Sanctum quoque Paráclitum Spíritum.


Et que le saint Eprit, l'Esprit consolateur, procède de l'un & de l'autre.

Tu rex glóriæ, Christe.


Ô Jésus-Christ, vous êtes le Roi de la gloire.

Tu Patris sempitérnus es Fílius.


Vous êtes le Fils de Dieu le Père & éternel comme lui.

Tu, ad liberándum susceptúrus hóminem, non horruísti Vírginis úterum.


C'est vous qui par une charité incompréhensible ayant résolu de délivrer de la mort éternelle l'homme criminel n'avez
point dédaigné de vous renfermer dans le sein d'une vierge.

Tu, devícto mortis acúleo, aperuísti credéntibus regna cælórum.


C'est vous qui après avoir vaincu & fait mourir l'aiguillon de la mort avez ouvert le royaume des cieux aux fidèles.

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Tu ad déxteram Dei sedes, in glória Patris.
Vous êtes assis à la droite de Dieu dans la Gloire de votre Père

Iudex créderis esse ventúrus.


Nous croyons fermement que vous viendrez exercer sur les hommes votre qualité de Souverain juge

Te ergo quæ´sumus, tuis fámulis súbveni, quos pretióso sánguine redemísti.


Nous vous supplions donc d'avoir pitié de vos serviteurs que vous avez rachetés en donnant pour eux votre sang
précieux & votre vie.

Ætérna fac cum sanctis tuis glória munerári.


Faites que nous jouissions avec vos saints de la gloire éternelle que vous leur avez méritée & acquise.

Salvum fac pópulum tuum, Dómine, et bénedic hereditáti tuæ.


Sauvez, Seigneur, votre peuple & Bénissez votre héritage.

Et rege eos, et extólle illos usque in ætérnum.


Gouvernez les par votre esprit & mettez les pour jamais au dessus de vos ennemis par les secours de votre sainte grâce.

Per síngulos dies benedícimus te;


Nous vous benissons chaque jour

et laudámus nomen tuum in sæculum, et in sæculum sæculi.


Et nous louerons votre nom dans le siècle présent & dans les siècles des siècles.

Dignáre, Dómine, die isto sine peccáto nos custodíre.


Daignez nous préserver pendant ce jour de la chute dans le péché.

Miserére nostri, Dómine, miserére nostri.


Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous.

Fiat misericórdia tua, Dómine, super nos, quemádmodum sperávimus in te.


Faites paroitre votre miséricorde sur nous, Seigneur, selon l'espérance que nous avons eu en vous.

In te, Dómine, sperávi : non confúndar in ætérnum.


C'est en vous, Seigneur, que j'ai espéré, ne permettez pas que je sois confondu pour jamais.

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52
SELON L'USAGE ROMAIN

Nous joignons ici ce qui est différent de notre usage dans l'Office de la sainte Vierge selon l'usage romain.

L'invitatoire est le même qui se dit à notre usage

Hymne des Matines

Quem terra, pontus, sidera colunt, adorant, praedicant, trinam regentem machinam claustrum Mariae bajulat.
Le monarque éternel que l'air, la terre & l'onde révère, craint, adore en ses ordres divers, le maitre du grand Univers est
porté dans les flancs d'une vierge féconde.

Cui luna, sol et omnia deserviunt per tempora, perfusa caeli gratia, gestant puellae viscera.
Le Ciel de ses trésors comblant cette âme pure voit enfermé dans elle un enfant sans pareil, qui règle le cours du Soleil
emut le vaste corps de toute la nature.

Beata Mater munere, cujus supernus Artifex, mundum pugillo continens, ventris sub arca clausus est.
Mère vraiment illustre & vraiment fortunée par qui l'auteur du monde & l'arbitre des rois portant le grand tout sur trois
doigts, dans le sein d'une fille a sa grandeur bornée.

Beata caeli nuntio, fecunda Sancto Spiritu, desideratus gentibus, cujus per alvum fusus est.
Fille heureuse à qui l'ange humblement se présente, dont L'Esprit éternel est le divin époux, & qui fait naitre parmi nous
le Roi des Nations, le désir & l'attente.

Jesu, tibi sit gloria, qui natus es de Virgine, cum Patre, et almo Spiritu, in sempiterna saecula. Amen.
Gloire à vous mon Sauveur, Dieu que le Ciel adore, mais Dieu qu’une humble vierge a portée dans son sein, Gloire au
Père, à l'Esprit divin, dans ce jour sans couchant comme il est sans aurore. Ainsi soit il.

Au premier Nocturne

l'antienne du premier psaume Ps. 8 Domine, Dominus noster, quam admirabile est nomen tuum
Benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris tui.
Vous êtes bénie par dessus toutes les femmes & le fruit de vos entrailles est béni.

L'antienne du second psaume Ps. 18 Cæli enarrant gloriam Dei


Sicut myrrha electa odorem dedisti suavitatis, sancta Dei Genetrix.
Sainte Mère de Dieu, vous avez répandu une odeur infiniment douce, pareille à celle de la Myrrhe la plus excellente.

L'antienne du troisième psaume Ps. 23 Domini est terra, et plenitudo eius


Ante torum huius Virginis frequentate nobis dulcia cantica dramatis.
Chantez des cantiques doux & agréables devant le lit sacré de cette vierge.

V/. Diffusa est gratia in labiis tuis.


