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Université de Poitiers

UFR Sciences Humaines


Département Histoire de l‟art et Archéologie

L‟évolution d‟un ancien chef-lieu de cité :


Carhaix (Finistère) au Moyen Age

Volume I : Texte

Mémoire de Master II de civilisation antique et médiévale


Présenté par Régis Le Gall Tanguy
Sous la direction de Monsieur Luc Bourgeois
Année de soutenance : 2006
2
Remerciements

Nous tenons ici à remercier toutes les personnes qui ont pu nous apporter une aide au cours de
la réalisation de ce travail :
Gaétan Le Cloirec pour nous avoir reçu et parlé du Carhaix antique.
Patrick Kernévez pour ses conseils et ses remarques toujours précieuses.
Les différents habitants de Carhaix et de ses environs qui ont pu nous apporter leur
témoignage et nous ont quelques fois, bien gentiment, ouvert leur porte.
Nous penserons enfin à Luc Bourgeois qui a, une nouvelle fois, accepté de nous diriger sur un
sujet portant sur une région qui l‟éloigne de ses terres de prédilection.

3
Introduction
« Pour Kris il y a l‟apparence que c‟est Kerahez autrement qui est une ville très ancienne, et
l‟on y découvre tous les jours des restes de sa première splendeur »1.
C‟est ainsi que l‟historien mauriste Dom Lobineau évoquait Carhaix en 1707. Cette mention
montre déjà bien la conscience que l‟on avait alors du passé ancien de la ville, et que nous
confirme le président de Robien au milieu de ce siècle lorsqu‟il nous apprend « que l‟on y
découvre tous les jours les restes d‟anciens murs de fondements de maisons, de remparts, de
canaux de ciments, de puits de forme singulière, de fragments de briques et de ciments de
toutes espèces, épars de tous côtés sont les témoignages de l‟antiquité de cette ville »2.
Comme c‟est souvent le cas, c‟est cette origine ancienne, ce passé romain, qui va monopoliser
l‟intérêt des chercheurs au cours du XIXe siècle. Nombreux sont les érudits à traiter alors, de
près ou de loin, de cette ville que beaucoup n‟hésitent pas déjà à faire la capitale de la cité des
Osismes. Position confortée par les nombreux vestiges mises au jour au cours de cette
période3. Parmi eux, citons R. Bizeul, qui consacre deux articles aux voies romaines sortant
de la ville4 ou encore E. Halléguen qui en 1863 livre une Note sur la géographie du pays des
Osismes dans la revue du Congrès archéologique de France5. En 1900, l‟abbé Rolland donne
même une première étude sur l‟aqueduc de Carhaix6. Le début du XXe siècle est plus pauvre
en travaux, il faut attendre les années 1950 et le renouveau de l‟archéologie gallo-romaine en
Bretagne initiée par P. Merlat, pour voir à nouveau l‟intérêt se concentrer sur cette ville7. Il
faut évidemment citer à cette occasion, R. Sanquer qui évoqua plusieurs fois Carhaix dans sa
Chronique d’archéologie antique et médiévale du Bulletin de la Société archéologique du
Finistère8. Plusieurs travaux universitaires traitent aussi de la question des voies romaines
sortant de la ville, le principal, concernant l‟itinéraire Rennes-Carhaix, réalisé par J.Y.
Eveillard, est édité en 19759. Mais le point d‟orgue est évidemment la thèse de L. Pape sur La
civitas des Osismes à l’époque gallo-romaine, éditée en 197810. L‟auteur y consacre
logiquement de nombreuses pages à la ville dont il donne pour la première fois une vision
d‟ensemble, qu‟il est désormais possible de replacer dans le cadre plus général de la cité dont
elle est à la tête11. Ces principales conclusions sont reprises par la plupart des chercheurs dans
les années 1980, décennies des grandes synthèses sur l‟Histoire de la Bretagne, avec
notamment l‟ouvrage de P. Galliou intitulé l’Armorique romaine12 qui fait suite à sa thèse sur
Les tombes romaines d’Armorique éditée par la suite en 198913. Plus tard, L. Pape reprendra
les grandes lignes de son travail lorsqu‟il abordera Carhaix dans sa Bretagne romaine en
199514.

1
Dom Lobineau, 1707, t. 1.
2
Robien, 1974, p. 17-18.
3
Cf. l‟inventaire des découvertes fait par L. Pape, ds Pape, 1978, A-62-A-81.
4
Bizeul, 1849, p. 9-40 et Bizeul, 1851, p. 3-67.
5
Halléguen, 1863, p. 529-534.
6
Rolland, 1900, p.55-96.
7
Même si sont intérêt se concentra surtout sur la cité des Vénètes, cf. Merlat, 1981. Ce chercheur fut à l‟origine
de nombreux autres travaux. Il consacra notamment un article sur la distinction Vorgium-Vorganium, cf. Merlat,
1955 (a), p. 181-201.
8
Sanquer, 1977 (a), 1978, 1980. La liste est évidemment incomplète.
9
Eveillard, 1975.
10
Pape, 1978.
11
Ibid., p. 95-101 et A-62-A-81.
12
Galliou, 1983, cf. aussi Galliou, 1991.
13
Galliou, 1989 (b).
14
Pape, 1995, p. 49-62.

4
Plus récemment, le développement de l‟archéologie préventive a fait ressentir le besoin d‟un
inventaire strict afin de pouvoir déterminer le potentiel des différents secteurs de la ville. La
réalisation d‟une carte archéologique communale a donc été confiée à C. Hervé-Légeard qui a
rendu son travail en 199415. Celui-ci fait un premier état complet des connaissances
accumulées jusque-là sur le lieu, accompagné d‟une série de sondages venant compléter ces
informations. Si le travail se voulait diachronique, l‟attention du chercheur s‟est néanmoins
focalisée sur la période antique. Depuis, plus d‟une trentaine d‟évaluations archéologiques ont
pu être réalisées pour la plupart dans le cadre de projet de construction. L‟opération la plus
importante reste celle menée en 1996 à l‟occasion de la restructuration de l‟hôpital, qui
nécessita la réalisation d‟une fouille de sauvetage de neuf mois, dirigée par J. F. Hillairet16. La
même année, l‟opération menée sur le site des anciens établissements Le Manach par D.
Pouille conduit à constater la qualité des vestiges et à déplacer le projet de construction pour
conserver les découvertes. Le conseil général se porta par la suite acquéreur du terrain dans le
but de mettre en valeur les vestiges. Avec le soutien de la commune, de la Région et de l‟Etat,
un projet de fouille programmée, confiée à G. Le Cloirec, fut mis en place sur cette « réserve
archéologique »17. L‟ensemble de ces opérations conduit à un renouvellement des
connaissances sur le Carhaix antique, dont ce dernier chercheur a fait le point dans plusieurs
travaux récents18.

Un constat s‟impose cependant : l‟intérêt légitime pour le Carhaix antique a, en partie,


occulté l‟histoire de cette ville au Moyen Age. Les travaux concernant cette période sont
rares. A la fin du XVIIIe siècle, T. de la Tour d‟Auvergne faisait tout de même un point
rapide dans l‟article consacré à Carhaix dans le dictionnaire d‟Ogée19. A la fin du XIXe siècle,
la comtesse Jegou du Laz consacrait un article à Carhaix, son passé, ses châteaux célèbres et
ses anciens monastères dans lequel elle traitait quelques point généraux sur l‟histoire de
l‟agglomération à la période médiévale et surtout éditait ou résumait des actes du couvent des
Augustins20. Au début du XXe siècle, P. Peyron et le chanoine Abgrall consacraient aussi
quelques lignes à l‟histoire de la ville au Moyen Age à l‟occasion de l‟une de leurs
nombreuses Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et de Léon parues dans le
Bulletin Diocésain d’Histoire et d’archéologie21. Bien plus tard, le travail de l‟Inventaire sur
le canton de Carhaix-Plouguer, édité en 1969, n‟accorde qu‟une place minime au Moyen
Age, faute de monuments importants de cette période sur ce territoire22. Le principal travail
effectué jusque-là reste donc l‟article intitulé Les origines féodales de la ville de Carhaix
réalisé par J.F. Caraes en 198423. Celui-ci fait, en effet, pour la première fois, une étude
d‟ensemble de l‟histoire de la ville au cours de cette période. Malgré ces défauts ce travail
reste encore la principale référence sur ce sujet.

Il convient sans doute aujourd‟hui de revenir sur cette question. Nos connaissances ont en
effet largement progressé. L‟histoire de Cornouaille est désormais moins obscure grâce à la
thèse consacrée à ce territoire entre le IX et le début du XIIIe par J. Quaghebeur24. Un travail
qui impose quelques révisions concernant l‟histoire de Carhaix que l‟auteur a pu développer

15
Légeard, 1994.
16
Hillairet, Le Cloirec, 1996, Le Cloirec, 1996, p. 33-34.
17
Le programme toujours en cours a commencé à l‟été 2000.
18
Le Cloirec, 2001, Ferdière dir., 2004, p. 381-384, Le Chartrier dir., 2005, p. 12-43.
19
Ogée, 1843, p. 142-143.
20
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 422-426, t. 2, p. 34-41.
21
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 328-334.
22
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 12-13.
23
Caraes, 1984. p. 117-136.
24
Quaghebeur, 2002.

5
dans quelques articles récents25. Des travaux universitaires concernant directement la ville
sont aussi à signaler. Le principal reste le mémoire de Maîtrise réalisé en 1999 par A. Le
Mével sur le rôle rentier de la sénéchaussée de Carhaix de 1539-154126. Dans celui-ci
l‟étudiant donne une étude et surtout une transcription complète de ce document conservé aux
archives départementales de Loire Atlantique27, qui constitue la base à tout travail sur Carhaix
au Moyen Age. Même si cela reste encore rare, certaines des nombreuses interventions
archéologiques menées depuis une dizaine d‟années sur la commune, apportent aussi des
informations sur ce territoire au Moyen Age.

C‟est donc une vision d‟ensemble de l‟histoire de la ville et de son développement à la


période médiévale que nous tenterons ici de donner. Malgré le manque de source, le sujet
reste vaste. Nous avons donc limité notre questionnement à trois points principaux :

Premièrement, tenter de faire la synthèse de nos connaissances sur l‟histoire de


l‟agglomération au Moyen Age. Un préalable essentiel qui occupera tout le développement de
notre première partie. Partant d‟une présentation rapide de la cité romaine, nous essayerons de
décrire les grands traits de l‟évolution de la ville par la suite mais aussi de l‟ensemble des
espaces de pouvoir venant se structurer autour d‟elle (paroisse, pagus du Poher, archidiaconé,
doyenné, etc.). Le manque de sources criant pour certaines périodes nous empêchera
cependant de faire une présentation concrète de l‟agglomération. C‟est le cas pour le haut
Moyen Age, période pourtant cruciale que nous ne pouvons guère aborder dans le détail pour
Carhaix puisqu‟une seule mention semble pouvoir s‟y rapporter. Nous nous intéresserons
donc plus particulièrement à la paroisse primitive de Plouguer, née sur ce territoire, et au
pagus du Poher qui semble lié à cette dernière. Il en sera de même pour les XIe-XIIe siècles,
où l‟agglomération n‟apparaît encore que très rarement. Ce n‟est finalement qu‟avec le bas
Moyen Age que les informations se font plus nombreuses. Le rôle rentier vient nous offrir une
première vision d‟ensemble de la ville dans le second quart du XVIe siècle, soit au tout début
de l‟époque moderne.

Le second point traité, correspondant à notre deuxième partie, consistera en un inventaire des
monuments, des structures et des infrastructures de la ville médiévale. L‟enquête assez large
s‟intéressera à la fois à la question des fortifications, avec l‟ancien château, mais aussi des
édifices religieux ; nous penserons avant tout à l‟église paroissiale Saint-Pierre de Plouguer ou
la collégiale Saint-Trémeur, aux infrastructures économiques comme les halles ou encore
l‟habitat privé. Beaucoup de ces monuments ayant disparus, notre travail fera une place
importante aux informations données par les sources écrites et lorsqu‟elles existent, aux
découvertes archéologiques.

Le dernier point consistera en une analyse morphologique de la ville que nous développerons
à l‟occasion de notre troisième partie. Cette méthode, encore relativement inconnue en
Bretagne mérite sans doute une présentation particulière. Elle a pour fondement une idée qui
n‟est pas nouvelle, celle de considérer le plan comme une source privilégiée de l‟histoire
d‟une ville28. Elle se base sur le repérage, sur cadastre napoléonien, de la disposition des
édifices majeurs, les unités de plan et les structures dynamiques pouvant révéler d‟importantes
informations sur le développement de la ville. L‟intérêt de ce type de travail a été montré,

25
Quaghebeur, 2001, Le Chartrier dir., 2005, p. 47-73.
26
Le Mével, 1999.
27
A.D.L.A., B 1103.
28
Cf. La présentation historiographique de cette méthode faite par E. Zadora-Rio ds Gaulthier, Zadora-Rio,
Gallinié dir., 2003, p. 13-27.

6
entre autres, par les études menées sur la Normandie par B. Gaulthiez, sur l‟Anjou par E.
Zadora-Rio29 ou sur le Poitou et l‟ouest Parisien par L. Bourgeois30. En Bretagne, certains
chercheurs n‟ont pas manqué évidemment de s‟interroger sur le parcellaire. C‟est le cas par
exemple de J. Y Tinevez pour le monde rural31. Ce type d‟étude est, par contre, relativement
rare pour les agglomérations. Le seul travail pouvant se rapprocher de cette démarche restant
celui mené par N. Cozic sur Rennes32. A contrario certains chercheurs se portent même en
faux face à ce type de méthode. C‟est le cas de J. P. Le Bihan qui a récemment fait sienne la
remarque de J. Heers pour qui « le recours systématique au parcellaire actuel ou même aux
plans et cadastres descriptifs de l‟époque moderne est, il faut en convenir, de mauvaise
méthode et ne devrait être envisagé qu‟au prix de grandes précautions. Mieux vaudrait s‟en
passer complètement et les auteurs qui, délibérément ou tacitement, acceptent l‟idée d‟une
permanence de ce parcellaire et dessinent un tissu calqué sur celui d‟aujourd‟hui ou d‟hier ne
peuvent remporter l‟adhésion »33. Ce type de réflexion reste cependant excessive ; chacun
conviendra qu‟un plan cadastral du XIXe siècle n‟est pas celui de l‟agglomération médiévale,
son analyse peut cependant révéler des indices sur son occupation antérieure. A Carhaix,
comme dans toute autre ville, ce type de travail a ses limites. Elles sont peut-être plus
marquées ici puisque le manque de sources écrites empêchent bien souvent d‟apporter des
hypothèses sur la datation des formes du parcellaire.

29
Ibid., p. 299-348.
30
Bourgeois dir., 2000.
31
Tinevez, 1980.
32
Cozic, 1998.
33
Le Bihan, Villard, 2005, p. 53.

7
Première partie :
Carhaix, ville et centre de pouvoir au Moyen Age

8
1.1Contraintes et avantages du site de Carhaix

Carhaix se situe dans le Poher, important territoire de la Cornouaille, enserré entre les Monts
d‟Arrée au nord et les Montagnes noires au sud (fig. 1). Au centre de ce vaste espace,
l‟agglomération s‟implante sur un plateau s‟allongeant sur 1 km du nord au sud et 3 km d‟est
en ouest (fig. 2) Le relief est ici très varié, mais la ville historique occupe seulement une
colline dont l‟altitude culmine à 145 m. Cette hauteur est limitée au nord par la profonde
vallée de l‟Hyères (situé à 78-81 m d‟altitude) qu‟elle rejoint par une pente abrupte. La
descente est plus progressive vers l‟ouest où le plateau se divise en deux collines séparées par
un talweg. A l‟est, au contraire, le relief s‟accentue et forme deux hauteurs, la première au
nord atteignant 155 m, la seconde plus à l‟est culminant à 169 m. Au sud enfin le plateau est
limité par la vallée formée par le ruisseau de la Madeleine34. Ce n‟est donc pas le sommet le
plus important qui a été choisi pour l‟implantation de la ville. Le choix s‟est au contraire porté
sur une hauteur moindre mais aussi plus large dont l‟altitude stable (140 m entre l‟ancienne
collégiale Saint-Trémeur et le château) permet le développement, sans grande contrainte,
d‟une agglomération.
L‟Hyères dont la vallée formera la grande limite d‟extension de la ville au nord est le
principal cours d‟eau alimentant la commune de Carhaix-Plouguer. Il s‟agit d‟une rivière
prenant sa source plus à l‟est, au lieu dit de la croix Kerman, entre Callac et Belle-Isle en terre
avant de longer les territoires de Carnoët, Treffin, Carhaix, Kergloff et enfin Cléden-Poher où
elle rejoint l‟Aulne. Bien que le cours d‟eau soit éloigné de 800 m du centre-ville, son accès
est rendu malaisé par cette forte dénivellation de plus de 60 m qui explique en partie la
construction d‟un aqueduc à la période romaine. Sur le territoire de la commune actuelle, la
rivière est alimentée par deux ruisseaux. Le premier au nord-est sépare la paroisse de
Plouguer de sa trêve Treffin35, tandis que le second au sud passe en contrebas de la ville où il
s‟étend depuis Kerampuil jusqu‟à Moulin du Roy où il rejoint l‟Hyères. A l‟ouest de
l‟agglomération se trouvaient aussi deux petites sources la Réguine et la Frout aujourd‟hui
disparues. Au sud enfin, coule une rivière dont le tracé a été repris par le canal de Nantes à
Brest, ouvrage titanesque commencé sous Napoléon Ier et dont la construction est terminée au
niveau de Carhaix en 183436.

Du point de vue géologique la ville se situe au centre du bassin carbonifère de Châteaulin


composé pour l‟essentiel de formations schisteuses associées à des dépôts gréseux (fig. 3).
Ces schistes de teinte bleue ont souvent été jugés comme « des matériaux de construction
médiocres»37 du fait de leur fissilité qui les rend impropres à la taille. Ils sont cependant idéals
pour fournir en très grande quantité des moellons plats ou des ardoises38. Dans ces formations
affleurent aussi divers grès caractérisés par leur teinte verdâtre qui sont susceptibles de fournir
des moellons mais aussi des pierres de taille. Mais le trait géologique principal de la région de
Carhaix est l‟absence totale de granite, caractéristique qu‟elle est la seule ville du Finistère à
présenter avec Châteaulin. Son éloignement de ces formations reste néanmoins relatif puisque
ces roches affleurent à quelques kilomètres au nord-ouest dans le massif d‟Huelgoat, au nord-

34
C‟est l‟appellation proposée par C. Légéard pour ce cours d‟eau pour lequel nous ne retrouvons pas de nom
dans la documentation, cf. Hillairet, 1996, vol. Annexe, p. 7.
35
Ce ruisseau ne possède pas aussi de nom, nous reprendrons l‟appellation que lui donne C. Légéard, cf. ibid., p.
7
36
Commencé en 1806 en Loire Atlantique, les travaux sont un temps arrêtés à la chute de l'Empire. Ils
reprendront finalement en 1820 pour être achevés en 1842, cf. Le Chartrier, 2005, p. 156-157.
37
C‟est l‟expression utilisée par L. Pape dans sa thèse sur la cité des Osismes cf. Pape, 1977, p. 96.
38
Chauris, 2001, p. 529.

9
est dans celui de Quintin, au sud-est dans celui de Rostrenen-Plélauff, mais l‟on retiendra
surtout les leucogranites d‟au-delà des Montagnes Noires avec le gisement de Langonnet qui a
alimenté la ville antique39. Pour terminer, il faut noter la présence de mines de plomb-
argentifère dont les trois pôles principaux se situent à Plounévézel à 10 km de Carhaix,
Huelgoat-Locmaria-Berrien à 7 km et Plélauff à 25 km. Même si elle n‟est pas attestée,
l‟exploitation ancienne des deux premiers paraît très vraisemblable40. A la fin du Moyen Âge,
le rentier d‟Huelgoat cite « l‟entrée de la myne, cernee de deux coustés sur le bois de ladite
forest, d‟ung bout le curaige de ladite myne, d‟aultre bout devers le nort le vieil moulin de
ladite myneé »41. Elle est par contre assurée à Plélauff où des datations radiocarbones ont
fourni pour les boisages de la mine de Pont-Névez quatre datations (1312-1021 cal BC, 349
B.C- 6 cal A.D, 244-881 cal A. D et 637-1037 cal A.D) qui démontrent son utilisation depuis
l‟âge du bronze jusqu‟au haut Moyen Âge42.

1.2Vorgium, chef-lieu de la cité des Osismes

1.2.1 La naissance de Vorgium

Comme le notait P.R Giot en 1969, Carhaix et sa région n‟ont été occupés que tardivement
par les hommes de la Préhistoire, sans doute en raison de leur éloignement de la mer. Les
analyses de pollen menées sur la tourbière du Menez-Cam en Spézet en 1963 ont d‟ailleurs
démontré que la déforestation de cette zone n‟a vraiment débuté qu‟à la fin du IIIe
millénaire43. Autour de Carhaix il existe un certain nombre de monuments témoignant de
l‟occupation de ce territoire à cette période : citons les allées couvertes du Pellem en Motreff
ou celle de Kerbasquet en Spézet. L‟âge du bronze (et particulièrement le bronze moyen) est
plus présent encore dans cette zone qui compte de nombreux tumulus de cette période,
notamment à Kerhorre en Saint-Hernin et Kerfers en Spézet. L‟âge du fer est par contre peu
représenté. Parmi les découvertes importantes, signalons la mise au jour d‟une structure
excavée, probable souterrain, remontant au IVe siècle av. J.C au cours de la fouille de
l‟hôpital de Carhaix. Dans les alentours nous comptons quelques trésors monétaires gaulois
découverts à Poullaouen et un peu plus loin à Duault44. Mais à notre connaissance, aucun
vestige appartenant à la fin de la période gauloise n‟a pu être retrouvé jusqu‟à maintenant à
l‟emplacement de l‟agglomération et de son environnement proche. Il n‟existe aucun oppidum
ou habitat fortifié à proximité : le célèbre camp d‟Artus à Huelgoat se situe à environ 17 km
au nord et le camp de Paule occupé du VIe au milieu du Ier siècle av. J.C. à 12 km au sud-

39
Ibid., p. 532-533. Les recherches de M. Tuarze, J.Y Eveillard et L. Chauris ont permis d‟identifier une carrière
antique à Locuon cf. Eveillard et alii, 1997.
40
Monot, Le Guern, 2001, p. 511.
41
Dreyer, 1999, p.102.
42
Sanquer, 1977 (b), Giot et alii, 2003, p. 207-208. Comme à Locronan, il y a peut être un lien entre cette
exploitation des mines au haut Moyen Age et le site aristocratique de Castel-Cran cité en 871 : Castel Cran
usque in Blauet, cf. Cartulaire de Redon (a), acte CCXLVII, p. 198. Notons que contrairement à ce qu‟affirmait
C. de Keranfec‟h, la monnaie découverte sur le site à la fin du XIXe n‟est pas une « obole d‟Erispoé » datant de
851-877 mais un denier manceau du Xe ou XIe, cf. Keranfec‟h-Kernezne, 1891, p. XXI-XXII, , Cassard, 1999,
p. 37, note, 16. Les fortifications existant aujourd‟hui datent elle pour l‟essentiel du Moyen Age central, cf.
Guigon, 1994, p. 28-29.
43
Mussat dir. , 1969, p. 9. Ces analyses ont été menées par le laboratoire du pr. W. Van Zeist sur les pollens des
tourbières du Menez Cam dans les Montagnes Noires et celles de Saint-Michel de Brasparts et du Cloître-Saint-
Thégonnec dans les Monts d‟Arée, cf. Giot, 1977, p. 97-98, Cassard, 1990, p. 103.
44
Pape, 1995, p. 50.

10
est45. L‟agglomération gallo-romaine est donc une création ex nihilo résultant d‟un choix
délibéré de l‟administration romaine dont L. Pape et plus récemment J. Y. Eveillard ont tenté
de donner une explication46. Ces deux chercheurs ont mis en avant la position centrale de la
ville dans la cité des Osismes47 (fig. 4). Pour L. Pape, ce choix pourrait révéler la volonté des
autorités romaines de fédérer autour de l‟agglomération des pagi quasi autonomes jusque-là48.
Mais d‟autres raisons ont pu jouer. A commencer par la topographie du lieu, un important
plateau qui offre un cadre favorable au développement de l‟urbanisme romain. Ce site est, de
plus, proche de deux grands axes « gaulois », l‟un au sud qui se ramifie en deux branches au
niveau de Paule49 et un second au nord repéré par S. Le Pennec à proximité du camp
d‟Artus50.
L‟époque à laquelle a été fondée la ville est encore inconnue. Le mobilier le plus ancien
retrouvé jusqu‟à présent date pour l‟essentiel des environs de 10-20 ap. J.C51. Bien souvent
cependant ces vestiges n‟ont pas été retrouvés dans des niveaux d‟occupation. C‟est le cas
pour une large part du mobilier céramique ancien comme les céramiques sigillées lyonnaises
ou les amphores Pascual I. Cette situation renforce l‟intérêt du quartier découvert lors de la
fouille du centre hospitalier qui commence à prendre forme au cours du Ier siècle ap. J.C52.
Ces datations restent assez proches d‟autres villes de l‟ancienne Armorique comme Condate
(Rennes), Darioritum (Vannes) ou Corseul qui connaissent aussi leur premier développement
au début du Ier siècle53.
Il n‟existe aucune source écrite ou épigraphique nous renseignant sur le statut de cette ville à
la période romaine. Sa position de chef-lieu de cité ne fait pourtant aucun doute à en juger par
la densité des découvertes, l‟extension qu‟atteignait l‟agglomération et l‟important réseau
routier qui s‟y rattache.
Le nom porté par la ville dans l‟Antiquité a fait longtemps débat chez les historiens.
Nombreux sont les articles de la fin du XIXe siècle et d‟une large part du XXe siècle qui ont
traité de près ou de loin de cette question54. Le problème vient ici des informations
contradictoires données par les deux sources principales utilisées pour répondre à cette
interrogation. La première est la Géographie de Ptolémée au IIe siècle qui cite Vorganium
comme capitale de la cité des Osismes. La seconde est la célèbre Table de Peutinger au IIIe-
V e siècle (fig. 5) qui ne cite aucun Vorganium mais un Vorgium placé sur l‟axe
Darioritum(Vannes)-Gesocribate (?)55. La distance indiquée entre Vorgium et Vannes (XX+

45
Maguer, 1996, p. 115-116, Menez, Arramond, 1997. Les sites ayant pu abriter un tel habitat ne manquent pas
sur la commune à commencer par la colline dominant la ville au nord-est qui forme un éperon barré enserré par
l‟Hyères.
46
Pape, 1995, p. 50, Eveillard, 2001.
47
L. Pape est le dernier chercheur à s‟être intéressé en détail à la reconstitution du territoire de la cité des
Osismes. Par une étude attentive des textes, des limites des évêchés, de la toponymie et des obstacles naturels,
il restitue un vaste espace de plus de 10 000 km2 dont la frontière orientale débute au nord par la rivière du
Couët dont elle suit le cours pour rejoindre l‟Oust, elle épouse alors le tracé de celle-ci sur plusieurs kilomètres
avant de gagner la vallée de l‟Ellé qui forme sa limite méridionale, cf. Pape, 1978, p. 19-42, Pape, 1995, p. 22-
29.
48
Ibid., p. 51.
49
Eveillard et alii, 1997, p. 76.
50
Eveillard, 2001, p. 61-62, Le Pennec, 2002, p. 35-41.
51
Eveillard, 2001, p. 64.
52
Le Cloirec,2001, p. 80.
53
Fichet Clairefontaine, Kerebel, 1989, Galliou, 1991, p. 28-30, Pape, 1995, p. 41-78.
54
Halléguen, 1863, p. 529, Le Men, 1875, Lot, 1900, p. 388-389, Merlat, 1955, etc.
55
J. Y. Eveillard a récemment proposé d‟indentifier Gesocribate avec la pointe Saint-Mathieu mais celui-ci
n‟avance aucun argument décisif, cf. Eveillard, 1995, p.28-29. Le lieu est il est vrai relié à la voie romaine
menant vers Kerilien-Plounéventer, mais l‟on peut se demander s‟il ne s‟agit pas d‟un embranchement né à la
suite l‟établissement de l‟abbaye bénédictine dans la première moitié du XIIe siècle (ce que n‟écarte d‟ailleurs
pas le chercheur). Sur le problème de la date d‟édification du monastère, cf. Guillotel, 1995.

11
XXIV lieues soit 97 km) correspondant approximativement à celle entre Carhaix et le chef-
lieu Vénète par la voie romaine (104 km), il a semblé logique d‟identifier celui-ci à la ville56.
La découverte au cours du XIXe siècle de deux bornes miliaires apporte ici des informations
supplémentaires (fig. 6). La première retrouvée in situ en Kerscao-kernilis porte la mention
terminale VORGAN MPV II, III ou IIII, en laquelle il est facile de voir Vorganium. Il pose
cependant le problème de la distance qui, bien que partiellement effacée, ne peut pas
correspondre à celle séparant la borne de Carhaix57. La seconde borne miliaire découvert à
Maël-Carhaix porte l‟indication A VOR. GLEUG VI soit a Vorgio leugae VI. Celle-ci a par
contre certainement été déplacée et devait se trouver plus au nord le long d‟une voie romaine
à 0, 9 km du lieu de découverte. La distance indiquée sur la borne semble bien correspondre
avec Carhaix et confirmerait son identification à Vorgium. L. Pape semble, pour l‟instant,
avoir résolu le dilemme des historiens en proposant d‟identifier Vorganium à l‟agglomération
secondaire de Kerilien-en-Plounéventer, ce que n‟interdit pas la borne miliaire de Kerscao-en-
Kernilis. Ptolémée aurait ainsi confondu celle-ci avec Vorgium qui serait bien Carhaix comme
semblent le corroborer la table de Peutinger et la borne de Maël-Carhaix58.
Ce nom Vorgium, s‟il présente une terminaison latinisée, provient de la racine celtique uerk
ou uerg qui « a eu le sens d‟agir, de travailler, d‟accomplir de façon vive ou même
violente »59. De ce vocable proche de l‟anglais work et de l‟allemand werk 60 dérive le terme
germanique werki « ouvrage fortifié » dont le sens serait proche de celui de Vorgium suivant
L. Fleuriot61. Une proposition qui pose quelques questions autour de l‟origine de la ville, L.
Pape et J. Y. Eveillard voyant dans cette traduction l‟indice de l‟installation d‟un camp
romain sur les lieux au moment de la Guerre des Gaules62. Cette hypothèse d‟une succession
entre une installation militaire temporaire et une nouvelle ville a déjà été formulée pour
d‟autres chefs-lieux de cités de la Gaule comme Autun, Angers ou Sens63. Elle paraît dans
notre cas encore bien audacieuse à la vue de nos connaissances actuelles du site.

1.2.2 Quelques aspects de l‟urbanisme carhaisien au Haut Empire

Les recherches menées récemment permettent de mieux cerner la topographie et l‟urbanisme


du Carhaix antique. Elles autorisent ainsi une estimation plus précise de la superficie que celle
qu‟avait pu proposer P. Galliou en 198964. Suivant G. Le Cloirec l‟agglomération atteignait
environ 100 à 130 hectares de superficie (fig. 7)65. Son extension maximale à l‟est est
marquée par la nécropole de Kerampest qui a été fouillée par P. du Châtellier à la fin du XIXe
siècle. Au sud, la ville ne semble pas s‟être étendue très loin au-delà des rues principales de
l‟agglomération actuelle. Au sud-ouest, dans le quartier de la Madeleine, une seconde
nécropole est d‟ailleurs identifiée66. A l‟ouest les opérations récentes permettent de supposer
que le secteur de l‟hôpital fouillé de 1995 à 1997 se trouvait en périphérie de Vorgium. Des
56
Pape, 1978, p. 32.
57
Ibid., p. 33. A. la Borderie avait proposé pour résoudre ce problème de lire MP X LVII ce qui permet de faire
coïncider Carhaix et Vorganium., cf. La Borderie, Pocquet, 1998, t. 1, p. 105. Pour l‟historien Vorgium et
Vorganium désigne un seul est même lieu. Même si elle est abandonnée une telle hypothèse ne semblait pas si
improbable puisqu‟ils existent d‟autres agglomérations gallo-romaines dont le nom connaît des orthographes
différentes.
58
Ibid. p.33-34.
59
Fleuriot, 1955, p. 394.
60
Eveillard, 2001, p. 59.
61
Fleuriot, 1981, p. 185-186.
62
Pape, 1995, p. 49-51, Eveillard, 2001, p. 61.
63
Bedon, 1999, p. 185-188, Eveillard, 2001, p. 61.
64
Galliou, 1989(a), p. 43.
65
Le Cloirec, 2001, p. 85.
66
Legeard, 1994, p. 76.

12
sépultures isolées ont déjà ainsi pu être mises au jour au niveau du boulevard Jean Moulin67,
et, à Kerdaniel au nord-ouest une opération menée à la fin des années 1970 a permis de
découvrir un petit bâtiment qu‟il est aujourd‟hui possible d‟interpréter comme un monument
funéraire. Comme le notait C. Legeard en 1994, la ville romaine ne semble pas s‟être étendue
au nord au-delà du cimetière actuel68. La forte dénivellation du plateau en direction de
l‟Hyères explique ce fait. Une telle rupture ne pouvait être qu‟un obstacle au développement
d‟un urbanisme régulier. Cependant la question de l‟existence au Petit-Carhaix d‟un noyau
d‟habitat antique important, au franchissement de la rivière reste posée69. Aucune découverte
n‟a cependant été faite dans ce secteur. Nous pouvons seulement signaler la mise à jour à sa
proximité, lors de la construction de la rue des abattoirs à la fin du XIXe siècle « à une
certaine profondeur jusqu‟à 2 ou 3 couches épaisses de cendres séparées entre elles par des
nappes de terre transportée »70. Le chercheur ne doit pas ici perdre de vue que cette restitution
des limites de la ville reste encore dans le détail assez flou et surtout que cette extension
correspond seulement à l‟état de développement maximum du Carhaix antique qui n‟est pour
l‟instant pas daté. Il est probable que l‟occupation de cet espace fut fluctuante. L Antiquité
tardive marque sans doute comme dans toutes les autres cités de la Gaule une restriction du
cadre urbain même si les fouilles de l‟hôpital montrent que des quartiers périphériques sont
encore occupés au IVe siècle71.
Notre connaissance de l‟urbanisme de Carhaix reste aujourd‟hui très imparfaite. La restitution
de son organisation interne n‟a longtemps été permise que par l‟étude du cadastre napoléonien
dont les grandes régularités ont été interprétées comme l‟héritage de la ville romaine72. La
découverte récente d‟une dizaine de rues lors d‟interventions préventives est venue apporter
un indice supplémentaire sur l‟organisation de celle-ci73. Le regroupement de ces deux
témoignages de natures différentes semble bien se compléter et autorise la restitution d‟une
trame urbaine régulière formée par une série de rues perpendiculaires et fondée sur un
système prenant pour mesure de référence une unité proche de l’actus quadratus (fig. 8)74.
Nous reviendrons plus amplement sur cette question par la suite. Nous possédons peu
d‟informations sur le paysage monumental de Vorgium. Le forum n‟a pas pu être découvert
jusqu‟à présent et sa localisation supposée à proximité du croisement des rues Brizieux et G.
Lambert (autrefois interprétées par L. Pape comme respectivement le cardo et le decumanus
maximus75) ne peut être considérée qu‟à titre d‟hypothèse. Aucun édifice de spectacle n‟a pu
être identifié et les lieux susceptibles d‟abriter un théâtre ne manquent pas à Carhaix 76. Pour
l‟heure nous ne connaissons pas non plus de temple. Il faut cependant souligner le cas de
l‟ouvrage découvert à Kerdaniel (fig. 9) à la fin des années 1970, que le fouilleur a interprété
à l‟origine comme un fanum77. L‟édifice de plan carré de 3,20 m de côté, entouré d‟un couloir
de circulation de 1 mètre de largeur, présentait en son centre un foyer. Faussement daté du Ier
siècle par R. Sanquer, l‟ouvrage remploie des blocs sculptés qui, suivant l‟analyse d‟Y.
Maligorne appartiennent à la seconde moitié du IIe siècle. A en suivre l‟avis de ce dernier
l‟ensemble des caractéristiques de l‟ouvrage ferait plus penser à un monument funéraire qu‟à

67
Galliou, 1989(a), p. 47, Chartrier dir., 2005, p. 17-18.
68
Legeard, 1994, p. 70.
69
Le Chartrier dir, 2005, p. 18.
70
Rolland, 1900, p. Pape, 1978, A-76.
71
Le Cloirec, 2001, p. 81.
72
Pape, 1978, p. 96-97, Legeard, 1994, p. 77-81.
73
Le Cloirec, 2001, p. 85, Le Chartrier dir., 2005, p. 19-20.
74
Le Cloirec, 2001, p. 85.
75
Pape, 1978, p. 97.
76
Le Chartrier dir., 2005, p. 22.
77
Sanquer, 1977 (b), p. 38-44.

13
un ancien sanctuaire78. Il existe, par contre, au moins quatre secteurs susceptibles d‟abriter un
établissement thermal : au nord-ouest de l‟ancienne collégiale Saint-Trémeur, au nord de la
place des Droits de l‟Homme, au sud de la mairie et à l‟est du champ de foire79. Les
témoignages anciens que nous possédons sur ces secteurs restent cependant trop imprécis
pour déterminer avec assurance s‟il s‟agit bien d‟un monument public ou simplement
d‟hypocaustes appartenant à des habitats privés. La découverte au champ de foire d‟un
escalier monumental lors d‟une intervention en février 2004, apparaît néanmoins pour G Le
Cloirec comme un argument supplémentaire à l‟identification d‟un important établissement
thermal dans ce secteur80. De nombreuses interventions ont permis de découvrir des blocs
sculptés, remployés dans des constructions romaines postérieures et une étude récente menée
par Y. Maligorne, a montré la qualité du décor architectonique de certains d‟entre eux. Il
semble tout a fait logique d‟attribuer une partie de ces blocs à d‟anciens édifices publics
détruits81. En vérité, le seul monument bien connu aujourd‟hui du Carhaix antique reste
l‟aqueduc. Ce dernier avait déjà été l‟objet de deux études par l‟abbé Rolland en 190082, puis
E. Guyomard en 198083, mais le programme de recherche qu‟ont pu mener sur celui-ci A.
Provost et B. Leprêtre entre 1993 et 199884 en a considérablement renouvelé la connaissance.
L‟aqueduc prend son origine dans les communes de Paule et Glomel à partir desquelles il
emprunte un tracé sinueux sur 27 km suivant une pente moyenne de 0, 27 m (fig. 10). La
volonté d‟éviter les obstacles et d‟acheminer l‟eau plus facilement a même obligé à quelques
prouesses techniques. Ainsi si les vallées des ruisseaux de Pont-Cam et Roc‟h-an-Brurtul sont
contournées, la croupe de l‟interfluve qui les sépare au lieu-dit kervoaguel en Le Moustoir a
été négociée par la construction d‟un tunnel long de 0,9 km. Enfin et surtout la forte
dépression qui marque l‟entrée de la ville à Kerampest a obligé la réalisation d‟un pont-
aqueduc de près de 0,9 km de long dont aucun vestige n‟a subsisté. La distribution de l‟eau
dans les quartiers de la ville est par contre méconnue mais son réseau devait s‟organiser
depuis un bassin répartiteur (castellum divisiorum) situé à proximité de l‟actuelle rue de
l‟aqueduc. La grande découverte de ce programme de recherche reste la reconnaissance par
photographie aérienne d‟une conduite plus petite doublant l‟aqueduc à 11 km de
l‟agglomération qui a pu être suivie sur près de 6,2 km. Les époques de construction de ces
deux aqueducs ont pu être estimées par l‟étude des lots de tessons de céramiques réutilisés
dans le tuileau de cuvelage des canalisations. L‟ouvrage le plus ancien correspond au plus
petit des deux aqueducs et daterait de l‟époque flavienne, le second plus important n‟étant
construit qu‟à la période sévérienne.
L‟habitat longtemps méconnu commence à être bien mieux appréhendé grâce aux
interventions récentes menées par G. Le Cloirec, entre autres sur le centre hospitalier et la
réserve archéologique située au niveau des anciens entrepôts Le Manac‟h. Ils nous offrent une
première idée des grandes évolutions de la ville dans l‟Antiquité85. Il n‟est pas dans notre
propos de présenter en détail les résultats de ces différentes opérations et nous nous
contenterons ici de prendre l‟exemple du site de l‟hôpital dont nous donnerons seulement les
grandes lignes de l‟évolution au cours du Haut Empire. Comme nous l‟avons précisé, la phase
la plus ancienne repérée sur les lieux correspond à un souterrain du IVe av. JC. Une
occupation de l‟âge du fer qui fut sans suite puisqu‟il faut attendre le Ier siècle de notre ère

78
Eveillard dir., 1997, p. 94.
79
Pape, 1998, A-71-72, A 77-78, Le Chartrier dir., 2005, p. 22.
80
Ibid., p. 22-23. Un tel ouvrage pourrait aussi faire penser à un temple. C‟est sans doute les nombreuses
découvertes d‟hypocaustes dans ce secteur au XIXe siècle qui incite le chercheur à cette proposition.
81
Eveillard dir., 1997, p. 85-99.
82
Rolland, 1900.
83
Guyomard, 1980.
84
Provost, Leprêtre, 2000, Provost, 1999.
85
Pouille, 1996, Hillairet, 1996, Le Cloirec, 2001, p. 80-84.

14
pour voir réapparaître une occupation humaine. Cette phase est importante puisqu‟elle
témoigne du premier développement urbain de Vorgium. Le secteur est alors organisé autour
de trois rues déterminant une série d‟îlots dans lesquels s‟installent de premières constructions
encore modestes regroupant habitations mais aussi ateliers. Le IIe siècle marque un
développement du quartier avec la construction de bâtiments plus importants dont beaucoup
semblent avoir abriter un commerce. La fin du IIe et le début du IIIe siècle montrent la
récession de ce secteur de la ville. Plusieurs constructions sont détruites, d‟autres ne sont
plus entretenues et les caniveaux sont abandonnés. Ces difficultés du quartier ne sont
cependant que de courte durée puisque de nouveaux bâtiments sont construits au cours de la
période sévérienne. Une évolution qui marque le changement de vocation progressive du
quartier du commerce vers les grandes résidences. Celui-ci connaît son apogée au IVe siècle
avec la construction d‟une grande domus sur laquelle nous reviendrons86. Concernant le site
de la réserve archéologique toujours en cours de fouille aucun résultat détaillé n‟a
logiquement été publié jusqu‟à présent (fig. 11)87. Cette zone protégée à la suite d‟une
intervention préventive en 199688 est en effet l‟objet d‟une fouille programmée menée par G.
Le Cloirec depuis 2000. Là encore le site correspond à un quartier organisé autour d‟une rue
est-ouest repérée sur 70 m qui a conditionné l‟installation de différents bâtiments au cours de
l‟histoire de la ville romaine89. Parmi les découvertes importantes signalées par le fouilleur,
on retiendra surtout celle de la fontaine située au nord de la voie qui a été l‟objet d‟une étude
détaillée90.
A Vorgium comme dans toutes les agglomérations gallo-romaines les morts ont été rejetés à
l‟extérieur de la cité comme le préconise la loi des douze tables. Jusqu‟à présent deux
principales nécropoles ont été repérées à Carhaix : l‟une au sud-ouest dans le quartier de la
Madeleine91 et l‟autre au nord-est à Kerampest. Cette dernière a été fouillée en 1898 par P. du
Châtellier et a permis la découverte de 416 urnes cinéraires92. Nous sommes évidemment mal
renseigné sur la chronologie de la nécropole mais nous savons par contre que celle-ci était
organisée avec des urnes enterrées à une faible profondeur suivant une ligne nord-sud qui
serait perpendiculaire à la voie Carhaix-Rennes qui passe à sa proximité. Pour terminer,
précisons que, comme pour les autres cités de la Gaule, Carhaix devait être entouré d‟une
série de villae chargées d‟assurer son approvisionnement. Un seul établissement agricole
important, celui de Persivien, est cependant connu jusqu‟à présent. Fouillé par R. Sanquer, ce
site a en effet livré une série de trois bâtiments enserrée par un mur d‟enclos qui était
probablement relié par un chemin dallé à la voie Rennes Carhaix. L‟étude du mobilier
contenu dans les différentes fosses de l‟établissement a permis au fouilleur de situer son
occupation entre le Ier et IVe siècle93.

1.3La destinée d‟une capitale éphémère : Carhaix au cours de l‟Antiquité tardive


et du haut Moyen Age (IVe-Xe siècle)
1.3.1 La situation de la ville au Bas Empire

86
Ibid., p. 80-81.
87
Il existe plusieurs rapports de fouilles au S.R.A. Bretagne mais nous n‟avons pas eu le temps de les consulter.
88
Pouille, 1996.
89
Le Cloirec, 2001, p. 81-84.
90
Le Chartrier dir. 2005, p. 28-29.
91
C‟est C. Légeard qui emploie le terme de nécropole pour ce site, les découvertes le concernant ne sont
pourtant pas nombreuses, cf. Galliou, 1989 (a), p. 47.
92
Châtellier, 1900, Pape, 1978, p. 158-171 et A-68 -70, Pape, 1995, p. 193.
93
Galliou, 1989 (a), p. 46.

15
1.3.1.1 Les observations archéologiques

Comme toutes les autres cités de la Gaule, Carhaix n‟a pas échappé au mythe
historiographique de la décadence romaine et au prétendu lot de destructions qu‟elle a
apporté. Certains chercheurs n‟ont pas hésité à parler d‟abandon ou même d‟incendie général
de la ville au Bas Empire, hypothèses que l‟on retrouve encore exprimées dans quelques
travaux récents94. Les découvertes archéologiques renvoient pourtant une image bien plus
nuancée de la situation de l‟agglomération à cette période encore difficile de cerner dans le
détail.

La cité des Osismes comme les autres civitates de la Gaule romaine semble avoir ressenti les
conséquences de la célèbre crise du IIIe siècle. Ici, comme ailleurs, les nombreux
enfouissements monétaires en constituent le témoignage le plus remarquable. L. Pape en a
compté 50 sur le territoire Osisme dont la majeure partie a été cachée dans les années 270-
28295. Carhaix n‟a pas échappé au phénomène, puisque deux trésors ont été découverts dans
l‟agglomération. Le premier a été étudié par M. Grimoult et plus récemment par D. Pouille96.
Il contenait pas moins de 422 monnaies toutes comprises entre 253 et 28297. Le lieu de sa
découverte n‟est pas connu, mais G. Le Cloirec a signalé la mise au jour en 1942 d‟un vase
contenant un trésor monétaire pouvant lui correspondre à la Place de la Tour d‟Auvergne98.
Un second « trésor » a été découvert au cours de la fouille du centre hospitalier. Il se
composait de 57 monnaies à l‟effigie de l‟empereur gaulois Tétricus et datait des années 270-
29099. Le lot a été retrouvé dispersé sur le sol d‟un péristyle mais pourrait provenir, suivant le
fouilleur, d‟une cachette dans la charpente100. D‟autres indices démontrent les difficultés de
l‟agglomération à cette période. Parmi celles-ci les traces de destruction du site de Park ar
Frout au niveau du cimetière actuel ont souvent été mises en avant. Sa fouille est pourtant
ancienne puisqu‟elle remonte à 1891101. La publication de cette découverte ne donne aucune
description des bâtiments mais signale la mise au jour « d‟une couche de cendre et de charbon
provenant d‟un vaste incendie ». Du mobilier découvert sur le site, le chercheur a surtout
retenu jusqu‟à maintenant la présence de 58 monnaies (comprises entre Claude et Constantin
Ier ) et les trois plats en bronze retrouvés à l‟un des angles de « l‟appartement »102. En se
basant sur l‟analyse des monnaies, L. Pape a supposé une occupation continue des lieux,
jusqu‟à Aurélien, les deux monnaies postérieures correspondant à une réutilisation partielle et,
sans doute, de courte durée. Selon lui, « La présence [...] de trois plats en bronze [...] est
révélatrice de la hâte des habitants et de leur non retour sur place après les troubles »103. Une
telle reconstitution paraît cependant bien audacieuse, nous n‟avons aucune information sur le
contexte stratigraphique de ces découvertes, et bien malin est celui qui pourrait rapporter les
différentes monnaies à une quelconque phase de l‟histoire du bâtiment. C‟est sans doute aussi
cette fouille qui est à l‟origine de l‟idée d‟un vaste incendie touchant la capitale au Bas-
Empire. Comme toujours il s‟agit là d‟un bel exemple de généralisation excessive à partir

94
Caraës, 1984, p. 119, Kernévez, 1997, p. 53.
95
Pape, 1978, p. 198-204 et 235-237, Pape, 1995, p. 245.
96
Pape, 1978, A-79, Le Chartrier dir., 2005, p. 37.
97
Pape, 1978, A-79.
98
Ibid., p. 37.
99
Ces monnaies sont des imitations. L‟auteur ne précise pas dans sa publication de quel Tétricus il s‟agit.
L‟information doit être communiquée dans l‟inventaire fait par D. Pouille ds Hillairet, Le Cloirec 1996, annexe
(nous ne l‟avons pas consulté en détail)
100
Le Chartrier dir., 2005, p.38.
101
Nédelec, 1890, Pape, 1978, A-73-74.
102
Ibid , A-73, Le Chartrier dir., 2005, p. 38.
103
Pape, 1978, p. 204.

16
d‟un cas particulier. Aucune des découvertes récentes ne peut conforter l‟hypothèse d‟un
désastre touchant l‟ensemble de la cité. La couche de cendre de Park ar Frout ne peut
d‟ailleurs être datée puisque nous ne connaissons pas le mobilier qui lui était associé. Il reste
pourtant vrai que les fouilles réalisées par G. Le Cloirec « montrent que l‟activité
architecturale se ralentit à la fin du IIIe siècle ».

Si la ville a connu des difficultés, comme l‟ensemble des cités de l‟Armorique et de la Gaule,
elle n‟a pas pour autant été abandonnée. En 1978 L. Pape concluait que « nous ignorons tout
de la situation de Carhaix au IVe siècle »104. Tout juste pouvait-il signaler la découverte de
quelques tessons de céramiques sigillées d‟Argonne. Ces poteries produites entre la Marne et
la Meuse sont en effet caractéristiques de l‟Antiquité tardive et constituaient pour le chercheur
un maigre indice sur l‟occupation de la cité à cette période. Ce faible bilan que pouvait tirer le
chercheur en 1978 s‟explique très bien puisqu‟il ne pouvait travailler que sur des fouilles
anciennes où la distinction entre les différentes productions de sigillées n‟était évidemment
pas faite. Les opérations récentes permettent désormais d‟avoir une vision un peu plus claire
de l‟évolution de l‟agglomération à cette époque.
Sur cette question le résultat le plus spectaculaire est sans aucun doute la découverte d‟une
grande domus du début du IVe siècle au cours des fouilles entreprises sur le centre hospitalier
entre 1995 et 1997 (fig. 12). Il s‟agit d‟une demeure occupant la façade ouest d‟un îlot de 85
m de longueur. Elle se composait de quatre ailes (une seule a été dégagée dans sa totalité)
disposées autour d‟un jardin intérieur et reliées entre elles par un péristyle. L‟entrée se faisait
par un portique situé à l‟ouest de la domus à l‟angle formé par les bâtiments nord et ouest. A
l‟intérieur, l‟aile septentrionale se développe autour d‟une pièce centrale en forme de croix
latine de 80 m2 abritant un pavement de schiste bleu et un système d‟hypocauste à conduits
rayonnants. Il semble aisé d‟interpréter cette structure comme une salle de réception. Autour
de cet ensemble se développe une série de pièces dont la fonction semble dévolue au service
du maître avec notamment le triclinium, la cuisine et la chambre de chauffe de l‟hypocauste.
L‟utilisation des ailes ouest et sud partiellement dégagées est par contre plus difficile à
déterminer. Une partie de celles-ci devait être liée à un usage domestique mais l‟on note aussi
la présence de bains privés105. L‟étude du mobilier permet de situer la période d‟occupation
de la domus dans la première moitié du IV e siècle. Elle a l‟intérêt de démontrer que le chef-
lieu des Osismes est encore occupé par une population aisée à cette époque.
Hormis l‟exemple du centre hospitalier, nous connaissons encore mal la situation du tissu
urbain de Carhaix au début du IVe siècle. L‟état de l‟habitat aux alentours de la demeure est
difficile à déterminer, « les dernières traces d‟occupation suggèrent une décrépitude des
édifices voisins » mais il est difficile de savoir si celles-ci sont contemporaines de la domus
ou plus tardives106. Il faut donc se garder de toute généralisation qui nous inciterait à parler
d‟une « renaissance constantinienne ». La fouille de la réserve archéologique n‟est pas encore
terminée mais les premiers résultats montrent que les deux domus construites dans ce secteur
au début du IIIe siècle sont encore utilisées au début du IVe « mais la faible représentativité
du mobilier de cette époque laisse planer le doute sur la nature et l‟importance de
l‟occupation »107. Il semble que l‟agglomération abritait déjà à cette période une communauté
chrétienne. Son existence n‟est pour l‟instant connue que par la découverte en 1880 d‟une
bague en or « pesant le poids d‟un Louis de 40 francs » dans l‟enclos du couvent des
Ursulines (fig. 13)108. Aujourd‟hui disparu, cet anneau nous est connu par deux dessins

104
Pape, 1978, p. 213.
105
Le Chartrier dir., 2005, p. 39-42.
106
Le Chartrier dir., 2005, p. 40.
107
Ibid., p. 40.
108
Faty, 1880, p. 338.

17
représentant une bague à jonc en ruban portant un chaton carré sur lequel sont gravés deux
bustes face à face (l‟un féminin, l‟autre masculin) et l‟inscription SABINE VIVAS 109. Dans
l‟étude qu‟il lui a consacré, P. Galliou a dénombré l‟existence de plusieurs objets de ce type
en Gaule, en Italie ou en Grande-Bretagne. La plupart d‟entre eux semblent liés à une
symbolique chrétienne. L‟auteur cite notamment l‟exemple d‟une bague découverte dans le
fort de Richborough portant une inscription: IUSTINE VIVAS IN DEO. Des formules plus
courtes, similaires à celle de Carhaix, se retrouvent sur des objets considérés comme
chrétiens110. Il semble logique de faire de cette bague un objet chrétien dont la datation ne
peut guère être antérieure au célèbre édit de Milan de 313111.
Nous n‟avons aucune information sur la destinée des nécropoles antiques à cette période ni
sur l‟éventuelle implantation de nouveaux lieux d‟inhumation. Il nous faut cependant signaler
le cas de Saint-Antoine où deux sépultures furent découvertes au bord de la voie Rennes-
Carhaix lors du creusement des fondations d‟une maison en 1980112. Si la première était un
vase de verre contenant des os calcinés, des tessons de céramiques et surtout deux monnaies
de Domitien et Hadrien, la seconde était un coffre de granite composé de quatre blocs sculptés
remployés113 dont la datation pose question. Certain ont proposé de l‟attribuer au IVe siècle
mais la forme circulaire du côté oriental du sarcophage (il ne s‟agit pas à proprement parlé
d‟une logette céphaloïde), marquant une anthropomorphisation, incite plutôt à le dater du haut
Moyen Age ou même au Moyen Age central114.
A en juger par la fouille de l‟hôpital, la véritable rupture dans l‟occupation de la ville semble
s‟effectuer dans le troisième quart du IV e siècle. C‟est au cours de cette période que la domus
est abandonnée (La monnaie la plus récente retrouvée sur l‟emprise de cette fouille a été
frappé entre 364 et 375 sous Valentinien Ier)115. Les travaux de M. Provost démontrent que
l‟aqueduc n‟est plus utilisé à ce moment116. A l‟extérieur de l‟agglomération, l‟établissement
rural de Persivien est abandonné. Nous ne connaissons rien de la destinée de l‟agglomération
par la suite. La situation de la civitas des Osismes ne semble guère brillante. La question de la
transition entre l‟Antiquité et le Moyen Age pourtant cruciale pour notre sujet reste encore
bien obscure.

1.3.1.2 L‟hypothèse du changement de capitale

Nos connaissances nouvelles sur l‟occupation de la ville au Bas Empire relancent le débat
autour de l‟organisation de la cité des Osismes et l‟identification de sa capitale à cette période.
La consultation de la Notitia Galliarum et de la Notitia Dignitatum, documents habituellement
utilisés pour connaître les subdivisions administratives de l‟Empire à la fin de l‟Antiquité,
n‟apporte aucune information claire sur cette question. La Notice des Gaules établie vers 400

109
Galliou, 1976, p. 87-88.
110
Ibid., p. 88.
111
Ibid., p. 90.
112
Sanquer, 1980, p. 1-2, Galliou, 1989 (b), p. 112.
113
Eveillard et alii, 1997, p. 52.
114
Guigon, 1994, p. 43. La présence d‟une logette céphaloïde est généralement présentée comme une
caractéristique de l‟époque carolingienne ou du Moyen Age central, mais des amorces d‟anthropomorphisation
commence dès le VIIe siècle. Dans son rapport R. Sanquer précise que « dans la terre noire qui comblait la fosse,
par-dessus le sarcophage, un tesson de poterie fut recueilli. Il n‟appartient pas à une série connue de céramique
romaine. Par contre sa glaçure le ferait plutôt attribuer au Moyen Age »., cf. Sanquer, 1980, p. 2. La présence de
glaçure pour une poterie médiévale n‟est généralement pas l‟indice d‟une production ancienne Ce type de
revêtement ne semble être réintroduit qu‟au cours des IXe et Xe siècle, cf. Ferdière dir., 2003, p. 245. Des
exemples en sont connus en Bretagne dès le Xe siècle mais sa généralisation n‟intervient qu‟au XIIIe siècle (ce
qui semble tout de même trop tardif pour notre sarcophage), cf. Fichet de Clairefontaine dir., 1996, p. 60.
115
Ibid., p. 43.
116
Provost, 1999, p. 67.

18
est la moins précise. Elle ne nous donne qu‟une liste des cités de cette Province parmi
lesquelles nous retrouvons la civitas Osismorum qui fait alors partie de la Troisième
Lyonnaise117. La Notice des Dignités, rédigée vers 420 (428 suivant A. Chastagnol), est plus
intéressante. Elle retrace l‟organisation militaire de l‟Empire au début du Ve siècle.
L‟Armorique fait alors partie d‟un système défensif appelé Tractus Armoricanus dirigé par un
dux qui a sous son commandement différents corps dont le praefectus militum Maurorum
Osismacorum Osismis. L‟existence d‟une ville nommée Osismis n‟a en elle-même rien de
surprenant et s‟intègre dans un mouvement général de la Gaule du Bas-Empire qui voit les
capitales perdre leur nom au profit de celui de la cité118. Dans cette perspective il serait
logique de considérer que le chef-lieu de la cité des Osismes, Carhaix, ait perdu son nom
antique Vorgium pour devenir Osismis119. Depuis trente ans, les chercheurs ont pourtant
défendu un avis différent en supposant le déplacement du chef-lieu de Carhaix à Brest120.
Cette hypothèse repose sur un argument principal : l‟absence de fortifications du Bas Empire
à Carhaix. La majorité des capitales des cités de la Gaule se dote, en effet, au cours de cette
période d‟une enceinte urbaine121. L‟Armorique n‟échappe pas au phénomène. Vannes,
Rennes et Nantes sont ainsi enserrées par ce type de fortification122. Carhaix ne possède, elle,
aucun vestige d‟un dispositif défensif de cet ordre. Certains ont vu des origines romaines dans
le château de la ville mais cette hypothèse est pour l‟instant invérifiable, nous y
reviendrons123. Cette absence ne peut qu‟étonner les historiens qui en ont conclu une
réorganisation profonde de la civitas, liée aux nouveaux impératifs défensifs du Tractus
Armoricanus et Nervicus124. Son point d‟orgue serait le déplacement de la capitale vers Brest
dont la position maritime est mieux adaptée à ces préoccupations et qui possède surtout un
important castellum. Ses vestiges occupent une partie du côté nord du château actuel. Il s‟agit
d‟une muraille en opus mixtum, conservée sur 4 à 8 m de haut, qui devait atteindre environ
180 m de long et être flanquée par 10 tours circulaires sans doute détruites par les grands
travaux entrepris par Vauban sur la forteresse125. L‟ouvrage qui barrait l‟accès au promontoire
qui domine la Penfeld devait appartenir à une fortification plus vaste dont la forme en trapèze
a conditionné le développement du château médiéval126. Une construction d‟une telle
importance apparaît évidemment idéale pour abriter la troupe des Maures osismiaques dont
fait état la Notitia Dignitatum127. Cette proposition prend d‟autant plus de poids qu‟un cas de
transfert de capitale semble pouvoir être attesté dans la cité voisine des coriosolites. C‟est en
effet à Alet et non à Corseul que la Notitia Dignitatum situe la troupe des Martenses :
Praefectus militum Martensium, Aleto. Les fouilles menées sur la cathédrale ont permis de
117
Fleuriot, 1980, p. 251.
118
Sur cette question, cf. l‟étude de M. Rouche intitulée Le changement de nom des chefs-lieux de cités en Gaule
au Bas-Empire récemment rééditée dans Rouche, 2003, p. 13-35.
119
C‟est l‟avis que défendait F. Lot au début du XXe siècle, cf. Lot, 1900, p. 397-398.
120
Fleuriot, 1980, p. 26-32, Galliou, 1983, p. 258, Eveillard, 1991, p. 78, Pape, 1995, p. 251, etc.
121
On a longtemps supposé que ce mouvement serait celui de fortifications construites à la hâte dans le climat
d‟insécurité de la fin du IIIe siècle. Cet avis n‟a cependant plus cours, la qualité de ces ouvrages ne pouvant
s‟accorder avec une quelconque précipitation. Les constations archéologiques démontrent en effet que
l‟édification de ceux-ci se fait généralement sur de longue période situé entre la fin du IIIe s et la fin du IVe
siècle, cf. Ferdière, 2005, p. 298.
122
Pape, 1995, p. 248-250.
123
Pape, 1978, A-78, Eveillard, 2001, p. 72-73.
124
L. Pape lie ainsi à ce phénomène outre la construction de fortification des transformations du réseau routier,
cf. Pape, 1995, p. 99.
125
Sanquer, 1972, p. 42-52, Sanquer, 1976, p. 31-34, Pape, 1978, A-60, Ropars, 1979, Eveillard, 1991, p. 77,
Cloître dir., 2000, p. 26-28. Les bases de trois tours sont encore visibles aujourd‟hui.
126
Ropars, 1979, p. 43-50, Corvisier, 2000, p. 40-41.
127
Aucune fouille n‟a été menée jusqu'à présent à l‟intérieur de cette enceinte qui abritera la ville médiévale de
Brest. Autour de celle-ci nous ne pouvons signalée que la découverte d‟un trésor monétaire du IIIe siècle lors de
la construction du pont de Recouvrance en 1860, cf. Pape, 1978, A-60.

19
retrouver les vestiges d‟un établissement de l‟Antiquité tardive interprété comme un
principa128. Suivant L. Langouët l‟époque du transfert serait à situer dans la première moitié
du IVe siècle, moment où le numéraire semble se raréfier à Corseul alors qu‟Alet semble
connaître un nouveau développement. Un dernier argument, à notre sens plus contestable, en
faveur de l‟hypothèse du déplacement Carhaix-Brest, a été recherché dans un passage de la
vita Goeznouei. Ce texte que l‟on a longtemps daté de 1019 ou de 1090129 mais qui, suivant
l‟avis récent de A.Y. Bourgès, n‟aurait été écrit qu‟à la fin du XIIe siècle130, semble faire un
parallèle entre Brest et le nom civitas Osismorum interprété par certains comme l‟ancienne
appellation de la ville qui rappellerait elle-même l‟Osismis de la Notitia Dignitatum. Ce
postulat semble cependant fragile, les indications données par le texte sont loin d‟être aussi
précises et il est difficile de donner le sens exact de l‟expression civitas Osismorum : désigne
t-elle vraiment la ville ou le territoire dans lequel elle se situe131 ? Notons qu‟une tradition
similaire est rapportée par la Chronique de Saint-Brieuc (fin du XIVe siècle) mais sa date
trop tardive et son récit qui s‟inspire sans doute de la vita précédente rendent son utilisation
difficile132.
Malgré ce dernier argument moins pertinent, l‟hypothèse du transfert reste très séduisante et
expliquerait en partie l‟isolement de Carhaix dans les grands découpages politiques et
religieux de la Bretagne médiévale. Cette proposition est pourtant aujourd‟hui remise en cause
par certains historiens sans doute influencés dans leurs nouvelles réflexions par les fouilles
du centre hospitalier133. Cette critique a pour base essentielle la « redécouverte » par J. Y
Eveillard d‟un texte curieusement oublié dans les débats jusqu‟à présent et que l‟on a pris la
mauvaise habitude d‟appeler les Notes tironiennes134. Ce document, contenu dans des
manuscrits des IXe et Xe siècles, a été jusqu‟ici peu édité. Il correspond à une liste exacte des
cités antiques de la Gaule qui présente la particularité d‟associer le nom originel de
l‟agglomération et celui du peuple qui l‟a remplacée. Pour F. Lot « le but de l‟auteur a été, ce
semble, de conserver à la mémoire le nom antique de la ville qui tendait à se perdre. Cette
liste doit par conséquent se placer vers le VIe siècle, ou même le Ve siècle »135. Or, parmi les
agglomérations citées, nous retrouvons Othismus Vorgium. Il n‟existe à notre connaissance
aucun travail plus récent autour de ce texte, l‟avis exprimé par F. Lot fait donc encore
aujourd‟hui autorité. S‟il s‟avérait exact nous aurions la preuve de la correspondance entre
Carhaix et l‟Osismis de la Notitia Dignitatum. Le chef-lieu de la cité du haut Empire n‟aurait
donc pas été abandonné au cours de l‟Antiquité tardive comme on le pensait jusqu‟à présent.
Cette interprétation n‟irait évidemment pas à l‟encontre de la grande domus « constantienne »
retrouvée récemment qui démontre que la ville abrite encore une population de riches
propriétaires au début du IVe siècle. Elle laisse cependant encore certains chercheurs

128
Langouet, 1987, p. 103-108, Guigon, 1997-1998, t. 1, p. 111. Le fouilleur n‟excluait pas la possibilité d‟un
forum.
129
Le copiste du XVe siècle a d‟abord écrit anno ab incarnatione Domini M° nonagesimo (soit 1090) puis nono
decimo (1019) ce qui démontre une certaine confusion.
130
La Borderie, 1882, Bourgès, 1995, p. 35-37, Le Duc, 1996.
131
Nous rejoignons ici le constat de B. Tanguy, cf. Tanguy, 1994, p. 104. Voici la traduction du passage de la
vita dont il est question : « Les peuples des alentours sont appelés Osismes et leur cité, cité des Osismes (civitas
Osismorum), tant la ville que le pays est appelé Legione [...] De là vient qu‟on la trouve nommée dans certains
textes la cité des légions. Cependant après, par abréviation de son nom le pays fut appelé Léon. Et maintenant, à
cause de ses pêchés, cette ville, réduite au rang de la plus humble place et porte le nom de Brest-sur-la-
Chevrette ». Ce passage a été publié dans Le Duc, Sterck, 1971, p. 277-285 et Pape, 1977, p. 76-77
132
Chronicon Briocense
133
Eveillard, 2001, p.70-73, Maligorne, 2005, p. 61-67.
134
Eveillard, 2001, p. 70-71. F. Lot et L. Pape avaient pourtant montré l‟importance de ce texte, cf. Lot, 1900, p.
397-398, Pape, 1978, p. 35-36. La liste en question est contenue dans un dictionnaire de notes tironniennes ce
qui explique le nom qu‟on lui a abusivement attribué jusque là.
135
Lot, 1900, p. 398.

20
perplexes. Il est vrai que Carhaix semble occuper une situation stratégique moindre que celle
de Brest. Les nouveaux dispositifs du Tractus Armoricanus paraissent privilégier la défense
des côtes. Pourtant la position de Carhaix au centre de la cité et du réseau routier qui s‟y
développe n‟est pas non plus sans intérêt pour des impératifs militaires. Le grand obstacle à
cette idée reste l‟absence de fortifications dans la ville. Suivant Y. Maligorne, leur présence
n‟est pas un caractère déterminant pour une capitale de civitas. Il appuie cette idée sur la
chronologie des remparts aquitains réalisée par L. Maurin. Dans celle-ci l‟auteur a en effet pu
constater que seules cinq villes sont dotées d‟une enceinte à la fin du IIIe siècle tandis que
toutes les autres ne sont fortifiées qu‟au début du Ve siècle136.

Pour conclure sur cette question, la « redécouverte » de la liste des noms de cités contenue
dans les dites Notes Tironiennes nous semble apporter un argument de poids contre l‟idée
d‟un transfert. Carhaix pourrait donc avoir conservé son statut de chef-lieu au cours du Bas
Empire. La prudence nous incite cependant à attendre une nouvelle étude critique de ce texte
ainsi qu‟une éventuelle fouille sur l‟emprise du château pour présenter un avis définitif.

1.3.1.3 La question de l‟évêché des Osismes

Les origines du christianisme chez les Osismes sont malheureusement méconnues. La bague
retrouvée à Carhaix et le tesson de céramique sigillée gravé d‟un chrisme de Quimper en sont
les seuls indices matériels pour l‟Antiquité tardive137. Certains historiens ont cependant
supposé l‟existence, à cette période, d‟un évêché des Osismes dont le centre pourrait être
Carhaix138.
Leur argumentation s‟est basée sur la lecture et l‟interprétation des listes des évêques
présents aux conciles d‟Angers (453) et de Vannes (vers 463) ainsi que sur une lettre adressée
aux absents du concile de Tours (453)139. Le texte du premier synode qui rassemblait les
évêques de la Troisième Lyonnaise dont dépendait la cité des Osismes donne le nom de huit
prélats qui pourraient correspondre aux desservants des huit évêchés théoriques qu‟a pu
compter la province140. Or, parmi ceux-ci trois sont mentionnés sans indication de siège :
Chariatonus141, Rumoridus et Viventius. L‟un d‟entre eux serait-il évêque des Osismes? La
liste ne donne en tout cas qu‟un évêque sur les quatre que pourrait compter la péninsule
armoricaine. Faire des trois évêques sans siège les titulaires d‟au moins trois de ces cités peut
donc sembler logique mais la présence, parmi les prélats, du métropolitain de Bourges montre
que des évêques extérieurs ont pu être invités au for ecclésiastique142. La même année, les
desservants des évêchés de Tours, de Bourges et du Mans adressent une lettre aux prêtres de
la troisième Lyonnaise et à trois évêques absents au concile de Tours : Desiderius,
Chariatonus et Sarmationus. Si l‟on est assuré que le premier est à la tête du diocèse de
Nantes, nous ne connaissons pas le siège des deux autres. Cependant, comme le note L. Pietri,
le regroupement avec le document précédent nous donne une liste de quatre évêques sans

136
Maligorne, 2005, p. 65.
137
Galliou, 1976.
138
Suivant l‟hypothèse du transfert d‟autres ont évidemment aussi proposé Brest, cf. sur cette question Le Duc,
1994(b), Cloître dir., 2000, p. 29-30.
139
B. Merdrignac a donné récemment un excellent résumé de cette question dont nous nous inspirons largement
cf., Giot et alii, 2003, p. 85-88.
140
Cum ad ordinadum Episcopum in civitate Andegaurorum episcopi cunuenissent, Tallasius esset episcopus
ordinatus, omnibus partiter residentibus, Leone, Eustochio, Chariatone, Rumorido, Viventio, & Talasio
episcopis, cf. Concilia Antiqua Galliae, t. 1, p. 116.
141
Selon L. Fleuriot ce nom serait d‟origine bretonne. Il se rapprocherait du gallois «cariad » signifiant
« aimant », « amour » « charité » et pourrait être traduit par « charitable », cf. Fleuriot, 1980, p. 145.
142
Giot et alii, 2003, p. 85.

21
siège qui pourraient correspondre aux desservants des cités armoricaines143. A l‟inverse, B.
Tanguy suppose, par la disparition de deux prélats entre les deux documents (Rumoridus et
Viventius ne sont pas cités dans le lettre), que l‟Armorique ne possède en dehors de Nantes
que deux évêques dont le siège ne peut être identifié144. Un argument supplémentaire en
faveur de la première interprétation pourrait cependant être trouvé dans le texte du concile de
Vannes de 463. Parmi les prélats venus participer à l‟élection de Paternus à l‟épiscopat de la
cité des Vénètes, seulement deux sont mentionnés sans siège : Liberalis et Albinus145. Pour L.
Duchesne « nous aurions un état complet de l‟épiscopat de la troisième Lyonnaise » 146, les
deux ecclésiastiques ne pouvant selon lui correspondre qu‟aux évêques des Osismes et des
Coriosolites (ceux de Rennes, Nantes et donc Vannes sont présents). B. Tanguy doute
cependant là encore de cette restitution, puisque suivant la tradition ecclésiastique Paternus fut
le premier évêque de Vannes et qu‟il n‟y a par conséquent aucune raison pour que les deux
autres cités armoricaines aient été pourvues d‟un prélat avant celle-ci.
Nous ne sommes évidemment pas à même de régler ce débat. Il nous semble plus raisonnable
de considérer cette idée d‟un évêché des Osismes comme une hypothèse pour le moment
invérifiable. Mais si celui-ci a eu existence, elle ne fut qu‟éphémère, l‟émigration bretonne
détruisant définitivement le cadre de la cité romaine pour donner naissance à de nouveaux
ensembles politiques et religieux.

1.3.2 Une période méconnue : le haut Moyen Age (Ve-Xe siècle)

1.3.2.1 Le démantèlement de l‟ancienne cité des Osismes : Carhaix et la naissance


de nouvelles entités religieuses et politiques au haut Moyen Age

Le début du Moyen Âge marque le démantèlement de l‟ancienne cité des Osismes dont le
territoire est subdivisé par de nouvelles circonscriptions politiques et religieuses.
Contrairement à ce que l‟on aurait pu penser pour un ancien chef-lieu, Carhaix ne semble pas
y avoir joué de véritable rôle. Ces changements sont bien évidemment liés à l‟émigration
bretonne dont ils sont une conséquence. Ce phénomène est mal connu mais semble avoir
redistribué une grande partie de la géographie de l‟ancienne cité des Osismes en y
introduisant une division nord-sud147. Le manque de documentation concernant cette période
rend difficile l‟approche des origines de ces nouveaux espaces.

Du point de vue politique l‟ancienne civitas est divisée entre deux territoires : la Domnomée
au nord et la Cornouaille au sud. Ces deux ensembles dont les noms rappellent évidemment
ceux de la Cornouailles et la Dumnomia insulaires, sont mentionnés relativement
tardivement : la fin du VIIIe siècle pour le premier148, le IXe siècle pour le second, mais leur
naissance est évidemment plus ancienne. Grégoire de Tours ne souffle pas un mot de la
Domnomée mais le regroupement des sources hagiographiques (notamment le vie de saint
Paul Aurélien) suppose son existence au début du VIe siècle. Nous ne sommes cependant
« bien documenté » que sur un seul de ses souverains, Judicaël, qui sera présent à la cour du
roi franc Dagobert vers 635-636 pour une entrevue évoquée, entre autres, dans la chronique

143
Pietri, Biarne, 1987, p. 16.
144
Tanguy, 1994.
145
. Concilia Antiqua Galliae, t. 1, p. 137.
146
Duchesne, 1912, p. 248. C‟est aussi l‟avis de L. Pietri, cf, Pietri, Biarne, 1987, p. 15-16.
147
Sur le problème de l‟émigration, cf. l‟étude de référence de L. Fleuriot dans Fleuriot, 1980 et les résumés de
la question dans Chédeville, Guillotel, 1984, p. 21-49 et Giot et alii, 2003, p. 75-82 et 93-94.
148
Si l‟on accepte cette datation pour la vie de saint Samson cf. Ibid., p. 57.

22
du pseudo-Frédégaire149 et la vie de saint Eloi150. Même si la géographie de la Domnomée
peut difficilement être connue dans le détail nos sources permettent de restituer un vaste
territoire s‟étendant sur une grande partie du nord de la péninsule bretonne, depuis la pointe
Saint-Mathieu jusqu‟au Couesnon151. De l‟ancienne cité des Osismes, ce royaume regroupait
donc le Léon et le Trégor. Au sud, les origines de la Cornouaille sont aussi méconnues. L.
Fleuriot propose néanmoins d‟identifier dans « les comtes des Bretons » Budic et Macliau
cités dans l‟Historia Francorum les souverains d‟un grand regnum du sud-ouest de la
Bretagne intégrant la Cornouaille actuelle et le Golfe du Morbihan qu‟ils se seraient partagés,
en 567152.

Ce découpage nord-sud de la cité que l‟on constate dans les nouvelles circonscriptions
politiques s‟analyse aussi du point de vue religieux. Une simple observation de la carte des
évêchés bretons au début du XIe siècle montre que l‟ancienne civitas a été divisée entre les
trois diocèses de Léon et de Tréguier au nord et de Quimper au sud (fig. 14). Les origines de
ces nouvelles institutions sont, là aussi, méconnues. L‟évêché de Tréguier cité pour la
première fois en 990153, ne rentre pas dans le débat, il s‟agit d‟une création tardive du Xe
siècle à partir d‟une ancienne fondation monastique154. Son territoire faisait sans doute partie
au départ de l‟évêché d‟Alet qui était donc mitoyen du Léon155.
Des deux ensembles restants, le diocèse de Léon est celui dont l‟origine semble la moins
obscure, grâce à la vie de Paul Aurélien écrite par le moine de Landévennec Wrmonoc en
884156. Elle décrit les pérégrinations de Paul, religieux émigré de Grande-Bretagne, qui se
serait vu confier la dignité épiscopale de la « partie occidentale de son pays la Domnomée »
par le roi Philibert en qui il faut sans doute reconnaître Childebert Ier (511-558)157. La
description donnée par l‟hagiographe du centre de ce nouveau diocèse présenté comme un
oppidum déserté protégé par des levées de terre158 n‟a pas manqué d‟étonner les historiens qui
ont douté de son identification à Saint-Pol et proposé des sites qui leur paraissaient mieux

149
Quod audiens Juducaile rex brittonum, cursu veloci Clippiacum cum multis muneribus ad Dagobertum
perexit, cf Frédégaire, p. 443.
150
Vita sancti Eligii, cap. 13, p. 554 : Aliquando rogatus a Rege legatione fungi partibus Britannae, nihil ille
cunetatus perrexit tam ocius, quam Christi caritate securus. Quo cum pervenianet, Brittanorum principem adiit,
causas pacti indicavit, pacis obsidem. Sur l‟entrevue de Judicaël avec le roi franc, cf. Chédeville, Guillotel,
1984, p. 67-68, Giot et alii, 2003, p. 118-120.
151
Loth, 2006, p. 141.
152
Grégoire de Tours, XIV, p. 269. Pour l‟analyse de ce passage, cf.Fleuriot, 1980, p. 193-194, Chédeville,
Guillotel, 1984, p. 72 et 81, Quaghebeur, 2002, p. 11, Giot et alii, 2003, p. 115. Les deux princes s‟étaient
engagés en cas de décès de l‟un d‟eux à ce que le survivant respecte les droits de son descendant. Ce ne sera pas
le cas puisque Macliau s‟appropriera les terres de Thierry le successeur de Budic. Un bref résumé des apports de
l‟Historia Francorum pour l‟histoire bretonne a été donné récemment par P. Riché, cf. Riché, 1997, p. 23-26.
153
Dom Morice, 1742-1744, t. I, col. 350-351.
154
Tanguy, 1984, p. 107-108, Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 31-32, Guigon, 1997-1998, t. 1, p. 134. Une lettre
adressée à Festien de Dol en 866 cite seulement sept évêchés en Bretagne alors qu‟elle en comptera 9 à la fin du
Xe siècle. H. Guillotel semble avoir démontré que les différents rédacteurs des trois Vitae de Tugdual ont tenté
de rattacher l‟évêché à une origine antique qu‟elle n‟a pas, cf. Guillotel, 1992, p. 213-226.
155
Giot et alii, 2003, p. 110, selon B. Tanguy le monastère de Val Trécor aurait pu relever de l‟évêché de
Quimper. Un avis qu‟il base sur la vie de saint Génolé qui cite saint Tugdual (fondateur de Tréguier) parmi les
quatre colonnes de la Cornouaille, cf. Tanguy, 1994, p. 22-28.
156
Vie de Paul Aurélien, p. 153 : « J‟ai réalisé cette ouvrage, moi prêtre et moine, du nom de Wrmonoc, dans le
monastère régulier de ce saint (Guénolé) ».
157
L‟hagiographie bretonne semble donner un rôle prééminent au fils de Clovis dans la naissance de ces évêchés
s‟agit-il d‟une réalité historique ou d‟un topos littéraire ? cf. Giot et alii, 2003, p. 109-110.
158
Vie de Paul Aurélien, p. 199 : « A cette époque-là, la ville forte était entourée, sur tout son pourtour de
murailles de terre construites en un temps ancien, et d‟une hauteur étonnante. Maintenant on la voit fortifiée en
grande partie de murailles de pierre élevées sur une plus grande hauteur. Ce lieu est entouré, de tous côtés, sauf
du côté sud, comme une île, par la mer d‟Armorique suivant un tracé courbe et sinueux ».

