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Je suis un voleur
et, peu à peu, les clients sont attirés par cette visibi-
lité. Bien sûr, toute personne dont l’activité profes-
L’invention du téléporteur
Stop !
L’Internet citoyen
pace électronique, lui, est infini. Que l’on crée dix mil-
lions de bibliothèques virtuelles et il restera toujours
autant de place. Si les rentrées publicitaires ne per-
mettent de financer qu’un nombre limité de sites d’in-
formation, un site web est d’un coût si faible comparé
à un journal ou à un livre que sa fin n’est pas pour
demain.
Quel est alors l’intérêt du filtre éditorial pour un
auteur ? Entre l’alternative du tout ou rien (soit on est
édité, soit on remballe son œuvre au fond d’un tiroir)
et une diffusion mondiale, comment hésiter ? À qui
profite la pénurie d’espace, sinon à ceux qui font pro-
fession de le remplir et qui sont aujourd’hui effrayés
par celui, infini, de l’Internet ? Le futur verra vraisem-
blablement naître de nouveaux genres de filtres édito-
riaux. Ils fourniront au public le choix des consom-
mateurs car ceux-ci les auront définis en fonction de
leurs goûts et de leurs attentes. Un choix qui se fera
parmi un nombre d’œuvres encore jamais atteint jus-
qu’à présent. En suivant ce raisonnement, simplement
objectif, la peur des majors face au MP3 est plus com-
préhensible. Une peur irraisonnée, comme toutes les
peurs, parce qu’elle est infondée, parce qu’elle né-
glige les faits (qui sont aussi têtus qu’un dinosaure, ne
l’oublions pas), parce qu’elle oublie que pour quelque
temps encore, la société n’est pas prête à passer au
«tout virtuel» et que l’objet physique a encore de
beaux jours devant lui.
58 CONFESSIONS D’UN VOLEUR
pie privée.
Le phénomène prend même de l’ampleur. Deux
cent quatre-vingt-huit auteurs ont signé, en avril 2000,
une lettre commune demandant aux éditeurs d’inter-
dire le prêt de leurs livres en bibliothèque tant qu’une
rémunération sur ces prêts ne sera pas en vigueur.
On peut donc imaginer un monde dans lequel aucune
œuvre ne pourra être mise à la disposition du public
sans contrepartie financière. Nombreux sont ceux qui
l’admettent avec impassibilité.
En humble informaticien que je suis, je pose pour-
tant une question sans rapport avec mes compé-
tences : d’où viennent ces œuvres sinon du passé
commun à toute l’humanité ? D’où viennent les idées,
les influences, les imaginations, les imaginaires, sinon
de tout ce qui entoure les auteurs, de notre histoire
et de notre culture commune ? De quel droit un au-
teur (ou son éditeur) peut-il s’approprier une idée qui
n’existerait pas sans la collectivité tout entière ? Pour-
quoi priverait-on les plus pauvres du droit minimal de
partager les fruits de ce passé en entravant une diffu-
sion la plus large possible ?
Le manque à gagner que représente pour quelques
auteurs à succès le prêt gratuit de leurs livres ou le té-
léchargement de leur musique est très largement com-
pensé par la publicité que cela leur procure. Et quand
bien même il n’en serait pas ainsi, ce n’est que jus-
tice que rendre à la collectivité ce qu’elle vous offre
60 CONFESSIONS D’UN VOLEUR
Logiciels à louer
Le nouveau vaudeville
Un sociologue en retard
elle disparaît ?
Pourtant la priorité des autorités semble être d’em-
pêcher les pédophiles d’utiliser l’Internet plutôt que
de les arrêter. Or, s’il est compréhensible que l’on ne
souhaite pas leur faciliter la vie (encore heureux !) en
les aidant à diffuser leurs monstruosités, il est plus
difficilement défendable que l’on fasse tout pour les
pousser à se cacher. Le premier texte de loi français à
avoir pris en compte l’existence de l’Internet est l’ar-
ticle 222-28 du Code pénal. Il aggrave la peine encou-
rue lorsque la victime d’une agression sexuelle «a été
mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisa-
tion, pour la diffusion de messages à destination d’un
public non déterminé, d’un réseau de télécommuni-
cations». Une agression sexuelle est donc bien plus
grave si l’on a rencontré son agresseur sur l’Internet.