Une grâce admirable s'est répandue sur vos lèvres
R/. Propterea benedixit te Deus in æternum.
C'est pour cela que Dieu vous a béni éternellement.

Ce qui doit précéder les leçons se trouvera à la fin du troisième nocturne

Au second Nocturne

l'antienne du premier psaume Ps. 44 Eructávit cor meum verbum bonum


Specie tua et pulchritudine tua intende, prospere procede, et régna
étant toute brillante de beauté & de gloire comme vous êtes, vous n'avez que des succès heureux & vous régnerez.

L'antienne du second psaume Ps. 45 Deus noster refúgium, et virtus


Adjuvabit eam Deus vultu suo: Deus in medio ejus, non commovebitur
Dieu l'aidera par ses regards favorables, Dieu est au milieu d'elle c'est pourquoi elle ne sera point ébranlée.

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L'antienne du troisième psaume Ps. 86 Fundaménta ejus in móntibus sanctis
Sicut laetantium omnium nostrum habitatio est in te, sancta Dei Genitrix
Ô sainte Mère de Dieu, tous ceux qui demeureront avec vous seront comblés de délice & de joie.

V/. Diffusa est gratia in labiis tuis.


R/. Propterea benedixit te Deus in æternum.

Au troisième Nocturne

l'antienne du premier psaume Ps. 95 Cantáte Dómino cánticum novum


Gaude Maria virgo: cunctas haereses sola interemisti in universo mundo
réjouissez vous sainte vierge, vous avez vous seule détruit toutes les hérésies dans tout le monde.

L'antienne du second psaume Ps. 96 Dóminus regnávit, exsúltet terra


Dignare me laudare te, Virgo sacrata: da mihi virtutem contra hostes tuos
Agréez ô vierge sacrée que j'annonce vos louanges & donnez moi de la force pour combattre vos ennemis.

L'antienne du troisième psaume Ps. 97 Cantáte Dómino cánticum novum


Post partum Virgo inviolata permansisti, Dei Genitrix intercede pro nobis
Vous êtes demeuré toute pure & toute vierge après votre enfantement. Mère de Dieu intercédez pour nous.

V/. Diffusa est gratia in labiis tuis.


R/. Propterea benedixit te Deus in æternum.

On dit le Pater

V/. et ne nos indúcas in tentatiónem


et ne nous laissez pas succomber à la tentation
R/. sed líbera nos a malo.
Mais délivrez nous du mal

Absolutio. Precibus et meritis beatae Mariae semper Virginis, et omnium Sanctorum, perducat nos
Dominus ad regna caelorum. Amen.
Que par les mérites & les prières de la bien-heureuse Marie toujours vierge & de tous les saints, le seigneur nous
conduise à son royaume céleste.

Jube Domne benedicere


Donnez moi votre bénédiction

V/. Nos cum parole pia benedicat virgo Maria


que la vierge Marie & son saint fils nous bénisse
R/. amen.

54
Les trois leçons suivantes se disent tout le temps de l'année excepté celui de l'Avent.

Pour vous disposer à mieux entendre ce qui est contenu dans ces leçons, & qui se dit aussi dans plusieurs
endroits de l'Office de la Sainte Vierge selon notre usage, il est à propos de vous faire ici quelques remarques.
Tout le texte de ces leçons s'entend à la lettre de la Sagesse de Dieu qui y parle d'elle même des
communications qu'elle fait à ses créatures & de ses ouvrages. C'est pourquoi, pour nous aider à concevoir ce qu'elle
nos veut enseigner par ses paroles, il faut distinguer la Sagesse incréé d'avec la Sagesse crée.
L’Incréée est ou essentielle ou personnelle, l'essentielle est commune aux trois adorables personnes de la Très
sainte Trinité, mais la Personnelle est propre à la seconde personne que le texte sacré appelle le Verbe divin & la sagesse
de Dieu le Père. La sagesse crée est celle que Dieu a donné aux anges & aux hommes qui ont reçu dans leur raison des
impressions de sagesse qui sont comme un écoulement de la Sagesse essentielle de Dieu.
Mais leur raison étant devenue blessée, obscurcie & comme extravagante par le péché, la bonté de Dieu y a
supplée & y supplée par ce don du saint Esprit qui s'appelle le don de sagesse & par les secours actuels de sa grâce, d'où
il s'en suit que nous ne pouvons avoir de sagesse que Dieu ne nous la donne, & que saint Paul a bien raison de dire que
si nous voulons être sages, il faut nous considérer nous même comme des insensés, parce que ce n'est qu'aux humbles
qui renoncent à ce que l'orgueil à produit dans eux, aux hommes qui deviennent petits en s'anéantissant à leurs propres
yeux que Dieu donne la sagesse sapientiam praestans parvulis. C'est aussi d'où vient que la sagesse du monde n'est
qu'une folie devant Dieu & que Salomon avoit bien raison de lui faire cette prière, que nous devons aussi faire souvent
& dévotement à son exemple. « Donnez moi cette sagesse qui est assise auprès de vous dans votre trône. Ne me rejetez
pas du nombre de vos enfants parce que je suis votre serviteur & le fils de votre servante, un homme faible qui doit
vivre peu. Envoyez la donc de votre sanctuaire qui est dans le Ciel & du trône de votre grandeur, afin qu'elle soit &
qu'elle travaille avec moi, afin que je sache ce qui vous est agréable. »
Les paroles de ces leçons sont celles de la Sagesse qui y parle d'elle même ; les hérétiques se rec-ent de ce que
dans nos Offices Divins nous en faisons l'application à la sainte Vierge ; mais en voici les solides raisons & de quoi
réfuter les erreurs.
On ne prétend point attribuer en aucune manière à la sainte vierge ce qui ne convient dans ce texte sacré qu'à la
sagesse essentielle de Dieu.
Mais on ne peut disconvenir que la sagesse personnelle du verbe divin ne soit toute entière dans Jésus-Christ
puisqu'il est vrai Dieu & vrai homme & que l’apôtre nous dit en parlant de lui que c'est en lui que tous les trésors de la
sagesse & de la science de Dieu se trouvent cachés & resserrés.
C'est dans le sein de la sainte vierge que cette divine sagesse personnelle s'est comme resserrée en s'unissant au
corps qu'elle s'est formée de la substance de cette sainte créature, qui a été par conséquent comme la terre d'où la vérité
& la sagesse de l'humanité sacrée de Jésus-Christ sont sorties.
Cette sainte vierge est la véritable mère de Dieu, ayant reçu dans son sein, porté & enfanté celui en qui la
plénitude de la divinité habite corporellement, ainsi que parle Saint Paul ; on peut donc l'appeler en quelque sens la
Mère de la Sagesse, comme on l'appelle la Mère de la Miséricorde, puisqu'elle a enfanté celui qui est la sagesse du Père
éternel & la miséricorde même.
La sainte vierge est aussi la plus excellente de toutes les pures créatures, & par conséquent c'est à elle que la
sagesse crée s'est le plus communiquée, & dans laquelle elle a produit les plus beaux effets de ce qui est contenu dans
ces textes sacrés.
Faut il donc s'étonner si l’église lui applique tout ce qui est dit ici de la sagesse & de tout ses admirables effets,
mais spécialement si on la considère dans le temps qu'elle avoit le Fils de Dieu renfermé dans son sein, qu'elle le
nourrissoit de sa propre substance, & qu'il étoit uni à elle corporellement comme un fruit qui pend encore à l'arbre qui
l'a produit.
En voilà assez ce me semble pour vous persuader de la convenance qui se trouve dans l'application que l’église
fait de ces paroles à la sainte vierge.