23
convenir comme Brest ou Le Yaudet159. B. Tanguy semble pourtant avoir démontré que le
rédacteur de la vita a une bonne connaissance de la géographie du Léon, il n‟y a donc pas de
grande raisons de douter de sa correspondance avec Saint-Pol160.
Les conditions de la naissance de la dignité épiscopale en Cornouaille (à laquelle est rattaché
Carhaix) sont par contre bien plus difficiles à résoudre. Les deux Vitae de saint Corentin,
fondateur supposé de l‟évêché, sont des témoignages bien trop tardifs pour être utilisés161. Il
n‟y a rien à retenir de sa prétendue éléction par l‟archevêque de Tours 162. Il n‟est d‟ailleurs
pas certain que Corentin soit le premier évêque de Cornouaille, certains chercheurs pensent
qu‟il a pu être précédé par saint Tugdual163. Les sources diplomatiques ne sont évidemment
d‟aucun secours, comme pour le Léon164, le premier titulaire du siège de Cornouaille
n‟apparaît qu‟au IXe siècle. Le Cartulaire de Landévennec, rédigé au XIe siècle, contient bien
une liste épiscopale mais il est impossible d‟en vérifier la véracité au-delà de la période
carolingienne165. Enfin l‟archéologie n‟apporte pas encore sur cette question les réponses
attendues166.
Il reste aussi à déterminer la nature exacte de ces nouveaux ensembles, sont-ils des
monastères-évêchés à la manière de Dol ou bien des diocèses territoriaux ? Beaucoup
d‟historiens ont considéré que les évêchés bretons ne s‟institutionnaliseraient à la manière des
diocèses francs qu‟à la faveur des réformes religieuses de Nominoë à Coitlouh en 849167.
Cette question a cependant largement été occultée par l‟utilisation des témoignages tardifs de
la Chronique de Nantes et de l’Indiculus de episcoporum depositione168. B. Merdrignac a

159
Guigon, 1997-1998, t. 1, p. 132. Les fouilles menées sur l‟oppidum du Yaudet ont permis de découvrir un
habitat du haut Moyen Age interprétés comme les vestiges d‟un monastère (soulignons tout de même qu‟aucun
édifice religieux n‟a été mis au jour), cf. Galliou, Cunliffe, 1996, p. 57-58, Galliou, Cunliffe, 2004, p. 256-258.
160
Tanguy et alii, 1991, p. 27-71.
161
Il existe deux rédactions de la vie de saint Corentin. La plus connue, éditée par Dom Plaine en 1886 (cf., Vie
de Saint Corentin), serait suivant les avis les plus récents à attribuer au XIIIe siècle, cf. Irien, 1999, p. 55. La
seconde Vie de Corentin, dite brève, lui est sans doute de peu antérieure.
162
« L‟archevêque de Tours, à l‟arrivée des délégués, réunit par les membres de conseil connus pour leur vertu et
leur sagesse. On avait remarqué en Tudi la connaissance des lettres divines et humaines et la pureté des mœurs.
Le don de la parole et le zèle religieux brillaient en Guénolé. Mais comme en Corentin tout commandait le
respect, la simplicité de son extérieur aussi bien que l‟humilité de son cœur, l‟éminence de sa sainteté, ce fut sur
lui en définitive, que l‟on jeta les yeux à la demande de ses compagnons eux-mêmes, et par l‟inspiration du
Saint-Esprit, ce fut lui que l‟on choisit pour évêque de Cornouaille », cf ; Vie ancienne de Saint Corentin, V, p.
133. Le récit de cet événement est très proche dans la vie du XIIIe siècle, cf. Vie de Saint Corentin, p. 133.
163
Cet avis se base sur un passage de la Vie de Guénolé de Wrdisten (écrité vers 880) qui précise que « Tugdual
avait précédé ces trois hommes (Gradlon, Corentin et Guénolé).Il fut un moine célèbre par ces mérites, digne de
servir d‟exemple au plus grand nombre », cf. Vie de Saint Guénolé. Seule une source lui reconnaît cependant le
titre d‟évêque, il s‟agit d‟une charte de 1126 concernant le prieuré de Marmoutier à « l‟île de Saint-Tutuarn
évêque » (l‟île Tristan). Le document semble cependant bien trop tardif pour être utilisé, et nous pouvons nous
ne demander si ce titre ne renvoie pas à l‟évêché Tréguier dont Tugdual est le fondateur légendaire.
164
Le premier évêque de Léon connu au IXe siècle est Hinworet, commanditaire de la Vie de Paul Aurélien, cf.
Vie de Paul Aurélien, p. 153 : « Père Hinworet, recois donc l‟humble Vie de ton Paul que j‟ai essayé d‟écrire
avec dévotion dans ma faiblesse : mais ne l‟oublie pas entre les repas solennels du siège épiscopal ». Par la suite,
il faut attendre le milieu du IXe siècle pour retrouver la mention d‟un nouvel évêque : Inter quos vero Hostranus,
britannus, sancti Pauli Leonensis episcopus, occurit, cf. Chronique de Nantes, p. 93. Sur ce sujet, cf Oheix,
1912, p. 243-251.
165
Kerhervé dir., 1994, p. 41.
166
Il n‟existe que peu d‟indices nous renseignant sur l‟occupation de Quimper au tout début du haut Moyen Age.
Nous pouvons seulement assurer que la population continua à demeurer à Locmaria à l‟emplacement de
l‟ancienne agglomération gallo-romaine, le noyau urbain ne se déplaçant au niveau de l‟actuelle cathédrale qu‟à
la fin du Xe siècle, cf. Le Bihan, Villard, 2005, p. 117-118.
167
Le synode de Coitlouh est évoqué dans un acte du Cartulaire de Redon, cf. Cartulaire de Redon (a), acte
CXIII, p. 86-87.
168
Chronique de Nantes, p. 31-39.On retrouve une édition (corrigée) de l‟Indiculus dans la restitution de la
chronique de Nantes proposée par Dom Morice, cf. Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 139-140.Pour une étude

24
récemment proposé une hypothèse intéressante sur ce problème. Constatant cette nouvelle
géographie nord-sud de la pointe de la péninsule bretonne, il se demande s‟il n‟existe pas un
lien entre l‟émergence de nouvelles entités politiques et la création des évêchés : « Il aurait été
nécessaire de démembrer celui-ci (la cité des Osismes) quand se sont affirmées deux entités
politiques distinctes dans la péninsule »169. Dans cette proposition les diocèses ne peuvent
évidemment correspondre qu‟à des ensembles territoriaux. Si l‟hypothèse du transfert de
capitale devait être véritablement abandonnée nous aurions peut-être là une des explications
de la perte de statut de Carhaix. Située au centre de l‟ancienne cité, elle se serait retrouvée
véritablement écartelée entre ces nouveaux espaces de pouvoir.
Mais si l‟ancien chef-lieu a perdu son importance en ce début du Moyen Âge, rien ne nous
permet de parler d‟abandon puisqu‟une paroisse est née sur son territoire et que celle-ci va
donner son nom à un pagus, le Poher.

1.3.2.2 Une paroisse primitive : Plouguer

Comme l‟a démontré un récent colloque, la question des paroisses au haut Moyen Âge est un
sujet difficile à appréhender170. Le fait semble d‟autant plus vrai pour la Basse-Bretagne où
les sources écrites viennent bien trop souvent à manquer. Cette situation a d‟ailleurs conduit
les historiens bretons à donner une large place aux informations livrées par la toponymie en
suivant une démarche pouvant paraître bien imprudente aux chercheurs extérieurs habitués à
des terrains plus «favorables » aux investigations. Les recherches futures viendront peut-être à
mettre en doute ou tout du moins nuancer le schéma partagé aujourd‟hui par tous et que nous
nous reprendrons ici en grande partie171.
Les sources de la période moderne présente Carhaix comme une trêve de la paroisse de
Plouguer dont le nom est un véritable cas d‟école. Il se compose en effet du préfixe plou,
terme emprunt au latin plebe, sur lequel on a beaucoup disserté. Celui-ci « du sens initial de
citoyens non nobles, peuple, servit en latin ecclésiastique à désigner dès le IIIe siècle, la
communauté des fidèles par opposition à l‟ordo, c'est-à-dire les clercs »172, par extension il est
devenu dans la Bretagne du haut Moyen Age le terme courant désigner la paroisse. L‟analyse
du Cartulaire de Redon le prouve, les actes carolingiens usent quasi exclusivement du terme
plebe pour désigner cette subdivision ecclésiastique, le mot parrochia prenant encore le sens
de diocèse dans une chartre de 833173. Les exemples de noms de paroisses en plou sont très
nombreux en Basse-Bretagne où elles représentent 43 % des circonscriptions ecclésiastiques
du diocèse de Léon, 30,2 %, de celles de Tréguier, 29,5% de celles de Saint-Brieuc et 21 %
de celles de Cornouaille174. Depuis le travail de R. Largillière sur le Bas-Trégor, il est habituel
de voir en eux la marque d‟une paroisse primitive remontant au temps de l‟immigration
bretonne (soit les V-VIIe siècles)175. Par conséquent, le nom de Plouguer témoignerait de
l‟existence d‟un ressort ecclésiastique du haut Moyen Age sur le territoire de Carhaix. Le
second élément composant le nom de notre paroisse, est le mot caer dérivé du latin castrum
désignant à l‟origine un lieu fortifié de la même manière que le gallois caer que l‟on retrouve

critique de ce texte, cf. Guillotel, 1998. Sur la teneur même des réformes du IXe siècle, cf. Giot et alii, 2003, p.
140-142.
169
Ibid., p. 112.
170
Deplace dir., 2005.
171
Il y a sans doute beaucoup à espérer en des investigations archéologiques qui viendraient apporter une réalité
plus matérielle à cette question dont le traitement a été jusqu‟à présent très théorique.
172
Tanguy, 1981, p. 134, Tanguy, 1990, p. 18.
173
Ibid., p. 95. Comme dans d‟autres régions françaises le terme parrochia s‟impose définitivement en Bretagne
au XIIe siècle pour désigner la paroisse, cf. Tonnerre, 1994, p. 176, note 2.
174
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 90-91.
175
Largillière, 1925, Chédeville, Guillotel, 1984, p. 90-91.

25
dans Caerphilly, Caernavon ou encore Caerwent (nom gallois de Winchester) ou que le vieil
anglais ceaster qui donnera Chester176. Cette allusion à des fortifications est assez courante
pour les noms de lieu en plou. Nous en retrouvons d‟autres exemples dans le diocèse de
Cornouaille avec Plogastel-Saint-Germain et Plougastel-Daoulas désignant tout deux une
« paroisse du château ». Elle laisse perplexe dans notre cas puisque aucun dispositif défensif
de l‟Antiquité tardive ou du début du haut Moyen Age n‟a été observé jusqu‟à présent à
Carhaix. Il est aussi possible que les ruines de la ville romaine ont été interprétées comme les
restes d‟un système de défense. C‟est le cas de Locmariaquer dans le Vannetais, ancienne
agglomération secondaire gallo-romaine177, qui est appelée Plebs Chaer en 851-856178. Un
second élément plaide en la faveur de l‟ancienneté de la paroisse : la dédicace à saint Pierre de
l‟église de Plouguer. Ce vocable est généralement présenté dans les autres régions françaises
comme l‟indice d‟une création ancienne. Celui-ci doit évidemment être pris avec la mesure
qu‟il se doit, l‟étude menée sur le Nantais et le Vannetais par N.Y. Tonnerre a montré que si
le patronyme Pierre est associé à des fondations anciennes, il est aussi utilisé dans des églises
postérieures à l‟An Mil179. L‟association entre le vocable et ce toponyme donne plus de corps
à l‟hypothèse Celle-ci est d‟ailleurs courante, le travail sur les plou mené par B. Tanguy a
montré qu‟elle représentait 52,7% des cas180. L‟identification d‟une paroisse primitive à
Carhaix semble donc tout a fait probable et n‟a en elle-même rien d‟étonnant. On sait en effet
depuis longtemps le rôle tenu par les villes romaines dans la diffusion du christianisme. Si
nous ne pouvons assurer que Carhaix ait abrité un évêché éphémère, la ville possédait déjà
une communauté chrétienne comme le prouve la bague du IVe siècle portant l‟inscription
SABINE VIVAS. Corseul, qui connaît sous certains aspects un sort comparable à Carhaix,
voit lui aussi naître rapidement d‟un encadrement ecclésiastique. Une ecclesia Corsult est en
effet citée vers 869 dans la vie de Saint-Malo181 mais son origine pourrait être plus ancienne
encore puisque B. Tanguy propose de faire du prêtre Speratus, cité dans la célèbre lettre à
Lovocat et Cathiern du début du VIe siècle, le desservant de l‟ancien chef-lieu de cité182.

La nature exacte de ces territoires désignés par plou pose question, elles sont en tout cas une
particularité bretonne ne retrouvant aucun équivalent outre-manche183. Des comparaisons plus
lointaines ont cependant été cherchées par G. Bernier avec les pieve de l‟Italie du nord184.
Celles-ci correspondent à des circonscriptions ecclésiastiques apparues au IVe siècle,
généralement très étendues, installées dans des zones faiblement urbanisées partageant en cela
quelques points communs avec nos plou. Mais même si ce rapprochement est intéressant, il ne
permet évidemment pas d‟en transposer le schéma à notre cas breton qui reste encore bien
trop mal documenté. La thèse qui prévaut habituellement pour ces territoires est celle exposée
anciennement par R. Largillière. Selon cet auteur, « les plou sont nés des efforts des
missionnaires venus de Grande-Bretagne, en partie du pays de Galles, pour réévangéliser les

176
Tanguy, 2001, p. 388, Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 300.
177
Sur la ville romaine, cf. Pape, 1995, p. 75-78, Pirault, 2003.
178
Cartulaire de Redon (a), acte n°LXX, p. 55, Tonnerre, 1994, p. 190, Tanguy, 2001, p. 388.
179
Tonnerre, 1994, p. 177-178.
180
Tanguy, 2001, p. 153.
181
Erat namque sanctus Machu in vigilia noctis dici Dominicae Ressurectionis in ecclesia quae vocatur Corsult,
cf. Vie de Saint Malo, cap. LXXIV, p. 213. Il est remarquable de constater que le premier évêque d‟Alet aurait
célébré la messe de Pâques dans l‟ancienne capitale de la cité des coriosolites. Cette information laisse supposer
que l‟ancienne capitale de cité des coriosolites jouit encore d‟une certaine aura au début du Moyen Age.
182
La source (traduite) a été édité ds Delumeau dir., 1971, p. 71-72. Sur le possible lien entre le prêtre Speratus
mentionné dans le document et la paroisse de Corseul, cf. Tanguy, 1992, p. 54 et Tanguy, 1994, Ferdière dir.,
2004, p. 166-168.
183
D. Pichot a donné récemment dans son ouvrage sur le village dans l‟ouest médiéval, une présentation courte
mais éclairante de nos connaissances actuelles sur les plou, cf. Pichot, 2002, p. 71-73.
184
Bernier, 1982. Ce rapprochement est à nouveau repris et développé par S. Kerneis, cf. Kernéis, 1998.

26
populations bretonnes arrivées en désordre dans l‟Armorique. Ce clergé, afin d‟assurer le
culte dans les meilleures conditions, groupa les fidèles en communautés dans le cadre d‟unités
géographiques faciles à parcourir. Chacun de ces missionnaires, considéré comme un saint,
devint l‟éponyme de la paroisse qu‟il avait établie »185. Cette vision si elle peut paraître
satisfaisante pour l‟esprit, pêche sans doute par un excès de systématisme qui paraît bien
éloigné des réalités médiévales, souvent très complexes. Il serait trop simple de faire de tous
les plou des circonscriptions créées de toutes pièces par des religieux ayant traversés la
Manche au moment de l‟émigration bretonne ; il a dû exister plusieurs cas différents. Toutes
ne sont pas en tout cas des créations de la même période, comme le suggèrent les nombreux
Plounévez ou Plonévez soit « nouveau plou » qui, au risque de faire une lapalissade, viennent
s‟ajouter à d‟anciens plou. La présence d‟un habitat antérieur ou tout du moins un élément
structurant le paysage semble avoir, dans certain cas, conditionner leur installation. C‟est bien
ce que semble illustrer Plouguer qu‟il est difficile de ne pas lier à l‟existence d‟une ville
romaine186. C‟est aussi ce que suggèrent des toponymes comme Plougastel faisant référence à
une fortification ou de manière plus vague Ploumoguer évoquant simplement des murs 187.
Comme le constate B. Tanguy, la règle de R. Largillière pour qui le plou « ne peut avoir de
centre bien défini, parce qu‟en Bretagne à cette époque, il n‟y avait pas de bourg et que la
population vivait très clairsemée, répartie à travers toute la campagne », ne peut plus prévaloir
dans tous les cas. Nous pouvons aussi constater un parti pris partagé par tous les auteurs
ayant traité la question qui mériterait peut-être une interrogation plus profonde, celle de
considérer la paroisse primitive comme un territoire constitué dès l‟origine. Nous ne
pousserons pas ici le traitement de ces différentes questions dont nous voulions simplement
ici souligner quelques zones d‟ombres188. Elles dépassent en effet très largement le cadre de
notre sujet, mais le dossier mériterait d‟être rouvert comme l‟ont déjà suggéré H. Guillotel ou
J. Quaghebeur.

Pour en revenir plus directement à Carhaix, il nous faut maintenant discuter des restitutions
du territoire de la paroisse primitive de Plouguer proposées par R. Couffon et E. Vallerie.
Constatons tout d‟abord que si une tel travail semble difficile a réaliser faute de
documentation, il a pourtant intéressé quelques historiens qui en sont souvent venus à des
résultats assez différents. Tous ont pourtant utilisé une méthode similaire partant d‟un
postulat considérant les paroisses dont le nom n‟utilise pas le préfixe caractéristique comme
des créations plus récentes (à quelques exceptions près) nées du démembrement d‟un plou. La
reconstitution de leur ressort primitif oblige à la pratique d‟une analyse régressive prenant
pour point de départ le découpage paroissial de l‟Ancien Régime. Celui-ci est habituellement
considéré comme représentatif de la situation au sortir du Moyen Age central (ce qui
mériterait tout de même d‟être démontré)189. La remontée plus en avant dans les origines se
heurtant au manque de documents écrits, une large confiance est donnée à l‟analyse de la
185
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 95.
186
Mais le cas est peut être particulier puisque des agglomérations antiques importantes comme Kerilien-en-
Plounéventer (Vorganium ?) ou Douarnenez n‟ont pas donné naissance à des plou.
187
Ibid., p. 96.
188
Il convient sans doute aussi de s‟interroger sur le statut des dits fondateurs des plou. A la lecture de la Vita
Winwaloei d‟Uurdisten daté des environs de 880 qui relate l‟installation de Fragan dans un territoire qui
deviendra Ploufragan, A. la Borderie donnait au plou une définition plus civile que religieuse en le présentant
comme le territoire d‟une communauté nouvellement installée dirigée par un machtiern. Ce schéma est
évidement en bien des points contestables, l‟évocation des machtiern est inacceptable, elle renvoie à une réalité
du IXe siècle que rien ne permet de transposer tel quel à une période aussi ancienne. De plus occulter même
partiellement le sens religieux du plou conduit à ignorer les renseignements que nous apportent entre autre
l‟analyse du Cartulaire de Redon. On concédera cependant à l‟historien que pour le texte indiqué, Fragan (si tant
est qu‟il ait existé) bien qu‟il soit le père de saint Guénolé n‟a lui-même rien d‟un religieux.
189
Vallerie, 1986, p.15.

27
toponymie et de la topographie (il s‟agit de déterminer les obstacles naturels ayant pu faire
office de frontières à ces territoires). Les résultats de telles recherches sont bien évidemment
très utiles mais doivent être prises avec une grande mesure puisqu‟elles reposent sur des bases
fragiles. Qu‟en est-il plus précisément pour Plouguer ? Les deux modèles proposés sont assez
différents puisque nous avons le choix entre la grande paroisse de R. Couffon regroupant les
territoires de Carhaix, Saint-Quijeau, Treffin, Trébrivan, le Moustoir et Maël-Carhaix et celle
plus réduit d‟E. Vallerie qui ne se compose que de Carhaix, Saint-Quijeau et Treffin190.
Quelle valeur accorder à ces restitutions ? La question mérite sans doute de présenter les
connaissances que nous pouvons avoir de la situation postérieure.
Les sources de fin de la période moderne nous décrivent assez précisément le ressort de cette
paroisse (fig. 15). Le rôle des décimes de 1788 en cite deux trêves : Treffin et Saint-
Quijeau191. La ville de Carhaix elle-même devait relever du même statut, les différents aveux
de la période XVIIe-XVIIIe siècle que nous avons pu consulter portent ainsi souvent
l‟indication « Carhaix en la paroisse de Plouguer »192. Une situation qui n‟est pourtant pas si
claire dans les faits eux-mêmes. En 1640 le livre de la sénéchaussée de Carhaix évoque ainsi
« les paroissiens de Sainct Trémeur » et non de Saint-Pierre193. De même le dictionnaire
d‟Ogée rapporte, à la fin du XVIIIe siècle, la parole d‟un des habitants pour qui « Carhaix
n‟est point une trêve de Plouguer-Carhaix [...] on peut dire que la ville est sur la paroisse de
Carhaix Plouguer, qui n‟en est qu‟à trois cent pas, et que cette paroisse était anciennement
dans la ville même, qui a aujourd‟hui son église collégiale et particulière sous l‟invocation de
saint Trémeur. Plouguer-Carhaix est mère-église et paroisse »194. Quelle était la situation au
Moyen Age ? Les textes à notre disposition sont malheureusement guère loquaces sur le sujet.
Aucun document des XI-XIIIe siècles ne décrit la situation paroissiale de Carhaix et sa région.
La paroisse de Plouguer n‟est mentionnée que très tardivement en 1383 sous la forme
« Ploguer »195. Pourtant dès 1310 c‟est une « paroisse de Kerahès »196 qui est citée et amène
une confusion présente tout au cours du bas Moyen Age. Pour ne donner que quelques
exemples, citons la bulle pontificale de 1391 évoquant la parrochialis ecclesia Sancti Tremori
de Kerahes 197, ou encore un acte ducal de 1394 nous parlant des « habitants de la ville et
paroisse de Karhais »198. Cette confusion doit sans doute être expliquée par l‟isolement de
l‟église de Plouguer par rapport à la ville qui correspond mal à l‟idée que l‟on se fait d‟un
centre paroissial au Moyen Age. Nous savons de plus par le rôle-rentier de 1539-1541 que les
chanoines de Saint-Trémeur assurent la fonction pastorale en célébrant une grande messe
dominicale dans la collégiale : « en lad(icte) esglise de Sainct-Trémeur, à jour de dymanche
au p(ro)sne de la grande messe d‟icelle esglise en (con)gregacion de peuble »199. Concernant
les trêves de Saint-Quigeau et de Treffin aucun document médiéval ne vient, comme bien
souvent, faire allusion à leur statut au sein de la paroisse200. L‟église de Saint-Quigeau est

190
Ibid., p. 190.
191
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 94-95.
192
A.D.L.A, B 1082. La formule se retrouve aussi systématiquement dans les différentes déclarations du très
volumineux papier terrier de 1678-1680, cf. A.D.L.A., B 1106 et B 1107.
193
A.D.L.A, B 1102.
194
Ogée, 1845, t.1, p. 139, note 1.
195
Peyron, 1908, p. 191, Tanguy, 1990, p. 49.
196
A.D.L.A, B 1102, le document en question est un aveu d‟Eon de Kergorsoth de la paroisse de Carhaix.
197
Mollat, 1910-1911, p. 172.
198
Actes de Jean IV, acte 991, p. 581. La confusion est totale dans les mentions aux XVIe et XVIIIe siècle d‟une
paroisse de « Ploukerkarahes » évoquée par B. Tanguy, cf. Tanguy, 1990, p. 49.
199
A.D.L.A, B 1103, f°12 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 22.
200
J. Kerhervé cite ainsi le livre de la réformation générale des feux de Bretagne de 1426-1443 (A.D.L.A, B
2988) qui cite seulement trois trêves pour le Léon sur la quarantaine connue dans le diocèse à la fin de la
période moderne, cf. Kerhervé, 1985, t. 1, p. 27, note 17. Ce fait tient pour beaucoup à la nature des documents

28
pourtant mentionnée dès le XIe siècle comme faisant partie d‟une villa donnée par le comte de
Cornouaille à l‟abbaye de Quimperlé201, correspond elle déjà à une trêve ? Les sources qui
mentionnent à nouveau l‟église au XVe et au XVIe siècle n‟apportent pas non plus de
précision sur le statut de l‟édifice. Il en est de même pour Treffin cité pour la première fois en
1383 dans une bulle d‟Indulgence destinée « à ceux qui visiteront la chapelle N.D de Treffin
dans la paroisse de Plouguer »202. Devant une telle difficulté à cerner les réalités du bas
Moyen Âge, dans quelle mesure est-il permis d‟aller plus loin ?
Le chercheur possède quelques précieux indices. Le premier est la présence de l‟Hyères dont
le cours enserre les parties septentrionales et occidentales de Plouguer. Sa vallée profonde a
en effet dû constituer un sérieux obstacle à l‟extension de la paroisse. Au nord de cette rivière
se développe de plus le plou de Plounévézel dont la constitution est sans doute ancienne.
Cette création n‟a cependant pu venir que dans un second temps. C‟est ce que suggère son
déterminant« névezel » qu‟il faut rapprocher du latin novellus «nouveau »203. Suivant
l‟interprétation habituelle, elle pourrait être le démembrement de Poullaouen204, paroisse
primitive à laquelle il faudrait aussi rattacher les fondations plus récentes de Cléden, cité en
1105-1107205 et sa trêve Kergloff mentionnée en 1535206 qui bordent l‟Hyères à l‟ouest de
Carhaix. Il n‟existe pas d‟obstacle aussi important au sud mais la rivière reprise lors de la
construction du canal de Nantes à Brest a pu servir de limite. Au-delà s‟étendent les paroisses
de Motreff et Saint-Hernin, toutes deux citées vers 1330207. L‟origine de la première pourrait
aussi remonter au haut Moyen Age puisque son nom est composé à partir du vieux breton
« treb » qui est aussi considéré comme un gage d‟ancienneté208. R. Couffon, E. Vallérie et B.
Tanguy s‟accordent pour associer ce territoire à la paroisse de Plévin dont elle serait un
démembrement209. Reste le problème du développement oriental du Plouguer primitif sur
lequel pèse la discorde entre R. Couffon (fig.16) et E. Vallérie (fig.17). A en juger par la
toponymie, les paroisses qui s‟y développent sont des créations plus tardives dont on ne peut
malheureusement pas dater le moment de fondation. La première, Trébrivan, est citée pour la
première fois en 1294 dans le livre des Otz 210. Sa trêve, Le Moustoir, dont le nom suggère
l‟existence d‟un établissement monastique apparaît seulement au XVe siècle211. Enfin Maël-
Carhaix dont le nom pourrait provenir du gaulois mello « colline » est cité en 1264 (sous la
forme Medle)212. Peut-on intégrer ces territoires à celui de Plouguer ? Il semblerait
présomptueux ici de vouloir trancher de manière définitive, nous nous permettrons cependant
d‟effectuer deux remarques sur les deux solutions qui ont été envisagées.

conservés (financiers, aveux…) qui n‟ont pas de raison de donner de précisions sur le statut des paroisses et leurs
subdivisions.
201
Cartulaire de Quimperlé, acte XXXVIII, p. 137.
202
Peyron, 1908, p. 191. Le chanoine Peyron ne fait dans cette article qu‟un résumé de l‟acte nous n‟en
connaissons aucune édition nous permettant dans vérifier le contenu.
203
Suivant B. Tanguy « névézel »pourrait aussi correspondre à un antroponyme. Il remarque en effet la présence
dans la paroisse d‟un « tronévezel » (la vallée de Névezel ?) qui pose question, cf. Tanguy, 1990, p. 171.
204
Vallérie, 1986, p. 190, Tanguy, 1990, p. 181.
205
Cartulaire de Redon (a), acte CCCLXXVII, p. 332-333.
206
Deshayes, 1999, p. 4.
207
Pouillé de la Province de Tours, p. 301.L‟éponyme de Saint-Hernin, noté Sanctus Eherninus, est aussi le
patron de Pluherlin (Morbihan), mentionné sous la forme Plebs Huiernim en 833 et Plebs Hoiernin en 866, cf.
Cartulaire de Redon (a), acte VII, p. 8 et acte XCIII., p. 70.
208
Tanguy, 1990, p. 135.
209
Valérie, 1986, p. 193, Tanguy, 1990, p. 135.
210
Dom Morice, 1742-1746, col. 1114. Cette source évoque un certain « Henry de Trefbrivien ». Ce nom
pourrait signifier le « village de Pritman », cf. Tanguy, 1992, p. 323.
211
Ibid., p. 14. Suivant E. Vallerie le terme « Moustoir » est utilisé à partir au milieu du XIe siècle, cf. Vallerie,
1992, p. 249..
212
Ibid., p. 139. La paroisse est nommée Mezle vers 1330 et en 1368, cf. Pouillé de la Province de Tours, p.301
et 305.

29
Nous reprendrons tout d‟abord la critique d‟E. Vallerie pour qui la reconstitution de R.
Couffon « est principalement dictée par le souci d‟assurer un territoire comparable aux autres
primitives de la région»213. Cet avis est sans doute présenté de manière trop affirmatif mais il
nous paraît légitime de se demander s‟il n‟est pas inhérent à la démarche de R. Couffon de
restituer à Plouguer une étendue comparable à celle qu‟il avait proposée pour les autres
paroisses. Ce chercheur fait d‟ailleurs de la taille considérable des plou l‟une de leur
caractéristique principale. Si personne ne peut raisonnablement remettre en cause cet avis
qu‟avait déjà exprimé avant lui R. Largillière, celui-ci a pu aussi constituer un présupposé à la
réalisation de l‟étude de R. Couffon et a pu dans certains cas en biaiser le résultat. E. Vallérie
propose un modèle différent pour ses territoires considérés par son prédécesseur comme des
extensions de la paroisse primitive de Carhaix. Suivant celui-ci, Maël-Carhaix serait à
associer à Maël-Pestivien dont elle aurait hérité le nom. Cette homonymie semble être pour
l‟auteur un argument suffisant pour restituer une ancienne paroisse, dont le nom pourrait être
Maël214, qui regrouperait tous les territoires entre eux deux, c'est-à-dire Trébrivan et Le
Moustoir. Il faudrait donc adopter l‟idée d‟un territoire de Plouguer plus resserré qui ferait
exception à la règle des grands plou. Cette restitution d‟une paroisse à l‟extension limitée a
pour elle l‟intérêt de présenter un ensemble géographique cohérent. Suivant l‟auteur son
développement aurait même pu être conditionné par l‟existence d‟un noyau urbain à
Carhaix215. L‟explication peut paraître convaincante, mais pose tout de même encore
question. En effet, en l‟acceptant, nous supposons que le territoire mis en place au cours du
haut Moyen Age est encore celui existant en 1789. Nous aurions donc ici un remarquable
exemple de continuité depuis le tout début de la période médiévale qui ne peut qu‟inspirer le
doute au chercheur.
En vérité en l‟absence de sources écrites, il semble bien illusoire de vouloir donner des
frontières trop précises à ce territoire216. Même si la naissance des paroisses se fait dans un
contexte différent de la Basse-Bretagne, la situation qui a pu être analysée dans les autres
régions françaises invite à réfléchir. Elle nous montre qu‟au haut Moyen Age l‟ensemble du
territoire des évêchés n‟était pas recouvert de paroisses et qu‟il existait des zones ne
dépendant d‟aucun ressort ecclésiastique. Dans son travail sur le Vannetais où se côtoient
Plou et paroisses gallo-romaines, N. Y. Tonnerre arrive à des conclusions similaires. Une telle
situation n‟a-t-elle pas pu aussi exister en Cornouaille ?

1.3.2.3 Le Poher, un pagus du premier Moyen Age autour de Carhaix ?

Le Poher est le pagus mentionné le plus anciennement en Cornouaille. Il apparaît en effet à


de nombreuses reprises dans les actes du IXe siècle du Cartulaire de Redon sous les formes
Poucar, Poucaer ou Poucher217. Son étymologie ne fait guère de doute, son nom se compose
du préfixe vieux-breton pou ou po (correspondant au gallois pau, et au vieux cornique pou)
emprunté au latin pagus que l‟on retrouve ailleurs en Bretagne dans les noms de Poudouvre,
Poulet ou Porhoët218, et du suffixe caer dont le sens originel proche du latin castrum peut se

213
Valérie, 1986, p. 190.
214
Ibid., p. 191. A la différence de B. Tanguy, E. Vallérie considère Maël comme un hagionyme. A la faveur de
cette hypothèse nous pouvons constater qu‟il existe bien un culte de saint Maël en Bretagne et au pays de Galles,
cf. Loth, 1910, p. 84.
215
Ibid., p. 190.
216
C‟est l‟avis exprimé par D. Pichot sur les plou en général cf. Pichot, 2002, p. 72.
217
Riwallon comes Poucar est cité dans une charte de 839, cf. Cartulaire de Redon (a), acte CVII p. 81, Jedecael
princeps Poucher en 871, cf. Ibid., acte CCXLVII, p.199, et un document évoque aussi la donation de Lisbidioc
(non localisé) que est in Poucar en 895, cf. Ibid., acte CCLXVIII, p 217. La forme Paucherum apparaît dans les
Annales de Saint-Bertin, cf Annales Bertiniani, p. 125.
218
Tanguy, 2001, p. 371.

30
traduire par « endroit fortifié »219. Le « pays du lieu fortifié » donc, dont la désignation
dériverait directement de son chef-lieu Carhaix dont la paroisse primitive se nomme Plouguer
soit Plou-caer220.
Le ressort territorial du Poher primitif a été l‟objet de reconstitution assez différente par les
historiens (fig. 18). L‟avis qui a été le plus couramment partagé jusqu‟à présent est celui
qu‟avait pu donner R. Couffon dans son étude sur les pagi bretons en Domnomée. Pour cet
auteur, le Poher du haut Moyen Age correspond à un espace compris entre les Monts d‟Arrée
au nord, les montagnes noires au sud, l‟Aulne à l‟ouest et une limite orientale plus floue
correspondant à celle du pagus de Quintin221. Dans sa célèbre synthèse sur la Bretagne des
Ve-VIIIe siècles, A. Chédeville avait,lui, proposé une vision bien différente du Poher en lui
ajoutant une façade maritime avec le pagus castelli plus au nord traditionnellement placé
entre le Queffleut et le Douron. Pour l‟historien ce territoire tiendrait lui aussi son nom de
Carhaix (ou plutôt de Plouguer) et se serait séparé du Poher au moment de la création du
diocèse de Tréguier222. L‟hypothèse n‟a cependant guère été retenue jusqu'à présent. L‟auteur
ne présente, il est vrai, aucun élément décisif. Plus récemment, B. Tanguy a proposé de
restituer un Poher possédant, là aussi, une façade maritime en englobant cette fois le pagus du
Faou à l‟ouest223. Pour cette hypothèse, le toponymiste se base sur le rapprochement de deux
textes. Les Annales de Saint-Bertin tout d‟abord, qui rapporte pour l‟année 874 le voyage du
roi breton Salomon en Poher pour se retirer dans un petit monastère dans lequel il sera
finalement assassiné224. Et le récit de l‟historien du XVe siècle, Pierre Le Baud, qui, racontant
le même événement en se réclamant de « chronicques annaux », situe le lieu du meurtre à La
Martyre. Ce lieu, trêve de la paroisse Ploudiry, étant géographiquement placé dans le pagus
du Faou, on aurait donc ici la preuve que ces deux territoires ne font à l‟origine qu‟un. Le
pays du Faou ne serait pour B. Tanguy qu‟une création postérieure aux invasions
scandinaves225. Le doute demeure cependant puisque cette hypothèse se base sur le
témoignage postérieur de P. Le Baud qui, comme le constatait H. Guillotel, « a souvent
travesti les événements du haut Moyen Age breton, quand il ne les a pas inventés »226. Pour la
restitution de la frontière orientale du pagus, B. Tanguy remet aussi en cause R. Couffon. En
effet le pagus de Quintin, évoqué par ce dernier comme limite du territoire, n‟a pas de réalité
au haut Moyen Age, il s‟agit en fait d‟une seigneurie résultant du démembrement du comté
de Goëlo vers 1227. Il semble dès lors plus logique à l‟historien d‟étendre le Poher jusqu‟à
l‟Oust, frontière naturelle qui marque aussi les limites du diocèse de Cornouaille227. Pour
terminer, J. Quaghebeur a défendu dans sa thèse une conception du Poher radicalement
différente de celles évoquées précédemment puisque, selon elle, ce territoire ne fait qu‟un
avec la Cornouaille. Cette hypothèse de l‟historienne a pour point de départ une remarque
faite par H. Guillotel : «Les circonscriptions de Cornouaille et de Poher possèdent pour le
haut Moyen Age des caractéristiques communes si bien qu‟il est difficile de les distinguer

219
Ibid., p. 387-388, Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 300.
220
Ibid., p. 300, Tanguy, 2001, p. 388.
221
Couffon, 1944.
222
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 85.
223
Tanguy, 2001, p. 388.
224
Annales Bertiniani, p. 125 : Salomon dux Brittonum et messium inopiam reddidit nunciis quandoquidem
infirmus quandoquidem mortuus, certa relatione Karolo apud Compendium nunciatus est hoc ordine mortuus :
videlicet insecutus a primoribus Britonum Pascuitan et Vurhanat [...], quos valde affixerat et capto ac custodiae
mancipato filio eius Wigon, fuga lapsus, in Paucherum secessit et quoddam monasteriolum ingressus, ut se
liberare valeret circumventus a suis, quod a nemine Brittonum quiddam mali sustinere deberet, traditus est
francis homnibus Fulcoaldo et aliis.
225
Ibid., p. 389.
226
Guillotel, 1989, p. 202.
227
Tanguy, 2001, p. 388.

31
l‟une de l‟autre »228. Si le célèbre historien breton n‟étaye pas son propos au cours de ces
différents travaux, J. Quaghebeur s‟est substitué à son maître en apportant une démonstration
convaincante à bien des points de vues229. La documentation fait en effet apparaître un seul
grand aristocrate pour la Cornouaille carolingienne, le comte de Poher. Ce lignage dont
semblent être issus, entre autres, Nominoë, Erispoë et Salomon a pu être partiellement
reconstitué pour la période IX-Xe siècle230. Le titre qui leur est attribué a logiquement fait
penser à beaucoup d‟historiens que le pagus du Poher était, à la période carolingienne, le
ressort territorial d‟un comté. Cependant pour l‟historienne « la qualité de la noblesse de ceux
qui furent investis de la charge comtale en Cornouaille interdit de penser que leur fut confié
un ressort d‟autorité –bien trop modeste par son importance- qui aurait été une offense à leur
race ? »231. Comment expliquer aussi l‟absence d‟un comte de Cornouaille dans la
documentation contemporaine ? Mais outre ces questions, la preuve la plus convaincante est
apportée par la mention aux années 857-867de Rivelen comme rector Cornubiae dans la vie
de Guénolé du moine Clément232. Ce personnage connu par la suite comme comte de
Vannes233 étant sans doute le fils de Riwallon, comte de Poher, mentionné dans une chartre de
844234, il y a peut être l‟indice de l‟assimilation dans l‟esprit des contemporains entre
Cornouaille et Poher. Pour J. Quaghebeur, le Poher formerait donc en réalité un pagus major
subdivisé entre différents pagi minores connus par une documentation postérieure à la période
carolingienne mais qui décrivent une situation déjà ancienne235. Un problème se pose
cependant à cette restitution : dans quel pagus placer Carhaix et sa région ? Les auteurs se
confortent habituellement à penser que les divisions postérieures du diocèse de Cornouaille en
archidiaconés et doyennés reprennent en grande partie ce maillage de pagi suivant un
processus déjà constaté par J.F. Lemarignier pour les autres régions françaises236. Autour de
Carhaix nous retrouverons ainsi à la fin du Moyen Age central un doyenné de Poher qui
constitue lui-même une subdivision de l‟archidiaconé de Poher. Ces nouvelles
circonscriptions ne s‟appuient-elles pas sur un cadre territorial plus ancien comme c‟est le cas
pour les doyennés du Faou, de Cap-Sizun, Cap-Caval ou Fouesnant ? Dans ce cas, il serait
peut-être plus juste de considérer que le Poher, possible ressort originel du lignage des comtes
du IXe siècle, soit venu par extension à désigner l‟ensemble du territoire sur lequel s‟étendait
leur pouvoir237. En tout état de cause, le doute est ici de mise.

228
Guillotel, 1979, p. Cet avis est aussi exposé dans Chédeville, Guillotel, 1984, p. 232.
229
Quaghebeur, 2001, p. 121, Quaghebeur, 2002, p. 13.
230
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 232, 297-298. Nous n‟évoquerons pas ici la question du prince Conomor qui
semble avoir vécu au VIe siècle et que la tradition lie au Poher. Son traitement nous éloignerait bien trop de
notre sujet. Sur ce personnage cf. Chédeville, Guillotel, 1984, p. 75-77, Bourgès, 1996, Giot et alii, 2003, p.
113-114
231
Quaghebeur, 2001, p. 121.
232
Cartulaire de Landévennec (b), v. 12, p. 124 : Cognoscant Aelam jusserit ut facerem/Tempore quo Salomon
Britones rite regebat/Cornubiae rector quoque fuit Rivelen.
233
Cartulaire de Redon (a), acte XCVI, p. 72-73.
234
Ibid., acte CVII.
235
Tanguy, 2001, p. 388-392, Quaghebeur, 2002, p. 138-141. On connaît ainsi les pagi du Faou, de Porzay, de
Cap-Sizun, Cap-Cavall, Fouesnant, Trégunc et Carnoët. La destiné politique de ces subdivisions ne nous est pas
connue.
236
Couffon, 1944, Tanguy, 2001, Quaghebeur, 2002, p. 319, Lot, Fawtier dir., 1962, p. 186.
237
C‟est ce que semble suggérer B. Tanguy cf. Tanguy, 2001, p. 389. J.C. Cassard n‟est pas non plus convaincu
par l‟assimilation Cornouaille-Poher proposée par J. Quaghebeur : Cassard, 2001, p. 531 : « De façon me
semble-t-il curieuse, l‟auteur entend nous persuader que la Cornouaille du IXe se confondait avec le Poher : je
note que ce dernier nom joue cependant pratiquement aux abonnés absents dans les textes contemporains, alors
que l‟appellation concurrente- sous des graphies certes diverses- y figure bel et bien, et ses habitants avec. [...]
Alors, n‟aurait-il pas été plus évident d‟inverser les termes de la proposition de l‟auteur en faisant du Poher un
comté autour de Carhaix-comme le suggère avec force l‟étymologie (Poucher < Pagus Caer)-, terre natale de

32
1.3.2.4 Une première mention de Carhaix au IXe siècle

Cas relativement rare pour une ville de Basse-Bretagne, Carhaix pourrait être mentionné dès
la période carolingienne. En effet, suivant certains, c‟est à ce lieu qu‟il faut identifier le
Corophesium, cité dans les Annales de Lausanne pour l‟année 818. Le texte en question n‟est
en fait qu‟une courte ligne indiquant que Ludovicus imperator in Britannia fuit usque
Corophesium anno Domini 818238.
C‟est L. Fleuriot qui, le premier, a montré l‟intérêt de ce texte et proposé le rapprochement
entre Carhaix et Corophesium239. Hypothèse reprise par B. Tanguy qui en apportera
l‟argumentation en se basant sur la signification du mot Corophesium 240. Selon le linguiste, le
terme dériverait du latin quadruvium signifiant « carrefour » 241. De ce terme proviendraient
en effet les formes Carifes, Carofes ou Corophes qui sont toutes proches du nom Carahes
donné à la ville au XIIe siècle dans la chanson d’Aiquin242. L‟explication semble très
séduisante, d‟autant que la venue de l‟empereur en Cornouaille en 818 est bien documentée
(voir plus bas). Elle résout de plus le problème de la signification du nom de la ville qui a
longtemps monopolisé l‟attention des historiens. Cette question a ainsi donné naissance aux
hypothèses les plus farfelues comme celle de T. La Tour d‟Auvergne qui prétendait que ce
nom dérivait d‟un ancien Castrum Aetius et faisait ainsi référence au général vainqueur
d‟Attila243. Elle a aussi été l‟objet d‟un débat plus sérieux entre F. Lot pour qui le nom de
Carhaix se composerait de Caer et Osismii et J. Loth pour qui cette proposition est
linguistiquement incorrect244.
J.P. Brunterc‟h a cependant proposé une hypothèse concurrente à celle de B. Tanguy en
identifiant Corophesium à Coray245. Le rapprochement semble, là aussi, très pertinent puisque
le lieu semble avoir été un centre de pouvoir important au haut Moyen Age. Le cartulaire de
Landévennec mentionne en effet dans un acte du XIe siècle une Vicaria Choroe246. Cette
indication renvoie à une circonscription apparue à la période carolingienne dont les
attributions à la fois juridiques, administratives et aussi militaires sont dans le détail assez mal
connues en Bretagne247. Cette institution dont les mentions sont fréquentes dans le monde
carolingien est bien attestée dans le Nantais et le Rennais au cours de IXe-Xe siècle puisqu‟on
en compte 25 mentions dans le Cartulaire de Redon248. Le Cartulaire de Landévennec qui cite
encore 8 au XIe siècle montre sa survie, ou tout du moins son souvenir, au début de la période
féodale dans un autre comté même si son sens semble désormais mal compris par les

Nominoë et de tous ses héritiers politiques, devenu ensuite un simple pagus, un archidiaconé intégré à la
Cornouaille féodale dans des conditions mal connues en définitive ?».
238
Annales Lausannenses, p. 779.
239
Fleuriot, 1999, p. 33.
240
Tanguy, 1984, p. 100-101, Tanguy, 1990, p. 48.
241
Il existe de nombreuses localités françaises dont le nom dérive du latin quadruvium c‟est le cas de Charost
(Cher) noté Caroth en 1085 ou Charroux (Vienne), que l‟on connaît sous le forme de Karrofum en 789 et
Carrofense monasterium en 815, cf. Tanguy, 1984, p. 103.
242
Chanson d‟Aiquin, v. 2182, p. 84, v. 2208, p. 85.
243
Ogée, 1843, t. 1, p. 140-142, Halléguen 1863, p. 533.
244
Lot, 1900, p. 399, l‟article est suivie dans la même revue d‟une lettre de J. Loth à laquelle répond F. Lot,
avant que le linguiste consacre une partie de l‟un de ses articles à cette question, cf. Loth, 1903. Malgré la verve
bien connue de F. Lot, le chercheur ne peut que donner raison à son non moins illustre contradicteur sur cette
question.
245
Brunterc‟h, 1989, p. 48
246
Cartulaire de Landévennec (a), acte n°17, p. 559-560 : Tili Meuuer, Sent Iglur, Pencoett, in vicaria quod
vocatur Choroe.
247
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 238-239.
248
Guigon, 1993, p. 21.

33
rédacteurs des actes. En conséquence, l‟identification de Corophesium en Coray est donc, sur
le principe, tout aussi crédible que Carhaix. Le centre d‟une viguerie a pu tout naturellement
constituer un point de ralliement pour l‟empereur et son armée. Le problème vient à notre
sens de l‟explication étymologique retenue pour Coray qui ne semble guère s‟accorder avec
une forme ancienne en Corophesium249. Suivant B. Tanguy, ce nom« semble bien rappeler le
souvenir d‟un éponyme laïque ou religieux comme le suggère la terminaison –oe fréquente en
vieux-breton dans les noms d‟hommes [...] Le premier élément, qui peut correspondre au
vieux-breton cor signifiant troupe, groupe, clan, famille, apparaît avec un suffixe différent
dans le nom d‟homme Coriou au XIe siècle, et en composition dans le nom d‟homme
Coruueten au IXe siècle »250. En conséquence le rapprochement avec Carhaix, bien explicité,
nous semble ici plus probant.
La chance veut que l‟on soit ici bien documenté sur la venue du fils de Charlemagne en
Bretagne en 818. Les mentions de cette expédition sont en effet nombreuses, puisqu‟on la voit
apparaître, entre autres, dans les Annales royales251, la Vie de Louis Le Pieux par
l‟Astronome252 et surtout les Poèmes sur Louis le Pieux d‟Ermold Le Noir253. Ce dernier est
notre principal informateur sur cette campagne dont il explique les raisons et décrit son
déroulement. Il n‟est, par contre, guère précis sur la localisation des lieux traversés par son
armée en Bretagne, nous savons juste que celle-ci se réunit à Vannes avant de se diriger vers
le territoire du chef rebelle Murman (ou Morvan)254. Un diplôme, contenu dans le Vita
Winwaloei apporte cependant un indice précieux en relatant la rencontre en 818 à Priziac de
l‟abbé de Landévennec Matmonoc et l‟empereur255. Ce lieu, situé à la frontière des territoires
historiques du Vannetais et de la Cornouaille (actuellement dans le département du Morbihan)
à 26 km au sud-est de Carhaix, a logiquement fait penser que l‟expédition se donnait pour but
le sud-ouest de la péninsule bretonne256. Pour notre cas, il serait évidemment intéressant de
savoir à quel moment de l‟expédition s‟est faite cette rencontre à Priziac : est-elle antérieure
ou postérieure à la venue à Carhaix ? Suivant J. Quaghebeur, celle-ci n‟a pu avoir lieu
qu‟avant l‟intervention militaire, l‟empereur n‟ayant aucun intérêt à recevoir un représentant
ecclésiastique à la frontière d‟un territoire pacifié nouvellement257. A l‟inverse pour
l‟historienne, la venue à Carhaix, clairement située en Cornouaille, marquerait la fin de cette

249
On connaît une autre mention de Coray pour le XIe siècle, cf. Cartulaire de Quimperlé, acte XLVI, p. 143. Il
s‟agit d‟une charte de 1066-1085 dans laquelle Guiomarch fils de Numenoë, gravement malade dans sa domus
de Coroë, et son fils Duenerth donne le village de Kernoues en Clohars-Carnoët et la villa de « Caër
Kentlaman. »
250
Tanguy, 1990, p. 58. Un Coriou apparaît trois fois comme témoin à Quimperlé, cf. Cartulaire de Quimperlé,
acte CVII, p. 225, acte CVIII, p. 226 et acte CIX, p.228. Le nom Coruueten apparaît dans sept actes du
Cartulaire de Redon, cf. Cartulaire de Redon (a), acte XCVI, p. 73, acte CVI, p. 80, acte CLXIII, p. 127, acte
CLXXXVI, p. 144, acte CCVI, p. 159, CCXL, p. 188, acte CCXLIII, p. 195.
251
Annales Regni Francorum, p. 148 :Atque his ita dispositis ipse cum maximo exercitu Brittaniam adgressus
generalem conventum Venedis habuit. Inde memoratam provinciam ingressus captis rebellium munitionibus
brevi totam in suam potestam non mango labore redegit. Nam postquam Mormanus, qui in ea praetor solitum
Brittonibus morem regiam sibi vindicaverat potestatem, ab exercitu imperatoris occisus est, nullus Britto
inveniebatur, qui resisteret aut qui imperata facere aut qui obsides, qui iubebantur, dare rennueret.
252
Astronome, p. 623.
253
Ermold le Noir, p. 98-133.
254
Ibid, p. 120: Venedam adit tandem praeclarus Caesar, avito proelia more parat, ordinat atque duces.
255
:In eadem Britanniae provincia castra fixerat, super fluvium Elegium justa silvam quae dicitur Brisiaci, cf.,
Cartulaire de Landévennec (b), p. 75-76, Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 228. Si le document n‟est
évidemment pas d‟une « première main », il ne semble guère y avoir de doute sur son authenticité, cf.
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 222.
256
Les maigres indices livrés par ce document ainsi que la description du paysage breton donnée par Ermold Le
Noir ont souvent été utilisé par les historiens trop pressés de découvrir le lieu de résidence de Murman
qu‟évoque l‟auteur aquitain.
257
Quaghebeur, 2002, p. 25.

34
intervention et pourrait même être le lieu où Louis le Pieux reçut les serments de fidélité des
chefs bretons vaincus258. Hypothèse qu‟elle justifie par le passé romain de la cité, lourd d‟un
symbole pour le souverain soucieux « que l‟on gardât le souvenir que son armée avait ramené
ce territoire insoumis à l‟obéissance impériale »259. Cette proposition est évidemment
intéressante mais aussi très audacieuse ; elle nous semble aller un peu loin dans
l‟interprétation d‟une mention annalistique on ne peut plus lacunaire. Il faut néanmoins
concéder à l‟historienne que la conclusion de traités dans des « lieux de mémoire », connaît de
nombreux exemples au Moyen Age. Nous savons ainsi qu‟après la mort de leur père Charles
Martel, Pépin et Caroloman se rencontrèrent en 742 in loco vocatur Vetus Pictavis, c'est-à-
dire le Vieux-Poitiers (Vienne), où existait auparavant une agglomération secondaire
antique260. De la même manière, il y eut de nombreuses rencontres entre le roi de France et le
duc Normandie à l‟Ormeteau ferré à Gisors, à l‟emplacement de la nécropole de la ville
romaine261. Il s‟agit cependant de site abandonné, ce qui ne semble pas être le cas de Carhaix.
Cette venue de l‟empereur nous semble même supposer, au contraire, que l‟ancien chef-lieu
de cité possède encore une certaine importance au IXe siècle.

Pour terminer au moins symboliquement avec la période carolingienne à Carhaix, précisons


que de nombreux historiens du XIXe siècle ont cité un raid viking dans l‟agglomération en
878262. Souvent non justifiée, cette allégation viendrait suivant J. Cambry d‟Albert le
Grand263, hagiographe dominicain du XVIIe siècle. Cependant outre le caractère tardif de la
source invoquée264, le clerc ne souffle en vérité aucun mot de cet événement. Suivant un avis
récent, il semble que cette information ne soit qu‟une création de T. de la Tour d‟Auvergne au
XVIIIe siècle265. Toujours au sujet des normands, une interrogation plus sérieuse peut être
portée par le récit de la bataille tenue entre l‟armée Aiquin et les troupes Charlemagne devant
la cité de Carhaix donné par le Roman d’ Aiquin à la fin du XIIe siècle266. Comme l‟ont
montré les travaux de J.C Cassard, cette chanson de geste semble avoir conservé le souvenir
plus ou moins déformé de la présence viking en Bretagne267. Il semble pourtant difficile pour
notre cas d‟accorder grand crédit à cette mention de Carhaix pour laquelle aucun témoignage
n‟atteste une présence viking. Tout juste peut-on y voir, à la suite de J.C. Cassard, un écho de
la révolte avortée des cornouaillais face aux normands en 931 attestée par Flodoard sans que
l‟on puisse déterminer si elle a un quelconque rapport avec l‟agglomération268.

258
Ce serment des chefs bretons est évoqué par Ermold le Noir qui ne précise pas où il eut lieu, cf. Ermold le
Noir, p ; 132 : Regina frena petunt Brittones namque coacti, jam sobolesque genus Murmanis omne venita. Mox
Hludowicus ovans recipit Britonnica jura, dat jus datque fidem ; pax requiesque datur.
259
Quaghebeur, 2001, p. 117.
260
Bourgeois, 2000, p. 175-176.
261
Lemarignier, 1945, p. 87 et 91. Une première rencontre a lieu à Gisors en 965 entre le roi Lothaire et le duc
Richard Ier. Les faits se réitèrent en 1113 et 1119 entre le roi Louis VI et Henri Ier,
262
Cambry, 1979, p. 114, Fréminville, 1979, p. 216.
263
Cambry, 1979, p. 114.
264
Le Grand, 1837.
265
Ogée, 1843, t. 1, p. 142.
266
Chanson d’Aiquin, v. 2820-2898, p. 108-111.
267
Le récit se déroule pour une large partie dans la région d‟Alet où des installations normandes sont bien
attestées tant par les sources écrites que l‟archéologie et semble aussi travestir une série de personnages
historiques, cf. Cassard, 2002, p. 117, 121-125.
268
Flodoard, p. 50 : Interea Brittones qui remanserant.Nordmannis in Cornu Galliae subditi, consurgentes
adversus eos qui se obtinuerant, in ipsi sollemniis sancti Michaëlis omnes interemisse dicuntur qui inter eos
morabantur Nordmannos, caeso primum duce illorum nomine Felecan. Sur le lien hypothétique de cette mention
avec Carhaix, cf. Cassard, 2002, p. 119.

35
1.4Le Moyen Age central (XIe-XIIe siècle)

1.4.1 Un espace de pouvoir : la vicomté de Poher

Le Moyen Age central voit la naissance en Cornouaille d‟une importante seigneurie, la


vicomté de Poher. Cette entité nouvelle, dont l‟historiographie a fait de Carhaix le chef-lieu,
apparaît assez tardivement dans un acte de 1105-1107 relatant une donation de Tangicus
vicechomes de Poher à l‟abbaye de Saint-Sauveur de Redon269. Cette mention est unique, le
titre n‟apparaîtra jamais dans un document postérieur, ce qui explique sans doute en partie la
confusion de nombreux historiens pour établir la généalogie de lignage270. A. de La Borderie
considérait même que « les successeurs [de Tanguy] sont inconnus »271. Il revient à J.
Quaghebeur d‟avoir éclairci cette question272.
Point de départ de l‟enquête, menée par l‟historienne : ce vicomte Tangui cité dans le
Cartulaire de Redon. Ce dernier apparaît en fait à plusieurs reprises dans le recueil d‟actes de
Quimperlé. Il est, en effet, témoin en 1081-1113 de la donation de Cadoret fils d‟Alfred à
l‟abbaye273 et à nouveau en 1084-1113 lors du règlement d‟un conflit opposant le monastère
au duc Alain IV274. Il se présente aussi en qualité de donateur en 1084-1114, lorsqu‟il cède à
Sainte-Croix la terre de Pontbrient en Guiscriff sur laquelle s‟établira un prieuré275. Le
regroupement de ces quelques documents font apparaître un homme comptant parmi les
personnages les plus importants de la Cornouaille. Fidèle du duc et comte Alain IV, il est
aussi le protecteur et le bienfaiteur des sanctuaires de Quimperlé et de Redon. Il est, de plus,
marié à une certaine Hodiern dont il eut deux fils, Bernard et Elie. Parmi ceux-ci, seul le
premier semble avoir porté le titre de vicomte276. A la suite, les fils de Bernard, Tangui II puis
Rivallon II, reprendront cette titulature277. Enfin le dernier vicomte Rivallon III, est cité à
deux reprises entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle. Une première fois en
1194-1201 auprès de la duchesse Constance278 et une seconde fois en 1206 auprès de Guy de
Thouars279.

Mais si les héritiers de notre Tangicus vicechomes de Poher semblent bien identifiés malgré
un relatif vide documentaire au début du XIIe siècle, l‟enquête sur ses ascendances est par
contre moins aisée. Les sources concernant ce personnage n‟en soufflent aucun mot et c‟est
ici que le recours à l‟onomastique offre une aide précieuse. Suivant J. Quaghebeur, il faut
reconnaître le père de Tangui Ier dans le vicomte Bernard cité dans un acte du 1er août1088.
« Bernard » semble en effet être l‟un des nomen caractéristiques du lignage des vicomtes
puisqu‟il sera porté à plusieurs reprises par les successeurs de Tanguy. Plus anciennement
encore, il faudrait rattacher au lignage le vicomte Riwallon témoin d‟une donation de l‟évêque

269
Cartulaire de Redon (a), acte CCCLXXVII, p. 332-333.
270
Caraes, 1984, p. 119-120, Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 174.
271
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 79, note 5.
272
Quaghebeur, 2002, p. 379-389. H. Guillotel a aussi réalisé une étude de cette famille dont il a fait une
communication à la société archéologique du Finistère en 1990, cf. Tanguy, 1990 ; p. 397-398. On ne peut que
regretter que celle-ci n‟ait jamais été publiée.
273
Cartulaire de Quimperlé, acte L, p. 148-149. Cette notice rappelle la donation à Sainte-Croix de la villa de
Sant-Alarun en Guiscriff par Cadoret au moment de son entrée en religion.
274
Ibid, acte LXXIV, p. 220-221.
275
Ibid., acte XLI, p. 230-231. Il s‟agit d‟une confirmation de donation à Quimperlé par la duchesse Constance.
276
Cartulaire de Quimperlé, acte XCIII, p. 248. Le vicomte Bernard ne fait ici l‟objet que d‟une brève mention
dans un acte de l‟un de ses fils.
277
Ibid., acte XCIII, p. 248, acte XCIV, p. 249, acte XCVI, p. 250-251.
278
Cartulaire de Quimper, acte n°14, p. 177-179.
279
Dom Le Duc, 1863, n°XXIX, p. 608, Charters of duchess Constance, Gu 12, p. 151.

36
de Tréguier à l‟abbaye du Mont Saint-Michel en 1086280. Comme nous venons de le voir, ce
nom de Rivallon est très présent parmi les membres du lignage et constitue donc un bon
argument pour y rapporter ce personnage. Enfin, s‟il on en croit les études menées par H.
Guillotel, il est possible de remonter encore plus loin dans les origines de cette famille que le
propose J. Quaghebeur. Celui-ci a, en effet, émis l‟hypothèse d‟un lien entre notre lignage et
celui des seigneurs châtelains de Dol-Combourg. Dans son étude sur les vicomtes d‟Alet,
l‟historien évoque, sans le développer, l‟existence d‟un Alveus vicomte de Poher281. Cet
homme apparaît en effet comme témoin d‟une donation de Rivallon de Combourg à
Marmoutier282. Notre vicomte serait de plus l‟époux d‟Havoise, fille de Riwallon. Au premier
abord, il semble cependant difficile de prouver le rattachement de ce Alveus au lignage des
vicomtes de Poher. En effet à la différence de Rivallon ou Bernard, ce nom ne sera porté par
aucun des descendants de Tangui. Mais l‟hypothèse a cependant pour elle un argument de
poids puisqu‟elle explique l'introduction du nom Riwallon dans la famille. Celui-ci pourrait
être la conséquence du mariage entre Alveus et Havoise qui apporterait ce nomen
caractéristique des seigneurs de Dol-Combourg.

En dehors de ces questions de généalogie qui ne nous intéressent ici qu‟indirectement, il est
plus important pour notre sujet de nous interroger sur l‟étendue territoriale de cette vicomté de
Poher. Dans sa thèse, J. Quaghebeur donne à cette question une réponse radicalement
différente de ce qui avait pu être donné jusqu‟à présent en niant l‟existence d‟une vicomté de
Poher en tant qu‟entité territoriale. L‟historienne base cet avis sur deux constatations
principales. La première est la coexistence de deux familles vicomtales à la fin du XIe siècle
(ceux du Faou et de Poher283) pour le seul comté de Cornouaille. Comme l‟avait déjà analysé
H. Guillotel pour le lignage de Léon, le titre de vicomte renvoie à une institution d‟origine
carolingienne284. A la fois auxiliaire et suppléant du comte en cas d‟absence, celui-ci n‟a pas à
l‟origine d‟autre ressort territorial que le comté lui-même et suivant J. Quaghebeur à « un
comté correspondait un vicomte »285. A cette incohérence, l‟historienne apporte une
explication : notre famille de Poher qu‟elle pense issue de la maison des vicomtes de Vannes
ne serait venue s‟installer en Cornouaille qu‟à la faveur d‟une alliance matrimoniale. La
seconde constatation est le problème que pose l‟indication « Poher » dans la titulature du
vicomte, puisque celui-ci est pour l‟historienne un synonyme de Cornouaille. Si ces deux
termes évoquent bien la même entité, on ne peut donc concevoir l‟existence d‟une vicomté de
Poher en tant que territoire. Selon elle, l‟apparition du titre (dans un acte d‟ailleurs unique)
s‟expliquerait davantage par le mariage de Tanguy Ier avec Hodiern, probable descendante du
vicomte Diles du Xe siècle dont il aurait simplement repris la titulature. Cette hypothèse ne
nous paraît cependant pas acceptable. L‟existence au XIe siècle de deux vicomtes pour un
même territoire n‟a rien exceptionnel. La situation peut trouver des comparaisons dans le
comté de Nantes où coexistent au XIe siècle les vicomtes de Migron et Donges 286ou dans le
comté de Rennes qui a donné naissance au vicomte de Porhoët et d‟Alet287. Il nous faut
cependant concéder que seul un vicomte de Cornouaille est cité dans l‟acte de donation à
Landévennec d‟Alain Barbetorte, dans le second quart du Xe siècle ; la situation a-t-elle

280
Dom Morice, 1742-1746, col. 460. L‟évêque cède au monastère normand le Mont Hyrglas identifié par J.
Quaghebeur au prieuré Lokmikaël en Elliant cité dans un aveu de 1551 (A.D.F. 9 H 4 et 6), cf. Quaghebeur,
2002, p. 383.
281
Guillotel, 1988, p. 215.
282
Dom Morice, 1742-1746, col. 425-426.
283
Sur les vicomtes du Faou, cf. Quaghebeur, 2002, p. 368-379.
284
Guillotel, 1971, p. 37.
285
Quaghebeur, 2001, p. 122.
286
Tonnerre, 1994, p. 336-339 et 343-344, Tonnerre, 2004, p. 44.
287
Guillotel, 1989, Guillotel, 1995.

37
changée par la suite ? L‟installation d‟un ramage de la maison des vicomtes de Vannes en
Cornouaille évoquée par l‟auteur apporterait évidemment une réponse satisfaisante288. Enfin,
s‟il existe un indice permettant de supposer une confusion entre Poher et Cornouaille à la
période carolingienne, aucun texte ne nous démontre que celle-ci est encore une réalité aux
XIe-XIIe siècle289. Tout au contraire, un acte du Cartulaire de Redon précise qu‟un marchand
de Landugen en Duault peut commercer librement en Cornouaille et en Poher : Negociator
vero Sancti Tutiani per Cornugalliam et per Pochaer solutus est ab omni debito sed cum
redierit domum290. L‟indication laisse donc supposer que les deux termes désignent deux
ensembles différents. Un second document, non cité par J. Quaghebeur, nous semble
d‟ailleurs prouver l‟existence d‟une vicomté de Poher en tant que territoire. Il s‟agit d‟un acte
de 1262 relatant la concession au duc par Hervé fils de Salomon 291d‟une terre qu‟il avait
reçue « en saisine en la vicomté de Pohaer »292. Cette source est certes plus tardive que la
période traitée ici mais semble bien garder le souvenir de cette seigneurie à ce moment
disparue puisque aucun vicomte n‟est mentionné après 1206.
Mais si une vicomté de Poher a existé quel a pu en être le ressort exact ? Dans sa
monumentale « Histoire de Bretagne », A. de la Borderie considérait que cette seigneurie
« formait un grand territoire arrosé par l‟Aulne et ses affluents, long d‟environ douze lieues de
l‟est à l‟ouest, large de sept à huit du nord au sud, comprenant 56 paroisses et trêves »293. Si
cette présentation peut avoir une certaine réalité pour les XIe-XIIe siècles, elle ne se base
cependant que sur des documents qui lui sont postérieurs (fig. 19)294. Un tableau plus juste
pourrait être tenté en regroupant les différentes mentions de donations faites par les vicomtes
au cours de cette période, mais devant le nombre relativement réduit de celles-ci, l‟enquête
s‟avère décevante. Parmi leurs possessions, nous notons seulement autour de Carhaix la
paroisse de Cléden-Poher et Collorec, trêve de Plonévez-du-faou295. En dehors des frontières
habituellement attribuées au Poher, la famille possède par contre la terre de Pontbrient en
Guiscriff qu‟elle cède à Sainte-Croix en 1084-1114296. Cette donation a d‟ailleurs souvent
heurté les historiens, et a été à l‟origine de la création historiographique du lignage des

288
En attendant l‟étude sur les seigneurs d‟Hennebont-vicomtes de Vannes de J. Quaghebeur, cf. Tonnerre,
1994, p. 359-361.
289
Le prince de Cornouaille par exemple ne reprend jamais le titre de comte de Poher.
290
Cartulaire de Quimperlé, acte XXXVI, p. 136. Le document (lacunaire) n‟est pas daté par les éditeurs du
Cartulaire, il apparaît cependant en appendice d‟une notice de 1083-1103 dans laquelle le duc Alain IV confirme
la donation, faite par son père Hoël, de Landugen à l‟abbaye, cf. Ibid., acte XXXV, p. 134-135.
291
Il s‟agit d‟un membre de la famille de Lesquelen, branche cadette des seigneurs de Léon, cf. Le Gall Tanguy,
2005, p. 17-19.
292
Dom Morice, 1742-1746, col. 986 : « A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Hervé le fieuz Palemon de
Léon, salut en nostre Seignour. Sachiez que nous déguerpimes et quittames pour nous e pour les nouz à nostre
chier Seignour Jehan duc de Bretaigne et ses hiers à jamais afin héritaige à portaer tote la terre que nous eumes
en saisine en la vicomté de Pohaer, e tote la dreiture que nous avoins en icelle terre, e devions avoir ; e que se
soit ferme et stable, e que noz ne puissions james venir encontre nous de les nouz, nous li donames ces présentes
lettres à nostre sael scellëe. Ce fut donné en l‟an de grâce MCCLXII ou mois de mars ». Pour apporter un doute à
nos propos précisons que nous ne savons pas s‟il existe toujours l‟original ou tout du moins une copie nous
permettant d‟apprécier l‟exactitude de la retranscription communiquée par Dom Morice. Précisons que les
seigneurs de Léon possédaient aussi des biens en Poher avec la paroisse de Plouyé, cf. Kernévez, Morvan, 2002,
p. 287, 298.
293
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 79.
294
La présentation de A. de La Borderie se base avant tout sur la description de châtellenies qui ne sont que des
réalités du bas Moyen Age. Nous y reviendrons.
295
Cartulaire de Redon (a), acte CCCLXXVII, p. 332-333.
296
Cartulaire de Quimperlé, acte XLI, p. 230-231 : Tangui vicecomes dedit de terra filii sui Bernardi et uxoris
sue Hodiern pro redemptione anime sue et suorum villam que dicitur Pons Brien, Fravalo, monacho,
Haemerico, abbati Kemperlegiensis abbatie in perpetuum possidendam.Hoc donum concesserunt predicti
Bernardus et Hodiern mater ejus predicte abbatie.

38
vicomtes de Gourin que l‟on a voulu différencier de ceux du Poher297. Mais celle-ci peut
aujourd‟hui trouver une autre explication, puisque, comme l‟a supposé J. Quaghebeur,
Guiscriff a pu être le centre des possessions du lignage d‟Alfred. En épousant une de ses
héritières, Tangui Ier a pu obtenir une partie de ses terres dont il a fait donation avec d‟autant
plus de facilité qu‟elles étaient situées à la périphérie de sa seigneurie298. En tout cas, l‟assise
territoriale de nos vicomtes aux XIe-XIIe siècles ne peut être appréciée dans le détail. Tout
juste peut-on suggérer qu‟elle formait un domaine important autour de Carhaix qui sera repris
et divisé lors de l‟établissement des châtellenies ducales de Carhaix, Huelgoat et Châteauneuf-
du-Faou299.

1.4.2 La situation de Carhaix au Moyen Age central

La situation de Carhaix aux XI-XIIe siècles constitue une des questions essentielles de
l‟histoire de la ville mais aussi une des plus difficiles au regard du nombre de textes et de leur
interprétation souvent délicate.
Pour ce dossier, les sources diplomatiques sont ici les plus intéressantes mais aussi les moins
nombreuses puisque l‟on ne compte habituellement que deux actes se rapportant à Carhaix.
Le premier, daté 1081-1084, contenu dans le Cartulaire de Quimperlé300, répertorie les
donations faites par le duc et comte de Cornouaille Hoël au monastère Sainte-Croix pour la
création du prieuré de Landugen avec, parmi celles-ci, une « villa près de Caer Ahes où se
situe l‟église de Sancti Kivagi »301. L‟identification de Carhaix en Caer Ahes ne semble guère
faire de doute. La mention de la Sancti Kivagi ecclesia doit correspondre à la chapelle Saint-
Quijeau près de la ville notée « Saint Ygeau » en 1423302 et « Saint-Quigeau » en 1485303 et
en 1539-1542304. Seul J. F. Caraes a remis en cause cette identification avant tout parce
qu‟elle contredisait son hypothèse d‟une renaissance de la ville par la fondation du prieuré
Saint-Nicolas en 1105-1108305. Son argumentation n‟est cependant guère convaincante ; il
propose ainsi de reconnaître Caer Ahes « en ce lieu nommé Caraesic (petit Caraes), situé en
Lanvénégen, trêve de Guiscriff relevant de l‟abbaye de Quimperlé (comme la paroisse de
Saint-Thurien toute proche) et auprès duquel on rencontre un manoir nommé « Saint-
Quigeau »306. Les mentions de ces différents lieux sont cependant récentes et cette proposition
conduirait à douter de l‟identification de la tribum Sancti Tutuani cité dans le texte à Landujen
en Duault à l‟est de Carhaix qui semble pourtant assuré même pour cet auteur.
Le second acte contenu, lui, dans le Cartulaire de Redon fait l‟objet de plus de débat. En voici
la traduction donnée par le chanoine Peyron à laquelle nous avons apporté quelques
rectifications :

297
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 79-90.
298
Sa femme Hodiern est d‟ailleurs directement mentionnée dans cet acte de donation ce qui peut laisser
supposer qu‟elle en était partie prenante.
299
Un reflet remarquable de la situation géographique des possessions des vicomtes à l‟est du comté peut être
trouver dans leur absence total des actes du Cartulaire de Landévennec alors qu‟ils sont au contraire très présent
à Quimperlé. A l‟inverse les vicomtes du Faou n‟apparaissent jamais dans les actes du monastère Sainte-Croix.
300
Cartulaire de Quimperlé, acte XXXVIII, p. 137, Dom Lobineau,1707, t. 2, col. 119, Dom Morice, 1742-1746,
col. 431, Dom Le Duc,1863, p. 114-115.
301
Voici le texte de la notice: Addivit preterea predictic comes Hoël, quando tribum Santi Tutiani 301 prescripto
Sante Crucis monasterio attribuit, quandam villam juxta Caer Ahes, in qua est Sancti Kivagi ecclesia 301, eodem
dono et liberalitate quietam, illis testibus existentibus qui in ipsius Sancti Tutiani cartula prenotati sunt, cujus
terre redditio hec est.
302
Deshayes, 2003, p. 41.
303
A.D.F., 13 H 26, Jegou du Laz, 1898, t. 1, p. 425-426.
304
A.D.L.A, B 1103, f°16 V°, Le Mével, 1999, t.2, p. 27-28.
305
Caraes, 1984, p. 126.
306
Ibid., p. 125.

39
« Nous avons tenu à insérer ici le don digne de mémoire que Tangui, vicomte de Poher, fit à
Saint-Sauveur pour l‟âme de ses père et mère et pour sa propre conservation, ainsi que celle
de ses frères et de ses enfants. Lors de la tenue de l‟assemblée ordinaire de la noblesse
bretonne à Redon, par devant le prince Alain, le vicomte Tangui, assistant au service divin
dans l‟église du monastère, voulant se recommander aux prières des religieux, leur donna
toute la terre que sa mère possédait près de son château (Peyron voit dans le terme Castellum
le nom de Carhaix et non une forteresse), le droit sur le sel en son marché, la dîme de tous les
revenus sur les blés, les moulins, le droit de pâture et de chasse et le droit sur les orges servant
à la fabrication des boissons fermentées. Cette donation fut faite en chapitre, Dieu en est
témoin, et comme un monastère a été bâti sur la dite terre et dédié au Sauveur du monde, il
donna aux religieux qui devaient y servir Dieu, la dîme de la paroisse de Cléden qu‟il
possédait par héritage, et de plus la dîme de Collorec. Son épouse Omnio307 donna la dîme de
son moulin, et à leur exemple Alfred, fils de Diles, donna par testament le terrain qu‟il
possédait en face du monastère, du consentement de son frère Landran et Madec, qui
l‟occupait. C‟est ainsi qu‟Even, fils d‟Halenaw, voyant la mort prochaine, donna le terrain
qu‟il possédait devant le château.
Les témoins de ces diverses donations furent Tanguy, vicomte, Guethenoc, Fortis, Hilarius et
Thebaldus ses frères et ses fils Bernard et Héli, Daniel, Collober et ses frères Bernardus et
Rodaldus, Gorlois et ses fils Bleunluet et Guihomarcus, Killai Rufus, Donvalonus Flo, Killai,
Pengam ; les clercs Morvan, Nannesuc, Marchant, Evenus, Louor, Eudon, abbé, et Merianus,
le scribe. Tout ce que dessus fut confirmé par le très bienveillant Evêque de Quimper Benoit
sur les instances de Walter, le vénérable abbé de Redon. Que la grâce du Seigneur soit le
partage de ceux qui respecteront cette libéralité308. »
Ce texte daté, par H. Guillotel entre 1105 et 1107, a généralement été interprété comme l‟acte
de fondation du prieuré Saint-Nicolas de Carhaix. Le premier à proposer ce rapprochement fut
Dom Lobineau au début du XVIIIe siècle, suivi par tous les éditeurs de la charte tel Dom
Morice en 1742-1745 ou A. de Courson en 1863 ainsi que par la plupart des historiens du
XXe siècle. Si elle n‟est jamais expliquée, l‟origine de cette hypothèse semble facile à
comprendre. L‟acte relate la donation à Redon de terres situées près du château du vicomte de
Poher. Carhaix étant généralement présenté comme le chef-lieu de ce pagus, il était logique
de placer le château du vicomte dans cette ville et faire du monastère nouvellement fondé le
prieuré Saint-Nicolas. Cette hypothèse a cependant été récemment remise en cause par H.
Guillotel et J. Quaghebeur nous obligeant à apporter un regard plus critique sur cet acte.

307
La mention d‟une épouse de Tanguy appelé Omnio nous semble poser problème puisque le vicomte a pour
épouse Hodiern dans l‟acte XLI du Cartulaire de Quimperlé.
308
Cartulaire de Redon (a), acte CCCLXXVII, p. 332-333, Dom Morice, 1742-1745, col. 514, Caraës, 1984, p.
133-134. Voici le texte originel : Donum memoria dignum quod Tangicus vicechomesde Poher, pro anima partis
sui et matris, et pro salute sua, fratum ac filiorum sancto Salvatori dedit, huic paginulae inserere studuimus.
Congregata apud Rotonum, ut moris erat, coram Alano principe curia omnium nobilium Britanniae, Tangicus
vicechomes audiens in Ecclesia dei servitium et religionem Monachorum, commendavit se orationibus eorum; et
dedit eis terram totam quam mater sua juxta Castellum habuerat et salagium, mercati sui et omnium reddituum
suorum decimam, id est annonarum, molendinorum, pasnagiorum, venationum, brascimorum. Data sunt haec in
capitulo teste Deo; aedificato autem in supra dicta data terra monasterio in honore Salvatoris mundi dedit
servitoribus ejus decimam parrochiae Cleven quam jure hereditario possidebat, et decimam Choroloc dedit et
uxor sua Omnio decimam molendini sui. Exemplo quorum Alfredus fil, Diles moriens dedit terram suam quam
ante monasterium habebat, annuentibus Landram frate ejus et Madloir qui eam tenebat. Similiter Evenus filius
Halenau timens mortem dedit suam terram quam coram Castello habebat. Horum testes Tangicus Vicecomes.
Guethenocus et Fortis. Hilarius et Thebaldus frates, filii Tangici, Bernardus et Helit. Daniel Collober et frates
ejus, Bern. Et Rodaltus t./ Gorloios t. Blenluet et Guihomarcus filii ejus t. Killai Rufus t. Donwollonus Flo.t
Killaï Pen-Gan. t. Morvan Nannesuc Marchant, Evenus Lovor t. De Clericis Eudonus Abbas t. Meronius
scriptor t. Haec omnia confirmavit benignissimus Benedictus Chorisopit. Episcopus rogante eum venerabili
Abbate Rotonensi Walterio. Gratia Domini sit servantibus ea. Amen.

40
H. Guillotel, dans son étude non publiée, sur les vicomtes de Poher, avait proposé d‟identifier
le château mentionné dans cette charte non pas à la forteresse de Carhaix mais à celle proche
de La Roche en Cléden-Poher. Nous ne connaissons pas les arguments de l‟auteur pour
proposer cette identification et J. Quaghebeur qui reprend cette hypothèse n‟en donne pas
davantage309. Le site en question est une résidence aristocratique installée sur les bords de
l‟Aulne, se composant d‟une enceinte rectangulaire aux angles arrondis de 90 x 48 m et d‟une
motte de 40 m de diamètre à sa base et 15 mètres de haut implantée à l‟extrémité ouest de
l‟ouvrage310. Aucun document ne présente clairement les vicomtes de Poher comme les
propriétaires de la forteresse. La première mention du site dans un acte du Cartulaire de
Quimperlé datée entre 1081-1114 n‟apporte guère d‟information sur ce sujet311. Cependant les
droits héréditaires du lignage sur la paroisse de Cléden présentée dans la chartre qui nous
intéresse ici rendent cette hypothèse tout à fait probable.
J. Quaghebeur met, par contre, en avant trois arguments pour remettre en cause
l‟identification de ce château à celui de Carhaix. Premièrement le nom de la ville lui-même
qui n‟apparaît pas directement dans l‟acte. Certes le chanoine Peyron ou encore J. F. Caraes
avait proposé de voir dans le terme castellum utilisé dans l‟acte non pas un château mais le
nom de la ville. Ces auteurs se basaient sur le nom de la paroisse de Plouguer dans lequel on
retrouve le mot Caer, équivalent du latin castrum, qui serait, suivant eux la dénomination
primitive de Carhaix. L‟hypothèse n‟est cependant pas acceptable, puisque l‟ancien chef-lieu
de cité est déjà appelé Caer Ahes à la fin du XIe siècle. Ce problème, s‟il pose évidemment
question, ne paraît néanmoins pas un argument déterminant ; il est vraisemblable que, pour le
rédacteur de la charte, la localisation du château du vicomte (qu‟il s‟agisse de Carhaix ou la
Roche en Cléden-Poher) allait de soi et n‟imposait pas de précision géographique. Le second
argument avancé par l‟historienne est la dédicace à Saint-Sauveur donnée pour le monastère
fondé près du château du vicomte qui est différente de celle du prieuré de Carhaix. Un
changement de patronage ne serait pas évidemment impossible (même si ce phénomène reste
rare) mais nous ne pouvons que constater la force du vocable choisi puisque, pour reprendre
la formule de J. Quaghebeur, « saint Nicolas, se serait sentie bien humble devant son seigneur
et aurait refusé que ce dernier eut à effacer devant lui »312. Mais c‟est le troisième argument
avancé par l‟auteur qui nous paraît ici le plus troublant. Ce dernier se base sur la notice de
1081-1084 précédemment citée, relatant la concession à Quimperlé par le duc Hoël des
domaines de Landugen et de l‟église de Saint-Quijeau qui prouvent donc que le comte de
Cornouaille est propriétaire de terres au centre même du Poher. A. La Borderie avait déjà
constaté ce problème, et avait conclu que la concession du pagus à un vicomte ne se serait
effectuée que par la suite313. L‟historienne de la Cornouaille fait valoir que les biens concédés
anciennement par leurs prédécesseurs à l‟abbaye de Quimperlé seront confirmés à deux
reprises, la première par Conan III le 8 septembre 1146314 et par la duchesse Constance le 6
octobre 1184315. Suivant cette chercheuse nous aurions ici la preuve que le secteur de Carhaix
serait resté dans le patrimoine de la maison ducale316 et que, par conséquent, l‟édification d‟un
château relevant du vicomte de Poher dans cette ville est improbable.
Malgré cette brillante démonstration, le doute semble encore permis pour deux raisons. D‟une
part parce que le prieuré Saint-Nicolas à Redon est la seule dépendance de l‟abbaye dans le

309
Quaghebeur, 2001, p. 125.
310
Kernévez, 1997, p. 58.
311
Cartulaire de Quimperlé, acte n° LXXI, p. 178. La charte ne mentionne que la mort de Simon, fils de Cariou
apud rupem Cletguenn.
312
Quaghebeur, 2001, p. 126.
313
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 79.
314
Dom Le Duc, 1863, n°XIX, p. 598-599.
315
Ibid., n°XXIV, p. 602-603, The Charters of duchess Constance, C3, p. 45-46.
316
Quaghebeur, 2001, p. 125.

41
diocèse de Cornouaille au XVIe siècle317. Hormis un éventuel établissement à Quimper, la
documentation ne nous fait connaître aucune autre possession de l‟abbaye antérieure à cette
période dans ce diocèse. D‟autre part il n‟existe ,à notre connaissance, aucune installation
monastique dans les environs de Cléden-Poher susceptible de convenir à celle évoquée dans la
chartre à moins de considérer que celle-ci ait disparu assez rapidement318.
Il nous paraît ici intéressant d‟ajouter une autre pièce au dossier guère étoffé de l‟histoire de
Carhaix au Moyen Age central. Il s‟agit de la mention de l‟obedientia sancti Tremori in
Corisopito civitate dans une bulle pontificale de 1147 confirmant les possessions de l‟abbaye
de Redon319. Le terme obedientia qui renvoie à une dépendance monastique modeste, la
prééminence de Redon et surtout la dédicace à saint Trémeur paraîtrait bien s‟appliquer au
prieuré de Carhaix. La difficulté vient de la localisation de l‟établissement donnée par le texte
puisque l‟indication Corisopito civitate pose un problème de sens. Le nom Corisopitum nous
renvoie à la titulature de l‟évêque de Cornouaille qui se présente pour la première fois en
1064 comme Corisopitensis presul320. Comme l‟a démontré B. Tanguy, ce nouveau
qualificatif provient de la Notitia Dignitatum qui mentionne la civitas Corisopitum (leçon
fautive de civitas Coriosolitum) que l‟évêque de Quimper s‟est approprié afin de prouver
l‟ancienneté de son siège321. Par extension, ce nom en est venu à désigner la ville de Quimper
elle-même, comme le prouve un acte de 1128322. Il existe donc deux sens possibles pour
l‟expression Corisopito civitate qui désigne soit Quimper soit le territoire diocésain ce qui
laisserait l‟identification du prieuré de Carhaix possible. Il faut cependant concéder que la
première solution semble la plus probable. J. Quaghebeur a en effet attiré l‟attention sur l‟acte
de 1128, précédemment cité, relatant la venue la venue de l‟abbé de Redon apud
Chorisopitum afin de régler le conflit qui l‟oppose à l‟abbé de cette ville323. Or parmi les
témoins de l‟acte se retrouve un Gradlonus noté comme sacerdos et un Caraduc prefectus
abbatis qui pourrait ne faire qu‟un respectivement avec le Gradolonus prior sancti Tremori et
le Karadocus ejus monachus cités dans une charte de 1148 instrumentée à Quimper324.

En dehors des sources diplomatiques, nous retrouvons de nombreuses mentions de Carhaix


dans des œuvres littéraires de la seconde moitié du XIIe siècle qui ont pu être répertoriées par
J. F. Caraes325. La plus remarquable pour notre sujet est sans doute la Chanson d’Aiquin qui
est datée de la fin du XIIe siècle. Carhaix y occupe une place de choix. Elle est en effet
personnifiée par Ohès et surtout sa femme Ahès à qui le récit attribue la contruction du
« grand chemin ferré-Par où alast a Paris la cité »»326. Mais elle est aussi citée plusieurs fois
en tant que ville sous les formes « Carahes »327, « Charahes »328, « Quarahès »329 et

317
A.D.I.V., 3 H 7 A.D.L.A., B 803 Guillotin de Corson, 1997, p. 177-180. Le document le plus ancien
conservé concernant le prieuré Saint-Nicolas de Carhaix date de 1446, cf. A.D.I.V., 3 H 116 (il subsiste
l‟original et une copie moderne).
318
L‟église paroissiale de Cléden est dédiée à l‟Assomption de Notre Dame ce qui semble il est vrai un vocable
assez tardif, nous retrouvons aussi sur le territoire de la paroisse une chapelle du Mur. Dans les environs il faut
noter par contre un toponyme Saint-Sauveur à Saint-Hernin mais celui-ci provient de l‟ancien couvent des
Carmes déchaussés qui se sont installés en ces lieux en 1644 cf. Mussat dir., 1969, p. 37, 41, 72-73.
319
Tanguy, 2005, p. 11. (Nous n‟avons pas retrouvé d‟édition complète de ce texte)
320
Cartulaire de Quimper, p. 39.
321
Tanguy, 1984, p. 113.
322
Cartulaire de Redon (a), acte n°CCCL, p. 302.
323
Quaghebeur, 2002, p. 292-293.
324
Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 595-596.
325
Caraes, 1984, p. 122-123.
326
Romain d‟Aiquin, v. 860-903, p. 35-36.
327
Ibid., v. 2182, p. 84 et 2208, p. 85.
328
Ibid., v. 2191, p. 84, 2845, 2916.
329
Ibid., v. 82, p. 5 et 867, p. 35.

