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Appel à contribution

Actualisation/virtualisation en linguistique
Les Etudes Romanes de l’université Masaryk de Brno1 lancent un appel à
contribution pour le numéro thématique n°2 de l’année 2011.
L’objectif de ce volume est de tenter de faire le point sur le problème
théorique de l’actualisation et de la virtualisation en linguistique (en sémantique
notamment). Toutefois, des articles littéraires ou, d’une manière plus générale,
toute réflexion ancrée dans l’une des sciences humaines, sont aussi les bienvenus.

i. Problématique

En linguistique, la tendance est de penser le virtuel comme une simple


réserve de possibles. Les linguistes ont peut-être une conception trop claire de la
virtualisation, comme en attestent les virtuèmes de B. Pottier. Si l’on prend aussi le
cas de la Sémantique Interprétative de F. Rastier, on voit bien que lui-même définit
cette dernière de manière en apparence trop limpide : « neutralisation d'un sème, en
contexte », tandis que l’actualisation serait l’« opération interprétative permettant
d'identifier ou de construire un sème en contexte ». Selon l’auteur, la virtualisation
agit donc sur le possible déjà existant, comme le prouve le terme de neutralisation :
en effet, on ne saurait neutraliser du virtuel pur. H. Nølke (1989)2 a fait remarquer
avec beaucoup de finesse l’une des difficultés majeures de cette dichotomie chez
F. Rastier, remarque restée pourtant sans écho :
« Dans la phrase suivante : «Guillaume était la femme dans le
ménage, l'être faible qui obéit, qui subit les influences de chair et
d'esprit» (Zola: Madeleine Férat, p. 287), le sème afférent
/faiblesse/ est dit actualisé (dans ce contexte), parce que «la
compétence interprétative reconnaît sa pertinence»(p.81), tandis
que le sème inhérent /sexe féminin/ est dit virtualisé. Il est évident
qu'il n'est pas actualisé (personne ne comprend que Guillaume soit
ici le nom d'une femme), or il demeure, dit Rastier, dans la
mémoire associative. Cette différence me semble subtile et pour le
moins difficile à manipuler. Qui plus est, je vois mal sa pertinence :
ne pourrait-on se contenter de parler, si le besoin s'en faisait
sentir, de l'actualisation et de la non-actualisation des sèmes ?
Peut-être l'introduction du sémème //virtuel// est-elle un
hommage rendu à la tradition, mais ici elle semble alourdir
inutilement l'appareil notionnel, qui est par ailleurs
remarquablement cohérent ».

H. Nølke pousse à admettre une chose essentielle à partir de cet exemple : la


virtualisation de F. Rastier ne traite pas vraiment du virtuel, qui est en fait
simplement vu comme une mise en latence de certains éléments de l’univers du
possible déjà réalisé, mais, en fait, établit plutôt une dichotomie actualisation/non-
actualisation, ce qui est bien différent. C’est d’ailleurs la conception que les
linguistes se font en général du virtuel : du potentiel déjà réalisé non-actualisé en
contexte. P. Cadiot et Y.-M. Visetti, bien qu’auteurs de la tripartition retentissante
motif-profil-thème, ne font pas exception lorsqu’ils affirment (2001 : 21) :

1
http://www.phil.muni.cz/rom/erb10.htm
2
Recension de Sémantique Interprétative de F. Rastier parue dans Revue Romane.
« Le lexique est comme un système complexe, qui fonctionne parce
qu’il est susceptible d’établir et d’enregistrer immédiatement dans
ses formats propres des distinctions jusque là inédites – ce qui
implique par contrecoup d’atténuer, ou de virtualiser, d’autres
distinctions qui ne se perdent pas pour autant ».

Le seul linguiste qui ait envisagé le problème (ou plutôt qui en a vu l’intérêt)
est E. Coseriu (2001 : 246), en redéfinissant la distinction norme/système :
« La norme est un ensemble formalisé de réalisations
traditionnelles ; elle comprend ce qui « existe » déjà, ce qui se
trouve réalisé dans la tradition linguistique ; le système, par
contre, est un ensemble de possibilités de réalisation ; il comprend
aussi ce qui n’a pas été réalisé, mais qui est virtuellement existant,
ce qui est « possible » ».

L’idée d’un virtuel qui serait vu comme du possible jamais réalisé serait donc
en linguistique depuis 1964, date de l’article « Vers l’étude des structures lexicales »
(inclus dans l’ouvrage de 2001) mais n’a pas fait d’émules.
Ce volume doit donc être l’occasion de repenser, de manière théorique et
pratique (sur corpus), la question du virtuel, de l’actuel et du réalisé.

Bibliographie indicative

CADIOT P. & VISETTI Y-M.. (2001), Pour une théorie des formes sémantiques : motifs, profils, thèmes. Paris :
P.U.F.
COSERIU E. (1973 (1952)), Sistema, norma y habla, in Teoría del lenguaje y lingüística general, cinco estudios.
Madrid : Gredos.
COSERIU E. (2001), L’homme et son langage. Louvain, Paris : Peeters.
CUSIMANO C. (2008), La polysémie – Essai de sémantique générale, Paris : L’Harmattan.
GUILLAUME G. (1987), Leçons de linguistique de Gustave Guillaume, Québec, Presses de l’Université Laval &
Lille, Presses Universitaires de Lille.
HJELMSLEV L. (1968), Prolégomènes à une théorie du langage. Paris : Editions de Minuit.
HJELMSLEV L. (1969), Le langage. Paris : Editions de Minuit.
MAHMOUDIAN M. (1997), Le contexte en sémantique, Louvain-la-Neuve : Peeters.
MARTIN R. (1983) Pour une logique du sens. Paris : P.U.F.
PEIRCE C. S. (1978), Ecrits sur le signe, Paris : Seuil.
POTTIER B. (1974) Linguistique générale, Théorie et description. Paris, Hachette.
RASTIER F. (1987), Sémantique interprétative, éd. Formes sémiotiques, Paris : P.U.F.
RASTIER F. (1989), Sens et textualité. Paris : Hachette.
RASTIER F. (1996), Arts et sciences du texte. Paris : P.U.F.
SAUSSURE F. de (1916), Cours de linguistique générale. Paris : Payot.
TOURATIER C. (2000), La sémantique. Paris : Armand Colin.
VALIN R. (1973), Principes de linguistique théorique de Gustave Guillaume, Québec : P.U. de l’université de
Laval.

ii. Calendrier et autres informations pratiques

La publication devant avoir lieu à la fin du deuxième semestre 2011, nous


attendons les articles pour le 28 février 2011 au plus tard. Les articles doivent être
écrits dans une langue romane et obligatoirement accompagnés d’un résumé en
anglais. Ils sont à envoyer à Christophe Cusimano (directeur de ce numéro spécial) à
l’adresse : ccusim@phil.muni.cz et seront ensuite soumis à la relecture anonyme de
deux pairs.
Quant au format, les articles doivent être écrits sans mise en forme
particulière et enregistrés aux formats « .pdf » ou « .rtf ».

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