55
Première Leçon

Tirée du Vingt quatrième chapitre du Livre de l'Ecclésiastique

Et in his omnibus requiem quaesivi, et in haereditate Domini morabor. Tunc praecepit, et dixit mihi Creator
omnium: et qui creavit me, requievit in tabernaculo meo. Et dixit mihi: In Jacob inhabita, et in Israël
haereditare, et in electis meis mitte radices.
J'ai cherché partout un lieu où j'habitasse en repos & je me suis retiré dans l'héritage du Seigneur. Alors le créateur de
l'Univers m'a donné ses ordres & m'a parlé. Celui qui m'a crée s'est reposé dans mon Tabernacle. Et il m'a dit habitez
dans Jacob, qu’Israël fait votre héritage, & prenez racine dans mes élus.

V/. Tu autem Domine miserere nobis.


R/. Deo Gratias.

Il faut se souvenir ici des paroles de la sagesse qui nous dit dans les proverbes de Salomon qu'elle enseigne au
dehors & qu'elle fait entendre sa voix dans les grandes places, qu'elle crie à la tête des assemblées du peuple, & qu'elle
fait retentir ses paroles aux portes de la ville. Elle invite les petits à venir à elle & elle leur dit : quiconque est petit &
simple, qu'il vienne à moi. D'où il faut conclure qu'elle se porte par elle même à se communiquer à tous & qu'il n'y a
que l'enflure de l'orgueil qui mette obstacle à ses desseins qu'elle accomplissoit sur les enfants des hommes s'ils
devenoient petits en quittant cette enflure d'orgueil.
La même sagesse qui parle ici veut donc dire qu'ayant cherché partout à se reposer, c'est à dire à être écoutée &
reçue dans toutes les Nations du monde, & l'orgueil des hommes l'ayant empêché d'entrer chez eux, elle s'est retirée
dans cette Nation des enfants d'Israël que Dieu a honorée du titre de son héritage.
C'est là où la sagesse divine voulant venir au monde pour accomplir les ordres & la volonté de son Père céleste,
s'est fait un lit de repos dans la personne de l'incomparable fille d'Israël, qu'elle a choisi entre toutes les femmes pour
être sa mère, & dans laquelle elle a établi sa demeure. C'est le Verbe Divin qui s'est fait un tabernacle dans le Sein
virginal de Marie, en y créant son humanité. Et c'est ainsi que celui qui l'a crée s'est reposé dans on tabernacle, mais
c'est le sein de Marie qui a été le tabernacle de ce tabernacle divin, c'est de son sang qu'il a été formé : la Mère & le Fils
renfermés dans son sein n'ont été que comme une même maison. C'est donc à bon droit que l’église applique ces paroles
à cette sainte mère, puisqu'elle a été le tabernacle où le Verbe Divin a habité corporellement pendant l'espace de neuf
mois, & qu'elle n'a point cessé d'être pleine de Dieu après avoir même enfanté son divin fils.
C'est dans le peuple de Jacob que l'humanité sacrée de Jésus-Christ a établit sa demeure, c'est des enfants
d'Israël qu'elle a commencé à composer son héritage, & que s'y étant plantée comme le véritable arbre de vie, ses
racines se sont étendues par toute la terre dans les cœurs des élus de son Père.
Mais le sein de Marie ayant été la terre où cet arbre s'est planté, où il a germé & pris son accomplissement,
c'est avec raison que ce qui se dit du Fils s'applique aussi à la Mère.
Ô sauveur de nos âmes, vous avez paroitre en toutes manières que vous prenez vos délices à être avec les
enfants des hommes, & que vous êtes cette sagesse divine qui parle à haute voix, & qui ne demande qu'à entrer chez
nous, à demeurer avec nous, & à nous remplir de ses biens. Que puis je désirer au Ciel & en la terre de plus honorable
& de plus avantageux. Détruisez en moi par votre miséricorde tout ce qui peut m’empêcher de recevoir & de posséder
un si grand bien. Ô sagesse éternelle, faites moi la grâce d'être au nombre de ces petits que vous invitez de venir à vous
& que vous recevez avec tant de bonté, que vous vous donnez vous même à eux. Si je vous possède j'aurai tout, & sans
vous je serai dépouillé de tout. Ô sainte Mère du Fils de Dieu, qui avez porté dans votre sein la sagesse éternelle, aidez
moi, enseignez moi à obtenir de celui dont vous êtes la mère cette vertu d'humilité qui vous attiré les regards de Dieu, &
qui lui a donné tant de complaisance que son propre Fils est venu en personne se placer dans votre sein, y choisit un lieu
de repos, & y établir son tabernacle. Que ne pouvez vous pas auprès de lui ? Puis qu'il s'est fait comme votre captif,
dépendant de vous, soumis à vos volontés, & qu'il s'est tellement uni à vous qu'il ne peut non plus cesser d'être votre fils
que d'être la sagesse incréé. Ô Mère de celui qui est la sagesse de Dieu, obtenez moi qu'elle demeure avec moi, qu'elle
travaille avec moi, & qu'elle ne m'abandonne jamais : car si elle me quittoit, je retomberoit dans mes anciennes folies, &
je serois perdu.