42
« Carhès »330. L‟auteur y évoque même, à deux reprises, la présence de fortifications :
« D‟ilec s‟en sont à Charahès alé, Drecent les murs reparent les fousé » et « Que à Carhès est
alé hosteler-le chastel a fort fait adrecer »331. L‟utilisation de ce type de source est
évidemment toujours délicate, mais nous pourrions bien avoir ici le premier témoignage de
l‟existence d‟un château à Carhaix. Le nom de la cité apparaît aussi très fréquemment dans
les romans arthuriens. Un chevalier « Carahès », possible personnification de la ville, est ainsi
cité vers 1170 par Chrétien de Troyes dans Erec et Enide332. Plus intéressant encore, nous
voyons le roi Marc jurer par «« Tresmor de Cahares» dans le Tristan de Béroul333. Cette
indication déjà relevée par J. F. Caraes, avait suscité l‟étonnement de l‟historien, qui la
considérait comme anachronique, indiquant que « le prieuré Saint-Nicolas ne devient
collégiale Saint-Trémeur qu‟en 1371 »334. Voilà une curieuse remarque de la part du
chercheur ; nous voyons mal comment Béroul aurait pu être au courant d‟un changement de
statut qui ce serait effectué deux siècles après lui335. Il serait par contre intéressant de pouvoir
assurer que cette mention renvoie bien à l‟établissement religieux de Carhaix, puisqu‟elle
prouverait son existence à la fin du XIIe siècle. Nous ne pouvons cependant pas être aussi
affirmatif ; elle atteste en tout cas la présence du culte de saint Trémeur à Carhaix à cette
période. Enfin, nous noterons que le site est aussi mentionné parmi d‟autres cités bretonnes
médiévales dans la Vie de Saint-Viau écrite au XIIe siècle : Mirabili civitatibus quaerum
haec sunt nomina : Veniti, Caraes, Camperile, Camperchorentinum, Diablinticum,
Paulina336.

Pour en terminer avec le Moyen Age central, il faut faire une place à la mention, au XVe par
Pierre le Baud, d‟une bataille qui se serait déroulée entre l‟armée de Richard cœur de Lion et
des troupes bretonnes à proximité de Carhaix : « [Ils] s‟avancèrent pour rencontrer Robert le
Sénéchal, Marchadet et l‟exercite Richard, lequel ils trouvèrent en Cornouaille auprès la ville
de Kaeres. S‟ils s‟aillirent par grant force et y eut entr‟eux dure bataille où mourrut grand
nombre de cothereaux »337. Cet événement a-t-il eu lieu ? La question semble difficile à
résoudre. Le contexte historique semble assez bien s‟y prêter. Nous savons que le Plantagenet
a fait emprisonner la duchesse Constance à Pontorson en 1196 (par l‟intermédiaire de son
mari Ranulf de Chester) et qu‟il en a profité pour envahir la Bretagne338. Mais aucun
chroniqueur anglais ou francais contemporain ne fait mention d‟une quelconque défaite du roi
d‟Angleterre. Certains historiens en ont néanmoins percu une allusion dans un passage assez
obscur d‟un « sirventès » de Bertrand de Born : « Un roi qui revendique un grand pays, il
semble qu‟il plaisante s‟il ne fait pas quitter le pas de jambières de fer ; le roi a bien montré
son courage en venant parmi les Bretons, mais cet honneur n‟aboutira à rien si la fin est
semblable au début »339.

330
Ibid., v. 2774, p. 106.
331
Ibid. v. 2191, p. 84 et 2774-2775, p. 106.
332
Erec et Enide, v.
333
Tristan et Iseut, p. 163, v. 3076. La datation du Tristan de Béroul fait débat parmi les spécialistes de la
littérature médiévale. Suivant certains la première partie du roman serait antérieure à 1170 tandis que la seconde,
où apparaît notre mention, serait postérieure à 1180, cf. Delcourt, 2000, p. 79.
334
Caraes, 1984, p. 124, note 23.
335
Comme nous le verrons par la suite, la dédicace du prieuré à ce saint est attestée dès le XIIIe siècle.
336
Vie de Saint-Viau, p. 84. Nous reconnaissons ici facilement Vannes, Carhaix, Quimperlé, Quimper, Alet et
Saint-Pol-de-Léon.
337
Le Baud, p. 204.
338
Hillion, 1985, p. 119.
339
Ibid., p. 137, note 116.

43
1.5La période ducale (XIIIe-XVe siècle)

1.5.1 Les espaces de pouvoirs

1.5.1.1 Carhaix et le Poher dans le domaine ducal

C‟est traditionnellement en 1206 que l‟on place l‟entrée du Poher et de Carhaix dans le
domaine ducal340. Un événement dont témoignerait un acte dans lequel le roi Philippe
Auguste investit Guy de Thouars des territoires de Broherec, de Cornouaille et de Poher en
échange de droits qu‟il détient en Normandie341 . C‟est aussi en cette même année que l‟on
retrouve mentionné le dernier vicomte de Poher Rivallon III342. Cette vision est cependant
aujourd‟hui écornée par l‟hypothèse de J. Quaghebeur qui considère que Carhaix appartient
déjà au duc à la fin du XIe siècle. En tout état de cause, le territoire du Poher est bien dans les
mains du duc au cours du XIIIe siècle et Carhaix en est un centre d‟administration important.
Dès le XIIIe siècle, le duché est subdivisé en 8 baillies dont témoigne le livre des Otz en
1294343. Ces derniers s‟appuient sur des cadres plus anciens comme ceux des comtés et des
évêchés. C‟est le cas pour la baillie de Cornouaille dont le territoire correspond à celui du
diocèse de Quimper. A l‟intérieur de ces grandes subdivisions coexistent plusieurs cours de
justices ducales et seigneuriales dont Carhaix fait partie. Celle-ci est en effet le siège d‟une
barre ducale attestée dès la fin du XIIIe siècle344. A la tête de ce tribunal nous retrouvons un
sénéchal qui préside les plaids généraux et surveille le domaine ducal345. A Carhaix, il en
existe plusieurs mentions dans des documents des XIVe et XVe siècles346. Il est aidé dans sa
tâche par un alloué, un lieutenant de justice347, ainsi que des procureurs et des notaires qui
mènent le procès et des sergents et des prévôts348 qui exécutent les décisions de justice349.
Nous n‟avons, par contre, pas trouvé d‟explication claire sur le titre de sénéchal de Poher
porté par plusieurs personnages importants au XIIIe siècle. C‟est le cas Henri Bernard en
1213350 et Pierre de Kergorlé en 1258351 qui sont à la fois baillis de Cornouaille et
administrateurs du Poher. Pour J. Quaghebeur, l‟appellation rappellerait seulement la
subdivision de l‟évêché en deux archidiaconés352. Pourtant, Henri, fils de Robert, cité en 1265

340
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 79, Caraes, 1984, p. 126.
341
Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 807 : Notum, &c. quod nos dilecto fideli nostro Guidoni de Torciaco
damus & ad vitam fuam concedimus Broheret cum pertinent, fuis & Cornubiam cum fuis appenditiis, & Poucher
cum fuis appenditiis. Haec autem omnia, quandiu vixerit, tenebit nobis in feodum & hominagium ligium,
redenbo nobis fervitium quod feoda illa apportant. Ipse vero propter hoc quittavit nobis in perpetuum quidquid
habebat in Normannia. Actum apud Cande anno Domini MCCVI. Pour J. Quaghebeur la mention de la
Cornouaille et du Poher rappellerait la subdivision du diocèse entre les deux archidiaconés du même nom, cf.
Quaghebeur, 2001, p. 127.
342
Dom Le Duc, 1863, n°XXIX, p. 608.
343
Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col.1110-1115. Planiol, 1981-1984, t. 3, p. 427-428, Leguay, 1978-1979, p.
132, Kerhervé, 1987, p. 41-43.
344
La première mention que nous avons répertoriée date de 1289, cf. Dom Morice, 1742-1746, t. 1 col. 1120.
345
Oheix, 1913, p. 90-91.
346
C‟est le cas dans un acte de 1389 (suivant l‟interprétation de M. Jones) et un mandement ducal de 1394, cf.
Actes de Jean IV, n° 991, p. 580-581, n°1312, p.
347
Un lieutenant de Carhaix est évoqué en 1394 : « Pierre Cabornnais, lieutenant de nostre sénéchal à Karhais »
cf. ibid., n° 991, p. 580-581.
348
Un premier prévôt de Carhaix est cité en 1296, cf. Dom Morice, 1742-1746, t. 1 col. 1093
349
Coativy, 1999, p. 45.
350
Dom Le Duc, 1863, XXVI, p. 605-606 : Henricus Bernardi, tunc temporis Cornubiae et Pochaer
senescallus...
351
Oheix, 1913, p. 89 : Petrus de Guergorleio, miles, senescallus tunc temporis domini Comitis Britanniae in
Cornubiae et in Pocaer...
352
Quaghebeur, 2001, p. 121-122

44
et 1267, n‟est présenté que comme sénéchal du Poher353. L‟indication supposerait donc,
comme l‟a proposé A. Oheix, l‟existence d‟un officier de justice pour l‟ensemble de ce
territoire354.
La baillie de Cornouaille est aussi divisée en une série de châtellenies dont les origines
généralement présentées comme anciennes, sont souvent peu claires (fig. 20)355. Il existe ainsi
une châtellenie de Carhaix dont la géographie, déterminée par A. de la Borderie, regroupait 45
paroisses et trêves. Ce cadre, avant tout de nature financière, s‟appuie comme les seigneuries
privées sur une ville ou tout du moins un château auquel se rattachent rentes et droits356. Son
territoire est le ressort d‟un receveur chargé d‟en percevoir les revenus. C‟est bien le cas à
Carhaix où une « recepte » est mentionnée pour la première fois en 1262 dans un compte
ducal357.Elle était entourée des circonscriptions d‟Huelgoat358, Landeleau et Châteauneuf-du-
Faou359 qui comptaient 4 paroisses. Il faut y ajouter le domaine de Duault, au nord-est de la
châtellenie de Carhaix qui apparaît dans nous source en 1303, année où il est cité dans un
compte ducal et dans le testament du duc Jean II. A l‟est, nous retrouvons aussi deux
seigneuries privées, Rostrenen360 et Callac361, qui se composaient de respectivement 12 et 13
paroisses362. Ces dernières étaient placées dans la dépendance de la châtellenie de Carhaix et
étaient obligées de présenter « au receveur ordinaire [...] les documents permettant l‟exercice
des droits du suzerain sur les fiefs de ses vassaux »363. Il faut noter aussi que la géographie de
ces châtellenies peut être mouvante. C‟est le cas pour Carhaix qui est réuni à la recette de
Duault en 1379364. L‟ensemble forme une unité géographique cohérente qui n‟est stabilisée
qu‟à la fin du Moyen Age. En effet à la suite du traité de Guérande en 1365365, Jeanne de
Penthièvre se voit confier en apanage plusieurs châtellenies de Cornouaille parmi lesquelles
nous comptons celle de Duault366. Après le conflit qui opposa le duc Jean IV et Olivier de
Clisson, son fils, Jean de Penthièvre se voit confirmer dans sa position en 1395, par le traité
d‟Aucfer, et reçoit en gage 8 000 livres de rentes d‟une série de domaines ducaux, dont celui
de Duault367. La situation changea en 1420, à la suite de l‟enlèvement du duc par Olivier de
Blois, le jeune héritier de Penthièvre. Une fois libéré, Jean V prononca en effet la commise
sur les terres de la famille. Duault rentra donc à nouveau dans le domaine ducal 368. En 1453,
cette châtellenie fait partie du douaire attribué par le duc Pierre II à sa femme Francoise

353
Planiol, 1981-1984, t. 3, p. 350.
354
Oheix, 1913, p. 89.
355
Kerhervé, 1987, t. 1, p. 43.
356
Planiol, 1981-1984, t.3, p.350, Kerhervé, 1987, p. 43.
357
Pocquet du Haut-Jussé, 1946, p. 60 : recepta de Karahes. Redditus Summa IIII VII lb. XII s. VII d. Caraes,
1984, p. 121.
358
Dom Morice, 1742-1746, t. 2, col. 1193.
359
Ibid. t. 2, col. 592.
360
Ses premiers représentants apparaît dans nos sources seulement au XIIIe siècle. Il ne faut évidemment pas
tenir compte de la tradition voulant que l‟un de ses seigneurs soit le connétable de Louis le Pieux, cf. Tanguy,
1992, p. 259.
361
Callac est cité pour la première fois dans la chartre en faveur des Templiers de 1182, qui est sans doute un
faux de la fin du XIIIe siècle. Nous savons que la place forte de Callac fut démantelée en 1395, puis relevé en
1475 avant d‟être finalement abandonné au milieu du XVIe siècle, cf. Ibid., p. 38.
362
Il faut aussi ajouter à l‟ouest de la châtellenie de Carhaix les possessions des seigneurs de Léon à Plouyé, cf.
Kernévez, Morvan, 2002, p. 287, 298.
363
Kerhervé, 1987, t. 1, p. 44. Il s‟agissait essentiellement de la perception du droit de rachat en cas de
succession féodale. Le receveur recevait un minu de la seigneurie et était autorisé à l‟administrer pendant un an.
La manière dont les seigneuries privées sont entrées dans la tutelle des châtellenies ducales n‟est pas connue.
364
Ibid., p. 46. Nous ne connaissons pas la source d‟origine de cette information.
365
Dom Morice, 1742-1746, t. 2, col. 1588-1599.
366
Kerhervé, 1987, t. 1, p. 54.Cette concession c‟est donc faite nécesairement après 1379.
367
Dom Morice, 1742-1746, t. 2, col. 655-656. Kerhervé, 1987, t. 1, p. 55-56.
368
Ibid., p. 58.

45
d‟Amboise. Celui-ci est même par la suite augmenté par Francois II qui confia, entre autres, la
circonscription de Carhaix369. Pendant la Guerre d‟Indépendance enfin, le duc qui avait
récupéré ces deux domaines, concéda en 1487 la seigneurie de Duault à Morice du Menez,
pour le récompenser d‟être passé du service du roi au sien370.

1.5.1.2 L‟archidiaconé et le Doyenné de Poher

Comme le souligne A. Chédeville, l‟existence de l‟archidiacre semble quasiment aussi


ancienne que l‟organisation épiscopale elle-même371. Dans le diocèse de Nantes, le
personnage apparaît dès le VIIe siècle dans l‟entourage de l‟évêque, sa mention est plus
tardive à Vannes où l‟on sait que Conwoion, fondateur de l‟abbaye de Redon, fut archidiacre.
Reflet de l‟état de la documentation, son apparition est encore plus récente en Cornouaille où
ce personnage n‟est cité qu‟à la fin du Xe siècle372. A l‟origine, cette fonction est celle d‟un
adjoint de l‟évêque chargé en particulier de le remplacer dans ses tournées pastorales 373. Ce
n‟est que postérieurement, à une période différente suivant les régions, que les diocèses se
virent subdivisés en plusieurs circonscriptions, les archidiaconés, confiés à des archidiacres.
Si dans certains évêchés ce découpage est attesté depuis la période carolingienne, le
phénomène est plus tardif en Bretagne. A Nantes, c‟est vers 1050 que l‟on retrouve deux
archidiacres, en 1108 à Rennes, tandis qu‟à Alet il n‟y en a encore qu‟un en 1101374. Ce
« retard » est encore plus important en Cornouaille où la subdivision ne semble s‟effectuer
qu‟après le début du XIIIe siècle. En 1162, nous retrouvons en effet qu‟un archidiacre,
nommé Geoffroy, auprès du duc Conan IV375, qui est aussi cité dans une lettre de l‟évêque de
Quimper en 1166376, dans un acte de donation à la fin du XIIe siècle377 et auprès de Guy de
Thouars en 1206378. Cette division ne semble clairement attestée qu‟en 1289, date à laquelle
nous avons répertorié un archidiacre de Poher379. Mais c‟est surtout un compte des décimes
rédigé dans les environs de 1330 qui constitue le document principal380 pour reconstituer la
géographie de l‟évêché de Quimper qui est alors composé de deux archidiaconés, celui de
Cornouaille au sud et celui de Poher au nord (fig. 21). Cette dernière circonscription qui nous
intéresse plus particulièrement forme un très important territoire, composé de cent-quatorze
paroisses comprises entre l‟Oust et l‟estuaire de l‟Aulne. Lui-même se divise entre deux
doyennés, celui du Faou à l‟ouest et celui de Poher à l‟est regroupé autour de Carhaix381. Dans
quelle mesure ces subdivisions ecclésiastiques reprennent-elles des cadres plus anciens ? La
documentation ne nous permet pas d‟avoir de certitudes sur cette question ; nous pouvons tout
de même constater que les cinq doyennés qui composent le diocèse reprennent le nom de cinq
anciens pagi : celui de Fouesnant, du Cap-Caval, du Cap-Sizun, du Faou et du Poher382.

369
A.D.L.A., E 18. Document consultable en microfilm à la référence 2 Mi 785 R 5. Kerhervé, 1987, t. 1, p. 64.
370
Kerhervé, 1987, t. 1, p. 73, note 173. A.D.L.A., B 10 f° 46 v° (non consulté).
371
Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 260.
372
Cartulaire de Landévennec (a), acte n°42, p. 570-571, Quaghebeur, 2002, p. 317.
373
Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 260, Quaghebeur, 2002, p. 318.
374
Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 260-261.
375
Dom Le Duc, 1863, n° XXI, p. 600.
376
Ibid., n°XXII, p. 601.
377
Ibid., n°XXIII, p. 602.
378
Ibid., n°XXIX, p. 608.
379
Dom Morice, 1742-1746, t.1, col. 1093(Notre enquête n‟a pas été exhaustive).
380
Pouillé de la Provine de Tours, p. 301-302.
381
Quaghebeur, 2002, p. 318-319.
382
Tanguy, 2001, p. 387-391.

46
1.5.2 La ville du XIIIe au XVIe siècle

1.5.2.1 Un XIIIe siècle méconnu

Si les mentions de Carhaix commencent à se multiplier au cours du XIIIe siècle, celles-ci


concernent surtout l‟administration de son domaine ou les actions judiciaires de sa cour. Peu
d‟informations transparaissent par contre sur la vie de la cité et les éléments qui la composent.
Un seul document est véritablement utilisable pour traiter cette question. Il s‟agit d‟un acte,
du 21 avril 1210 dans lequel le régent du duché, Guy de Thouars, règle un litige l‟opposant à
l‟abbaye Sainte-Croix383. L‟homme avait en effet voulu construire une résidence (domus) sur
une des terres relevant du monastère384. Si l‟affaire n‟a pas de rapport évident avec Carhaix,
Guy de Thouars tente de régler le contentieux dans la ville. L‟acte est en effet rédigé à Saint-
Trémeur en présence du sénéchal de Poher et de Cornouaille et des bourgeois de la cité. Ces
quelques détails du document sont pour nous d‟une première importance. Ils nous confirment
l‟existence à cette période du prieuré Saint-Trémeur (le terme claustro employé dans l‟acte
doit plutôt être traduit « monastère » que « cloître ») que l‟on pouvait déjà suspecter par la
lecture du Tristan de Béroul sans évoquer ses mentions hypothétiques de 1105-1107 et 1147.
Nous retrouvons, de plus, parmi les témoins un Eliduc, prior de Karahes qui correspond
incontestablement au prieur de cet établissement. L‟autre information importante est
évidemment la mention de bourgeois de Carhaix (burgensi de Karahès). Le terme renvoie à
un statut particulier d‟habitants possédant des avantages juridiques, fiscaux et militaires385. Il
induit que Carhaix est qualifié à cette époque de bourg, indication là aussi intéressante. Même
s‟il s‟agit peut être d‟un reflet de la documentation, les mentions de bourgs sont assez rares
dans cette partie de la Bretagne. Pour le Léon et la Cornouaille, seulement cinq sont cités au
cours du XIIe siècle386 : Quimperlé (fin XIe-début XIIe siècle)387, Locmaria en Quimper en

383
Dom Le Duc, 1863, n° XXVI, p. 604-605, The charters of duchess Constance, Gu 22, p. 158-159. L‟édition
de Dom Le Duc donne la date de 1214 pour ce document ce qui n‟est pas sans poser problème puisque Pierre de
Dreux est reconnu officiellement comme duc après avoir rendu hommage-lige à Philippe Auguste le 27 janvier
1213, cf. Dom Morice, 1742-1746, t. 3, col. 1769-1770. On comprend donc mal l‟intervention de l‟ancien régent
Guy de Thouars dans les affaires ducales (d‟autant qu‟il serait mort le 23 avril 1213, cf La Borderie, Pocquet,
1998, t. 3, p. 208). M. Jones et J. Everard proposent de corriger cette date en 1210 sans apporter une
argumentation détaillée. Voici le contenu de l‟acte : Universis Christi fidelibus praesentes litteras inspecturis,
Guido de Thoareo comes Britanniae salutem et dilectionem in Christo. Noverit universitas vestra quod cum
maxima contentio orta esset et diutus agitata coram venerabili patre meo Joanne, Thuronensi archiepiscopo,
inter me ex una parte et abbatem et conventum Kemperlegiensem ex altera, super constructione cujusdam domus
quam edificare ceperam et munire volebam in eorumdem monachorum territoriis juxta villam Kemperlegiensem
inter rivulul qui dicitur frotmer in praedicta villa in monte videlicet en Geon qui situs est in Tuermualadin
tandem habito prudentuim virorum consilio J. videllicet venerabilis patris mei Turonensis archiepiscopi, et
Guithenoc, venetensis, ett Vitalis, corisopitensis episcoporum, sopita est in hunc modum, et in bonam pacem
reducta, ita quod nee ibi, nee infra ambitum villae Kemperllegiensis, ego aliquam domum de caetero faciam, nec
aliquis haeres Britanniae nec alius quem possim impedire, aliquam similem domum construere nullatenus
attentabit ;praeterea omnes nostros rancores et quaerimonias quas adversus eosdem monachos et eorum
homines usque in diem hujusmodi compositionis habueram, ipsis penituspardonavi. Ut autem haec composito
inviolabilis et firme permaneat in ulterius, huic sripto sigillum meum et praefatorum dominorum et patrum
meorum feci apponi munimine sigillorum. Huic compositioni testes interfuerunt Oliverius de Gutiniac,
Guillelmus, Redonensis senescallus, Eudo de Bellomonte ; Bricius camerarius, Henricus Bernardi, tunc
temporis Cornubiae et Pochaer senescallus ; Guillermus de sancto Georgio, burgensi de Karahès ; Kaici,
Eliduc, prior de Karahes, Judicellus Garmi, Eudo, clericus meus, qui et hanc paginam scripsit, canonici
corisipitenses. Actum apud Carahes in Claustro sancti Tremori. XI Kal maii, anno domini millesimo ducentisimo
decimo.
384
Quaghebeur, 1999, p., Quaghebeur, 2001, p. 128.
385
Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 403-406.
386
Ibid., p. 398.
387
Cartulaire de Quimperlé, acte n° LXXIV, p. 220-221.

47
1152388, Locronan à la fin du XIIe siècle389 et les deux fondations successives de la ville de
Morlaix (1128 et 1158390). Comme l‟a démontré A. Chédeville, ce terme peut qualifier des
regroupements humains de nature assez différente. Dans notre cas, il semble évident que
celui-ci prend une connotation urbaine. Nous pouvons par conséquent en déduire qu‟en ce
début du XIIIe siècle Carhaix est une petite ville constituée autour de son prieuré et sans
doute de son château, même si le premières indications sûr le concernant ne datent que du bas
Moyen Âge391.

A ce premier document fait suite un nouvel acte passé à Carhaix en 1214. Celui-ci concerne
encore les relations tendues entre le pouvoir ducal et l‟abbaye Sainte-Croix de Quimperlé. Le
nouveau titulaire du trône, Pierre de Dreux, tente d‟apaiser les tensions en s‟engageant à ce
que lui et aucun de ses successeurs ne viennent revendiquer les possessions du monastère et
concède définitivement le terrain du litige précédent392. Là encore, nul rapport avec notre
agglomération, mais c‟est à nouveau à Carhaix que celui-ci est rédigé (Actum publice apud
Karaes). Le document n‟est cependant pas cette fois exploitable. A la différence du
précédent, il ne nous donne aucune indication précise sur la ville. Certains ont pu s‟interroger
sur la raison de la présence du duc dans la ville. J. F Caraës a même proposé de la mettre en
rapport avec d‟hypothétiques travaux de fortifications, ce qui est évidemment invérifiable
même si l‟on connaît l‟importance de l‟activité architecturale de Pierre Mauclerc 393. Précisons
juste que sa présence, de même que celle de Guy de Thouars cité dans le document précédent,
n‟a rien de surprenant puisque Carhaix fait partie du domaine ducal et doit logiquement
posséder une résidence pour celui-ci. C‟est peut-être d‟ailleurs au château que ce nouvel acte
a été rédigé cette fois-ci, comme le propose J. Quaghebeur, et non à Saint-Trémeur394.

1.5.2.2 Les destructions de la Guerre de Succession

Le début du XIVe siècle à Carhaix est encore mal connu. Les quelques indices qui ressortent
de notre documentation semblent témoigner d‟une ville en plein développement. L‟église du
prieuré est devenue entre temps une collégiale. C‟est par erreur que tous les historiens ont
daté jusqu‟à présent ce changement de statut de 1371. Un compte de l‟évéché de Cornouaille
rédigé vers 1330 cite en effet à cette période la présence de quatre chanoines dans la cité395.
Un acte pontifical de 1335 évoque aussi un certain « Jean de Killyguarec chanoine de
Carhaix » pourvu d‟un « canonicat expectative de prébende à Quimper »396. Enfin l‟état des
taxes des bénéfices du diocèse de Cornouaille de 1368, contenu dans le Cartulaire de
Quimper, dénombre, comme le compte de 1330, quatre chanoines dans l‟agglomération397.
L‟installation d‟un couvent des Augustins en 1355 constitue un autre indice du
développement de la ville à cette période398. En effet un acte pontifical du 17 août de cette
année nous apprend que l‟évêque de Quimper a autorisé « aux frères de l‟ordre mendiant des

388
Chartes inédites de Locmaria, acte n° III, p. 104.
389
Quaghebeur, 2002, p. 449.
390
Les actes ont été publiés par H. Guillotel cf, Guillotel, 1971, p. 50-51.
391
J. Quaghebeur semble induire que le château est mentionné dans le compte ducal cf. Quaghebeur, 2001, p.
126. Ce n‟est pourtant pas le cas ce document n‟évoque que la « recepte » de Carhaix, cf. Pocquet de Haut Jussé,
1946, p.60.
392
Dom le Duc, 1863, n°XXVII, p. 605.
393
Caraës, 1984, p. 126.
394
Quaghebeur, 2001, p. 128.
395
Pouillé de la province de Tours, p. 303.
396
Actes du Saint-Siège, n°203, p. 63.
397
Pouillé de la province de Tours, p. 307.
398
Martin, 1975, p. 34-35.

48
Ermites de Saint- Augustin de s‟établir au château de Kerahès »399. Comme l‟a souligné
récemment J. Quaghebeur « ce courant connaît alors un grand succès en Bretagne et y est
toujours associé à la croissance de petites villes, comme Lamballe ou Lannion »400. Leur
installation semble néanmoins prendre du temps, puisqu‟en 1361 une nouvelle autorisation de
s‟établir leur est donnée « pourvu qu‟ils aient les ressources nécessaires pour nourrir douze
frères »401. Sans doute faut-il voir ici le reflet des difficultés de la ville au moment de la
Guerre de Succession.

Nous sommes assez bien renseignés sur les différentes campagnes militaires qui touchent
Carhaix au cours de ce conflit. Il n‟est pas dans notre sujet de décrire ces derniers en détail,
nous nous contenterons d‟en résumer les principaux événements.
A en croire le récit de Froissart, la ville est très tôt prise à partie dans cette guerre. Elle compte
en effet parmi les places fortes dont Jean de Montfort se serait assuré l‟alliance au cours d‟une
expédition à l‟été 1341402. La critique récente a néanmoins démontré la relativité du récit, au-
delà des incohérences géographiques déjà soulignées par A. de la Borderie, le temps qui est
imparti au prétendant au trône pour réaliser sa chevauchée semble irréaliste. Il est difficile de
croire que ce dernier aurait pu traverser toute la Bretagne regagner Limoges puis Paris en
seulement deux mois403. L‟année suivante la ville appartient tout de même au camp
Montfortiste puisque Charles de Blois en fait le siège404. En 1345 Carhaix est reprise par les
troupes du comte de Northampton405. Enfin Pierre le Baud nous rapporte qu‟en 1363, après
avoir mené des attaques contre Pestivien et Trogoff, Duguesclin prend une dernière fois la
ville : « Les Francoys arivez ô les Bretons de la partie monseigneur Charles, il eut si grand
ost que grant terre pourprnoient ses gens d‟armes. Et lors les mena asseoir la ville de Karahès
fut par le greveulx assault tellement tourmentée que ses habitans enfin furent contrains à la
mectre à son obéisance »406. Nous retrouvons l‟écho de ce siège jusque dans la chronique de
l’état breton de Guillaume de Saint-André407. A la suite de la défaite et à la mort de Charles
de Blois en 1364, Carhaix revient définitivement à Jean de Montfort (fils du précédent)
désormais duc de Bretagne.

La succession de ces différents sièges parait avoir durement éprouvé la ville. Divers
documents nous permettent d‟en prendre conscience. Deux actes pontificaux témoignent ainsi
des destructions subites par la collégiale Saint-Trémeur. Le premier en 1371 donne une
« Indulgence d‟un an et quarante jours, valable pendant vingt ans, pour ceux qui visiteront

399
Actes du Saint-Siège, n°291, p. 127.
400
Le Chartrier dir., 2005, p. 69.
401
Actes du Saint-Siège, n°310, p. 220.
402
Froissart, § 143, p. 351-352 : « Tantost après li conte [Jean de Montfort] se parti de là et s‟en ala par devers
Craais, bonne ville et fort chastiel, et avoit dedens un evesques qui sire en estoit. Chils evesques estoit oncles au
dit Monseigneur Hervé de Lyon402 : sisque par le conseil et l‟amour de dit monseigneur Hervi de Lyon, il
s‟acorda au dit conte et le recogneut à signeur jusques adonc que venroit avant, qui plus grant droit monstreroit
pour avoir la ducée de Bretagne. »
403
Cassard, 1998, p.
404
Froissart, § 175, p. 412-413 : « retournerons à Charles de Blois et à chiaus de son costé qui avoient assegiet le
ville de Craiis ; et tant le constraindirent, par assaus et par engeins, qu‟il ne se peurent plus tenir et se rendirent à
monsigneur Charle, salve leurs et leur avoir, liquelz dis messires Charles les prist à merci. Et cil de Craais li
jurèrent feaulté et hommage, et le recogneurent à signeur. Si y mist li dis messires Charles nouviaus officiers qui
li jurèrent loyaulté à tenir, et leur delivra un bon chevalier à chapitainne en qui moult il et leurs gens refreschir,
bien quinze jours » cf. aussi Ibid. § 172, p. 404, § 174, p. 410, § 176, p. 413 et § 180, p. 420.
405
Richard Lescot, cap. 166, p. 67
406
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 576, note 1.
407
Dom Morice, 1742_174, col. 701 : “sans feremens garder ne craindre Karahes, Trougoff, Pestivien”, cf. aussi
Actes de Jeans IV, n°30, p. 88.

49
l‟église Saint-Trémeur de Carhaix aux fêtes habituelles et pendant leurs octaves, et feront
quelques offrandes pour la fabrique de ladite église »408. La seconde en 1391 est plus claire
encore puisqu‟elle incite aux donations « en faveur de l‟église paroissiale de Saint-Trémeur de
Keraes en partie ruinée par les guerres et dépouillée de ses ornements et vases sacrés » 409.
L‟indulgence donnée en 1383 pour N.D de Treffin témoigne peut-être d‟événements
similaires pour la chapelle410. Nous avons déjà souligné les apparentes difficultés
d‟installation des Augustins dans la ville. Si une première tentative semble avoir eu lieu dès
1355, puis en 1361, c‟est la date de 1372 que retient l‟orbis Augustianus comme année de
fondation du couvent411. Enfin, la vérification de l‟état des feux, à la demande des habitants
de Carhaix en 1394, est peut-être aussi l‟une des conséquences lointaines de ces
événements412.

1.5.2.3 Carhaix à la fin du Moyen Age (fin XIVe-début du XVIe siècle)

Malgré ces difficultés, le développement ne semble pas avoir été durement freiné et le
caractère urbain de Carhaix s‟affirme encore au cours du XVe siècle.
Elément révélateur, la ville est dotée d‟une capitainerie. En Bretagne, comme dans le royaume
de France, cette institution se généralise pendant la guerre de Cent Ans et constitue l‟un des
caractères révélateurs du rôle tenu par une ville. Son titulaire est un militaire à la tête d‟une
garnison de soldats chargés du ravitaillement et de la défense d‟une place forte413. C‟est la
chronique de Froissart qui nous donne la première mention d‟un capitaine à Carhaix. La
source ne nous indique pas son nom mais nous apprend qu‟il est mis en place par Charles de
Blois en 1342 à la suite de son siège victorieux de la ville414. La charge apparaît par la suite en
1379 dans des lettres de retenue à « Eon de Quelen et ses frères Jean, Guillaume et Rolland
qui sont capitaines de Carhaix »415. En 1392 Jean le Criber et Yvon Hamon sont nommés
capitaine et connétable de la cité416. A la suite nous retrouvons Jean Periou en 1402, Jean du
Pont-l‟Abbé en 1442 et Hector Mériadec en 1454417.
Dans la ville, le nouveau sanctuaire des Augustins semble prendre une place très importante.
Le monastère est pourvu de nombreuses donations à Carhaix ou dans des paroisses proches
par les familles nobles des alentours, désireuses de se faire inhumer à l‟intérieur de ses

408
Actes du Saint-Siège, n° 398, p. 283.
409
Ibid., n°584, 93, Mollat, 1910-1911, p. 172, note 2 : Cum itaque sicut accepimus, parrochialis ecclesia
Sancti Tremori de Brahes [il s‟agit sans aucun doute d‟une erreur de la part du rédacteur du document ou d‟une
faute de lecture de G. Mollat, il faut ici restituer Kerahes], Corisopentis dicesis, reparationibus indigeat et
occasionne guerrarum que ibidem viguerunt, calicibus et aliis ornamentis necessariis destitua existat [...] Datum
Avenione, X Kalendas maii, anno 14°..
410
Peyron, 1908, p. 191. Le document ne justifie pas les raisons de cette incitation aux donations.
411
Martin, 1975, p. 34-35.
412
« Lettre[...] adressées au lieutenant de Carhaix et au bailly de Léon par lesquelles il les charge de se
transporter sur les lieux y marqués pour vérifier le nombre de feux, et en dresser l‟état qu‟ils envoieront à la
Chambre des comptes à la fin qu‟lle confère led. Etat avec les précédens rolles, et qu‟elle ordonne ce qu‟il
apartiendra » cf. Actes de Jean IV, acte 976, p. 558.
413
Leguay, 1978-1979, p. 193.
414
« Et cil de Craais li jurèrent feaulté et hommage, et le recogneurent à signeur. Si y mist li dis messires Charles
nouviaus officiers qui li jurèrent loyaulté à tenir, et leur delivra un bon chevalier à chapitainne en qui moult il et
leurs gens refreschir, bien quinze jours», cf. Froissart, § 175, p. 412-413.
415
Dom Morice, 1742-1746, t. 2, col. 708, Actes de Jean IV, n°330, p. 283.
416
Dom Morice, 1742-1746, t. 2, col. 709, Actes de Jean IV, n° 834, p. 520. L‟année suivante une somme de 200
l. est prélevée du trésor ducal pour : « Jean vicomte du Fou [...] pour desdomages deffroy et tout ce que mons. lui
pouvoit devoir des compaignies que il tint a Kerahes et ailleurs » cf. Ibid., n° 934, p. 544.
417
Caraes, 1984, p. 128. Les serments de fidélité au duc de ces capitaines semblent conservés à la référénce
A.D.L.A., E 135 (non consulté).

50
murs418. Le couvent est le centre de l‟essor culturel de la cité. Un acte de 1485 mentionne
deux docteurs en théologie parmi la communauté monastique419. En 1498, la ville est citée
parmi les 33 paroisses de l‟évêché de Cornouaille disposant d‟une école élémentaire420. La
construction de l‟hôpital Saint-Anne, à la fin du XVe siècle finit d‟achever le paysage
monumental du Carhaix médiéval. Sa fondation nous est rappelée seulement au XVIe siècle
par Bernard d‟Argentré, qui l‟attribue à Maurice du Méné, personnage issu de la petite
noblesse locale qui s‟illustra à la fin du XVe siècle en tant que capitaine de la duchesse
Anne421.

Ces quelques indices semblent témoigner du dynamisme de l‟agglomération. Ils sont


confirmés par le registre de la réformation générale des feux de 1426-1430. Ce document
dressé afin de vérifier l‟assiette de l‟impôt, nous offre de précieuses indications sur la
démographie du diocèse de Quimper dans le second quart du XVe siècle. Pour Carhaix, le
document cite 45 feux ainsi que 6 nobles, 1 concierge, 6 pauvres et 122 contribuant422.
Suivant les calculs des historiens, la paroisse abriterait de huit à douze chefs de famille au
kilomètre carré, chiffre important qui n‟est atteint en Cornouaille que dans le pays bigouden et
autour de la baie d‟Audierne423. Ce type d‟information est cependant à relativiser puisqu‟il
s‟impose à l‟ensemble de la paroisse et non à la ville elle-même. En cette fin du Moyen Age
la taille de celle-ci reste encore raisonnable. Le rôle rentier de 1539-1542 est le premier
document à nous donner des indications sur sa population. Dans sa thèse, J. P. Leguay y
comptabilisait la mention de 106 maisons et estimait que la cité abritait environ 500
personnes424. Le premier chiffre est en vérité moindre ; dans l‟étude qu‟il a consacrée au
rentier, A. Mével n‟énumère que 85 habitations425. Il semble que l‟historien ait fait l‟erreur de
dénombrer tous les bâtiments cités dans le rentier et pas seulement ceux concernant la ville426.
Son estimation de la population semble par contre assez juste. Celle-ci renvoie l‟image d‟une
petite agglomération comparable à d‟autres petites cités bretonnes comme Concarneau, Pont-
l‟abbé (Finistère), Jugon, Hédé (Ile-et-Vilaine) ou Ancenis (Loire-Atlantique) dont la
démographie est proche à cette période427.
Comme nous l‟avons dit en introduction, ce rentier du XVIe siècle reste le document de base
pour tout médiéviste souhaitant travailler sur l‟agglomération. Celui-ci témoigne d‟une ville
dont le paysage est surtout dominé par ses édifices religieux, principalement la collégiale
Saint-Trémeur au nord et le couvent des Augustins à l‟est. Le château est alors en mauvais
état et a perdu tout usage militaire. Des habitations s‟installent sur son emplacement. A en
suivre les indications du rentier, ce phénomène semble remonter au moins au début du XVIe
siècle428. Un document de 1522 témoigne d‟ailleurs de l‟arrentement des terres de la
forteresse429. L‟agglomération est aussi un important centre marchand. Le document cite deux
places commerçantes à Carhaix430 : La première autour des halles qui ont été installé à
l‟intérieur du château. La seconde au marcheix ou martray située à l‟est de la cohue à laquelle
418
Voir les nombreux actes de donations du XVe siècle partiellement retranscrits dans l‟article de la comtesse du
Laz, cf. Du Laz, 1898-1899, p. 424-426.
419
A.D.F, 13 H 26, Martin, 1975, p. 168.
420
Le Chartrier dir., 2005, p. 70.
421
Du Laz, 1898-1899, p. 245-246.
422
Réformation des fouages de 1426, p. 156.
423
Kerhervé, 1987, p ; Le Chartrier dir., 2005, p. 71.
424
Leguay, 1981, p. 259.
425
Le Mével, 1999, t. 1, p. 149.
426
Ibid., t. 1, p. 150.
427
Leguay, 1981, p. 259.
428
Le Mével, 1999, p. 118.
429
A.D.L.A, B 677.
430
Le Mével, 1999, p. 103.

51
elle est reliée par la rue de la Moutarde. Il faut leur ajouter un dernier aménagement urbain
avec la place aux charbons qui nous est citée dans deux actes du XVe siècle 431. Autour de ce
centre urbain se sont développés les faubourgs de Saint-Quigeau et de Trouglévian cités par le
rentier432.
En ce tout début de la période moderne, Carhaix n‟est donc encore qu‟une petite
agglomération. Mais elle est aussi une place en plein développement dont le rôle sans doute
principalement administratif et commercial sera confirmé par la suite.

1.6La destinée de la ville à la période moderne : une brève présentation

1.6.1 Les guerres de la ligue

Il n‟est pas dans notre sujet de présenter l‟histoire de l‟agglomération au cours des XVIe-
XVIIIe siècles. Il nous a cependant semblé important de préciser les grands événements qui
ont contribué à la transformation de la ville médiévale.
Les premiers à souligner sont incontestablement les destructions produites par les guerres de
la ligue. Comme beaucoup de cités bretonnes, Carhaix est victime de ce conflit dévastateur.
La ville, mal défendue, est prise une première fois le 4 septembre 1590 par les « royaux »
menés par Yves de Liscouet et la Tremblaye. Les soldats pillent alors les églises, l‟auditoire,
brûlent des maisons et massacrent une centaine d‟habitants433. Deux mois plus tard une
nouvelle troupe commandée par les mêmes hommes reprend l‟agglomération. Les campagnes
sont aussi touchées par les destructions, une bataille a même lieu au niveau du Moulin au Roy
en Plouguer. Enfin en 1592, le célèbre bandit Guy Eder, seigneur de Fontenelle installe son
quartier général dans la collégiale Saint-Trémeur à partir de laquelle il organise ces différentes
exactions434 .
Il est difficile de tirer un bilan exact des destructions causées par ce conflit mais elles
semblent avoir été importantes. En 1615, la communauté de la ville adresse une supplique au
roi de France dans laquelle elle expose sa situation dramatique: « la ville [...] est encore quasy
détruite, la tour de l‟église collégiale d‟icelle a esté démantelée ; le surplus des bastiment de la
dite ville grandement endommagés, et la maison presbytérale joignant icelle ruynée de fond
en comble, sans qu‟il y reste vestige quelconque du bastiment qu‟autrefois y a esté. Les portes
et les barrières de la ville entièrement abattues et ponts advenant et pavez fort endommagez,
et l‟hospital tout ruyné »435. De nombreuses habitations ont aussi été détruites, il est révélateur
de constater que la majeure partie des maisons anciennes de Carhaix a été construite au cours
du XVIIe siècle. Elles sont sans doute la conséquence de ces dévastations.

1.6.2 Les nouvelles fondations du XVIIe siècle

Le XVIIe siècle est principalement marqué, pour ce qui nous intéresse, par l‟installation
successive de trois nouveaux couvents. Différentes raisons ont pu être données par les
chercheurs pour ces événements : regain de piété, émulation entre les ordres religieux ou les

431
A.D.F., 1G 326.
432
A.D.L.A., B 1103, f° 26 r°, f°35 v° Le Mével, 1999, p. t. 2, p. 39 et 51. Le faubourg de « Pontherbaut » (cf.
Ibid., p. 24) non identifié par A. Le Mével, pourrait correspondre au lieu-dit Pont-Herbot cité sous les formes
«Ponterbot » et Pontherbault en 1678 », cf. Deshayes, 2003, p. 41.
433
La prise de la ville a été décrite par un contemporain des événement le chanoine Moreau, cf. Moreau, 1857, p.
93-94.
434
Bourde de la Rogerie, 1895, p. 255, Du Laz, 1898-1899, p. 246-249, Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 336, Le
Chartrier dir., 2005, p. 102-103.
435
Du Laz, 1898-1899, p. 248-249.

52
familles de nobles locaux ou même un peu des trois comme l‟expose J. Y. Carluer436. Mais
celles-ci sont sans doute à lier avant tout au phénomène de la contre-réforme.
La première fondation est celle des Ursulines en 1644. Le nouveau monastère s‟installe à
l‟ouest de la ville à proximité de l‟ancien château. Il sera l‟objet d‟une construction assez
vaste dont la réalisation s‟étale entre 1652 et 1703437.
L‟ancien hôpital étant jugé incommode dès 1657, un nouvel établissement est fondé en 1663
sur la place du Martray et sera desservi par une communauté qui s‟y établit en 1675.
Enfin les Carmes déchaussés viennent s‟installer dans la cité en 1687. Ils quittent ainsi leur
ancien monastère de Saint-Sauveur en Saint-Hernin, fondé avec l‟aide du baron de Kergoët en
1644. L‟endroit déplaisait cependant aux ecclésiastiques car c‟est « un lieu marécageux et
mortel aux religieux malades [...] sans aucun secours pour l‟éloignement de plus de cinq
grands quarts de lieues dudit Carhaix où ils ont journellement affaire courante »438. Ils
finissent donc par faire l‟achat de « la maison du château ou l‟hostel de Kerlouet » et son
terrain situé au cœur de l‟ancienne forteresse de la ville et y construisent un nouvel
établissement.

1.6.3 Les grands travaux du XVIIIe siècle

Comme beaucoup de villes, Carhaix et ses alentours sont l‟objet d‟importants travaux au
cours du XVIIIe siècle. La réorganisation du réseau routier par le duc d‟Aiguillon impose en
effet une remise à l‟état de l‟agglomération afin de faciliter sa traversée439. Les rues et leur
pavage sont ainsi rénovés à de nombreuses reprises en 1740-1741, en 1742, 1745 et en 1785-
1786440. En 1756, les ponts placés sur les routes donnant accès à la ville sont reconstruits441.
En 1759 enfin l‟ingénieur Moreau sera chargé de réaménager l‟espace urbain 442. L‟homme
entamera le grand chantier de la ville au XVIIIe siècle avec la construction du champs de
Bataille (actuelle place de la Tour d‟Auvergne) au niveau de l‟ancien Martray. Ce chantier
ambitieux cherche sans aucun doute à adapter Carhaix aux nouvelles conceptions de l‟espace
urbain. Mais sa construction sera aussi coûteuse pour la communauté. Dans sa thèse sur les
villes de Bretagne, C. Nierès estime à quinze mille livres les frais déboursés pour ce nouvel
aménagement sur un total de cent deux mille cent soixante deux livres pour l‟ensemble des
travaux urbains menés à cette période. Même si elles sont difficiles à apprécier dans le détail,
les différents chantiers qui se sont succédé dans la ville semblent avoir définitivement
transformé le visage du Carhaix médiéval. Une lettre de 1765 de l‟ingénieur Moreau nous
apprend ainsi que « les anciennes portes de la ville qui baroient le passage d‟une rue à l‟autre
aïant été démolies au commencement de l‟année dernière par ordre de Monsieur le duc
d‟Aiguillon »443.
Malgré ces nombreux réaménagements la situation de Carhaix n‟est pas brillante à la fin du
XVIIIe siècle. Sa population reste modeste même si les chiffres que nous communiquent les
sources sont extrêmement variables (1400 habitants en 1770, 1225 en 1774 etc...444). Le
tableau de la ville que nous en brosse Jacques Cambry en 1794 n‟est guère enthousiasmant :
« Quelles rues ! Quelle malpropreté ! La grande rue est entièrement pavée de quartz : cette
pierre indestructible, dont les plus lourdes voitures ne peuvent briser les pointes anguleuses,

436
Le Chartrier dir., 2005, p. 117.
437
Moal, 2001.
438
Le Chartrier dir., 2005, p. 118.
439
Sur les réaménagements du réseau routier breton au XVIIIe siècle cf. Nierès, 2005, p. 41-53.
440
Ibid., p. 194, note117, Le Chartrier dir., 2005, p. 133.
441
Nierès, 2005, p.198, note 127.
442
Le Chartrier dir., 2005, p. 133.
443
A.D.I.V., C 621.
444
Le Chartrier dir., 2005, p. 100.

53
dégarnis de sable, de la terre qui les environnait, fatiguent le pied des piétons et estropient les
animaux. Beaucoup de maisons enfumées, au dessous du sol de la rue, recevant ses
écoulements ; une multitude de chaumières des habitants, en rendaient le séjour inhabitable,
sans l‟élévation sur laquelle cette ville est placée, sans les vents violents qui balayent et
purifient l‟atmosphère »445.

445
Cambry, 1979, p. 116-117.

54
Seconde partie : Les monuments médiévaux

55
2.1Les fortifications

2.1.1 Le château (fig. 22, n° 1)

Elément essentiel de la ville médiévale, le château, reste l‟un des monuments les plus mal
connus de Carhaix. Celui-ci occupait la partie sud de la cité et était relié, par la rue du pavé, à
la collégiale Saint-Trémeur. Il se situe en plein cœur de l‟ancienne ville romaine, non loin de
son hypothétique centre monumental.

La bibliographie ancienne, signale plusieurs découvertes à son emplacement. Ainsi à l‟ouest


de la mairie en 1832, furent mises au jour des canalisations réutilisées après leur abandon
comme lieu de sépultures, à une période malheureusement indéterminée : « des pauvres
trouvèrent des canaux souterrains d‟où ils retirèrent quantité de vases en terre cuite,
hermétiquement fermés, contenant des cendres, et qui étaient sans doute des urnes
cinéraires »446. En 1834 en creusant des fondations dans la rue de la Tour d‟Auvergne, des
ouvriers découvrirent un mur au pied duquel se trouvait « une plateforme en maçonnerie de 7
briques d‟épaisseur, les unes sur les autres, liées entre elles, ainsi que celles du mur par du
ciment composé de briques grossièrement pillées et de moitié de chaux. On n‟a pas encore
deviné à quel usage était affectée cette muraille percée d‟arceaux »447. Il ne semble pas
difficile aujourd‟hui d‟identifier dans cette description des hypocaustes. Ceux-ci pourraient
témoigner de la présence d‟un établissement thermal ou encore de simples aménagements liés
à un ou plusieurs habitats privés. Quelques découvertes récentes peuvent aussi être évoquées.
Outre le sondage mené à l‟emplacement des douves de la forteresse, nous signalerons la mise
au jour lors de l‟agrandissement de la rue du Tour-du-Château en février 2003 de deux
canalisations qui pourraient être liées à une forge ou un bas fourneau et de nombreux tessons
de céramiques gallo-romaines448.

Nous ne possédons que quelques bribes de l‟histoire de la forteresse de Carhaix.


L‟historiographie plaçait traditionnellement la première mention de celle-ci en 1105-1107,
date de l‟acte où apparaît le château du vicomte de Poher449. La critique récente ne permet
plus de reprendre avec assurance cette assertion. J. Quaghebeur proposede voir dans la ville
de Carhaix une propriété du domaine ducal dès le XIe siècle. La première évocation de la
forteresse pourrait donc être celle du « Roman d‟Aiquin » à fin du XIIe siècle : « Que à
Carhès est alé hosteler-le chastel a fort fait adrecer »450.L‟utilisation de cette source reste
cependant délicate. Par la suite, nous ne pouvons évidemment guère retenir la description du
château donnée dans le roman de Tristan au XIIIe siècle qui évoque une « tour maîtresse, bien
flanquée, de breteches pallissadées »451. Contrairement à ce que dit J. Quaghebeur dans un
article récent, il n‟existe aucune mention historique de la place forte à cette période. Le
compte ducal de 1262 cité par l‟auteur ne présente en vérité que la « recepte de Carhaix »452.
Il faut donc attendre le XIVe siècle et la Chronique de Froissart, pour retrouver les premières
indications certaines sur le château. L‟auteur nous précise ainsi que Jean de Montfort « s‟en

446
Pape, 1977, A-77.
447
Ibid., A-77.
448
Le Goffic, 2003, p. 22-23.
449
Cartulaire de Redon (a), p. 332-333, acte CCCLXXVII, Dom Morice, 1742-1745, col. 514, Caraës, 1984, p.
133-134.
450
Roman d‟Aiquin, 2774-2775, p. 106.
451
Roman de Tristan, p. Caraes, 1984, p. 123.
452
Pocquet de Haut Jussé, 1946, p.60.

56
ala par devers Craais, bonne ville et fort chastiel »453. La cité est prise plusieurs fois au cours
de la Guerre de Succession en 1342454, 1345455 et 1363456. La forteresse dut forcément en
pâtir. Par la suite nous ne retrouvons plus de mentions de château avant le début du XVIe
siècle. La présence d‟un capitaine dans la ville, attestée au moins jusqu‟au milieu du XVe
siècle, pourrait supposer, sans pour autant l‟assurer, que la forteresse est encore entretenue au
cours de cette période. Ce n‟est plus le cas au début de l‟époque moderne. En 1522 le
conseiller du roi Philbert Giffart trouve « une pièce de terre située et estant à l‟emplacement
du vieulx chasteau de K(er)aheis quel estoit et est inutile et de nul revenu »457. La place
semble alors en très mauvais état, les halles et des habitations sont déjà installées à
l‟intérieur : « icelle piece de terre contenante environ un demy journal de terre estant frost et
gast comme dust est cerné devers soleil l‟orient et le midi des vielles murailles dudit
chasteau458 et d‟autres endroits des maisons où à présent demourent en l‟une Yvon Bernard et
en l‟autre qui fut aultrefoiz à Xpien premier est à présent à ses hoirs icelles maisons fermant la
rue qui conduit de la cohue de ladite ville de K(er)ahais au Marchix ». Acceptant cette
situation, les représentants du roi décident de bailler les terres à un certain Thébaut Guillart
: « avons icelle piecze de terre o ses clostures de murailles et appartenances baille et
transportez et par ces présentes baillons et transportons à tire de [...] et héritage audit Guillart
acceptant pour il ses hoirs et cause ayants a en joyr et dispose à son plaisir à perpétuité pour
en payer chacun an à la dite recepte ordinaire dudit K(er)ahais ladite de une peir despron
argentez audit terme de sainct jean baptiste». La place semble donc avoir été abandonnée au
cours du XVe siècle, sans doute en raison du faible intérêt stratégique qu‟elle représentait
pour le duc de Bretagne. Elle suit donc un sort similaire à celle de Lesneven459 ou encore celle
de Landivisiau où un aveu de 1636 déclare le« château à présent ruiné [...] sur les fossés,
douves et issues duquel chasteau a été bati des logements et jardinages »460 Par la suite, notre
principale source d‟information sur le château est le rôle rentier de 1539-1542461. C‟est lui qui
nous apporte le plus de renseignements sur la forteresse, même si les descriptions sont rares.
Sans pouvoir être affirmatif, le texte semble faire une distinction entre la place des halles et le
château en lui-même, comme paraît l‟indiquer cette précision : « la rue par où l‟on va de la
tranchée de la cohue au chasteau ». Les halles sont alors le cœur de la cité et un nombre
important de maisons s‟y regroupe. Les ruines du château, qui pourraient correspondre à ce
que le rentier appelle « le petit chasteau »462, sont par contre mal fréquentées, comme en
témoigne une anecdote du document : «esquelles veilles murailles douffves et emplacementz
est le refuge des paillardz et paillardes qui se trouvent esdicts foyres et fon leur bordeau, et si
sont trouvés murtes et ovusement se y est trouvé un p(re)b(t)re mort [...] Et nous estre
transportez sur les lieux et avoir bien veü à vuee occtullaire lesd(ictz) emplacem(en)tz et
ruines desd(ictes) murailles, et que icelles murailles et douffves se pevent retirer maveix
garczons et putaceries ». L‟essor urbain constaté dans document de 1522, qui témoigne de
l‟occupation progressive de l‟emplacement du château, est ici confirmé. Celui-ci est déjà
ancien puisque « d‟iceulx puix trante ans derroins mal prinses, usurpees et eddiffices et
héritaige du roy dedans son chasteau de Kerahes et aux douves et pourprins d‟iceuleuy »463. Il

453
Froissart, § 143, p. 351-352
454
Ibid., § 172, p. 404, § 174, p. 410, § 175, p. 412-413, § 176, p. 413, § 180, p. 420
455
Richard Lescot, cap. 166, p.67.
456
La Borderie, Pocquet, 1998, t. 3, p. 576, note 1.
457
A.D.L.A, B 677.
458
Cette indication pourrait laisser supposer qu‟il n‟existe plus de muraille au nord.
459
Kernévez, 1997, p. 105.
460
Cité par P. Kernévez, cf. Ibid., p. 95.
461
A.D.L.A, B 1103, Le Mével, 1999, t.2.
462
A.D.L.A., B 1103, f° 45 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p 65.
463
Ibid., t. 1, p. 118, t. 2, f°42 v°.

57
est possible que le phénomène remonte plus loin encore. Le rentier cite trois textes qui
paraissent témoigner du développement de Carhaix depuis le XVe siècle : deux mandements
ducaux de 1421 et 1479 et l‟arrentement du château en 1522 déjà évoqué. Le premier
document ne semble pas concerner directement Carhaix, mais des nouvelles installations ont
pu suivre sa mise en œuvre. Le texte de 1479 permet, lui, au receveur de Carhaix « de bailler
des terres frostes et vagues à titre de censie »464. Même si nous ne pouvons le prouver, il
semble légitime de s‟interroger sur l‟installation d‟habitat à l‟intérieur du château au cours de
cette période.
Nous ne retrouvons guère d‟informations sur le château par la suite. Le développement urbain
fait disparaître peu à peu les attributs défensifs de ce lieu. Son existence est évoquée dans le
rentier de 1640 ou le procès-verbal d‟arpentage de 1682 mais ceux-ci n‟apportent pas
d‟informations sur les vestiges conservés à cette époque465. Le papier terrier de 1680 cite
« une maison du château » appartenant à Yves de Leslay qui consistait « en deux corps de
logis avec cour et dépendances sise près la rue qui conduist de la croisée des halles à la
Madeleine du côté occidental »466 S‟agit-il d‟un bâtiment médiéval ? Le nom que lui donne le
document ne constitue en tout cas pas une preuve ; il peut s‟agir d‟une simple indication
topographique. En 1687, les Carmes s‟installent à l‟intérieur de l‟ancienne enceinte, où ils
font l‟acquisition d‟un important emplacement. Les archives d‟Ille-et-Vilaine conservent le
texte de l‟achat de ce terrain, où se situent « la maison du château ou l‟hostel de Kerlouet,
logemement, chambres, cour, gallère, jardins et pavillons au bas du jardin avec leur
appartenance et dépendances ainsi qu‟ils s‟étendent et consistent à la connaissance des partyes
cernées du levant de la rue conduisant de la halle de cette ville à la Magdeleine, du midy
d‟autre chemin conduisant du Martray à la rue Cazuguel, et du Couchant d‟un jardin
dépendant de la succession du sieur de Quélénec Hervé tenu sous le Roy à la nature des autres
censives en cette ville chargée de la contribution à la rente deue sur les héritages du tour du
Château »467. Le bâtiment dont il est question dans ce contrat d‟acquisition appartenait-il à la
forteresse médiévale ? Il est difficile de se prononcer ; la description donnée est bien trop
vague. Comme l‟édifice précédent, son nom de « maison du château » ne constitue pas un
argument déterminant et l‟appellation « hostel de Kerlouet » viendrait suivant J. F. Caraes,
d‟une terre de Plévin possédée par René de Canaber, gouverneur de la ville à la fin du XVIIe
siècle468. S‟il existait encore quelques ruines du château au XVIIIe siècle, celles-ci durent
encore pâtir des grandes campagnes de rénovation de la ville entamée à partir de 1740. Le
plan levé par l‟ingénieur Besnard en 1772 (fig. 23) et le cadastre de 1819, ne figurent aucun
vestige de la forteresse. Ceux-ci devaient tout de même exister puisque nous en retrouvons
quelques évocations chez P. de Courcy et Halleguen du XIXe siècle.

Les principaux éléments de description possédés par le chercheur pour le château nous sont
donc donnés par les documents du XVIe siècle. Le texte d‟arrentement de 1522 offre une
indication importante pour imaginer la dimension que pouvait atteindre la place forte : « icelle
piecze de terre contenante environ demy journal de terre [...] cernée de vers le solleil devant et
midi des veilles murailles dudict chasteau »469. Ce qui représente, d‟après la conversion d‟A.
Le Mével, environ 2400 m2 de surface470. A cette époque la forteresse semble, comme nous
l‟avons dit, divisée entre deux grands ensembles : la place des halles, où se regroupent une
464
Ibid., t. 1, p. 117.
465
A.D.L.A, B 1104, B, A.D.L.A., B 1123.
466
A.D.L.A, B. 1107. Suivant J. F Caraës ce bâtiment devait se situer près de la cour Saint-Hervé, cf. Caraës,
1984, p. 132..
467
A.D.I.V., H, Du Laz, 1898-1899, p. 271.
468
Caraës, 1984, p. 132.
469
A.D.L.A., B 677.
470
Le Mével, 1999, t. 1, p. 106.

58
grande partie des habitations de la ville et le château en lui-même471. Il est cependant difficile
de juger si cette répartition est le reflet d‟une situation antérieure, (soit grosso modo une
division haute-cour et basse-cour) ou si elle est la conséquence du développement récent de
l‟habitat, qui se structure autour de la principale infrastructure économique de la ville. Le
texte d‟arrentement, tout comme le rentier, signale à de nombreuses reprises l‟existence de
« vielles murailles ». Dans son travail, A. Le Mével pense pouvoir identifier le tracé d‟une
« muraille intérieure, [qui] se prolongerait plus au moins parallèlement aux halles jusqu‟à la
rue Saint-Joseph exclue »472. Cette courtine matérialiserait donc la subdivision intérieure du
château que semble décrire le rentier. L‟étudiant ne donne malheureusement pas les
arguments qui le poussent à proposer cette restitution. La lecture du document nous incite à la
prudence. Les indications topographiques données par celui-ci nous semblent souvent très
imprécises, au point qu‟il est très difficile de les replacer sur un plan473. Le rentier signale
aussi, à de nombreuses reprises, une motte, qui devait se situer dans la partie en ruine du
château474. Son positionnement exact ne nous est pas connu et nous ne savons guère quelle
confiance il faut donner à cette mention tardive. Le document évoque aussi, l‟existence d‟une
chapelle Saint-Pierre475, en laquelle il est tentant de voir l‟ancien oratoire du château476.
Aujourd‟hui disparue, celle-ci est aussi évoquée dans le rentier de 1640477 et le procès-verbal
d‟arpentage de 1682478. Son positionnement au niveau de l‟actuelle rue Danton est connu
puisque la construction est encore représentéd sur le plan de 1772. Nos renseignement la
concernant sont peu nombreux, nous retiendrons surtout le papier terrier de 1678-1680, qui
nous donne la seule description existante de l‟édifice (fig. 22, n° 1 a) : « L‟esglise et chapelle
Sainct pierre avecq deux petites boutiques audevant cerné de boult du levant sur la rue de la
moutarde, du midy sur un jardin appartenant à la demoiselle K(er)penhir, du couchant sur la
ruelle qui conduit du martrait à la cour de Sainct hervé et au nord sur la place au martrait
audevant d‟icelle esglize contenant de long quarante deux pieds et de franc vingt six pieds
[13,7 m de long sur 8,5 m de large], laquelle esglize ledict sieur vicaire déclare estre au
proche fieff de sa majesté soubs son domaine de Carhais a debvoir de prière et oraison sans
rente ni cheffrante sui et a la cour quand le cas y eschoit et estre de tout temps immémorial
bastie avecq lesdictes bouticques au devant d‟icelle pour luy servir par le moyen des deniers
qu‟il peut percepvoir des locattaires ou fermiers d‟entretien de couverture et pierre saillante
sans quoy ladicte esglize tomberoit en ruisne nayant dailleurs aucun fond pour son entretien
lesquelles bouticques pour celle considération messieurs les commissaires les ont toujours
concédé à ladicte ésglize »479. Il a sans doute existé à proximité de l‟édifice un cimetière
puisque des crânes furent découvert lors de travaux menés sur la place de la mairie au niveau
de la boulangerie dans les années 1960 480. Terminons enfin, sur l‟évocation dans le rentier du
XVIe siècle, d‟un puits à proximité des halles481. Son origine pourrait aussi être liée au
château sans que nous puissions pour autant le prouver.

471
Le rentier utilise une fois le terme « petit chasteau » qui pourrait correspondre à cet ensemble, cf. A.D.L.A., B
1103, f°39 r° et Le Mével, 1999, t. 2, p. 56.
472
Ibid., t. 1, p. 105.
473
Ce que souligne lui-même A. Le Mével, cf. Ibid., p. 97-100.
474
A.D.L.A, B 1103, f° 38 v°, f° 39 r°, etc. Le Mével, 1999, t. 2, p. 56 : « chemyn qui va de la cohue à la mote
du chasteau [...] petite estable estant au deriere de la maison aux enffens feu Guill(aum)e La Mareschal, et
joignantz à la motte du petit chasteau ».
475
A.D.L.A, B 1103, f° 39 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 57.
476
Kernévez, 1997, p. 53.
477
A.D.L.A, B 1104, f° 9 r° et 19 r°.
478
A.D.L.A., B 1123.
479
A.D.L.A., B 1107, f° 239. Cette partie du document est publiée dans Caraës ; 1984, p. 135.
480
Mesgouez, 1991, p. 49.
481
A.D.L.A, B 1103, f° 19 r°,et f° 28 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 30 et 42.

59
On a longtemps considéré qu‟il n‟existait plus aucune trace de la forteresse de Carhaix. Les
travaux de C. Hervé-Légeard ont permis de montrer qu‟il n‟en était rien. L‟archéologue a pu
identifier un pan de courtine qui n‟avait jamais été repéré jusqu‟ici 482. Il s‟agit d‟une muraille
imposante orientée nord-sud le long de la parcelle AN 63 du cadastre actuel (fig.22 n° 1 b et
fig. 24). Conservé sur environ 7, 50 m de hauteur et 55 m de longueur, l‟ouvrage est constitué
de plaques de schistes établie de manière irrégulière. L‟absence de flanquement, ou de
percement, rend extrêmement difficile toute proposition de datation. La mise en œuvre n‟est
certes pas sans rappeler celle du château de la Joyeuse Garde en La Forest-Landerneau ou la
première phase du logis de la Roche Maurice, tous deux datés du XIIIe siècle, mais cela reste
très hypothétique. Autre élément jamais signalé jusqu'à aujourd‟hui, la présence de deux
éléments remployés dans le mur d‟enclos du square Henry Dunant dans la rue de la Tour
d‟Auvergne (fig. 25) Il s‟agit deux blocs de granit sculptés, appartenant aux piédroits d‟un
portail. La présence de bases prismatiques trahit incontestablement une réalisation des XVe
ou XVIe siècle. Ces vestiges pourraient évidemment avoir un lien avec le château. Leur
appartenance à un édifice religieux disparu semble en tout cas très probable. Un
rapprochement avec l‟ancienne chapelle Saint-Pierre serait ici tentant. Mais il faut sans doute
rester prudent, d‟une part parce que ces blocs sont relativement éloignés de l‟emplacement de
cet édifice, qui se situait au niveau de la cour Saint-Hervé, et que d‟autre part, il supposerait
une reconstruction de celle-ci dans le dernier siècle du Moyen Age, alors que la forteresse est
déjà abandonnée.
Les vestiges conservées de la forteresse étaient, semble-t-il, bien plus importants au XIXe
siècle. Deux auteurs de cette période font en tout cas allusion aux ruines de l‟ouvrage, sans
malheureusement préciser leur localisation. P. de Courcy tout d‟abord, qui précise ne « pas y
avoir reconnu l‟appareil romain, le château ayant subi de grandes transformations dès le XIVe
siècle, après les sièges qu‟il avait soutenus. Mais les champs qui l‟entourent sont encore
jonchés de débris de tuile, en particulier dans un jardin jouxtant l‟un des murs »483. Halléguen
ensuite, qui pense, lui, que « le château dit d‟Ahès appelle aussi une attention particulière. Ce
qu‟on nomme ainsi n‟a extérieurement rien de romain. Il faudrait fouiller les fondations qui
peuvent, qui doivent être romaines pour mériter quelque peu ce nom antique. On y trouve
cependant, ainsi que dans quelques murs voisins, du béton employé comme moellon de
construction ; mais il reste à savoir d‟où il provient »484. Plus loin, il précise qu‟ont été mis au
jour « les chapiteaux de colonnes doriques, qui feraient penser qu‟il y eut là un temple qui
aura été démoli, peut être pour bâtir des remparts de défense contre les barbares au III et au
IVe siècle »485. Nous pouvons sérieusement douter des observations de P. de Courcy.
L‟évocation d‟une reconstruction de la forteresse au XIVe siècle est plus emprunt d‟une
vision historique que d‟une réelle analyse « archéologique ». Tout juste cette remarque nous
prouve-t-elle que l‟auteur a lu l’Histoire de Bretagne de Dom Lobineau qui fait le récit de la
Guerre de Succession et donc des sièges qu‟a connus Carhaix à cette période. Concernant E.
Halléguen, il paraît aussi difficile de retenir ses propos sur la possible origine romaine du
château. Ceux-ci ne sont guère plus que des supputations. La présence de « béton » n‟en
apporte en tout cas aucune preuve, puisqu‟il correspond, de l‟aveu même de l‟auteur, à un
remploi qui n‟a évidemment rien de surprenant dans le contexte archéologique de Carhaix.
Malgré cela, les allégations de E. Halléguen ont été reprises par L. Pape et plus récemment J.
Y Eveillard qui se sont tous deux questionnés sur l‟hypothétique origine antique de la
place486. L‟interrogation de ces chercheurs reste évidemment légitime. Il peut, en effet,

482
Légeard, 1994, p. 89, Kernévez, 1997, p. 53.
483
Bizeul, 1849, Pape, A-78.
484
Halléguen, 1863, p. 532.
485
Ibid., p. 533.
486
Pape, 1978, p 101, Eveillard, 2001, p. 72-73.

60
sembler étrange que la cité n‟ait pas été pourvue de fortification, si l‟on considère, comme
certains avis récents, que celle-ci n‟a pas perdu son statut de chef-lieu. De plus, le nom de la
paroisse « Plouguer », qui semble remonter au haut Moyen Age (même si sa première
mention ne date que de 1383), renvoie incontestablement à un « ouvrage fortifié ». Constatant
ces faits, J. Eveillard a proposé d‟identifier la présence d‟un castellum romain à
l‟emplacement de la construction médiévale. Cette idée reste cependant très hypothétique,
puisque aucune découverte archéologique ne peut venir la confirmer. Seules d‟éventuelles
interventions peuvent vraiment apporter des réponses.

2.1.2 L‟enceinte urbaine

Présenté par J.F. Caraes comme une vérité incontestable, la question de l‟enceinte urbaine à
Carhaix a, jusqu‟à présent, été peu évoquée. Hormis P. Kernévez qui semble émettre quelques
doutes sur la restitution qui a pu en être proposée487, aucun chercheur ne s‟est véritablement
interrogé sur cet ouvrage. Nous aurons l‟occasion de revenir sur le tracé supposé par J. F.
Caraes pour cette fortification, dans notre travail sur la morphologie de la ville. Mais avant
cela, il est utile de faire le point sur les connaissances que nous pouvons avoir de cette
enceinte.

Une visite, même rapide, de Carhaix suffit sans doute pour conclure qu‟il n‟existe plus aucun
vestige d‟une fortification autre que celle du château dans l‟agglomération. Seuls les textes
sont donc susceptibles d‟apporter des informations sur sa réalité.
Les sources médiévales n‟offrent cependant aucune indication claire sur l‟existence de cette
construction. Jean Froissart nous parle de « Craais, bonne ville et fort chastiel », indication
pour le moins sibylline488. Certains historiens ont pu dire que les fortifications ont subi
d‟importantes destructions au cours de la Guerre de Succession489, mais aucun texte n‟évoque
clairement celles-ci490. En 1355, un acte de Saint-Siège autorise l‟installation des Augustins in
castello de Kerahes491. Le couvent étant situé à l‟est de la ville bien à l‟extérieur du château,
nous pourrions y voir un premier indice de l‟existence d‟une fortification urbaine à Carhaix.
L‟acte d‟arrentement du château en 1522 n‟apporte pas non plus d‟information décisive. Il
faut cependant noter la mention d‟une porte Motreff : « la porte nommée porz Motreff quasi à
l‟endroit du chemin menant dudit marchix de ladite ville à la magdeleine »492. Celle-ci
faisait-elle partie de l‟enceinte de Carhaix ? Sa situation à proximité du château ne permet pas
de présenter de réponse assurée. L‟analyse du rôle rentier de 1539-1542 rend par contre plus
perplexe, puisque le document n‟évoque à aucun moment l‟existence de fortifications autres
que celles de l‟ancienne place forte. Il s‟agit là d‟un problème important que ne nous souligne
curieusement pas A. Le Mével dans son étude. Comme toujours, les informations sont un peu
plus nombreuses dans les sources modernes. L‟enquête faite en 1600-1601, à la suite des
guerres de la Ligue, nous apporte de nombreuses informations. Il est ainsi précisé que les
enquêteurs ont« été conduit aux quatre portes de ladicte ville, et premièrement à la porte de
Rennes près d‟une maison appartenant à Guillaume Olymant, sieur de Launay, et [ont] ensuite
continué à visiter les autres portes et tours de ladite ville pour en examiner les dégâts »493.

487
Kernévez, 1997, p. 53.
488
Froissart, § 143, p. 351. Sur le problème de « la bonne ville », cf. Chevalier, 1982, p. 7-17.
489
Caraes, 1984, p. 126-127, Le Mével, 1999, t. 1, p. 105.
490
Sur les événements connus à Carhaix au cours du pan breton de la guerre de cents ans, cf. Froissart, § 143, p.
351, § 174, p. 410,§ 175, p. 412-413, Richard Lescot, cap. 166, p.67, etc.
491
Actes du Saint-Siège, n° 291, p.127
492
A.D.L.A., B 677.
493
Bourde de la Rogerie, 1898, p. 264.

61
Plus loin dans le document, un certain Guillaume Blaës, notaire royal de la juridiction, dépose
que « les habitants de Carhaix qui ne voulaient pas se soumettre audit sieur baron du Pont 494,
firent à grands frais faire quelques clôtures en la dite ville »495. Le sergent royal Jean Henry
témoigne qu‟au « commencement de ces guerres civiles, il a veu les habitants de Carhaix
barricader et clore de murailles leur ville, n‟y laissant que quatre portes et entrées »496. Louis
le Bloch rapporte aussi que les « troupes entrèrent dans la ville de Carhaix et ravagèrent,
abattirent et ruinèrent toutes les portes et deffenses que les habitans de Carhaix avoient fait en
ladite ville »497. Ce document est intéressant puisqu‟il semble être le premier à clairement
évoquer l‟existence d‟une enceinte pourvue de portes et même de tours. Ces indications sont
cependant encore imprécises puisque ces différents ouvrages ne sont pas localisés. A
contrario, le chanoine Moreau, qui rapporte les mêmes faits, dont il est aussi contemporain,
donne une vision un peu moins reluisante des fortifications de la ville, en précisant que
« Carhaix n‟était pas fort, n‟étant clos que de barrières et de chétives murailles »498. Par la
suite, la supplique adressée au roi en 1615, n‟est pas très riche en information sur notre sujet.
Il y est seulement rapporté le désir des habitants de voir « clore les avenues et entrées de la
ville par barrières ou portes »499. Le rentier de 1640 cite, lui, deux portes : la porte Neuve tout
d‟abord : « maison appartenant à M. Jacques Briant sytuée en la rue des Augustins au levant
la porte appelée la porte Neuffve ou porte [non lu] »500. Mais aussi la porte Motreff : « maison
[...] sur la rue qui va de la rue des Augustins à la porte Motreff vers le midi la rue de la
moutarde »501. Le procès verbal d‟arpentage de 1682 ne cite, lui, que le second ouvrage qu‟il
situe, comme les documents précédents, dans le secteur de la rue de la Moutarde502. Pour
terminer, il faut noter les nombreuses mentions de destruction de portes au moment des
grands travaux de la fin du XVIIIe siècle. Un document de 1772 évoque ainsi « la démolition
des portes de la ville nommées les portes de Rennes et du Faouët » en 1762503. Une lettre de
1765 de l‟ingénieur Moreau, nous apprend que « les anciennes portes de la ville qui baroient
le passage d‟une rue à l‟autre aïant été démolies au commencement de l‟année dernière par
ordre de Monsieur le duc d‟Aiguillon. Les pierres de démolition ont été placé à l‟entrée du
champs de foire, où elle sont encore pour servir que la communauté à former de réparer et
fortifier le sol de ce champ qui en hiver est un endroit impénétrable aux bestiaux»504. Ces
différentes démolitions sont rapportées par T. Corret de la Tour d‟Auvergne, qui signale qu‟il
« ne subsiste plus des fortifications urbaines assez considérables de cette ville que des restes
des murs et les vides des portes de Rennes et Motref, qui ont été détruite il y a quelques
années »505.
Pour conclure nous pouvons dire que le regroupement de ces différentes informations,
souvent peu précises, a l‟intérêt de rendre crédible l‟idée de l‟existence d‟une enceinte urbaine
à Carhaix. Il reste cependant à définir son tracé, ce qui représente un important problème sur
lequel nous reviendrons.

494
Il s‟agit du seigneur de Rostrenen.
495
Ibid., p. 264.
496
Ibid., p. 265.
497
Ibid., p. 268.
498
Moreau, 1857, p. 93.
499
Peyron, 1904-1905, p. 338.
500
A.D.L.A., B 1104, f° 10 r°.
501
Ibid., f° 9 v°, voir aussi f° 14 r° et 24 r°.
502
A.D.L.A., 1123, f° 11 v, f° 12 r°, etc.
503
A.D.I.V., C 621
504
Ibid.
505
Ogée, 1845, t. 1, p. 144.

62
2.2Les édifices religieux

2.2.1 L‟église paroissiale Saint-Pierre de Plouguer (fig. 22, n°2)

L‟église de Saint-Pierre de Plouguer, centre de la paroisse du même nom, se situe à la


périphérie de la ville de Carhaix, à environ 200 m à l‟ouest de la collégiale Saint-Trémeur.
Installé dans un secteur isolé dès la fin du XVIIIe siècle, comme l‟indique le plan de
l‟ingénieur Besnard en 1772, l‟édifice est cependant placé à l‟intérieur de l‟emprise maximum
supposée de la cité romaine.
Si de nombreux érudits du XIXe siècle ont suggéré, sans aucune preuve, la présence d‟un
temple à l‟emplacement de l‟église ; l‟existence d‟installations romaines dans le secteur de
cette construction est par contre bien attestée. Au début du XXe siècle est ainsi signalée la
découverte à l‟est de l‟église d‟un « conduit rempli de boue calcinée, haut de 0,65 m, large de
0, 55 m »506 qui suivant L. Pape se dirigeait plus au nord où il aurait alimenté un hypocauste
aux alentours de N.D du Frout507. Plus au sud dans la parcelle du Parc ar Sinagog (n°308 du
cadastre napoléonien), furent aussi retrouvés des blocs de pierre et de ciment « en général
ornés à leur surface horizontale de dessins parfois très riches formant par une heureuse
combinaison de teintes, des mosaïques »508. Enfin les sondages de C. Légeard au nord de
l‟église en 1994 ont permis de repérer les traces d‟une activité d‟une occupation de nature
indéterminée dans cette zone à la période gallo-romaine (sans datation précise)509.

Les sources manquent pour écrire l‟histoire de l‟église Saint-Pierre à la période médiévale.
La mention de la paroisse intervient tardivement en 1383510 et le rôle rentier de 1539-1542
parle seulement de « la vieille église » sans apporter d‟informations supplémentaires sur son
statut, sa topographie, ou sur l‟édifice lui-même. Les documents des XVI-XVIIIe siècles
clarifient cependant cette question en présentant Plouguer comme le centre de la paroisse dont
Carhaix n‟est alors qu‟une trêve. Même si cette situation n‟est pas claire dans les textes
médiévaux, qui évoquent souvent une paroisse de Carhaix, les chercheurs considèrent
habituellement que le fonctionnement était le même au Moyen Age. Des arguments militent
cependant en faveur de l‟ancienneté de la paroisse, à commencer par son nom en plou,
présenté comme la caractéristique d‟une création au haut Moyen Age, mais aussi la dédicace
de l‟église au premier des apôtres, saint Pierre, qui est généralement présenté comme un
indice d‟ancienneté511.
Devant cette absence de texte nous renseignant sur l‟histoire ancienne de l‟édifice, l‟analyse
de l‟architecture prend ici d‟autant plus d‟importance. L‟église actuelle présente un plan
simple d‟une nef à trois vaisseaux sans transept, pourvu d‟une abside à trois pans et d‟un
clocher-porche hors œuvre (fig. 26). Une étude plus précise permet de distinguer dans cet
ensemble trois grandes phases :

 La partie romane du vaisseau central

Nombreux sont les auteurs des XVIIIe-XIXe siècles à avoir attiré l‟attention sur l‟ancienneté
apparente de certaines parties de l‟église, auxquelles ils ont donné des datations forts diverses
En 1794-1795, J. Cambry décrivait « l‟église collégiale de Saint-Pierre, sise un peu en dehors

506
Halleguen, 1863, p. 532.
507
Pape, 1977, A-64.
508
Rolland, 1900.
509
Legeard, 1994, t. 3 (volume d‟annexe non paginé).
510
Tanguy, 1990, p. 49.
511
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 166-167.

63
de la ville, est un très ancien monument fondé dans le sixième siècle. Les piliers et les arcades
de sa nef sont tout ce qui y reste de cette fondation primitive ; tout le reste a été ajouté dans
les quinzième et seizième siècles »512. Le chevalier de Fréminville, au regard plus avisé, citait
en 1835 « l‟église de Saint-Pierre, presque entièrement refaite dans le seizième siècle, mais
dont une partie de la nef, d‟architecture gothique lombarde, est infiniment plus ancienne »513.
Ces vestiges anciens correspondent aux quatre premières travées du vaisseau central (en
partant de l‟ouest) ou tout du moins un partie d‟entre elles, puisqu‟au sud seules les deux
premières arcades sont entièrement conservées. De la troisième, il ne reste plus que deux piles
reliées par un arc gothique. L‟espace important qui les sépare pourrait même laisser supposer
qu‟un support intermédiaire ait été supprimé514. L‟ensemble présente une élévation simple à
deux niveaux avec des grandes arcades composées de piles rectangulaires, dépouillées de tout
élément architectonique, et construites dans un moyen appareil utilisant des pierres de taille
en granit. Elles reçoivent des arcs fourrés, assez frustres, formés de claveaux rectangulaires
qui suivent une forme d‟ensemble légèrement outrepassée. L‟étage des fenêtres hautes se
compose d‟une série de baies en plein cintre clavetées et ébrasées vers l‟intérieur (fig. 27).
L‟observation de l‟édifice tant en plan qu‟en élévation fait apparaître clairement le décalage
existant entre les piles du nord et du sud du vaisseau central, détail certes curieux, mais que
rien ne permet de présenter comme l‟indice d‟un décalage chronologique dans la construction.
Les travaux de P. Guigon ou M. Décéneux ont d‟ailleurs permis de montrer d‟autres cas de
disparité à l‟intérieur d‟édifices de la même période comme dans la nef de la cathédrale d‟Alet
III (Ille-et-Vilaine) de la fin du Xe siècle515 ou de l‟église de Perros-Guirec (Côtes-d‟Armor)
datée de la seconde moitié du XIIe siècle516. Si les collatéraux ont disparu, il ne semble ici
guère difficile de restituer un volume originel composé de trois vaisseaux charpentés affiliant
l‟église au « groupe » très représenté en Bretagne des églises à nef de type basilical.
L‟observation de la maçonnerie à l‟intérieur de l‟édifice est rendue difficile par la présence
d‟un enduit blanc qui cache une grande partie de la construction. M. Chevance a néanmoins
pu remarquer la présence de remplois gallo-romains, notamment de pilettes d‟hypocauste
s‟intercalant dans le clavetage des arcatures et des baies517. Des observations plus
intéressantes peuvent être apportées sur la face externe du mur sud du vaisseau central laissée
à nue (fig. 28). Celle-ci permet clairement d‟observer que l‟arc le plus à l‟ouest du vaisseau a
été détruit au moment de la construction du clocher, ce qui permet de conclure que la nef
originelle s‟étendait plus à l‟ouest que celle de l‟édifice actuel et qu‟elle comptait au moins
cinq travées. La maçonnerie, elle, se constitue en majorité d‟un petit appareil de moellons
allongés grossièrement cassés au pic ou au marteau et appliqués en assises régulières baignant
dans le mortier. Cette mise en oeuvre n‟est pas sans rappeler l‟opus vittatum romain tel qu‟on
peut observer par exemple au temple du Haut-Bécherel en Corseul (Côtes d‟Armor). A
l‟intérieur de cette maçonnerie viennent aussi s‟intercaler, de manière très irrégulière, des lits
d‟opus spicatum ou appareil en arête de poisson. Ceux-ci, s‟ils sont encore souvent présentés
comme des éléments décoratifs, ont en vérité une réelle fonction structurelle puisqu‟ils
permettent de rattraper le mur en régularisant les assises et lui assurent une stabilité répondant
aux tassements des parties hautes. Enfin nous observerons, au-dessus du porche gothique, la
présence d‟une baie étroite et clavetée, aujourd‟hui bouchée qui remploie une tegulae romaine
(fig. 29).