C’est connu !
Toujours aussi populiste, également voté en 1998
à un moment où il fallait propager l’idée que le ré-
seau était dangereux et qu’il fallait le réguler, l’article
227-23 aggrave les peines encourues pour la diffusion
d’une image pornographique représentant un mineur
si cette image est diffusée par l’Internet. C’est tou-
jours très logique, la société subit un préjudice bien
plus grave quand l’image passe par le courrier élec-
tronique plutôt que par la poste, sous pli scellé et sans
que quiconque ne puisse l’intercepter ! Cet article pu-
nit également la diffusion d’une «représentation» d’un
144 CONFESSIONS D’UN VOLEUR
Net sous X
160 CONFESSIONS D’UN VOLEUR
L’apprentissage de la liberté
Le grand secret
de non-droit».
À travers toutes ces procédures, le faux message
qu’elle a contribué à créer et à médiatiser c’est que
l’on peut tout dire sur l’Internet, puisque même les
associations qui se sont donné pour objectif de pour-
suivre les délinquants échouent à les faire condamner.
Il n’est pas innocent, de ce point de vue, que Robert
Faurisson, chantre du révisionnisme à la française, ait
affirmé qu’il «considérait l’Internet comme une zone
de non-droit dans laquelle [il pouvait s’]exprimer sans
rien risquer». Au final, je me demande qui a le plus
perdu dans ces procès, de l’UEJF ou de la société.
responsable.
En bon politique, il ne pouvait pas se contenter de
déresponsabiliser les intermédiaires techniques mais
devait également faire en sorte que de telles images
ne puissent plus être diffusées sur les réseaux. La loi
proposait donc qu’en échange d’une irresponsabilité
juridique, les intermédiaires techniques suivent les re-
commandations d’un organisme chargé de surveiller
les contenus. Cette loi, nous l’avons vu, créait donc
le Conseil supérieur de l’Internet, organisme de droit
public, chargé d’établir ce que les citoyens pouvaient
dire ou faire sur l’Internet et qui disposait du pouvoir
de censure sur tout contenu qui lui aurait semblé illé-
gal. La France a déjà connu de tels organismes : la
bureaucratie de l’ORTF, qui avait la mainmise sur les
moyens de diffusion audiovisuels, remplacée par le
CSA qui dispose, lui, d’un droit de punition sur les
chaînes de télévision ou des stations de radio. Il y a
aussi le Conseil supérieur de la télématique (CST),
moins connu mais qui dispose tout de même du pou-
voir d’interdire les services Minitel qui lui déplaisent.
Je suis de ceux qui considèrent que si l’État peut
imposer des limites à la liberté d’expression des en-
treprises, au nom d’une morale plus ou moins impo-
sée, notre Constitution et ses principes fondateurs lui
interdisent d’attenter à la liberté de ses citoyens, dès
lors qu’existe un moyen d’expression ouvert à tous
GOUVERNER C’EST BÂILLONNER 179
Le Minitel à la poubelle
www = xxx
Le domaine de l’arnaque
clamerai ma part...
Conclusion
Remerciements
1. Je suis un voleur 9
2. L’invention du téléporteur 21
3. L’Internet, sa vie, son oeuvre 35
4. La fin des dinosaures 45
5. Logiciels à louer 77
6. Le nouveau vaudeville 93
7. Confessions d’un voleur 121
8. Liberté, égalité, responsabilité 139
9. Gouverner c’est bâillonner 169
10. www = xxx 209
11. Ta boulangère sur Internet 219
12. Qui n’a pas sa startoope ? 229
13. Conclusion 243
249