Le repons de cette leçon contient ces paroles :


Sancta et immaculata Virginitas, quibus te laudibus efferam nescio ; quia quem coeli capere non poterant tuo
gremio contulisti.
Sainte & toute pure virginité, je ne ferai point d'assez dignes louanges pour vous honorer, car vous avez
resserré dans votre sein celui dont les cieux mêmes ne peuvent contenir la grandeur.
benedicta tu in mulieribus & benedictus fructus ventris tui.
Vous êtes bénie par dessus toutes les femmes & jésus le fruit de vos entrailles est béni.
quia quem coeli capere non poterant tuo gremio contulisti.
car vous avez resserré dans votre sein celui dont les cieux mêmes ne peuvent contenir la grandeur.

Benedictio. Ipsa virgo virginum intercedat pro nobis ad dominum.


Que la sainte Vierge des vierges intercède pour nous envers le Seigneur.

56
Seconde Leçon

Et sic in Sion firmata sum, et in civitate sanctificata similiter requievi, et in Jerusalem potestas mea. Et
radicavi in populo honorificato, et in parte Dei mei hæreditas illius, et in plenitudine sanctorum detentio mea.
Je me suis ainsi affermie dans Sion, j'ai trouvé mon repos dans la cité sainte, & ma puissance s'est établie dans
Jérusalem. J'ai pris racine dans le peuple que le Seigneur a honoré, dont l'héritage est le partage de mon Dieu, & j'ai
établi ma demeure dans l'assemblée de tous les saints.