512
Cambry, 1979, p. 113.
513
Fréminville, 1979, p. 215.
514
C‟est ce que semble supposer A. Mussat, cf. Mussat, 1957, p. 209.
515
Guigon, 1993, p. 21, Guigon, 1997, t.1, p. 119, Chevance, 2001, p. 423 note 20.
516
Décéneux, 1998, p.98-99.
517
Chevance, 2001, p. 424, l‟historien carhaisien note aussi « des claveaux de modules plus réduits taillés dans
une pierre étrangère à la région, une variété de calcaire ou de tuffeau ».

64
La datation de cette construction s‟avère une question difficile à résoudre et les avis divergent
suivant les spécialistes. En 1958, dans son ouvrage sur l‟art roman en Bretagne, R. Grand
voyait dans cette construction les vestiges d‟un édifice très ancien qui « pourraient être
attribués à une époque où l‟art de construire avait conservé, bien que très altérées certaines
traditions carolingiennes, époque qui serait par conséquent antérieure au XIe siècle »518. Plus
récemment P. Guigon a proposé une datation XIe-XIIe siècle dans la courte notice qu‟il livre
sur l‟église sans vraiment apporter d‟argumentation519. Enfin M. Décéneux et surtout M.
Chevance, ont proposé d‟attribuer l‟édifice au premier art roman (1000-1070 environ)520.
L‟appartenance de l‟église au « groupe » des églises à nef de type basilical, évoquée par ce
dernier, ne nous semble pas être ici un élément déterminant pour la chronologie. M. Décéneux
semble avoir démontré que ce type de formule est classique pour la plupart des édifices
bretons de la période romane, qu‟ils soient importants ou modestes521. La forme légèrement
outrepassée des arcs ne semble pas non plus un caractère déterminant. Elle se retrouve dans
de nombreuses constructions romanes comme dans la nef de Saint-Melaine de Rennes (début
du XIe siècle ?) ou celle de Saint-Martin de Lamballe522. La grande muralité de l‟élévation
qui ne présente aucun élément d‟articulation peut, par contre, être perçue comme un indice
d‟ancienneté. La même austérité se retrouve ainsi dans des édifices du premier art roman
comme Saint-Paul de Batz (Finistère) et Mullizac (Morbihan) datés par M. Décéneux des
environs de l‟an mil523 ou encore les églises de Saint- Lunaire524, Langast, Gahard (Ille-et-
Vilaine)525 et Saint-Martin de Lamballe (Côtes-d‟Armor)526 qui présentent comme à Plouguer
une élévation simple avec piles rectangulaires et fenêtres en plein cintre. Mais des
comparaisons peuvent aussi être cherchés avec des édifices datés de la fin du XIe ou du début
du XIIe siècle comme Ambon (Morbihan)527 et Lamber en Ploumoguer (Finistère)528 ou de
manière moins nette à Ploërdut ou Langonnet (Morbihan)529. Cependant, comme le remarque
M. Chevance, si des « églises ou chapelles postérieures à 1080 [...] présentent bien une part
d‟archaïsme dans le dépouillement relatif de leur vaisseau central, [...] déjà les piles ou
impostes abattues en chanfrein, ressauts, piliers de colonnes semi-engagées, chapiteaux à
tailloirs cubique, sculptures envahissent la nef »530. Les techniques de construction employées
à Plouguer semblent aussi s‟accorder avec une datation haute mais les recherches les plus
récentes en histoire de l‟architecture démontrent la longue persistance des savoir-faire et nous
incitent à la prudence. Le petit appareil utilisant des moellons à face de parement carré peut
trouver des comparaisons dans des édifices de la première moitié du XIe siècle comme
Fontenay, ancienne paroissiale de Chartres-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine)531, ou Locmaria en
Quimper (Finistère). On l‟observe cependant dans des constructions plus tardives comme

518
Grand, 1958, p. 238.
519
Guigon, 1993, p. 39.
520
Décéneux, 1998, p. 56, Chevance, 2001, p. 428. A. Mussat n‟a curieusement fait aucune proposition dans son
article sur l‟église.
521
Décéneux, 1998, p. 54-57.
522
Mussat, 1957, p. 210.
523
Ibid., p. 21-24, Décéneux, 2004, p. 7-80. Précisons que la datation proposée par M. Décéneux de la chapelle
de l‟île de Batz fait débat avec P. Guigon qui y voit une réalisation plus récente, cf. Guigon, 2004, p. 108.
524
Ibid., p. 55.
525
M. Décéneux met en rapport la construction de l‟édifice avec la donation du prieuré par Alain III à
Marmoutier entre 1015 et 1032, cf. Ibid., p. 56.
526
Ibid., p. 55.
527
Ibid., p. 56-57.
528
Guigon, 1993, p. 19-20.
529
Grand, 1957 (a), p. 115-117, Grand, 1957 (b), p. 119-123.
530
Chevance, 2001, p. 428.
531
Guigon, 1993, p. 23.

65
l‟abbatiale de Landévennec (Finistère) ou l‟église de Bréal-sous-vitré ainsi que dans des
constructions à la chronologie incertaine comme Saint-Brieuc-des-Iffs 532 ou Saint-Grégoire
(Ille-et-Vilaine)533. La présence d‟opus spicatum est aussi souvent présentée comme le signe
d‟une construction ancienne ; M. Décéneux en fait d‟ailleurs l‟un des éléments les plus
caractéristiques des édifices du premier art roman en Bretagne534. Les travaux menés par P.
Guigon, ainsi que ceux menés dans d‟autres régions françaises, incitent cependant à rester
mesuré puisque de telles mises en œuvre persistent encore dans certaines constructions du
XIIe siècle535. L‟utilisation d‟arcs fourrés semble par contre moins faire débat, puisqu‟il est
généralement admis auprès des spécialistes comme un indice d‟ancienneté. Pour terminer, les
ouvertures, généralement présentées comme des bons indicateurs chronologiques536, nous
semblent dans notre cas assez peu parlants. Nous retiendrons seulement à la suite de M.
Chevance que les fenêtres en plein cintre à ébrasement sont une innovation de la période
romane contrastant avec « les hautes baies plates » de l‟architecture carolingienne537.

Les vestiges conservés de l‟édifice roman de Plouguer renvoient l‟image d‟une construction
modeste proche de beaucoup d‟églises rurales bretonnes des XI-XIIe siècles. Ce
dépouillement rend difficile le travail de l‟historien de l‟architecture qui a bien du mal à
avancer un argument décisif pour sa datation. Les quelques indices présentés ici nous
paraissent cependant militer en faveur des avis de M. Décéneux ou de M. Chevance qui
propose de rattacher l‟église aux réalisations du premier art roman. Il est en tout cas certain
que rien ne permet de retenir ici l‟hypothèse d‟une construction carolingienne émise par R.
Grand en 1958 et encore reprise dans certains travaux récents538.

 Le reste de la nef et la tour porche : la part du gothique flamboyant

L‟édifice a été profondément transformé par la suite avec la reconstruction de la partie


orientale du vaisseau central, des collatéraux et la réalisation d‟une sacristie et d‟un clocher-
porche. Ces nouveaux travaux ont pris pour base le noyau roman. Le clocher est ainsi venu
s‟accoler aux vestiges de la nef primitive qu‟il a raccourci, comme le montre clairement
l‟observation de la face externe du mur sud du vaisseau central dont l‟arcade la plus
occidentale a été partiellement démontée. Le collatéral roman qui devait se situer à ce niveau
n‟a d‟ailleurs pas été reconstruit, les ouvriers se contentant de boucher les grandes arcades du
vaisseau central. A l‟intérieur, les arcs sont aussi repris. Les piles de la troisième travée sud
sont partiellement transformées et reçoivent un arc en tiers point. Mais la véritable liaison
avec le nouveau chantier se fait au niveau de la cinquième travée au nord et de la quatrième
travée sud où la maçonnerie du nouveau vaisseau central plus resserré que le précédent vient
s‟appuyer contre les faces intérieures des piles romanes.
La nouvelle construction est une nef à trois vaisseaux pourvue d‟une élévation à un seul
niveau couvert d‟une charpente lambrissée en berceau. Les arcades sont formées d‟arcs brisés
moulurés à pénétration reçus par des piles octogonales (fig. 30). Cette élévation contraste
nettement avec celle de la partie romane par sa hauteur qui donne l‟impression d‟un nouvel
élancement à l‟édifice, en même tant qu‟elle permet de faire entrer plus largement la lumière.
L‟éclairage est pourtant ici indirect ; il se fait depuis les baies en arc brisé des collatéraux

532
Ibid., p. 28.
533
Ibid., p.29.
534
Décéneux, 1998, p. 40.
535
Guigon, 1993, p. 7-8. Nous pouvons citer l‟exemple de Pacé (Ille-et-Vilaine) daté de la fin du XIIe siècle.
536
Ibid. p. 8.
537
Chevance, 2001, p. 424.
538
Le Mével, 1999, p. 110, Quaghebeur, 2002, p. 22-23.

66
(deux au nord au niveau de la partie reconstruite du vaisseau central et trois au sud) suivant la
formule des églises «à nef obscure » décrite par A. Mussat qui est très utilisée dans les
édifices gothiques de Bretagne. Dans la partie orientale de la nef au sud de l‟abside, deux
murs isolent une petite pièce d‟environ 3x 4,5 m éclairée par une fenêtre à encadrement
rectangulaire surmonté d‟un arc segmentaire qui correspond à la sacristie. L‟ensemble de la
construction est renforcé à l‟extérieur par une série de contreforts dont le nombre et le rythme
sontt différents au nord et au sud. Notons que le troisième contrefort (en partant de l‟ouest) du
collatéral sud est pourvu d‟une niche sculptée et recevait peut-être à l‟origine une statue
(fig.31). Enfin remarquons aussi que les angles nord-est et sud-est de la nef sont englobés par
des contreforts dont la couverture en bâtière contraste avec le glacis couronnant les massifs de
maçonnerie précédents. Il serait bien hasardeux d‟y voir ici la marque d‟un décalage de
construction ; peut-être s‟agit-il d‟un moyen utilisé pour démarquer la partie orientale du reste
de l‟édifice ? Au sud-ouest de l‟église s‟étend un porche de plan carré (fig. 32). Sa façade
méridionale s‟ouvre par un portail couvert d‟un arc à voussures reçues par de fines
colonnettes à base prismatique inscrites en ébrasement (notons que le piédroit oriental
s‟affaisse légèrement) L‟ensemble est encadré par deux colonnettes couronnées d‟un pinacle
et surmonté d‟une archivolte en accolade pourvue d‟une série de moulurations décoratives. Le
sommet du pignon orné de crochets est couronné à sa pointe d‟un fleuron. A l‟intérieur,
l‟ouvrage, couvert d‟une charpente lambrissée en berceau, présente sur ses cotés une série de
douze niches qui devaient recevoir les statues des Apôtres. Il s‟ouvre enfin sur la nef par une
porte couverte d‟un arc en accolade encadrée par deux colonnettes surmontées d‟un fleuron
(fig. 33). En 1958, R. Grand supposait que ce porche « avait absorbé [...] un plus petit de date
inconnue, dont un pan de maçonnerie est noyée [dans la construction actuelle]»539. L‟historien
de l‟art n‟apporte pas de précision supplémentaire sur la localisation de ce vestige qui doit
correspondre à la partie nord du mur goutterot occidental du porche (fig. 34). Sa maçonnerie
diffère en effet nettement du reste de cet ouvrage puisqu‟elle se compose de moellons de
schiste de petit module mis en œuvre de manière très irrégulière, seulement percée d‟une
petite lucarne quadrangulaire qui fut bouchée par la suite. Le plan montre clairement que ce
mur est plus épais que le reste de la maçonnerie du porche. Cette construction est
incontestablement postérieure à l‟église romane, l‟observation de la liaison avec celle-ci
montre qu‟elle vient s‟y accoler. L‟édifice primitif était par conséquent détruit lors de sa
réalisation puisque la construction s‟appuie contre le mur du vaisseau central. Pour
l‟interprétation de ce mur nous resterons néanmoins prudent. Il n‟est absolument pas certain
que celui-ci appartienne à un porche antérieur à la construction actuelle que l‟on comprendrait
mal dans le reste d‟une construction qui paraît homogène. Le porche, semblant lié à la
réalisation de la nef, il faudrait dès lors supposer un édifice antérieur à celui existant
aujourd‟hui et postérieur à l‟église romane, ce qui nous semble hautement improbable. Il doit
plutôt s‟agir d‟une étape intermédiaire dans la réalisation du porche faisant la liaison avec les
maçonneries romanes à un niveau où l‟architecte a décidé de clore le collatéral sud qui ne se
poursuit pas jusqu‟au clocher, à la différence de son parallèle au nord. Pour terminer, notons
à proximité de cet ouvrage, sur la face extérieure du mur sud de l‟édifice roman, la trace d‟un
solin surmontant l‟arcade bouchée qui, au niveau où il est placé, ne peut pas correspondre à
l‟empreinte de la toiture du porche. Sans doute s‟agit-il ici de la trace d‟une construction
modeste venue s‟installer contre cette partie de l‟église.
Le clocher-porche, pour terminer, constitue, sans aucun doute, la réalisation la plus
remarquable de cette phase (fig. 35). Il s‟agit d‟un ouvrage hors-œuvre de plan carré divisé à
l‟origine en trois niveaux. Sur la façade occidentale le porche s‟ouvre par une porte de taille
modeste dont la voussure et les piédroits reçoivent un riche décor végétal (fig. 36). Celle-ci

539
Grand, 1958, p. 238.

67
s‟inscrit dans une arcade plus importante qui englobe aussi la baie de la partie supérieure. Le
troisième niveau correspond la chambre des cloches. Il se démarque à l‟extérieur par la
présence sur chaque face, d‟une haute baie ébrasée vers l‟intérieur, encadrée par deux
pilastres d‟inspiration antique. L‟ensemble est surmonté par une frise à décor géométrique. La
distribution entre ces différents niveaux est permise par un escalier de pierre en vis demi-hors-
œuvre sur la face sud, accessible depuis le premier niveau et se terminant par une guette sur la
plateforme supérieure. Notons enfin que chaque angle de la tour est englobé par un contrefort
portant une série de ressauts successifs surmontés de pinacles dont une partie seulement est
terminée (seul trois sur douze sont surmontés d‟un fleuron). La construction n‟a donc pas pu
être terminée.

La datation de cette phase ne pose pas de problème. L‟élévation simple et épurée, formée de
hautes piles octogonales recevant des arcs à pénétration l‟apparente aux réalisations du
gothique flamboyant. Il en est de même pour le répertoire décoratif et les moulurations (arc en
accolade, bases prismatiques...). Les niveaux supérieurs de la tour marquent cependant
l‟introduction d‟un décor renaissant. Il est important de noter les fortes ressemblances existant
entre le clocher-porche de Plouguer et Saint-Trémeur. Les deux ouvrages sont
vraisemblablement contemporains dans leur réalisation, l‟un ayant sans doute influencé
l‟autre. Les quelques éléments ainsi réunis incitent à une datation dans la première moitié du
XVIe siècle. Celle-ci est confirmée par une inscription dans la sacristie portant l‟indication
« L‟AN MIL Ve QUATORZE I. DU VIEIL CHASTEL » qui date vraisemblablement les
travaux. Le donateur évoqué correspondant sans doute à Jean Ier du Vieux Chastel540.

 L‟abside : une reconstruction du XVIIIe siècle

L‟ensemble de l‟église est clôturé à l‟est par une abside (fig.37). L‟ouvrage en question est
une chapelle à trois pans ouverte par deux baies modestes. La première au sud correspond à
une simple ouverture en plein cintre, tandis que la seconde, dans l‟axe, un peu plus
ambitieuse, est une fenêtre en arc brisé plus large mais aussi plus courte que la précédente
portant un remplage au décor assez simple. Cette construction réalisée dans un grand appareil
de granit est couronnée à l‟extérieur d‟une « frise » formée par une série de pierres plus
claires. A l‟intérieur l‟ouvrage ne présente guère de particularité, si ce n‟est la césure
partiellement masquée par l‟enduit que présente le mur septentrional qui marque la rupture
entre la réalisation de cette abside et le reste de la construction. Un décalage qui est aussi
perceptible en plan par un léger rétrécissement de la maçonnerie de l‟abside à ce même
niveau. Cette construction est donc un ouvrage postérieur au reste de l‟édifice, dont une pierre
située sur son pan sud nous donne sans doute la date d‟édification : 1746.

 Le cimetière

Autour de l‟église se développe encore aujourd‟hui un cimetière dont l‟origine est sans doute
ancienne à en juger par le statut paroissial de l‟église. Les textes ne nous renseignent pas sur
l‟antiquité de celui-ci. Les livres de la sénéchaussée de Carhaix du XVIe541 et du XVIIe
siècle542 ne signalent pas de cimetière autour de l‟église. Un enclos est cependant figuré sur le

540
Du Laz, 1898-1899, p.263. Cette identification peut sembler étonnante puisque son père ne meurt qu‟en 1521.
Notons aussi que le fils de Jean Ier, Francois du Chastel (mort en 1548) sera vicaire de la paroisse de Plouguer,
cf. ADLA, B 1103, f°14 v , Le Mével, 1999, t. 2, p. 25: « maistre Francois du Vieulx Chastel, prieur
com(m)andatoire du prieuré de K(er)ahes », voir aussi Abgrall, Peyron, 1902-1903, p. 262.
541
ADLA, B 1103.
542
ADLA, B 1104.

68
plan de l‟ingénieur Besnard au XVIIIe siècle. Nous sommes là encore obligé de chercher
d‟autres types d‟indice pour comprendre l‟histoire de cet espace.
Le cimetière actuel est encore aujourd‟hui entouré par un mur d‟enclos. Celui-ci est une
réalisation récente (l‟espace clos est plus réduit que celui du plan de 1772 et du cadastre de
1819) mais son observation nous a permis de distinguer des éléments de remploi en grès dont
la forme trapézoïdale fait songer à d‟anciennes pierres tombales (fig. 38). Aucun élément ne
nous permet cependant de les dater précisément. Autre information importante : il existait
autrefois, suivant E. Flagelle, un sarcophage « en forme d‟auge » près du porche de l‟église543.
Celui-ci a aujourd‟hui malheureusement disparu et la description qui nous en est donnée est
bien trop vague pour pouvoir proposer une quelconque datation.
En dehors de ces deux indices, l‟intégralité de nos informations concernant le cimetière
provient de l‟intervention archéologique réalisée par C. Legeard au nord de l‟église de
Plouguer au moment de la réalisation de la carte archéologique communale 544. Ces opérations
modestes ont consisté en une série de six sondages de faibles étendues située, dans leur
majeur partie, à l‟intérieur de l‟espace l‟enclos figuré sur le plan de 1772 (ils ont été réalisés
dans les parcelles AP 70, 71 et 72 du cadastre de 1985 en dehors du cimetière actuel). Une des
découvertes principales nous concernant est sans doute la mise au jour de trois inhumations
dans le sondage II. Il faut préciser que cette opération n‟a pas atteint le sol naturel et que les
trois sépultures découvertes, numérotées SP. 1, SP. 2 et SP. 3, sont très modestes. Il s‟agit de
structures aux extrémités arrondies et aux bords rectilignes simplement creusées dans le limon
et positionnées parallèlement les unes aux autres suivant une orientation est-ouest. Sur cet
ensemble, seules les dimensions de SP. 2 sont connues (1,20 x 0,30 m) les deux autres n‟ayant
été observées que partiellement. Toutes, par contre, ont livré des ossements humains en place,
SP .2 et SP. 3 permettant même d‟observer deux fémurs parallèles appartenant sans doute à un
enfant. Les quelques tessons de céramiques retrouvés dans ces structures par la fouilleuse
n‟ont malheureusement pas pu être datés, et nous ne pouvons donc savoir s‟il s‟agit
d‟inhumation médiévale ou moderne. Cette occupation a été scellée par la suite par une
couche de remblai. Ces informations sont en partie complétées par le sondage IV mené à
proximité qui a, lui, atteint le sol naturel (c‟est d‟ailleurs le seul) sans pour autant apporter
d‟élément de datation (aucun tesson de céramique n‟a été retrouvé). Celui-ci a ainsi permis
d‟identifier au-dessus du terrain naturel au moins deux niveaux d‟occupation. Le premier
correspondant à une structure en creux composée de limon (Us. 3514), a été recouvert d‟un
niveau de terre brune (US. 3516) sur lequel ont été observés deux autres aménagements en
creux dont la nature n‟a pas pu être identifiée (Us. 3515 et 3518). Leur utilisation a été scellée
par un remblai contenant de nombreux ossements humains (Us. 3524) qui « peut nous
suggérer l‟abandon partiel d‟une partie du cimetière par sa destruction volontaire »545. Il est
donc possible que tout ou au moins une partie des aménagements antérieurs à l‟Us. 3524
soient contemporains de ce cimetière. Ce remblai est recoupé par une nouvelle structure en
creux (Us. 3513) surmontée d‟une couche de terre mêlée d‟ossements (Us. 3523). L‟ensemble
est finalement recouvert d‟une épaisse couche de limon formant un talus au sud du sondage
(Us. 3522) surmonté d‟un niveau de terre meuble (Us. 3521) et de terre végétale (Us. 3520).
Le sondage I, mené en bordure du presbytère, n‟a pas apporté d‟information sur l‟occupation
funéraire du lieu mais a, par contre, livré trois phases d‟occupation : la première (Us. 3524)
est un niveau de terre lié à une structure appartenant à un aménagement de nature inconnue.
La seconde correspond à une couche de terre très noire contenant des scories, et clous (Us.
3527) sans doute liée à une activité métallurgique. Cette occupation est scellée par un remblai
(US. 3532) lui-même recouvert d‟un niveau vraisemblablement lié à la construction du

543
Flagelle, 1876-1877, p. 55, Guigon, 1994, p. 43.
544
Legeard, 1994, (volume d‟annexe, non paginé).
545
Ibid.

69
presbytère (Us, 3533). Pour terminer les sondages V et VI ont livré les seules traces de
l‟occupation antique. La première intervention a ainsi permis de retrouver les traces d‟un sol
(Us. 3512 et 354) et d‟un foyer (Us. 353) liés à de la céramique gallo-romaine. Cette
occupation a été scellée par la construction d‟un mur M1 (retrouvé aussi dans le sondage VI
où il est numéroté M.2) qui semble suivre la forme d‟une courbe. Contre cette structure a été
appliqué un massif de moellons de schistes servant peut-être à la soutenir. La fonction de cette
construction est loin d‟être certaine mais C. Legeard propose d‟y voir un aménagement
hydraulique à cause de la découverte à l‟intérieur de la structure d‟un niveau de limon (Us.
353 et 3537) dont l‟homogénéité suggère « qu‟il peut s‟agir d‟un limon sélectionné, tamisé ou
transporté par l‟eau et qui se serait accumulé progressivement contre le mur »546. Aucun
élément n‟a permis la datation de cette structure ; cependant l‟épaisseur du niveau du limon
(Us. 351 et 3537) suggère à l‟archéologue une utilisation sur une longue période. Ce niveau
est ensuite recouvert par une série de remblais successifs à l‟intérieur desquels aucune trace
d‟occupation aménagée n‟a été identifiée.
Le bilan de ces interventions est difficile à effectuer, et ne nous donne qu‟une vision partielle
de l‟histoire de cette zone située seulement à la périphérie de l‟église et sans doute du
cimetière. Elles ont néanmoins permis de confirmer l‟occupation antique des lieux même si
sa nature et sa chronologie ne nous sont pas connues. A celle-ci a succédé, dans les sondages
V et VI, une structure sans doute liée à l‟utilisation de l‟eau qui n‟a pu être datée ; s‟agit-il
d‟un aménagement antique ou médiéval ? Enfin le développement du cimetière vers le nord,
que supposait la lecture du plan de 1772, a pu être aussi confirmé par la découverte d‟un
remblai mêlé d‟ossement dans le sondage IV (ainsi que dans le III) et surtout dans le sondage
II avec la mise au jour de trois sépultures. Celles-ci n‟ont malheureusement pas pu être datées
bien que pour C. Legeard « la présence de quelques tessons de céramique suggère des
inhumations précoces »547.

2.2.2 Le prieuré Saint-Nicolas et la collégiale Saint-Trémeur (fig. 22, n°3)

Située au nord de la ville à l‟extrémité de la rue du pavé (actuelle rue Brizieux), l‟ancienne
collégiale Saint-Trémeur, reste la principale église de Carhaix.
Si l‟historiographie a longtemps considéré la donation, faite par le vicomte Tangui Ier entre
1105-1108, d‟une terre située près de son château au monastère de Redon l‟acte de naissance
de cet établissement, les travaux les plus récents apportent de forts soupçons concernant cette
identification. A la suite faut-il reconnaître le prieuré de Carhaix dans l‟obidienta sancti
Tremori citée parmi les biens de l‟abbaye de Redon dans une bulle pontificale d‟Eugène III en
1147 ? Là encore le doute s‟impose. La première allusion claire à l‟établissement ne semble
être faite qu‟a la fin du XIIe siècle dans le Tristan de Béroul qui évoque « Tresmor de
Cahares »548. En 1210 un acte est signé par le régent Guy de Thouars in claustro sancti
Tremori, en présence du prieur Eliduc549. Les textes sont, par la suite, muets sur le devenir de
Saint-Trémeur avant le XIVe siècle, moment où l‟établissement porte le titre de collégiale.
C‟est par erreur que la plupart des auteurs ont daté de 1371 le moment de ce changement de
statut. Comme l‟évoquait déjà Abgrall et Peyron au début du XXe siècle, l‟état des taxes des

546
Ibid.
547
Les inhumations découvertes semblent correspondre à des tombes pour enfants (c‟est ce que suppose la taille
des structures et les ossements). Cette constatation a amené la fouilleuse à s‟interroger sur l‟existence
d‟emplacement réservé dans le cimetière. Celle-ci semble légitime puisque de nombreux sites funéraires
médiévaux, à commencer par le cimetière de la place Laennec à Quimper, ont montré que la séparation entre
adulte et enfant est courante. Pour autant devant le faible nombre d‟inhumations découvertes il nous parait bien
hâtif de tirer des enseignements.
548
Tristan et Iseut, p. 163, v. 3076.
549
Dom Le Duc, 1863, n°XXVI, p. 604, The charters of duchess Constance, Gu 22, p. 158-159

70
bénéfices en Cornouaille en 1368 contenu dans le Cartulaire de Quimper évoque déjà la
présence d‟un prieur de Carhaix et de quatre chanoines550. Mais les sources permettent de
remonter plus anciennement encore puisqu‟en 1335 un acte pontifical évoque un certain
« Jean de Killyguarec chanoine de Carhaix » pourvu d‟un « canonicat expectative de
prébende à Quimper »551 ; de même des comptes datés des environs de 1330 cite le montant
des taxes payées par les quatre chanoines de Carhaix552. A quand remonte cette fondation ?
Rien ne permet de répondre avec certitude à cette question. Peyron et Abgrall évoquait la fin
du XIIIe siècle ou le début du XIVe siècle mais sans aucune preuve553. Faut-il croire certaines
sources modernes, qui parlent d‟une fondation ducale pour la collégiale554 ? L‟idée semble
séduisante et somme toute assez logique mais aucun document contemporain ne vient nous
l‟assurer. L‟église semble avoir souffert pendant la Guerre de Succession, subissant de très
importantes destructions. En 1371, un acte pontifical donne ainsi une « Indulgence d‟un an et
quarante jours, valable pendant vingt ans, pour ceux qui visiteront l‟église Saint-Trémeur de
Carhaix aux fêtes habituelles et pendant leurs octaves, et feront quelques offrandes pour la
fabrique de la dite église »555. En 1391 de nouvelles Indulgences sont données « en faveur de
l‟église paroissiale de Saint-Trémeur de Keraes en partie ruinée par les guerres et dépouillée
de ses ornements et vases sacrés » 556. Par la suite les documents des XVe-XVIe concernant la
collégiale Saint-Trémeur nous permettent de connaître une série de donations faites à
l‟établissement au cours de cette période. Elles nous apprennent aussi la fondation, dans
l‟église, d‟une chapelle Saint-Corentin en 1440 par Pierre Bothou recteur d‟Agrefeuille,
paroisse de Clisson dans le diocèse de Nantes557. Cette chapellenie, vacante en 1529, sera
confiée à Jean an Briz prêtre de Quimper558. Le 2 décembre 1532, une chapellenie,
anciennement fondée sur l‟autel Saint-Nicolas, est donnée à Nicolas Jourdren, vicaire de
Carnoët559.
L‟existence de deux dédicaces différentes n‟est pas sans poser question pour cet
établissement. Celle à Saint-Nicolas, mentionnée pour la première fois dans nos sources en
1446560, semble utilisée uniquement pour désigner le prieuré561, tandis que le patronage de
Trémeur, attesté dès 1210, pourrait ne s‟appliquer qu‟à l‟église562. Ce dernier vocable, assez
rare, mérite d‟ailleurs quelques précisions. Le nom de ce saint apparaît pour la première fois
dans les litanies du psautier de Reims au Xe siècle sous la forme Dremore563. Au XIIe siècle
des reliques de ce personnage sont connues à l‟abbaye Saint-Magloire, puisqu‟il figure dans
un inventaire du monastère, de peu antérieur à 1138564. Celles-ci semblent provenir de la fuite

550
Abgrall, Peyron, 1902-1903, p. 330
551
Actes du Saint Siège, n°203, p. 63.
552
Pouillé de la Province de Tours, p.
553
Abgrall, Peyron, 1904-1905, p. 330.
554
Peyron et Abgrall cite une transaction de 1645 décrivant l‟église Saint-Trémeur comme « paroissiale et
collégiale, dont le collège est de fondation ducale et immémoriale » cf. ibid., p. 331.La même formule est reprise
dans l‟aveu de déclaration et dénombrement du prieuré en 1726, cf. A.D.L.A., B 808.
555
Actes du Saint-Siège, n° 398, p. 283.
556
Ibid., n°584, 93, Mollat, 1910-1911, p. 172 : Cum itaque sicut accepimus, parrochialis ecclesia Sancti
Tremori de Kerahes, Corisopentis dicesis, reparationibus indigeat et occasionne guerrarum que ibidem
viguerunt, calicibus et aliis ornamentis necessariis destitua existat.
557
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 22, p.333.
558
Ibid., p. 334.
559
Ibid., p. 22.
560
A.D.I.V. 3 H 116.
561
A.D.L.A, B 808. Ce patronnage assez courant est l‟indice d‟une chronologie postérieure à l‟An Mil, cf.
Tonnerre, 1994, p. 177.
562
Le rentier de 1539-1542 par exemple, emploie toujours cette dédicace pour désigner l‟église et ne cite jamais
le patronage de Nicolas.
563
Tanguy, 2002, p. 461.
564
Tanguy, 2005, p. 10.

71
de religieux bretons jusqu‟à Paris vers 925 relatée au XIIe siècle565 par la Translatio sancti
Maglorii qui précise qu‟ils transportent pars preciosorum corporum Melorii et Tremorii566.
Nous ne connaissons aucune Vita ancienne de ce saint. Il apparaît, par contre, dans plusieurs
autres récits hagiographiques. Le premier à le citer est la Vita Gildae de Vitalis, au XIIe
siècle, qui précise seulement que Trémeur était « célèbre par ses vertus et ses miracles, acheva
la vie qu‟il avait menée par une fin bienheureuse »567. Cette vision est bien différente de celle
de la Vie de saint Hervé au XIIIe siècle, qui en fait la victime d‟un meurtre : « il y eut une
assemblée de prélats et du peuple pour excommunier Conomor, le préfet du roi : celui-ci avait
commis un homicide infamme sur la personne du comte Iona, un parricide contre saint
Trémeur et avait martyrisé sainte Triphine »568. Une fin tragique donc que nous rapportent
toutes nos sources par la suite. Le rédacteur de la Chronicon Briocense, à la fin du XIVe
siècle, nous apprend que le saint fut décapité569, tandis que le lectionnaire de Tréguier au XVe
siècle, suivi par le bréviaire de Quimper au XVIe siècle nous donnent un récit du meurtre :
« Un certain dimanche, en effet, comme il déambulait, se promenant après la messe avec ses
camarades, à la manière des écoliers, à Corisopitum, le tyran précité, son père, la très
abominable Conomer, lui trancha la tête de son épée. Mais Trémeur, levant de la terre sa tête
sur une certaine pierre, où est maintenant batie son église, la présenta de ses propres
mains »570. Le saint semble avoir eu une importance particulière dans la région, puisque, outre
la collégiale de Carhaix, il est associé à l‟église tréviale de Kergloff ainsi qu‟à une chapelle de
Châteauneuf-du-Faou571.

 L‟église médiévale

Du Moyen Age, l‟édifice actuel ne conserve plus que le clocher-porche occidentale dont la
silhouette élégante lui a valu de nombreuses descriptions par les érudits du XIXe siècle. Cet
aspect emblématique explique aussi qu‟il soit le seul monument de Carhaix représenté parmi
les lithographies de la France pittoresque de Taylor en 1846 (fig. 39).
Cet ouvrage haut de 33 m pourvu d‟une paire de contreforts perpendiculaires à chaque angle,
se compose de trois niveaux de plan carré d‟environ 10 m de côté (fig. 40 et 41).
Le premier, correspondant au porche lui-même, s‟ouvre à l‟ouest par un portail richement
décoré. Celui-ci se compose d‟une porte géminée aux piédroits moulurés, surmontée d‟un
tympan au centre duquel est placée dans une niche la statue du saint céphalophore Trémeur,
entourée de chaque côté par un ange en demi-relief portant un phylactère. L‟ensemble est
encadré par une série de trois voussures inscrites en ébrasement, ornée d‟un décor végétal,
surmontée d‟une archivolte dessinant une accolade et d‟un faux gable aigu dont la pointe se
confond avec la balustrade de la partie supérieure(fig. 42, 43 et 44). A l‟intérieur, le porche ne
présente qu‟une seule travée couverte d‟une voûte d‟ogive à lierne transversale reposant sur
une série de colonnes engagées. Mais l‟on notera surtout dans l‟angle sud-ouest la présence
d‟un vis permettant d‟accéder aux étages supérieurs. Le second niveau, formant le premier
étage du clocher, se démarque à l‟extérieur par la présence d‟un remplage flamboyant sur
chaque face visible. La façade occidentale est néanmoins privilégiée avec la présence d‟une
avancée ornée d‟une balustrade, à laquelle on accède par deux portes placées aux angles
intérieurs des contreforts. Les dispositions intérieures de ce niveau sont, par contre, similaires

565
Guillotel, 1982, p. 306-307.
566
Translatio sancti Maglorii, p. 312.
567
Gildae vita et translatio, p. 455.
568
Vie de saint Hervé, § 27, p.127.
569
Tremorum filium propiis manibus decapitaverat, cf. Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 16.
570
Tanguy, 2005, p. 10.
571
Couffon, Le Bars, 1988, p. 450

72
à celles du rez-de-chaussée s‟il l‟on excepte la présence d‟un second vis à l‟angle nord-ouest
prenant départ depuis l‟avancée. Pour terminer, l‟étage des cloches proprement dit contraste
avec les deux précédents par l‟impression d‟élancement qu‟il impose à son observateur depuis
l‟extérieur. Celle-ci est rendue par les deux baies étroites et évasées ornées de colonnettes qui
garnissent chaque face de la tour dont elle occupe presque la moitié de l‟élévation.
L‟ensemble est surmonté d‟une frise dessinant une série de losange sur toute la longueur de
l‟ouvrage et d‟une nouvelle balustrade formée d‟une série d‟arcatures en plein-cintre très
resserrées. La plateforme sommitale de la tour qui porte un clocheton à chaque angle a aussi
servi de base à une flèche de plomb haute de 30 mètres qui fut foudroyée en 1725 ou 1726572.
L‟ensemble de cette construction est réalisé dans un grand appareil de granit dont les études
de L. Chauris ont permis de déterminer la provenance des pierres. Leurs origines sont
diverses ; on retrouve ainsi à la base de la façade occidentale quelques éléments en granit de
Brennilis ou du type Caleshouarn qui deviennent bien plus rares dans les parties supérieures
laissant suggérer au géologue « qu‟appel n‟avait pas été fait à une carrière lors de l‟exécution,
mais qu‟ont été simplement remployés quelques éléments disponibles à proximité »573. Les
mêmes conclusions peuvent être retirées de l‟utilisation du granite de Locuon à la couleur
clairement identifiable sur le porche, la façade septentrionale et le contrefort oriental de la
tour. Les pierres de ce gisement étant très utilisé pour les constructions de la ville romaine, il
est possible de supposer le remploi d‟ouvrages antiques sans pouvoir pour autant l‟assurer.
En effet pour L. Chauris « il n‟a pas été possible [...] de déceler dans les constructions, des
moulurations ou d‟autres motifs de façonnement gallo-romain. Une telle absence s‟interprète
facilement : les éléments anciens ont dû être retaillés afin de s‟adapter au nouvel édifice »574.

L‟attribution de cet ouvrage au début du XVIe siècle ne fait ici guère de doute. Son décor
appartient incontestablement au répertoire du gothique flamboyant, mais la frise aux motifs
géométriques du niveau supérieur montre déjà l‟influence de la Renaissance. Le clocher
présente de plus un certain nombre de similitudes avec ceux des églises proches de Saint-
Pierre de Plouguer, de Saint-Pierre de Plounévézel et Saint-Pierre –Saint-Paul de Poullaouen,
tous datés de la première moitié du XVIe siècle, et pourrait s‟intégrer de manière plus large
aux réalisations de« l‟atelier de Saint-Herbot » à qui l‟on attribue les tours de Saint-
Herbot(1526), la Trinité (1535) et Le Moustoir (1538)575. Des indications plus précises encore
peuvent être données par les deux stèles épigraphiques placées sur les contreforts encadrant le
porche (à la base de niches dans lesquelles se tiennent les statues de deux saints que nous
n‟avons pas pu identifier576). Celles-ci sont aujourd‟hui illisibles mais les auteurs du XIXe
siècle ont pu y déchiffrer les dates de 1529 et 1535 que l‟on interprète généralement comme
celles du début et de la fin des travaux (fig. 45)577. Les travaux ont cependant pu durer plus
longtemps comme semble l‟indiquer un précieux renseignement, jamais cité jusqu‟ici, donné
par livre-rentier de 1539-1542 signalant que « [les] vieilles prisons [...] auquel emplacement
ilz [les paroissiens] ont mys leurs cloches jucques à avoir baty leur clochier »578. Pour
terminer au sujet de cette tour, notons la description que donne Fréminville de l‟une des
portes de cet ouvrage aujourd‟hui disparu et qui, suivant l‟auteur, datait aussi du début du
XVIe siècle (ce détail n‟a curieusement jamais attiré l‟attention des chercheurs jusqu‟à

572
Ogée, 1845, t. 1, p. 143, Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 20, Mussat dir., 1969, t.1, p. 22.
573
Chauris, 2001, p. 537.
574
Ibid., p. 534.
575
Mussat dir., 1969, t.1, p. 22-23.
576
L‟un d‟entre-eux pourrait être Saint-Jean l‟évangéliste, cf. ibid., p. 23.
577
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 19.
578
A.D.L.A B 1103, f° 45 v°, Le Mével, 1999, p. 65.

73
présent) : «Sur l‟une des portes en bois qui ferment cette entrée de l‟église, et qui est aussi
ancienne que l‟église lui-même, est sculptée en bas-relief l‟histoire de Saint-Tromeur »579.

Le reste de l‟église correspond à une œuvre néo-gothique de l‟architecte Le Guerranic sur


laquelle nous sommes bien renseignés580. Cette reconstruction tiendrait à la vétusté de
l‟ancien sanctuaire qui présentait suivant le maître d‟œuvre, des dangers pour la population. Il
est d‟ailleurs fermé pour ce motif en 1878, et les travaux engagés en 1880 seront finalement
terminés en 1888581. Ce nouvel édifice se compose en plan d‟une nef à 5 vaisseaux de quatre
travées d‟un transept saillant et d‟un chevet plat. La nef présente une élévation simple à deux
niveaux : grandes arcades en tiers-points portées par des piles cylindriques et de larges
fenêtres aux remplages d‟inspiration gothique. Nous n‟irons pas plus loin dans la description
de cette construction largement postérieure à la période traitée ici. Notons néanmoins dans les
résultats de l‟examen pétrographique du monument de L. Chauris, la présence de quelques
éléments de granite de Locuon « très probablement en remploi de l‟édifice démoli »582. Que
peut-on savoir de l‟église précédente ? En 1913, Peyron et Abgrall précisaient que celle-ci
datait des XIVe-XVe siècles sans apporter de précisions supplémentaires583. Pour notre
enquête nous ne possédons que trois documents. Le cadastre de 1819, qui laisse apparaître un
plan d‟ensemble de la construction, décrit un grand bâtiment rectangulaire d‟une longueur
proche de l‟église actuelle, dépourvu de transept (ou tout du moins d‟un transept débordant) et
terminé par un chevet plat. Sur son côté méridional viennent s‟ajouter deux ouvrages, le
premier s‟ouvrant sur la nef, était vraisemblablement un porche, le second contre le chevet
devait correspondre à une sacristie. Le second document est la gravure de 1846 du Voyage
Pittoresque de Taylor représentant la façade occidentale de l‟ancienne collégiale. De la nef,
celle-ci nous permet d‟observer les pignons des collatéraux. Ces derniers sont décorés à leur
sommet par une série de fleurons et percés de chaque côté d‟une large baie rectangulaire dont
l‟encadrement est pourvu d‟une mouluration que l‟illustration ne permet pas de décrire avec
précision ; enfin notons que chaque angle des bas-côtés est englobé par un contrefort à deux
ressauts (celui du nord semble partiellement détruit à sa base). Pour terminer, la vue de la ville
en 1750, conservée dans le manuscrit de Robien, nous permet d‟observer les parties orientales
et septentrionales de l‟édifice (fig. 46). La face visible de la nef ne nous permet que de
compter les travées qui l‟a compose. Nous en dénombrons trois, toutes séparées par un
contrefort et ouvertes par une baie. Le chevet plat se forme, lui, de trois chapelles pourvues
chacune, d‟un remplage et d‟un pignon indépendant, suivant un principe courant dans les
constructions gothiques bretonnes de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle. Sa
silhouette particulière dénote avec le reste de l‟église d‟autant plus qu‟elle est surmontée par
la toiture de la nef.
Les quelques éléments ainsi réunis nous permettent de voir en l‟église de Saint-Trémeur une
réalisation de la fin du Moyen Age dont la construction est sans doute proche dans le temps de
celle de la tour-porche.

 Les bâtiments du prieuré

Que peut-on savoir du reste des bâtiments ayant constitué le prieuré ? Les textes nous
apportent ici quelques indications. L‟acte de 1210, tout d‟abord, nous apprend que

579
Fréminville, 1979, p. 213. L‟auteur donne par la suite une description assez précise des scènes représentées.
En 1894, A. Le Braz nous apprend que celles-ci ont disparu, cf. Le Braz, 1893-1894, p. 245.
580
A .D. F., 1 V 304.
581
Le projet initial prévoyait la restitution d‟une flèche au clocher, qui sera abandonnée faute de moyen.
582
Chauris, 2001, p. 546.
583
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 19.

74
l‟assemblée, réunie par Guy de Thouars, se tient in claustro sancti Tremori584, ce qui pourrait
supposer la présence d‟un cloître .Nous resterons néanmoins prudent, cette précision n‟est
peut-être qu‟un renvoi à la fonction monastique de l‟établissement et non la description d‟une
réalité architecturale.
Bien plus tardivement, le rentier de 1539-1531 évoque « lesd(ictes) maisons et courtilz dudict
prieuré, cernez d‟un côté sur le chemyn q(ui) (con)duit de l‟esglise Saint-Trémeur aud(ict)
lieu de K(er)ahes à la viellle esglise dud(ict) lieu, d‟un bout le jardin aux hoirs feus Thomas
Tual, et d‟aultre bout sur ung courtil à Yvon Mellon et d‟aultre bout sur un courtil à la
veuffeve et enffens feu Henry Le Goffgall »585. Cette description reste très vague et nulle
précision supplémentaire n‟apparaît par la suite du document. Nous ne pouvons donc pas nous
faire une idée plus précise de ces bâtiments. Ceux-ci pourraient avoir été en partie détruits au
moment des guerres de la ligue, une supplique des habitants de la ville, adressée au roi en
1615, évoque ainsi « la maison presbytérale joignant icelle (Saint-Trémeur) ruinée de fond en
comble sans qu‟il y reste vestige quelconque du bastiment qu‟autrefois y esté »586. Suivant
l‟enquête menée par l‟Inventaire, un élément de cette construction pourrait subsister avec les
restes d‟une porte remontée dans un mur de clôture de l‟école qui fait face au porche
méridional de l‟église actuelle. Celle-ci ne nous intéresse cependant pas directement puisque
son encadrement présente un décor renaissant proche de celui de la partie supérieure du
clocher de Saint-Trémeur587. En 1640 le rôle rentier de la sénéchaussée décrit encore « le
prieuré de Carhaix consistant en maison, jardin et une pièce de terre nommée Parc an Prieur,
[qui] était située au nord de la rue du Bourre proche du presbytère »588. L‟aveu de 1726 nous
apprend seulement que « les maisons pourpris et jardin dudit prieuré estant en matière sictués
proche de l‟esglise dudit Carhaix »589.

 Le cimetière

Depuis une période indéterminée il a aussi existé un cimetière à proximité de l‟église. Le


rentier de 1539-1541 n‟en fait aucune mention. Un cimetière et son enclos sont pourtant
représentés sur le plan de 1772. En 1788 un aveu nous évoque l‟existence d‟une « venelle qui
conduit de la rue du pavé au cymetière Saint-Trémeur »590. La gravure de 1846 nous permet
de faire quelques observations sur l‟état de celui-ci au XIXe siècle puisque sont figurés sur un
terrain mal entretenu, face à la tour de Saint-Trémeur, une série de croix de bois ou de métal.
A celles-ci s‟ajoute un calvaire composé d‟une base quadrangulaire assez massive et d‟une
croix dont le fût porte une série de six statues. Celles-ci étaient regroupées deux par deux sur
trois niveaux et devaient avoir leur correspondant sur l‟autre face et ainsi représenter les
douze Apôtres. La disparition de cette œuvre rend évidemment sa datation difficile ; les
chercheurs de l‟Inventaire ont néanmoins proposé sans certitude le XVIe siècle, sans doute
influencés par l‟architecture du clocher de Saint-Trémeur auquel cette dernière faisait face.
Au pied de ce calvaire, l‟illustration du XIXe siècle montre une pierre tombale portant sur sa
face supérieure une croix gravée au fût très allongé avec à sa base une croix de Saint-André et
à son sommet une inscription. La datation de ce vestige disparu semble là encore difficile,
peut-être est-il possible de proposer le bas Moyen Age ou plus certainement le début de la
période moderne, le « décor » n‟étant pas ici sans rappeler celui des tombes de l‟église de

584
Dom Le Duc, 1863, n°XXVI, p. 604.
585
A.D.L.A B 1103 f° 15 r°, Mével, 1999, t. 2, p. 25-26.
586
Jegou Du Laz, 1898-1899, p. 248, Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 388.
587
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 28, t. 2 fig. 47.
588
A.D.L.A, B 1104.
589
A.D.L.A, B 808.
590
A.D. L.A, B 1082, il s‟agit de l‟aveu de dénombrement de Jean-François Le Menez sieur de Quelleau.

75
Trémanac‟h en Plouguerneau591. Au début du XXe siècle, le chanoine Peyron note la
présence « au fond du cimetière, [d‟un] sarcophage de granit, extrait anciennement du sol de
l‟église »592 . P. Guigon doute de l‟existence de ce vestige et suppose une confusion avec celui
signalé dans le cimetière de l‟église de Plouguer. Nous ne voyons pas de véritable raison de
remettre en cause le témoignage du chanoine Peyron dont les observations sont généralement
très justes. Que l‟on ait découvert un sarcophage dans le cimetière de Saint-Pierre n‟empêche
absolument pas sa réciproque dans celui de Saint-Trémeur. Pour terminer, C. de Fréminville
signale en 1835, à un angle extérieur du mur d‟enclos du cimetière « une statue ancienne,
qu‟on y a adossée et encastrée comme pour y servir d‟encoignure. Elle est très mutilée, un peu
moins grande que nature, et représente un chevalier armé de toutes pièces. A la forme très
bombée de la cuirasse, à la longueur des tassettes, ainsi qu‟au petit nombre de lames des
articulations des cuissards, des genouillères et des grèves, je reconnus facilement que cette
statue avait été faite vers la fin du quatorzième siècle [...] Il est aisé de voir que cette statue
n‟a point été faite exprès pour figurer dans le lieu où elle est maintenant, et qu‟elle provient
d‟un autre endroit. J‟ai appris, en effet, par des habitants de Carhaix, qu‟elle était
primitivement placée sur un tombeau, dans l‟église des Jacobins de cette ville, aujourd‟hui
détruite »593.
En 1849, la municipalité juge que « le cimetière est trop petit non seulement pour qu‟on y
fasse des concessions de terrain, mais même pour que les inhumations s‟y fussent en
observant les prescriptions de la police des cimetière ». Ce jugement est rejoint par le conseil
d‟hygiène publique et de salubrité qui précise que « le cimetière actuel de Carhaix [celui de
Saint-Trémeur] est tout-à-fait insuffisant [...] il est situé au milieu des habitations et gène la
circulation dans une partie assez considérable de la ville »594. Un terrain est donc acheté en
1849, au nord de la ville, sur le bord de la route de Morlaix. Le cimetière y sera transféré en
1852.

2.2.3 Le Martray : l‟emplacement d‟un ancien cimetière ? (fig. 22, n° 4)

A l‟est du centre-ville, l‟actuelles place de la Tour d‟Auvergne se situe à l‟emplacement de


l‟un des principaux lieux de commerce de l‟agglomération médiévale et moderne. Celui-ci
appelée « marchix » en 1522595, est nommé conjointement « marcheix » ou « martray » dans
le rôle rentier de 1539-1542596. Sa localisation ne fait guère de doute, les informations
données par ces deux documents semblent suffisamment claires pour éviter toute erreur. Bien
plus que la fonction commerciale de ce lieu, sur laquelle nous reviendrons, c‟est son nom de
« Martray » qui nous intéresse ici. Cette appellation, la place l‟a conservée tout au cours de la
période moderne. Elle est ainsi utilisée dans le livre de réformation du domaine en 1640597, le
plan terrier de 1680598 ou encore dans le procès-verbal d‟arpentage de 1682599. Ce n‟est que la
construction à son emplacement de la place du champ de bataille en 1760 qui viendra lui
substituer un nouveau nom600.

591
Décéneux, 2001, p. 24.
592
Abgrall, Peyron, 1904-1905, p. 20.
593
Fréminville, 1979, p. 214-215. Précisons qu‟il n‟existe aucune installation dominicaine à Carhaix, il est
possible que l‟auteur confonde avec le couvent des Augustins.
594
A.D.F. 2 O 225.
595
A.D.L.A., B 677.
596
A.D.L.A, B 1103, f° 19 r°, etc.
597
A.D.L.A., B 1104.
598
A.D.L.A., B 1106.
599
A.D.L.A., B 1123.
600
A.D.I.V., C 620. Un document de la fin du XVIIIe siècle précise bien « la place du champ de bataille dans
l‟ancien Martrait », cf. A.D.F., 2 E 1502 5.

76
C‟est L. Maître qui, le premier, a attiré l‟attention sur l‟intérêt du nom de ce lieu601. Celui-ci
dérive du latin martyrium602 qui fut employé pour la première fois par Tertullien au IIIe siècle
puis par Jérôme au Ve siècle, avant de voir son emploi se généraliser. A l‟origine, il désigne
« le lieu de supplice ou de sépulture des martyrs »603. Dans notre cas, il y a cependant peu de
chance que le toponyme ait un quelconque rapport avec un persécuté chrétien. Dans l‟étude
qu‟il avait consacrée aux lieux portant des noms de type « Martray », L. Maître avait proposé
une solution originale pour en comprendre la signification. Remarquant que ceux-ci étaient
souvent placés sous l‟invocation d‟un saint guérisseur (comme saint George ou saint Gilles),
il voyait en eux l‟indice révélateur d‟anciens établissements de santé : maladrerie, léproserie,
hôpital, etc. A l‟appui de cette hypothèse, il citait de nombreux exemples où se retrouvent
associés ce nom et ce type d‟installation. Ce serait le cas de Lorroux-Bouttereau (Loire-
Atlantique) où existe un lieu appelé motte-martay, près duquel s‟est établi une aumônerie au
XVe siècle604, ou encore celui du martray du village de Preu à Saint-Herblain (Loire-
Atlantique) où existait, suivant lui, un petit établissement des Templiers ou des Hospitaliers
de Saint-jean de Jérusalem605. Cette proposition ne convient pas cependant pour Carhaix.
L‟ancienne place du Martray est certes associée à un hôpital mais celui-ci ne s‟est installé
qu‟en 1675. Les maladreries de la Madeleine et de Saint-Antoine citées par l‟auteur, sont bien
trop éloignées pour avoir un lien avec elle. Enfin même si elle est plus proche, la remarque
vaut sans doute aussi pour la chapelle Saint-Quigeau606. De plus, il n‟est de pas possible de
voir en ce vocable une traduction bretonne de saint Gilles607. En fait plus qu‟un éventuel lien
avec d‟anciens établissements hospitaliers, c‟est la vocation funéraire des Martray qui semble
devoir être retenue. C‟est d‟ailleurs ce critère qu‟ont souligné la plupart des chercheurs qui se
sont intéressés à cette question608. Il s‟applique parfaitement aux deux cas précédents qui
abritent deux nécropoles du haut Moyen Age609. Les exemples de cimetières, installés dans
des lieux portant ce nom, semblent assez nombreux en France. Parmi ceux-ci, citons le cas de
Loudun (Vienne) où le quartier du Martray abrite une nécropole dont l‟origine semble
remonter à la période mérovingienne610. En Bretagne, les noms de lieux dérivant du terme
latin martyrium que l‟on peut retrouver sous des formes telles que Martyr(e) ou Merzer, sont
assez fréquents dans le monde rural. Celui-ci a pu s‟appliquer au nom même de la paroisse
comme dans La Martyre (Finistère) ou Limmerzel (Morbihan), mais correspond plus
couramment à quelques parcelles du cadastre comme le Martrais de Muel et Talensac, le
Martrée de Bruz et Amanlis (Ile-et-Vilaine) ou le Martray de Tremeloir et Mur-de-Bretagne
(Côtes-d‟Armor)611. Aucun de ces exemples n‟a cependant livré, à notre connaissance,
d‟anciennes sépultures612. Le terme est aussi très courant en milieu urbain ; L. Maître en a
donné une liste importante dans son étude. On en retrouve à Nantes, Rennes, Saint-Brieuc,

601
Maître, 1922, p. 73-74.
602
Guigon, 1994, p. 10.
603
Longnon, 1979, p. 380.
604
Maître, 1922, p. 66-67.
605
Ibid., p. 70-71.
606
C‟est sans doute à cause d‟une lecture trop rapide de L. Maître que J.F. Caraës dit que « le martray de Carhaix
était placé sous l‟invocation de saint Trémeur, saint Pierre, sainte Catherine et saint Augustin », cf. Caraës,
1984 ; p. 127, note 32.
607
Ibid., p. 73-74
608
Grenier, 19, p. 291-300, Marsille, 1912, p. 65-66..
609
Guigon, 1994, p. 66 et 73. Le site de Preu en Saint-Herblain correspond à une ancienne villa romaine
réoccupée à la période mérovingienne par un cimetière. La situation est moins claire pour la motte du Martray de
Lorroux-Bottereau où ont été retrouvé deux sarcophages dont l‟un était creusé d‟une logette céphaloïde.
610
Bourgeois dir., 2000, p. 44.
611
Galliou, 1989 (b), p. 91, note 31.
612
Aucune investigation n‟y a non plus été menée.

77
Lamballe, Tréguier, Pontivy, Ploërmel, etc613. Sur l‟ensemble de ces exemples, seuls deux ont
livré des sépultures médiévales. Le premier est le Matré à Saint-Symphorien de Nantes où se
tenait le cimetière de la basilique suburbaine du même nom614. Le second est la place du
Martray à Saint-Brieuc près de laquelle a été mise au jour une nécropole «recouvrant les
maisons de la rue de Saint-Gilles, le commencement de la rue de Rohan jusqu‟à l‟entrée de la
rue des Halles est enfin une partie de celle-ci »615. La découverte est ancienne et sa datation
par conséquent incertaine ; elle pourrait cependant remonter à la période mérovingienne616.
Qu‟en est-il pour Carhaix ? Le nom Martray révèle-t-il ici l‟existence d‟un ancien lieu
funéraire ? Deux indices pourraient être utilisés à l‟appui de cette hypothèse.
Le premier nous est donné par le président de Robien qui, dans son manuscrit sur les
anciennes villes de Bretagne, signale la découverte de sarcophage « sous les trois
chapelles »617. Suivant L. Pape, cette indication pourrait désigner la rue des trois chapelles
(figurée sur le plan de la ville de 1772) qui menait de la place du Champ de Bataille à Saint-
Quigeau618. La localisation n‟est guère plus précise. Nous ne savons donc pas avec assurance
s‟il faut rapporter ces sépultures au Martray ou au cimetière de l‟église Saint-Quigeau
qu‟évoque le rôle rentier du XVIe siècle619.Le second indice nous est donné par les « Annales
des Hospitalières ». Ce document possède une valeur historique toute relative puisqu‟il n‟a été
composé qu‟au XIXe siècle par les sœurs, désireuses de réécrire une histoire de leur couvent
alors qu‟elles étaient endeuillées par la perte d‟une partie de leurs archives à la Révolution.
Celui-ci rapporte cependant une anecdote qui nous semble digne d‟intérêt pour notre sujet :
« Il est aussi une tradition qu‟autrefois il existait à l‟endroit même où est aujourd‟hui la
grande maison de l‟hôpital, une sorte d‟auberge à l‟enseigne du Soleil-levant. Il s‟y
commettait de grands crimes, les voyageurs y étaient souvent assassinés la nuit, et leurs
cadavres étaient descendus dans un caveau par le moyen d‟une trappe. [...] Une de nos
anciennes mères m‟a raconté lorsque l‟on creusait pour bâtir notre grand hôpital, elle a vu
quantité d‟ossements dans les ruines de cette maison démolie. On y voyait le fameux caveau :
les murs étaient teint de sang »620. Si l‟on excepte l‟aspect légendaire de ce récit, il est très
intéressant de noter la découverte de restes humains au cours des travaux. Ceux-ci pourraient
bien témoigner l‟existence d‟un ancien cimetière.
L‟intervention archéologique récente réalisée par G. Le Cloirec vient cependant mettre à mal
cette hypothèse.Une série de 11 sondages a en effet pu être réalisé sur la place de la Tour
d‟Auvergne en 2004621. Les découvertes ont été riches puisque l‟intervention a permis de
mettre au jour plusieurs batiments gallo-romains. Ces derniers étaient de deux types : Des
constructions à parois de bois sur solins de pierre qui ont pu être repéré vers le centre de la
place, et au nord ceux-ci un batiment maconné plus important lié à une cour de 30 m2 Ces
édifices étaient séparés par une tranchée marquant l‟emplacement d‟une importante conduite
d‟eau622. Des indices permettent de supposer l‟occupation de ce secteur jusqu‟au début du IVe

613
Maître, 1922, p. 74-77.
614
Guigon, 1994, p. 71, Guigon, 1997-1998, t. 1, p. 86-87.
615
Anne-Duportal, 1895.
616
Guigon, 1994, p. 40. Le probable lien existant entre le nom Martray et le cimetière du haut Moyen Age
découvert en 1894 n‟a curieusement jamais été souligné. Il est vrai que les découvertes ne se sont pas faite sous
la place elle-même mais à proximité. Précisons qu‟une dizaine de deniers émis sous Charles le Chauve ont été
mis au jour dans le même secteur.
617
Robien, 1974, p. 18.
618
Pape, 1977, p. A 65.
619
A.D.L.A, B 1103, f° 16 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 28 : « parc cerné d‟un costé au cymetière Sainct-
Quigeau ».
620
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 2, p. 410.
621
Le Cloirec, 2004, p. 4-46.
622
Ibid., p. 57-58. Suivant G. Le Cloirec c‟est peut être dans cette conduite qu‟a été découvert en 1942 le petit
trésor monétaire que nous avons déjà évoqué.

78
siècle623. La fouille n‟a permis de découvrir aucune structure liée au passé médiéval de la
ville. Les grands réaménagements du XVIIIe siècle ont par contre laissés des traces bien
identifiables624. Aucune inhumation n‟a par contre été repérée à l‟occasion de cette opération.
Par conséquent, si le terme Martray renvoie vraiment à un ancien cimetière nous ne pouvons
pas situer celui-ci au niveau de la place du champ de Bataille.

2.2.4 L‟église tréviale de Saint-Quijeau (fig. 22 n°5)

Située quelques centaines de mètres à l‟est de la ville, l‟église Saint-Quigeau est l‟édifice
religieux mentionné le plus anciennement à Carhaix. Il fait partie des donations du duc Hoël
en 1081-1084 au prieuré de Landungen qui se situait à Duault à quelques kilomètres de
l‟agglomération625. Le texte nous précise qu‟il appartient à une villa du duc de Bretagne :
villam juxta Caer Ahes, in qua est Sancti Kivagi ecclesia626. L‟emploi du terme villa est
intéressant, comme le démontre bien l‟analyse du cartulaire de Quimperlé, il désigne le cadre
habituel de la vie rurale. Il faut attendre le XVe siècle pour voir l‟édifice réapparaître dans nos
sources. Il est ainsi l‟objet d‟une courte mention en 1423 dans le livre de réformation de la
noblesse sous la forme « Saint Ygeau »627. Il est aussi citée dans un acte daté de 1485
évoquant la donation au monastère des Augustins d‟un « parc étant esmete et faubourg de
notre ville entre le grand chemin qui conduit de Carhaix au manoir de Kercourtois d‟un autre
côté, et les terres des enfants Alain le Berre sur un grand chemin qui conduit de l‟église de
Saint-Quigeau à la fontaine Ledan »628. Au XVIe siècle, l‟église apparaît à de nombreuses
reprises dans le rôle rentier de 1539-1542629. Celui-ci n‟offre cependant que peu
d‟information sur l‟établissement. Nous retiendrons surtout l‟évocation d‟un « parc Sainct
Quigeau [...] led(ict) par cerné d‟un costé au cymetiètre Sainct-Quigeau, d‟aultre costé le
chemyn par où l‟on va de la fontaine ledan audict Saint-Quigeau »630. Les mentions sont plus
nombreuses encore à la période moderne. L‟église est citée plusieurs fois dans le rentier de
1640631, le papier terrier de 1678-1680632 et le procès-verbal d‟arpentage de 1682633 sans que
ceux-ci n‟apportent d‟information importante la concernant. Un document de 1639 évoque
par contre « une piezce de terre située près la chapelle Saint-Quigeau appelée vulgairement le
cimetière des martires »634 L‟édifice est encore figuré sur le plan de la ville 1772 et apparaît
aussi dans le rôle des décimes de 1789 qui confirme sa fonction trêviale635. Ce n‟est que par la
suite que celui-ci est abandonné. Le cadastre de 1819 nous montre déjà la présence
d‟habitation à son emplacement. Les différents voyageurs qui visitent Carhaix au XIX ne
signalent jamais son existence. Au début du XXe siècle, P.Peyron nous apprend qu‟il est en
ruine636. Il sera finalement détruit par la suite.

623
Le comblement d‟un puits lié à un batiment sur solin contenait une monnaie de Constantin Ier de type Gloria
excercitus (330-348), cf. Ibid., p. 37 et 53.
624
Ibid., p. 57.
625
Cartulaire de Quimperlé, acte XXXIV, p.133-134
626
Ibid., acte XXXVIII, p. 137.
627
Deshayes, 2003, p. 41.
628
A.D.F., 13 H 26, Jegou du Laz, 1898, t. 1, p. 425-426.
629
A.D.L.A, B 1103, f°16 V°, f° 26 r°, etc. Le Mével, 1999, t.2, p. 27,28, 39, etc.
630
A.D.L.A, B 1103, f°16 v, Le Mével, 1999, t.2, p. 28.
631
A.D.L.A., B 1104, f° 15 r°, f° 19 r, etc. Le document évoque à nouveau « la chapelle et le cimetière Sainct-
Quigeau » (f°19 r).
632
A.D.L.A., B 1106 et B 1107.
633
A.D.L.A, B. 1123.
634
A.D.L.A., B 1124.
635
Source publiée par P. Peyron, cf. Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 93.
636
Ibid., p. 91.

79
La dédicace assez rare de l‟église à saint Quigeau n‟est pas sans avoir suscité la curiosité de
quelques historiens. L. Maitre, se basant sur une forme ancienne « Saint-Ygeau », connue
pour l‟édifice, a ainsi proposé d‟y voir une traduction bretonne d‟Egidius, c'est-à-dire saint
Gilles637. Proposition qui n‟est cependant pas acceptable surtout si l‟on en revient à sa forme
latinisée, sancti Kivagi, connue au XIe siècle. Pour B. Tanguy, c‟est aussi à tort qu‟on l‟a
identifié au saint gallois Citaw, patron des chapelles de Languido en Plovan et Saint-Quideau
en Loctudy, bien qu‟il soit cité dans d‟anciennes litanies bretonnes et dans le Bréviaire de
Quimper638. Il s‟agit en vérité de Ceidiaw, qui est lui aussi un saint gallois, connu notamment
comme éponyme de Ceidio dans le Carnarvonshire. Son culte, assez rare en Bretagne, semble
avoir été très localisé autour de Carhaix. En dehors de la trêve de Plouguer, son nom
n‟apparaît que dans deux hameaux de Poullaouen639, et un autre village situé à Lanvénégen
(Morbihan).
Nous ne possédons malheureusement aucune illustration ni même de description sur
l‟établissement de Saint-Quigeau. Seul le plan de 1772 nous offre quelques informations sur
ces dispositions. L‟église apparaît au nord de l‟enclos du cimetière. Celle-ci suivait un plan
classique, formée d‟une nef rectangulaire, d‟un transept saillant dont le bras nord était
pourvue d‟une extension orientale (pouvant correspondre à une chapelle latérale ou une
sacristie) plus allongée que le chevet plat contre lequel elle s‟appuyait. Mais le plus
intéressant ici était la présence de deux autres édifices. Le premier, dédié à sainte Barbe, était
situé au sud du cimetière. Son plan était là aussi simple puisqu‟il ne se composait que d‟une
nef rectangulaire et d‟une abside. Le second, placé à l‟ouest, en dehors du placître n‟était, lui,
qu‟un bâtiment de forme carrée. La fonction de celui-ci n‟est pas connue ; s‟agit-il d‟un
ossuaire ou d‟un troisième sanctuaire ? Le nom donné, sur le plan, au chemin qui conduisait
depuis la place du champ de bataille (ancien) à Saint-Quigeau, « rue des trois chapelles »,
semble militer en faveur de la première hypothèse.
Cette présence de plusieurs édifices religieux au même emplacement rappelle évidemment les
dispositions des monastères du haut Moyen Age. Nous retrouvons en effet la même
multiplication des lieux de culte dans des établissements de la fin de la période mérovingienne
comme à Jouarre (Seine-et-Marne) ou de la période carolingienne comme à Corbie ou de
manière plus monumentale encore à Centula/Saint-Riquier (Somme)640. En Haute Bretagne,
ce type de disposition semble avoir existé dans l‟abbaye-évêché de Dol641. Mais l‟exemple le
mieux documenté est celui du Béré (Loire-Atlantique) où coexistaient au XIe siècle trois
sanctuaires dédiés à Saint-Pierre, Saint-Jean et Saint-Sauveur642. En Basse Bretagne, un seul
cas semble pouvoir correspondre à ce type d‟installation. Il s‟agit de celui de Landeleau,
petite commune du Finistère situé à quelques kilomètres à l‟ouest de Carhaix. Son église
paroissiale était en effet associée jusqu‟en 1886 à une chapelle rectangulaire de 4,50 m sur 3m
où l‟on reconnaisait dans les premières assises « des lignes de moellons appareillés en
fougères ou en arêtes de poisson et qui faisaient partie d‟un édifice antérieur qui pouvait
parfaitement dater du XIe siècle, peut-être même du IXe siècle ou du VIIIe siècle »643.
L‟édifice abritait de plus un sarcophage, connu sous le nom de gwe Sant Thelo (le lit de saint

637
Maître, 1922, p. 74.
638
Tanguy, 1990, p. 49.
639
Deshayes, 2003, p.290. Il s‟agit de Rosquigeau où se situe une motte et un manoir, et Saint Quigeau où
existait un chapelle en l »honneur du personnage.
640
Hubert et alii., 1967, p. 65-68, Heitz, 1980, p. 49-62.
641
Guillotel, 1977, p. 49 et 58-59.
642
Guillotel, 1989, p. 11-15. Saint-Pierre est cité dans un acte daté entre 1049 et1063-1067. Saint-Sauveur a été
fondé par les seigneurs de Châteaubriant de même que Saint-Jean qui est installé avant 1044. Nous remercions
O. Roy de nous avoir renseigné sur cet exemple.
643
Guigon, 1993, p. 17. Le sarcophage monolithique réutilise un bloc d‟architrave d‟un monument gallo-romain,
cf. Eveillard et alii, 1997, p.

80
Théleau)644, qui pourrait dater du haut Moyen Age645. S‟ajoute enfin un dernier indice avec le
nom de la paroisse composé à partir du préfixe lan- (qui signifie monastère) dans lequel les
spécialistes de la toponymie s‟accordent à reconnaître un indice d‟ancienneté646. Il existait
donc peut-être ici un établissement du haut Moyen Age.
Ces comparaisons pourraient évidemment nous inciter à présenter la même conclusion pour
Saint-Quigeau. Nous aurions ici un ensemble religieux du premier Moyen Age qui serait
devenu par la suite le centre d‟une trêve de Plouguer. Pourtant d‟autres arguments nous
incitent à être plus prudent. Tout d‟abord, il faut constater qu‟aucun document antérieur au
XVIIIe siècle ne nous évoque l‟existence de trois chapelles à Saint-Quigeau. Nous ne
pouvons donc pas assurer que cette situation remonte au Moyen Age. D‟autre part le vocable
Sainte-Barbe de l‟église placée au sud de l‟enclos ne semble pas l‟indice d‟une grande
ancienneté. La vie de cette sainte orientale, compilée, assez tardivement, au Xe siècle par
Siméon de Méthaphraste, n‟a vraiment été connue en Occident qu‟après la rédaction de la
Légende dorée de Jacques de Voragine au XIIIe siècle. Et ce n‟est que plus tardivement
encore, au XVe siècle, que son culte connaît son véritable essor647. Il bénéficie d‟ailleurs d‟un
grand succès en Bretagne. Toutes périodes confondues nous comptons pour les diocèses de
Léon et Cornouaille pas moins de 26 édifices religieux dédiés à ce personnage648, le plus
célèbre étant la chapelle Sainte-Barbe au Faouët fondée en 1489649.
Pour terminer avec Saint-Quigeau il convient sans doute de revenir sur ces fragments de
sarcophages dessinés dans le manuscrit du président de Robien au XVIIIe siècle 650(fig. 47).
L‟annotation de l‟érudit breton précise que ces éléments lapidaires ont été découverts « sous
les trois chapelles ». Constatant que la rue Anatole le Braz s‟appelait au XVIIIe siècle le
chemin des trois chapelles, L. Pape proposa de situer ces découvertes dans ce secteur651. Cette
proposition pourrait inciter, comme nous l‟avons vu, à lier ces vestiges au toponyme Martray
qui pourrait témoigner d‟une fonction funéraire ancienne. Une autre proposition, sans doute
plus simple, peut être émise. Les « trois chapelles » en question peuvent correspondre à Saint-
Quigeau lui-même. Il est dès lors facile de supposer que ces découvertes se sont faites à
proximité de l‟église tréviale mais en dehors son l‟enclos. Nous savons de plus que le site
possédait un cimetière au XVIe siècle dont l‟origine peut être ancienne puisque l‟édifice
existe à la fin du XIe siècle. Les éléments dessinés au XVIIIe siècle semblent correspondre à
des fragments de couvercles da sarcophage aux extrémités arrondies. L‟un d‟entre eux porte
même une inscription abrégée : AALM652. Même s‟il est raisonnable de rapporter ces vestiges
au Moyen Age aucun d‟entre eux n‟offrent d‟indice permettant de proposer une datation plus
précise.

2.2.5 Le monastère des Augustins (fig.22, n° 6)

644
Le Braz, 1893-1894, p. 43.
645
Guigon, 1993, p.
646
Tanguy, 1990, p. 102-103. La paroisse est mentionnée pour la première fois en 1267 sous la forme
« Landeleou ». Son nom signifie « le monastère de saint Théleau », personnage connu par une Vie qui en fait le
successeur de Dubrice sur le siège de Llandalf et le beau-frère du comte de Cornouaille Budic», cf. Vie de saint
Théleau.
647
Réau, 1955-1959, t. 1, 2, p. 169.
648
Couffon, Le Bars, 1988, p. 444.
649
Couffon, 1957, p. 94.
650
Robien, 1974, p. 18.
651
Pape, 1978, A 65.
652
Sanquer, 1980, p. 2. R. Sanquer fait une mauvaise lecture du manuscrit de Robien lorsqu‟il rapporte ces
découvertes à la chapelle Saint-Antoine.

81
L‟établissement des Augustins se situe dans la partie orientale de Carhaix, en périphérie de
l‟agglomération médiévale et moderne. Il y occupe tout un îlot enserré entre la rue neuve au
nord et la rue des Augustins au sud et entre la rue des orfèvres à l‟ouest et la place du marché
à l‟est.

 Historique

Le couvent reste l‟établissement religieux du Carhaix médiéval sur lequel nous sommes le
mieux renseigné. Les archives départementales du Finistère possèdent sur celui-ci un fonds
relativement important pour les XVe-XVIe siècles qui constitue pour nous une source
d‟information de premier ordre653.
Des problèmes historiques posés par ce couvent, la date et les conditions de son installation
semblent être la question la plus difficile à éclaircir. Si des propositions très prudentes ont pu
être émises sur l‟année de fondation654, c‟est la date de 1372 qu‟a été retenue le plus souvent
par les historiens de la fin du XIXe et du début du XXe siècle655. Celle-ci provient sans doute
de l‟orbis Augustitianus qui indique pour Carhaix : Ecclesia pratonam habet Beatem
Virginem Mariam656. Les travaux d‟Hervé Martin ont permis de montrer que les origines du
monastère remontaient plus anciennement657.En effet dès 1355 un acte pontifical permet à
l‟évêque de Quimper « d‟accorder l‟autorisation aux frères de l‟ordre mendiant des ermites de
saint Augustin de s‟établir au château de Carhaix et d‟y bâtir un monastère pour douze frères
du dudit ordre»658. A la suite en 1361 un nouveau document du Saint-Siège précise que « les
religieux sont autorisés à s‟établir à Carhaix pourvu qu‟ils aient les ressources nécessaires
pour entretenir douze frères »659. L‟interprétation de ces sources reste délicate d‟autant plus
que le chanoine Peyron ne semble en avoir publié qu‟un résumé. Elles paraissent cependant
traduire des difficultés qui sont sans doute liées aux troubles de la Guerre de Succession. La
comtesse du Laz attribuait un rôle essentiel à Conan IV de Quelen dans l‟établissement de ce
nouvel ordre à Carhaix sans en expliquer la raison660. Cet homme est issu d‟une famille noble
locale, les Quelen, dont le fief est situé dans la paroisse de Duault (Côtes d‟Armor) et alliée
par mariage depuis 1363 au lignage du Vieux Chastel basé en Plounévez-Porzay661. Celle-ci
semble jouer un rôle important à Carhaix au cours du bas Moyen Age. C‟est ce que prouve,
entre autres, la nomination d‟Eon II de Quelen , père de Conan IV662, comme capitaine de la
cité en 1379663.Comme l‟a souligné A. Le Mével, cette dernière date nous montre qu‟Eon était
encore vivant en 1372, moment où le couvent semble bien établi, ce qui amène à douter du
rôle de son fils664. Cet auteur propose même de faire d‟Eon II le véritable fondateur du

653
Elles sont contenues dans 13 H des A.D.F, nous n‟avons évidemment pas eu le temps de les étudier dans le
détail.
654
T. La Tour d‟Auvergne datait la fondation du couvent de 1416 et l‟attribuait à Claude de Lannion, gouverneur
de Vannes et d‟Auray, cf. Ogée, 1845, t. 1, p. 143. Emery a proposé prudemment une création antérieure à 1474,
cf. Martin, 1975, p. 39.
655
Jegou Du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 422, Abgrall, Peyron, 1904-1905, p.77.
656
Martin, 1975, p. 34.
657
Ibid., p. 34-35.
658
Actes du Saint Siège, n°291, p. 127.
659
Ibid., n°310, p. 220.
660
Jegou Du Laz, 1898-1899, p. 422.
661
Courcy, 1890, t. 2, p. 4, Le Gall Tanguy, 2005, p. 21.
662
Nous suivons ici la généalogie de la famille de Quelen établit par Dom Gallois en 1690 et qu‟a publié la
comtesse du Laz, cf. Jegou Du Laz ; 1898-1899, p. 259-265. Nous n‟en avons pas vérifié l‟exactitude mais
comme souvent nous pouvons supposer que celle-ci est très douteuse pour les périodes les plus anciennes. Tout
comme les kergorlay cette famille prétendait descendre des comtes de Poher.
663
Actes de Jean IV, n° 330, p. 283.
664
Le Mével, 1999, t. 1, p. 107, note 155.

82
monastère, ce que l‟on ne peut, la non plus, prouver. Il est cependant certain que Conan II
joua un rôle important pour l‟établissement. Dans un acte de 1416, les religieux s‟engagent à
célébrer perpétuellement « une messe de requiem chantée [..] pour le salut des âmes du
seigneur Conan du Vieux-Chastel,chevalier et de ses prédécesseurs, pour avoir orné de vitres
la grande fenêtre de leur église »665. Un second document du 7 mai 1436 est plus clair encore
puisqu‟il qualifie Conan de fundatori conventus de Kerhaes666.

Le Couvent semble par la suite jouer un rôle important dans la vie de la cité Carhaisienne. Les
familles nobles et bourgeoises de la région multiplient alors les donations en faveur du
monastère afin d‟obtenir une messe et une sépulture dans l‟établissement. En 1461, par
exemple, Morice de Coetqueveran, donne deux sols de rente sur une maison dans la rue des
Augustins pour que « le prieur s‟engage à enterrer le corps dudit Morice quand il décédera au
chapitre de Saint-Augustin »667. Dans le même but l‟homme ajoute en 1463 un nouvelle
donation en promettant dix livres de rente à la communauté668. Un acte de 1485, évoque la
présence, dans le cloître du monastère, de l‟enfeu de Guillaume le Gentil (près du tombeau de
Charles du Dresnay) qui avait fait d‟importants dons à l‟établissement669. En 1499 Guillaume
le Cozic « donne chapelle et lieu de sépulture proche de l‟autier de Notre Dame de Pitié du
côté du cloître »670. En 1517 Morice Estienne et Marie de Coëtqueveran ordonnent par
testament d‟être enterrés « dans une tombe de la chapelle Notre Dame du Paradis en l‟église
de Monsieur Saint-Augustin »671. Enfin en 1521, Jehan de Poulissac et sa femme souhaitent
avoir un tombeau dans le couvent « pour ensevelyr leur enffentz amys et parents »672.
Il est toujours difficile de donner des estimations précises du nombre de religieux présents
dans un couvent au Moyen Age, d‟autant que celui-ci peut évoluer avec le temps. Les
documents des Augustins de Carhaix nous offrent cependant quelques indications chiffrées
qu‟il est intéressant de citer. Les deux actes de fondation du couvent de 1355 et 1361
évoquent ainsi une communauté de 12 frères673. Par la suite, les renseignements nous sont
communiqués par les listes de religieux qui comme le note H. Martin, ne citent généralement
qu‟une partie de l‟effectif soit parce que le rédacteur de l‟acte n‟a pas jugé utile d‟être

665
A.D.F., 13 H 2. Il s‟agit du document le plus ancien des Augustins conservé aux A.D.F. L‟original écrit en
latin a été entièrement transcrit et traduit par le chanoine Peyron cf. Peyron, Abgrall, 1912, 1913, p. 77-78. Voici
le contenu de cet acte : Noverint uneversi presentes inspecturis quod nos frater Berbardus prior, ceterique frates
conventus de Kerhaes ordinis fratum Eremitarum Sancti Augustini, cupientes spiritualia pro temporalibus,
perpetua pro transitoriis rependere, ne vicio ingratitudinis quod fontem dessicat pietatis redarguamur, tenore
presentium obligamur nos et successores nostros et tenemur perpetuis temporibus celebrare unum aniversarium
prima die lune quadeagesime, videlicet unam missam de requiem ad notam cum vesperis mortuorum et tribus
lectionibus ad notam et predicta die lune, sex lectiones cum laudibus ad notam solemniter pro salute et remedio
animarum videlicet Domini Conani de Veteri Castro militis, predecessorumque suorum, racione et ex causa
vitreiationis magne fenestre nostre ecclesie et pro reparacione predicte fenestre in perpetuum, nec non et una
tumba elevata prope subdyaconum et dyaconum existentes in magna missa, coram magno altari ejusdem
conventus, ad quod inviolabiter servandum obligamus nos successoresque nostros, supplicante Rde Patri
Provinciali Provencie Francie quatenus hanc obligationem dignetur confirmare, ratificare et sui sigilli
appositione approbare. In quorum robur et testimonium sigella prioratus officii et nostre communitatis
presentibus sunt apposita. Datum apud keraes die quarta mensis februarii, ann Domini M CCC decimo sexto »
666
A.D.F., 13 H 2. Dans cet acte les religieux s‟engagent à faire participer la famille de Quelen aux célébrations
données en leur honneur.
667
A.D.F., 13 H 14, Jegou Du Laz, 1898-1899,t. 1, p. 424.
668
A.D.F, 13 H 14 , Jegou Du Laz, 1898-1899, t.1, p. 424.
669
A.D.F, 13 H 26, Jegou Du Laz, 1898-1899, t.1, p. 425-426.
670
A.D.F., 13 H 11, Jegou Du Laz, 1898-1899, t.1, p. 426.
671
A.D.F., 13H , Jegou Du Laz, 1898-1899, t.2, p. 34.
672
A.D.F., 13 H, Jegou Du Laz, 1898-1899, t.2, p. 34-35.
673
Actes du Saint Siège, n°291, p. 127, n°310, p. 220. Le nombre est le même que le couvent des Carmes de
Saint-Pol de-Léon au moment de sa fondation, cf. Ibid., p. 126.

83
exhaustif soit parce que tous les religieux n‟étaient pas présents au chapitre674. Ils ne sont
ainsi que 8 cités dans un acte de1474675, leur nombre augmente sensiblement en 1485 où ils
sont 13676. Mais ils ne sont plus que 10 en 1493677, 11 en 1494678 (dont seulement 6 étaient
présents dans le document précédent) et 12 en 1508679. En tenant compte de l‟absence
théorique de 1/3 à 1/4 dans ces listes, H. Martin estime que le couvent rassemblait de 15 à 18
frères680, soit un chiffre comparable à des établissements d‟ordres mendiants d‟autres
« petites » villes bretonnes comme Lamballe où les Augustins sont 12 en 1442, ou à
Hennebont où les Carmes sont au nombre de 15 (auxquels il faut ajouter novices et convers)
en 1494681 etc. Parmi les membres de cette communauté, certains religieux portent des titres
universitaires. C‟est le cas du prieur Hervé le Floch qualifié de « lecteur en théologie » en
1474682. En 1485 nous comptons deux docteurs, dont toujours Hervé le Floch et un certain
Yves le Bec683. En 1499 le nouveau prieur Pierre Riou est docteur684. Enfin en 1521, le prieur
Pierre de Haye est dit « lecteur en théologie »685. Ces quelques indications montrent le
rayonnement culturel que pouvait avoir le couvent dans la petite cité Carhaisienne à la fin du
Moyen Age. C‟est un fait qui n‟est pas sans importance pour une ville et sa renommée à cette
époque. Nous savons ainsi qu‟à la même période, en 1492, la communauté urbaine de Rennes
va jusqu‟à aider financièrement un religieux séculier de la ville pour qu‟il obtienne son
doctorat à l‟université de Paris686.

Le couvent continuera à jouer un rôle important dans la vie de la cité au cours de la période
moderne. Nous ne connaissons pas l‟ampleur des destructions qui ont touché le monastère à
l‟occasion des guerres de la Ligue. Nous ne savons, par contre, que c‟est par le jardin que les
troupes de la Tremblaye et de Liscouet sont entrées dans la ville en 1590687. Il ne semble pas
que l‟établissement ait eu trop à en pâtir, aucun des documents que nous avons consultés, n‟en
fait en tout cas mention. Les donations sont encore nombreuses au XVIIe siècle, malgré
l‟installation de trois nouveaux ordres dans la ville. Un aveu de 1726 nous permet d‟avoir une
vision du monastère et de ses possessions au début du XVIIIe siècle688. Comme tous les
établissements religieux, le couvent connaît les pires difficultés au moment de la Révolution.
En 1791, nous ne comptons plus que trois religieux : le prieur L. Gallois, le procureur
Clément Collignon et un frère de Laie qui prêtent tous serment à la constitution689 et c‟est
ainsi que, le 4 février de cette année, le district de Carhaix s‟empare du monastère car « 1° la
maison conventuelle des religieux Augustins n‟est occupée que par trois religieux, deux
prêtres et un frère de Lay, que ces trois religieux ont déclaré leur intention de se séculariser,
674
Martin, 1975, p. 112-113.
675
A.D.F., 13H 2, Jegou Du laz, 1898-1899, t. 1, p. 424. Il s‟agit de « Maistre Hervé le Floc‟h, maître en
théologie, prieur du couvent des Augustins de Kerahez, frère Guillaume, sous-prieur, frère Guillaume
Coetquelfen lecteur, et frère Hervé jagudon procureur d‟iceluy couvent avec frère Jehan Bogar,Fr. Michel
Derryen, Fr. Yvon le Goff, Fr. Henry Bothon, Fr. Jehan en Scangbihan, et chacun expréssément profès de l‟ordre
des frères hermites de Saint-Augustin ».
676
A.D.F., 13 H 26.
677
A.D.F, 13 H 11.
678
Ibid.
679
A.D.F., 13 H 21.
680
Martin, 1975, p.123.
681
Ibid., p. 122-123.
682
A.D.F., 13H 2
683
A.D.F. 13 H 26.
684
A.D.F, 13 H
685
A.D.F., 13 H 14.
686
Martin, 1975, p. 163.
687
Bourde de la Rogerie, 1898, p. 263, Du Laz, 1898-1899, p. 247.
688
A.D.F., 13 H 6.
689
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 81.

84
2° qu‟il est instant de resituer à la société, des citoyens dont le ministère peut être d‟autant
plus utile qu‟ils sont prêtés à faire le serment par le loi »690.

 Les bâtiments du couvent

Il n‟existe aucun plan ancien du couvent des Augustins conservé. Seul, le cadastre de 1819
nous offre donc une vision d‟ensemble de l‟établissement. Il représente un monastère
s‟organisant autour de son église qui ferme l‟enclos au sud, auquel est accolé le cloître qui
s‟ouvre dans sa partie septentrionale sur un grand jardin qui se développe jusqu‟à la rue
Neuve. L‟aveu rendu par les Augustins de Carhaix en 1726 décrit ainsi l‟établissement :
« L‟église et enclos du couvent des révérends Pères Augustins de Carhaix, situé près de la rue
des Augustins avec les maisons et batiments à présent au devant sur le pavé de la dite rue au
lieu et place des anciens applacements qui étaient auparavant, la dite maison conventuelle et
cloistre et dépendances, le jardin derrière avec trois petits pavillons aux deux bouts du côté du
nord, ledit couvent et maison de face sur la rue des Augustins contenant sous fond 180 pieds
de profondeur au travers desdits bâtiments –portail, église, cloistre, cour et jardin 648 pieds, le
tout contenant sous fond par réduction en quarré 233 ordres »691.

Nous ne savons pas au juste quand commença la construction des différents bâtiments du
monastère. On a pu constater auparavant les difficultés des Augustins à s‟installer dans la
ville. Et même si le couvent semble bien établi en 1372, nous ne pouvons retenir avec
assurance, comme le font H. Martin et A. Le Mével, cette date comme celle marquant le début
des travaux692. Il est cependant possible supposer que la construction de l‟église est terminée
en 1416, puisque, dans un acte de la même année, les religieux font inhumer dans l‟édifice
Conan IV de Quelen en remerciement de ses donations pour la confection et l‟entretien de la
maitresse vitre : ex causa vitreiationis magne fenestre nostre ecclesie et pro reparacione
predicte fenestre693. Le fonds d‟archives des Augustins signale plusieurs réparations menées
sur l‟église. Ainsi en 1474, la communauté reconnaît avoir obtenu l‟aide « dudit Vieux-
Chastel, 25 l 10 s laquelle ils avoient employée à la réparation et édiffication d‟un pan de mur
que l‟on fait à présent ou costé devers le cloestre, quelle église en celuy endroict et en autres
plusieurs endroits estoit et encore est moult indigente de réparation »694. Un document de
1485, nous apprend « les grands biens que ledit [Guillaume] Cozic et ses ancêtres avoient fait
audit couvent et réparation et édifice de ladite église »695. Plus tardivement en 1641, un acte
évoque « des réparations nouvellement faictes »696.
Des bâtiments qui constituaient autrefois le couvent, seule l‟église subsiste en partie
aujourd‟hui. Réutilisée à usage d‟habitation dès le XIXe siècle, celle-ci est désormais occupée
par le jardin d‟une maison. Le bâtiment a perdu son couvrement, la majeure partie de son
élévation ainsi que son chevet. Des vestiges conservés, nous retiendrons son plan simple,
celui d‟une nef à vaisseau unique. Celui-ci reprend la formule courante des églises des ordres
mendiants. Pour prendre des exemples bretons, nous citerons le sanctuaire des Dominicains
de Quimperlé, reconstruit à partir de 1483697 ; c‟est aussi le cas de l‟édifice primitif des
cordeliers de Rennes avant qu‟un collatéral lui soit ajouté au XVe siècle698, de la même
690
Ibid., p. 81.
691
A.D.F., 13 H 6, Jegou Du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 256-257.
692
Martin, 1975, p. 34, Le Mével, 1999, t. 1, p.107-109.
693
A.D.F., 13 H 2.
694
A.D.F., 13 H 2, Jegou Du Laz, 1898-1899, t. 1 , p. 425.
695
A.D.F., 13 H 26, Jegou Du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 426.
696
Ibid., t.2, p. 33. Celles-ci semble concerne avant tout un orgue de l‟église et non le bâtiment lui-même.
697
Martin, 1975, p. 289, Couffon, Bars, 1988, p.362, Leguay, 1998, p. 119.
698
Martin, 1975, p. 285.

85
manière que celui des Dominicains de Morlaix, dont la nef du XIIIe siècle fut pourvue d‟un
bas-côté au XIVe siècle699. Même si la partie orientale a disparu, le plan de 1772 et le cadastre
napoléonien semblent indiquer que l‟édifice se terminait par un chevet plat, lui aussi classique
pour un ordre mendiant. L‟extension méridionale visible sur le cadastre devait correspondre à
une chapelle ou avec plus de vraisemblance encore à la sacristie signalée dans l‟inventaire
révolutionnaire du 9 novembre 1790700. Le même document nous donne les dimensions de
l‟édifice qui était long de 15 pieds et large de 29 c'est-à-dire de 50,22 m sur 9,39 m701, soit des
ambitions comparables à des églises comme celle de Jacobins de Nantes (57 m sur 9, 5 m) ou
celle de leur confrère de Quimperlé (.41, 91m sur 10m)702. L‟élévation de l‟édifice restait
modeste : 35 pieds de haut soit 11,34 m703 ; l‟ensemble était vraisemblablement couvert d‟une
charpente. Il ne subsiste, aucun indice permettant de supposer l‟existence originelle d‟une
voûte, d‟autant plus que les églises des ordres mendiants semblent avoir assez rarement
privilégié les couvrements de pierre (en Bretagne tout du moins). L‟éclairage de l‟édifice
devait se faire par une série de baies placée dans ses parties hautes dont seulement une est
conservée dans le mur goutterot septentrional (fig.48 et 49). Le chevet a aujourd‟hui disparu
mais une idée de son élévation extérieure peut être donnée par l‟observation du dessin de la
ville vers 1750 (fig. 46, F). Celui-ci représente un simple mur pignon séparé par un contrefort
central qui distingue deux travées : La première, méridionale est percée d‟une ouverture qui
pourrait être une porte. La seconde, au nord, est ajourée par deux baies placées l‟une au
dessus de l‟autre. L‟ensemble était surmonté d‟un clocheton de forme circulaire. A l‟inverse
du chevet, la façade occidentale est encore en partie conservée aujourd‟hui (fig. 50). Elle
correspondait à un simple mur pignon encadré par deux contreforts à ressauts placés à ses
angles. Sa partie basse est percée d‟un important portail en arc brisé présentant des voussures
et des colonnettes multiples inscrites en ébrasement. Celui-ci est surmonté d‟une plaque
sculptée, ne portant pas d‟inscription, décorée par de riches moulurations végétales. Nous en
retrouvons des exemples assez proches au porche des Apôtres de la collégiale du Folgoët
(Finistère) dans la première moitié du XVe siècle704. Au dessus de la plaque, existaient à
l‟origine deux petites arcatures trilobées aveugles que nous pouvons observer sur une carte
postale du début du XXe siècle (fig. 51). Il en subsiste seulement deux bases aujourd‟hui.
Autour du portail s‟organise une série de quatre fenêtres qui ne sont que des ouvertures
postérieures, sans doute réalisées au XIXe siècle lorsque la chapelle fait usage d‟habitation.
La partie haute de la façade était ornée d‟une grande verrière que nous retrouvons citée dans
l‟inventaire du couvent en 1790 : « au pignon couchant, la porte d‟entrée et un vitrail au
dessus »705. La photographie ancienne de la chapelle permet d‟ailleurs d‟en observer la base.
Il s‟agit, très vraisemblablement, de la magne fenestre, signalée dans l‟acte de 1416706. Son
érection est un événement important qui a pu marquer, comme souvent, la fin des travaux
menés sur l‟église.
Comme nous l‟avons vu, la chapelle semble avoir été un lieu privilégié pour l‟inhumation des
grands personnages de la cité. Le document de 1474 déjà évoqué nous apprend que les moines
« feront célébrer une messe à perpétuité chaque samedi sur le grand aultier de l‟église [...] à
l‟issue de laquelle faire la commémoration des morts sur l‟enfeu sépulcre et enterrement
d‟iceluy Vieulxchastel »707. Même si l‟acte n‟apporte pas cette précision, il n‟est donc pas

699
Leguay, 1978-1979, t. CVI, p. 158, Couffon, Bars, 1988, p.217.
700
A.D.F., 1 Q 2 479.
701
Ibid.
702
Martin, 1975, p. 289.
703
A.D.F., 1 Q 2 479..
704
Lécureux, 1913, p. 106-107.
705
A.D.F., 1 Q 2 479.
706
A.D.F., 13 H 2.
707
A.D.F., 13 H 2.

86
impossible que le tombeau signalé se tenait à l‟intérieur de l‟édifice. En 1499, Guillaume Le
Cozic demande chapelle et lieu de sépulture en ladite église, proche l‟autier de Notre-Dame-
de-Pitié du côté des cloistres »708. Il existe encore aujourd‟hui deux enfeux sur le mur
goutterot nord s‟ouvrant par un arc segmentaire dont le décor incite à une datation dans le
courant des XVe-XVIe siècles (fig. 52). C‟est peut-être l‟un d‟entre eux que Dom Gallois
décrivait en 1690 comme un «enfeu magnifique où est élevé en bronze un superbe tombeau,
sur lequel repose la figure d‟un seigneur de Quélen, aussi en bronze, armé de toutes pièces,
ses écus chargés d‟un burelé en bannières, et supportées par deux anges »709. Si l‟on en suit
l‟avis de la comtesse du Laz, cette sculpture n‟aurait rien de médiéval puisqu‟elle
correspondrait à la tombe de Claude de Lannion seigneur de Cruguil (Côtes-d‟Armor) qui
épousa Renée de Quelen en 1582710. Les inhumations ont, en tout cas, continué bien au-delà
du Moyen Age. Ainsi le seigneur Malo de Névet évoque, dans une lettre adressée au Père du
couvent en 1715, la présence dans le sanctuaire de « tombes armoiriées »711. Un document de
1727 nous apprend que Henry-Albert de Cezy de Querampuil possède « à jamais en l‟église
une tombe au chœur d‟icelle joignant autre tombe où est enterré déffunt sieur Nicolas Hamon
du côté du midi »712.

L‟autre élément important du couvent était le cloître, aujourd‟hui disparu, qui a connu un
destin particulier (fig. 53). Il a en effet été démonté en 1930 et envoyé aux Etats-Unis où il a
disparu. La chance veut cependant que nous conservions encore une photographie de la
galerie sud713 à laquelle se joint la courte mais précieuse description de l‟architecte J. Bigot en
1892714.
Si cette construction n‟est pas représentée sur le plan de 1772, elle apparaît par contre sur le
cadastre de 1819. Situé au nord de l‟église, l‟ouvrage se composait alors de trois galeries : la
première au sud, accolée contre le sanctuaire et les deux autres à angle droit dont seul le côté
oriental était encore conservé dans sa totalité715. Au nord le cloître s‟ouvrait directement sur le
jardin du monastère. L‟aile septentrionale ainsi que la majeure partie de la galerie occidentale
ont déjà disparu à cette époque. Ils ont en effet été détruits à la fin du XVIIIe siècle. Un
document, curieusement jamais utilisé jusqu'à présent, bien qu‟il ait été partiellement publié
par la comtesse Jegou du Laz, nous apporte cette information. Il s‟agit d‟un procès-verbal
dressé le 12 août 1763 par le sénéchal de Carhaix, Joseph Guillou Stangalan, dans lequel le
magistrat inventorie les armoiries « étant du côté nord et couchant du cloitre, qu‟on sera forcé
de démolir pour en éviter la ruine prochaine »716. Suivant J. Bigot, l‟ouvrage mesurait « une
longueur de 18 m. Cependant d‟après la disposition des éperons intérieurs et d‟un pilier
d‟angle, tout porte à présumer que ce cloître avait 22 mètres sur 22 mètres hors œuvre »
auxquel il faut ajouter les 3,80 m de largeur du déambulatoire717.
En élévation, chaque galerie, haute de 3 m, se composait de quatre travées que l‟on peut
compter sur la photographie publiée par l‟Inventaire (seules deux sont visibles dans leur
708
Jegou Du Laz, 1898-1899, t. 2, p. 426.
709
Ibid., t.2, p. 423.
710
Ibid., t ;2, p. 423, note 3.
711
A.D.F., 13 H 2, Jegou Du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 41.
712
Ibid., t.2, p. 257.
713
Elle est aujourd‟hui conservé par le service l‟Inventaire qui l‟a publié en 1969, cf. Mussat dir., 1969, t. 2, p.
14.
714
Bigot, 1994, p. 198-200.
715
Lorsqu‟il visitera les lieux à la fin du XIXe siècle, J. Bigot n‟observera d‟ailleurs plus que deux galeries, cf.
Ibid., p. 199. Dans son article l‟architecte nous apprend que son fils a dressé un plan du cloître. Nous ne l‟avons
pas retrouvé mais peut être est-il conservé dans le fond J. Bigot des archives diocésaines de Quimper que nous
n‟avons pas eu le temps de dépouiller.
716
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 2, p. 257.
717
Bigot, 1892, p. 199.

87
ensemble)718. Celles-ci étaient séparées à l‟extérieur par des contreforts épais de 0, 65 m,
couronnés d‟un larmier à ressauts dont la silhouette massive dénote de la finesse des
arcatures719. Chaque travée se composait de 5 arcs s‟élevant depuis un petit mur de
soubassement « formant siège »720. Au-dessus, les fines ouvertes trilobées s‟entrecroisaient
dans une série d‟intersections d‟arcs surbaissés et s‟ornaient de motifs tréflés à trois feuilles à
leurs écoinçons. Nous faisons face ici à un remarquable jeu de confusion des formes
comparable à celui du cloître des Carmes de Pont-l‟Abbé (fig. 54). Celui-ci formait un
ensemble de quatre galeries de 25 m sur 22 dont les arcatures présentaient le même jeu formel
par la liaison entre l‟arc brisé et le plein-cintre. Sa réalisation est cependant ici mieux
maîtrisée puisque son harmonie n‟est pas brisée par d‟épais contreforts comme à Carhaix. La
continuité visuelle est privilégiée, les arcatures, regroupées en seulement trois travées, ne sont
séparées entre elles que par des piliers très fins. La date de réalisation de ce cloître nous
semble poser question. Suivant, J. Bigot celui-ci aurait été réalisé en 1382, mais il porte
pourtant les armes de Bertrand de Rosmadec qui fut évêque de Quimper entre 1426 et 1445721.
En tout état de cause, il existe bien un lien entre la réalisation de ce cloître et celui de Carhaix.
Les arcatures de cet ouvrage imposent aussi une seconde comparaison avec les ossuaires de
Saint-Yvi et de Locmaria-an-Hent (dans la même commune)722. Les deux édifices, associés
aux deux anciennes églises tréviales d‟Elliant, sont similaires723. Il s‟agit dans les deux cas
d‟un bâtiment de petite taille établi sur un plan rectangulaire situé à l‟intérieur du placître
contre le mur d‟enclos de celui-ci. Ces édifices étaient destinés, comme leur nom l‟indique, à
recueillir ossements lors du renouvellement des sépultures du cimetière (fig.55). Suivant la
formule habituelle, ils étaient ajourés sur l‟un de leur côté par une série de baies afin de
permettre aux paroissiens d‟observer les restes humains et ainsi les inciter à la méditation et à
la repentance724. C‟est justement ces ouvertures qui nous intéressent ici, puisque, comme dans
le cloître de Carhaix, elles se composent d‟une série d‟arcades (5 à Saint-Yvi et 4 à Locmaria)
trilobées et croisées725. Il existe cependant une différence, leurs meneaux plus épais, qui
donnent plus de lourdeur à l‟ensemble. La date des ces deux constructions n‟est pas assurée.
Dans son répertoire des églises du Finistère, R. Couffon a proposé de placer leur réalisation à
la fin du XVe siècle, sans pour autant argumenter sa proposition726. Un élément joue
cependant en faveur de cette hypothèse : l‟apparition tardive des ossuaires qui ne semblent
s‟être généralisés qu‟à la période moderne727. Ces deux édifices gothiques appartiennent, avec
ceux de Lanvellec notamment (Côtes-d‟Armor), aux plus anciens modèles de ce type
architectural qui ne semble pas remonter au-delà de la fin du XVe siècle728.
A quand remonte la construction du cloître des Augustins de Carhaix ? Sa ressemblance avec
l‟ouvrage des Carmes de Pont-l‟Abbé offre sans aucun doute un indice important pour sa

718
Ibid., p. 199.
719
Seuls deux d‟entre-eux sont visibles sur la photographie, celui-ci qui devait se situer au centre semble avoir
était à l‟époque démonter.
720
Bigot, 1892, p. 199.
721
Couffon, 1957 (b), p ; 264, Martin, 1975, p. 306.
722
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 26.
723
La paroisse d‟Elliant est mentionnée pour la première fois entre le 13 avril 1084 et 1114, cf. Cartulaire de
Quimperlé, acte n° LVIII, p. 198 (Il s‟agit de l‟acte de donation de la terre de Ros Amand à l‟abbaye par le duc
Alain IV). Ses trêves apparaissent plus tardivement : 1426 pour Locmaria et 1526 pour Saint-Yvi, cf. Deshayes,
1999, p. 13 et p. 337. Saint-Yvi est aujourd‟hui une commune indépendante de celle d‟Elliant à laquelle est
rattachée l‟ancien territoire de Locmaria-an-Hent.
724
Décéneux, 2001, p. 27.
725
Couffon, Bars, 1988, p. 410-411.
726
Ibid., p. 411.
727
Décéneux, 2001, p. 27-30. Les ossuaires de Plougonven et Pleyben (Finistère) encore gothiques dans leur
conception datent déjà, respectivement, des années 1532 et 1550.
728
Ibid., p. 27.

88
datation. Dans sa courte étude du cloître J. Bigot supposait que la réalisation des Augustins de
Carhaix avait été influencée par celle de Pont-l‟Abbé, et proposait en conséquence une
datation dans la première moitié du XVe siècle. Les quelques chercheurs s‟étant intéressés à
la question n‟ont pour l‟instant pas été plus loin dans leur interrogation et se sont contentés de
reprendre la proposition de l‟architecte de la fin du XIXe siècle. Il semble, en tout cas, certain
que ce cloître existe en 1474, année où il est mentionné pour la première fois dans nos sources
écrites729. Pour en terminer avec le sujet de cette construction, notons que, parmi les armoiries
inventoriées par le sénéchal de Carhaix en 1763 dans la galerie nord, se trouvait l‟emblème
des Lannion, famille alliée aux Quelen par le mariage de Claude de Lannion et Renée de
Quelen en 1582. Peut être faut-il y voir l‟indice d‟une rénovation ?

Nous sommes bien moins renseigné sur les autres bâtiments qui constituaient le couvent. Le
document principal les concernant est l‟inventaire de 1790 qui évoque « la maison principale
de cent cinq pieds de long, de vingt cinq pieds de large [...] Au rez-de-chaussée, la cuisine,
deux magasins et le bûcher (lecture incertaine) où est l‟escalier conduisant à la sacristie et le
dortoir, où sont onze cellules compris [...] les chambres à feu de l‟infirmerie et du prieur [...]
En la longère du levant trois portes, deux fenêtres et deux vitraux, neuf fenêtres au dessus
pour les cellules et les escalliers. En la longère du couchant deux portes et sept fenêtres [...]».
Les dortoirs cités dans le documents sont-ils les mêmes que ceux évoqués dans un acte de
1485 ?730. L‟inventaire décrit aussi « la maison du réfectoire [...] de trente six pieds de long,
treize pieds de large dans l‟œuvre et de quinze pieds de haut joignant le pignon nord la maison
principale. La porte d‟entrée au côté du midy, trois fenêtres et une cheminée au côté nord et
deux autres fenêtres aux levant et couchant du même réfectoire, au cellier seignant au
dessus »731. Ces deux constructions devaient logiquement se situer dans le long bâtiment
rectangulaire placé au nord de l‟église et à l‟est du cloître visible sur le cadastre napoléonien.
L‟observation du parcellaire laisse d‟ailleurs supposer que celui-ci a dû subir des destructions
lors d‟une restauration de la place du marché à l‟est du couvent. Nous savons d‟ailleurs que
des réparations sont faites par la communauté de la ville en 1775 et 1776 « pour la
reconstruction du mur et clôture des Augustins joignant le champ de foire »732. Celui-ci avait
été « renversé et démoli tant pour former l‟alignement du coude du sillon du milieu du champ
de foire que pour y prendre tous les remblais nécessaires ».L‟inventaire de 1790 cite aussi
« l‟écurie au côté nord, bout levant à la maison principale de la longueur de dix sept pieds de
la largeur de huit pieds à l‟intérieur et de la hauteur de trente cinq pieds, galleries au dessus
comprises une porte et deux fenêtres longère midi », et « le pavillon au levant de l‟écurie cy
devant de vingt pieds de long, cinq pieds et demi de large ». Dataient-ils du Moyen Age ? La
question est la même pour les« trois petits pavillons aux deux bouts du côté nord » présent
dans le jardin d‟après l‟aveu de 1726733. Nous ne savons rien de ces bâtiments qui ne sont pas
évoqués dans les documents antérieurs. Ils ne sont, en tout cas, pas représentés sur le premier
cadastre, ce qui peut laisser supposer qu‟ils aient disparu à cette époque.

2.2.6 L‟hôpital Sainte-Anne (fig. 22, n° 7)

Situé au cœur de la ville dans l‟ancienne rue du Pavé, l‟hôpital est le dernier édifice religieux
fondé dans la cité au cours du Moyen Age.

729
A.D.F., 13 H 2.
730
A.D.F., 13 H 26.
731
A.D.F., 1 Q 1 479
732
A.D.I.V., C 622.
733
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 256.

89
Nous sommes cependant mal renseigné sur son origine qui est évoquée très brièvement par
Bernard d‟Argentré. Il ne fait l‟objet que d‟une simple mention dans le portrait brossé par
l‟historien de Maurice de Méné. Suivant l‟auteur, le noble « bastit l‟hôpital de Carhaix où il
exerça luy-mesme l‟hospitalité l‟espace de sept ans devant sa mort, faisont comme on disait
pénitence du saccagement de la ville de Pontoise »734. Le fondateur, petit noble originaire du
manoir de Toulgoët en Treffin, est un personnage prestigieux qui devint chambellan du duc et
capitaine de la duchesse Anne. Nous notons qu‟à aucun moment dans son récit Bernard
d‟Argentré ne donne la date de construction de l‟établissement. Pourtant la plupart des
chercheurs qui se sont intéressés à l‟histoire de Carhaix, ont évoqué l‟année 1478 735. Nous ne
connaissons pas l‟origine de cette proposition, la date n‟apparaît en tout cas dans aucun des
documents que nous avons consultés736. Une remarque très juste de la comtesse Jegou du Laz
nous incite au contraire à dater plus tardivement cet événement737. En effet suivant Bernard
d‟Argentré, Maurice de Ménée est présent lors de la célèbre bataille de Saint-Aubin du
Cormier qui s‟est déroulée le 28 juillet 1488. Puisque la même source nous apprend que la
fondation de l‟hôpital s‟est faite 7 ans avant la mort de ce personnage, elle ne peut donc
qu‟être postérieure à l‟année 1488738.
Curieusement l‟établissement n‟apparaît pas dans le rôle rentier de 1539-1542. A. Le Mével a
bien proposé d‟identifier celui-ci à « la maison des ladres » cité dans le document mais cette
proposition ne nous semble pas acceptable, nous y reviendrons.739 Le 10 décembre 1540, le
déal du chapitre de Quimper évoque par contre une fondation faite in aede seu hospitali
Sanctae Annae oppidi de Kerahes740. Ce document est le premier à nous donner le patronage
sous lequel est placé l‟établissement. L‟indication n‟est pas inintéressante, nous connaissons
l‟importance du culte de saint Anne en Bretagne à la fin du Moyen Age. Elle est notamment
l‟objet d‟un important pèlerinage à Auray (Morbihan). Il existe un nombre non négligeable
d‟hôpitaux du duché dédiés à cette sainte: outre Carhaix, nous pouvons citer ceux de
Malestroit, Lannion, Montfort ainsi que l‟un des établissements de Rennes741. Par la suite les
ravages des guerres de la Ligue avec les deux prises de la ville en 1590 et l‟installation de
Guy Eder en 1592, ont semble-t-il, causé d‟importantes destructions à l‟édifice. La supplique
adressée au roi en 1615 nous apprend « il y a lieu de rebâtir le presbytère et l‟hôpital qui est
aussi ruiné par les gens de guerre et de pourvoir à la manutention d‟iceluy et à entretenir les
malades »742. Curieusement, comme pour le rentier du XVIe, l‟établissement n‟est pas
mentionné dans le livre de réformation du domaine en 1640743. L‟édifice existe bel et bien,
puisque c‟est là que seront logées les hospitalières lors de leur arrivée dans la ville en 1663,
en attendant la construction de leur établissement744. Malgré leur installation, Sainte-Anne
n‟est pas abandonné comme nous le montre l‟aveu de dénombrement de l‟établissement en
1726745. Pour reprendre les mots des Annales des Hospitalières, l‟établissement «était
l‟hôpital général de Carhaix et [...] le fut jusqu‟à la Révolution de 1793. On y recevait

734
Argentré, 1558, p.748.
735
Peyron, Abgrall, 1904-1905, t. 2, p. 89, Leguay, 1981, p. 300, Le Mével, 1999, t. 1, p ; 109, Le Chartrier dir.,
2005, p. 117.
736
La référence A.D.L.A., B 760, qui conserve les aveux de l‟hôpital en 1726 et 1729, contient bien un
document de 1478 mais il concerne l‟établissement du Croisic à Batz dans le diocèse de Nantes.
737
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 1, p. 246.
738
J. F. Caraes donne la date de 1497 dans son étude de la ville sans en expliquer la raison, cf. Caraës, 1984,
p.130.
739
Le Mével, 1999, t. 1, p. 109-110.
740
Peyron, Abgrall, 1904-1905, t. 2, p. 93. Nous ne connaissons pas l‟origine de cette information.
741
Leguay, 1981, p. 300.
742
Peyron, Abgrall, 1904-1905, p. 338.
743
A.D.L.A., B 1104.
744
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 1, p.
745
A.D.L.A., B. 760.

90
vieillards invalides ; [...] [il] était tenu par les administrateurs et des dames pieuses de la
ville »746.

C‟est l‟aveu de 1726 qui donne la seule description connue de l‟établissement. Celui-ci se
compose alors de : « la chapelle érigée le temps immémorial sous le nom de Nostre-Dame
sainte Anne ayant de face sur la rue du Pavé vingt et deux pieds de longueur [7 m] et de
profondeur soixante et une pieds [19,5m], l‟entrée estant au midy de la ditte chapelle ayant de
face sur la rue traize pieds et de profondeur depuis laditte rue du Pavé jusques au chemin qui
conduit y compris le jardin, deux cents quarante pieds, le dict jardin ayant de laise du midy au
nort au bout d‟orient cinquante et quatre pieds et au bout du couchant vingt pieds. La maison
de pauvres joignant ledict jardin, ayant de long quarante huit pieds [15,6m], de largeur dix
sept pieds [5,5 m], située entre laditte chapelle et ledict jardin avec la cour joignant au midy
les dittes esglises et maison dudit hospital, tous cernes au levant de laditte rue du Pavé, au
midy sur maison, cour et jardin au sieur de Pouloudu du pays, au couchant sur le chemin qui
conduit de l‟esglise collégiale de Saint-Trémeur à Saint-Joseph,et au nort sur le jardin aux
enfens et herittiers de deffunt missire Jean du Parc »747. De ces deux ensembles, la chapelle et
la maison des pauvres, aucun n‟est conservé aujourd‟hui. L‟oratoire est encore figuré sur le
plan de la ville en 1772. Si celui-ci n‟est pas simplifié, nous pouvons en déduire que l‟édifice
suivait un plan simple rectangulaire. Il a été finalement détruit au XIXe siècle et remplacé par
une construction néo-gothique, sans doute assez proche de la précédente (fig.56). Elle se
compose d‟une nef unique et d‟un chevet plat qui ne présente évidemment pas d‟intérêt pour
notre sujet, de même que le mobilier récent qui est conservé. La maison des pauvres doit elle
correspondre à « l‟établissement non identifié » décrit par l‟Inventaire748. Détruite en 1964,
cette construction était située au sud de la chapelle Sainte-Anne dont elle était séparée par
trois maisons sur le cadastre de 1819 (fig. 57 et 58). Son plan complexe se composait de deux
logis rectangulaires, le premier plus allongé à l‟ouest, le second plus court à l‟est, établi
perpendiculairement à l‟ancienne rue du Pavé. La circulation verticale entre les différents
niveaux était permise par une tour carrée, demi hors-œuvre, établie à la jonction des deux
bâtiments et un escalier intérieur situé dans le logis occidental. Cependant, là encore, rien de
médiéval. Le portail qui y donnait accès depuis la rue du Pavé n‟était qu‟une transformation
de 1724 et le bâtiment lui-même, une réalisation de la fin du XVIe siècle, comme le laisse
supposer la tour qui portait la date de 1588.

2.2.7 Les établissements religieux modernes (pour mémoire)

 Le couvent des Ursulines (fig. 22, n° 8)

Fondé en 1644, l‟établissement des Ursulines occupait un grand îlot quadrangulaire situé à
l‟ouest de l‟ancien château de Carhaix. Le couvent a disparu sur le cadastre de 1819, mais il
est encore représenté sur le plan de la ville en 1772. Ce dernier figure sur les bords de la rue
des Ursulines deux bâtiments rectangulaires orientés nord-sud dont l‟un semble correspondre
à la chapelle. Contre cette dernière vient s‟accoler une série de constructions qui se regroupent
autour d‟une cour centrale. Les étapes de construction de ce couvent sont bien connues. Elles
ont été étudiées récemment par F. Moal qui a montré qu‟elles se situaient entre 1652, date à
laquelle sont creusées les fondations d‟une première aile du couvent, et 1704 où est posé le

746
Les Annales des Hospitalières, déjà cité plus haut ont été publié par la comtesse du Laz, cf. Jegou du Laz,
1898-1899, t. 2, p. 412.
747
A.D.L.A., B 760.
748
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 27.

91
lambris de la chapelle qui s‟écroule peu de temps après749. Sans entrer dans les détails,
précisons que l‟établissement est abandonné par les religieuses le 14 avril 1792750.

 Le couvent des Hospitalières (fig. 22, n°9)

L‟établissement des hospitalières est fondé par Anne du Chastel de Kerlech en 1663 751. Sa
construction commence peu après et est probablement achevée en 1698. Il se situe à l‟est de la
place du champ de bataille où il se composait de quatre corps de bâtiments dont il ne reste
aujourd‟hui qu‟une partie du corps central et de l‟aile occidentale avec la chapelle N.D. des
Grâces. Abandonné en 1792, le couvent est reconverti un temps en prisons avant le retour des
religieuses en 1811. Ces dernières quitteront définitivement Carhaix après l‟incendie de
l‟établissement en 1857752.

 Le couvent des Carmes (fig. 22, n°10)

Les Carmes déchaussés quittèrent leur premier établissement fondé en 1644 à Saint-Hernin
pour Carhaix en 1658. Ils occupèrent la partie sud-ouest de l‟ancien château avec un couvent
formé d‟une chapelle orientée au nord, un bâtiment parallèle au sud et un corps les reliant.
Plus au sud encore un jardin occupait l‟emplacement de deux parcelles visibles sur le cadastre
de 1819. En 1969, l‟inventaire ne distinguait plus de ce couvent que « les traces au sol du
grand corps, des vestiges du mur du jardin et la façade d‟entrée de la chapelle remployée dans
la maison construites sur ses fondations »753.
Comme les précédents l‟établissement est abandonné au cours de la Révolution en 1791754.

2.2.8 Les chapelles autour de la ville

 N.D du Frout (fig. 22, n°11)

Aujourd‟hui disparue, la chapelle N.D. du Frout se situait à quelques centaines de mètres au


nord de la ville, à proximité du faubourg de Trouglévian (actuel Petit-Carhaix). Elle occupe
donc un secteur qui n‟a, à notre connaissance, livré aucun vestige gallo-romain. Dans son
travail sur Carhaix, C. Hervé-Légéard notait bien l‟absence totale de découverte au-delà du
cimetière actuel755. Les vestiges les plus proches mises au jour ne semblent être ceux de Park
ar Frout, déjà évoqué dans la première partie, qui se situait justement à l‟ouest du cimetière
dans la parcelle n°225 du cadastre napoléonien756.

Il est difficile de présenter une histoire de cet édifice qui apparaît très rarement dans nos
sources. Nous ne pouvons pas d‟ailleurs assurer que celui-ci existait au Moyen Age. Un
document du XVIe siècle, déjà cité par P. Peyron, pourrait cependant lui correspondre. Le
déal de Quimper nous apprend en effet que le 13 octobre 1533, le chapitre de la cathédrale,
fuyant la peste qui ravage le chef-lieu du diocèse, se réunit dans une chapelle Notre Dame à
Carhaix : in aede Beate Mariae Virginis de capella oppidi de Kerhaës757. Ne sachant à quel
749
Moal, 2001, p. 178-184.
750
Peyron-Abgrall, 1904-1905, p. 85, Le Chartrier dir., 2005, p. 146.
751
Peyron-Abgrall, 1904-1905, p. 89.
752
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 26.
753
Ibid., t. 1, p. 26
754
Peyron-Abgrall, 1904-1905, p. 82.
755
Légeard, 1994, p. 70.
756
Pape, 1977, A-73.
757
Peyron, Abgrall, 1904-1905, t. 2, p. 94. Nous ne connaissons pas l‟origine de cette information.

92
édifice identifier cette mention, P. Peyron proposait d‟en faire une chapelle de l‟église Saint-
Trémeur. Le vocable nous semble cependant permettre le rapprochement avec N.D. du Frout.
Il pourrait aussi bien s‟agir de cette construction. Le rôle rentier de 1539-1542 ne cite, par
contre, jamais l‟édifice même lorsque celui-ci évoque les terres du faubourg de Trouglévian.
Il n‟apparaît pas non plus dans le rentier de 1640. Il est cité plusieurs fois dans le papier terrier
de 1678-1680 qui évoque notamment « un parc et pièce de terre de la chapelle Nostre Dame
du Froust situe sur le chemin menant de la vieille église à querdaniel »758. Par la suite nous
retrouvons encore l‟édifice dans le rôle de décime de la paroisse en 1789759. L‟ouvrage sera
conservé tout au cours du XIXe siècle. En 1806, Le vicaire de Plouguer la présente même
comme l‟une « des plus jolies chapelles qu‟il y ait dans tout le pays »760. En 1893, le conteur
A. le Braz décrit « la chapelle du Frout, dissimulée dans un repli des collines. Ce fut naguère
un lieu de pèlerinage très fréquenté. Il n‟était pas dans le pays de mère ou de nourrice qui ne
crut tenue de s‟y rendre une fois l‟an invoquer ou remercier la vierge au lait, connue sous le
nom de Mère aux sources. Des sources, il en jaillit de toute part dans le petit chemin pierreux
et encaissé qui descend vers l‟oratoire. Leur eau canalisée venait remplir un bassin circulaire
creusé dans l‟enclos bénit »761. Elle subsiste encore au début du XXe siècle alors que P.
Peyron écrivait son article sur la paroisse de Carhaix-Plouguer. Ce dernier, nous apprend
seulement qu‟elle existait au XVIIe siècle et qu‟elle était le lieu d‟un Pardon qui se tenait le
jour de la Nativité762. Elle sera finalement détruite dans les années 1920763.

Nous connaissons peu de chose de l‟architecture de l‟édifice qui n‟a malheureusement pas été
décrite par les historiens du XIXe siècle. Seulement deux documents nous permettent d‟en
approcher la réalité matérielle. Le cadastre de 1819, tout d‟abord, nous en donne le plan : un
simple bâtiment rectangulaire. Mais c‟est surtout une ancienne photographie de l‟édifice qui
nous apporte le plus d‟informations (fig. 59). Prise depuis le sud du bâtiment, celle-ci nous
figure un édifice très modeste. Nous pouvons ainsi observer sa façade occidentale, simple mur
pignon ouvert d‟une porte et couronné d‟un clocher-peigne, son goutterot sud ajouré d‟une
seule baie en plein cintre et le début du chevet qui correspondait à une abside à pans. Elle
offre ainsi un visage assez commun à beaucoup de chapelles bretonnes. L‟absence d‟élément
remarquable dans son élévation extérieure rend difficile une proposition de datation ; elle
appartient en tout cas incontestablement à la période moderne, peut être plus précisément le
XVIIe voire le XVIIIe siècle, la baie visible sur son mur goutterot rappelant celle située au
sud de l‟abside de Saint-Pierre de Plouguer.

 Saint-Thomas (fig. 22, n°12)

L‟ancienne chapelle de Saint-Thomas reste l‟édifice religieux le moins bien connu de


Carhaix. Ce dernier est pourtant intéressant puisqu‟il se situait au cœur du faubourg de
Trouglévian et devait nécessairement occuper un rôle dans la vie de ses habitants.
Comme nous l‟avons déjà dit, cet édifice est placé dans un secteur qui n‟a jusqu‟à présent
livré aucun vestige romain. L‟existence d‟un noyau d‟habitations au franchissement de
l‟Hyères, évoqué par L. Pape et plus récemment par G. Le Cloirec, reste pour l‟instant
hypothétique764.

758
A.D.L.A., B 1107, f° 81 r°.
759
Peyron, Abgrall, 1904-1905, t. 2, p. 94-95.
760
Ibid., p. 94.
761
Le Braz, 1893, p.245-246.
762
Peyron, Abgrall, 1912-1913, t. 2, p. 94-95.
763
Le Chartrier dir., 2005, p. 172.
764
Le Chartrier dir., 2005, p. 18.

93
Il n‟existe aucune mention médiévale de la chapelle ; nous ne pouvons donc pas assurer son
existence à cette période. Le sanctuaire n‟est d‟ailleurs évoqué que dans le papier terrier de
1678-1680765. Par la suite, il n‟apparaît même pas dans le rôle des décimes de 1789. Nous
sommes mal renseigné aussi sur le moment de sa destruction. Il n‟existe plus en tout cas
lorsque qu‟il est évoqué par P. Peyron en 1904-1905766. Ce dernier nous apprend cependant
que sa construction datait du XVIIe siècle, ce que nous ne pouvons évidemment pas vérifier
en l‟absence de toute reproduction. Sa localisation ne nous est pas connue peut être se situait-
elle à proximité des parcelles n°228 et 229 du cadastre 1819 qui porte le nom de « Guerger la
chapelle »767.

 la Madeleine : une ancienne léproserie ? (fig. 22, n°13)

Située à moins de 500 m au sud de la ville, la chapelle de la Madeleine a aujourd‟hui disparu.


Elle intéresse cependant notre sujet puisque son existence est attestée depuis la toute fin du
Moyen Age. Elle est en effet citée pour la première fois dans nos sources, en 1522, dans l‟acte
d‟arrentement du château qui évoque : « le chemin menant dudit marchix de ladite ville à la
magdeleine »768. Mais c‟est là encore le rôle rentier de 1539-1542 qui nous apporte le plus de
renseignements à son sujet. Le lieu est en effet mentionné à de nombreuses reprises, au point
qu‟il nous semble inutile ici d‟inventorier toutes ces évocations. Le document est cependant
intéressant puisqu‟il nous apprend que l‟on retrouve non seulement à cet emplacement
« l‟esglise de la chapelle de la Magdalaine »769 mais aussi une « fontaine de la
Magdalaine »770. Cette dernière existe encore bel et bien aujourd‟hui, mais il s‟agit sans aucun
doute d‟une reconstruction du XVIIe ou du XVIIIe siècle. Cette ouvrage, qui puiserait son eau
depuis une source située un peu plus en hauteur au sud771, marque le point de départ d‟un long
ruisseau qui rejoint bien plus loin l‟Hyères au niveau du Moulin du Roy.
Mais outre ces deux édifices, nous proposons de reconnaître en la Magdeleine, le lieu où se
situait la léproserie évoquée dans le rentier du XVIe siècle. Certes dans son travail sur ce
document, A. Le Mével avait supposé une localisation tout autre. Selon lui, l‟édifice devait
être associé à l‟hôpital Sainte-Anne. Il pense donc pouvoir l‟identifier aux n° 19 et 21 de la
rue Brizieux, répertoriés par l‟Inventaire, que nous avons déjà interprétés comme « la maison
des pauvres » citée dans la déclaration 1726772. Cette hypothèse nous semble cependant
extrêmement contestable. Tout d‟abord, parce que celle-ci en revient à situer la léproserie en
plein cœur de la ville, sur l‟une des deux rues principales de l‟agglomération. Une telle
constatation peut paraître curieuse, puisque, sauf erreur de notre part, les historiens
s‟accordent à placer ce type d‟installation à l‟extérieur des centres urbains et ce, pour des
raisons d‟hygiène, qui semblent évidentes. C‟est, en tout cas, le constat tiré par R. F. Le Men
lorsqu‟il étudia le sujet en 1877773, et c‟est encore celui de J. P. Leguay en 1980774. Mais cette
interprétation devient plus problématique encore lorsque l‟on en revient au texte originel. Le
rentier fait en effet une courte mention d‟un « parc appell(é) Parc de la justice, le prochain
devers les maisons des ladres dud(ict) K(er)ahes, cerné d‟un endroit par le grant chemin
menant de Kerahes à Gourrin, d‟aultre endroict sur le chemyn menant dudict Kerahes à la

765
A.D.L.A.,B 1107, f° 222 v°, etc.
766
Peyron, Abgrall, 1904-1905, t. 2, p. 94.
767
A.D.F., 3 P 27/2.
768
A.D.L.A., B 677.
769
A.D.L.A., B 1103, f° 14 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 25.
770
A.D.L.A., B 1103, f° 32 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 47.
771
Ce renseignement nous a été rapporté par un habitant du lieu.
772
Le Mével, 1999, t. 1, p. 109-110.
773
Le Men, 1876-1877, p. 138-155.
774
Leguay, 1980, p. 115-116.

94
fontaine de la Magdaleine »775. Il n‟y a évidemment aucune difficulté à reconnaître une
léproserie dans l‟évocation de « maisons des ladres ». Le terme « ladre » est en effet habituel
au Moyen Age pour désigner les lépreux776. Par contre, la localisation du lieu semble bien
différente de celle proposée par A. Le Mével. Il n‟est fait aucune mention de la rue du Pavé,
au contraire, les lieux décrits ne semblent pas devoir être placés dans un cadre urbain mais
plutôt à la périphérie de la ville. Ils sont même précisément situés entre le chemin de Gourin
et celui de la Magdeleine. Ceux-ci sont encore assez aisément reconnaissables : il s‟agit de
deux routes qui partent depuis le sud de l‟ancien château et enserrent justement à la sortie de
la ville le territoire de la Magdeleine. Il paraît donc plus raisonnable de placer la léproserie à
cet emplacement. Un second argument milite en faveur de cette interprétation : le vocable
sous lequel est placé le lieu. Le terme français « Magdaleine » qui dérive du latin Magdalena
dans lequel il faut évidemment reconnaître Madeleine. Le problème de cette sainte, dans
laquelle semblent s‟être confondu trois personnages cités dans le Nouveau Testament, est
évidemment bien connu777. Même s‟il connaît deux foyers principaux, en Provence et
Bourgogne, son culte semble s‟être très largement répandu dans l‟ensemble de la France.
Cependant si on lui attribuait de nombreuses vertus, Madeleine ne semble pas avoir été
connue comme une sainte guérisseuse778. Situation curieuse puisque de nombreux
établissements sanitaires ont été placés sous son patronage. En Bretagne il semble que ce soit
sous ce vocable que soient placées la plupart des maladreries779. Nous pouvons citer, entre
autres, les léproseries de Dinan, du Gâvre (Ille-et-Vilaine), etc780.
En conclusion, il nous semble donc possible de faire du lieu-dit de la Magdeleine,
l‟emplacement d‟une ancienne léproserie qui devait abriter une chapelle, une fontaine, des
bâtiments pour les malades et peut-être aussi un cimetière, comme c‟est souvent le cas pour ce
type d‟établissement781.

 Saint-Antoine

Située à plus de 2,5 km du centre historique de Carhaix, la chapelle Saint-Antoine a


aujourd‟hui disparu tout comme les précédentes. Celle-ci était placée à l‟extérieur à la ville
antique qui ne s‟étendait pas au-delà de Kerampest où fut découvert une vaste nécropole à la
fin du XIXe siècle782. Ce secteur a néanmoins livré des vestiges gallo-romains. Nous avons en
effet déjà évoqué la mise au jour de deux inhumations lors du creusement des fondations
d‟une maison 783 : une urne cinéraire du IIe siècle et surtout un coffre de granite composé de
quatre blocs remployés784 que P. Guigon propose de dater du haut Moyen Age (fig. 60 et
61)785. Même si tel était bien le cas, nous ne pouvons pas assurer que cette occupation ait un
lien avec celle que nous lui connaissons par la suite.

775
A.D.L.A., B 1103, f° 28 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 42. Nous retrouvons plus loin la mention d‟un autre parc
de la justice situé à proximité : « une piecze de terre nom(m)é Parc en Justice, cerné d‟un endroict sur le chemyn
p(ar) où l‟on va dud(ict) Kerahes à la fontaine de la Magdalaine et le chemyn par où l‟on va dudict Kerahes à
Gourren », cf. Ibid., p. 47.
776
Le Men, 1876-1877, p. 138.
777
Réau, 1955-1959, p. 848.
778
Ibid., p. 849
779
Le Men, 1876-1877, p. 151.
780
Leguay, 1980, p. 116.
781
Ibid., p. 116.
782
Châtellier, 1900, p. LII-LIV.
783
Sanquer, 1980, Galliou, 1989 (b), p. 112.
784
Eveillard et alii, 1997, p. 52.
785
Guigon, 1994, p. 43.

95
Rien ne nous permet d‟affirmer que la chapelle Saint-Antoine existait dès le Moyen Age.
L‟édifice n‟apparaît, en tout cas dans nos sources, qu‟au XVIIe siècle. Il n‟est d‟ailleurs cité
pour la première fois qu‟en 1660786. Suivant les Annales des Hospitalières, c‟est en ce lieu
que s‟installa vers 1660 Anne du Chastel de Kerlech, la fondatrice du couvent : « le prieuré de
Saint-Antoine à un quart de lieue de la ville lui fut donné par son beau-frère, Claude du
Perrier [...]. C‟est là qu‟elle commença à jeter les fondements de notre maison, le 14 juillet
1663»787. C‟est aussi là qu‟elle mourut et fut enterrée avant que son corps ne soit transporté
dans le nouvel établissement de la ville. L‟auteur des Annales ne sait pas combien de temps
les sœurs restèrent à Saint-Antoine « mais seulement que ce fut peu d‟années, les autorités de
la ville trouvèrent très incommode de faire transporter les malades aussi loin ; elles en
quittèrent par condescendance et pour se rendre à Saint-Anne ». Celui-ci précise aussi
« qu‟elles continuèrent à percevoir la rente du prieuré Saint-Antoine après l‟avoir quitté, et en
jouirent vingt-cinq à trente ans ; après ce temps il parait qu‟elles le remirent aux seigneurs du
Boisgarin »788. Saint-Antoine semble donc avoir eu, au moins un temps, fonction de
maladrerie (ce qui suppose la présence d‟autres bâtiments que la seule chapelle). Le document
utilisé ici est évidemment tardif, mais cette fonction s‟accorderait bien avec le patronage de
saint Antoine du moins si on identifie son vocable à Antoine l‟ermite, connu pour ses vertus
de guérisseur, et non Antoine de Padoue789. Nous ne connaissons guère la destinée de
l‟édifice, il n‟apparaît pas dans le rôle des décimes de 1789 mais existe encore à l‟époque
comme le montre l‟évocation du site par C. de la Tour d‟Auvergne. Et c‟est très
vraisemblablement au XIXe siècle que celui-ci disparaît. L‟édifice n‟est d‟ailleurs pas
mentionné par P. Peyron dans son article sur Carhaix en 1912-1913.

2.3Les infrastructures d‟échange et de production

2.3.1 Foires et marchés de la ville

La documentation abondante des XVIIe-XVIIIe siècles fait clairement apparaître l‟importance


commerciale de Carhaix à cette période et qu‟explique en partie sa position de carrefour
routier autour duquel s‟organise une partie du réseau du centre de la Bretagne (ce que nous
développerons plus loin). Comme toute ville importante, Carhaix possède à ce moment deux
grandes foires signalées par le mémoire de Béchaimel de Nointel, intendant de Bretagne en
1689 : « Les deux foires qui se tiennent dans la ville de Carhaix sont considérables. La
première commence le jeudy de la Mi-Caresme et dure huit à dix jours. La deuxième
commence le lendemain de la Toussaint et dure le même temps. Il se fait dans l‟une et dans
l‟autre grand commerce de toutes sortes de draps, d‟étoffes de laine, d‟étoffes de soie, or et
argent, de toutes les manufactures du Royaume qui sont apportées par les marchands des
villes les plus considérables de France, de toiles de toutes sortes, de dentelles, de fils de toutes
sortes, de passements d‟or et d‟argent de toutes sortes, d‟argenterie soit pour l‟usage des
églises soit pour le service particulier, de toutes espèces de mercerie et quincaillerie et même
de librairie, d‟une grande quantité de chevaux, de beste à cornes et de cochons »790. Le même
document nous évoque aussi une foire mensuelle : «Ils s‟en tient encore dans la même ville de

786
A.D.F., 11 J 1, Deshayes, 1999, p. 41.
787
Du Laz, 1898-1899, t. 2, p. 27.
788
Ibid., t. 2, p. 28.
789
Sur les deux saints, cf. Réau, 1955-1959, t. III, p. 101-117.
790
Cité par J.Y Carluer dans Le Chartrier, 2005, p. 119. L‟original de ce Mémoire que nous n‟avons pas consulté
se trouve à la Bibliothèque nationale dans le fond Clairambault.

96
Carhaix une assez grande les premiers samedi du mois de l‟année dans lesquelles s‟enlève
ordinairement une très grande quantité de bœuf pour les autres provinces du Royaume »791.
Mais si la ville moderne possède un marché et d‟importantes foires, il est plus difficile de
saisir quelle était la situation au cours du Moyen Age.
L‟acte du Cartulaire de Redon de 1105-1107 mentionne bien la donation par le vicomte
Tanguy du droit sur le sel de son marché792. L‟historiographie a habituellement considéré
qu‟il s‟agissait ici du marché de Carhaix mais la récente critique de cette charte entreprise par
H. Guillotel et J. Quaghebeur, jette évidemment le trouble sur cette interprétation. En tout état
de cause, cet événement commercial, s‟il n‟était pas forcément celui de la ville, en était
proche793. Par la suite, nos principales informations sont données par le livre-rentier du XVIe
siècle. Celui-ci évoque en effet à de nombreuses reprises le marché qui se tient dans la ville le
samedi794. Il évoque aussi la présence de deux grandes places commerciales : celle des halles
située à l‟intérieur de l‟ancien château sur lequel nous reviendrons et le marcheix ou Martray,
qui au XVIe siècle « est le lieu où le plus s‟assemblent les marchans et ault(re)s gens que
abondent aud(ict) lieu de Kerahes »795. L‟existence d‟une troisième place nous est aussi
connue par les textes : la place au charbon. Un acte du 13 octobre 1425 signale en effet que
l‟évêque de Quimper cède à titre de cens à un certain Jean de Chastellouénan « deux hosteulx
ou maison à la rue place an glob [mot breton signifiant charbon] et donnant de l‟autre côté sur
la rue appelée vulgairement la rue aux sergents »796. C‟est sans doute la même propriété qui
est évoquée dans un nouveau document du 8 novembre 1500 dans lequel il est convenu que
« la maison rue des charbons et le chemin traversant de la dite rue à la rue des Augustins est
maison noble et quitte de toute contribution »797. Nous ne pouvons que rapprocher le nom de
cette place du marché au charbon de la ville cité par un autre document de la fin du Moyen
Age798. Si elle n‟est pas citée par la suite dans le rentier du XVIe siècle, elle apparaît bien
dans le livre de la sénéchaussée de Carhaix en 1640799, tout comme dans le procès-verbal
d‟arpentage de 1682800. La localisation de cet aménagement à l‟est de l‟église Saint-Trémeur
ne fait ici aucun doute puisque la place porte encore son nom médiéval sur le plan de 1772 et
sur le cadastre de 1819 (elle a depuis été rebaptisée place des droits de l‟Homme).

2.3.2 Les halles (fig. 22, n°14)

Les halles constituent sans aucun doute l‟élément central de la vie économique de Carhaix à la
fin du Moyen Age. Leur mention est cependant assez tardive puisqu‟elle n‟apparaît pour la
première fois que dans le livre-rentier de 1539-1542801. Rien ne nous permet de connaître le
moment de leur construction. Leur situation au centre du château pose évidemment question

791
Ibid., p. 119.
792
Cartulaire de Redon, 1863, p. 332-333, acte CCCLXXVII : ... dedit eis terram totam quam mater sua juxta
Castellum habuerat et salagium, mercati sui...
793
Il n‟est pas inintéressant de noter la mention du salagium taxe sur le sel que l‟on retrouve aussi évoqué à
Rennes en 1141, elle offre un intéressant indice pour l‟étude des réseaux de distribution commerciale breton au
Moyen Age central qui reste mal connu, cf. Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 373.
794
« deux aultres jours de samedy jours de marché aud(ict) K(er)ahes » cf. A.D.L.A, B 1103, Le Mével, 1999,
p. 9, f° 2 v°, « proclama(ci)on sera faict en la ville et juridicion de Kerahes par troys samedy jours de marché »
ibid. p. 10, f°3r°, ° : « par troys samedy jour de marché » ibid. p. 11, f° 4 r, etc.
795
A.D.L.A., B 1103, f° 48 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 69.
796
A.D.F, 1 G 326, (De ce document subsite l‟original ainsi qu‟une transcription du XVIIe siècle) Abgrall,
Peyron, 1912-1913, p. 332.
797
A.D.F., 1 G 326.
798
Leguay, 1981, p. 240. Nous ne savons pas de quel document provient cette précision.
799
A.D.L.A, B. 1104.
800
A.D.L.A, B. 1123.
801
A.D.L.A., B 1103 f° 5 r°, 5 v° et 6 r°, Le Mével, 1999, t.2, p. 13-15.

97
nous y reviendrons. Elles existent déjà depuis un certain temps puisque le rentier évoque
l‟ancienne fraude sur le droit d‟étalage de plusieurs anciens receveurs du domaine 802. Le
document du XVIe siècle porte aussi quelques éléments de description de ce bâtiment. Celui-
ci se compose d‟environ 45 étals, ce qui suppose un espace assez vaste803, qui se répartit entre
deux grandes activités la boucherie et la mercerie. De telles répartitions semblent habituelles
dans les halles ; J. P Leguay en a illustré de nombreux exemples en Bretagne. Citons, entre
autres, la cohue de Guigamp au XVe siècle où les bouchers occupent une aile, les boulangers
et les poissonniers une autre, les chaussetiers, cardeurs et drapiers le reste804. A Carhaix
d‟autres activités s‟y regroupent aussi, le rentier évoque ainsi « les marchans qui viennent à
ladicte foire, estallent leurd(ictes) marchandises comme draps, cuirs, solies, pains, chair,
estain, paelliers et aultres marchandises »805. Une place à la cohue se loue alors 12 sous et 6
deniers auxquels s‟ajoutent les droits d‟étalage et de cohuage806. L‟ouvrage est peut-être déjà
associé à l‟auditoire et à la prison qui sont aussi cités dans le rentier807. Nous savons en effet
qu‟à la période moderne ces batiments sont accolés à la partie occidentale de la cohue808. Ces
halles sont au centre d‟une place dont elles constituent le centre de gravité où convergent
plusieurs rues. Sur ses côtés se développent de petites placettes que le rentier nomme « Boutz
soubzain », « bout bas », et « boult de hault »809. Les documents modernes nous permettent de
suivre la destinée de ce bâtiment. Celui-ci est ainsi évoqué à plusieurs reprises en 1640 dans le
livre rentier du domaine de Carhaix810. En 1672, une ordonnance de la police fait passer le
tarif de la location d‟une place aux halles à douze livres pour les étrangers, alors que les
carhaisiens paient seulement 9 sous811. Comme pour le rentier, le bâtiment est cité aussi
plusieurs fois dans le papier terrier de 1678-1680 et le procès verbal d‟arpentage de 1682812.
En 1701, l‟ouvrage est l‟objet de réparations qui coûtent mille trois cents livres 813, puis une
nouvelle fois en 1723 où « sera faicte la réparation de la ditte halle en toutte plan estendue
encequy s‟apelle pierre feuillante et en faiteau pour le mettre en bon estat et conservé la
charpente »814. En 1786 et 1787, le bâtiment est rescindé « pour faciliter le passage et la
direction de la communication de la grande route de Quimper à celle de Morlaix »815. En
parrallèle, l‟auditoire est attenant à la cohue est décrit « comme antique, près à s‟écrouler de

802
« avons trouvé que les recepveurs, qui par cy devant esté entre aultre Regnault Berthault, Thépaut Guillard,
Gilles Euzenous et aultre aup(ar)avant eulz, avoint et ont com(m)is par cy devant plusieurs abbus ou faict
du(dict) debvoir d‟estallaige et cohuaige » cf. A.D.L.A., B 1103 f° 5 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 13.
803
« Mesmes avoir veü et nombré les estaulx estans en lad(icte) cohue qui pevent estre quarante et cinq ou
envyron », cf. A.D.L.A, B 1103, f°5 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 14..
804
Leguay, 1998, p. 255.
805
A.D.L.A, B 1103, f°5 r°, Le Mével, 1999, t.2, p. 13-14.
806
« avoir nombré et calcullé, ainsi que dict est, lesdictes estaulx et qu‟ils peuvent revenir à douze soulz six
deniers cha(cun) estals », cf. A.D.L.A., B 1103, f° 6 r°, Le Mével, 1999, t.2, p. 14
807
Leur localisation n‟est jamais précisée. Sur « l‟auditoire et lieu tribunal dud(ict) lieu, cf. A.D.L.A., B 1103, f°
4 v, etc, Le Mével, 1999, t. 2, p. 12, ect. Pour la prison : « [les] vieilles prisons [...] auquel emplacement ilz [les
paroissiens] ont mys leurs cloches jucques à avoir baty leur clochier », cf. A.D.L.A, B 1103, f° 45 v°, Le
Mével, 1999, p. 65
808
Voir notamment le plan de la ville en 1772. L‟auditoire à été une première fois reconstruite en 1639. Pour les
travaux sont prélevés une somme sur les octrois de la ville, cf. A.D.F. 2 E 1502 (3), Le Chartrier, 2005, p. 132.
809
AD.L.A, B 1103, f° 22v°, f° 24 r°, 28 v° et 29 v°, Le Mével, 1999, t.2, p 35, 36, 42 et 43, Leguay, 1998, p.
251.
810
A.D.L.A., B 1104.
811
Le Chartrier, 2005 dir., p. 131. Nous ne connaissons pas l‟origine de cette information.
812
A.D.L.A., B 1106, 1107 et 1123.
813
Le Chartrier dir., 2005, p. 231.
814
A.D.F., 2 E 1502 (3).
815
A.D.I.V., C 622.

98
vestusté et déjà condamné »816. En 1794, J. Cambry qui ne dresse pas un portrait très positif
de la ville, note tout de même que « les halles y sont en bon état»817. Elles seront finalement
détruites en 1850818. Cette opération est suivie de la reconstruction de l‟hôtel de ville entre
1861 et 1866819. Ce dernier sera pourtant détruit à son tour en 1890.

2.3.3 Le four banal

Le four constitue évidemment un élément important dans toute cité médiévale. Il estl‟un des
symboles forts du pouvoir du seigneur qui perçoit une taxe pour son utilisation. Ce droit est
important et son possesseur fait tout pour protéger. C‟est bien, en tout cas, ce que semble nous
apprendre l‟exemple de Carhaix dans une source de la fin du XIIIe siècle. Il s‟agit d‟une lettre
de 1287 dans laquelle les exécuteurs du testament de Jean Ier le Roux, à savoir les évêques de
Rennes, Vannes et Saint-Brieuc, le doyen de Saint-Brieuc, et un écolâtre de Nantes, lèvent
l‟interdiction, faite par le duc aux habitants, d‟utiliser le four du chevalier Bizien820. Il ne
semble pas très difficile d‟interpréter cette interdiction comme une mesure de protection du
prince pour conserver ses droits en obligeant les citadins à utiliser son four (qui n‟est pas
directement évoqué ici). Précisons tout de même que nous ne savons ni à qui correspond ce
personnage de Bizien, qui est sans aucun doute un noble local821, ni où se localisait son four.
Le four de Carhaix n‟apparaît clairement que dans le rôle rentier de 1539-1542822. Ce dernier
n‟apporte cependant pas d‟autres informations que sa seule existence, sa localisation n‟est pas
précisée823. Il en est de même dans le rentier de 1640 qui mentionne : « le four à ban de la
ville de Carhaix affermer la somme de deux cent quarante livres »824. Le document évoque
bien « une yssue estant au bout de la maison au four à ban » mais n‟est guère plus précis sur
son emplacement825. En 1678-1680, le papier terrier utilise quasi systématiquement la formule
« sujet à obeissance à sa majeste [...] à la suite de la cour et juridiction de Carhaix et aux
fours et moulins banaux de Carhaix »826. Le livre d‟arpentage de 1682 s‟il ne donne pas la
localisation évoque par contre : « le ruelle conduisant de la rue des Augustins au four banal de
Carhaix au Martray »827. Nous ne savons pas si c‟est cette seule indication ou au contraire un
document plus précis, que nous ne connaissons pas, qui permet à J. F. Caraes de situer la
maison au four à l‟angle nord-ouest du Martray828. En l‟absence d‟autre information il est

816
Ibid (Document de 1786). La commune décide d‟acheter alors « un hôtel mieux situé succeptible moyennant
quelques réparations urgentes [...] d‟y faire un hôtel de ville ».
817
Cambry, 1979, p. 119.
818
« J‟ai l‟honneur de vous faire le renvoi, après l‟avoir revêtue de mon approbation, de la délibération en date
du 29 juillet dernier par laquelle le conseil municipal de Carhaix vote la démolition des halles de cette commune
et la vente des matériaux qui en proviendront » (lette du maire de Carhaix au sous-préfet de Châteaulin,) cf,.
A.D.F., 2 O 224.
819
A.D.F., 2 0 224.
820
A.D.L.A, E 157. Ce document est consultable en microfilm à la référence 2 Mi 785 R34/2.. Il en existe une
transcription du XVIIe siècle dans les archives de la commune antérieure à la Révolution, cf. A.D.F., 2 E 1502
(3)
821
Un « Bizien de Poher, chevalier » est cité en 1297 comme témoin du jugement rendu par le duc de Bretagne
au sujet du meutre d‟Alain Nuz, cf. Dom Morice, col. 1120. Enfin, même s‟il n‟existe pas forcément de lien avec
le personnage qui nous intéresse, nous relevons qu‟en 1441, le sieur du manoir de Kergorno en Plouguer, porte le
nom de Bizien, cf. A.D.L.A, B 1083.
822
A.D.L.A, B 1103, f° 5r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 13.
823
Le document évoque « une yssue de terre estante au bout de la maison du four à ban de Kerahes », cf.
A.D.L.A., B 1103, f° 46 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 65.
824
A.D.L.A., B 1104, f° 33 r°.
825
Ibid., f° 17 r°.
826
A.D.L.A, B 1106 et 1107. Cette phrase connaît plusieurs variantes.
827
A.D.L.A., B 1123, f° 11 r°.
828
Caraes, 1984, p. 130.

99
difficile de juger cette proposition de l‟historien, le bâtiment se situait en tout cas à proximité
du Martray. Notons qu‟il s‟agit d‟un secteur de la ville qui s‟est beaucoup transformé au
XVIII siècle avec la construction de la place du champ de bataille en 1760829. Peut-être est-il
un peu illusoire de vouloir situer cette construction sur un plan postérieur à ses grands
travaux. Il est d‟ailleurs très vraisemblable que le four ait été détruit à cette occasion puisque
dans un document de mars 1772, l‟ingénieur P.J. Besnard nous apprend « qu‟ayant visité la
maison de Pierre de Léréné qu‟on avait dessein d‟acheter pour y loger le four banal, nous
avons reconnu que pour mettre cette maison en état d‟y loger un fournier et pour la
construction d‟un four dans icelle, il couteroit presque autant de dépense que pour faire une
maison neuve pour quoi nous sommes d‟avis et estimons plus expédient de choisir un terrain
appartenant à la ville sur lequel on batiroit une maison à four »830. De cette indication, il
semble aisé de conclure que si la communauté veut faire construire un nouveau bâtiment c‟est
bien que le précédent a disparu.

2.3.4 Les ponts

Que l‟on vienne du nord, de l‟ouest ou du sud, l‟accès à Carhaix nécessitait le franchissement
d‟un cours d‟eau. Ces contraintes naturelles ont nécessairement imposé la construction de
ponts pour les franchir. Ainsi pour la période moderne, nous en connaissons au moins trois
pour l‟Hyères : le pont du Petit-Carhaix, celui de Moulin Meur et de Sainte-Catherine.
Parmi ceux-ci, seul le premier est directement lié à l‟espace urbain (fig. 22, n° 15). Il constitue
même l‟un des grands éléments structurants de la ville médiévale de Carhaix. C‟est en effet
autour de ce point de franchissement que s‟organisent d‟un côté de la rive, le faubourg de
Trouglévian (devenu Petit-Carhaix), et de l‟autre, le hameau de Kergroas où se rencontre la
route de Morlaix et le chemin de Coatilouarn. Son existence est attestée dès le XVIe siècle
dans le rôle rentier qui cite : « le pont de Tnouglevyan »831. Nous savons par des documents
du XVIIe et du XVIIIe siècle que le seigneur du Tymeur en Plounévézel percevait une taxe
sur le passage de ce pont832. Même s‟il est difficile de la prouver, il n‟est pas impossible que
cette situation de la période moderne perpétue des droits déjà anciens détenus par les ancêtres
de cette famille833. Le rentier du XVIe n‟en fait certes aucune mention mais celui-ci
s‟intéresse aux seuls biens du domaine royal, cela n‟a donc rien d‟étonnant.
L‟ouvrage qui subsiste aujourd‟hui est une construction de la période moderne (fig. 62). Il
s‟agit d‟un pont à trois arches dont les piles sont protégées par des avant-becs et des arrière-
becs de section rectangulaire, amortis par des pyramides renversées834. L‟ensemble est fait
d‟un appareil irrégulier de moellons de schiste. Sa réalisation n‟est pas datée précisément
mais les points communs qu‟elle possède avec le pont Saint-Pierre, achevé en 1781835, incite à
proposer le XVIIIe siècle. Du côté de Kergroas, une quatrième arche vient s‟ajouter à
l‟ouvrage d‟origine dont il dénote nettement par son appareillage de grès assisé. Il doit sans
doute dater du XIXe siècle.
Même s‟ils ne sont pas directement liés à la ville, il n‟est pas inintéressant d‟évoquer les deux
autres ponts anciens de l‟Hyères. Celui de Moulin-Meur, tout d‟abord, n‟est certes pas attesté

829
A.D. I.V., C 620.
830
A.D.I.V., C 622
831
A.D.L.A., B 1103, f°46 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 66.
832
A.D.F., 51 J 42
833
Sur la filiation de du lignage des seigneurs de Tymeur, cf. Jegou du Laz, 1898-1899, t. 2, p. 417-422.
834
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 34et 93.
835
Ibid., p.

100
au Moyen Age, mais le toponyme auquel il est associé est cité, lui, dès 1505836. Il est de plus
placé sur l‟une de principales routes sortant de la ville au XVIIIe et au début du XIX e
siècle(fig.63). Celle-ci reprendrait d‟ailleurs le tracé de la voie romaine menant à l‟Aber-
Wrac‟h837. L‟ouvrage en lui-même, aujourd‟hui très ruiné (son arche centrale s‟est écroulée),
est une construction moderne très proche, par ses dispositions comme son mode de
construction, de celui du Petit-Carhaix. Il date donc vraisemblablement de la même époque.
Le pont Sainte-Catherine est plus intéressant encore puisqu‟il s‟agit d‟une construction
médiévale (fig. 64 et 65). Le fait est suffisamment rare en Bretagne pour mériter d‟être
signalé. Son nom, l‟ouvrage le tient de la chapelle à laquelle il est associé. Celle-ci, citée, à de
nombreuses reprises dans le rôle rentier du XVIe siècle, était l‟église tréviale de Plounévézel.
L‟édifice existe bien encore aujourd‟hui mais ces parties anciennes ne semblent pas remonter
au-delà du XVIe siècle838. Le pont, jamais directement évoqué dans les sources écrites, se
situait sur « le chemyn qui va de K(er)ahes à Saincte-K(at)herine »839, qui reprend le tracé de
la voie romaine qui menait vers Lannion et Tréguier. Celle-ci est d‟ailleurs encore utilisée au
XVIIIe siècle puisqu‟elle est représentée sur la carte de Cassini. L‟ouvrage long de 19, 80 m
et large de 4, 20 à 5, 10 m, se compose de 4 arches. Celles-ci construites en tas-de-charge,
prennent la forme d‟arc en mitre. Leurs piles sont protégées par des avant-becs et des arrière-
becs triangulaires. L‟ensemble est construit dans une maçonnerie hétérogène, de moellons de
schiste et de grès, en moyen appareil irrégulier assemblé sans mortier840. L‟ancienneté
apparente de cet ouvrage a été à l‟origine de datations multiples. P. du Châtellier y voyait en
1901 une réalisation protohistorique : « il n‟est pas trop téméraire, croyons-nous, de dire que
le pont Sainte-Catherine est antérieur à la voie romaine qui y aboutit et qu‟il remonte à
l‟époque de l‟indépendance gauloise, d‟autant qu‟il n‟a aucun des caractères propres aux
édifices romains, tandis qu‟au contraire son mode de construction est exactement celui des
sépultures de l‟époque du bronze, dont nous avons fouillé un si grand nombre dans la région
où il se trouve »841. Cette hypothèse n‟est évidemment pas acceptable, de même que l‟idée
d‟une construction romaine ; l‟ouvrage semble par contre mieux correspondre à une
réalisation médiévale. Une datation précise est évidemment difficile, d‟autant que nous
manquons de plus d‟éléments de comparaisons régionales.
Il devait aussi exister des ponts sur la rivière du sud de la paroisse. Les travaux entrepris pour
la construction du canal de Nantes à Brest ont évidemment changé la physionomie des lieux,
mais il est possible de supposer l‟existence d‟au moins trois points de passages anciens
correspondant aux trois principales routes sortant encore de la ville au début du XIXe siècle.
Le premier sur la route de Quimper, devait se situer au niveau de l‟actuel port de Carhaix, en
qui A. Deshayes propose de reconnaître l‟ancien toponyme « pont du Guergoat » cité en
1678842. Celui-ci tient son nom du manoir de Kergoat (cité dans un aveu 1494843) qui se situe
à proximité. Même s‟il n‟en existe pas de mentions anciennes, les lieux-dits Pont de Daoulas
et Pont de Kervoulédic doivent aussi correspondre à d‟anciens points de franchissement
puisqu‟ils se situent, respectivement, sur les anciennes routes de Quimperlé et Hennebont.

836
Deshayes, 1999, p. 120. L'auteur situe ce lieu à Kergloff mais nous ne connaissons cependant aucun hameau
de ce nom sur ce territoire. Il correspond donc sans doute au Moulin-Meur de Carhaix et Plounévézel qui se situe
d‟ailleurs à proximité de l‟ancienne trêve de Cléden-Poher.
837
Mussat dir., 1969, p. 34.
838
Ibid., p. 57-58. L‟édifice à vaisseau unique et chevet plat ne présente plus ses dispositions d‟origine. Sa nef
plus ancienne présentait en effet deux vaisseaux comme le prouve la série d‟arcades bouchées du mur goutterot
sud. Sa partie occidentale a aussi été modifiée par l‟adjonction d‟une facade datée de 1645.
839
A.D.L.A., B 1103, f° 35 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 50.
840
Mussat dir., 1969, p. 59.
841
Châtellier, 1902, p. 261.
842
Deshayes, 2003, p. 41.
843
A.D.L.A., B 1083.

101
2.3.5 Les moulins

Le rôle rentier du XVIe siècle cite 5 moulins dépendant du domaine de la sénéchausée de


Carhaix. C‟est à l‟occasion de la liste des fermes ordinaires que ce document nous cite les
différents batiments : « la ferme des moulins à blé de Pontsabiec, la ferme du moulin foulleret
de Pontsabiec [...] la ferme des moulins bladerets de Ploelouen qui s‟apellent Moulin Neuf et
Moulin en Rage, la ferme du moulin à Tan de Tnouglevyan »844. La liste est quasiment la
même dans le rentier de 1640 qui cite : « le moulin du Pont sabiec sytuée en treff Kergloff [...]
les moulins neuff et du Rage sytués en la paroisse de poulaouen [...] le moullin de Bourgneuff
sytué en la paroisse de Duault [...] le moulin du ban de K(er)pinguellen situé en la paroisse de
Mesle »845. Aucun de ces documents ne cite, par contre, l‟actuel du Moulin du Roy dont le
nom apparaît pour la première fois en 1678846.
Sur la liste ici dressée, un seul moulin est directement lié à l‟espace urbain : celui de
Trouglévian. Sa présence dans le faubourg de la ville n‟a évidemment ici rien d‟étonnant à la
vue de la situation de ce pôle d‟habitat né sur un point de franchissement de l‟Hyères. Si le
rôle rentier du XVIe siècle fait plusieurs mentions de ce bâtiment, il n‟en apporte pas pour
autant d‟éléments de description. Il nous faut, par contre, signaler la mention dans le papier
terrier de 1678-1680 d‟une « tannerie clos de muraille et l‟appenteix couverte d‟ardoise
contient de long trente et un piezd, de large, dix huit piedz et demy estant près la chapelle de
Sainct Thomas joignant de l‟occident à la rue »847. L‟emplacement de ce moulin, représenté
sur le cadastre du XIX siècle, se voit encore très bien aujourd‟hui. Celui-ci était en effet placé
sur un îlot vers l‟intérieur duquel était détournée l‟eau de la riviève pour alimenter la roue.
Même si cela nous éloigne à nouveau du monde urbain, il n‟est pas inintéressant d‟évoquer
les autres moulins de la paroisse de Plouguer. Sur ce sujet, nous constatons rapidement que,
sur la liste que nous pouvons dresser à partir des deux rentiers de la sénéchaussée, nous
comptons quatre structures extérieures à ce territoire : les Moulins Neuf et en Rage (actuel
Raget) en Poullaouen, le moulin de Bourgneuf en Duault et Kerpinguellen en Mael-Carhaix.
Le cas de Pontsabiec mérite par contre plus d‟attention. Les commissaires réformateurs du
rentier du XVIe siècle témoigne à son sujet que « Apres nous estre transportez sur les lieux en
voyant l‟indigence de reparacion de moulins) blé dudict Pontsabiec, avons veü l‟empla(ci)on
et situacion de aultreffroys estoit led(ict) moulin foulleret, au joignant desd(ictz) moullins à
blé. Et à présent n‟y a que ung costé desd(ictes) murailles et sont les aultres toutes ruynés et
tombé par terre et n‟y apiert que led(ict) costé de veilles murailles. Et avons trouvé que vignt
cinq ou trante ans sont et plus que led(ict) moullin foulleret est ruyneux et tombé par terre et
n‟a aultrement besoigne ne servy »848. La localisation exacte de ce lieu n‟est pas connue. Le
toponyme a aujourd‟hui disparu. Nous avons vu que le rentier de 1640 situe celui-ci en
Kergloff, où aucun hameau ne porte aujourd‟hui ce nom. A. Deshayes en retrouve cependant
bien une nouvelle mention dans cette trêve en 1604849. Mais il est aussi cité à Plouguer en

844
A.D.L.A., B 1103, f° 4 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 13.
845
A.D.L.A, B 1104, f° 32 r. Chaque déclaration du papier terrier de 1678-1680 se termine par une formule de
soumission aux droits bannaux et notamment pour l‟utilisation des moulins : : « [il ou elle] recognoist de tenir
pareillement de ladicte maisté soubs le mesme domaine à titre de cens et à devoir rentes, le cas arrivant, et
pareille obeissance, que devant, se soubmettant à suivre le distroit des fours bannaux et moulins du Roy situés
soubs la banlieue, et à en payer les droits ordinaires aux fins de la coustume de ce pais »., cf. A.D.L.A., B 1106
et 1107.
846
A.D.F., A 6, Deshayes, 1999. p. 41.
847
A.D.L.A, B 1107, f° 109 r°.
848
A.D..L.A., B 1103, f° 6 v° et 7 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 15-16.
849
Deshaye, 1999, p. 120, A.D.F., 51 J 12 (non vérifié)

102
1678850. Ce rapprochement peut évidemment faire penser à un lieu situé à la frontière entre les
deux paroisses. Une telle situation correspondrait bien à l‟actuel Moulin du Roy situé à l‟ouest
de la ville, sur le bord de l‟Hyères, à côté d‟un chemin qui mène au bourg de Kergloff (et
donc à l‟emplacement d‟un ancien point de franchissement qui devait être logiquement un
pont). Même si nous ne pouvons pas l‟assurer, il nous semble vraisemblable que le lieu-dit
Pontsabiec correspond au Moulin du Roy dont le nom se serait progressivement subsitué au
toponyme ancien. En dehors des dépendances du roi, la paroisse de Plouguer, enserrée entre
deux rivières présentait, évidemment bien d‟autres moulins. Certains manoirs en possédaient,
c‟est le cas du moulin de Kerniguez sur l‟Hyères (moulin de Querneguez en 1678) qui
dépendait de la maison noble du même nom851. De même, il existait en 1704 un « moulin de
Kergourtois »852 (non localisé) qui tient son nom du manoir de Kergoutois. Il faut enfin citer
Moulin Meur, mentionné en 1505853, situé sur l‟Hyères du côté de Plounévézel à côté de
l‟ancienne voie romaine qui menait à l‟Aber Wrac‟h.

2.3.6 Les carrières de pierre

Même si l‟information peut paraître anecdotique, il nous a semblé intéressant de souligner la


mention d‟une perrière dans un acte de 1485. Ce document déjà cité, fait en effet état de la
donation par Guillaume Le Gentil « d‟un parc étant esmete et faubourg de notre ville entre le
grand chemin qui conduit de Carhaix au manoir de Kercourtois d‟un autre côté, et les terres
des enfants Alain le Berre sur un grand chemin qui conduit de l‟église de Saint-Quigeau à la
fontaine Ledan, et le coin dudit parc est près de la croix vulgairement appelée Croix Guillouy,
autour duquel parc il y a une perière de laquelle la plupart de ladite église et tout dortouer et
tous autres édifices, ou dit couvent de pierre de maçonnerie auroient esté d‟icelle périère »854.
Le rentier de 1640, nous signale l‟existence d‟une seconde carrière : « une perrière sur
laquelle est [...] basty une maison [...] sytuée au village de Kergroix près Trouglévian borné
du chemin qui conduist de Carhaix à Morlaix »855. Nous savons aussi qu‟une partie des
pierres utilisées pour les pavements des rues à la fin du XVIIIe, proviennent d‟une carrière
située au Moulin du Roy856. Nous ne pouvons évidemment pas assurer que ces deux dernières
existaient au Moyen Age, mais l‟information est intéressante. Le positionnement de carrières
dans les faubourgs de la ville correspond à une situation assez courante. J.P. Leguay a déjà
signalé de nombreux exemples de carrières situées à la périphérie des agglomérations. C‟est le
cas dans une grande cité comme Rennes où existait une dizaine d‟exploitations dans un rayon
de 1 à 5 km autour de la ville. C‟est aussi vrai pour des agglomérations moins importantes
comme Saint-Pol-de-Léon où l‟on tirait profit « des vieilles perrières » établies sur le chemin
de « croassiou Moyec »857.
Ce point sur la question de l‟approvisionnement en matériaux de construction des édifices de
la ville impose de constater l‟importance du phénomène de remploi au Moyen Age. Celui-ci
n‟a rien d‟étonnant, il a d‟ailleurs pu être analysé dans d‟innombrables sites au passé antique

850
Deshayes, 1999, p. 42, A.D.F., A 6.
851
Deshayes, 1999, p. 41.
852
Ibid., p. 42.
853
Ibid., p. 120.
854
A.D.F., 13 H 26.
855
A.D.L.A., B 1104, f° 28 r°.
856
« les nouveaux pavés seront en pierre brutte ou blocage des carrières du Moulin du Roy ou d‟autres des
environs des meilleurs bancs », cf. A.D.I.V., C 622. Il s‟agit d‟une mention extraite du devis des réparations
envisagé dans la banlieue de la route de Brest à Carhaix datant de mars 1779. Ces pierres ont aussi utilisé pour le
pavement du champ de foire, cf. A.D.I.V.C 621.
857
Leguay, 1980, p. 89.