Ces paroles nous marquent ce que la sagesse a produit au monde par l’humanité sacrée de Jésus-Christ.
Premièrement dans Sion & dans la Judée où elle a voulu naitre à nos yeux, & les progrès qu'elle a fait ensuite par ses
prédications & par ses miracles, tels que l'Évangile nous les rapporte.
Son Incarnation, sa conversation, sa Passion, & toutes les merveilles de sa vie ont jetés de fortes racines dans
les cœurs des fidèles qui ont reçu les attraits & les leçons de cette divine sagesse ; & elle les a attaché à soi par des liens
de l'amour & de la reconnaissance que sa bonté leur a inspiré & dont ils se sont reconnus redevables à sa grâce. Elle a
établi sa demeure dans l'assemblé de tous les saints, ce qui signifie son Église, à qui Jésus-Christ a promis qu'il sera
avec elle jusqu'à la consommation des siècles, comme un époux qui demeure attaché à son épouse par le lien
indissoluble du mariage. Mais le lien du mariage de Jésus-Christ avec son Église durera toute l’éternité. Car cette Église
qui est militante sur la terre deviendra triomphante dans le ciel par le secours des grâces & de la présence corporelle de
son époux qui s'est donné à elle par avance d'une manière miraculeuse dans le mystère de la sainte eucharistie. Ce sera
là où se fera la consommation des noces, & que l'épouse entrera en pleine jouissance de son époux, de sa gloire, de sa
joie, & de tous ses biens.
C'est ainsi que la sagesse qui parle ici, comme dans l'humanité sacrée de Jésus-Christ ne demeure pas
seulement dans l'assemblé des saints, mais qu'elle y est détenue, ainsi que porte le mot latin detentio, s'y étant attachée
elle même par les liens de son admirable charité, de telle sorte qu'elle ne les quittera jamais.
C'est avec bien de la raison qu'on applique tout ce qui est dit ici à la sainte vierge, puisque c'est elle qui a conçu
& produit au monde le sacré corps dont la sagesse s'est revêtue, pour accomplir sur la terre tout ce qui est dit ici. Cette
sainte Mère y a été la compagne & comme la coadjutrice de la sagesse incarnée. Mais ce qui lui convient d'une manière
spéciale est que la sagesse s'étant renfermée dans son sein sacré, elle y a établi sa principale demeure. C'est là qu'elle a
été détenue d'une manière ineffable, s'étant rendue son enfant & sa prisonnière, soumise à sa conduite & à sa volonté.
C'est le sein de cette sainte vierge qui a été comme le centre de l'assemblée des saints puisqu'elle a donné à
l’église celui qui est son Père & son époux, son libérateur, & la source de tout ce qu'elle a de sagesse & de sainteté.
Enfin c'est elle en qui se rencontre la plénitude des vertus de cette assemblée des saints, puisque ce que chacun
d'eux peut avoir eu en particulier se trouve avec plénitude dans Marie. La Foi des patriarches, l'Esprit des Prophètes, le
zèle des apôtres, & la confiance des martyres, la sobriété des confesseurs, & la virginité des vierges, la fécondité des
personnes mariées, & la pureté des anges.
Mais sa maternité & la perfection avec laquelle elle a pratiqué toutes les vertus, l'ont fait être comme une vive
image de la sagesse de Dieu, qui s'étoit resserrée dans son sein.
Et puisque son Fils est Roi & Seigneur, elle est aussi Dame & Reine. Elle a eu la plénitude de leur gloire, &
c'est ainsi qu'elle est détenue aussi bien que son Fils dans la plénitude des saints.
Ô sagesse éternelle de mon seigneur Jésus-Christ ! Prenez si bien racine dans mon cœur que vous y soyez
toujours vivante & régnante, & que rien ne puisse jamais me séparer de vous. Faites moi être du nombre de vos saints,
dont l'assemblée vous retient parmi eux & en qui vous prenez vos délices. Faites moi la grâce de vous tenir si bien que
je ne vous quitte jamais, & que je ne vous engage point à me quitter.
Ô sainte vierge Mère de Dieu qui avez porté dans votre sein & nourri de votre substance ce divin arbre de vie
& de la sagesse de Dieu, obtenez moi par vos intercessions que je sois du nombre de ceux en qui il jette de plus
profondes racines, & que je sois de cette assemblée des saints qui le retiennent dans eux par leur fidélité à correspondre
à ses grâces. Si je possède le Fils je serai aussi inséparable de la Mère, & étant uni à l'un je serai uni à l'autre dans
l’éternité, qui est l'unique bonheur que je désire.

Le répons contient ses paroles :


Beata es, Virgo Maria, quae Dominum portasti Creatorem mundi, genuisti qui te fecit, et in aeternum
permanes virgo.
Vous êtes bien heureuse ô Vierge Marie, qui avez porté dans vos flancs le Seigneur qui a crée tout le monde.
Vous avez engendrée celui qui vous a formée & vous êtes demeurée vierge éternellement.
Ave Maria gratia plena Dominus tecum. Genuisti qui te fecit, et in aeternum permanes virgo.
Je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous.

Quand on dit le Te Deum on dit à la fin de ce répons Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.

Jube Domne benedicere

Benedictio. Per virginem matrem concedat nobis Dominus salutem & pacem.
Que le Seigneur nous accorde la paix & le salut par la sainte Vierge.

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Troisième Leçon

Quasi cedrus exaltata sum in Libano, et quasi cypressus in monte Sion : quasi palma exaltata sum in Cades, et
quasi plantatio rosæ in Jericho : quasi oliva speciosa in campis, et quasi platanus exaltata sum juxta aquam in
plateis. Sicut cinnamomum et balsamum aromatizans odorem dedi; quasi myrrha electa dedi suavitatem odoris
Je me suis élevée comme les cèdres du Liban & comme les cyprès de la montagne de Sion. J'ai poussé mes branches en
haut comme les palmiers de Cades & comme les plantes des rosiers de Jéricho. Je me suis élevée comme un bel olivier
dans la campagne & comme un plane qui est planté dans un grand chemin sur le bord des eaux. J'ai répandu une senteur
de parfums comme la cannelle, & le baume le plus précieux, & une odeur comme celle de la Myrrhe la plus excellente.

V/. Tu autem Domine miserere nobis.


R/. Deo Gratias.