103
reconnu858. L‟observation de certains monuments de l‟agglomération médiévale montre que
les réutilisations ont été nombreuses et ont continué pendant toute la période qui nous occupe.
L‟analyse de l‟église de Plouguer en montre déjà l‟existence au XIe siècle. Mais elle subsiste
encore au XVIe comme le démontre les observations du géologue L. Chauris sur la tour
porche de Saint-Trémeur. Comme G. Le Cloirec nous l‟a suggéré, il est vraisemblable que de
nombreux vestiges de la ville romaine de Vorgium étaient encore visibles au cours du Moyen
Age. Ils servaient alors de véritables carrières à ciel ouvert. C‟est bien ce que semble attester
la fouille du bâtiment (vraisemblablement) romain découvert par M. Le Goffic au 2 rue des
Augustins. Un de ses murs semble, en effet, avoir été épierré au XIVe ou au XVe siècle859.
Les observations sont plus nettes encore sur le site de la domus constantinienne du centre
hospitalier où a été constaté l‟existence de nombreuses fosses de récupération de matériaux
dont le comblement a livré des tessons de céramiques onctueuse et même des fragments de
poteries à glaçure jaune pouvant dater des XIIIe-XVe siècle860.

2.4L‟habitat civil
2.4.1 Les maisons anciennes de Carhaix

Le chevalier de Fréminville, dans son ouvrage Antiquité du Finistère, paru en 1835, décrivait
Carhaix comme une cité renfermant « beaucoup de vieilles maisons, la plupart bâties en
colombage, ayant extérieurement des corniches saillantes à chaque étage, lesquelles sont
chargées d‟ornement bizarre et supportées par des figures représentant divers personnages
religieux, guerriers, dames, etc., dont la plupart portent des costumes ou des armures du
quinzième ou du seizième ». La ville conserve encore une grande partie de ses constructions
qui se concentrent pour l‟essentiel autour des rues Brizieux (ancienne rue du Pavé), G.
Lambert, F. Faure, F. Lancien (ancienne rue des Augustins) et la place de la mairie (fig. 66).
En 1969, l‟Inventaire répertoriait pas moins de 42 maisons anciennes existantes ou disparues
pour le seul centre-ville861. Celles-ci forment un ensemble qu‟il est possible de répertorier en
deux groupes :

 Les maisons en pan-de-bois

Elles sont celles qui attirent le plus rapidement l‟œil du visiteur et auxquelles on a souvent
tendance à donner la plus grande « antiquité ». Mais en Bretagne comme en Normandie ou
dans les autres régions françaises, il n‟en est généralement rien. Ces constructions sont très
souvent des réalisations de la période moderne et malheureusement pour nous, Carhaix ne
déroge pas à cette règle. En effet sur les 12 maisons en pan-de-bois répertoriées par
l‟Inventaire dans la ville, aucune ne remonte au Moyen Age.
Parmi celles-ci, la plus ancienne et aussi la plus remarquable, est incontestablement « la
maison du sénéchal » située au n° 6 de la rue Brizieux et au n°1 de la rue F. Faure (fig. 67)
Comme le note D. Leloup, celle-ci est encore médiévale dans sa conception862. Elle est établie
suivant un plan à deux pièces, l‟une sur la rue, l‟autre sur la cour, reproduit sur 3 niveaux,
(rez-de-chaussée et deux étages dont le dernier sous comble) desservies par un escalier

858
Un point rapide sur le phénomène de remploi des vestiges antiques au haut Moyen Age est fait par P. Guigon
dans sa thèse, cf. Guigon, 1997-1998, t. 1, p. 17-35.
859
Le Goffic, 1989, p. 2, Le Goffic, 1993, p. 51
860
Hillairet, Le Cloirec, 1996, p. 292. Le même type de structure a été découvert sur le site de la réserve
archéologique (information de G. le Cloirec que nous remercions).
861
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 28-31.
862
Leloup, 2002, p. 62.

104
intérieur en bois, placé sur le mur goutterot méridionale au droit de la cloison médiane. Elle
reprend donc ici un modèle courant pour les manoirs urbains comme au n° 28 rue du Pont à
Pontivy ou le n°15 bis rue de Kerampont à Lannion (disparu), et qui est utilisé de manière
systématique dans les maisons en Bretagne pendant tout le XVe siècle ainsi que dans une
large partie du XVIe siècle863. La tradition médiévale s‟observe aussi à sa façade antérieure à
ferme débordante, qui présente encore des encorbellements profonds avec ses sablières
maintenues par une série de solives qui débordent depuis le premier et le deuxième étage.
Mais c‟est peut-être elle, aussi, qui traduit le mieux l‟appartenance de cette construction à la
période moderne. Le rez-de-chaussée s‟ouvre en effet par une porte placée dans l‟axe entre
ses deux vitrines. Ce mode d‟accès est caractéristique des transformations connues par la
maison urbaine à partir du XVIe siècle, qui voit le déplacement de la porte d‟entrée au centre
de la façade, comme c‟est le cas à la maison dite de Saint-Vincent Ferrier à Vannes (1574)864.
Mais c‟est surtout le décor de ce niveau qui est le plus parlant, avec l‟introduction d‟un
vocabulaire antiquisant qui traduit l‟influence de la Renaissance tel qu‟on peut aussi le
retrouver dans la maison n°2 rue du Port à Vannes865. Les figures sculptées dans les poteaux
de bois des étages supérieurs sont par contre plus classiques. Suivant D. Leloup, celles-ci
représenteraient les différentes classes sociales de l‟Ancien Régime et reprendraient le thème
religieux des danses macabres866. Elles peuvent être rapprochées des décors de maisons
anciennes comme celles du n° 2 de la rue de l‟évêché à Quimper (disparu), du n° 33 rue du
Mur à Morlaix ou des n°1 et 3 rue de Geoffroy-de-Pont-Blanc et du n°31 place Général
Leclerc à Lannion. L‟ensemble de ces caractéristiques rend surprenante la date de 1606,
portée par cette construction. Celle-ci est pourtant reprise par D. Leloup dans son ouvrage sur
les maisons à pan de bois, mais le chercheur ne semble pas exclure pour autant « une
modification due à une restauration après les guerre de la Ligue »867. Cette solution nous
semble ici à priviliégier. L‟architecture et surtout le décor semblent en effet bien mieux
s‟accorder avec la datation dans le deuxième tiers du XVIe siècle proposé par l‟Inventaire868.
Hormis cet exemple la plupart des maisons à pan de bois de Carhaix sont établies sur le
modèle que l‟on observe, entre autres, aux n°1, 5 et 9 de la rue Brizieux (fig. 68 et 69)869.
Elles se caractérisent par leur encorbellement peu marqué, toujours tenu par les solives du
plancher, étrésillonnées par des entretoises. Leur appartenance à la période moderne ne fait
guère de doute. La maison n°1 rue Brizieux porte ainsi la date de 1574 sur sa façade latérale,
et il est très vraisemblable que les autres constructions de ce groupe ont été réalisées à la
même époque.

 Les maisons en pierre

L‟Inventaire a répertorié une trentaine de maisons en pierres dans Carhaix et ses faubourgs
dont la plupart datent malheureusement pour notre sujet, des XVIIe et XVIIIe siècles.
Quelques unes semblent cependant appartenir à une période plus ancienne.
C‟est le cas du n°16 rue Brizieux, construction établie sur trois niveaux dont le dernier sous
comble (fig. 70). La façade se caractérise par l‟utilisation de belles pierres de taille en grès
appliquées en assises régulières et par l‟emploi du granit pour ses ouvertures. Le premier
niveau s‟ouvre sur la rue par une porte divisée en deux par un croisillon placé dans sa partie
863
Ibid., p. 27.
864
Ibid., p. 59-60.
865
Sur ce type de décor cf. Ibid., p. 77. Il est évidemment possible de rapprocher ces motifs de ceux observables
aux niveaux supérieurs des clochers-porches de Saint-Trémeur et de Saint-Pierre.
866
Leloup, 2002, p. 62.
867
Ibid., p. 62.
868
Mussat dir., 1969, t. 1, 28-29.
869
Ibid., t. 1, 28-29.

105
supérieure et une large ouverture (servant aujourd‟hui de vitrine) couverte d‟un arc
segmentaire, qui devait reposer à l‟origine sur une allège disparue870. Séparé de ce niveau par
un bandeau, le premier étage est, lui, ajouré par deux baies rectangulaires placées sur son côté
gauche avec une niche qui porte encore une petite statue à l‟effigie de sainte Madeleine.
L‟ensemble est surmonté par une corniche à modillon qui soutient la charpente du dernier
étage. Cette maison porte, il est vrai, la date de 1729 mais il s‟agit ici incontestablement d‟une
réfection. L‟observation de la façade montre en effet clairement que le pignon sud est
indépendant de la maçonnerie du premier étage qui vient s‟accoler contre lui. Ce détail laisse
supposer que la construction était à l‟origine un pan de bois et que les niveaux supérieurs
n‟ont été reconstruits que par la suite. De quand date alors la partie originelle ? La question
est difficile à résoudre mais l‟on peut remarquer que la mise en œuvre rappelle celle des
façades latérales de la maison du sénéchal ou celle du n°1 rue Brizieux (daté de 1577). Elle
pourrait donc appartenir à la fin du XVIe siècle.
Autre exemple intéressant, le n° 13 de la place des droits-de-l‟Homme (ancienne place aux
charbons). Beaucoup plus simple que la précédente, cette maison de plan rectangulaire ne
présente qu‟un étage. Le rez-de-chaussée s‟ouvre, dans l‟axe, par une porte couverte d‟un arc
en plein-cintre, encadrée par deux fenêtres rectangulaires dont l‟une est décorée de deux
accolades (fig. 71). Motif qui est aussi repris sur l‟une des deux baies du niveau supérieure. Il
faut noter que cette construction est établie sur le même alignement que les maisons qui lui
sont mitoyennes et qui forment le côté nord de la place. Elles doivent logiquement appartenir
à la même période. En l‟absence d‟autre élément de datation que la présence d‟arc en
accolade, il semble raisonnable de rapporter leur réalisation au XVIe ou même au XVIIe
siècle.
Les mêmes datations peuvent sans doute être proposées pour d‟autres maisons situées à
l‟extérieur de la ville. C‟est le cas du n° 32 rue de l‟Eglise-de-Plouguer, construction de plan
rectangulaire s‟ouvrant par une porte et deux baies au rez-de-chaussée et une fenêtre dont le
linteau est décoré d‟un arc en accolade à l‟étage871 et pourvu d‟une tour d‟escalier hors-oeuvre
sur sa façade postérieure (fig.72). C‟est aussi celui des maisons 1 et 2 de la route Carhaix,
dans le faubourg de Kergroas en Plounévézel. Elles sont toutes deux établies suivant un plan
rectangulaire très allongé, s‟ouvrant pour la première par une porte et quatre baies (deux à
chaque niveau), et pour la seconde par deux portes jumelées encadrées de deux fenêtres à
croisillons et arc en accolade (fig. 73 et 74)872.

Il n‟existe donc aucune maison à Carhaix que l‟on puisse raisonnablement rapporter au
Moyen Age. La majorité des constructions anciennes, visibles dans l‟agglomération semble
dater de la fin du XVIe ou du XVIIe siècle. Elles sont sans doute révélatrices du
développement de l‟agglomération au cours de cette période, mais reflètent, peut-être aussi,
les destructions occasionnées par les guerres de la Ligue. Il y a aussi un certain nombre de
constructions du XVIIIe siècle dont la majorité, à savoir les n° 19 et 21 de la rue F. Faure, et
les n° 3, 5 (?) , 7 et 1 de la rue Générale Lambert, se concentre le long de l‟ancienne rue des
Augustins. Peut-être ont-elles un lien avec les réfections que connaît une partie de la voierie
de la ville à cette période873 ?

870
On observe en effet que dans la partie inférieure le granit utilisé pour l‟encadrement de l‟ouverture disparaît
au profit de petites pierres de grès qui sont ici la preuve d‟une réfection.
871
Celle-ci est sans doute un remploi inséré à l‟occasion d‟une réfection comme le suppose l‟observation de la
césure visible sur son côté gauche.
872
La maison n° 3 sur le chemin de Coatilouarn, toujours à Kergroas, présente le même type de baie.
873
A.D.I.V., C 620 et 621. Les documents conservés ne sont pas toujours précis sur les rues qui ont fait l‟objet
de travaux mais il est parait certain que ceux-ci ont touché la rue des Augustins qui est l‟un des axes principaux
de la ville et qui débouche de plus sur l‟ancienne route de Carhaix à Rostrenen.

106
2.4.2 L‟habitat médiéval d‟après les sources écrites et l‟archéologie

Puisque aucune maison médiévale n‟est conservée, le chercheur doit tourner son regard vers
d‟autres sources d‟informations pour tenter d‟approcher ce que pouvait être la réalité
matérielle de l‟habitat à Carhaix au Moyen Age. Il n‟en existe que deux : les documents écrits
et les découvertes archéologiques.

L‟utilisation de la première peut paraître décevante. Rares sont les écrits qui conservent des
éléments de description de bâtiments privés, et, lorsque c‟est le cas, celles-ci sont pour le
moins succinctes. Ce fait s‟applique bien au rôle-rentier de 1539-1542 de Carhaix qui est
pourtant là encore notre seule source sur le sujet. Sa nature comptable explique sans aucun
doute ce fait. Comme nous l‟avons déjà dit, ce document énumère seulement 85 habitations
parmi lesquelles nous dénombrons 65 « maisons »874. Comme le note A. Mével dans son
étude, le terme est ici relativement neutre875. Nous ne savons pas à quelle réalité architecturale
il renvoie. Il faut cependant signaler trois mentions qui apportent quelques éléments de
descriptions876 :
 « une place de terre [...] pour faire ung advancement et appentilz au nyveau et desu des
aultres advancementz et appentilz des maisons estantes en ladicte rue et comme la
prochaine maison icelle maison dudict Landeleau [...] de long sept piez de longueur ;
de largeur vingt six piez y comprins le moictié de ses deux murailles, de haulteur sept
piedz ou envyron »877
 « ung avancement de appentiz pour fair maison et gallerie sur postz pres la cohue de
Kerahes, contenant de longueur tirant vers la cohue vingt piedz ou envizron et de
largeur dixouict »878.
 « ung avancement et emplacement de maison et gallerye sur postz [...] iceluy
avancement contenant quinze piedz en carré »879.
Plus encore que les indications de dimensions, c‟est l‟évocation de « galleries sur postz » qui
retient notre attention ici. Comme l‟a souligné A. Le Mével, il s‟agit sans doute de maisons à
piliers880. Ce type, déjà décrit par J. P. Leguay881, est assez courant dans les villes et semble
plutôt révéler la présence d‟habitants aisés. Dans son ouvrage sur les maisons à pan de bois
bretonnes, D. Leloup a dénombré pas moins d‟une cinquantaine de constructions de ce type
sur l‟espace de l‟ancien duché (Moyen Age et période moderne confondus)882. Celles-ci se
caractérisent par leur étage, qui, au lieu d‟être simplement placé en encorbellement, repose sur
une série de supports de pierre ou de bois qui forment un porche s‟avançant sur la rue. Il
constitue donc un abri pour les passants ou les commerçants. Sa particularité explique peut-
être qu‟elle est plus souvent signalée dans les rentiers ; J. Leguay en a évoqué de nombreux

874
Le Mével, 1999, t. 1, p. 116.
875
Ibid., t. 1, p. 115.
876
Elles ont déjà toutes été souligné par A. Le Mével, cf. ibid., p. 116.
877
A.D.L.A., B 1103, f°22 v, Le Mével, 1999, t.2, p. 34-35.
878
A.D.L.A., B 1103, f° 42 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 60.
879
A.D.L.A., B 1103, f° 123 r°.
880
Le Mével, 1999, t. 1, p. 115.
881
Leguay, 1981, p. 217.
882
Leloup, 2002, p. 127.

107
exemples. Ainsi, à Rennes, il est fait état dès 1418 « d‟un véritable passage couvert de sept à
huit pieds d‟avancée sur rue formé par la réunion d‟une douzaine de porches au nord du placis
du Marché-à-L‟Avoir »883. De même dans une agglomération de moindre importance comme
Saint-Renan dans le Léon est évoqué en 1497 « un porche de trois piliers qui s‟avance sur la
rue d‟environ 16 pieds »884. Ces constructions semblent le plus souvent se concentrer le long
des rues commerçantes, comme c‟est le cas pour notre exemple de Saint-Renan. Le fait se
vérifie aussi pour l‟un des bâtiments de Carhaix qui est « situé près de la cohue ». Outre les
« maisons », le rentier de Carhaix utilise aussi le terme de « mazière »885. Suivant J. P.
Leguay, il désigne « une chaumière simple, très rurale d‟origine et d‟aspect, en torchis et en
bois, à pièce unique, plurifonctionnelle, sans étage sinon un grenier accessible de l‟extérieur
par une fenêtre-lucarne et au moyen d‟une échelle »886. L‟absence de description détaillée
dans le rentier nous empêche de vérifier la présentation peut-être un peu trop précise qu‟en
fait l‟historien. Nous retiendrons en tout cas le caractère modeste que semble renvoyer
l‟emploi de ce mot. Pour terminer, le rentier évoque pas moins de 13 étables dont 10 au cœur
même de la cité887, ce qui, comme le note A. Le Mével, « donne un caractère rural aux
demeures et à la ville »888. En dehors des habitats, le document signale un nombre très
important de « courtils »889 ou de « jardins »890 et même quelques « parcs »891. Ces différents
termes ne renvoient pas forcément à des statuts similaires, mais ceux-ci ne semblent pas
toujours faciles à apprécier. Ils doivent, pour la plupart, correspondre à des espaces cultivés,
du type potager dont l‟étendue est plus ou moins importante suivant les cas892. Comme a pu
l‟analyser J. P. Leguay, beaucoup portent des noms ou des surnoms893, nous retrouvons ainsi
un « parc nommé Parc an Cornel »894, une « piezce de terre vulgairement appelé Parc

883
Leguay, 1981, p.
884
Leguay, 1978-1979, t. CVI, p. 149, note 232.
885
A.D.L.A., B 1103, f° 21 r°: « une vielle de mazière », ect.
886
Leguay, 1978-1979, t. CVI, p. 148.
887
A.D.L.A., B 1103, f° 17 v°, f° 18 r°, f° 20 v°, f° 25 r°, f° 25 v°, f° 27 r°, f° 38 v°, etc. Le Mével, 1999, t. 2, p.
28, 29, 32, 38, 40, 55, etc.
888
Le Mével, 1999, t. 1, p. 116.
889
A.D.L.A., B 1103,f° 15,f° 20 r°,f° 21 v°, f° 24 v°, f° 25 v°, f° 27 v°, etc. Le Mével, 1999, t. 2, p. 25, 26, 32,
33, 37, 38 ; 40, etc.
890
A.D.L.A., B 1103, f° 16, f° 20 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 27, 32. On retrouve aussi des vergers, cf. Ibid., t. 2,
p. 52 : « ung vergier nom(m)é vergier Toul an Cornel situé en lad(icte) rue Neuffve » et p. 53 : « une maison ou
son vergier et ses aultres yssues et ap(ar)tenan(ces) situ(ees) en ladicte rue Neuffve ».
891
A.D.L.A., B 1103, f° 20v°, f° 26 r°, f° 26 v°, f° 27 v°, f° 37 r°, f° 37 v°, etc. Le Mével, 1999, t. 2, p. 32, p.
39, 41 ; 53, 54 etc.
892
A. Le Mével ne répertorie que cinq mentions de superficie dans le rentier. Celle-ci varie de ¼ de sillon à 40
pieds carrés. Notons que les surfaces les plus importantes semblent se concentrer dans les faubourgs, cf. Ibid, t.
1, p. 117.
893
Leguay, 1980, p. 92.
894
A.D.L.A., B 1103, f° 27 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 41.

108
Stanchellou »895, un « vergier nommé Toul an Cornel »896 etc. Leur présence est très
importante pour les citadins car elle leur offre « un complément indispensable [...] à une
alimentation souvent monotone et déséquilibrée »897. A Carhaix, A. Le Mével dénombre en
tout 31 maisons pourvues d‟un courtil ou d‟un jardin auxquelles s‟ajoutent les terres cultivées
sans habitat898. L‟ensemble se répartit sur toute la ville, depuis le centre où ils sont associés le
plus souvent aux maisons, jusqu‟aux faubourgs où le nombre de terres indépendantes s‟accroît
largement et forme cette « ceinture maraîchère » qu‟a pu évoquer J. P. Leguay pour d‟autres
agglomérations899.

Une rapide présentation des informations données par le rentier suffit sans doute à montrer la
difficulté du chercheur à saisir la réalité matérielle de l‟habitat privé d‟une ville par la seule
utilisation des sources écrites. Les descriptions sont ici, comme toujours, bien trop rares et
imprécises. Elles ne nous donnent de plus qu‟une vision tardive de la situation, dans notre cas
le tout début de l‟époque moderne. En l‟absence de vestiges conservés, seule l‟archéologie est
capable de nous renseigner véritablement sur cette question. Elle est aussi la seule à permettre
de remonter plus anciennement encore dans le temps900. La malchance veut pourtant que peu
d‟opérations jusque là aient concerné le cœur même de la ville, le plus susceptible de livrer
des informations sur la vie de l‟agglomération au Moyen Age. Une seule intervention mérite
pour l‟instant d‟être soulignée. Il s‟agit d‟une fouille préventive réalisée au 2 rue des
Augustins (à proximité de l‟ancienne rue Neuve, donc déjà dans un quartier périphérique de la
ville médiévale), par le service départemental d‟archéologie en 1989901. L‟espace exploré, de
seulement 35 m2, a permis de mettre au jour deux arases de murs perpendiculaires (fig. 70).
Leur appareil était constitué de moellons de schiste auxquels s‟ajoutent quelques blocs de
granit (deux portaient des traces de moulure) et de fragments de tuile en remploi, liés par une
terre argileuse de couleur jaune. S‟ajoutait au nord-est un massif de moellons non appareillés
qui est sans doute le résultat d‟un épierrage. La construction était bordée au sud par une
structure pavée formée de plaques de schistes posées sur champ. L‟ensemble reposait sur une

895
A.D.L.A., B 1103, f° 35 v°. Le Mével, 1999, t. 2, p. 51.
896
A.D.L.A., B 1103, f° 36 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 52.
897
Leguay, 1981, p. 19.
898
Le Mével, 1999, t. 1, p. 116.
899
Leguay, 1980, p. 94. Ce caractère « champêtre » de certaines rues a pu être analysé par l‟historien dans de
nombreuses petites villes bretonnes comme Saint-Renan, Lesneven ou Brest, etc., cf. Leguay, 1978-1979, t. CVI,
p. 150. Dans tous les cas le nombre de terres s‟accroît à mesure que l‟on s‟éloigne du centre de l‟agglomération.
900
Pour un exemple d‟un quartier urbain médiéval fouillé récemment dans la région, cf. Le Boulanger, 2004.
901
Le Goffic, 1993, p. 48-51. Il s‟agit de l‟actuelle rue des Augustins celle qui longe le côté ouest de la place du
marché (et non celle qui correspond maintenant aux rues F.Lancien, F. Faure et G. Lambert).

109
unique couche archéologique qui a livré un nombre important de céramiques gallo-romaines
et médiévales qui se concentrent pour la plupart à l‟intérieur du bâtiment délimité par les deux
murs, au centre duquel était creusée une fosse qui n‟a livré que des poteries du Moyen Age.
Le mobilier gallo-romain découvert était composé d‟un lot de céramique contenant
notamment deux fragments d‟amphores et dix tessons de céramiques sigillées (dont une panse
portant un motif datable du IIe siècle) et surtout une monnaie de bronze d‟Antonin Le Pieux
(138-161)902. Enfin le lot de céramique médiéval était formé de 25 tessons de poteries
onctueuses dont deux fonds, quatorze fragments de panse et surtout 9 rebords (fig. 71). Cinq
d‟entre eux présentaient le profil classique d‟une lèvre droite que l‟on retrouve communément
du XIe au XVIe siècle, tandis que trois autres légèrement inclinés vers l‟extérieur semblent
permettre de resserrer la chronologie au Bas Moyen Age903. Suivant l‟interprétation du
fouilleur, cette découverte correspondrait donc à un bâtiment gallo-romain fréquenté au IIe
siècle, bordé d‟une rue pavée, qui fut réoccupé et épierré au Moyen Age904. A moins d‟une
mauvaise compréhension de notre part, cette restitution des faits nous semble sujet à caution.
Chacun s‟accordera ici à reconnaître dans l‟unique couche mise au jour, un niveau du bas
Moyen Age. Il parait par conséquent abusif de vouloir dater du IIe siècle le bâtiment d‟après
un mobilier gallo-romain découvert dans cette même unité stratigraphique. Dans ce cas, deux
interprétations sont possibles : soit il s‟agit bien d‟une construction gallo-romaine, en
supposant que son niveau d‟occupation primitif ait disparu sous celui de sa réutilisation au
Moyen Age, ou au contraire il s‟agit d‟un bâtiment médiéval (comme nous l‟a fait remarquer
G. Le Cloirec la première hypothèse reste cependant la plus crédible si nous tenons compte
des structures découvertes).

2.5L‟habitat rural autour de la ville de Carhaix


Même si cela nous éloigne du cadre urbain, il nous a semblé intéressant de faire un point,
même rapide, sur les connaissances que nous pouvons avoir sur l‟habitat rural autour de
Carhaix (fig. 77).

2.5.1 Un habitat du haut Moyen Age : la ferme de Kergoutois

902
Ibid., p. 49. Le droit portait un portrait de l‟empereur barbu et lauré, le revers la figure allégorique de
l‟Abondance.
903
. Dans sa typologie récemment publié, J. F. Villard date ces rebords des XIV-XVe siècle (type 6 et 7), cf. Le
Bihan, Villard, 2005, p. 383. Cette proposition s‟accorde assez bien avec le travail mené par V. Bardel sur les
poteries onctueuses de Landévennec, cf. Bardel, 1999. Des formes similaires se retrouvent dans d‟autres
productions de céramique commune de la même période, cf. Perrenec, 2001.
904
Le Goffic, 1993, p. 51.

110
Les travaux menés pour la construction de la déviation de la N 164 au sud de Carhaix ont été
l‟occasion de réaliser en 1998 une série de sondages. Cette opération, réalisée par L. Aubry, a
permis la découverte d‟un site important : l‟établissement rural de Kergoutois905. Son intérêt
nécessita même la réalisation d‟une seconde fouille confiée à P. Maguer en 2000906. Il n‟est
évidemment pas de notre ressort de décrire en détail ces résultats. Nous nous contenterons
d‟en donner une présentation d‟ensemble907.

Cette découverte se situe au nord du manoir de Kergoutois, où elle occupe les parcelles B.
20 et B. 35 du cadastre actuel. Elle se compose de deux ensembles chronologiquement
distincts (fig.78).
Le premier, gallo-romain, correspond à une conduite d‟adduction d‟eau (F. 60, F. 360 et 320)
mise au jour dans les deux parcelles explorées908. Elle devait desservir un habitat proche non
identifié. Cette structure était, sur le terrain, matérialisée par un fossé profond de 4 m, au
profil en V, et à fond plat (large de 0,60 m). La canalisation, sans doute en bois, avait disparu
mais ses frettes (colliers de serrage) ont pu être découvert. Elles étaient en moyenne distantes
de 1, 50 m. Les céramiques mises au jour dans le comblement n‟ont pas été daté. A l‟ouest de
cette structure a été découvert un chemin sans doute contemporain. Large de 11, 50 m, il est
délimité par deux fossés entre lesquels des ornières ont été noté.
Le second ensemble, du VIIIe siècle, a été installé contre le talus, sans doute encore visible,
de F. 60. Il forme un petit établissement rural délimité par les fossés F. 80 au nord et F. 280 à
l‟est, et par la conduite d‟adduction d‟eau gallo-romaine à l‟ouest et au sud. L‟opération
menée par P. Maguer a permis de confirmer que le site ne s‟étendait pas plus au nord. Il
occupe donc un petit espace de 2 745 m2 s‟organisant en deux parties :
La première, au sud, est délimitée par le structures F. 260 et F. 270 qui semble former une
entrée au nord, et F. 60 et F. 320 au sud. Elle est occupée par des structures de combustion qui
pourraient être liées au séchage du grain.
La seconde partie au nord, n‟a pas été entièrement décapée. Elle forme un espace bordé par
les fossés F. 80 et F. 280. Celui-ci est occupé à l‟est par un batiment semi-excavé (F. 400) et
un foyer. La datation C14 effectuée sur les charbons prélevés a donné une fourchette allant de
720 à 740 ap. J.C. A l‟ouest, ont été repéré des structures de combustion interprétées comme
des fours à usage domestique, ainsi que des fosses de formes rectangulaires. Les deux faits
archéologiques constatés sont séparés par un espace qui pourrait correspondre à une cour.
L‟interprétation de ces deux ensembles qui constituent l‟établissement rural de Kergoutois
reste évidemment délicate. Le premier, au sud semble avoir eu une destination exclusivement
artisanale. Tandis que le second, au nord, parait correspondre au lieu de vie en lui-même.
Précisons que si nous savons que l‟habitat ne se développait pas plus au nord, nous n‟avons
aucune certitude sur le secteur oriental. Existait-il une seconde unité agricole dans ce site ou
l‟occupation se limitait-t-elle aux seules structures mises au jour ?
Nous regrettons évidemment de ne pas pouvoir être plus précis dans notre description du
site, mais les deux D.F.S. que nous avons consulté restent relativement succint à son sujet.
Notons que le mobilier découvert était relativement peu important. Il se composait de
quelques tessons de céramiques mais surtout d‟objets lithiques et métalliques.

905
Aubry, 1999 (non paginé). Le numéro du site est le 29 024 369.
906
Le Boulanger, 2000 (non paginé). Le rapport de P. Maguer, qui devait être rendu en 2001, n‟est pas référencé
par la carte archéologique, nous n‟avons donc pas pu le consulter. Le fait est dommageable puisqu‟il devait être
le D.F.S. le plus complet sur le site.
907
A notre connaissance, seule une publication a fait, jusqu‟à présent, état de cette découverte, cf. Giot et alii,
2003, p. 165.
908
La parcelle B. 20 a été explorée par une série de 13 sondages réalisée par P. Maguer.

111
Cette découverte nous semble d‟un très grand intérêt. Pour Carhaix tout d‟abord, puisqu‟elle
nous apporte la preuve que la périphérie de l‟ancienne ville antique est encore occupée au
haut Moyen Age. Il est d‟ailleurs possible que d‟autres établissements de ce type s‟organisent
sur ce territoire à la manière de ce qui a pu être analysé autour de Locmaria en Quimper, qui
est, elle aussi, une ancienne agglomération romaine909. Mais cela reste évidemment, pour
l‟instant, hypothétique. L‟intérêt du site est aussi plus général puisque le nombre d‟habitats
ruraux du haut Moyen Age fouillés dans cette partie de la Bretagne est encore peu important.
Parmi ceux-ci, nous pouvons citer le site de Livroac‟h en Poullan (Finistère)910, celui de l‟île
Guennoc911, et les nombreux exemples repérés autour de Quimper comme l‟habitat de
Créac‟h Gwen912. Il faut aussi signaler la découverte en 1998 d‟un établissement rural à La
Pie en Le Moustoir daté entre le fin du IXe et Xe siècle913. En Haute-Bretagne, de nombreux
sites de ce type ont été mis au jour récemment. Nous pouvons citer, entre autres, ceux de
Tinténiac et de Montours (Ille-et-Vilaine) qui ont fait l‟objet de publications914. Kergoutois
présentent de nombreux points communs avec beaucoup de ces exemples. Dans le rapport de
1999, F. Boulanger note ainsi que la superficie du site carhaisien concorde avec les surfaces
des unités agricoles de la Tullaye en Janzé, La Cocherais en Tinténiac ou Teilleul en
Montours915. Certaines des structures mises au jour semblent aussi assez communes aux
habitats ruraux découverts jusqu‟ici. C‟est le cas de la zone réservée au séchage du grain.
Nous en trouvons un bel exemple à Livroac‟h, où étaient installées à l‟intérieur du bâtiment
des tranchées à feu revêtues de pierres916. A Créac‟h Gwen en Quimper c‟est un four qui
semble avoir été destiné à cet usage917. D‟autres aménagements de ce type existent dans des
habitats plus tardifs comme celui de Karaes Vihan en Brennilis (Finistère)918. La réutilisation
d‟une structure antérieure est aussi un procédé assez courant dans les sites du haut Moyen
Age. Celle-ci peut prendre des aspects et des ampleurs très différentes suivant les cas. A
Kervignac en Plussulien, c‟est un enclos de l‟Âge du fer qui semble avoir été réoccupé au
début de la période médiévale919. L‟enclos de l‟île Guennoc est lui installé entre deux cairns
néolithiques920. Dans le cas de Kergoutois, l‟habitat ne fait que reprendre l‟ancienne conduite
gallo-romaine qu‟elle utilise comme élément de délimitation. Le fait est proche à La Pie en Le
Moustoir où le double fossé qui ceint l‟habitat s‟appuie contre le talus fossilisé de l‟aqueduc
de Vorgium921. Pour terminer avec le site de Kergoutois, nous noterons la présence de décor à
molette sur un certain nombre de céramique mises au jour. Nous n‟avons malheureusement
pas observé de relevés ni de photographies de celles-ci dans les rapports que nous avons
consulté. L‟utilisation de ce type de motif, nous paraît cependant intéressant puisqu‟il
caractérise beaucoup de productions de poteries du haut Moyen Age en Basse-Bretagne. La
mieux connu est celle de l‟atelier de Meudon, près de Vannes, dont la diffusion est située

909
Le Bihan, Villard, 2005, p. 92-112.
910
Peuziat, 1980, p. 33-41.
911
Giot, 1982, p. 179-190.
912
Menez, Batt, 1988, p. 123-140, Le Bihan, Villard, 2005, p. 92-112.
913
Aubry (L.)-Deviation R.N. 164. La Pie-Le Moustoir. Aqueduc gallo-romain de Carhaix. D.F.S., 1999. (non
consulté)
914
Provost et alii, 1992, p. 87-117.
915
Boulanger, 1999.
916
Une utilisation pour le fumage du poisson a aussi été proposé, cf. Giot et alii, 2003, p. 163.
917
Menez, Batt, 1988, p. 128.
918
Batt, 1978, p. 37-42.
919
L‟analyse C14 effectuée sur des charbons de bois découvert dans un puits carré du site donna une date dans
l‟intervalle 400-695 A.D., cf. Giot et alii, 2003, p. 165.
920
Guigon, 1997-1998, t. 2, p. 7, Giot et alii, 2003, p. 163. Deux analyses C14 ont été réalisées sur ce site. Ils
donnèrent les intervalles 450-650 cal. A.D. et 400-1000 cal. A.D.
921
Le Boulanger, 2000.

112
entre la fin du VIIIe et le début Xe siècle922. La fouille de l‟habitat de Créac‟h Gwen, daté de
la seconde moitié du Xe siècle, a permis de découvrir une série de vases biconiques et de
marmites ovoïdes portant ce type de décor. Un récipient de même que ceux de Quimper a été
découvert près de la chapelle Saint-Guevroc en Tréflez que A. Dornier a proposé de dater
entre la fin du IXe et le début du XIIIe siècle923. P. R. Giot a aussi identifié dans plusieurs de
Cornouaille une petite production de céramiques décorées à la roulette qui pourrait dater des
IXe-Xe siècles924. Citons aussi les poteries découvertes dans les niveaux les plus anciens du
site à motte de Lesquelen en Plabennec dont la chronologie est très incertaine925.

2.5.2 Les indices d‟habitats : l‟apport de la toponymie et des sources écrites

.. Hormis cet exemple exceptionnel, l‟archéologie ne nous renseigne pas beaucoup sur la
question de l‟habitat rural autour de Carhaix. Un manque qui peut être en partie pallié par
l‟utilisation des sources écrites et le recours à la toponymie. Celles-ci présentent néanmoins
de grandes limites qui sont inhérentes à l‟état de notre documentation qui ne permet guère de
remonter au-delà du XVIe, voire du XVe siècle, dans le meilleur des cas. De plus, celle-ci
n‟apporte généralement pas d‟information sur la réalité matérielle de l‟habitat. Elle permet par
contre d‟approcher la manière dont celui-ci se structurait autour de la ville.
Nous ne prétendons pas avoir ici mené une enquête exhaustive, bien au contraire. Nous ne
nous permettrons donc d‟apporter que quelques remarques générales. La méthode que nous
avons suivie pour aborder ce sujet est simple. Il s‟agissait d‟aller rechercher la plus ancienne
mention des différents hameaux existant au XIXe siècle afin de déterminer lesquels d‟entre-
eux ont une origine médiévale confirmée. Ce travail peut évidemment sembler assez long,
mais il a été grandement facilité par la consultation du Dictionnaire topographique du
Finistère d‟A. Deshayes, qui contient, pour chaque commune du département, une liste des
principaux toponymes, avec pour chacun une série de mentions anciennes (et le plus souvent
la référence d‟archive qui lui correspond)926. Nous nous sommes donc contenté, dans la
majorité des cas, de vérifier cette liste ou alors de la compléter lorsque nous découvrions au
hasard de notre travail une citation antérieure à celle communiquée par le linguiste.
Nous avons présenté ici ces résultats sous la forme d‟un tableau qui regroupe, à la fois, le nom
et la nature actuelle du lieu, sa mention la plus ancienne, ainsi qu‟une proposition de
traduction.

Nom actuel Nature Mention la plus Source Traduction


ancienne
Créac‟h Hénan hameau Creachrenan A.D.F.A 141 La colline de
(première moitié Renan
du XVIIe s.)
Croaz-Men hameau Croasmaen A.D.F.51 J 40 La croix de la
(1578) pierre
Goariva hameau Gouariva A.D.F. 38 G 37 le théâtre
(1637)

922
Fichet de Clairefontaine dir., 1996, p. 77.
923
Dornier, 1979, p. 52.
924
Giot et alii, 1986, p. 89.
925
Irien, 1977, p. 143, Le Gall Tanguy, 2005, p. 98-100. Certains de ces tessons semblent associés à des poteries
onctueuses ce qui ne milite pas en faveur d‟une datation très ancienne. Le contexte stratigraphique de beaucoup
de ces découvertes est cependant peu clair.
926
Deshayes, 2003. Nous avions à l‟origine prévue de vérifier toutes les références données par l‟auteur. Nous
n‟avons cependant pas pu terminer ce travail. Nous les avons néanmoins toutes citées dans le tableau.

113
Goassec‟h hameau Goaseach A.D.F. A 62 Le ruisseau sec
(1494) (non vérifié)
Goastaillen hameau Goazhalleguen A.D.F. 11 J 10 Le ruisseau
(1610) d‟Halleguen
Kerampest hameau « Village de A.D.L.A. Le lieu habité du
Keranpest » B1103, f° 13 v ° poteau ?
(1539-1542)
Kerampuil manoir Kerampuil Deshayes, 2003, Le lieu habité du
(1426) p. 41. troupeau ?
Kerbihan hameau Kerbihan A.D.F., 51 J 10 Le petit lieu
(1464) habité
Kerborgne hameau Kerbornes Deshayes, 2003, Le lieu habité
(1536) p. 41. borgne
Kerdaniel manoir Kerdaniel Deshayes, 2003, le lieu habité de
(1536) p. 41. Daniel
Kerdidre manoir Kerdider Deshayes, 2003, Le lieu habité de
(1426) p. 41. part en part
Kerdrein hameau Kerdrein Deshayes, 2003, Le lieu habité
(1426) p. 41. épineux
Kerdugnes manoir Kerguenes Deshayes, 2003, ?
(1536) p. 41.
Kerenor hameau Querenor A.D.F. A 6 Le lieu habité de
(1678) l‟honneur
Keradigen manoir Kerguidigen Deshayes, 2003, ?
(1536) p. 41.
Kergalet hameau Kergallet A.D.F, 51 J 12 Le lieu habité de
(1524° Galet
Kergaurant hameau Kergouran Deshayes, 2003, Le lieu habité de
(1536) p. 41. Gouran
Kergonan hameau Kergonan A.D.F., A. 6 Le lieu habité de
(1682) Conan
Kergorvo manoir Kergorvo Deshayes, 2003, Le lieu habité de
(1426) p. 41. Corvo
Kergoutois manoir Kercourtois Deshayes, 2003,
(1426) p. 41.
Kerledan manoir Kerliden Deshayes, 2003, Le lieu habité
(1426) p. 41. large
Kerléon manoir Kerléon A.D.L.A., Le lieu habité
(1468) B 1083 de Léon
Kernabat hameau Kernabat Deshayes, 2003, Le lieu habité de
(1426) p. 41. l‟abbé ?
Kernaeret hameau Quernaezret A.D.F., A 17 Le lieu habité
1678 des vipères
Kernal hameau Kervennal A.D.F., 57 J 16 Le lieu habité du
(1679) (non vérifié) genêt
Kerniguez manoir Kerneguez Deshayes, 2003, Le lieu habité du
(1426) p. 41. sommet de
l‟arbre
Kerriou manoir Kergourio Deshayes, 2003, Le lieu habité de

114
(1536 ) p. 41. Riou »
Kerroz hameau Kerros Deshayes, 2003, Le lieu habité du
(1536) p. 41. tertre
Kerven manoir Kerguen Deshayes, 1999, Le lieu habité
(1536) p. 41 blanc
Kervenec manoir Kerguennec Deshayes, 2003, Le lieu blanc
(1536) p. 41
Kervoasdoué hameau Kervastoue Deshayes, 2003, Le lieu habité du
(1426) p. 41. ruisseau de Dieu
Kervoazou hameau Kergouasou A.D.F, 11 J 10 Le lieu habité
(1610) des ruisseaux
Lannoennec manoir Lanlaouenec A.D.F. 51 J 2 Le monastère de
(1503) Laouennec
Madeleine chapelle Magdeleine A.D.L.A B 677 /
(1539-1542)
Minez / / « la Montagne »
Moulin de moulin Moulin de A.D.F. A 15 /
Kerniguez Querneguez
(1678)
Moulin du Roy moulin et Moulin du Roy A.D.F. 51 J 12 /
hameau (1604)
Moulin Meur moulin Moulin Meur A.D.F., 51 J 59 Le grand moulin
(1505)
Pellem (Le) hameau Pelan Deshayes, 2003, Le plus loin
(1426) p. 41.
Penalan manoir Penlan Deshayes, 2003, Le bout du
(1426)° p. 41. monastère
Penanvoas hameau Penangoez A.D.F. 51 J 10 Le bout du
(1464) ruisseau
Persivien manoir P(er)izffien A.D.L.A., B Le buisson
(1539-1542) 1103, f° 9 r°et d‟Ivien
19 r°.
Poulriou hameau Poulriou A.D.F. 11 J 5 L‟étendue d‟eau
(1652) de Riou
Prevasy manoir Prevary Deshayes, 2003, Le pré de ?
(1426) p. 41.
Roch Caer manoir Rochcazre Deshayes, 2003, Le rocher
(1426) p. 41. magnifique
Saint Antoine chapelle Saint Anthoinne A.D.F. 11 J 11 /
(1660)
Stanguer (Le) manoir Stanger Deshayes, 2003, L‟étang
(1426) p. 41.
Tronjoly Manoir + Tronjolyf A.D.L.A B 1103 La jolie vallée?
hameau (1539-1542)f f°40 v°
Villeneuve (La) hameau Kernévez Deshayes, 2003, Le nouveau lieu
(1426) p. 41. habité

Sur l‟ensemble de cette liste, nous notons que la majorité des toponymes est attesté au XVe
ou au XVIe siècle, ce qui suppose que la majeure partie du paysage rural, que nous

115
connaissons aujourd‟hui, est déjà constituée à la fin du Moyen Age. Nous préciserons
cependant que nous avons écarté ici une série de noms de lieux aujourd‟hui disparus (dont il
existe des mentions anciennes) car ils étaient difficiles à localiser927.
Sans même prendre en compte la question de leur nature, le premier constat à tirer est
inconstestablement la dispersion, l‟éclatement de l‟habitat sur le territoire de Plouguer
(fig.77). Ce phénomène bien connu des médiévistes a été depuis longtemps remarqué en
Bretagne. L‟étude détaillée menée sur la paroisse de Carnac (Morbihan) par J. Gallet, en offre
une illustration remarquable pour la fin du Moyen Age928. De nombreux travaux ont été
menés sur cette question929. Dans notre cas, pour bien comprendre l‟origine de ce phénomène,
il conviendrait de pouvoir dater l‟apparition de ces différents foyers de population, ce qui
semble malheureusement impossible à l‟égard de l‟état de notre documention. Quelques
indications peuvent néanmoins être obtenues par le recours à la toponymie. Certains noms de
lieux semblent en effet percus comme caractéristiques de périodes chronologiques. Il faut
cependant préciser que ce type de démarche reste dangereuse et doit être pris avec la mesure
qu‟il se doit.

Sur la liste de toponymes que nous avons établi, deux méritent particulièrement d‟être
soulignés: Lannoennec et Penalan. Tous deux sont, en effet, composés à partir du terme lan,
qui pourrait témoigner d‟une origine remontant au haut Moyen Age. Suivant P. Guigon ,
« Lan est un terme panceltique, équivalent du latin planus, plat, proche du gaulois lan[n]o
signifiant plaine ou endroit consacré. Le mot celtique landa, pays, donna en vieil irlandais
land, enclos, en gallois llan, parvis »930. Le breton lann est lui plus habituellement traduit par
les historiens et les linguistes par « monastère »931. Celui-ci vient d‟ailleurs gloser le latin
monasterium dans la Vie de Paul Aurélien de Uurmonoc datée de 884932. Si certains d‟entre
eux sont à l‟origine de paroisse, on en compte ainsi pas moins de 24 dans le Finistère,933
comme Landerneau ou Landivisiau. Nous sommes cependant forcé de constater que la réalité
matérielle des lieux désignés par ce terme nous est inconnue. Hormis le cas de Landévennec,
qui, de par son importance, paraît exceptionnel, il n‟existe aucun lan fouillé en Bretagne934.
Quelques indices existent pour deux cas qui méritent d‟être soulignés. Celui de Landeleau,
déjà présenté, où l‟existence de deux sanctuaires (l‟église paroissiale et une possible chapelle
disparue) et d‟un sarcophage pourrait témoigner de la présence d‟un établissement religieux
ancien. Et celui de Lanrivoaré (diocèse de Léon), où il existe, dans le placitre de l‟église
paroissiale un enclos dallé rectangulaire de 10,80 m sur 7,50 m dont la tradition fait le
cimetière des « 7777 saints », à l‟intérieur duquel, a été anciennement remarquée une dalle
plus creusée que les autres qui évoquerait un ancien sarcophage. Il s‟agit donc d‟un indice
important auquel s‟ajoute la découverte, à proximité, d‟une stèle portant l‟inscription
CALLMAU en onciale insulaire d‟époque carolingienne935. Pour les cas qui nous intéressent
ici, le toponyme Penalan connu sous la forme Penlan en 1426, pourrait se traduire par « le

927
Leur localisation semble généralement difficile, cf Deshayes, 2003, p. 41-42.
928
Gallet, 1981, p. 15-36.
929
Voir les récentes mises au point de J. M. Pesez et D. Pichot, cf. Pesez, 1999, p. 17-38 et Pichot, 1999, p. 65-
95.
930
Guigon, 1997-1998, t. II, p. 14.
931
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 97, Guigon, 1998, t.2, p. 15. H. Guillotel rapprochait cependant le terme lan-
de Lanmeur (Finistère) du latin villa et proposait de traduire le nom de la paroisse en « grand domaine » et non
« grand monastère ». Pour l‟historien ce territoire, ancienne enclave de Dol dans l‟évéché de Tréguier, serait un
ancien bien du fisc, cf. Chédeville, Guillotel, 1984, p. 219.
932
Deshayes, 1999, p. 169.
933
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 97/
934
Bardel, 1991.
935
Guigon 1998, t. 2, p. 14-15.

116
bout du monastère ». Lannoennec est, lui, composé à partir du nom Laouénec, comme le
montre la mention « Lanlaouenec » en 1503. Le personnage en question ici est méconnu, il ne
semble pouvoir être identifié, ni avec le Laouen qui compose le nom de la paroisse voisine de
Poullaouen936, ni avec le Louuennan, compagnon du fondateur de l‟évéché de Léon dans la
Vie de Paul Aurélien937. Suivant A. Deshayes, il pourrait se retrouver dans le toponyme
Lévénec en Plouay (Morbihan) cité sous la forme « Saint Louuenec » en 1396938. Il faut
cependant laisser une part de doute sur le sens de ces toponymes. Une confusion est possible
avec le terme lann, « lande »939. Suivant A. Deshayes, l‟association avec un nom de baptême
serait suffisante pour confirmer le sens religieux du nom de lieu940. Cette indication
confirmerait donc notre traduction pour Lannoennec, mais nous ne voyons pas en réalité de
raison pour laquelle il ne pourrait pas exister une « lande de Louénec ». En tout cas, si nous
acceptons l‟idée de l‟origine ancienne de ces lieux, nous devons constater que la nature de
leur occupation à la fin du Moyen Age, à savoir des manoirs, n‟entretient pas de lien avec
celle qui pourrait être la leur antérieurement941.

L‟emploi du préfixe Ker pourrait lui aussi nous donner une indication chronologique. Le
nombre de lieux concernés ici est important puisqu‟il se retrouve dans pas moins de 27 des 46
toponymes de la liste942. Son emploi, est d‟ailleurs très courant en Bretagne, où nous en
comptons pas moins de 18 250 occurrences, dont près de la moitié dans le seul Finistère943. Il
a été démontré depuis longtemps que ce terme se rapproche du latin castrum, et prend le sens
originel « d‟ouvrage fortifié »944. Au IXe siècle, le Cartulaire de Redon emploie deux fois
Caer pour désigner la paroisse de Locmariaquer945, dont les vestiges antiques ont pu être
interprétés comme d‟anciens éléments fortifiés946. Son sens va cependant changer au XIe
siècle, comme le démontre le Cartulaire de Quimperlé où le mot est employé pour désigner
les domaines ruraux947, remplacant ainsi les termes ran ou tigran de la période
carolingienne948. Il reste cependant difficile de lui donner un signification précise, les
différentes occurrences que nous connaissons de ce mot par la suite montre qu‟il peut
désigner des établissements ruraux de type très différent, si bien qu‟on lui donne
généralement le sens très vague de « lieu habité »949. Depuis l‟étude d‟ A. Guilcher, les
historiens s‟accordent généralement à voir, dans l‟emploi de ce terme, la caractéristique de
lieu dont la naissance ne peut être antérieure au XIe siècle, puisque c‟est à cette période que
son emploi se généralise et s‟applique clairement à un contexte d‟habitat rural. Son utilisation
restera néanmoins courante jusqu‟à l‟époque moderne, et peut par conséquent désigner une
installation postérieure au Moyen Age. En reprenant cette considération, nous pouvons donc

936
Celui-ci se retrouverait dans la paroisse de Kerlouan dans le Léon, et Saint-Léon en Riantec dans le vannetais
noté Saint Louan en 1505. Il corresponderait au saint gallois Llywan, cf. Tanguy, 1990, p. 181.
937
Vie de Saint Paul Aurélien, p. 189, Tanguy et alii, 1990, p. 115. Son culte est peut être présent autour de
Carhaix puisqu‟il existe un Castel Laouenan à Paule.
938
Deshayes, 1999, p. 362.
939
Ibid., p. 121.
940
Ibid., p. 169.
941
A Plabennec, nous avions aussi constater le cas d‟un Lanhouardon occupé par un manoir, cf. Le Gall tanguy,
2005, p. 37.
942
Dont 22 au XVe ou XVIe siècle.
943
Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 301, Tonnerre, 1994, p. 429, note 5.
944
Lot, 1903, p. 298-299, Guilcher, 1946, p. 30, Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 300, Tonnerre, 1994, p. 429,
Deshayes, 1999, p. 165.
945
Cartulaire de Redon (a), acte LXIX, p.54 et acte LXX, p. 55.
946
Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 300, Tanguy, 2001, p. 388.
947
Guilcher, 1946, p 36-37, Chédeville, 1987, p. 300-301.
948
Sur le sens des mots ran et tigran, cf. Tonnerre, 1994, p. 126-132, Tanguy, 1999, p. 23-25.
949
Deshayes, 1999, p. 165.

117
supposer que l‟origine des lieux de Plouguer composés à partir de ce préfixe ne peut être
antérieure au XIe siècle. Ce fait semble d‟ailleurs très bien s‟appliquer à ceux correspondant à
d‟anciens manoirs, dont la naissance ne remonte sans doute guère au delà du bas Moyen
Age950. Une part de doute doit cependant encore régner sur l‟utilisation de ce terme comme
indication chronologique fiable. A. Guilcher avait en effet montré dès 1946, que le mot Caer
désignait un établissement rural dans une chartre de 871 du Cartulaire de Redon951. De même,
B. Tanguy a récemment proposé d‟identifier la villa Petri cité dans la Vie de Paul Aurélien952,
avec le hameau de Kerber en Lampaul-Plouarzel (Finistère)953. Ce type de toponyme peut
donc avoir quelques fois une origine plus ancienne qu‟il n‟y paraît.

Les noms de lieux désignés dans notre liste peuvent correspondre à des sites de nature
différente. Comme nous venons de le préciser, une dizaine d‟entre eux s‟appliquent à des
manoirs dont l‟origine, hormis peut être Kerléon, ne remonte guère au-delà des XIVe et XVe
siècles. Nous y reviendrons. Les autres désignent pour la plupart, au XIXe siècle, des
hameaux constitués autour de la ville. Mais il reste difficile d‟approcher leur réalité au Moyen
Age. Une enquête sur le vocabulaire utilisé pour désigner la nature de ces habitats à cette
époque, et même par la suite, pourrait évidemment être utile, mais nous n‟avons pas eu le
temps de la réaliser. Nous pouvons signaler l‟emploi du terme « village » pour deux d‟entre
eux dans le rentier de la sénéchaussée de Carhaix au XVIe siècle. Il s‟agit de Kerampest954
aujourd‟hui englobé dans la zone industrielle de la ville et Persivien dont le manoir semble
donc avoir donné naissance à un hameau955. L‟emploi de ce mot semble courant au Moyen
Age, le rédacteur du rentier l‟utilise aussi pour désigner le hameau de Kerbastard en
Plounévézel956. C‟est aussi celui utilisé pour les différents foyers de population dispersés
autour du centre paroissial de Carnac en 1475957. La réalité qu‟il désigne reste néanmoins
assez flou. Suivant les études récentes des historiens, le terme s‟applique ainsi au
regroupement « de quelques maisons, parfois guère plus d‟une ou deux »958.
L‟étude de la répartition de ces différents foyers de population sur l‟ensemble du territoire
semble elle aussi utile (fig.), mais là encore nous n‟avons pas eu le temps de mener une étude
détaillée. En prenons en compte l‟ensemble des habitations connus au XVe et au XVIe siècle,
nous ne notons pas véritablement de secteur privilégié. Le lien entre les foyers de population
et le réseau hydrographique semble dans beaucoup de cas évident. Sur les bords de l‟Hyères
ou à proximité nous comptons ainsi 6 hameaux ou manoirs959, 5 près de ce qui est désormais
le canal de Nantes à Brest960 et 8 répartis autour du ruisseau de la Madeleine961. La plupart de

950
Douze des manoirs mentionnés au XVe ou au XVI siècle présente un nom en Ker. Ce n‟est pas le cas de
Roch Caer qui est composé à partir du terme Kaer, «beau, magnifique », issu du vieux breton cadr par le moyen
cazr, comme le démontre la forme « Rochcazre »en 1426, cf. ibid., p. 542.
951
Cartulaire de Redon (a), acte CCXLVII, p. 198. L‟acte cite un Caerdivon qui pourrait correspondre à un
hameau situé à Silfiac (Morbihan) ou à Lescouet-Gouarec (Côtes d‟Armor), cf. Chédeville, Tonnerre, 1987, p.
300.
952
Vie de Paul Aurélien, p. 191.
953
Tanguy et alii, 1990, p. 35.
954
« Village de Keranpest », cf. A.D.L.A., B 1103, f° 13 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 26. cf. A.D.L.A., B 1103, f°
9 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 18
955
cf. A.D.L.A., B 1103, f° 19 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 30.
956
« village de K((er)anbastard », cf. A.D.L.A., B 1103, f° 30 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 44. Le manoir
mentionné en 1536 est sans doute à l‟origine de ce hameau, cf. Deshayes, 2003, p. 260.
957
Gallet, 1981, p. 15-36.
958
Dreyer, 1999, p. 79.
959
Le Stanger (manoir), Kerven (manoir), Croas Men (hameau), Kerniguez (manoir), Moulin du Roy-
Pontsabiec?, et Kervennec (manoir).
960
Kervennec (manoir), Kergadigen (manoir), Kergalet (hameau), Roc‟h Caer (manoir), Le Pellem (manoir).
961
Kerampuil (manoir, Kerlédan (manoir), Kerléon (manoir), Tronjoly (hameau) et Moulin Roy-Pont Sabiec ?

118
ces lieux sont évidemment situés dans la vallée ou le vallon formé par ces cours d‟eau ou bien
sur le versant de la hauteur qui les domine. De nombreux autres habitats occupent cependant
les plateaux comme Kerborgne, Kerampest, Persivien, Kergonan etc. Un lien peut aussi
exister avec les grands axes de communications, auxqu‟elles les différents écarts sont
généralement reliés par des chemins secondaires. C‟est le cas de Kerampest, Persivien,
Kerborgne et Kernévez situés autour de l‟ancienne voie romaine Rennes-Vannes-Carhaix,
Kerdaniel près la route de Landerneau, Kergalet sur celle de Quimper ainsi que Kerléon et
Kerlédan respectivement sur celle de Quimperlé et celle d‟Hennebont. L‟absence d‟élément
chronologique permettant de dater l‟origine de ces écarts ne permet évidemment pas de savoir
si certains secteurs ou certaines conditions topographiques ont été préférés à d‟autres suivant
les périodes. L‟habitat rural du haut Moyen Age de Kergoutois pourrait éventuellement avoir
un lien avec le ruisseau qui se dirige vers la rivière qui marquait la limite sud de Carhaix. La
situation est plus difficile à apprécier pour Penalan ou Lannoennec dont l‟origine ancienne
peut être suspectée. Le premier semble plutôt isolé, est placé sur un versant de la hauteur
dominant, au sud, le ruisseau de la Madeleine, tandis que le second se situe directement sur un
plateau non loin de l‟ancienne voie romaine menant vers Rennes-Vannes-Corseul.

2.5.3 La place des résidences aristocratiques

, La place occupée dans le paysage par les résidences aristocratiques, est généralement l‟un
des aspects les mieux documentés du monde rural. Elle mérite sans doute un traitement
particulier. La question reste cependant vaste, nous contenterons donc d‟apporter quelques
éclairages d‟ensemble.

2.5.3.1 L‟habitat aristocratique ancien

Une enquête rapide menée sur le seul territoire de l‟actuelle commune de Carhaix-Plouguer
impose un constat : l‟absence de fortifications en terre subsistantes, type motte ou enceinte,
autour de la ville. Certaines d‟entre elles ont pu disparaître, comme le laissent suggérer deux
cas. Celui de Kerléon, tout d‟abord, qui semble le plus probant. Dans son répertoire des
fortifications du Finistère962, P. Kernévez a pu souligner l‟indication de P. du Châtellier qui
signalait, en 1907, l‟existence « d‟une butte artificielle de 11 mètres, sur 2 m 50 de hauteur au
sud de Carhaix à 400 mètres à l‟est de Kerléon dans une prairie sur le bord de la route de
Motreff »963. La taille de l‟ouvrage ne semble pas très importantes, s‟agit-il d‟une motte ?
L‟installation à proximité d‟un manoir dont on possède l‟aveu en 1468964 est un indice plutôt
favorable pour identifier ici un ancien habitat aristocratique. L‟association entre fortification
de terre et résidence noble du bas Moyen Age est en effet une situation courante ; P. Kernévez
a pu en répertorier 35 exemples dans le Finistère, mais le fait est plus probant encore dans le
Rennais, où il se retrouve dans 3/4 des sites recensés par M. Brand‟honneur965. L‟autre cas,
est celui d‟un « Quenquis », mentionné en 1553, que nous n‟avons malheureusement pas pu
localiser966. Mais le terme employé, qui procède du moyen breton Kenkist, « maison de
plaisance », et dérive du mot kenk, « branche », est considéré comme l‟équivalent du vieux
français plessis qui s‟appliquait à l‟origine à une résidence entourée d‟une haie et de branches
entrelacées967. Il pourrait donc témoigner d‟une ancienne fortification. Hormis ces deux

962
Kernévez, 1997, p. 53.
963
Châtellier, 1907, p. 164.
964
A.D.L.A., B 1083.
965
Kernévez, 1997, p. 20, Brand‟Honneur, 1998, p. 395.
966
Deshayes, 2003, p. 42.
967
Deshayes, 1999, p. 162.

119
exemples, il n‟existe aucun autre indice pour localiser d‟ancien habitat aristocratique. Il est
évidemment possible de penser que certains manoirs aient succédé à des installations plus
anciennes mais rien ne permet de le prouver. Notons d‟ailleurs que nous ne connaissons pas la
résidence du chevalier Bizien, citée dans la lettre des exécuteurs testamentaires du duc Jean II
en 1287968.

A contrario, si l‟on élargit le cadre de l‟étude aux paroisses bordant celles de Plouguer, nous
observons une remarquable concentration de fortifications de terre, souvent importantes, qu‟il
est très tentant de mettre en rapport avec Carhaix qui reste le principal centre de pouvoir de
cette zone Nous avons évidemment ici conscience de nous éloigner largement de la question
de l‟agglomération et de son environnement proche, mais cette situation jamais soulignée
nous parait intérressante à signaler. Voici une liste très rapide des sites concernés:

 Rosquigeau (Poullaouen)

Il s‟agit de l‟ouvrage fortifié le plus important de la paroisse de Poullaouen. (fig. 80). Il se


situe sur les bords d‟un affluent de l‟Hyères, au sommet d‟une éminence naturelle surmontant
la route de Carhaix-Morlaix. L‟ensemble se compose, à l‟ouest, d‟une motte encore
conservée, haute de 7 à 8 m pour un diamètre de 40 à 50 m à sa base969, à laquelle était
associée, à l‟est, un bayle aujourd‟hui disparu, mais qui semble avoir influencé le tracé de la
parcelle 416 du cadastre de 1824. Cette fortification a donné naissance à un hameau qui
s‟organise dans un tracé parcellaire hémicirculaire à l‟ouest du tertre. Il faut noter enfin la
présence, à proximité, d‟un moulin, situé plus au sud, dont l‟origine pourrait aussi être liée à
cette résidence. Le lieu sera ensuite réoccupé au bas Moyen Age par un manoir, que l‟on sait
détenu en 1471 par Louis le Châtel, seigneur de Mezle et de Châteaugal970.

 Le Liorzou (Poullaouen)

Le site de Liorzou est placé à environ 80 m de l‟Aulne dont il domine la vallée. Il ne se


compose que d‟une terrasse ovale de 32 m de diamètre est-ouest pour 25 m nord-sud, qui
domine de seulement 1 à 2 m le terrain environnant, dont il est séparé par un fossé large de 6-
7m et profond de 3-4 m971. Nous ne possédons malheuresement aucune source écrite que l‟on
puisse rapporter à cette structure qui correspond au type de la « maison-forte », que l‟on
considère généralement comme plus tardif que la motte.

 Saint-Ydunet (Plounévézel)

Non loin de l‟ancienne église tréviale Saint-Ydunet de Plounévézel972, dont la construction


actuelle remonte au XVIe siècle973, existaient deux enceintes d‟environ 35 m de diamètre

968
A.D.L.A, E 157, A.D.F., 2 E 1502 (3).
969
Mussat dir., 1969, p. 63.
970
Kernévez, 1997, p. 165-166.
971
Ibid., p. 165. P. Kernévez signale aussi l‟existence d‟une petite enceinte à Lannargoff (dimensions inconnus)
arasée récement.
972
Idunet ou Ediunet est un saint connu par une Vita écrite au XIe siècle, cf. Cartulaire de Landévennec (b), p.
137-141, Tanguy, 1990, p. 171-172. Présenté comme un disciple deGuénolé (fondateur de Landévennec), il est
le patron du prieuré de Loguionnet à Châteaulin qui semble né d‟une donation fait à Landévennec par le duc
Alain Frégent en 1084-1115, cf. Cartulaire de Landévennec (a), acte 50, p. 574-575, Cartulaire de Landévennec
(b), acte L, p. 170-171. La Vita Sancti Guthierni mentionne aussi la découverte des reliques du saint sur l‟île de
Groix, cf. Cartulaire de Quimperlé, p. 7.
973
Mussat dir., 1969, t. 1, p. 58-59.

120
signalées en 1907 par P. du Châtellier974. Aujourd‟hui disparues, celles-ci sont difficillement
datables, remontaient-elles au Moyen Age ?975

 La Roche (Cléden-Poher)

Déjà évoqué précédemment, le site de la Roche en Cléden Poher (fig. 81 et 82) constitue l‟un
des plus bels exemples de motte castrale du Finistère. Dominant d‟environ 40 m le cours de
l‟Aulne, la fortification se compose de deux ensembles. La basse-cour, à l‟est, qui suit une
forme ovoïdale très allongée, d‟environ 90 m de diamètre est-ouest, délimitée par un talus
large de 8 à 10 m à l‟est et au sud. La motte, de forme conique, implantée à l‟extrémité
occidentale, profite de l‟affleurement naturel du rocher sur lequel elle s‟élève sur environ 10
m pour un diamètre de 40 m976. Dans le prolongement de l‟ouvrage, à l‟est, s‟étend le hameau
de la Roche qui s‟implante dans une trame parcellaire trapézoïdale qui pourrait reprendre le
tracé d‟une enceinte disparue comme semble en témoigner les parcelles n° 1153, 1154, 1139
et 1140 appellée « liourzou-fossel » (courtil du fossé) dans le cadastre de 1823.

Cette forteresse imposante apparaît pour la première fois dans nos sources en 1081-1114 dans
un acte du Cartulaire de Quimperlé977. Celui-ci témoigne de la donation à l‟abbaye de la villa
de Nominoé, par Simon, fils de Cariou. Il ne concerne donc pas directement le site, puisqu‟il
nous apprend seulement la mort (ou plus exactement la blessure mortelle) du bienfaiteur apud
rupem Cletguenn978. Suivant l‟hypothèse d‟H. Guillotel979, reprise par J. Quaghebeur980, c‟est
cet ouvrage qu‟il faudrait reconnaître dans le château cité dans l‟acte de donation du vicomte
de Poher Tanguy Ier en 1105-1107 à l‟abbaye de Redon981. La charte ne précise pas le lieu du
castellum du vicomte, ce qui n‟est pas sans poser problème. Le document montre bien que le
lignage possède un pouvoir important à Cléden puisqu‟il donne la moitié de la dîme de la
paroisse (avec celle de Collorec). Le texte évoque aussi la donation de droits sur le marché et
de moulins qui ne sont pas incompatibles avec La Roche. Celle-ci est située au bord de
l‟Aulne, la présence d moulin est donc tout à fait possible. Il en exitait d‟ailleurs encore un
moulin à proximité au XIXe siècle. La forteresse a pu, de plus, abriter un petit événement
commercial, puisque deux parcelles (1364 et 1365) portent le nom de « parc marchallac‟h »
(champs de la place du marché) sur le cadastre napoléonien. Il reste le problème de la terre
située près de la forteresse, sur laquelle les moines auraient fondé un établissement dédié au
Sauveur du monde. Cette indication semble plutot militer pour l‟identification traditionnelle
du château du vicomte avec celui de Carhaix dont le prieuré dépend de l‟abbaye de Redon982.
Il n‟existe en effet aucun édifice religieux à proximité du site de la Roche. Mais il convient

974
Châtellier, 1907, p. 166.
975
Kernévez, 1997, p. 156.
976
Mussat dir., 1969, t. 1 ; p. 42.
977
Cartulaire de Quimperlé, acte n° LXXI, p. 178.
978
Voici texte de la notice : In nomine Sancte Trinitatis, Simon filius Cariou, apud rupem Cletguenn ad mortenn
vuneratus, dedit villam Numenoë filii Elean, que sua hereditario, jure erat, abbati et monachis sancte Crucis de
Kemperle, eo modo qui tenebat, libere et sine alicujus calumpnia, pro redemptione, anime sue, pro animabus
parentum suorum. Hujus vero doni hi affluerunt testes : Benedictus, episcopus abbas, cui hoc donum concessum
est, Haerueus et Numenoe monachi, Irispoë presbyter. Diles filius Kelenn ; ex Simonis autem parte, hi :
Guengun, Lauda, Rudalt filius kadnemet, Kariou et Tutgual filii Glemarchc Riuallun filius Cungar, Kenmarchus
filius Jocelin, Riuallun mab Ikiled., Riuallun mab Haerueu, Roderch mab Albalt, Irispoe mab Numenoe qui eam
villam tenebat.
979
Tanguy, 1990, p. 397-398.
980
Quaghebeur, 2001, p. 125.
981
Cartulaire de Redon (a), p. 332-333, acte CCCLXXVII.
982
A.D.I.V., 3 H 7 A.D.L.A., B 803 Guillotin de Corson, 1997, p. 177-180.

121
tout de même de noter qu‟une tradition locale veut qu‟il ait existé dans le hameau, à l‟est de la
forteresse, un presbytère983.

 La chapelle du Mur (Cléden-Poher)

Le site de la chapelle du Mur se situe au nord de l‟ancienne paroisse de Cléden (fig. 83). Son
intérêt a été pour la première fois signalé en 1907984. Il présente une enceinte elliptique de 65
m de diamètre ensérrée par un talus de 4 m de large à la base et de 4, 50 m de hauteur.
L‟ouvrage est entouré par un fossé de 4 m de largeur aujourd‟hui partiellement comblé985. Au
sud de l‟enclos, s‟étend la chapelle N.D. du Mur, édifice religieux modeste datant sans doute
du XVIIe siècle, composée d‟une nef unique charpentée, s‟ouvrant à l‟ouest par un mur
pignon à clocher pourvu d‟un portail au décor inspiré de l‟art antique, et se terminant à l‟est
par une abside à trois pans contre laquelle est venu s‟accoler par la suite une sacristie986. Nous
remarquons que le talus est arasé à son niveau, ce qui peut être la conséquence de la
construction du sanctuaire. Suivant un croquis établi par sir Morthimer Wheeler en 1938,
l‟ouvrage était complété au nord par une seconde enceinte quadrangulaire de 60 à 70 m de
côté (parcelle 262 du cadastre de 1823 ?) enserrée, elle aussi, par un talus et un fossé987. Nous
ne possédons aucun texte qui puisse nous permettre d‟assurer l‟origine médiévale de cette
fortification. C‟est néanmoins, cette hypothèse que privilégie P. Kernévez, qui voit un indice
dans la dédicace de la chapelle à Notre Dame qui, selon lui, révèle « souvent l‟existence d‟un
château médiéval » ainsi que dans le nom « Goarem-ar-vur » (la garenne du mur) de la
parcelle n° 262988.

 Kergorlay (Motreff)

Situé au sud-est de la paroisse de Motreff, le village de Kergorlay présente lui aussi un


ouvrage fortifié remarquable (fig.84). De celui-ci, n‟est plus conservée aujourd‟hui, qu‟une
motte circulaire de 50 m de diamètre à la base et 35 m au sommet pour 7 à 8 m de hauteur
bordée d‟un fossé de 10 m de largeur et de 3 à 5m de profondeur989. Celle-ci était surmontée
de constructions dont l‟empreinte est bien visible sur la photographie aérienne prise du site
dans les années 1960 (fig.85)990. Cette dernière nous permet de distinguer assez clairement la
présence d‟un grand bâtiment trapézoïdal de 15 m sur 17, détruit il y a une cinquantaine
d‟années991. Il était associé à un ouvrage circulaire, sans doute une tour, placé à son angle
nord-ouest. Suivant, P. Kernévez, l‟entrée sur la plateforme devait se faire au nord-nord-ouest,
à l‟endroit où le chercheur a pu observer « une petite cour ceinte de murs, au devant du
batiment principal »992. La basse-cour a, par contre, malheureusement disparu. La lecture du
cadastre nous semble permettre de la situer au sud de la motte, où elle devait suivre une forme
trapézoïdale993, jusqu‟au niveau d‟une chapelle dédiée à Saint-Leuffroy, près de laquelle

983
Kernévez, 1997, p. 58.
984
Châtellier, 1907, p. 165.
985
Kernévez, 1997, p. 57.
986
Mussat dir., 1969, p. 41.
987
Kernévez, 1997, p. 58.
988
Ibid., p. 58.
989
Châtellier, 1907, p. 162-165, Mussat dir., 1969, t. 1, p. 52.
990
La motte longtemps entretenue par son propriétaire (information receuillie auprès d‟une habitante du village)
est malheuresement aujourd‟hui en friche. Des reliefs semblent cependant encore se dessiner sous les brousailles.
991
Kernévez, 1997, p. 119.
992
Ibid., p. 119.
993
Une grande partie de cette espace est occupée aujourd‟hui par un champ assez vaste qu‟il ne serait pas inutile
de prospecter.

122
existe un lieu-dit la garenne. Au nord, s‟est aussi développé un petit hameau, qui semble se
structurer autour de la motte. Celui-est surmonté par un ruisseau coulant près de la chapelle
Sainte-Brigitte (actuellement en restauration). Cette dernière se compose d‟une abside à trois
pans et d‟une nef unique dans laquelle semble pouvoir se lire deux phases. Une première,
correspondant au pignon occidental, réalisée dans un grand appareil de granit que l‟Inventaire
se propose de dater du XVIe siècle et le reste de l‟ouvrage en petit appareil (remployant des
éléments de l‟édifice précédent) qui remonterait au XVIIe siècle994.

Ce château à motte est lié à l‟histoire de la famille de Kergorlay, malheureusement méconnue


pour son époque la plus ancienne. Nous ne possédons en effet aucun document la concernant
au Moyen Âge central, alors que la physionomie du site suggère que son origine remonte à
cette période. Comme les sires de Quelen en Duault, les généalogistes modernes prétendent
que la famille est un ramage du lignage des comtes de Poher. L‟indication serait évidemment
intéressante, mais il s‟agit sans doute d‟une création de toute pièce de la famille, désireuse de
se voir attribuer des origines prestigieuses995. De même, rien non plus ne semble permettre de
retenir l‟histoire de ce Jehan de Kergorlay qui aurait participé à la première croisade en
1096996. Le premier membre de la famille, dont l‟existence est clairement attestée, n‟apparaît
qu‟au XIIIe siècle. Il s‟agit de Pierre de Kergorlé qui est présenté en 1258 comme sénéchal de
Cornouaille et de Poher : Petrus de Guergorleio, miles, senescallus tunc temporis domini
Comitis Britanniae in Cornubiae et in Pocaer997. Une fonction importante qui démontre déjà
l‟importance de la famille à cette période. Son frère( ?) Geoffroy apparaît lui dans un compte
du duc en 1267998. Dans le livre des Otz en 1294, Jehan de Kergorlé doit deux chevaliers pour
sa terre de « Cornouaille et Poher », ce qui démontre là encore la puissance de cette
seigneurie999. Par la suite, nous connaissons un « Rollant de Guergorllé », présent en 1297
lors du jugement rendu par le duc au sujet du meutre d‟Alain Nuz1000. En 1306, nous est aussi
mentionné un « Pierre de Kergorlé, clerc, fils feu Monsieur Pierre de Kergorlé », qui passe un
accord avec Hervé VI seigneur de Léon en la « court de Kerahes »1001. La destinée de la
famille au Bas Moyen Age paraît un peu mieux connue. Elle vient en tout cas se fondre avec
celle de Gaël-Monfort vers 1380 par le mariage de Jehanne de Kergorlay avec le Raoul
VIII1002. Le sort réservé à la forteresse à cette période n‟est pas connu. En 1450, celle-ci
relève en tout cas, comme toutes les terres de la seigneurie, du sire de Chauvigny, héritier de
Catherine de Laval1003. L‟ouvrage est encore important au XVe siècle comme en témoigne un
aveu de 1456 évoquant « Guergolay, où avoit chasteau est encores y sont les fossés et
murailles grandes et assez pierres pour rester ung plus grant chastiel que cellui de Saint-
Chartrier »1004. Le site n‟est pas abandonné pour autant puisque l‟on connaît l‟existence d‟un
manoir à son emplacement au XVIe siècle1005.

994
Mussat dir., 1969, p. 53.
995
Jegou du Laz, 1898-1899, t. 2, p. 417.
996
Indication donnée par H. Torchet dans sa notice sur la famille (nous ne connaissons pas son origine), cf.
Réformation des fouages de 1426, p. 203.
997
Oheix, 1913, p. 89.
998
Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 1006-1008.
999
Ibid., t. 1, col. 1114
1000
Ibid., t.1, col. 1120. Nous remercions P. Kernévez qui nous avait fait part, lors de notre année de Master I, de
la transcription qu‟il a fait de ce texte à partir de l‟original conservé à la Bibliothèque municipale de Nantes
(Bizeul 1689 n°5, non vérifié). Sur “l‟affaire” Alain Nuz, cf Le Gall Tanguy, 2005, p. 17-19.
1001
Dom Morcice, t. 1, t. 1206.
1002
Indication donnée par H. Torchet, cf. Réformation des fouages de 1426, p. 203
1003
A.D.L.A., B 1079 (non vérifié). Maître, 1907, p. 257.
1004
Cité par P. Kernévez ds Kernévez, 1997, p. 118.
1005
Ibid., p. 118-119.

123
 Castel Laouenan (Paule)

Ce site correspond à une motte de 40 m de diamètre et de 3 à 4 m de hauteur dominant un


système de fortication complexe formé par une série d‟enceintes semi-elliptiques placées sur
son pourtour. L‟ouvrage semble avoir donné naissance à l‟hameau qui le borde au sud.

 Porz en Place (Le Moustoir)

Il existe au lieu-dit Porz ar en Place en le Moustoir une importante motte tronconique de 6 m


de haut et de 30 m de diamètre à sa base1006. L‟ouvr age est entouré d‟un fossé encore
visible au sud et à l‟ouest. Suivant S. Hinguant, la basse-cour, aujourd‟hui disparu, devait se
situer à l‟est du site au se situe actuellement un petit hameau. La fortification semble avoir
donné à un deuxième regroupement d‟habitat au sud. L‟ensemble est bordé par le ruisseau du
Lost an coat à l‟est sur lequel s‟est implanté un moulin qui, lui aussi, pourrait avoir un lien
avec la forteresse.

 Rosoat (Trébrivan)

A l‟occasion de son inventaire des mottes des Côtes-d‟Armor, S. Hinguant a répéré à Rosoat
la présence d‟un tertre circulaire de 4 m de hauteur et de 15 m de diamètre1007. Il correspond
sur le cadastre de 1825 à une petite parcelle circulaire au nom évocateur : Prat ar castel soit
« le champ du château ». Sa position stratégique sur le bord de l‟Hyères, parait une indication
important. Elle pourrait être lié à la présence d‟un ancien point franchissement de la rivière.
Aucun fossé n‟est visible autour de l‟ouvrage aujourd‟hui ce qui ne signifie évidemment pas
qu‟il n‟a pas existé. Il est, en tout cas, certain que la fortification a profité pour sa défense de
la zone marécageuse qui l‟environne. La visite sur le terrain ainsi que l‟observation du
parcellaire ne permet pas d‟attester la présence d‟une basse cour. Le site a cependant donné
naissance à un hameau au sud comme parait l‟indiquer son nom de Rosoat soit « le tertre du
bois ».

Cette présentation, même un peu rapide, des fortifications proches de la paroisse de Plouguer
nous semble assez parlante. Elle nous renvoie en effet l‟image d‟une véritable ceinture de
mottes et d‟enceintes autour de la ville de Carhaix. Nous ne pouvons certes pas assurer que
l‟ensemble des sites présentés remonte au Moyen Age. Mais le fait est certain pour les
structures les plus remarquables, comme la Rosquigeau en Poullaouen, La Roche en Cléden-
Poher et Kergolay en Motreff, dont l‟importance semble témoigner de la puissance du lignage
qui est à leur tête. Cette hypothèse se vérifie d‟ailleurs pour la Roche qui pourrait être lié au
XIIe siècle aux vicomtes de Poher, et pour Kergorlay dont les propritaires apparaissent au
XIIIe siècle parmi les familles les plus importantes de Cornouaille. Cette situation n‟est pas
sans rappeler celle analysée dans le Rennais par M. Brand‟Honneur, qui constate l‟existence
de réseaux de mottes autour des châteaux majeurs (qui se situent tous évidemment dans des
villes). C‟est la cas à Hédé où l‟historien compte 6 habitats aristocratiques, de Châteaugiron
où il y en a 10, de Châteaubriant où il en existe 19, etc 1008. Suivant le chercheur, la carte de
leur répartition serait le reflet de la situation politique de ces territoires. Elle révélerait l‟aire
d‟influence du possesseur de la forteresse majeure, qui aurait placé, à la tête de ces différentes
résidences aristocratiques, ses principaux vassaux, dans le but de mieux controler ce territoire.
1006
Hinguant, 1994, p. 41.
1007
Ibid., p. 80.
1008
Brand‟honneur, 2001, p. 186-190.

124
Le réseau de fortification qui semble s‟organiser autour de la ville de Carhaix ne témoigne-t-il
pas d‟une situation proche 1009? Nous sommes ici évidemment bien moins renseigné sur cette
question que peut l‟être M. Brand‟honneur dans le comté de Rennes, d‟autant plus que le
contexte politique n‟est pas clair. Carhaix relève t-il alors du pouvoir du vicomte de Poher,
comme le pense l‟historiographie traditionnelle ou bien au contraire appartient-il au comte de
Cornouaille, comme le suggère J. Quaghebeur ? Il est en tout cas certain que les deux lignages
ont une influence dans cette zone, comme le montre la donation faite par le comte de
nombreuses terres liées au prieuré de Landugen à Quimperlé1010 et celle faite à Redon par le
vicomte Tanguy Ier1011. Ce rapprochement reste donc pour l‟instant une hypothèse difficile à
vérifier.

2.5.3.2 Une ceinture de manoirs

S‟il n‟existe aucune fortification en terre conservée sur le territoire de Plouguer, l‟ancienne
paroisse révèle, par contre, un nombre très important de résidences du bas Moyen Age. Cette
situation a déjà été constatée de manière plus générale par J. P. Leguay. Les zones péri-
urbaines voient en effet très couramment se constituer une véritable « ceinture de manoirs ».
Cette situation à la périphérie de la ville est avantageuse pour les propriétaires, puisqu‟elle leu
permet de continuer de « profiter du voisinage de la localité pour acheter une partie de leur
ravitaillement, pour leurs affaires et pour leur sécurité, tout en restant proche des exploitations
qu‟ils surveillent »1012. Dans l‟étude qu‟il leur a consacrée, J. P. Leguay constate que ces
lignages ont le plus souvent une origine assez récente. Le fait semble se vérifier à Carhaix où
la plus ancienne famille, celle des Kergosoth qui sont à la tête du manoir de Kergorvo,
apparaît en 1310. Le déficit de document antérieur empêche néanmoins de présenter un avis
trop tranché. A Ploërmel, ce sont, en tout cas, 22 petites seigneuries qui se partagent les terres
autour de la cité, elles sont une quinzaine à Redon, une douzaine à Hédé (Ille-et-Vilaine)1013.
La situation est proche à Carhaix où nous comptons 20 maisons nobles attestées au cours des
XVe et XVIe siècles1014. Nous ne pouvons évidemment pas ici rentrer dans une analyse
détaillée de celles-ci. Nous nous contenterons donc d‟en établir une courte liste évoquant les
quelques bribes de leur histoire et décrivant leurs vestiges lorsqu‟ils subsistent1015 :

 Kergoutois (ou Kercourtois)

La résidence aristocratique de Kergoutois est mentionnée pour la première fois en 1426 dans
la Réformation du fouage du diocèse de Cornouaille1016. Elle apparaît par la suite en 1464
dans un aveu rendu par Henry fils de Guillaume du Dresnay1017. Le personnage en question
est le premier membre connu de cette famille qui sera à la tête de la résidence du XVe au
XVIIe siècle. Nous connaissons en effet, par la suite, un Henri du Dresnay, fils de Charles en
1009
Nous remercions P. Kernévez qui nous a suggéré ce rapprochement.
1010
Cartulaire de Quimperlé, acte XXXIV, p.133-134, acte XXXVIII, p. 137. Nous noterons qu‟il existe une
motte circulaire au sud-est du prieuré Saint-Jean de Landugen. L‟ouvrage domine un hameau qui pourrait être
celui décrit dans l‟acte de 1084-1103. Cette construction nous semble donc directement en rapport avec le
pouvoir ducal. Sur cette fortification, cf. Hinguant, 1994, p. 30.
1011
Cartulaire de Redon (a), p. 332-333, acte CCCLXXVII.
1012
Leguay, 1980, p. 105. Des nobles resident aussi dans la ville comme le suggère la reformation des fouages
du début du XVe siècle qui en dénombre 6, cf. Réformation des fouages de 1426, p. 156.
1013
Leguay, 1980, p. 111.
1014
La liste des manoirs reprend celle donnée par H. Frotier de la Messelière, cf. Frotier de la Messelière, 1949.
1015
Les aveux de ses différents manoirs conservés aux A.D.L.A. ont tous été consultés. Nous n‟avons cependant
pas eu le temps de réaliser la transcription d‟une grande partie d‟entre-eux.
1016
Réformation des fouages de 1426, p. 156.
1017
A.D.L.A., B 1083. Il en existe une copie du XVIIe à la référence A.D.F., 51 J 10.