Toutes ces paroles sont métaphriques & contiennent comme des paroles dont la sagesse se sert pour nous aider
à concevoir par des choses visibles les effets qu'elle a produit sur la terre par le grand mystère de l'Incarnation de Jésus-
Christ notre Seigneur.
Le cèdre est le plus haute des arbres, qui est droit & sans nœuds, très solide & incorruptible, qui dure plus
qu'aucun autre bois, qui porte un beau fruit, & qui a une agréable odeur & une vertu médicinale. Tout de même la
sagesse est très haute, elle atteint jusqu'au Ciel, & s’élève jusqu'à Dieu. Elle est très droite & sans nœuds, c'est à dire
sans mélange de détours vers les créatures, car elle va droit à la vérité éternelle & à la loi & à la volonté de Dieu, qui est
le principe & la forme de toute la droiture.
Rien n'est plus solide que la sagesse, car elle apprend à ne considérer que les raisons stables & éternelles, &
non pas les raisons temporelles & caduques ; elle n'est point sujette à la corruption ni à ressentir la défaillance de la
vieillesse. Elle dure toujours, & elle rend ses Écoliers dignes de la vie éternelle. Ses fruits sont toutes les vertus, & s'ils
ont quelque amertume dans les commencements, il deviennent doux par l'usage, & sont enfin d'une douceur ineffable à
l'âme qui continue à s'en nourrir. C'est ce que nous enseigne saint Paul quand il dit toute correction semble sur l'heure
être un sujet de tristesse, & non pas de joie, mais quand elle nous aura exercée elle nous fera recueillir une très grande
paix le fruit de la justice.
La sagesse répand partout l'odeur incomparable des vertus, elle attire sur ses disciples la bonne renommée &
l'estime, & elle les fait devenir la bonne odeur de jésus Christ, comme parle saint Paul.
La sagesse se compare au cyprès, qui est un arbre dont la chevelure est très belle & s’élève fort haut, il sert
d’embellissement aux jardins, & on fait de son bois des planches fort précieuses, il est le symbole de la mort & il a une
amertume qui chasse la vermine. La sagesse tout de même élève la pointe de l'esprit & les intentions vers Dieu, elle
rend ses disciples utiles aux autres, elle leur remet souvent devant les yeux la mémoire de leur mort & de leur fins
dernières, & chasse les flatteries & tout ce qui est opposé à la bienséance vertueuse qui joint la joie à la modestie, & la
complaisance à la gravité.
Le Palmier entre toutes ses autres belles qualités, à celle d'être toujours couvert de fleurs & de fruits, & au lieu
de céder à la pesanteur du fardeau il y résiste & s’élève, & il est le symbole de la force & de la victoire. La sagesse tout
de même fait que son disciple est toujours rempli de bons désirs & occupé aux bonnes œuvres. Elle se sert du poids de
l'adversité & des tentations pour l'engager à s'élever toujours de plus en plus vers le Ciel & pour lui faire remporter des
victoires sur ses ennemis qui sont les démons & les vices.
La Rose est estimée la Reine des fleurs, qui a une odeur très suave, & dont on distille des eaux qui servent à
guérir les plaies, à dissiper les mauvaises odeurs, & à donner un agréable goût aux viandes ; celles de Jéricho avoient
quelque chose de particulier qui les rendoient plus agréable & qui les faisoient estimer plus que les autres. Tout de
même la sagesse est la Reine des vertus qui répand par tout une odeur très suave, elle produit cette eau dont parle Jésus-
Christ, qui étant bue détruit dans l'âme la soif des biens & des plaisirs périssables de la terre, & y fait naitre une fontaine
d'eau vive qui rejaillit jusque dans la vie éternelle.
L’Olivier est un bel arbre tant à cause de son bois qui est précieux que de ses feuilles qui sont toujours vertes,
mais particulièrement à cause de son fruit, & de l'huile qui s'en tire. Cette huile est le symbole de la miséricorde & de la
paix, de la victoire & de la douceur ; & la sagesse incarnée en a voulu faire la matière de plusieurs sacrements. C'est par
l'huile qu'elle a exprimée en plusieurs endroits de la sainte Écriture les opérations de ses grâces, & ses consolations par
l'onction qui se fait avec l'huile. C'est à l'huile répandue que l'épouse du cantique compare le nom de son divin époux,
& comme l'huile sert à la nourriture, à entretenir la lumière & à oindre les plaies, afin d'en adoucir les douleurs & de les
guérir, tout de même (ainsi que dit saint Bernard) le saint Nom de Jésus reluit, étant annoncé, nourrit l'âme étant médité,
l'oint & l'adoucit quant elle l'invoque avec dévotion. Il ne faut donc pas s'étonner si la sagesse de ce saint époux se
compare à un bel olivier, d'où naissent tous ces bons effets.
Le Plane est un arbre qui produit un très bel ouvrage à cause de ses feuilles larges & quand il est planté le long
des eaux, il devient beaucoup plus beau, plus étendu, & plus propre à mettre les pèlerins à l'ombre & les garder des
ardeurs du soleil. Il est aussi fort contraire à ces oiseaux de nuit, aux hiboux qui n'osent s'en approcher. Cela nous
représente bien les effets que la sagesse produit dans es disciples, auxquels elle sert d'ombre, de refuge & de
rafraichissement parmi les ardeurs des persécutions, des afflictions & des tentations ; & elle leur donne de l’horreur du
péché. C'est sous cette ombre de la sagesse incarnée que l'épouse du cantique dit qu'elle s'est reposée après l'avoir désiré
avec tant d'ardeur.

58
Enfin la sagesse se compare à la cannelle qui a une odeur toujours agréable & qui donne un bon goût à toutes
les viandes ; au baume qui a une vertu particulière pour guérir les plaies ; & à la Myrrhe choisie qui préserve de la
corruption & donne de la force. Cela nous marque bien les effets de la sagesse, car elle console ses écoliers & leur fait
trouver du goût dans les choses même qui sont amères à la nature, elle est comme un emplâtre souverain qui tempère
leurs douleurs, & qui guérit leur blessures, & elle préserve leurs cœurs de la corruption du monde, comme la Myrrhe
préserve les corps de la pourriture.
Tout ceci convient très bien à la très sainte vierge, à qui la sagesse du Fils de Dieu incarnée dans sons sein a
communiqué toutes ses qualités & ses prérogatives dans un souverain degré, autant qu'une pure créature en est capable.
Ses vertus, ses mérites, la gloire & l'honneur dont son fils la couronne au Ciel & en la terre, & la force de ses
intercessions sont représentés par toutes ses figures. Elle a été élevée au dessus de toutes les créatures comme le cèdre
l'est par dessus les autres arbres. l’élévation continuelle de ses pensées & de ses intentions vers Dieu est signifiée par la
belle chevelure du cyprès. Elle a ressemblée à un beau Palmier chargé de fruits & qui en fait toujours de nouvelles
productions ; car toute sa vie a été une continuelle pratique de vertus qui se multiplioient ainsi sans cesse, & qui
reproduisoient toujours leurs fruits par de nouveaux actes. Mais sa pureté a été comme une rose vermeille dont la beauté
& l'odeur ont charmé & embaumé le Ciel & la terre.
C'est auprès d'elle qu'on trouve l'huile de la douceur & de la consolation dans les afflictions, comme auprès
d'une mère pleine de charité & de bonté, qui a la volonté & le pouvoir de secourir ceux qui ont recours à elle avec un
respect & une confiance filiale. Ne craignez point d'attribuer à la mère tout ce que la sagesse dit ici d'elle même, car ce
que cette incomparable mère ne peut faire par elle même, elle l’obtient de la sagesse incarnée qui ne refuse rien à celle
qui l'a portée dans son sein, qu'elle a revêtue d'un corps mortel & à qui cette sagesse divine a donné droit de lui
commander, comme une mère à son enfant. Elle donc bien représentée par cet olivier qui est planté en pleine campagne,
mais elle l'est aussi par un beau plane planté sur le courant des eaux, parce qu'elle est le refuge des pauvres enfants
d'Eve, qui peuvent se mettre à couvert des ardeurs du soleil sous son ombre, c'est à dire des terreurs de la justice de
Dieu & des attaques des tentations. Ils n'ont qu'à avoir recours à elle & à se tenir sous sa protection avec un cœur contrit
& humilié, & elle est toujours prête à les recevoir comme une aimable mère reçoit ses enfants.
Enfin l'odeur de sa sainteté & de ses vertus, la gloire de son nom, la force de ses intercessions & surtout
l'excellence de sa virginité qui s'est attirée une maternité divine, surpassent tout ce qui se peut signifier par la cannelle,
par le baume, par la Myrrhe la plus précieuse, & par toutes les autres plantes aromatiques.
Ô sagesse éternelle c'est vous qui avez tout tiré du néant & vous ne pouvez être représentée par aucune chose
crée, puisque vous êtes le souverain être incréé, à qui rien n'est comparable. Ce n'a donc été que pour nous aider à
concevoir quelque chose de ce que votre bonté vouloit faire pour nous par l'humanité sacrée de Jésus-Christ que vous
vous êtes comparé à vos créatures, & aux effets qu'elles produisent à nos yeux. Ce n'a été que pour nous marquer sous
ces symboles les effets de la grâce de Jésus-Christ, & les vertus aussi bien que les mérites de celle qu'il a choisie pour
être sa mère. Faites moi la grâce d'être un fidèle disciple de celui qui vous a fait connoitre au monde, & en qui vous
vous êtes comme couverte d'un nuage pour vous rendre visible à nos yeux, afin qu'étant votre ouvrage par l'ordre de ma
création, je le sois aussi par celui de ma rédemption, pour laquelle vous avez fait de si grands miracles ; miracles qui
surpassent tout ce que vous avez fait dans l'univers, puisque vous n'avez dit qu'une parole pour tirer tout du néant, mais
vous vous êtes employé & livré vous même pour faire le grand ouvrage de ma rédemption.
Ô sainte mère, qui avez porté dans votre sein la sagesse incréée, vous n'êtes pas seulement comme un vaisseau
dans lequel elle a laissé l'odeur de ses divines perfections, comme elle s'y est formée un corps de votre substance qui est
devenue son propre corps, il vous a aussi communiqué tout ce qu'une pure créature est capable de recevoir de son
pouvoir divin, afin qu'il vous appartienne en propre. Il est votre créateur & il a voulu vous donner à nous pour être notre
mère. Assistez moi du pouvoir qu'il vous a donné afin que je ressente par l'accomplissement de ses desseins dans moi
qu'il est mon Dieu & que vous êtes ma bonne & incomparable Mère . Ainsi soit il.

Le répons contient ces paroles :

Felix namque es, sacra Virgo Maria, et omni laude dignissima, quia ex te ortus est sol iustitiae, Christus Deus
noster.
Ô Marie vierge sacrée, vous êtes bien heureuse & digne de toute louange de ce que le Soleil de Justice Jésus-Christ
notre Dieu est sorti de vous.

ora pro populo, interveni pro clero, intercede pro devoto femíneo sexu, sentiant omnes tuum juvamen,
quicumque celebrant tuam sanctam commemorationem.
priez pour le peuple, suppliez pour le clergé, intercédez pour les personnes de votre sexe qui se portent à la véritable
dévotion. Que tous ceux qui célèbrent votre Nom saint sentent votre secours & votre assistance.

On ne dit point le te deum durant l'Avent ni depuis la septuagésime jusqu'à Pâques, excepté aux fêtes de la
sainte vierge.

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Après les psaumes on dit durant l'Avent les mêmes leçons qui se disent tous les jours de l'année à l'usage de
notre Ordre mais il y a cette différence que les notre sont plus étendues & que deux des nôtres composent les trois qui se
disent à l'usage de Rome.