125
1495, puis un Yvon en 15431018. La seigneurie passera ensuite dans les mains de Olivier de
Geslin qui rachète au début du XVIIe siècle les droits de Marguerite du Dresnay.
La résidence, encore aujourd‟hui conservée, se compose d‟un grand logis rectangulaire de
deux niveaux, s‟ouvrant en façade par une porte couverte d‟un arc en accolade et par une série
de fenêtres qui ont toutes été remaniées (fig. 85). Contre celui-ci est venue s‟accoler à l‟est, à
sa perpendiculaire, une aile plus courte incontestablement postérieure à l‟ensemble précédent.
La datation du logis primitif semble difficile, l‟Inventaire propose néanmoins le XVIe
siècle.1019

 Kerdaniel

Le manoir de Kerdaniel apparaît pour la première fois en 15361020. Il est malheureusement


moins bien renseigné que le précédent. Nous n‟avons en effet relevé aucun aveu de celui-ci au
XVIe siècle. Son importance semble moindre ; il existe cependant encore au XVIIIe siècle
puisqu‟il fait partie de la liste des possessions de Josselin Olymant en 17281021. Il n‟en existe
plus aucune trace aujourd‟hui.

 Kerdidre

Cité pour la première fois en 14261022, le manoir de Kerdidré n‟est apparu dans aucun des
documents d‟archives que nous avons consultés. Il n‟en existe plus rien aujourd‟hui

 Kerampuil

Le site apparaît pour la première fois dans notre documentation en 1426 1023. Il est cité par la
suite à plusieurs reprises au XVIe siècle, époque à laquelle il est la demeure du procureur de
la ville de Carhaix, puis de Gilles de Kerampuil, chanoine de la collégiale1024. Le manoir sera
entièrement reconstruit à partir de 1760 par le comte Robert de Kerampuil conseiller au
parlement de Bretagne. Il n‟offre donc pas d‟intérêt pour nous.

 Kerdren

Le site apparaît dès 1426 dans le livre de Réformation des fouages 1025. Il restera pendant tout
le XVe et le XVI siècle dans les mains de la famille Le Ny, avant d‟appartenir en 1617 à
Michel Olymant seigneur de Kersiou Jean Baptiste de Penandreff en 16841026.
Ce manoir subsiste encore aujourd‟hui mais il s‟agit d‟une construction moderne,
vraisemblablement du XVIIe siècle1027.

 Kergadigen

1018
Ibid. L‟aveu de 1495 donne la forme « Kergontes » pour le nom du lieu.
1019
Mussat dir., 1969, p. 32.
1020
Deshayes, 2003, p. 41.
1021
A.D.L.A., B 1084.
1022
Deshayes, 2003, p. 41.
1023
Ibid., p. 41.
1024
Mussat dir., 1969, p. 32.
1025
Réformation des fouages de 1426, p. 156.
1026
Maître, 1909, p. 252. A.D.L.A., B 1072 (non consulté)
1027
Mussat dir., 1969, p. 32.

126
La maison noble est citée dans les actes de Réformation de la noblesse de Cornouaille en1536
sous la forme Kerguidigen. A. Deshayes en répertorie par la suite différentes mentions en
1540, 1608, 1678 et 1698 que nous n‟avons pas eu le temps de vérifier1028. Nous savons, par
contre, que le lieu appartient à la fin du XVIIe siècle à Jean Veller de Croixmen qui rend un
aveu pour cette terre et celle Lanoennec en 16871029. Il n‟en subsite apparemment plus rien
aujourd‟hui.

 Kergorvo

Le manoir de Kergorvo est l‟habitat seigneurial de Plouguer dont l‟origine est la plus
ancienne (du moins si l‟on ne prend en compte que les documents conservés, rien ne prouve a
fortiori que d‟autres maisons n‟existaient pas à cette période), puisque nous rencontrons son
premier propriétaire Eon de Kergorsoth, dès 1310, dans un aveu où il fait part de ses
possessions dans la paroisse de Carhaix1030. En 1441, il est dans les mains d‟un certain Bizien
fils de Yvon Kergorno. Le site est à nouveau mentionné dans l‟aveu rendu au roi par Jean de
Kergorno, fils de Guillaume en 15401031.
Des vestiges du manoir apparemment très remanié (nous n‟avons pas visité le site),
l‟inventaire retenait seulement en 1969 la tour d‟escalier circulaire qui permettait la
circulation dans l‟ensemble du logis, mais il n‟en proposait pas pour autant de datation1032.

 Kerledan

Nous ne possédons que peu d‟information sur ce manoir. Celui-ci est cité pour la première
fois en 14261033. Nous ne le retrouvons par la suite qu‟en 1540, année où il fait l‟objet d‟un
aveu rendu par Francoise le Mur, qui est aussi la propriétaire de la maison noble du Stanguer
à Plouguer1034. A. Deshayes en cite plusieurs mentions par la suite que nous n‟avons pas
vérifiées1035.
Il subsite en ces lieux encore aujourd‟hui un modeste manoir (fig. 86). Celui-ci se compose
d‟un grand logis rectangulaire en partie reconstruit sur son côté nord, comme le montre la
trace de reprise visible sur sa facade antérieure. Au sud, une seconde aile, plus courte, vient
s‟accoler au bâtiment. Il s‟agit là aussi d‟une construction plus récente puisqu‟elle vient
simplement s‟y plaquer. Le noyau primitif de la résidence se compose de deux niveaux : le
rez-de-chaussée qui s‟ouvre par deux portes dont la plus prestigieuse, au nord, est surmontée
d‟un arc en accolade, tandis que le second niveau est ajouré par deux fenêtres à meneaux et
croisillons, surmontées pour l‟une d‟entre elles (la plus au nord) d‟un gable orné d‟un blason
et d‟une série de crochets. L‟ensemble de ces différentes caractéristiques semble militer pour
une datation dans le XVIe siècle1036.

 Kerléon

La maison noble de Kerléon est attestée dès 1468, année de l‟aveu rendu par sa propriétaire
Catherine Baud, veuve de Guillaume de Kerléon. Elle est à nouveau mentionnée en 1540 où
1028
Deshayes, 2003, p. 41.
1029
A.D.L.A., B 1102.
1030
A.D.L.A., B 1102.
1031
A.D.L.A., B 1083.
1032
Mussat dir., 1969.
1033
Deshayes, 2003, p. 41.
1034
A.D.L.A., 1083.
1035
Deshayes, 2003, p. 41.
1036
Mussat dir., 1969, p. 33.

127
il est dans les mains de Catherine, fille de Bertrand de Kerléon1037.Il n‟en existe plus aucun
vestige.

 Kerniguez

Le manoir apparaît pour la première fois en 1426 dans le livre de Réformation des
fouages1038. Par la suite nous savons que le lieu est dans les mains de Gilles Nédélec, fils de
Jeanne de Kerneguez, en 1435, puis de Henri, fils d‟Alain, en 15381039. La résidence va par la
suite être mise à sac au cours de guerres de la Ligue1040. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le
manoir appartient à la famille d‟Olymant dont les archives de Loire Atlantique conservent 4
aveux rendus entre les années 1653 et 1765. Nous noterons particulièrement celui de 1728 qui
nous apprend que le lignage est aussi en possession de Kerriou et Kerdaniel1041.

Cette construction est l‟habitat aristocratique le plus important conservé dans la paroisse. Il se
compose de deux grands ensembles(fig.87). Le « grand manoir » à l‟ouest se compose d‟un
grand logis rectangulaire placé au nord d‟une cour close par ses dépendances. Ce bâtiment
principal se compose de deux corps de périodes différentes. Le plus ancien, à l‟ouest, se
compose d‟un rez-de-chaussée s‟ouvrant par une porte et une fenêtre simple et d‟un niveau
sous comble ajouré à l‟extérieur par une lucarne à traverse et meneau surmontée d‟un galbe
orné d‟un écu et d‟un décor antiquisant qui incite à dater l‟ouvrage du XVIe siècle.1042. A
l‟extérieur de ce premier ensemble, se développe le « petit manoir », qui se compose d‟un
logis rectangulaire portant la date de 1590.

 Kerriou

Nous sommes assez peu documenté sur le manoir de Kerriou, cité pour la première fois en
1536. A. Deshayes en a répertorié plusieurs mentions entre la fin du XVIe et le XVIIe
siècle1043. En 1728, le lieu appartient, en tout cas, à la famille des Olymant, propriétaire du
manoir de Kerniguez1044. Il n‟en existe plus aucun vestige.

 Kervenec

Située à proximité de l‟Hyères et de l‟actuel canal de Nantes à Brest, la maison noble de


Kervennec est citée en 1536 sous la forme « Kerguennec ». Elle apparaît une nouvelle fois
dans les sources en 16821045. Son cas semble assez mal renseigné. Il n‟est d‟ailleurs pas
répertorié par l‟Inventaire. Il n‟en subsiste plus rien aujourd‟hui.

 Lannoennec

Le site apparaît pour la première fois dans nos sources en 1503 1046. En 1536, celui-ci relève
d‟un certain Henri de Quellenec1047. Il est cité par le suite à plusieurs reprises au XVIe et
1037
A.D.L.A., B 1083.
1038
Réformation des fouages de 1426, p. 156.
1039
A.D.L.A., B 1084.
1040
Mussat dir., 1969, p. 23.
1041
A.D.L.A., B 1084..
1042
Mussat dir., 1969, p. 33.
1043
Deshayes, 2003, p. 41.
1044
A.D.L.A., B 1084.
1045
Deshayes, 2003, p. 41.
1046
Ibid.,, p. 41.

128
XVIIe siècle1048. En 1687 enfin, il appartient à Jean Veller de Croixmen qui rend un aveu
pour cette terre et celle de Kergadiguen en la paroisse de Plouguer1049.
Des vestiges modestes du manoir sont encore conservés aujourd‟hui dans le hameau de
Lannoennec (fig. 88). Ceux-ci correspondent à un long bâtiment rectangulaire construit en
grand appareil terminé au sud par un corps quadrangulaire. Celui-ci s‟élève sur deux niveaux
ouverts par deux fenêtres dont l‟une, munie d‟une traverse. Dans leur publication de 1969, les
chercheurs de l‟Inventaire ne proposent pas de datation. Les caractéristiques de ces ouvertures
semblent néanmoins militer pour l‟époque moderne et même très vraisemblablement le XVIe
siècle.

 Le Pellem

La maison de Pellem, située très près de l‟actuel canal de Nantes à Brest, est citée dès
14261050. En 1443, elle appartient à Pierre de Kermarien, héritier de Jeanne de Munillac1051.
En 1540, il est dans les mains de Vincent Rouxel, seigneur du Cranno puis de Léon Rouxel en
1558. Un dernier aveu du manoir est rendu par Louise Desporte, héritière d‟Anne Rouxel1052.
Il ne subsite plus rien aujourd‟hui de cet édifice.

 Penalan

Aujourd‟hui simple hameau, le site de Penalan est le lieu d‟un ancien manoir cité dès
14261053. Il ne subsiste à notre connaissance aucun aveu de cette résidence dont A. Deshayes
n‟a pu répertorier que deux autres mentions, l‟une en 1464, l‟autre en 16821054. De cette
ancienne résidence, est encore conservé un logis de la période moderne portant les dates de
1654 et 17851055.

 Persivien

Le manoir de Persivien apparaît pour la première fois en 1536 dans les Actes de Réformation
de la noblesse bretonne1056. Son nom est cité à nouveau dans le livre rentier de 1539-1542 qui
n‟évoque à son sujet que la présence d‟un « village »1057. Nous le retrouvons par la suite
mentionné dans l‟inventaire des biens nobles de Cornouaille du début du XVIIe siècle1058.
Il n‟existe plus aujourd‟hui de traces de cette installation.

 Prevasy

Le site de Prevasy, cité en 1426, apparaît très rarement dans nos sources 1059. Son manoir est
par contre encore conservé. Il s‟agit d‟une construction de plan rectangulaire ouvert par 6

1047
Mussat dir., 1969, p. 34.
1048
Deshayes, 2003, p. 41.
1049
A.D.L.A., B 1102.
1050
Deshayes, 2003, p. 41.
1051
A.D.L.A., B 1084.
1052
Ibid.
1053
Deshayes, 2003, p. 41.
1054
Ibid., p. 41
1055
Mussat dir., 1969, p. 34.
1056
Deshayes, 2003, p. 41.
1057
A.D.L.A. B 1103, f° 19 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 30.
1058
A.D.F., A 141, il est orthographié « Presivien ».
1059
Deshayes, 2003, p. 41.

129
fenêtres réparties entre le premier et le second niveau et par une porte en arc brisé à l‟ouest,
présentant voussures et piédroits en ébrasement. Sa datation reste difficile ; il pourrait
appartenir au XVIe ou au XVIIe siècle1060.

 Roch Caer

Le manoir de Roch Caer est cité pour la première fois en 1426. Nous connaissons plusieurs
des ses propriétaires au XVe et au XVIe siècle, à commencer par Guillaume de Rochazre en
1494 et Pierre de Rochazre en 15401061. La maison change de main à la fin du XVIIe siècle et
entre dans le patrimoine de la famille des Le Bigot. Les archives de Loire-Atlantique
conservent d‟ailleurs deux aveux des membres de ce lignage datés de 1683 et 17101062.
Le manoir subsiste encore aujourd‟hui. Il se compose de deux corps de logis alignés d‟aspect
plutot modeste (l‟un s‟ouvrait par une porte en arc brisé, bouchée par la suite) dont la
construction ne remonte sans doute pas au-delà du XVIIe siècle1063.

 Le Stanguer

Citée dès 14261064, la maison noble du Stanguer appartient en 1540 à Charles Le Boton. Le
site changera de mains au XVIIe siècle pour rentrer dans le patrimoine de la famille Gillard.
Nous possédons d‟ailleurs trois aveux de ce lignage rendus pour cette terre en 1754, 1764 et
17761065.
Le manoir, toujours conservé aujourd‟hui, correspond à un simple batiment rectangulaire
s‟ouvrant en facade par 5 fenêtres, 2 au rez-de-chaussée, 3 à l‟étage, et une porte au centre en
arc brisé. Sa construction doit vraisemblablement dater du XVI ou du XVIIe siècle.

 Tronjoly

Le site de Tronjoly, associé au petit ruisseau de la Madeleine, est cité dans le livre rentier de
1539-1542 qui ne précise pas sa nature1066. Il s‟agit pourtant déjà d‟un manoir, puisque Marie
du Mesné rend un aveu pour celui-ci en 1540. Par la suite nous savons que le lieu est dans les
mains de Jean Bertrand, seigneur de Saint-Hervé, en 1640, puis dans celles des enfants Renée
Louis Bertrand en 17131067.

1060
Mussat dir., 1969, p. 34.
1061
A.D.L.A, B 1084.
1062
Ibid.
1063
Mussat dir., 1969, p. 34.
1064
Deshayes, 2003, p. 41.
1065
A.D.L.A., B. 1084.
1066
A.D.L.A., B 1103, f° 40 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 58.
1067
A.D.L.A., B 1084.

130
Troisième partie : Morphologie et développement

131
3.1 Analyse morphologique

3.1.1 Le réseau routier autour de Carhaix

Avant de traiter de la morphologie de la ville, il convient sans doute de comprendre la


manière dont celle-ci s‟insère à l‟intérieur du réseau routier. Cette question est évidemment
extrêmement vaste. Nous nous contenterons donc d‟effectuer quelques remarques générales.

3.1.1.1 Historiographie de la question

Comme l‟on pouvait s‟y attendre, les travaux sur le réseau routier, autour de Carhaix, se sont
concentrés jusqu‟à présent sur la question des voies romaines. L‟intérêt pour celles-ci est déjà
ancien puisque les premières études datent du milieu du XIXe siècle. L‟un de ses premiers
grands artisans fut R. Bizeul. Dès 1843, celui-ci donnait une courte présentation du réseau
viaire romain s‟organisant autour de Carhaix, dans la réédition du dictionnaire d‟Ogée1068. En
1849, il consacrait un article sur « les voies romaines sortant de Carhaix », dans lequel il
abordait quelques questions générales sur la ville avant de s‟attarder plus spécifiquement sur
le tracé de la voie reliant le chef-lieu des Osismes à Castennec1069. En 1851, il consacrait une
étude à la route menant de Carhaix à Corseul1070. Sur une plus grande échelle, ses travaux sont
complétés par la suite, par l‟étude de J. Gaulthier du Mottay en 1869 sur les voies romaines
des Côtes-du-Nord (actuel Côtes d‟Armor)1071, puis L. Marsille en 1929 sur celles du
Morbihan1072. Hormis une rapide mise au point par P. Merlat en 19551073, il faut attendre les
années 1970 pour voir le renouveau de ce type d‟études. C‟est la thèse de J. Y. Eveillard, tout
d‟abord, qui consacre son attention sur la voie Rennes à Carhaix1074. Par un minutieux travail
cartographique ainsi que par l‟enquête de terrain, le chercheur est parvenu à restituer
l‟ensemble du tracé de cette route. Mais c‟est aussi l‟étude de L. Pape sur la cité osisme qui
consacre plusieurs pages à la question du réseau routier dans lesquelles il s‟attarde
particulièrement sur Carhaix1075. Plus récemment enfin il faut signaler une nouvelle étude de
J. Y. Eveillard qui est revenu sur la question du tracé de la voie Vannes-Carhaix1076, ou celle
de S. Le Pennec qui s‟est intéressé à l‟itinéraire Kerilien-Plounéventer-Carhaix1077.

Ces différentes études permettent donc aujourd‟hui de présenter sans trop de problème une
carte du réseau viaire romain autour de Carhaix. Suivant l‟expression de L. Pape, la ville y
apparaît comme un véritable « nœud routier »1078 autour duquel s‟organisent la plupart des
voies de la cité des Osimes et qui, à l‟échelle de l‟Armorique, tient un rôle de « plaque-
tournante ». Nous comptons ainsi pas moins de huit routes sortant de la capitale, dont
plusieurs se séparent par la suite en différents embranchements. Au total, ce sont 12 grands
itinéraires qui viennent se rencontrer autour de Vorgium.

1068
Ogée, 1845, t. 1, p. 148-149
1069
Bizeul, 1849, p. 29-40.
1070
Bizeul, 1851.
1071
Gaulthier, du Mottay, 1869.
1072
Marsille, 1929.
1073
Merlat, 1955 (b).
1074
Eveillard, 1975. Outre ce travail, deux mémoires de maîtrises ont été consacrés dans les mêmes années par
G. Le Dévendec et P. Hamon sur les voies Carhaix-Vannes et Carhaix-Le Yaudet-Lannion que nous n‟avons pas
consulté.
1075
Pape, 1979, p. 52-62.
1076
Eveillard et alii, 1997, p. 73-77.
1077
Le Pennec, 2002.
1078
Pape, 1979, p. 55.

132
Au nord-ouest de la cité, nous retrouvons, tout d‟abord, la voie se dirigeant vers l‟Aber-
Wrac‟h (fig. 89 n°1). Son tracé mal connu au sortir de la ville pourrait se confondre en partie
avec la rue Hervé le Jeanne ; elle traversait en tout cas l‟Hyères au niveau de Moulin Meur.
Au nord, une seconde voie se dirigeait vers Morlaix et Kerilien en Plounéventer (fig.89 n° 2).
Là encore, son tracé au sortir de la ville est mal connu, il pourrait se confondre en partie à la
rue Ernest Renan qui rejoint le petit Carhaix. Après avoir traversé l‟Hyères, la route se
dirigeait vers Poullaouen puis Huelgoat où elle se séparait en deux embranchements, le
premier menant vers Morlaix, le second vers Kerilien1079. Au nord-est, la voie menant vers
Lannion-Treguier (fig.89 n°3) partait depuis le carrefour qu‟elle formait avec celle de Rennes-
Vannes-Corseul (dans secteur proche des rues du maréchal Foch et Marcel Marc actuelles), se
confondait un temps avec la D 787 avant de rejoindre le pont Sainte-Catherine puis de se
séparer quelques kilomètres plus loin entre deux embranchements. Depuis le carrefour formé
avec la route de Lannion-Tréguier, partait un quatrième itinéraire majeur dont le tracé a été en
partie étudié par J. Y. Eveillard. Celui-ci n‟empruntait que pour un court instant l‟actuel N
164 avant de se poursuivre par la rue Tristan Corbière puis de longer la D 166 (fig. 89 n° 4).
Au lieu dit Kerborgne, à la limite entre Carhaix et le Moustoir, cette route se divisait en deux,
l‟une au nord partant en direction de Corseul, la seconde vers Rennes et Vannes. Cette
dernière se poursuivait encore jusqu‟à un kilomètre à l‟est du Moustoir où elle se séparait
entre la voie menant à Rennes, au nord et celle menant à Vannes, au sud. Le cinquième
itinéraire, plus aisé à reconnaître (fig. 89 n° 5), devait partir à proximité de la rue du château
en direction de Pont-Bihan. La voie Carhaix-Quimperlé partait sans doute à proximité de la
précédente, pour se diriger vers la Madeleine puis Pont Daoulas et continuer vers Motreff (fig.
89 n° 6). La route de Quimper devait, elle, suivre de près le tracé de la route de Kergalet d‟où
elle traversait l‟Hyères au niveau de Ty Névez (fig. 89 n° 7). Elle se poursuivait ensuite vers
le sud avant de changer brusquement de direction à environ 11 km de l‟agglomération. Elle
rencontrait à cet endroit un nouveau chemin venant depuis Rostrenen, avec lequel elle venait
se confondre en direction de Quimper. L. Pape a été le premier à attirer l‟attention sur cet
itinéraire qui suit une orientation constante sud-ouest-nord-est. Celle-ci est d‟ailleurs en lien
avec trois des routes que nous venons de présenter : la voie de Quimperlé qui la croise à un
peu moins de 2 km au sud du bourg de Motreff, celle de Vannes qui se confond avec elle
jusqu‟au niveau du camp de Paule où elle se dirige plus au sud, et enfin la voie de Rennes qui
la rencontre peu avant Rostrenen et s‟en sépare quelques kilomètres plus loin1080. Il est donc
logique de considérer que ces différentes routes ne sont que des raccordements postérieurs à
cet ancien chemin qui devait relier Quimper à la baie de Saint-Brieuc et de la Rance. La
dernière voie (fig. n° 89 n°8) enfin devait se diriger vers le Moulin du Roy où elle traversait la
rivière pour ensuite se ramifier en deux branches, l‟une en direction de Châteaulin puis
Camaret et l‟autre vers Châteauneuf-du-Faou puis Douarnenez.

3.1.1.2 L‟apport des sources écrites médiévales

A quelques exceptions près, la question de la destinée des voies romaines et de la composition


du réseau routier au Moyen Age a assez peu intéressé les chercheurs bretons jusqu‟à
présent1081. L‟utilisation des sources écrites peut cependant offrir sur ce problème quelques
informations appréciables qu‟il est utile de souligner.

1079
Le Pennec, 2002, p. 35-36.
1080
Pape, 1979, p. 56, Eveillard et alii, 1997, p. 74, Eveillard, 2001, p. 62
1081
Il faut signaler tout de même J. Y. Eveillard qui consacre un chapitre de sa thèse sur le devenir de la voie
Rennes-Carhaix après l‟époque romaine, cf. Eveillard, 1975, p. 65-69 Voir aussi l‟article de B.Tanguy sur les
toponymes routiers bretons, cf.Tanguy, 2001, et surtout les pages de N. Y. Tonnerre sur voies de communication
dans le Vannetais et Nantais au Moyen Age central, cf. Tonnerre, 1994, p. 496-502.

133
Il est évident que ce sont pour les époques les plus hautes que nous saisissons le moins bien
les choses. Le fait est d‟autant plus vrai pour Carhaix où les documents anciens sont très rares.
Mais quelques indices méritent d‟être signalés. Il convient tout d‟abord de mettre en avant le
nom donné à Carhaix par les Annales de Lausannes, Corophesium, qui peut se traduire par
« carrefour »1082. Si les raisons exactes du changement de nom de l‟antique cité de Vorgium
ne sont pas connues, cette nouvelle appellation prend évidemment pour nous une résonance
particulière, puisqu‟elle s‟adapte parfaitement à ce que nous savons de la place de la ville au
sein du réseau routier de l‟Armorique romaine. Cela suppose que Carhaix conserve ce rôle au
début du Moyen Age. Comme nous l‟avons déjà dit, nous sommes assez bien renseigné sur la
venue de Louis le Pieux en 818. L‟empereur y mène alors une expédition contre le chef
Morvan, qui le conduit, semble-t-il, jusqu‟à Carhaix. Il serait évidemment appréciable de
pouvoir reconstituer le parcours suivi par celui-ci. Dans le récit qu‟il nous donne de cet
événement, Ermold le Noir est assez précis sur le voyage de l‟empereur jusqu‟en Bretagne :
« César fait route à travers son royaume jusqu‟au moment où il approche de la région
parisienne : il revoit maintenant le séjour de Denis le Martyr, où l‟abbé Hilduin lui prépare
des présents. [...] Puis il passe l‟Orléanais, entre dans la villa de Vitry. [...] bientôt il voit
Orléans même où il sollicite pour ses armes la protection de la sainte Croix. [...] Ensuite il se
rend à Tours où il doit visiter les temples de Martin et de saint Maurice le Martyr. [...] Le
glorieux roi arrive à la ville d‟Angers et se rend près du corps de saint Aubin. [...]César enfin
fait son entrée dans la ville de Nantes : il visite tous les sancutaires et y fait ses prières. [...]
L‟illustre empereur arrive enfin à Vannes, fait les préparatifs traditionnels du combat et
désigne les chefs»1083. C‟est donc dans l‟ancienne capitale des vénètes, qu‟avait reconquis son
grand-père Pépin le bref en 7511084, que Louis le Pieux réunit son ost composé de guerriers
francs, suèves, saxons et thuringiens1085. Malheureusement pour nous, Ermold le Noir devient
par la suite beaucoup plus évasif sur le parcours suivi par l‟armée jusqu‟aux troupes de
Morvan. Nous aurions évidemment pu penser que celles-ci suivirent la voie Vannes-Carhaix
pour se rendre dans l‟ancien chef-lieu de cité des Osismes mais cela n‟est guère
vraissemblable puisque nous savons que l‟empereur rencontra l‟abbé Matmonoc à Priziac1086.
La position exacte du camp où eut lieu cet événement n‟est pas connue mais une installation
carolingienne importante devait exister sur ce territoire où fut découvert en 1861, au lieu dit
Kervenah, environ 1000 deniers d‟argent de l‟atelier de Melle émis sous Charles le
Chauve1087. B. Tanguy a d‟ailleurs proposé d‟identifier le hameau de Bonneval situé à 750 m
de Kervenah à l‟aula Botnumel cité en 832 dans les Gesta sanctorum Rotonensis1088. Il est en
tout cas certain, pour ce qui nous concerne, que Priziac se situait sur un important axe de
communication romain. Il serait évidemment utile de pouvoir situer le « palais » de Morvan
que nous décrit Ermold le Noir1089. Mais aucune des très nombreuses hypothèses

1082
Fleuriot, 1999, p. 33, Tanguy, 1984, p. 100-101, Tanguy, 1990, p. 48.
1083
Ermold le Noir, p. 117-121.
1084
Chédeville, Guillotel, 1984, p. 201.
1085
Ibid., p. 117.
1086
Cartulaire de Landévennec (b), p. 76, Dom Morice, 1742-1746, t. 1, col. 228 : In eadem Britanniae provincia
castra fixerat, super fluvium Elegium [il s‟agit de l‟Ellé] justa silvam quae dicitur Brisiaci.
1087
Lavallée, 1862, p. 7.
1088
Dom Morice, 1742-1746, t. 1 col. 233-263, Tanguy, 1992, p. 38. Il n‟existe pas aujourd‟hui de vestiges de
fortification sur les lieux. Précedemment H. Guillotel avait proposé d‟indentifier le lieu avec l‟aula Botnumel
avec Botmel en Callac (Côtes d‟Armor), mais suivant P. Guigon celui-ci est trop éloigné de l‟Ellé pour
correspondre à ce site, cf.Chédeville, Guillotel, 1984, p. 232, Guigon, 1997, p. 19.
1089
Ermold le Noir, v. 1346-1351, p. 114-115 : « Au milieu des forêts, entourée d‟un fleuve, retranchée derrière
les haies, les fossés, les marécages, la deumeure royale brille de l‟éclat des armes et une garde nombreuse ».
Notons tout de même que si c‟est dans cette forteresse que Morvan recut l‟envoyé de l‟empereur, nous ne

134
d‟identification qui ont été proposées jusqu‟à présent ne semble pouvoir sérieusement être
retenue1090. Toute tentative de reconstitution du parcours suivi par l‟ost de Louis le Pieux
serait donc aujourd‟hui très hasardeuse. En dehors de l‟expédition de 818, nous possédons
d‟autres indices de la survie du réseau viaire romain autour de Carhaix au haut Moyen Age. Il
semble, en effet, exister un lien entre certains grands chemins et les bourgs des paroisses
primitives, qui se situent très souvent à leur proximité. C‟est le cas pour la voie menant de
Carhaix à Morlaix-Kerilien, qui passe près de celui de Plounévézel et de Poullaouen, ou celle
de Quimperlé pour Motreff. Ce constat semble donc en partie rejoindre celui de L. Pape sur le
bas-Tréguier, qui note pour cette région, une convergence entre les centres paroissiaux et les
routes dans 15 cas sur 331091. En s‟éloignant d‟un secteur proche de l‟agglomération, J. Y.
Eveillard a pu souligner l‟association d‟habitats aristocratiques carolingiens à la voie Rennes-
Carhaix, ce qui démontrerait la survie de ce tracé1092. Cependant sur l‟ensemble des exemples
cités par le chercheur, seul Talensac est véritablement attesté à cette période1093. En tous cas,
même si les informations sont ténues, il ne semble pas impossible de conclure que le réseau
routier antique de la région est encore largement utilisé à cette période. Ce constat n‟a
d‟ailleurs rien de surprenant, dans un article déjà ancien, M. Rouche a pu montrer que
beaucoup de voies étaient encore entretenues au cours du haut Moyen Age1094 et il n‟y a
évidemment pas de raison de penser que la situation était différente en Bretagne.
Pour le Moyen Age central, les informations sont encore peu nombreuses. Un document sur
lequel se sont attardés beaucoup de chercheurs appartient pourtant à cette période, le Romain
d’Aiquin1095. Son intérêt reste cependant limité pour une étude concrète du réseau routier.
Celui-ci rapporte surtout la légende d‟Ohès, seigneur de Carhaix, et de sa femme Ahès, à qui
la chanson attribue la construction d‟une grande route sortant de Carhaix: «Elle fut fille
Corsout li aduré-Qui boen bien vesquit trois cens ans a passé-Mais celle dame ot ung moult
fol pensé-Qui cuidoit vivre tous jours en jeune aé-Elle fit faire grand chemin ferré-Par où alast
a Paris la cité-Car le Pays est de bois tout planté. A Quarahes, ce saichez de verté, fut le
chemin commencé et fondé-Par celle dame fut maint chesne coupé, et abattu maint grant arbre
ramé-Quand ce chemin fut fait et compassé-Plus de vingt lieues fut le chemin ferré-Moult y ot
t‟en en poay de temps oupvré-De cy au terme que je vous ay conté-Que la dame un grant
souspir jetté[...]De maintenant avoit avoit ung clerc mandé-Qui estoit maistre de la divinité-Et
luy avoit enquis et demandé-S‟il on pouvoit mourir sans estre tué[...]Il luy a dit : ouil, pour
vérité-Tous ceux mourront qui sont de mère né[...] Lors a la Dame un grant souspir jecté-
Hélas , dit-elle pourquoy fusmes nous né !-Or‟ne me prise un denier monnoyé-Ne ma richesse
ne ma grant poesté-Aiczoi me doy tenir en grant ville-Ja ne sera le chemin achevé-Moult me
repens dont j‟y ay tant oupvré ! »1096. Il est évidemment difficile d‟identifier le chemin cité
dans le texte ; la direction qui lui est donnée, vers Paris, pourrait faire penser à la voie

pouvons pas contre affirmer qu‟elle fut utilisée contre les francs, comme l‟a justement fait remarquer J.C.
Cassard, cf. Cassard, 1999, p. 38.
1090
Sur cette question voir le résumé de P. Guigon, cf. Ibid., p. 19-20.
1091
Pape, 1979, p. 223_224. Nous avions pu constater cette association pour Plabennec, dans le Léon, dont le
bourg se situe au nord du tracé de la voie Kerilien-Plounéventer-Pointe Saint-Mathieu, cf. Le Gall Tanguy, 2005,
p. 36.
1092
Eveillard, 1975, p. 66.
1093
Cartulaire de Redon (a), appendice XXXIV. Il s‟agit d‟un acte du 23 aout 852 dans lequel le roi Erispoé fait
des donations à Redon alors qu‟il réside in aula Talansac. Dans sa thèse J. Y. Eveillard cite aussi les
fortifications de Haut-Breil en Pacé, Cojean en Loudéac, Castel-Gestin en Mur de Bretagne ou Castel Liscuis
Coz en Laniscat et Rudulgoat en Moustoir qui correspondent pour une large partie à des mottes castrales, cf
Eveillard, 1975, p. 66..
1094
Cf. L’héritage de la voierie antique dans la Gaule du haut Moyen Age paru en 1982 et récemment reédité
ds Rouche, 2003, p. 37-58. «
1095
Bizeul, 1849, p. 11-17, Lot, 1900.
1096
Romain d‟Aiquin, v. 860-903, p. 35-36.

135
romaine menant vers Corseul, mais le document précise bien qu‟elle ne sera jamais achevée.
Il faut sans doute bien garder ici à l‟esprit que l‟anecdote sur la construction du chemin est
avant tout pour l‟auteur l‟occasion d‟apporter une réflexion sur le sens de la vie. Nous voyons
cependant plus loin dans le récit, Charlemagne et ses troupes emprunter une route qui mène
de Corseul à Carhaix qui a évidemment toute les chances de correspondre à la voie romaine
qui suit la même direction : « Droit à Corseul s‟estoit l‟ost aroté-Cité fut riche, (d‟)Antiquité-
Mays gastée estoit, long temps avoit passé-Et le mort sire et à sa fin allé-Vers Car(a)hès se
sont acheminé-Tretouz ensemble le grand chemin ferré-Que fist la famme d‟Ohès le veil
barbé »1097. Cette indication suppose donc que l‟ancienne route est encore connue et sans
doute empruntée cette époque (soit la fin du XIIe siècle). D‟une manière plus générale, il faut
signaler que ce personnage d‟Ahès est associé à de très nombreuses routes de la Bretagne. Les
exemples en sont très nombreux. Autour de Carhaix, son nom est appliqué plusieurs fois au
chemin de Châteaulin dans un aveu de 1540 concernant des terres de Pleyben 1098. Le rentier
de la sénéchausée de Châteaulin de 1544-1545 associe à ce même chemin un « fossé appelé
Cleuz Ahes » au niveau de Lospars 1099. La tradition populaire donne aussi le nom de « Hen
Ahès » (soit route d‟Ahès) à la voie romaine Carhaix-Tréguier le long de laquelle se situe le
hameau de Béaès « la tombe d‟Ahès» à Prat1100. Le long de la voie Carhaix-Morlaix nous
retouvons aussi un « Hent-Daes » à Plounéour-Ménez1101. Enfin, même si l‟on s‟éloigne très
largement de Carhaix, la dénomination « chemin Noe » est associée à la route romaine
menant à Corseul dans les deux villages de Langueux et Yffiniac, de même que « chemin de
Nohay » à Plédran (Côtes d‟Armor)1102. Suivant B. Tanguy : « la forme Noë résulte d‟une
agglutination du –n final de chemin» derrière laquelle il faut reconnaître le nom d‟Ohès1103.
Le lien unissant les personnages d‟Ahès et Ohès à Carhaix est donc évident. A la suite de F.
Lot1104, B. Tanguy pense d‟ailleurs que «les deux noms ont été extraits à des époques
différentes du nom Carhaix, qui de, Carohes a évolué en Carahes et a été interprété comme
un composé formé avec le vieux-breton caer »1105. C‟est ce que prouverait d‟ailleurs la
première mention de la ville en 1081-1084 sous la forme Caes Ahes1106.Ces personnages
relèvent donc d‟une tradition assez similaire à celle des « chaussées de Brunehaut », courante
à l‟ouest et au nord de la France1107. A ce sujet, notons que T. de La Tour d‟Auvergne
témoigne, à la fin du XVIIIe siècle, que « le vulgaire appelle chaussées de Brunehaut et
chemins ferrés » les voies romaines autour de Carhaix1108. Dans son étude sur le réseau routier
autour de Carhaix, R. Bizeul avait rejeté cette information en notant que « cette appellation,
très commune dans le nord de la France, [...] semble tout-à-fait inconnue du vulgaire
breton »1109. Les études montrent cependant que la reine mérovingienne est le plus souvent
associée à des routes situées dans des territoires sur lesquels elle n‟a pas régné, principalement
dans l‟ancienne Neustrie, alors qu‟elle fut à la tête de l‟Austrasie1110. Nous retrouvons même

1097
Ibid. v. 2820-2826, p. 108-109.
1098
Tanguy, 2001, p. 227, note 48. Ce document est consultable à la référence A.D.L.A., B 1158 (non vérifié).
1099
Le Berre, 2000, t. 1, p. 118.
1100
Tanguy, 2001, p. 227.
1101
Le Pennec, 2002, p. 41.
1102
Ibid., p. 226. On retrouve la forme chemin Oheix dans un aveu de 1583 à Langueux.
1103
Ibid. p. 226.
1104
Lot, 1900, p. 386.
1105
Tanguy, 2001, p. 227. Précisons qu‟il n‟exite aucune mention de la ville sous la forme Carohes.
1106
Cartulaire de Quimperlé, acte XXXVIII, p. 137.
1107
Rouche, 2003, p. 45-48.
1108
Ogée, 1843, t. 1, p. 142.
1109
Bizeul, 1845, p. 21.
1110
Pour un rapide résumé sur le personnage historique et le contexte historique dans lequel elle évolua, cf.
Lebecq, 1990, p. 109-119.

136
vers 1070 une calciata Brunicheld en Languedoc (ancienne Septimanie)1111. Sur le principe, il
n‟aurait donc pas été si étonnant de retrouver des « chaussées de Brunehaut » en Bretagne.
Cela ne suffit pas cependant pour prendre au sérieux l‟indication de T. de la Tour d‟Auvergne,
puisqu‟aucun toponyme et encore moins de mention écrite n‟attestent l‟existence d‟une telle
tradition autour de Carhaix. Pour en terminer avec la chanson d‟Aiquin, il faut aussi noter
l‟emploi courant de l‟expression « chemin ferré ». Utilisée aussi dans la chanson de geste, les
Narbonnais, elle pourrait être liée à d‟anciennes exploitations ferrières. Suivant M. Rouche :
« À une date inconnue, les anciens ferriers gallo-romains ont été transformés en véritables
carrières de matériaux légers et durs pour empierrer soit les vieilles voies romaines, soit les
routes nouvelles »1112. Ce rapprochement ne serait évidemment pas inintéressant pour
Carhaix, mais il semble que seule l‟exploitation de mines de plomb soit bien attestée dans
cette zone.
C‟est seulement à la toute fin du Moyen Age que nous commencons vraiment à être mieux
renseigné sur l‟organisation du réseau routier autour de Carhaix. Une fois encore, c‟est le rôle
rentier de 1539-1542 qui en constitue la source d‟information principale. Comme a pu
l‟analyser J.F. Dreyer, le chemin est élément marquant du paysage et il est donc logique qu‟il
soit courament évoqué dans ce type de document1113. Le texte cite, en effet, plusieurs des
grands axes de communication auxquels la ville médiévale était reliée. Même si l‟on ne doit
pas négliger les grands travaux du XVIIIe siècle et les transformations qu‟ils ont
occassionées, il semble possible de reporter ces différentes indications sur les fonds
cartographiques que nous possédons. Le premier itinéraire important donné par le rentier est
« le grand chemyn par où l‟on va de ladicte ville de K(er)ahes à Kemper(coren)tin »1114 ou
« le grand chemyn menant de K(er)ahes à Gourrin »1115 Le document ne donne guère d‟indice
pour l‟identifier. Il paraît cependant vraisemblable qu‟il corresponde à la route de Gourin du
XVIIIe siècle, figurée sur le plan de la ville de 1772. Cette dernière partait depuis la rue du
tour du château, en face de la rue des Carmes, pour emprunter le tracé de l‟actuelle route de la
Magdeleine et de Kergalet. En évoquant « ung bout de pezzie situé au village de Kergroix »,
le document cite également le « chemyn conduisant de K(er)ahes à Mourlaix »1116. La
localisation dans le secteur de Kergroas semble faciliter son identification avec la route
moderne de Morlaix qui partait depuis la collégiale Saint-Trémeur jusqu‟au Petit-Carhaix,
pour rejoindre le hameau de Plounévézel et ensuite prendre la direction d‟Huelgoat. Il reste
enfin le cas du « chemyn qui mesne de Sainct-Augustin à Saincte-Katherine » 1117 ou
« chemyn mesnant de la rue Neuffve à Saincte-Katherine »1118. Le texte ne précise nullement
que cette route correspond à un grand axe de communication. Néanmoins la direction qui lui
est donnée, vers Sainte-Catherine, fait indubitablement penser à la route de Callac, figurée sur
la carte de Cassini, qui emprunte le pont médiéval du même nom et passe donc devant l‟église
tréviale de Plounévézel. A en suivre les indications du rentier, ce sont donc au moins trois
grands axes qui s‟organisent depuis Carhaix et relient la cité à Morlaix et sans doute Callac au
nord et Quimper et Gourin au sud, des grandes routes qui semblent reprendre le parcours des
anciennes voies romaines de Morlaix-Kerilien, Lannion-Tréguier, et Quimper. Mais le grand
intérêt du document est aussi de faire apparaître le réseau routier local. Il cite en effet les
différentes voies qui relient les hameaux de la paroisse à la ville. Les mentions en sont
nombreuses. Notons le «chemyn par où l‟on va de la halle à l‟esglise de la chapelle de la
1111
Rouche, 2003, p. 48.
1112
Ibid., p. 52.
1113
Dreyer, 1999, p. 103-105.
1114
A.D.L.A., B 1103, f°14 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 25.
1115
A.D.L.A., B 1103, f°28 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 42.
1116
A.D.L.A., B 1103, f° 41 r°, f° 42 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 59, 60.
1117
A.D.L.A., B 1103, f° 20 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 32.
1118
A.D.L.A., B 1103, f°28 r°, f° 35 r°, f° 36 r°, f° 36 v°, 37 r°, etc. Le Mével, 1999, t. 2, p. 41, 50,.52, 53, etc.

137
Magdalaine »1119 ou celui « mesnant de la rue Neuffve à Saincte-Katherine », que nous avons
déjà évoqué. Mais c‟est aussi « chemyn conduisant dud(ict) conduissant dudict Kerahes au
Kergourtays », celui « qui conduict de Sainct Quigeau au village de Perzivien »1120 ou « les
deux chemyns qui vont de la vieille esglise à la Magdalaine »1121. .Ce réseau apparaît aussi
pour les paroisses voisines puisque le texte cite aussi les chemins menant du bourg de
Poullaouen à Leinburel, de Quellennec à Moulin Neuf, de Kergoet à Cozker, etc1122. Le
document est donc un très utile outil de travail pour la connaissance du réseau viaire
médiéval.

3.1.1.3 Les grands routes autour de l‟agglomération : analyse morphologique

L‟observation du parcellaire permet de constater la densité du réseau routier se développant


autour de la ville. Il se compose d‟une série de petits chemins qui se structure autour de
grands axes aboutissant directement dans l‟agglomération. La présentation de ces derniers est
essentielle pour comprendre l‟organisation urbaine. Nous décrirons l‟ensemble de ces grandes
routes que nous avons numéroté de 1 à 9 (fig.85) :

 L‟axe A 1

Il s‟agit de l‟ancien chemin de Morlaix. Celui-ci, après avoir traversé la paroisse de


Plounévézel, vient rejoindre Carhaix en franchissant l‟Hyères. Avant le pont du Petit-Carhaix,
il forme une patte d‟oie avec la route venant du hameau de Coatilouarn. Après la rivière, l‟axe
se divise en une série de chemins. L‟un part en direction de la rue des Bénédictins1123 par
lequel il rejoint la ville à l‟ouest de la place au charbon, pour se poursuivre à l‟intérieur de
l‟agglomération par la rue Hollo. Deux autres partent vers le sud-ouest et se dirigent vers la
chapelle N.D. du Frout et l‟église paroissiale de Plouguer. Le principal enfin, continue vers le
sud pour gagner la rue du Pavé au niveau de la collégiale Saint-Trémeur.
L‟antiquité de cette route ne fait aucun doute. Elle correspond, pour partie, à l‟ancienne voie
romaine de Morlaix et Kerilien. Son tracé aux abords de la capitale de la cité des Osismes est
cependant méconnu. Correspond-t-il à au chemin menant de la ville au Petit-Carhaix comme
le proposait L. Pape, ou se situait-il plus à l‟est comme semble le supposer G. Le Cloirec ?
Nous pouvons en tout cas penser que le franchissement de la rivière se faisait au niveau du
pont actuel. Comme nous venons de le voir l‟existence de ce chemin à la fin du Moyen Age
parait assuré si nous acceptons de l‟identifier au « chemyn conduisant de K(er)ahes à
Mourlaix » du rentier du XVIe siècle1124. Nous savons que le chemin connaît des
transformations au XVIIIe siècle. Les archives départementales d‟Ille-et-Vilaine conservent
d‟ailleurs un document qui atteste les travaux menés sur cette voie dans la paroisse voisine de
Poullaouen en 17641125. A Carhaix ; nous savons qu‟en 1774 est effectué « l‟élargissement et
[la] réparation de la banlieue de Morlaix »1126. De nouveaux aménagements ont lieu en
17861127. Il est difficile de déterminer l‟ampleur exacte de ces transformations. Nous ne
sommes pas certain qu‟ils aient considérablement modifié la physionomie de cet ancien

1119
A.D.L.A., B 1103, f° 14 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 25.
1120
A.D.L.A, B 1103, f° 19 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 30.
1121
Ibid., t. 2, p. 59.
1122
Cf. La courte liste donnée par A. Le Mével même si celle-ci est sans doute incomplète, cf. Ibid., t. 1, p. 136 .
1123
Ce chemin s‟appelle aujourd‟hui rue des abattoires, il tient son nom de l‟établissement établi au bord de son
parcours entre 1887-1890, cf. A.D.F. 2 O 224
1124
A.D.L.A., B 1103, f° 41 r°, f° 42 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 59, 60.
1125
A.D.I.V., C 2280.
1126
A.D.I.V., C 622.
1127
A.D.F. 1 E 1502 (5)

138
accès1128. Il est vraisemblable que la largeur importante de la route que l‟on peut constater
entre le Petit-Carhaix et la ville en soit l‟aspect le plus visible.

 L‟axe A 2 :

Il correspond à l‟ancienne route de Guingamp-Lannion. Ce chemin traverse l‟Hyères par le


pont médiéval de Sainte-Catherine puis se poursuit vers le sud-est en direction de la ville. La
majeure partie de son tracé est celui de l‟actuelle D. 787. Tout au long de son parcours, il est
rejoint par une série de petits chemins secondaires venant du manoir du Stanguer et des
hameaux de Kernaëret et du Minez.
Là encore, l‟ancienneté de la route ne fait pas de doute. Elle correspond à l‟ancienne voie
romaine menant vers Tréguier et Lannion que nous avons déjà évoqué. Nous la reconnaissons
dans le rentier du XVIe siècle dans la mention du « chemyn mesnant de la rue Neuffve à
Saincte-Katherine »1129. Sa pérennité est importante puisqu‟elle est encore utilisée à la période
moderne. Elle fait d‟ailleurs partie des grands axes représentés sur la carte de Cassini (fig.
91). La route est l‟objet d‟importants travaux au XVIIIe siècle. En 1774 nous est évoqué « la
réparation de la banlieue pour la route de Guingamp traversant le champ de foire »1130. La
largeur du chemin témoigne des transformations de cette période. Cependant, si cette route a
été reprise, l‟observation du cadastre fait apparaître deux recoupements avec l‟axe ancien. Le
premier se situe peu après le hameau de Kernaëret. Il est matérialisé par un îlot triangulaire
qui vient séparer le chemin en deux. Le tracé le plus direct, au sud, correspond sans doute à la
route royale du XVIIIe siècle. Le phénomène est similaire pour le second recoupement que
nous retrouvons peu avant le carrefour marquant l‟entrée de la ville. Nous observons là aussi
un îlot de forme allongé qui est contourné au nord par un tronçon de chemin dont le tracé est
fossilisé dans le parcellaire.
Avant son entrée dans l‟agglomération la route forme une patte d‟oie avec deux autres
chemins. Le premier, au sud, correspond, suivant l‟interprétation de certains chercheurs, au
dernier tronçon de la voie romaine de Rennes-Vannes-Corseul. Il est rejoint presque à la
perpendiculaire par le second chemin, l‟actuelle rue de l‟aqueduc romain, dont orientation
ainsi qu‟une fouille récente permettent de supposer l‟origine romaine1131. Le carrefour formé
par la rencontre de ces différents axes antiques est relié à la ville par une voie principale, la
rue Neuve. Il s‟agit incontestablement d‟un embranchement postérieur dont l‟origine
médiévale ne fait aucun doute. Il est d‟ailleurs cité dans le rentier du XVIe siècle1132.
Notons qu‟un second chemin, plus direct, part de la place du champ de foire pour rejoindre le
carrefour. Il s‟agit sans aucun doute d‟une réalisation du XVIIIe siècle comme en témoigne sa
largeur et son tracé rectiligne.

 L‟axe A 3

Il correspond à la route de Rostrenen. Sortant de la paroisse du Moustoir, ce chemin entre sur


le territoire de Plouguer au niveau du hameau de Kernevez. Il est rejoint peu après par la route
de Quintin avec laquelle il forme un carrefour. Il se poursuit ensuite de manière très direct
jusqu‟à la ville où il pénètre par la rue des Augustins.

1128
Nous noterons à la suite de M. Chevance, que le chemin marque une séparation entre deux systèmes
parcellaires différents, cf. Chevance, 2001, p. 417.
1129
A.D.L.A., B 1103, f°28 r°, f° 35 r°, f° 36 r°, f° 36 v°, 37 r°, etc. Le Mével, 1999, t. 2, p. 41, 50,.52, 53, etc.
1130
A.D.I.V. C 622.
1131
Hillairet, Le Cloirec, 1996, vol. annexe, p. 21.
1132
A.D.L.A., B 1103, f° 27 v°, 28 r°, etc. Le Mevel, 1999, t. 2, p. 41.

139
Sous cette physionomie, l‟axe décrit correspond à la route royale du XVIIIe siècle.
D‟importants travaux sont menés sur ce chemin à cette période. Nous manquons cependant
d‟informations précises concernant Carhaix. Nous savons que des aménagements sont menés
dans la banlieue Rostrenen. En 1775, l‟ingénieur des Ponts et chaussée P. J. Besnard estime
que « les accotements du pavé de la banlieue de Rostrenen sont tellement dégradés que
plusieurs bordures sont déjà hors de place et que le pavé se détruira insensiblement faute
d‟être accolé »1133.La largeur de la rue de la Fontaine Blanche témoigne sans doute des
travaux qui ont pu être mené.
L‟existence d‟une route ancienne suivant la même direction ne fait pas de doute. La voie
Rennes-Carhaix passe aussi par Rostrenen avant de rejoindre la capitale des Osismes. Son
tracé a été reconnu par J. Y. Eveillard. Comme la route moderne, elle entrait dans le territoire
de Plouguer au niveau de Kernévez. Son tracé ne se confond pas à ce niveau avec la route
royale de Rostrenen mais se situe plus au nord. J. Y. Eveillard en identifie un tronçon au
niveau des actuelles rues de Beg Avel et Tristan Corbière (fig. 85, a)1134. Ce chemin relie le
hameau de Kernevez (Villeneuve) à la chapelle Saint-Antoine au niveau de laquelle ont été
découvert une urne cinéraire du IIe siècle et un possible sarcophage médiéval 1135. Par la suite,
cet itinéraire nous semble se diviser en deux branches : l‟une vers le nord rejoint la patte d‟oie
formée avec la voie Lannion-Tréguier1136, l‟autre, plus au sud, est matérialisée par un petit
chemin et une limite parcellaire qui le prolonge en direction de Kerven et la rue des
Augustins.
Nous n‟avons pas retrouvé de mention de la route reliant Carhaix à Rostrenen au Moyen Age
mais son existence à cette période ne fait aucun doute. Nous connaissons l‟importance de
cette ville qui est le siège d‟une châtellenie et le lieu d‟un pèlerinage avec sa collégiale N.D.
du Roncier.

 L‟axe A 4

Cette route vient de la paroisse de Plévin, elle entre sur le territoire de Plouguer par le pont
de Kervoulédic, puis continue en direction de la ville en passant à proximité de Kergauran,
Kerbihan et Poulriou. Après Kerlédan, l‟axe forme un carrefour avec un chemin venant du
Moustoir. La route se poursuit ensuite vers le sud de l‟agglomération où elle forme une patte
d‟oie avec A5.
L‟axe se situe sur le tracé d‟une ancienne voie romaine menant en direction de Langonnet et
Hennebont1137. Nous n‟avons pas retrouvé de mention de cette route dans des documents
médiévaux mais son existence ne fait pas de doute. Elle dessert en effet la paroisse de Plévin
dont l‟origine semble remonter au haut Moyen Age. Plus loin, elle relie Langonnet où un
embranchement menait à l‟abbaye cistercienne du même nom fondée entre 1130 et 11581138.

 L‟axe A 5

Il correspond à la route de Quimperlé. Appelé « chemin de Motreff » sur le cadastre de 1819,


cet axe sort de cette paroisse pour entrer à Plouguer par Pont Daoulas. Il continue en direction
de l‟agglomération en croisant sur son parcours Goassec‟h, Kerdidre et Kerléon. Avant la

1133
A.D.I.V., C 622.
1134
Eveillard, 1975, Hillairet, Le Cloirec, 1996, vol. annexe, p. 12.
1135
Sanquer, 1980, p. 2.
1136
C‟est là que se situe la nécropole de Kerampest fouillée par P. du Châtellier.
1137
Pape, 1978, p. 55.
1138
Quaghebeur, 2002, p. 332.Nous savons que le monastère de Landévénnec possédait déjà un domaine à
Langonnet au XIe siècle, cf. Cartulaire de Landévennec (a), acte n°19, p. 558.

140
ville, le chemin forme un carrefour avec la route A 4. Les deux axes rejoignent ensuite les
rues de la Moutarde et du tour du château en déterminant un îlot triangulaire au sud-est de
l‟ancienne forteresse.
L‟origine de cette route est ancienne puisqu‟elle correspond à la voie romaine reliant la
capitale des Osismes à Quimperlé1139. Son tracé à l‟intérieur de la commune de Carhaix-
Plouguer n‟est sans doute pas à celui que nous venons de décrire. C. Hervé-Légeard et G. Le
Cloirec ont en effet observé à l‟ouest de A 5, une limite parcellaire continue qui lui est
parallèle (fig. 85, b). Cette dernière semble rejoindre la route de Motreff peu avant le point de
franchissement de la rivière à Pont Daoulas. Nous n‟avons pas de mention médiévale de cet
axe mais son existence ne fait pas de doute. Comme les exemples précédents, cette route est
réaménagée au XVIIIe siècle. En 1767, à Motreff, nous savons ainsi que le sieur de Poulissac
a avancé 228 livres pour faire escarper un rocher sur son parcours1140.

 L‟axe A 6

Il s‟agit de la route de Quimper, qui entrait sur le territoire de la paroisse de Plouguer après
avoir franchit la rivière peu après le lieu-dit Ty Névez en Motreff. Elle se poursuit vers le
nord en passant à proximité de Goastaillen, Kergallet, Penanvoaz, Tronjoly et Kerléon. A la
Madeleine, le chemin change légèrement de direction pour rejoindre la ville au niveau de la
rue des Carmes. Cette physionomie particulière de la dernière partie du tracé pourrait faire
penser à une bifurcation postérieure née de la volonté de relier l‟axe au réseau viaire de
l‟agglomération. Cette idée reste cependant hypothétique.
L‟origine de la route est ancienne, puisqu‟il s‟agit de la voie romaine de Quimper. Nous avons
déjà décrit une partie de son parcours, qui, après traversé Motreff, rejoignait l‟itinéraire
protohistorique qui se dirigeait vers le chef-lieu du diocèse de Cornouaille. Cet axe est
mentionné dans le rentier du XVIe siècle qui évoque « le grand chemyn par où l‟on va de
ladicte ville de K(er)ahes à Kemper(coren)tin »1141 et « le grand chemyn menant de K(er)ahes
à Gourrin »1142. Il est facile de comprendre l‟importance de cette route qui reliait Carhaix à
Gourin, chef-lieu d‟une châtellenie ducale, et Quimper qui est l‟une des agglomérations le
plus importantes de la région. Elle fait partie des grands axes sortant de Carhaix représentés
sur la carte de Cassini au XVIIIe siècle. Nous savons que des travaux ont lieu tout au long de
son parcours à cette période1143.

 L‟Axe A 7

Nous n‟avons pas suivi cette route sur une très longue distance. Elle reliait, en tout cas,
Carhaix aux bourgs de Saint-Hernin et de Spézet. Elle entrait sur le territoire de Plouguer au
niveau du Port de Carhaix qui pourrait correspondre à l‟ancien « Pont de Guergoat » cité en
16781144. Il se poursuit vers la ville en passant à proximité de Kervennec, Kergadiguen,
Kernabat, Lannoennec et Créac‟h Hénan. Enfin, à l‟entrée de l‟agglomération, il vient se
greffer à la rue Cazuguel.
Le parcours de cet axe ne correspond à celui d‟une voie romaine reconnue. Nous ne
possédons pas de mention attestant son existence au Moyen Age mais cela ne signifie pas
pour autant qu‟il n‟existait pas à cette période.

1139
Pape, 1978, p. 55.
1140
A.D.I.V., C 2279.
1141
A.D.L.A., B 1103, f°14 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 25.
1142
A.D.L.A., B 1103, f°28 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 42.
1143
A.D.I.V., C 2279.
1144
Deshayes, 2003, p. 41.

141
Nous noterons qu‟il existe, à l‟est, un chemin parallèle à cette voie (fig. 90, C). Celui-ci
correspond à l‟actuelle route de Tronjoly qui vient rejoindre A 7 au niveau de l‟ancien
manoir. Plus au sud son parcours se suit très bien sur le cadastre napoléonien où il aboutit à
Penanvoaz. La route disparaît à ce niveau mais il est possible qu‟elle descende à l‟origine
jusqu‟à la rivière. Depuis le hameau nous observons en effet une limite parcellaire régulière
qui semble en poursuivre le tracé. Il serait intéressant de vérifier si son parcours continuait
dans la commune voisine.

 L‟Axe 8

Il s‟agit de la route menant vers Châteauneuf-du-Faou et Châteaulin. Celle-ci franchit


l‟Hyères au niveau du Moulin du Roy pour se poursuivre de manière assez direct jusqu‟à la
ville où elle aboutit, par l‟actuelle rue du docteur Menguy, au niveau de l‟ancien château.
Il parait difficile de juger de son ancienneté. Nous savons qu‟il existait un grand itinéraire
romain qui reliait la capitale de la cité à Châteaulin et Douarnenez. Son parcours au niveau de
Carhaix reste dans le détail mal connu. Le rentier du domaine royal de Carhaix au XVIe siècle
ne cite pas l‟existence d‟une grande voie dans cette direction. Elle existe cependant puisque le
rentier de 1540 de Châteauneuf-du-Faou, Huelgoat et Landeleau cite « le grand chemyn qui
conduict [...] du bourg dudit Landeleau à la ville de Kerahes »1145. L‟analyse du parcellaire
montre clairement que la physionomie de cet axe est issue des grands travaux du XVIIIe
siècle. L‟observation de sa largeur et son tracé rectiligne suffit pour s‟en convaincre. Nous
savons que des travaux ont lieu à cette période. En 1727 est rétabli « le pont du Moulin du
Roy proche de Carhaix allant à Chateauneuf, Châteaulin et Brest »1146. Aux abords de la ville,
nous savons que des aménagements sont prévus en 1780 et 1782 dans la « banlieue de
Chateauneuf », il s‟agit alors de paver la rue au sud de l‟enclos des Ursulines pour rendre le
chemin plus praticable1147. Il est d‟ailleurs projeté de détruire le mur d‟enclos du couvent pour
réaligner la rue, ce qui ne sera jamais réalisé.
Les travaux du XVIIIe siècle ont-ils repris un tracé plus ancien ? Ce n‟est pas impossible mais
il faut noter l‟existence de deux autres chemins dont l‟origine pourrait aussi être ancienne. Le
premier (fig. 90, d), se sépare de l‟axe que nous avons décrit peu après le Moulin du Roy pour
le longer au nord et rejoindre la ville au niveau de l‟ancienne rue des Ursulines. Le second
chemin, au sud (fig. 9, e), est aussi parallèle à la route royale du XVIIIe siècle. Il débouche au
sud-ouest de l‟agglomération dans la rue Cazuguel. Il dessert donc un secteur dans lequel une
nécropole antique est localisée ce qui pourrait être un indice de son ancienneté1148.

 L‟Axe A 9

Il s‟agit de la route de la Feuillée et Landerneau. Son tracé est facile à suivre, après Moulin
Meur, celui-ci rejoint la ville en passant à proximité de Croas Men, Kerdaniel et Saint-Pierre
de Plouguer qu‟il longe pour continuer par la rue de l‟église jusqu‟à la collégiale Saint-
Trémeur.
La physionomie que ce chemin sur les cadastres de 1819 et 1820 fait incontestablement
penser à un réaménagement du XVIIIe siècle. Son origine est pourtant plus ancienne puisque
cet axe se raccroche à la voie romaine menant vers Kerilien en Plounéventer et l‟Aber
Wrac‟h. Cette dernière se poursuivait après Carhaix, en traversant Kergloff et Poullaouen

1145
Dreyer, 1999, p.82. A.D.L.A., B 1191, f°82 v° (non consulté).
1146
A.D.I.V., C 2279. Le devis de cette construction est conservé.
1147
A.D.F., 2 E 1502 (5) 1 E A.D.I.V. C 622. Le devis de 1782 conservé à cette dernière référence, précise qu‟il
existe sur cet axe « une ornière considérable ce qui a retardé jusqu‟à présent la construction de ce pavé ».
1148
Hillairet, Le Cloirec, 1996, vol. annexe, p. 14.

142
avant de franchir l‟Aulne. Le tracé que nous avons décrit pourrait donc reprendre un parcours
plus ancien. Le réseau de chemins secondaires reliant hameau, moulin ou manoir qui s‟y
raccroche semble militer en faveur de cette hypothèse. Nous notons qu‟une longue parcelle se
développe sur la partie sud de la route depuis Moulin Meur pour atteindre, presque, le
croisement avec le chemin de Kerniguez. Elle semble témoigner d‟un réalignement de la route
sans doute effectué au XVIIIe siècle. Pour terminer au sujet de cet axe, nous soulignerons que
celui-ci parait relié à A8 par un chemin secondaire (fig. 90, f). Celui-ci, déjà repéré par C.
Hervé-Legeard correspond à une ligne parcellaire dont le tracé, régulier, longe le parcours de
l‟Hyères1149. Il semble se poursuivre au nord de Moulin-Meur pour gagner le moulin de
Kerniguez puis Plouguer.

3.1.2 La ville

3.1.2.1 Le réseau viaire de la ville

 Le témoignage des sources écrites

Avant de décrire les grands traits du réseau viaire de la ville, il est sans doute utile de faire le
point sur les informations données par les documents écrits. Là encore, le rôle rentier du XVIe
siècle apparaît comme notre principale source d‟information. Mis à part quelques rares
exemples, c‟est lui qui nous fournit la plupart des mentions anciennes des rues
l‟agglomération. Plutôt que de présenter en détail l‟ensemble de ces différentes indications
nous avons préféré les regrouper dans un tableau présentant les principaux axes du centre de
l‟agglomération en précisant leur nom actuel, leur appellation au début du XIXe siècle et leur
mention médiévale lorsqu‟elle existe. Nous avons aussi ajouté les noms des rues citées au
Moyen Age que nous n‟avons pas pu situer (fig.92 et 93).

Nom actuel Nom en 1819 Mention médiévale Source

Boulevard de la Rue des Ursulines / /


république
Rue des Abattoirs Rue des bénédictins / /

Rue Anatole le Braz Rue des trois « chemin mesnant du A.D.L.A, B1103, f°
chapelles marcheix de cesdicte 26 r°
ville à Sainct
Quigeau »
1539-1542
Rue de Bazeilles Rue Neuve « rue neuffve » A.D.L.A, B1103,
1539-1542 f°26 v°
Rue Brizieux Rue du Pavé « Rue du Pavé en AD.L.A, B 1103
allant de la cohue à
Saint Trémeur»
1539-1542
Rue des Carmes Rue des Carmes « chemin qui A.D.L.A, B1103,
conduist de la cohue f°20 v°
au chasteau » ?

1149
Ibid., vol. annexe, p. 13.

143
1539-1542
Rue de Cazuguel Rue de Cazuguel « Rue de Cazuguel » A.D.L.A, 1103 f°49°.
(rue Veniec dans sa 1539-1542
partie basse en 1772)
Rue du Croas Lohou Rue de Croas Lohou « rue de la Croix A.D.L.A, B1103,
ou rue du docteur ou rue du château ? Lohou » f°21 r°.
Menguy ? 1539-1542
Rue Danton Cour Saint-Hervé / /
Rue de l‟église de Rue des vignes « Chemin qui conduit A.D.L.A, B1103,
Plouguer de l‟esglise Saint- f°15 r°
Trémeur à la vieille
église »
1539-1542
Rue Ernest Renan Route de Morlaix « chemin qui va A.D.L.A, B 1103, f°
dudict 35 v°
Kerhahes à
Tnouglevian »
1539-1542
Rue Hollo Rue Hollo / /

Rues G. Lambert, F. Rue des Augustins «la Rue des A.D. F, 1 G 326
Faure et F. Lancien Augustins »
1500
Rue Laënnec- Rue des orfèvres « venelle par ou l‟on A.D.L.A, B 1103 ; f°
va de ladicte rue des 27 v°
Augustins à Poul an
Ran »
1539-1542
Rue Mauviel ou rue Rue du Sel ( rue de la « la rue qui conduit A.D.L.A, B 677
A. Emireau Moutarde en1772) ou de la cohue de ladite
rue des Sabots ville de K/ahais au
marchix »1522
« Rue et pavé appelé
rue de la Moutarde A.D.L.A, B1103
qui conduist du
marché à la cohue »
1539-1542
Rue des Martyrs Rue de la fontaine « LaFontaine A.D.L.A, B1103, f°
Blanche Blanche » 11 r°
1539-1542
Rue Oberhausen Rue Bour / /
Rue de la Tour Rue Saint-Joseph « rue qui dévale de la A.D.L.A, B1103, f° 21
d‟Auvergne cohue à Croix- r°
Lohou » 1539-1542
Rue du Tour du Rue du Tour du / /
château château

144
Rue des Ursulines Tour des halles « rue qui conduist du A.D.L.A, B1103, f °
bout bas de la halle 22 v°
au boult de hault
d‟icelle » ?
1539-1542
Non identifié Non identifié « grand chemin qui A.D.F., 13 H 11
conduit de l‟église de
Saint-Quigeau à la
Fontaine Ledan»
1499
Non identifié Non identifié « Rue du Palic » A.D.L.A, B1103
1539-1542 f° 27 r°.

Non identifié Non identifié « la rue aux AD.F, 1G 326


Sergents »
1425 »

La lecture de ce tableau impose sans doute quelques remarques. Il faut d‟abord préciser que,
lorsqu‟elle est possible, l‟identification d‟une rue actuelle avec une mention ancienne ne pose
souvent aucune difficulté. Il semble bien que les appellations médiévales soient, pour une
large partie, utilisées jusqu‟au début du XXe siècle1150. Deux problèmes peuvent cependant
être signalés. Le premier concerne la rue de la Moutarde que le rentier place entre les halles et
le Martray, ce qui semble bien correspondre à la position de l‟actuelle rue Mauviel.
Cependant ce nom de rue est donné à la voie qui borde l‟ouest de l‟ancien château sur le plan
de 1772. Le second problème est similaire, il concerne la rue Croas Lohou. Cette dernière
correspond aujourd‟hui à l‟axe longeant la partie ouest de la forteresse, or, là encore, son
emplacement est différent sur le plan de l‟ingénieur Besnard puisqu‟elle est identifiée à
l‟actuelle rue du docteur Menguy. Il semble donc que des noms de rues se soient déplacés.
L‟analyse du tableau montre aussi qu‟une partie des rues connues au centre de
l‟agglomération n‟est pas citée au Moyen Age. Cela ne signifie pas pour autant que ces axes
n‟existaient pas à cette période. L‟origine probablement romaine de certaines rues non citées
dans le rentier semble d‟ailleurs le prouver.

 L‟empreinte de la cité romaine

Le passé romain de Carhaix est évidemment une donnée essentielle. Tout travail sur la
morphologie de l‟agglomération médiévale doit le prendre en compte afin de déterminer son
impact sur l‟organisation de la ville par la suite. Il est donc nécessaire de faire un point, même
rapide, sur nos connaissances actuelles de la trame urbaine de Vorgium.
Dans sa thèse, parue en 1978, L. Pape fut le premier à traiter cette question. En l‟absence de
fouilles et donc de rues antiques reconnues, son travail s‟est alors uniquement concentré sur
l‟analyse du cadastre napoléonien. L‟historien y nota de grandes régularités qu‟il proposa
d‟attribuer à la ville antique. Suivant son interprétation, la cité romaine suivait un « plan
orthogonal [dont] le quadrillage est très net ; l‟axe essentiel en est la rue Brizieux (ex-rue du
Pavé) prolongée au nord par la rue Ernest Renan (ex-route de Morlaix) et au sud la rue des
Carmes ; cet axe n‟est pas exactement N-S mais N.-N.-O.-S.S.E., il n‟a pas varié depuis
l‟Antiquité puisque les canalisations souterraines de l‟aqueduc gallo-romain lui sont
parallèles. L‟ancien nom de rue du Pavé est aussi significatif. On constate que les principaux
édifices religieux de la ville sont orientés perpendiculairement à cet axe [...]. Etant donné sa
1150
Sur les changements de noms des rues voir l‟exellent ouvrage de D. Mesgouez, cf Mesgouez, 1991.

145
position, nous pensons que cet axe est l‟ancien cardo maximus de la ville, il donnait accès au
nord à la sortie [...] vers Morlaix et Kerilien, au sud à la sortie [...] vers Quimper. Toute une
série d‟autres axes nord-sud lui sont parallèles. Quant à l‟autre direction est-ouest, celle des
decumani, elle est également bien visible ; les rues Ferdinand Lancien, F. Faure et du général
Lambert (ex-rue du Fil et des Augustins) forment sans doute le decumanus maximus. Vers
l‟est, cette rue devait se poursuivre et rejoindre la sortie [...] vers Corseul, Rennes et
Vannes»1151.

Cette reconstitution a par la suite été reprise par l‟ensemble des spécialistes bretons de la
période gallo-romaine dans les différentes synthèses qui ont pu être rédigé1152. Des critiques
ont certes pu être faites par J. F. Caraes dans son travail sur l‟histoire de Carhaix au Moyen
Age. En effet pour ce chercheur « on ne peut claquer le plan de Vorgium sur celui du Carhaix
moderne, ce dernier ayant subi d‟importantes modifications à l‟époque classique. On verra
plus loin que la rue des Carmes n‟existait pas avant le XVIIe siècle, que la rue Lancien ne fut
jamais qu‟une ruelle sans importance [...] que la route de Brest dérivait de celle de Morlaix,
mais en dehors de la ville. Le carrefour du cardo et du decumanus ne peut par conséquent être
placé à l‟intersection des rues Brizieux et Lancien ; il faudrait davantage le rechercher du côté
de l‟ancien bourg de Plouguer, où l‟on a retrouvé l‟emplacement de temples et d‟une vaste
place, et du côté duquel les habitations s‟étendaient jusqu‟à Kerdaniel »1153. Certaines des
remarques de l‟historien ne sont sans doute pas sans intérêt, particulièrement en ce qui
concerne la rue des Carmes dont le tracé se situe dans la partie sud de la forteresse médiévale
de Carhaix. Il reste que certaines des affirmations de l‟auteur sont fausses. La tradition
voulant qu‟un temple ait précédé l‟église Saint-Pierre n‟est absolument pas prouvée, il semble
donc bien hasardeux de vouloir situer le centre monumental de Vorgium dans ce secteur.
La question de la trame urbaine de Vorgium a été reprise par C. Légeard à l‟occasion de la
réalisation de la carte archéologique communale en 1994 puis de manière plus détaillé dans le
D.F.S.du centre hospitalier en 1996 (en collaboration avec G. Le Cloirec)1154. Reprenant
l‟analyse du cadastre, le chercheur a pu mettre en valeur l‟existence d‟une série de rues ou de
chemins se concentrant dans un secteur assez proche et suivant une orientation similaire. En
les associant aux différents tronçons de rue antiques découverts à l‟occasion de plusieurs
interventions archéologiques, elle a pu reconstituer un carroyage théorique de la ville romaine
qui semble validé par les découvertes les plus récentes. Mais plus que la physionomie de la
ville antique, c‟est l‟impact qu‟a pu avoir celui-ci sur la morphologie de l‟agglomération par
la suite qui nous intéresse.
Voici donc une courte liste des principaux axes de la ville romaine. Dans le sens des cardines
nous retiendrons (fig. 94):

 L‟axe A :
Il se situe à l‟ouest de la ville. Son tracé a été reconnu à l‟occasion de la fouille du centre
hospitalier. Il peut théoriquement être poursuivi plus au nord, où il rejoint le chemin de la
Reguine, à l‟ouest de l‟église de Plouguer, aujourd‟hui disparu.
 L‟axe B :
Son existence est pour l‟instant présumé. Il n‟existe aucun tronçon antique reconnu sur son
tracé. La rue Cazuguel au sud pourrait en être la matérialisation dans le paysage urbain actuel.
 L‟axe C :

1151
Pape, 1978, p. 97.
1152
Eveillard, 1991, p. 56.
1153
Caraes, 1984, p. 118-119.
1154
Hillairet, Le Cloirec, vol. annexe, p. 1-26.

146
Comme l‟exemple précédent, cette rue n‟est pas attestée archéologiquement Son tracé, déjà
repéré par L. Pape, partirait de l‟ancienne route de Morlaix (rue Ernest Renan) pour se
poursuivre par la rue du Pavé puis à l‟intérieur du château par la rue des Carmes.
 L‟axe D :
Il serait matérialisé dans le paysage urbain par la rue des Bénédictins, continuerait par la rue
Hollo, pour passer sur le côté oriental du château et rejoindre l‟ancienne route de Motreff.
 L‟axe E
Il passe le long de l‟actuel rue Laënnec et se poursuit plus au sud où il correspond au côté
occidentale de la place du champ de bataille.
 L‟axe F
Il se situe dans la partie ouest de la ville, où il longe l‟actuelle rue des Augustins, où une
intervention archéologique menée en 1989 a permis d‟en reconnaître un tronçon1155. Il
continuerait théoriquement vers le sud en suivant le bord oriental de la place du champ de
bataille.
 L‟axe G :
Il passait à l‟est de la place du champ de foire. Son existence ne semble pas avoir eu
répercutions dans le parcellaire.
 L‟axe H :
Il correspond, approximativement, au tracé des rues actuelles des Oiseaux et de l‟aqueduc
romain et se poursuivrait par le chemin de la Salette. Le long de cette voie existait un petit
bâtiment thermal qui a été fouillé dans la rue de l‟aqueduc romain1156.

Dans le sens des decumani, nous noterons :

 L‟axe 1 :
Il s‟agit d‟une rue qui passait au nord de l‟église de Plouguer pour rejoindre le carrefour des
voies Lannion-Tréguier et Rennes-Vannes-Corseul. Le long de son tracé ont été découvert 3
sites gallo-romains. Le premier, rue Charles Le Goff, est un habitat domestique composé d‟au
moins quatre pièces. Le second, rue H. Le Janne, est un ensemble de bâtiments avec un réseau
de fossé occupé du Ier au IVe siècle. Le dernier, se situe sur la route de Brest où a été repéré
trois murs à l‟occasion d‟un sondage1157.
 L‟axe 2
Il s‟agit d‟une voie dont le tracé est proche de celui de la rue de l‟église de Plouguer, il rejoint
ainsi le nord de la ville où il est matérialisé par l‟actuelle rue Oberhausen dans la partie
septentrionale de la place des Droits de l‟Homme.
 L‟axe 3 :
Son existence n‟est pas attestée archéologiquement, mais son tracé supposé semble
matérialisé à l‟ouest de l‟agglomération par la rue du Piti Gueguen.
 L‟axe 4 :
Il correspond à l‟ancienne rue des Augustins. Son tracé mis en valeur par L. Pape n‟est pas
repris par C. Hervé –Legeard et G. Le Cloirec qui n‟en expliquent pas la raison. Nous l‟avons
ajouté sur le plan car elle nous semble bien suivre la même orientation que le reste de la trame
antique.
 L‟axe 5 :
Il s‟agit de la rue mise au jour dans la réserve archéologique. Le prolongement de son tracé à
l‟ouest permet de constater qu‟elle correspond au chemin donnant vers la route de
Châteauneuf-du-Faou. Vers l‟est, elle rejoint la partie sud de la ville où son existence est

1155
Le Goffic, 1989, Le Goffic, 1993.
1156
Hillairet, Le Cloirec, 1996, vol. annexe, p. 21.
1157
Ibid., vol. annexe, p. 21.

147
matérialisée par l‟ancienne rue des trois chapelles, actuelle rue Anatole le Braz. Elle passe
ainsi au sud de la place du champ de bataille pour rejoindre l‟ancienne église Saint-Quigeau.
 L‟axe 6 :
Il a aussi été repéré sur le site de la rue du docteur Menguy, il se situait directement au sud de
la précédente. Son prolongement théorique vers la ville suppose qu‟il passait dans la partie
méridionale de l‟ancienne forteresse, le long de la rue du tour du château1158.
 L‟axe 7
Cette rue se situait au sud de l‟agglomération de Carhaix. Elle passait à proximité de l‟actuelle
impasse du clos Saint-Etienne qui n‟existait pas sur le cadastre de 1819.

Cette présentation rapide de quelques unes des rues romains attestées ou supposées, permet de
constater l‟impact de la trame antique sur la morphologie de l‟agglomération. Un certain
nombre de ces voies existent encore actuellement, elles ont donc conditionné, en partie, le
développement de la ville. Il ne faut néanmoins pas minimiser les transformations réalisées
dans les périodes suivantes. Une observation plus attentive, montre que beaucoup de voies ont
dû disparaître au cours du Moyen Age et de la période moderne. Le fait est très net au niveau
de l‟ancienne forteresse dont la construction semble avoir fait disparaître au moins trois rues,
à savoir les axes D, 5 et 6

 Les axes structurants de la ville médiévale

Une observation, même rapide, du cadastre et sa confrontation avec les sources écrites
suffissent sans doute pour repérer les rues qui furent les grands axes du développement de
Carhaix au Moyen Age et même encore à la période moderne.

Le premier et le principal de ces axes est évidemment l‟ancienne rue du Pavé mentionnée
pour la première fois en 1539-1542. Orientée nord-sud, celle-ci relie les deux pôles principaux
de l‟agglomération médiévale. Partant au nord, depuis l‟église Saint-Trémeur, attestée en
1210 et la place aux charbons, citée en 1425, elle rejoint au sud le château, évoqué pour la
première fois à la fin du XIIe siècle dans le Roman d’Aiquin. Elle possède, au moins depuis le
Moyen Age central, un rôle essentiel dans la ville qu‟elle conserve encore à la fin du XVe
siècle, puisque c‟est au bord de cette rue que s‟installe l‟hôpital Sainte-Anne. Le long de cet
axe se développe une série de parcelles laniérées et étroites dans lesquels se regroupe un bâti
très dense. Au nord, il donne directement sur l‟ancienne route de Morlaix. Nous savons que
celle-ci a été reprise au XVIIIe siècle, mais nous ne pensons pas que ces travaux en ont
considérablement modifié le tracé. C‟est d‟ailleurs elle qui relie la ville à son principal
faubourg, Trouglévian, placé au franchissement de l‟Hyères
Comme nous venons de le voir, l‟origine de cet axe semble ancienne puisqu‟il suit la même
orientation que la trame romaine supposée. Son tracé continue même vers le sud pour
rejoindre la place des halles, puis la rue des Carmes et enfin déboucher sur la route de
Quimper. Il traverse par conséquent l‟ensemble de l‟ancienne forteresse, ce qui n‟est pas sans
poser question. Deux solutions sont donc possibles, soit le château s‟est mis en place en
conservant, à l‟intérieur même de son tracé, l‟ancienne rue antique, soit ce tronçon ne s‟est
développé que par la suite. Hypothèse qui n‟est pas invraisemblable d‟autant que la route
menant à Quimper semble avoir été détournée pour le rejoindre, comme le suppose le tracé
oblique qui la relie à la rue des Carmes.

1158
Nous notons qu‟une limite parcellaire rectiligne au sud de la place du champ de Bataille pourrait lui
correspondre.

148
Le second axe de développement est évidemment la rue des Augustins. Orientée est-ouest,
celle-ci longeait le château pour rejoindre la rue de la fontaine blanche. Citée pour la première
fois en 1500, elle tient son nom du couvent qui s‟y est installé en 1355. Là encore, son tracé
est très proche de la trame antique de Vorgium ; elle pourrait donc reprendre un ancien axe de
la ville romaine. Mais si tel est le cas, elle dut connaître d‟importantes modifications. La
différence est ainsi marquante entre la partie occidentale et orientale de son tracé. A l‟ouest,
dans la portion appelée rue du Fil, à la période moderne, l‟axe, assez étroit, suit un tracé
courbé. La voie épouse en effet, ici, le contour de la forteresse. Sous cette forme le tronçon ne
peut donc dater que de la période médiévale. Après la place forte, le tracé de la rue devient
plus rectiligne suivant une orientation qu‟elle poursuit jusqu‟à la rue de la Fontaine Blanche et
la sortie de la ville. Elle s‟élargit aussi considérablement, ce qui n‟est pas sans poser quelques
questions. Il n‟est pas impossible que cet aspect soit issu des transformations connues par la
ville au XVIIIe siècle. Nous savons en effet que d‟importants travaux touchent
l‟agglomération à cette période. Les rues et leur pavage sont rénovés à de nombreuses reprises
en 1740-1741, 1742, 1745 et en 1785-17861159. Les archives ne sont malheureusement pas
toujours précises sur la localisation de ces travaux, mais il ne fait guère de doute que ceux-ci
touchèrent la rue des Augustins. D‟autant que cette voie de circulation traverse des secteurs
qui ont connu d‟importantes transformations, à savoir la place du champ de foire au nord1160
et le Martray au sud1161. Il faut d‟ailleurs noter qu‟il n‟existe aucune maison ancienne
(entendons par la XVIe et XVIIe siècle) sur cette partie de la voie qui correspond aujourd‟hui
à la rue du Général Lambert. Les constructions du XVIIIe siècle sont, par contre, nombreuses,
citons au sud la maison n° 10 datée précisément de 1767 et au nord les n° 3, 5, 7, 10 et 15.
Celles-ci sont d‟ailleurs placées suivant la même orientation, comme le montre l‟observation
du cadastre napoléonien. Elles suivent, en effet, ce tracé légèrement en biais, que forme le
côté nord de la rue à cette époque, entre l‟ancien château et le couvent des Augustins. Cette
impression est certes très différente lorsque l‟on visite Carhaix aujourd‟hui, mais notre vision
est faussée par le réalignement de la rue opéré par la suite.

3.1.2.2 L‟empreinte du château et la question de l‟enceinte urbaine

L‟emplacement de l‟ancienne forteresse de Carhaix constitue l‟anomalie du parcellaire la


plus facile à repérer sur le cadastre. Il revient à C. Legeard et P.Kernévez d‟avoir attiré les
premiers l‟attention sur celle-ci1162. Elle dessine en effet la forme d‟un quadrilatère aux angles
arrondis de 180 à 220 m de côté, longé dans sa partie sud par une rue dont le nom de « tour du
château » est évocateur (fig. 95, B1). Les parcelles n° 613 et 614 englobées par celle-ci sont,
de plus, dites « jardin, ruine et promenade du rempart » dans les états de section de 18231163.
Peut-être n‟a-t-on pas cependant assez souligné qu‟il s‟agit du tracé extérieur de l‟enceinte du
château, celui du côté contrescarpe de la douve. A celui-ci correspond en effet, un tracé
intérieur (fig. 95, B2) que l‟on suit en partie au nord, où il épouse la forme de la rue des
Ursulines1164, puis disparaît au niveau de l‟ancienne rue de la Moutarde, pour reprendre le
long du pan de courtine encore subsistant et disparaître à nouveau à l‟emplacement du

1159
.A.D.I.V, C 617, 620 et 621, Nieres, 2005, p. 194, note117, Le Chartrier dir., 2005, p. 133.
1160
AD.I.V., C 621, A.D.F. 2 E 1502 (5) (contient notamment un plan des travaux menées sur le champs de
foire).
1161
A.D.I.V., C 620.
1162
Legeard, 1994, p. 87, Kernévez, 1997, p. 53.
1163
A.D.F., 3 P 27/2
1164
A ce niveau le tracé doit sans doute être plus considéré comme le reflet de la présence de l‟enceinte du
château que son positionnement exact. Celle-ci devait se trouver plus au nord, dans la continuité de la muraille
subsistante. Nous n‟avons cependant pas identifié de limite parcellaire nette qui pourrait lui correspondre de
manière assurée.

149
couvent des Carmes. Cet établissement a sensiblement transformé le parcellaire, par
l‟aménagement de ces deux grandes parcelles rectangulaires (n° 639 et 640) qui occupent
toute la partie sud-ouest de l‟ancienne place forte. Mais l‟empreinte du fossé reste, dans
l‟ensemble, clairement visible. Son existence a de plus été confirmée par l‟intervention
archéologique menée au pied de la courtine en 19991165. Il est remarquable de constater la
différence entre la partie nord-est de la douve, où se concentre le bâti et le sud, où le fossé
apparaît plus nettement encore, du fait de l‟absence de construction. Il est vraisemblable que
cette situation cristallise le développement urbain de Carhaix au XVIe siècle. Nous avons déjà
vu que le château, abandonné à cette période, voit se multiplier les installations d‟habitations
ou de terres cultivées à son emplacement. Suivant le rôle rentier de 1539-1542, ce mouvement
à commencer « d‟iceulx puix trante ans derroins mal prinses, usurpees et eddiffices et
héritaige du roy dedans son chasteau de Kerahes et aux douves et pourprins d‟iceuleuy ». La
partie nord de l‟enceinte est une illustration parfaite de ce phénomène. L‟habitat vient s‟y
concentrer en raison de la présence des halles qui se situaient au centre de l‟actuelle place de
la mairie. A contrario, la densité largement moins importante de constructions, dans la partie
sud de la douve témoigne d‟une occupation différente, correspondant sans doute à de simples
parcelles cultivées. Cette absence d‟habitat explique d‟ailleurs assez bien le choix de cet
emplacement par les Carmes en 1687, puisqu‟elle facilite l‟installation de nouvelles
constructions.
A l‟intérieur de l‟espace déterminé par la douve, nous distinguons un troisième tracé qui suit
une forme légèrement hémicylindrique (fig. 95, B3). Celle-ci longe la partie sud de la place de
la mairie depuis l‟ancienne venelle de la cour Saint-Hervé, près de laquelle se situait la
chapelle Saint-Pierre1166., avant de se courber en direction de la rue de la Tour d‟Auvergne.
L‟interprétation de cette forme parait délicate. Sa physionomie pourrait évidemment rappeler
la motte citée dans le rentier. L‟hypothèse est cependant audacieuse d‟autant que le
dimensions sont importantes ; environ 80 m de diamètre. A partir de son étude sur le rôle
rentier A. Le Mével pensait pouvoir restituer la présence dans ce secteur d‟une courtine d‟une
courtine qui pourrait matérialiser cette distinction château-place de la cohue qui apparaît à la
lecture du document. Suivant l‟interprétation de l‟historien, cette muraille « se prolongerait
plus au moins parallèlement aux halles jusqu‟à la rue Saint-Joseph exclue »1167. Elle
correspondrait donc assez bien avec le tracé que nous venons de mettre en évidence. Le
problème est t la forme hémicirculaire de celui-ci qui rend difficile son identification avec une
ancienne courtine. Précisons d‟ailleurs que l‟historien ne donne pas les raisons qui lui
permettent de faire cette restitution d‟un pan de l‟enceinte. Devant les difficultés que le
chercheur rencontre pour restituer le paysage de la ville à partir du rentier, il convient sans
doute de prendre en compte cette proposition avec la plus grande des prudences.
Il n‟est pas intéressant de revenir sur la question de la motte. Le rentier n‟est pas très précis
son l‟emplacement. Nous savons juste qu‟il existait une « venelle par où l‟on va de la chapelle
Saint-Pierre à ma mothe du cha(ste)au »1168.En 1984, J. Caraes fut le premier à proposer de
situer la motte dans le secteur sud-est de la forteresse (fig. 96)1169, avis repris par la suite par
C. Hervé Légeard et P. Kernévez qui l‟identifient avec la parcelle n°613 du cadastre
napoléonien1170. Cette hypothèse n‟est pas sans intérêt, d‟autant qu‟elle permettrait
d‟identifier le chemin menant de la chapelle Saint-Pierre à la motte, à l‟ancienne venelle de la
cour Saint-Hervé. Le problème reste la forme grossièrement rectangulaire de cette parcelle qui

1165
Le Cloirec, 1999, p. .
1166
A.D.L.A., B 1107, f° 239.
1167
Le Mével, 1999, t. 1, p. 105.
1168
A.D.L.A., 1103, f° 47 r°, Le Mével, 1999, p. 67.
1169
Caraes, 1984, p. 129.
1170
Legeard, 1994, p. 88, Kernévez, 1997, p. 53.

150
ne plaide pas forcément en faveur de cette proposition. Son nom de « jardin, ruine et
promenade du rempart » donné dans les états sections, ainsi qu‟à sa voisine 615, n‟apporte pas
d‟indice supplémentaire. C. Légeard a cependant attiré l‟attention sur la forme de l‟angle sud-
est de la parcelle, « ce demi-cercle qui pourrait être en quelque sorte l‟empreinte laissée par la
motte »1171. Cet argument ne nous semble pas déterminant. Au contraire, plus qu‟un
hypothétique ouvrage en terre, c‟est l‟ancienne enceinte du château qui semble bien avoir
imposé sa forme à la parcelle, comme le prouve sa limite orientale, qui correspond au pan de
courtine encore en place. Une muraille qui est, de plus, en parfaite continuité avec l'anomalie
constatée par C. Légeard est. En l‟absence d‟autres informations, il nous semble plus prudent
de ne pas se prononcer sur l‟emplacement de la motte.

La question de l‟enceinte urbaine, que nous avons eu l‟occasion d‟évoquer précédemment,


nous semble très liée à celle du château. Comme nous l‟avons vu, les indices la concernant
sont extrêmement minces. Il n‟en existe aucune mention explicite au Moyen Age. Et ce n‟est
seulement qu‟à la période moderne, et surtout au XVIIIe siècle que nous retrouvons évoquées
les anciennes portes de la ville. C‟est ici évidemment que l‟analyse morphologique prendrait
tout son sens en permettant de restituer le tracé de l‟ouvrage. Mais là encore, la chose n‟est
pas si simple. En 1984, J.F. Caraes avait bien proposé une reconstitution de celui-ci, qui
« partant de la motte du château, entourait un bayle jusqu‟à la rue Saint-Joseph, où une porte
devait ouvrir sur la route de Quimper. Remontant vers le nord, elle contournait le prieuré,
repartait vers l‟est en s‟ouvrant sur la route de Morlaix, englobait de vastes terrains au nord-
est pour redescendre vers le faubourg de la Fontaine Blanche et la porte de Rennes. De celle-
ci elle obliquait vers le château jusqu‟à la rejoindre à la porte Motreff, longeant le
Martray »1172. L‟auteur ne précise à aucun moment les raisons qui lui permettent de faire une
telle proposition (fig. 96). Celle-ci nous semble extrêmement contestable car elle ne
correspond généralement à aucune limite forte du parcellaire. L‟observation de la partie nord
et ouest de son tracé qui reflète surtout la volonté du chercheur de voir contenus à l‟intérieur
de l‟enceinte les éléments marquant de la ville médiévale. C‟est aussi le cas à l‟est, où rien ne
permet d‟imaginer un tel raccordement au niveau du Martray. Au contraire, nous pouvons
constater qu‟il n‟existe dans la ville aucun autre tracé attribuable à une fortification que celui
souligné précédemment. Deux explications sont donc ici possibles : soit l‟enceinte urbaine de
Carhaix n‟a eu aucun impact remarquable sur la morphologie de la ville, soit cet ouvrage ne
fait qu‟un avec la forme précédente. La première solution ne nous semble pas envisageable.
Un tel ouvrage ne peut avoir que des conséquences sur la forme d‟une agglomération
puisqu‟elle en a conditionné pendant un long moment le développement. C‟est le cas à
Lesneven où l‟empreinte des deux châteaux disparus est encore lisible1173 (fig. 97), de même à
Saint-Pol-de-Léon où l‟on observe nettement sur le cadastre la trace d‟une enceinte
quadrangulaire autour du quartier de la cathédrale. De nombreux cas, examinés dans d‟autres
départements, montrent même que l‟analyse morphologique peut quelquefois permettre de
repérer la trace d‟ouvrage antérieur à l‟enceinte connue à la fin du Moyen Age1174. Il convient
donc d‟examiner plus en détail la deuxième possibilité.
Comme nous l‟avons dit, il semble exister une distinction entre la partie nord et sud de la
forteresse. C‟est, en tout cas, ce dont témoigne l‟analyse du cadastre et le rentier du XVIe
1171
Legeard, 1994, p. 88.
1172
Caraes, 1984, p. 127.
1173
Découverte de P. Kernévez, cf. Kernévez, 1997, p. 103-105.
1174
C‟est le cas de Bressuire (Deux-Sèvres), Loudun (Vienne) ; etc., cf. Bourgeois dir., 2000, p.25, 60, etc. En
Loire-Atlantique, O. Roy a pu déterminer l‟emplacement d‟une première enceinte de forme hémicirculaire au
devant du château de Châteaubriant. Nous tenons aussi à signaler la découverte que nous avons faite avec lui du
tracé d‟une probable motte castrale dans le parcellaire de Vitré (Ille-et-Vilaine) situé à l‟est de l‟enceinte urbaine
(information communiquée dans le dernier rapport de fouilles de J. Martineau sur Châteaubriant).

151
siècle, qui évoquent à la fois la place de la cohue et « le petit chasteau »1175. La présence des
halles au sein de la forteresse peut, il est vrai, poser question. L‟hypothèse la plus probable à
envisager est qu‟elles résultent d‟une implantation tardive, suivant l‟abandon du château,
vraisemblablement au cours du XVe siècle. Cependant, à la vue de ce que nous venons de
présenter, l‟hypothèse concurrente d‟un noyau d‟habitat « primitif », à l‟intérieur du tracé de
cette fortification, n‟est pas à rejeter totalement puisqu‟elle pourrait résoudre en partie ce
problème de l‟enceinte urbaine. Ses traces auraient, dans ce cas, disparu puisque le bâti visible
sur le cadastre, situé à l‟emplacement du fossé, résulte forcément de l‟abandon de la place.
Suivant cette proposition, c‟est à cette forteresse qu‟il faudrait rapporter les différentes portes
mentionnées dans les sources écrites. Leur nombre pose question, A en suivre les indications
de l‟enquête faite en 1600-1601, à la suite des guerres de la Ligue, il y a en tout quatre
ouvrages d‟entrées dans la ville1176. Le regroupement de l‟ensemble des textes nous en donne
pourtant un nombre plus important puisque nous comptons : les portes de Motreff, Neuve, de
Rennes, de Brest et du Faouet. Il reste cependant possible que certaines d‟entre eux aient
connu deux appellations1177. Sur l‟ensemble de ces ouvrages, seul le cas de la porte Motreff,
est bien renseigné. Dès 1522, l‟acte d‟arrentement du château évoque « la porte nommée porz
Motreff quasi à l‟endroit du chemin menant dudit marchix de ladite ville à la
magdeleine »1178. En 1640, le rentier de la sénéchaussée de Carhaix cite à deux reprises
l‟existence d‟une « rue qui conduist de la rue des Augustins à la porte de Mautreff »1179. Ces
précisions nous situent à l‟est du château, au niveau de la rue de la Moutarde, qui sur le plan
de 1772 longe le fossé de la place. Reste à déterminer son emplacement exact. J. F. Caraes
proposait en 1984, de placer l‟ouvrage directement sur la rue, à la sortie de la ville, non loin
de la patte d‟oie formée par les routes de Quimperlé et Hennebont. Les indices du texte ne
vont pas forcément à l‟encontre d‟une telle interprétation, mais rien n‟empêche non plus de
rapporter l‟ouvrage au tracé du château. Il pourrait se situer sur la rue menant de la place des
halles au Martray (actuelle rue Mauviel). Celle-ci est cependant citée dans le rentier du XVIe
siècle, qui ne fait aucune allusion à une porte. Il est, par contre, bien plus difficile de proposer
une quelconque localisation pour les autres ouvrages d‟entrée. Nous pouvons évidemment
penser que les noms de certains d‟entre eux sont liés aux grandes directions sur lesquelles ils
étaient placés. Dans cette hypothèse, la porte de Brest devrait se situer à l‟ouest, celle de
Rennes à l‟est et celle du Faouet au sud. D‟une manière générale si nous considérons comme
juste le nombre de portes donné au début du XVIIe siècle, il ne paraît pas impossible de le
mettre en relation avec les quatre rues principales sortant du tracé de la forteresse, à savoir au
nord la rue Brizieux (ancienne rue du Pavé) qui se dirige vers la collégiale Saint-Trémeur, à
l‟ouest la rue de la Tour d‟Auvergne donnant sur le chemin du Moulin du Roy, au sud la rue
des Carmes donnant sur la route de Quimperlé et à l‟est la rue Mauviel (ancienne rue de la
Moutarde) face à l‟ancien Martray.

Une telle reconstitution paraît encore bien fragile. Nous nous garderons donc de présenter un
avis trop affirmé. Cependant, dans l‟état actuel de nos connaissances, l‟idée d‟une
correspondance entre le tracé de la forteresse et l‟enceinte urbaine des textes nous semble la
meilleure solution à envisager.

1175
A.D.L.A., B 1103, f° 45 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p 65.
1176
« [les enquêteurs ont] été conduit aux quatre portes de ladicte ville, et premièrement à la porte de Rennes
près d‟une maison appartenant à Guillaume Olymant, sieur de Launay, et [ont] ensuite continué à visiter les
autres portes et tours de ladite ville pour en examiner les dégâts »Bourde de la Rogerie, 1898, p. 264.
1177
Ce la semble ête le cas de la porte Neuve en 1640, cf. A.D.L.A., B 1104, f° 10 r : « maison appartenant à M.
Jacques Briant sytuée en la rue des Augustins au levant la porte appelée la porte Neuffve ou porte [non lu] »
1178
A.D.L.A., B 677.
1179
A.D.L.A., B 1104, f° 9 v et f° 23 v°.

152
3.1.2.3 L‟église Saint-Trémeur et la place au charbon

Elément essentiel de la ville médiévale de Carhaix, la collégiale de Saint-Trémeur fait


apparaître deux formes révélatrices de son ancienne physionomie.
La première (C1), à l‟ouest, est une importante parcelle trapézoïdale correspondant à l‟enclos
de l‟ancien cimetière. Cette information nous est donnée par le plan de 1772 qui le figure très
clairement. Aujourd‟hui disparu, celui-ci est désormais occupé par la place de Verdun.
La seconde forme (C2) apparaît, elle, à l‟angle sud-est de la précédente. Il s‟agit d‟une simple
parcelle quadrangulaire, figurée à la fois sur le cadastre napoléonien mais aussi le plan du
XVIIIe siècle. Sa fonction est plus difficile à déterminer mais son association à l‟église
pourrait faire penser, sans aucune certitude, à l‟ancien enclos du prieuré Saint-Nicolas1180.
Nous savons cependant que le presbytère se situait au nord de la rue Oberhausen et non au sud
de l‟église comme nous l‟indique le rentier de 1640 : « le prieuré de Carhaix consistant en
maison, jardin et une pièce de terre nommée Parc an Prieur, [qui] est située au nord de la rue
du Bourre proche du presbytère »1181. Rien ne permet d‟assurer que cette construction était
directement associée aux autres bâtiments du monastère mais si tel était le cas il faudrait
plutôt situer celui-ci au nord de l‟église. Dans cette solution C2 ne correspondrait donc qu‟à
une subdivision postérieure de l‟enclos du cimetière.
L‟ensemble, formé par ces deux parcelles, est bordé au nord par le « Chemin qui conduit de
l‟esglise Saint-Trémeur à la vieille église » cité dans le rentier du XVIe siècle1182, et au sud
par une petite ruelle appelée «venelle qui conduit de la rue du pavé au cymetière Saint-
Trémeur » en 17881183. Il parait évidemment certain que son but est de relier directement le
cimetière et le prieuré à l‟axe principal de la ville. Son prolongement, partant presque à angle
droit vers l‟ancienne rue des Ursulines, est, sans doute, un raccordement intervenu par la
suite.
A l‟est de l‟église, se développe un second espace essentiel de la cité médiévale : la place du
Charbon (C3), aujourd‟hui place des Droits de l‟Homme (où ont été construites les nouvelles
halles). Cet aménagement, cité pour la première fois en 14251184, paraît indissociable du
sanctuaire. Il ne fait à notre sens guère de doute que son développement est à lier à celui-ci.
Nous ne savons cependant pas s‟il s‟est mis en place au moment de l‟installation du prieuré,
ou si sa fondation n‟est intervenue que par la suite (au moment où l‟église est devenue
collégiale par exemple). Il se structure, en tout cas, autour de cinq îlots : Trois au nord, placés
sur le même alignement, et séparés par des petites ruelles donnant vers la rue Bour (nom dans
le rentier de 1640, actuelle rue Oberhausen) et deux autres encadrant ses côtés occidentaux et
orientaux. Ils sont néanmoins différents puisque celui placé à l‟ouest suit la même orientation
que les précédents alors que le second à l‟est en est décalé. Il reste que cet alignement de 4
des 5 îlots, fait de la place un ensemble très cohérent et trahit sans doute une opération
d‟urbanisme planifiée. Une création qui pourrait avoir en partie pris en compte la trame
urbaine préexistante, puisque la rue Bour se situe dans la même orientation que le carroyage
antique supposé. Elle a donc pu servir de base pour l‟aménagement de l‟ensemble. L‟îlot,
situé à l‟est de la place, ne peut pas dater, par contre, de la même période. Il lui est même sans
doute postérieur puisqu‟il vient couper l‟alignement de l‟ancienne rue des Bénédictins (qui

1180
Précisons que nous savons par les textes que le presbytère se situait au nord de la rue Oberhausen et non au
sud de l‟église, cf. A.D.L.A, B 1104. : « le prieuré de Carhaix consistant en maison, jardin et une pièce de terre
nommée Parc an Prieur, [qui] est située au nord de la rue du Bourre proche du presbytère »
1181
A.D.L.A, B 1104.
1182
A.D.L.A., B 1103, f° 15r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 25-26
1183
A.D. L.A, B 1082, (aveu de Jean-François Le Menez sieur de Quelleau)
1184
A.D.F., 1 G 326.

153
correspond approximativement à l‟actuelle rue des Abattoirs) et la rue Hollo en se plaçant à
leur niveau, alors que la place semble au contraire le respecter.

3.1.2.4 L‟enclos des Augustins

Même s‟il ne s‟agit pas d‟une découverte il convient de signaler la présence très nette dans le
parcellaire de l‟enclos des Augustins (fig. 90, D). Celui-ci correspond à la très grande parcelle
rectangulaire située au nord de la chapelle du couvent. Elle est bordée à l‟ouest par la rue
Laënnec et à l‟est par l‟actuelle rue des Augustins qui longe la place du champ de foire et se
développe jusqu‟à l‟ancienne rue Neuve. L‟intérieur était avant tout occupé par un jardin que
nous retrouvons figuré sur le plan de 1772.

3.1.3 La périphérie de la ville

3.1.3.1 Le parcellaire autour de Saint-Pierre de Plouguer

Située à environ 200 m de la ville, l‟église Saint-Pierre de Plouguer constitue l‟un des grands
éléments structurant le paysage médiéval. M. Chevance, dans son étude récente de
l‟architecture de l‟édifice, a déjà pu évoquer l‟environnement de ce site1185. Il convient
cependant de revenir sur cette question dans notre analyse morphologique.

Le premier élément à signaler est la trace de l‟enclos visible clairement dans le parcellaire
(fig. 90, E). Celle-ci jamais soulignée jusqu‟à présent, suit une forme ovoïde, bordée à l‟est et
à l‟ouest par deux axes menant vers la chapelle Notre Dame du Frout et au sud par le chemin
menant à la collégiale. Elle dessine donc un espace bien plus important que celui de l‟enclos
connu par le cadastre napoléonien qui ne correspond qu‟à une parcelle, grossièrement
quadrangulaire, formée autour de l‟église. Celui ci avait déjà était précédé par l‟enceinte d‟un
cimetière moderne qui occupait aussi la parcelle située plus au nord, comme le montre le plan
de 1772. Une extension confirmée par l‟archéologie, puisque c‟est à cet emplacement qu‟ont
été effectués les sondages de C. Légende en 19931186. La partie située plus à l‟est avait-elle
aussi une fonction funéraire ? Ce n‟est pas impossible mais il paraît difficile d‟être affirmatif
sur ce point. Précisons que la limite nord de cet enclos est très incertaine. La physionomie du
lieu semble avoir changé au début du XIXe siècle. La comparaison entre le cadastre
napoléonien et le plan de 1772 montre que l‟église était, au XVIIIe siècle, bordée dans sa
partie septentrionale par un chemin venant depuis la route de Morlaix. Cet aménagement a par
la suite disparu1187. Notons à ce sujet que l‟un des sondages réalisés par C. Hervé-Legeard au
nord du cimetière actuel a permis d‟identifier les traces probables d‟une voirie au niveau de la
limite entre les parcelles AP 71 et AP 72 du cadastre actuel1188. Celle-ci pourrait donc
correspondre au chemin du plan du XVIIIe siècle.
Autour de cette forme vient se développer un réseau de petits chemins, complexe à
comprendre. Celui-ci s‟organise autour de la route de Landerneau (reconstruite au XVIIIe
siècle), qui borde le sanctuaire au sud. Depuis celle-ci se développent vers le nord deux petits
chemins que nous venons de signaler. Après avoir épousé les contours de l‟enclos, ceux-ci
sont reliés une première fois au niveau de la parcelle n° 115 (au nord de Saint-Pierre), appelée
Parc an Ilis, « le champ de l‟église ». Ils viennent ensuite se croiser devant la chapelle Notre

1185
Chevance, 2001, p. 416-421.
1186
Légerad, 1994, vol.annexe (non paginé).
1187
Le chemin du plan du XVIIIe semble correspondre à celui situé au nord de la rue de l‟église au XIXe siècle.
Son tracé pourrait donc avoir été modifié par la suite au niveau du sanctuaire.
1188
Il s‟agit du sondage IV, cf. Legeard, 1994, annexe, non paginé.

154
Dame formant, au sud de celle-ci, une parcelle très allongée de forme grossièrement
triangulaire, appelée « Guerguez ar chapel », le verger de la chapelle1189. Contournant
l‟édifice religieux, les deux chemins relient par la suite Trouglévian et la grande route de
Morlaix. Il paraît évidemment difficile de dater la mise en place de ces accès ; il est, en tout
cas, certain qu‟ils sont nés de la nécessité de relier l‟église paroissiale à la chapelle Notre
Dame du Frout et surtout au principal faubourg de la ville. Au sud-ouest du sanctuaire vient
aussi se former un carrefour entre la grande route de Landerneau et deux autres axes qui
semblent venus s‟y raccorder. Il est clair que le chemin menant vers l‟ouest, appelée « An alle
nevez » (la nouvelle route) est postérieur. Sa physionomie, avec cette largeur importante et
son tracé très droit, fait penser à une réalisation du XVIIIe siècle. Elle est née de la volonté de
relier les deux manoirs de Kerdaniel et Kerniguez. Le second itinéraire se dirigeant vers le sud
contourne tout le côté ouest de la ville pour rejoindre la route de Quimper. Il croise ainsi le
long de son tracé plusieurs autres chemins, à commencer par la chaussée découverte lors
d‟une intervention archéologique en juin 1999. Ce tronçon aujourd‟hui disparu, séparait les
parcelles 302 et 308, situées au sud de l‟église paroissiale. Il existait encore à la période
moderne puisque l‟opération a permis de découvrir dans le fossé latéral une pièce de 1792 1190.
Notre axe rencontrait, par la suite, un premier chemin sortant de la ville et menant vers le
Moulin du Roy puis la route de Chateauneuf-du-Faou qui empruntait la même direction. Nous
noterons que cette voie suit un temps la même orientation que celle de la rue du Pavé
Reprend-t-elle en partie la trame de la ville antique ? Elle semble, en tout cas, en accord avec
la restitution proposée par C. Légeard et G. Le Cloirec1191. Cette présentation rapide montre
que l‟église de Plouguer se situait au cœur d‟un réseau viaire qui la reliait à la fois à la ville et
à différents hameaux ou manoirs de la campagne, ce qui semble assez logique du fait de sa
fonction paroissiale. Ce fait rend, par contre, d‟autant plus curieux son isolement.
L‟observation du plan du XVIIIe et surtout du cadastre de 1819, démontre très bien ce fait. A
cette époque, nous ne notons autour que trois maisons placées sur chemin reliant l‟église à
Saint-Trémeur. L‟ensemble du paysage se développant autour, constitué de larges parcelles,
caractérise une occupation exclusivement rurale confirmée par la microtoponymie. La
situation ne semble guère différente au Moyen Age puisque le rentier du XVIe siècle ne
signale aucune habitation autour de ce qu‟il appelle la « vieille eglise ». Le sanctuaire ne
semble donc pas avoir donné naissance à un quelconque regroupement humain, ce qui ne peut
s‟expliquer que par la proximité de la ville et l‟installation du prieuré de Redon au cours du
Moyen Age central. Reste donc à comprendre les raisons de l‟installation de l‟établissement à
la périphérie de l‟agglomération.

Nous avons déjà vu que l‟origine de la paroisse de Plouguer semble ancienne. Ce


positionnement de l‟église apparaît donc comme un important témoignage de l‟organisation
du territoire de Carhaix au haut Moyen Age. Les raisons de son installation à la périphérie de
la ville restent difficiles à expliquer. La situation n‟est cependant pas sans rappeler celle bien
connue des basiliques suburbaines. Celles-ci, caractéristiques de l‟Antiquité tardive et du
début du Moyen Age, sont toujours liées à une fonction funéraire, qui explique d‟ailleurs leur
installation à la périphérie de la ville. Leur création suit deux schémas principaux. : soit elle
reprend un édifice antérieur, type mausolée ou memoria, soit il s‟agit d‟une fondation ex
nihilo sur un site dénué de toute vocation funéraire jusqu‟alors1192. Le phénomène existe bien
en Haute-Bretagne, où il se retrouve évidemment à Nantes mais aussi à Rennes et même à

1189
Information de G. le Cloirec que nous remercions. Cette découverte a déjà été évoqué par M. Chevance ds
Chevance, 2001, p. 418.
1190
Ibid., p. 418.
1191
Hillairet, 1996, t. 2, doc. 8.
1192
Ferdière dir., 2000, p. 160.

155
Vannes1193. Il est par contre inconnu dans la partie occidentale de la péninsule. Suivant P.
Guigon « les villes antiques de l‟ouest de la Bretagne n‟ont pas connu ce processus
d‟élaboration d‟églises suburbaines, stoppé par l‟arrivée de nouvelles populations »1194. Le cas
de Locmaria à Quimper ne rentre pas dans le débat, les investigations archéologiques ont
montré que le déplacement de la ville à l‟emplacement de la cathédrale ne s‟est fait qu‟à la fin
du haut Moyen Age ; il n‟y a donc pas deux foyers de population distincts avant cette
période1195. Il semble donc difficile de supposer que le positionnement de l‟église de Carhaix
relève l‟existence d‟une ancienne basilique suburbaine. Même si le passé de capitale de cité
du lieu rend cette interrogation légitime. Les investigations archéologiques menées par C.
Légeard, montrent que l‟occupation romaine des lieux est éloignée de type de fonction1196.
Nous ne connaissons pas d‟ailleurs sa situation dans l‟Antiquité tardive et au début du Moyen
Age. En fait plus qu‟une très hypothétique basilique antérieure, c‟est sans doute la vocation
funéraire ancienne du lieu qui apporte l‟explication la plus convaincante à ce positionnement.
Nous savons que la tradition antique de l‟isolement des morts à l‟extérieur de l‟habitat a
encore cours au début du Moyen Age. C‟est d‟ailleurs ce que révèle de manière plus générale
le phénomène des basiliques funéraires. Le positionnement de l‟église Saint-Pierre en serait
une nouvelle illustration. Précisons tout de même que nous ne savons pas à quand remonte les
premières inhumations dans ce secteur. Les structures funéraires découvertes lors des fouilles
de 1993 sont jugées précoces par C. Hervé Legeard du fait de leur association à quelques
tessons de céramiques. Nous ne possédons cependant aucun indice de datation fiable.
A la suite de M. Chevance, nous constatons que le sanctuaire s‟insère parfaitement dans le
carroyage romain supposé, encadré par deux voies parallèles nord-sud, la première à l‟ouest
devant se raccorder la rue reconnue sur le site de la réserve archéologique (orienté est-ouest),
la seconde à l‟est venant rejoindre le terrain de sports Charles Pinson, où furent découverts
des vestiges antiques en 19861197. L‟installation de l‟édifice s‟est-elle donc faite à l‟intérieur
de cette trame urbaine antique ? Il reste bien difficile de répondre à cette question. Il ne faut
d‟ailleurs pas perdre de vue que l‟église actuellement conservée date pour ses parties les plus
anciennes du XIe siècle. Il est vraisemblable que la situation du ou des probable(s)
sanctuaire(s) antérieurs soit similaire, mais nous n‟en n‟avons pas la preuve matérielle. Il faut
aussi constater que l‟édifice est proche de la périphérie de la ville romaine qui dans son
extension maximale atteignait Kerdaniel. Nous connaissons encore mal la situation du tissu
urbain à la fin de l‟Antiquité. Au sud de Plouguer, nous savons qu‟il s‟étendait forcément un
peu plus à l‟ouest, au delà du centre hospitalier, où fut découvert la domus constantinienne.
Celle-ci étant abandonnée à la fin du IVe siècle, nous ne savons pas le devenir de
l‟agglomération par la suite. Nous nous demandons cependant si ce positionnement de l‟église
de Plouguer n‟en apporte pas un indice. Son installation à la périphérie au début du Moyen
Age peut être la conséquence d‟une persistance de l‟occupation dans le cœur historique de la
ville. Mais cela reste évidemment pour l‟instant hypothétique.

3.1.3.2 L‟enclos de Saint-Quigeau

L‟ancien sanctuaire de Saint-Quigeau, mentionné dès 1081-1084, occupe une position assez
similaire à l‟église de Plouguer. Comme elle, l‟édifice est rejeté à l‟extérieur de la ville.
L‟observation de son parcellaire fait apparaître assez nettement l‟empreinte laissée par son
enclos (fig. 90, F). Celui-ci dessine, en effet, une forme trapézoïdale autour de ses trois

1193
Guigon, 1997-1998, t. 1, p.64-91, 96-99, 106-109.
1194
Ibid. p. 125.
1195
Le Bihan, Villard, 2005, p. 117-118.
1196
Légeard, 1994, vol. annexe non paginé.
1197
Ibid., p. 419.

156
bâtiments. Son identification est d‟autant plus facilitée qu‟il est clairement figuré sur le plan
de la ville en 1772.
Autour, du sanctuaire, l‟occupation n‟est faite que de très grandes parcelles rectangulaires
indiquant que nous sommes déjà dans le monde rural. Cette constatation rend évidemment
étonnante la précision du rentier ; « un parc nommé Parc Sainct-Quigeau, estant est forbours
de cested(icte) ville » qui suppose l‟existence d‟un faubourg Saint-Quigeau1198. Deux
solutions sont possibles : soit l'expression ne renvoie qu‟au positionnement géographique du
sanctuaire situé à la périphérie de la ville, soit il décrit bien un regroupement d‟habitat qui,
dans ce cas, doit être cherché plus près de l‟agglomération. La première proposition nous
semble néanmoins la plus vraisemblable, puisque la longue parcelle rectangulaire située au
nord de l‟édifice religieux port le nom de « parc Saint-Quigeau » et pourrait donc
correspondre à la terre citée dans le document du XVIe siècle.

3.1.3.3 L‟enclos des Ursulines

L‟observation du parcellaire permet de faire apparaître très clairement l‟empreinte de l‟enclos


du couvent des Ursulines à l‟ouest du château (fig. 90, G 1). Cette structure appartient bien
évidemment à la période moderne mais il est sans doute utile de le souligner. Celle-ci occupe
la majeure partie du grand îlot quadrangulaire dans lequel est placé l‟établissement. A
l‟intérieur nous notons un tracé (G2) en forme d‟équerre. Celui-ci pourrait correspondre à
l‟emplacement d‟anciens bâtiments ou tout du moins une structure liée à l‟installation
religieuse. Nous avons pensé à un cloître mais celui-ci n‟est pas représenté sur le plan de la
ville en 1772. Au contraire, ce document semble démontrer que les bâtiments se regroupaient
dans le même secteur au bord de l‟actuelle rue Croas Lohou.

3.1.3.4 Les faubourgs

L‟observation du cadastre fait apparaître assez clairement l‟existence de faubourgs ou plutôt


« d‟embryons » de faubourgs autour de l‟agglomération. Dater l‟origine de ces derniers reste
une opération complexe. Nous ne possédons que peu d‟indices sur leur existence au Moyen
Age, le rentier en cite trois : celui de « Pontherbaut », « Sainct-Quigeau », et
«Tnouglevyan »1199 qui ne sont pas tous localisés avec précision.

 Trouglevian et Kergroas : un foyer de population au franchissement de


l‟Hyères

Le faubourg de Trouglévian reste l‟ensemble le plus remarquable des pôles d‟habitat qui se
sont développés autour de la ville. Son nom a, certes, aujourd‟hui disparu, mais son
identification avec ce qui est aujourd‟hui le Petit-Carhaix ne fait aucun doute. Les précisions
du rentier sont en elles-mêmes assez parlantes, puisque nous savons qu‟il se situe sur
l‟Hyères, qu‟il possède un moulin, un pont et qu‟il est relié à Kergroas 1200. Cette appellation
reste d‟ailleurs couramment utilisée jusqu‟à la fin du XVIIe siècle, avant de se voir
progressivement substituée par celle que nous lui connaissons aujourd‟hui1201.

1198
A.D.L.A., B 1103, f° 25 r°.
1199
A.D.L.A., B 1103, f° 26 r°, f°35 v° Le Mével, 1999, p. t. 2, p. 24, 39 et 51.
1200
Ibid., t. 2, p. 51, « le chemin qui conduict de Tnouglevyen », p.:58 : « le moulin à than de Tnouglevyan,
cerné de la ripviere Hyer », p. 66 : « le pont de Tnouglevyan »
1201
Première mention connue en 1678, cf. Deshayes, 2003, p. 41.

157
Le lieu, séparé de la ville par une forte dénivellation, est évidemment indissociable de la
rivière. L‟observation du parcellaire montre qu‟il s‟organise autour de deux pôles principaux
placés de chaque côté du cours d‟eau. Trouglévian au sud, et Kergroas situé en la paroisse de
Plounévézel qui en constitue le prolongement logique.

Kergroas (fig. 90, H 1) né autour de la patte d‟oie formée par la rencontre de deux routes
avant le franchissement de la rivière : celle de Morlaix, dont le tracé a été en partie repris par
l‟actuelle D. 54, et celle menant au hameau de Coatilouarn1202 et le manoir Kerampudou au
sud1203. Cette dernière est rejointe, peu avant le hameau, par un chemin venant depuis le bourg
de Plounévézel en longeant la route de Morlaix. Un petit groupe de parcelles se développe
autour de ce carrefour, et se poursuit le long de deux routes principales. Regroupées de
manière relativement dense au niveau de la rencontre des deux voies, les parcelles, pour la
plupart bâties, se répartissent de manière bien plus lâche par la suite. Il n‟existe aucune
régularité d‟ensemble, ce qui laisse supposer un développement spontané.

De l‟autre côté de l‟Hyères, Trouglévian (H2) connaît une organisation plus complexe. Il est
relié depuis la ville par une route principale partant depuis la rue du Pavé appelée « chemyn
qui va dudict Kerahes à Tnouglevyan » au XVIe siècle1204. Celle-ci est longée au nord par un
second itinéraire partant aussi depuis l‟agglomération, appelé, sur le cadastre, rue des
Bénédictins. Au sud, le Petit Carhaix est rejoint par deux chemins venant depuis Plouguer en
contournant la chapelle N.D. du Frout. L‟ensemble de ces axes qui se regroupent au
franchissement de la rivière, vient structurer le faubourg. Les deux chemins principaux partant
depuis la ville découpent ainsi deux îlots trapézoïdaux, occupés par une série de petites
parcelles irrégulières. Le premier, situé en léger décalage du pont, montre l‟existence au nord
d‟un bâtiment privilégié entouré d‟une parcelle de taille plus importante que les suivantes.
Nous ne savons évidemment pas de quand date cette construction disparue, mais la position
de la parcelle pourrait laisser supposer une fonction particulière, peut-être en rapport au
franchissement de la rivière. Celui-ci ne peut, en tous cas, pas être lié à un droit de péage.
Certes, nous savons que le seigneur de Tymeur percevait une taxe sur le pont au XVII et
XVIIIe siècle. Son droit n‟avait cependant cours que dans le hameau de Kergroas1205. Pour
Trouglévian par contre, les rentiers du XVIe et du XVIIe siècle montre que le roi ne faisait
pas ce type de perception. Au nord de ces îlots, le long du chemin prolongeant la rue des
Bénédictins, viennent se regrouper une série de parcelles au découpage irrégulier. Seulement
deux d‟entre elles sont bâties au XIXe siècle, mais le tissu relativement dense qu‟elles
dessinent peut témoigner de la présence d‟habitats disparus. Au sud, à la pointe de ce grand
îlot formé par les deux chemins venant de Plouguer, se regroupe aussi un nombre important
de parcelles au découpage irrégulier. La situation est proche à l‟ouest, sur les bords de
l‟Hyères, où une série de parcelles, situées à proximité du pont, constitue un premier
ensemble aux formes très variées. Il est suivi au sud d‟un second groupe constitué de parcelles
laniérées très allongées, établies de manière régulière qui semblent avoir été mises en place
simultanément.

 faubourg de la Rue Neuve

1202
Il est cité pour la première fois en 1472, cf. Deshayes, 2003, p. 260. Il peut se traduire par « lieu habité de la
croix.
1203
Mentionné en 1480, cf. ibid., p. 260.
1204
A.D.L.A., B 1103, f°35 v°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 51.
1205
A.D.F., 51 J 42.

158
Citée dans le rentier du XVIe siècle, la rue Neuve sert à relier le nord de l‟agglomération et
le carrefour formé par la rencontre des anciennes voies romaines de Lannion-Tréguier et
Rennes-Vannes-Corseul. Sa physionomie montre qu‟il s‟agit clairement d‟un rattachement
postérieur, l‟entrée dans la ville antique devant se faire d‟une manière différente. La date à
laquelle s‟est fait ce raccordement n‟est malheureusement pas connue1206.
Autour de lui se développe un ensemble de parcelles relativement resserrées contrastant avec
la trame environnante (fig. 90, H 3). Ce fait semble témoigner de l‟existence d‟un ancien
noyau d‟habitat. Il se forme de parcelles rectangulaires, relativement allongées et au
découpage assez régulier. Encore étroites à la sortie de la ville, ces dernières s‟élargissent par
la suite, ce qui donne à l‟ensemble un aspect « semi-rurale ». Cette analyse n‟est d‟ailleurs pas
contredite par la lecture des sources écrites, puisque le rôle rentier de 1539-1542 signale
surtout l‟existence de « courtil » ou de « parc ». Il cite ainsi : « ung parc nommé Parc an
Cornel, sittué d‟un endroict sur ung courtil [...] sur un chemyn mesnantde la rue Neuffve à
Saincte-K(a)therine, d‟aultre sur un parc [...] d‟aultre sur un courtil »1207. Mais il existe aussi
des habitations : « Jehan Legan cordonnier a congneü devoir, à ladicte recepte par ch(ac)un
dict terme an de cheffrente, la somme de six den(iers) mon(noye) dessus sa maison où il
demeure en la rue Neuffve »1208.

 faubourg de la fontaine Blanche

Entre l‟ancienne rue de la Fontaine Blanche qui poursuit celle des Augustins et la place du
champ de foire, se structurent deux îlots le premier, trapézoïdal à l‟ouest et le second, de
forme grossièrement rectangulaire à l‟est, séparés par une venelle (fig. 90, H 4). Tous deux
sont occupés par une série de parcelles rectangulaires qui pourraient témoigner de l‟existence
d‟habitats anciens. Certaines d‟entres elles sont d‟ailleurs bâties au XIXe siècle. Le
découpage reste néanmoins relativement lâche ce qui, comme pour la rue Neuve, lui donne
aussi un caractère rural1209.
Nous sommes malheureusement mal renseigné sur ce secteur au Moyen Age. Le rôle rentier
du XVIe siècle cite bien l‟existence de la « fontaine Blanche »1210, mais la place du champ de
Foire en est, par contre, absente. Nous ne pouvons donc pas assurer que celle-ci existe bien à
cette période. Nous savons en tout cas qu‟il existe bien un « faubourg de la Blanche à la fin du
XVIIe siècle »1211.
Précisons aussi que ce secteur a dû connaître d‟importantes transformations à la fin du XVIIIe
siècle, puisque des travaux sont menés sur la place. Nous savons que le tracé de la partie
septentrionale du premier îlot (le plus à l‟ouest) a été modifié, comme le montre un plan de la
place conservé aux archives départementales du Finistère (fig.)1212.

 Les petits regroupements d‟habitat au sud de la forteresse

L‟observation du cadastre montre assez clairement l‟existence de petits foyers d‟habitations,


sorte « d‟embryons de faubourgs », au sud du château. Leur origine reste inconnue, rien ne
permet d‟assurer que ceux-ci existaient au Moyen Age.

1206
Comme nous l‟avons vu, la fouille menée par le service départemental au 2 rue des Augustins (l‟actuelle)
montre que le secteur proche est occupé au Bas Moyen Age.
1207
A.D.L.A., B 1103, f° 27 v°, Le Mevel, 1999, t. 2, p. 41.
1208
A.D.L.A., B 1103, f° 28 r°, Ibid., p. 41.
1209
Beaucoup de ces parcelles sont occupées par des jardins à la fin du XVIIIe siècle.
1210
A.D.L.A., B 1103, f° 11 r°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 21.
1211
A.D.L.A., B 1123, f° 23 r°.
1212
A.D.F., 2 E 1502 (5)

159
Nous en comptons en tout cinq :
Le premier, au sud-ouest, correspond à cet îlot quadrangulaire encadré à l‟est et à l‟ouest par
les rues Croas Lohou et Cazuguel qui se rejoignent l‟une l‟autre par les deux chemins formant
les limites septentrionales et méridionales de notre ensemble. Celui-ci, occupé par quelques
constructions au XIXe siècle, est découpé par une sérié de parcelles qui ne suivent pas
d‟ordre régulier.
Le second (fig. 90, H5), qui est aussi le plus important, se regroupe justement le long de cette
rue Cazuguel qui partant depuis le chemin menant à la route de Châteauneuf-du-Faou au sud
des Ursulines rejoint la route de Quimper (A6) au sud. Il se compose d‟une série de parcelles
(pour certaines bâties au XIXe siècle) établies perpendiculairement au chemin, dont les
formes et les tailles sont très variées, ce qui laisse suggérer un développement spontané. Il est
évidemment difficile de dater l‟existence de ce regroupement mais nous savons qu‟il existait
une rue de Cazuguel au XVIe siècle1213.
Le troisième ne correspond qu‟à une parcelle rectangulaire établie sur le chemin de Gourin
(A6) et occupée par deux bâtiments au XIXe siècle. Rien ne permet de savoir si son existence
est ancienne.
Le quatrième est, lui aussi, une parcelle située à la pointe de l‟îlot formé par les routes de
Quimperlé et de Hennebont (A4 et A5). Celle-ci occupée par trois bâtiments au XIXe siècle
est limitée au sud par un tracé très irrégulier
Le cinquième (H 6) enfin se situe à l‟est de la rue du tour du château, encadré au nord par la
rue des Trois chapelles. Il se constitue d‟une série de petites parcelles quadrangulaires de
tailles variables suivant les cas.

3.2 Hypothèse sur le développement de la ville de Carhaix


Tenter de présenter une vision d‟ensemble de l‟évolution de l‟agglomération de Carhaix à la
période médiévale semble une tâche difficile Les sources écrites sont rares et ne permettent
que très rarement de remonter au-delà du bas Moyen Age. L‟apport de l‟archéologie est lui
aussi pour l‟instant réduit puisque la plupart des interventions récentes ont été éloignées du
cœur historique de la ville, le plus susceptible d‟apporter des vestiges médiévaux. Enfin si
l‟approche morphologique apporte des informations nouvelles, elle n‟en présente pas moins
ses limites. Nous nous contenterons donc d‟apporter quelques grands éclairages d‟ensemble

3.2.1 Un grand inconnu : le Haut Moyen Age

La période comprise entre le Ve et Xe siècle est malheureusement celle sur laquelle nous
sommes le moins bien renseignée.
La destinée de la ville au cours de l‟Antiquité tardive est elle-même encore en partie obscure.
Nous ne savons pas si elle conserve son statut de capitale comme le pensent les avis les plus
récents, ou si au contraire, celui-ci est transféré vers une autre agglomération comme le
suppose l‟hypothèse traditionnelle. La fouille du centre hospitalier démontre que l‟occupation
perdure et ceci même dans un quartier situé en périphérie de la ville. La population qu‟il
abrite est aisée puisque une grande domus constantinienne est construite à cet endroit. Elle
sera occupée jusqu‟au troisième quart du IVe siècle. La situation nous échappe par la suite.
Que se passe-t-il dans les autres secteurs de la ville ?
Il nous semble certain que les lieux ne sont pas abandonnés au début du Moyen Age. La
naissance de la paroisse primitive de Plouguer, l‟apparition d‟un pagus dont le nom en dérive
et la probable venue de Louis le Pieux en 818 constituent des arguments suffisants pour

1213
A.D.L.A, 1103 f°49°, Le Mével, 1999, t. 2, p. 71.

160
écarter cette hypothèse. La nature même de son occupation reste cependant difficile à
déterminer. L‟influence que semble avoir eue le carroyage antique sur la morphologie de
l‟agglomération par la suite peut laisser supposer que certains des secteurs de la ville sont
encore occupés, mais cela reste hypothétique en l‟absence de preuves archéologiques.
L‟implantation de l‟église Saint-Pierre, en périphérie de ce qui deviendra le centre de
l‟agglomération médiévale, est sans doute un indice important pour comprendre l‟organisation
de l‟espace à cette période. Nous possédons pour l‟instant peu d‟informations mais une
utilisation funéraire des lieux pourrait en apporter une explication convaincante. Dans une
position similaire, l‟église de Saint-Quigeau existe-t-elle déjà à cette époque ? La présence de
trois sanctuaires rappelle en effet les dispositions connues des établissements religieux du
haut Moyen Age. Mais rien n‟est certain, puisque cette association n‟est assurée par les textes
qu‟au XVIIIe siècle, et la dédicace de l‟une des chapelles à sainte Barbe n‟est pas un indice
d‟ancienneté.
Autour de l‟ancienne agglomération romaine a aussi pu exister une série de petits
établissements ruraux dispersés sur le territoire. L‟archéologie nous en apporte en tout cas un
exemple avec le site de Kergoutois occupé au VIIIe siècle. Les toponymes Lannoennec et
Penanlan pourraient, eux aussi, témoigner d‟une origine ancienne, mais cela reste très
hypothétique.

3.2.2 La renaissance de la ville (XIe-XIIIe siècle)

Comme souvent, le Moyen Age central semble avoir été une période charnière dans l‟histoire
du développement de la ville.
C‟est, semble-t-il, à ce moment que se mettent en place deux des principaux éléments qui vont
structurer l‟ensemble de l‟agglomération médiévale par la suite.
C‟est tout d‟abord le prieuré de Redon qui vient s‟installer au nord de la ville. Comme nous
l‟avons vu, nous ne pouvons plus reprendre avec certitude la chartre de 1105-1107, longtemps
considérée comme l‟acte de fondation du monastère. Sa première attestation certaine ne date
donc que de 1210.
Au sud, le château existe sans doute aussi à cette période. Nos preuves le concernant sont
cependant plus minces. Sa première « mention » n‟apparaît qu‟à la fin du XIIe siècle dans le
Roman d’Aiquin, dont la valeur historique reste très relative d‟autant qu‟il prétend décrire une
situation antérieure à cette période.
Ces deux ensembles reliés entre eux par la rue du Pavé (qui est sans doute l‟un des anciens
axes de la cité antique) vont constituer les deux pôles d‟attraction principaux de
l‟agglomération, comme le fait apparaître clairement l‟analyse du parcellaire. L‟église donne
même naissance à une place qui semble avoir été l‟objet d‟un projet d‟urbanisme volontaire.
Nous ne pouvons cependant clairement déterminer si sa mise en œuvre est la conséquence
directe de l‟établissement du prieuré ou si elle n‟intervient que par la suite.

L‟installation d‟une dépendance de Redon dans la ville n‟est peut-être pas un élément anodin.
Nous connaissons en effet le rôle joué par ce type d‟installation dans l‟aménagement de
l‟espace urbain. C‟est bien ce dont témoignent les multiples créations de bourgs aux XIe et
XIIe siècle auxquelles ils sont systématiquement associés. Le phénomène a déjà été bien
étudié en Anjou par E. Zadora-Rio1214, et il ne semble pas différer en Bretagne1215. C‟est le
cas, notamment à Morlaix, où le vicomte de Léon a fait appel une première fois à Marmoutier
pour fonder un bourg en 1128, puis à Saint-Melaine de Rennes en 11581216. Le prieuré s‟est-il
1214
Fixot, Zadora-Rio dir., 1994 , p. 139-148.
1215
A. Chédeville en a fait une éclairante présentation dans Chédeville, Tonnerre, 1987, p. 400-413.
1216
Guillotel, 1971, p. „é-50.

161
vu confier un rôle dans l‟aménagement de l‟espace urbain de Carhaix? Ce n‟est pas
impossible mais nous n‟en avons pas de preuve.
Autour de la ville enfin, nous savons que le sanctuaire paroissial de Plouguer est reconstruit
au XIe siècle. Enfin nous, sommes assuré de l‟existence de l‟église de Saint-Quigeau,
puisqu‟elle fait partie de la donation d‟Hoël à l‟abbaye de Quimperlé en 1081-1084 ; tient-elle
déjà le rôle de trêve qui sera le sien à la période moderne ? Rien ne nous permet de le savoir.

3.2.3 Le premier « essor » de l‟agglomération (XIVe-début XVIe siècle)

Le bas Moyen Age paraît être la période d‟un important développement pour l‟agglomération.
Nous savons qu‟au XIVe siècle l‟église du prieuré est devenue collégiale, même si le moment
exact de ce changement de statut n‟est pas connu. Mais l‟un des éléments les plus révélateurs
est l‟installation d‟un ordre mendiant, en l‟occurrence les Augustins, qui s‟établit à partir de
1355 dans l‟agglomération à l‟extrémité de la rue qui portera leur nom. Les destructions
occasionnées par la Guerre de Succession ne semblent pas avoir contrarié durablement cet
essor. Dans le deuxième tiers du XVIe siècle, le rentier nous montre le visage d‟une
l‟agglomération en plein développement. L‟abandon du château au cours du XVe siècle, en
est sans doute un élément marquant. L‟habitat vient rapidement occuper l‟espace de ses
fossés, et se regroupe autour des halles placées au cœur de l‟ancienne forteresse.
L‟observation du cadastre du XIXe siècle en renvoie une image assez fidèle puisque les
parcelles bâties se rassemblent dans la partie nord de l‟enceinte, à proximité de la place de la
cohue. Les deux axes principaux, les rues du Pavé et des Augustins conservent aussi leur rôle
structurant dans l‟agglomération. Un hôpital est même fondé par Maurice de Méné à la fin du
XVe siècle sur le bord de l‟actuelle rue Brizieux. Le paysage monumental commence lui aussi
à changer. La collégiale Saint-Trémeur est reconstruite. La tour porche, encore conservée, en
est l‟élément le plus révélateur, les dates 1529 et 1535 inscrites sur les stèles épigraphiques
aujourd‟hui illisibles, sont interprétées comme celles de ses travaux. A l‟extérieur de la ville,
Saint-Pierre de Plouguer, que le rentier qualifie systématiquement de « vieille église » voit
aussi la reconstruction de ses parties orientales dans la première moitié du XVIe siècle. A la
périphérie toujours, se sont constitués des faubourgs dont le plus marquant est Trouglévian.
Né du point de franchissement de l‟Hyères, celui-ci se prolonge de l‟autre côté de la rivière
avec le hameau de Kergroas en Plounévézel qui se structure autour de la patte d‟oie formée
par la rencontre de la route de Morlaix et du chemin de Coatilouarn. A l‟est, autour de la rue
Neuve, qui vient relier le carrefour des anciennes voies romaines de Lannion-Tréguier et
Rennes-Vannes-Corseul, s‟organise aussi un habitat aux aspects déjà presque ruraux. Nous ne
pouvons, par contre, pas assurer que l‟îlot, formé au niveau de la rue de Fontaine Blanche, est
déjà constitué à cette période, faute de texte. Il en est de même pour les petits noyaux
d‟habitats situés au sud de l‟ancienne forteresse. A l‟extérieur de la ville enfin, se développe
toute une série de manoirs et de hameaux dispersés sur l‟ensemble du territoire de la paroisse
et tous reliés aux principaux axes sortant de l‟agglomération par un réseau de chemins
secondaires. Faute d‟éléments chronologiques auxquels les rattacher, leur origine qui pourrait
être plus ancienne n‟est pas connue.
L‟essor n‟est cependant pas terminé. A la suite des nombreuses destructions occasionnées par
les guerres de la Ligue, la ville connaît une série d‟importantes reconstructions. La plupart des
maisons anciennes, conservées encore aujourd‟hui, ne semblent d‟ailleurs guère être
antérieures à cette période. Le XVIIe siècle modifie l‟agglomération, avec l‟installation, à la
suite de la Contre-Réforme, des Ursulines en 1644, des Hospitalières en 1675 et les Carmes
déchaussées en 1687. Le visage de la ville moderne sera finalement achevé par les
transformations de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

162
Conclusion
Le sujet que nous avons traité ici voulait se concentrer avant tout sur le développement
urbain de Carhaix au Moyen Age. Notre questionnement nous a néanmoins amené à nous
intéresser aussi à son environnement proche ainsi qu‟aux différents « espaces de pouvoir » qui
se structurent autour de l‟agglomération. Leur connaissance, même partielle, permet de mieux
comprendre la manière dont la cité s‟intègre dans le territoire. Ce parti pris amène cependant à
aborder des questions plus larges que nous ne pouvons qu‟effleurer ici. Cet aspect constitue
l‟une des grandes limites de notre travail. C‟est justement ces différents manques de notre
enquête que nous chercherons à souligner pour conclure. Cette démarche nous parait utile afin
de mieux cerner les apports de notre travail.

La première partie était l‟occasion de faire le point sur l‟histoire de la ville et les espaces de
pouvoir qui s‟y rattachent au Moyen Age. Nous avons vu que notre connaissance de
l‟agglomération antique de Carhaix a largement progressé depuis une dizaine d‟années. Nous
laissons évidemment à d‟autres le soin d‟en faire une présentation complète. Nous ne pouvons
néanmoins que souligner les perspectives nouvelles entrevues sur l‟Antiquité tardive. Elles
amènent forcément à s‟interroger sur la période qui suit : le haut Moyen Age. C‟est ici que le
manque de sources, qui caractérise la Basse Bretagne médiévale avant le XIIIe siècle, se fait
le plus sentir. Une seule mention, au IXe siècle (dans des annales postérieures), semble
pouvoir être rapportée au lieu. Rien ne nous permet d‟aborder concrètement l‟agglomération.
Une paroisse est cependant née assez tôt de la cité antique : Plouguer. L‟approche de son
ressort territorial, tentée par quelques chercheurs, parait une entreprise bien difficile. La
question de l‟origine et de la réalité des paroisses dans cette partie de la péninsule, déjà l‟objet
de nombreux travaux, posent des problèmes très vastes auxquels nous sommes évidemment
pas à même de répondre. La ville donne aussi naissance à un pagus : le Poher, dont la
géographie, là aussi, pose question. La réunion de ces quelques indices suffit sans doute pour
se convaincre de la continuité de l‟occupation à cette période. Les changements intervenus au
cours du Moyen Age central avec l‟avènement de la société féodale sont un phénomène bien
connu. La situation au niveau de Carhaix est cependant mal appréciée. Nous ne savons pas au
juste si la cité est bien dans les mains du vicomte de Poher ou si, au contraire, elle relève déjà
de l‟autorité ducale. De plus, si à notre sens la vicomté de Poher correspond bien à un
territoire nous avons bien du mal à approcher sa réalité. La ville n‟apparaît elle presque jamais
dans nos sources et il parait bien difficile d‟en écrire l‟histoire. La période ducale, celle des
XIII-XVe siècle, est un peu mieux cernée. Nos informations deviennent plus nombreuses et
l‟on peut enfin de se faire une idée de la situation de la ville. Le rôle rentier rédigé dans le
second quart du XVIe nous offre même une première description de l‟agglomération. Autour
de celle-ci s‟organise toujours différents espaces de pouvoir à commencer par la châtellenie
ducale de Carhaix. Pour les circonscriptions ecclésiastiques nous connaissons aussi bien le
ressort de l‟archidiaconé de Poher et des deux doyennés qui le composent par le pouillé de
Tours rédigé 1330. Nous ne prétendons évidemment pas avoir donné ici une histoire complète
de la cité et des territoires sur laquelle elle exerce son influence. Un certain nombre de points
méritent d‟être approfondis en particulier en ce qui concerne le Moyen Age central et les
XIVe-XVe siècles.

La deuxième partie fait le point sur les structures et les monuments de la ville à la période
médiévale. Comme souvent en Basse Bretagne les constructions conservées restent
relativement peu nombreuses. Il s‟agit avant tout d‟édifices religieux avec l‟église paroissiale
Saint-Pierre de Plouguer, la collégiale Saint-Trémeur et les vestiges du couvent des
Augustins. Nous y ajouterons le pan de courtine du château découvert par C. Hervé-Legeard.

163
Les autres éléments ne peuvent guère être approchés qu‟au travers l‟étude des textes qui
présentent évidemment des limites. Nous nous devons de souligner que notre travail
d‟archives n‟a pas été complet sur cette question puisque nous n‟avons pas consulté les
registres de délibérations du conseil municipal du XIXe et du XXe siècle qui aurait pu
apporter des informations sur la disparition de certains édifices. L‟apport de l‟archéologie
pour la connaissance de la vie quotidienne de la cité au Moyen Age reste très limité pour le
Moyen Age. Hormis les fouilles du 2 rue des Augustins par M. Le Goffic en 1989 ou celle de
la rue du Tour du château par G. Le Cloirec en 1999, aucune intervention n‟a apporté de
réelles informations sur cette période. Nous avons pu aussi approcher plus brièvement la
question du monde rural autour de l‟agglomération. Pour cet aspect, l‟apport de l‟archéologie
est plus net avec le site de Kergoutois découvert en 1998 par L. Aubry et fouillé par la suite
par P. Maguer. Celui-ci démontre l‟existence d‟un petit établissement rural au VIIIe siècle à la
périphérie de l‟agglomération. Le nombre peu important d‟habitats du haut Moyen Age
identifiés dans cette région renforce d‟autant plus l‟intérêt de ces vestiges. L‟étude des textes
permet d‟entrevoir partiellement la manière dont se structurait l‟habitat autour de la ville aux
XVe et XVIe siècle. Notre enquête a cependant été brève. Un travail plus sérieux nécessiterait
sans doute une interrogation plus large des sources en particulier des aveux des manoirs, qui,
s‟ils ont été consultés, n‟ont pas été dépouillé dans le détail. Nous avons pu aussi faire un
point très bref sur le développement de l‟habitat aristocratique ancien autour de la ville. Ce
problème dépassait déjà très largement le cadre de notre sujet de départ. Il nous a paru
néanmoins intéressant de constater l‟existence de ce réseau de fortification en terre dans une
zone relativement proche de la ville. Cette concentration pose des questions qu‟il serait utile
de développer.

La troisième partie correspondait au cœur même du sujet. Elle a permis d‟aborder la question
du réseau routier autour de la ville. Nous avons pu constater les difficultés à l‟approcher par
l‟étude des textes. Le fait est net pour les périodes les plus anciennes qui obligent à réunir de
faibles indices qui ne nous renseignent que sur les grands itinéraires. Les informations ne
deviennent plus nombreuses qu‟à la fin du Moyen Age avec l‟apparition des documents
domaniaux, à savoir les aveux de manoirs et surtout le rôle rentier du XVIe siècle, qui
permettent d‟entrevoir cette fois-ci les réseaux de circulation locaux. De manière plus
concrète, l‟étude des routes autour de la ville n‟a concerné jusque là que les voies romaines.
Ce sujet est évidemment légitime mais il ne permet d‟aborder que très partiellement le réseau
très complexe qui se développe au niveau de Carhaix. Plutôt que de concentrer sur la
restitution du tracé des voies anciennes, il serait sans doute très utile de réfléchir de manière
diachronique en se concentrant sur la question du réseau routier en lui même. Ce type de
démarche a été mis en place par E. Vion qui en a démontré tout l‟intérêt pour la Suisse1217.
Cette méthode est restée relativement peu pratiquée en France, où nous pouvons néanmoins
citer les travaux de S.Leturcq sur l‟Orléanais ou de P. Marchand sur le Gâtinais oriental1218.
Nous avons songé à l‟essayer pour la région de Carhaix mais nous n‟avons pas eu le temps de
la mettre en œuvre.
Pour l‟analyse du parcellaire, nous ne pouvons que constater la faible urbanisation de Carhaix
au début du XIXe siècle. La ville se regroupe autour de deux axes structurants dont l‟origine
antique est probable : la rue du Pavé et la rue des Augustins. La trace la plus visible du passé
médiéval de la cité est incontestablement celle du château dont la forme avait été
précédemment identifié par C. Hervé-Legeard et P ; Kernevez. L‟habitat qui vient se
regrouper à l‟emplacement de ces anciens fossés est révélateur du développement de
l‟agglomération au début du XVIe siècle dont témoignent les sources écrites. La question de
1217
Vion, 1989.
1218
Marchand, 1997 et Leturcq, 1997.

164
l‟enceinte urbaine de la ville parait intimement lié à ce tracé de la forteresse. En l‟absence
d‟autres informations il nous semble logique de l‟identifier à cette forme. L‟autre grande unité
de plan est représentée par la place du charbon dont l‟existence est attestée au XVe siècle.
L‟analyse conduit à constater sa régularité qui témoigne d‟une opération d‟urbanisme
planifiée mis en œuvre à une période malheureusement indéterminée. A la périphérie de la
ville se développent deux édifices religieux, Saint-Pierre et Saint-Quigeau dont il est possible
de restituer le tracé des enclos. Le positionnement de l‟église paroissiale, dont l‟origine
semble remonter au haut Moyen Age, pourrait s‟expliquer par sa fonction funéraire. La ville a
logiquement donné naissance à quelques embryons de faubourgs assez facilement identifiable
au niveau de la rue Neuve, la rue de la Fontaine Blanche et la rue Cazuguel. Les plus
importants restent cependant ceux de Trouglévian et Kergroas nés du point de franchissement
de l‟Hyères. L‟analyse morphologique que nous avons pu mener ici apporte sans doute une
perspective nouvelle sur la ville de Carhaix au Moyen Age. Elle possède cependant aussi des
limites qu‟il ne faut pas perdre de vue. La principale dans notre cas reste sans doute la
difficulté à lier les tracés identifiés à une datation. Cette pratique est il est vrai compliquée par
le manque de sources écrites concertant l‟agglomération.
Pour terminer nous pouvons dire que si ce travail n‟est pas une synthèse sur la ville de
Carhaix au Moyen Age, il constitue une première pour l‟étude ce territoire. Celui-ci laisse
entrevoir un certain nombre de questions ou de problèmes qui méritent d‟être repris et
développés.

165
Bibliographie
1. Liste des abréviations

A.B.P.O : Annales de Bretagne et des pays de l‟Ouest


A. E. B. : Archéologie en Bretagne.
Archéo.Méd. : Archéologie Médiévale.
B.A.A.B : Bulletin Archéologique de l‟Association Bretonne
B.D.H.A. : Bulletin Diocésain d‟Histoire et d‟archéologie.
B.S.A.B. : Bulletin de la Société Académique de Brest
B. S. A. F. : Bulletin de la Société Archéologique du Finistère.
B.S.A.I.V. : Bulletin de la Société Archéologique d‟Ille-et-Vilaine.
B.S.P.M : Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan
C.R.B.C : Centre de Recherche sur la Bretagne et les pays Celtiques.
Dossier du Ce.R.A.A : Dossier du Centre régionale d‟archéologie d‟Alet.
M.G.H : Monumental Germanae Historica
M.S.H.A.B. : Mémoire de la société d‟Histoire et d‟Archéologie de Bretagne.
P.U.R : Presses Universitaires de Rennes
R.A.O : Revue Archéologique de l‟Ouest.
U.B.O : Université de Bretagne Occidentale »

2. Sources manuscrites

Archives départementales du Finistère (abrégé A.D.F)

 Série A

 Domaine de Carhaix

A 6 : Réformation du domaine en 1678-1682 (copie de 1751). Dénombrements de terre


rentes, droits seigneuriaux et juridictions tenus par le Roi dans la ville de Carhaix et les
paroisses de Plouguer, Trébrivan, Le Moustoir et Plounévézel.
A 15 : Réformation du domaine en 1678-1682 (copie de 1751). Dénombrements de terre
rentes, droits seigneuriaux et juridictions tenus par le Roi pour Carhaix, Plouguer, Trébrivan,
Plounévézel, Glomel, Motreff, Poullaouen, Spézet, Scrignac, Maël-Carhaix, Duault.
A 16 : Réformation du domaine en 1678-1682 (copie de 1751). Dénombrements de terre
rentes, droits seigneuriaux et juridictions tenus par le Roi pourla ville de Carhaix.
A 17 Table des biens nobles et roturiers du domaine de Carhaix (table des matières des
articles de A 6 à A 16)

 Série E

 Archives des anciennes communes : Carhaix

2 E 1502 (3) : Exemption de toutes charges accordées par le roi à Pierre Briant (1609)-rôle
des fouages (1685).Presbytère (1605). Arrêt du conseil d‟Etat concernant le moulin du roi à
Carhaix). Four banal (1287), etc.
2 E 1502 (5) : Travaux, procédures.

166
 Registres paroissiaux et état civil

1 M E C 37 1 (microfilm) : Carhaix (1651-1670)

 Série G

 Archives de l‟évêché de Quimper

1 G 26 : Inventaire méthodique rédigé au milieu du XVIIIe siècle pour Carhaix


1 G 326 : Archives de l‟évêché de Quimper. Carhaix, titre de propriété et traité avec les
chanoines de Saint-Trémeur (1425-1786)

 Série H

 Augustins de Carhaix

13 H 2 : Eglise et bâtiments, réparation, droits honorifiques (1475-1728)


13 H 6 : Aveux et déclaration du revenu (1702-1726)
13 H 8 : Réformation du domaine (1628-1776)
13 H 11 : Testaments et fondations sur la généralité des biens (1493-1672)
13 H 14 : Titres de propriété de Carhaix, enclos et rue des Augustins (1462-1780)
13 H 18 : Titre de propriété de Carhaix, rue du Fil, de la Moutarde et d‟autres lieux (1553-
1778)
13 H 19 : Titre de propriété de Carhaix, emplacements diverses dans la ville et faubourgs
(1494-1772)
13 H 26 : Titre de propriété Saint-Quigeau (1485-1769)

 Série J

 Fonds de Leclerc

51 J 10 : Cour et domaine royal de Carhaix. Copie d‟aveux et de déclarations, extraits de


comptes. Mémoire de la Haye notaire pour le domaine (XVIe-XVIIe siècle).
51 J 11 : Seigneurie et juridiction du Tymeur : Inventaires et relevés des titres (XVIe-XVIIIe
siècle)
51 J 12 : Seigneurie et juridiction du Tymeur. Titres n° 4-340.
51 J 32 : Procédure au sujet de discussion entre les habitants du village de Kergroas en
Plounévézel (1622-1653)
51 J 35 : Carhaix Plouguer : extraits des rentes dues à l‟église Saint-Trémeur de Carhaix
(1660)
51 J 42 : Poullaouen : rentier et rôle pour les droits de passage par le pont de Trouglénian
(XVIIe-XVIIIe siècle)
51 J 50 : Titre de propriété et autres actes. Plounévézel. Liasse n° 3 (XVIe-XVIIIe s)

 Série O :

2O 224 : Carhaix. Bâtiments (1832-1923)


2 Q 225 : Carhaix. Cimetière (1853-1943°

167
 Série P :

3 P 27/1 : Carhaix - cadastre parcellaire- Tableau d‟assemblage (15 décembre 1819-20 mars
1820)
3 P 27/2 : Carhaix -Etats de section des propriétés non bâties et bâties (27 septembre 1823)
3 P 27 / 3 : Carhaix - Matrice des propriétés foncières - Volume 1 (30 septembre 1823)
3 P 27 / 4 : Carhaix - Matrice des propriétés foncières - Volume 2(30 septembre 1823)
3 P 27 / 5 : Carhaix - Matrice des propriétés foncières - Volume 3(30 septembre 1823)
3 P 32/ 1 : Cléden-Poher- Cadastre parcellaire, section A-D (1er juin 1823)
3 P 91/1 : Kergloff - Tableau d‟assemblage, section A-E (15 mars 1823)
3 P 195/ 1 : Plouguer- cadastre parcellaire - Section A-E (1820)
3 P 195/2 : Plouguer- Etats de section des propriétés non bâties et bâties (1823)
3 P 206/ 3 : Plounévézel - Cadastre parcellaire -Tableau d‟assemblage, section A-E (15
octobre 1820)

 Série Q :

1 Q 2 479 : Inventaire du couvent des Augustins de Carhaix (9 novembre 1790)

 Série V :

1 V 304 : Carhaix (1809-1868) ; Reconstruction (1879-1888)-Aliénation de la chapelle des


Augustins (1849-1852)

Archives départementales d‟Ille-et-Vilaine (A.D.I.V.)

 Série C

C 617 : Ville de Carhaix : Ordonnances de l‟Intendance relatives aux offices municipaux de la


ville (1745-1786)
C 620 : Ordonnances de l‟Intendance relatives aux travaux publics de la ville de Carhaix
(1754-1775)
C 621 : Ordonnances de l‟Intendance relatives aux travaux publics de la ville de Carhaix
(1766-1787)
C 622 : Ordonnances de l‟Intendance relatives aux travaux publics de la ville de Carhaix
(1766-1787)
C 2279 : Routes (1727-1783)
C 2280 : Routes (1729-1783)

 Série H

3 H 7 : Saint-Sauveur de Redon. Aveu rendu au roi par l‟abbé Scotti (1580)


3 H 116 : Prieurés de Saint-Nicolas de Carhaix et de la Couarde en Bieuzy. Aveux, rôle-
rentier, mémoire des frais et correspondance (1446-1521, 1668-1669, 1732-1772)

Archives départementales de Loire-Atlantique (A.D.L.A)

 Série B

168
B 17 : Livre de la chancellerie de Bretagne contenant l‟enregistrement sommaire des pièces
présentées pour être scéllées (1508)
B 677 : Sénéchaussée de Carhaix, Conq, Fouesnant et Rosporden (1525-1558)
B 760 : Domaine de mainmorte : aumônerie et hôpitaux (1478-1726)
B 803 : Abbaye de Redon. Aveu, dénombrement, déclaration des maisons, fief, juridictions,
privilèges, droits et dîmes, rentes, domaines et métairies composant le temporel de l‟abbaye
produit par Paul-Hector Scotti (1580)
B 808 : Abbaye de Redon. Aveux et dénombrements du temporel situé sous la juridiction de
Carhaix (1618-1726)
B 1082 : Paroisse de Plouguer et ville de Carhaix. Aveux de dénombrement (1443-1773)
B 1083 : Paroisse de Plouguer. Aveux de dénombrement (1435-1777)
B 1084 : Paroisse de Plouguer. Aveux de dénombrement (1439-1777)
B 1102 : Aveux collectifs ou indéterminés produits pour des héritages nobles, des rentes et
droits divers situés dans le ressort de la barre royale de Carhaix (1310-1777)
B 1103 : Réformation du rôle rentier (1421-1541)
B 1104 : Domaine royal de Carhaix. Rôle rentier de la sénéchaussée (1640-1641)
B 1106 : Papier terrier de la barre royal de Carhaix contenant les déclarations et
dénombrements d‟héritages nobles et roturiers fournis devant la commission de la réformation
du Domaine par les propriétaires de maisons de la ville de Carhaix et des faubourgs (1678-
1680) (558 f°)
B 1107 : Papier terrier de la barre royal de Carhaix contenant les déclarations et
dénombrements d‟héritages nobles et roturiers fournis devant la commission de la réformation
du Domaine dans la paroisse de Plouguer (1678-1682) (572)
B 1123 : Réformation du domaine royal de Carhaix. Procès-verbal d‟arpentage des maisons
(1682)
B 1124 : Obédiences féodales de la cour royal de Carhaix (1679-1715)

 Série E

E 18 ( 2 Mi 785 R 5) : Lettres de constitution de douaire (1430-1459)


E 155 ( 2 Mi 785 R 33) : Concessions de terres ( 1420-1496)
E 157 (2 Mi 785 R 34): Concessions de privilèges d‟exemption et de franchises en faveur de
diverses villes et communauté d‟habitants (1225-1490)

3. Sources Imprimés
Sources diplomatiques, fiscales et textes conciliaires

- Actes de Jean IV: Recueil des actes de Jean IV, duc de Bretagne, éd. Jones (M.), 2 vol.,
Paris, Klincksieck, 1980-1983
-Actes du Saint-Siège : Actes du Saint-siège concernant les évêchés de Quimper et de Léon,
éd. Peyron (P.), BDHA, 1911, p. 242-285, 313-384, 1912, p. 29-57, 83-125, 159-249, 283-
303, 352-373, 1913, p. 69-92, 117-150, 184-215, 253-270, 317-346, 375-383
-Cartulaire de Landévennec (a): Cartulaire de Landévennec, publié par Le Men et Ernault
(E.) ds Mélanges Historiques. Choix de documents, t. V, Paris, 1886.
-Cartulaire de Landévennec (b) : Cartulaire de l’abbaye de Landévennec, publié par La
Borderie (A. de ). Rennes, 1888.
-Cartulaire de Quimper : Cartulaire de l’Eglise de Quimper, publié par Peyron (P.),
Quimper, 1909.

169
-Cartulaire de Quimperlé : Cartulaire de l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, publié par
Maître (L.) et Berthou (P.), Paris, Librairie des provinces, éditeur, 1896.
-Cartulaire de Redon (a) : Cartulaire de l’abbaye de Redon, publié par Courson (A. de),
Paris, Collections des documents inédits, 1863.
-Cartulaire de Redon (b): Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, publié par
Chédeville (A.), Guillotel (H.) et Tanguy (B.), Rennes, Amis des Archives historiques de
Rennes, Dol et Saint-Malo, 1998.
- Chartes inédites de Locmaria : Chartes inédites de Locmaria de Quimper (1022-1336) ;
publiées par A. de La Borderie, B.S.A.F., t. XXIV, 1897, p. 96-113.
-Charters of duchess Constance: The Chartres of duchess Constance of Brittany and her
family (1171-1221), publiées par M. Jones et J., Everard Woodbridge, The Boydell Press,
1999.
-Concilia Antiqua Galliae : Concilia Antiqua Galliae. 3 t., éd. J. Sirmond, Paris, 1629.
-Dom Morice, 1742-46 : Dom Morice éd.- Mémoire pour servir de preuves à l’histoire civile
et ecclésiastique de Bretagne, tirés des archives de cette province, de celles de France et
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B. Tanguy, J. Irien, S. Falhun, St Hervé. Vie et culte, Landerneau, Minihi Levenez, 1990.
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Vannes et martyr, publiée par F. Plaine, B.S.A.I.V., t. XVI, 1884, p. 137-312.
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In. B.Tanguy, J. Irien, S. Falhun et Y.P Castel, Saint Paul Aurélien. Vie et culte. Landerneau,
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Loth, A.B.P.O., n°1, 1893, p. 81-86, n° 2, 1894, p. 277-287, n° 3, 1894, p. 438-447.
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Sources narratives

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-Argentré, 1588 : Argentré (B. d‟)-Histoire de Bretaigne des roys, ducs et comtes, et princes
d’icellle : l’établissement d’un royaume, mutation de ce tiltre en Duché, continué iusque au
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laquelle passa le duché en la maison de France, Paris, 1588
-Chronicon Briocense : Chronicon Briocense. Chronique de Saint-Brieuc. Texte critique et
traduction. I. (chap. I à CIX), éd. Gwenaël le Duc et Claude Sterck, Paris, C.Klincksiek, 1972.
-Chronique de Nantes : La Chronique de Nantes (570 environ-1049), publiée par Merlet
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-Chronique de Richard Lescot : Chronique de Richard Lescot, éd. Lemoine (J.), Paris, 1896.
-Ermold le Noir : Ermold le Noir, Poèmes sur Louis le Pieux et épîtres au roi Pépin, éd.
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-Froissart : Froissart, Jean- Chroniques, Livre I et II, éd. Ainsworth (P.F) et Diller (G.Y.),
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-Grégoire de Tours : Grégoire de Tours, Histoire des Francs, 2 t., publié par Latouche (R.),
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-Le Baud : Le Baud (P.)-Histoire de bretagne avec les chroniques des maisons de Vitré et de
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-Roman de Tristan : Le Roman de Tristan, éd. Bédier (J.), Piazza, 1946.
-Tristan et Iseut : Tristan et Iseut. Les poèmes francais. La saga norroise, Lacroix (D.) et
Walter (P.) éd., Paris, Le livre de Poche, éd. Lettres gothiques, 1989.

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méthodologique, des réponses nouvelles. In : Paysages Découvertes ; I, 1989, p. 67-99.

183
Table des Matières
Remerciements p. 3

Introduction p. 4

Première partie : Carhaix, ville et centre de pouvoir


1.1 Contraintes et avantages du site p. 9

1.2Vorgium, chef-lieu des Osismes


1.2.1 La naissance de Vorgium p. 10
1.2.2 Quelques aspects de l‟urbanisme carhaisien au Haut Empire p. 12

1.3La destinée d‟une capitale éphémère : Carhaix au cours de l‟Antiquité


tardive et du haut Moyen Age (IVe-Xe siècle)
1.3.1 La situation de la ville au Bas Empire

1.3.1.1 Les observations archéologiques p. 15


1.3.1.2 L‟hypothèse du changement de capitale p. 18
1.3.1.3 La question de l‟évêché des Osismes p. 21

1.3.2 Une période méconnue : le haut Moyen Age

1.3.2.1 Le démantelement de l‟ancienne cité des Osismes p. 22


1.3.2.2 Une paroisse primitive : Plouguer p. 25
1.3.2.3 Le Poher, un pagus du premier Moyen Age p. 30
1.3.2.4 Une première mention de Carhaix au IXe siècle p. 33

1.4 Le Moyen Age central (XIe-XIIe siècles)

1.4.1 Un espace de pouvoir : la vicomté de Poher p. 36


1.4.2 La situation de Carhaix au Moyen Age central p. 39

1.5 La période ducale (XIIIe-début XVIe siècle)

1.5.1 Les espaces de pouvoir

1.5.1.1 Carhaix et le Poher dans le domaine ducal p. 44


1.5.1.2 L‟archidiaconné et le doyenné de Poher p. 46

1.5.2 La ville du XIIIe au XVIe siècle

1.5.2.1 Un XIIIe siècle méconnue p. 48


1.5.2.2 Les destructions de la Guerre de Succession p. 49
1.5.2.3 Carhaix à la fin du Moyen Age p.51

184
1.6 La destinée de la ville à la période moderne

1.6.1 Les guerres de la Ligue p. 52


1.6.2 Les nouvelles fondations du XVIIIe siècle p. 52
1.6.3 Les grands travaux du XVIIIe siècle p. 53

Deuxième partie : Les monuments médiévaux


2.1 Les fortifications

2.1.1 Le château p. 56
2.1.2 L‟enceinte urbaine p. 61

2.2 Les édifices religieux

2.2.1 L‟église paroissiale de Plouguer p. 63


2.2.2 Le prieuré Saint-Nicolas et la collégiale Saint-Trémeur p. 70
2.2.3 Le Martray : l‟emplacement d‟un ancien cimetière ? p. 76
2.2.4 L‟église tréviale Saint-Quigeau p. 77
2.2.5 Le monastère des Augustins p. 81
2.2.6 L‟hôpital Sainte-Anne p. 89
2.2.7 Les établissements religieux modernes p. 91
2.2.8 Les chapelles autour de la ville p. 92

2.3 Les infrastructures d‟échange et de production

2.3.1 Foires et Marchés de la ville p. 96


2.3.2 Les halles p. 97
2.3.3 Le four banal p. 99
2.3.4 Les ponts p. 100
2.3.5 Les moulins p. 102
2.3.6 Les carrières de pierre p. 103

2.4 L‟habitat civil

2.4.1 Les maisons anciennes de Carhaix p. 104


2.4.2 L‟habitat médiéval d‟après les sources écrites et l‟archéologiques p. 107

2.5 L‟habitat rural autour de la ville de Carhaix

2.5.1 Un habitat du haut Moyen Age : la ferme de Kergoutois p. 110


2.5.2 Les indices d‟habitat (toponymie et sources écrites) p. 113
2.5.3 La place des résidences aristocratiques
2.5.3.1 L‟habitat aristocratique ancien p. 119
2.5.3.2 Une ceinture de manoirs p. 125

185
Troisième partie : Morphologie et développement
3.1 Analyse morphologique
3.1.1 Le réseau routier autour de Carhaix

3.1.1.1 Historiographie de la question p. 132


3.1.1.2 L‟apport des sources écrites médiévales p. 133
3.1.1.3 Les grandes routes autour de l‟agglomération p. 138

3.1.2 La ville

3.1.2.1 Le réseau viaire de la ville p. 143


3.1.2.2 L‟empreinte du château et la question de l‟enceinte urbaine p. 149
3.1.2.3 L‟église Saint-Trémeur et la place au charbon p. 153
3.1.2.4 L‟enclos des Augustins p. 154

3.1.3 La périphérie de la ville

3.1.3.1 Le parcellaire autour de Saint-Pierre de Plouguer p. 154


3.1.3.2 L‟enclos de Saint-Quigeau p. 156
3.1.3.3 L‟enclos des Ursulines p. 157
3.1.3.4 Les faubourgs p. 157

3.2 Hypothèses sur le développement de la ville de Carhaix

3.2.1 Un grand inconnu : le haut Moyen Age p. 160


3.2.2 La renaissance de la ville (XIe–XIIe siècle) p. 161
3.2.3 Le premier « essor » de l‟agglomération (XIVe –début XVIe siècle) p. 162

Conclusion p. 163

Bibliographie p. 166

186

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