Le premier répons contient ces paroles

Missus est Gabriel Angelus ad Mariam Virginem desponsatam Joseph, nuntians ei verbum: et expavescit Virgo
de lumine. Ne timeas Maria: invenisti gratiam apud Dominum : Ecce concipies et paries, et vocabitur
Altissimi Filius.
L'ange Gabriel fut envoyé à la sainte Vierge Marie que Joseph avoit épousé, pour lui annoncer ce que Dieu lui avoit
commandé de lui dire ; Et la vierge s'étonna à l’éclat de la lumière. Ne craignez point Marie, vous avez trouvé grâce
devant le Seigneur, voici que vous concevrez dans votre sein & que vous enfanterez un Fils qui sera appelé le Fils du
Très haut.

Dabit ei Dominus Deus sedem David patris ejus, et regnabit in domo Jacob in aeternum.
Le Seigneur lui donnera le trône de David son père & il régnera éternellement sur la maison de Jacob.

Le répons de la seconde leçon

Ave Maria, gratia plena: Dominus tecum: Spiritus sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi obumbrabit
tibi: quod enim ex te nascetur Sanctum, vocabitur Filius Dei.
Je vous salue Marie pleine de grâce le Seigneur est avec vous, l'Esprit Saint surviendra en vous & la force du Très haut
vous environnera de son ombre. c’est pourquoi le saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu

Quomodo fiet istud, quoniam virum non cognosco? Et respondens Angelus dixit ei.
Comment cela se fera t il car je ne connais point d'homme.

Le répons de la troisième leçon

Suscipe verbum Virgo Maria, quod tibi a Domino per Angelum transmissum est: concipies et paries Deum
pariter et hominem : Ut benedicta dicaris inter omnes mulieres.
Marie Vierge sainte, recevez ce que Dieu vous fait dire par l'ange, vous concevrez dans votre sein & enfanterez un Fils
qui sera Dieu & homme tout ensemble. Et par là vous serez bénite par dessus toutes les femmes.

Paries quidem filium, et virginitatis non patieris detrimentum: efficieris gravida, et eris mater semper intacta.
Vous enfanterez un Fils & vous serez toujours vierge, vous concevrez & deviendrez Mère sans cesser d'être pure &
inviolable.

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TABLE DES MATIÈRES

L'invitatoire & le psaume 94 Venite exultemus....................................................................................................................................................................7

Hymne des Matines............................................................................................................................................................................................................12

Premier Nocturne................................................................................................................................................................................................................13

Ps. VIII Domine Dominus noster......................................................................................................................................................................13


Ps. XVIII Caeli enarrant gloriam Dei...............................................................................................................................................................16
Ps. XXIII Domini est terra................................................................................................................................................................................20

Second Nocturne.................................................................................................................................................................................................................23

Ps. XLIV Eructavit cor meum...........................................................................................................................................................................23


Ps. XLV Deus noster refugium & virtus...........................................................................................................................................................30
Ps. LXXXVI Fundamenta ejus in montibus sanctis.........................................................................................................................................33

Troisième Nocturne............................................................................................................................................................................................................35

Ps. XCV Cantate Domino ................................................................................................................................................................................35


Ps. XCVI Dominus regnabit exultet terra.........................................................................................................................................................39
Ps. XCVII Cantate Domino canticum novum...................................................................................................................................................42

Première Leçon............................................................................................................................................................................................................45

Seconde Leçon.............................................................................................................................................................................................................47

Troisième Leçon..........................................................................................................................................................................................................49

Hymne de saint Ambroise & de saint Augustin : Te Deum.........................................................................................................................................50

Selon l'usage Romain

Hymne des Matines.....................................................................................................................................................................................................53

Première Leçon............................................................................................................................................................................................................56

Seconde Leçon.............................................................................................................................................................................................................57

Troisième Leçon..........................................................................................................................................................................................................58

Édité par
salettensis@gmail.com

disponible sur
http://www.jesusmarie.com
et
http://www.scribd.com/doc/34779354/Psalmodie-Interieure-1-Matines-Dom-Innocent-Le-Masson

Le Petit Office de la Sainte Vierge selon le rit Cartusien


se trouve dans le Diurnal de cet Ordre

Notez que la devise Cartusia nunquam reformata, quoniam nunquam deformata a cessée d'être vraie dans les années
1970 après que Paul VI ait contraint abusivement, sans précédents, sans exceptions ni dérogations, tous les Ordres
Religieux à se réformer selon ses tristes directives.
Le Petit Office tel que le connaissait Dom Innocent le Masson est disponible à http://books.google.com/books?
id=HCcBAAAAQAAJ&dq=Breviarium%20sacri%20Ordini%20Cartusiensis&hl=fr&pg=PR47#v=onepage&q&f=false
Le Petit Office réformé tel que pratiqué de nos jours dans les chartreuses
en latin http://www.chartreux.org/fr/avertissement.php?file=../textes/liturgie/diurnale_cartusiense.zip
en français http://www.chartreux.org/fr/avertissement.php?file=../textes/liturgie/diurnal_francais.pdf

Le Petit Office de la Sainte Vierge selon le rit Romain

a été édité avec la notation grégorienne par Baronius Press http://www.baroniuspress.com/book.php?wid=56&bid=47

On consultera avec profit sur les différents rites du Petit Office : http://www.kellerbook.com/PARVUM~1.HTM

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