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Difcours du fon-

GE DE POLIPHILE,

Deduifant comme Amour le combat


a leccafion de Poila.

Sou6glalondc9uoyfauEFeurmoeant
ju, ne font î.,
tranitf,trai8ede plufieurtmatina
profitables, ci dignes de rne-
moire.
Nauuellemerrttradui8delmgageitalien
MFrancols.
DO VBLE DV PR1V1LEGE . A MONSEIGNEVR,'MONS ElGNEVR LE
Conte de Nantheuille Haudouyn,MeSire Henry de Lmoncourt,Cbeualier
R A N C O 1 S parlagracc de dieu Roy de France, aux
PreuoffdeParis, Sened,aldeLyon,C arousnoZautres de fordrc,Gouucrneur de vallois,c capitaine de Cinquante
iulicirrsQ, olfc,,rsou aleurr lieuxeenanr,Ialut. la- hornnresd'arn+es .
quer Kcrrcer,rrard,Rt hbraore de noflre uniuufite de Pa-
ris,nous a faiëd dire qu'il a puiiaguercs recouvert un Onfcigneur , Encores que te Cache voftre ici,
bure intitulé Hypncrotomadiic de Poliphilc, nouuellcn+A gneurie élue continuelementoccupee aux grâs
traduiFld'Italien en ligue Francoyfe,iequel il dore faire affaires en quoy il plant a la maiefté du Roy vous
imprimerpourdonnerplai ,r a tousgcnsfaurtr,Qy qui as- employer,de forte du ïl ne vous relie fi peu que
ment les lettres . Mais +l doubte qu'apres qu'il en aura rien de temps pour convertir aux chofes de plai-
faifF lerfrai7,ey crnplayé plufeurr l mmes de deniers a fir,frehce queiene craindray a vous dedier ce
pourtraireettailler lesbifloiresdicclluy,quifont ngrid Poliphile,qui en l'an mil quatre cens foixante
nombre,fruansafintclligencedul,ure :aucunrautres imprimeurslemouf utfnrbla- fept fit coupole en Italien parvn Gentilhom-
blernentimprirner,~yparcemoyenlefrutrerdelrpeinelabeurcf dcflrnfcf par noie me dode,& de maiton tlluftre, & ii agueres ira-
si , lut,ef,,tjar e p o urueuderemedecôuene6le,h+amblemcntrzororrcgwerantimlGy :par- dui,t en Prancois par va, autre Geno :lromme
quoy noir ces cbofs confiderees inchmans al s requeffe dudifl Keruer,C déliras que tous vertueux, & de bon fauoir :la traduftion duquel me fut baillée par vn mien
bons liures tiennent en euidence : Nous lut, aimer permys C' QE7rayc', permettons C amy afinde la renaît,& tenir main a la mettre en lu mi ere :chofe dequoy te rate
vil royonspar ces prefentes, d'imprimer py faire imprimer led+ccl hure de Polipbile, 0- petit, erre sailli fideletruent acquité,que te deftreron, que Ion faift pour mot,
icelluy,mettre en mente durant le temps U terme defàx ans enruiuss Fr confécut fz a con- fil aucnoit que ic laiffaffe quelque mienne entreprifumperfede . Les rations
mencer au tour Cy dam de lapremiere imprelior+qui par luy mfcrafaiH, : durant lequel (Monfeigneur)quiniemariaient alevous dedier,ibntenpremier lieu, qu'en
temps fille pourra imprimer tant defais et, en tel nombrequ, bon luyfcrnblera,crc manier, pluficars de les paffages il traille fi nayuemét de l'ai chiteftureoLi art de bien
q+iilpui)Tcfourniratousceulxquienarerôtafaire,/anrquecepëdanteduritIndic tëps baltipq U'Il n'eft gueres poffible de mieux :& paumât Cuis en opinib qu'il vous
cll des, c6fideré que vous y prenez amât deplaifir que fusion faire feignent
aucunsmarcb .ïrl+brairesimprimeursneautrcsquelzconqueslepuiyentimprimernefai-
de voflre qualité,côme vous l'auez mouliné par cffca en voftre bel édifice de
re irrzprimer, vendre ne d~nbuer en noz Royaumepays terrer et, ~+gneunes,~nr la uo-
Nantbeuil,dontvous melmesuez pourgettélesordonnances, tant comma .
hütc :;, coulentement dudiFi Kerucr . Si mandons Qy commettons par ces prefentes a
des & G bien entendues,gtiil n'y a maintenât architefte en ce Royaume qui
dracun de nous endroitfoy c fcommee lut, appartiendra, que de noz prof rates grace,
ne feftinaalt auoir faift vu chefd'ceuure, li teles ou femblables ameutions
p,r,nfion,Ey oFlroy nousfailles ~uffr'ez py la+~z leditF Iaques Kerun ioyr p; ufer
effoient fortiesde ton entendement. La Cecondecaufe ftel,que,élime eft
plainement ig paiifblement-.enfaune oufafntfa+r,inbibitiorzs f defenfs de par nous
tant abondant de chofes ftngulteres & dinerfes , que nous n Tuons autheur
a tousmarcb,ïsl+brairesimprimeursceautresquelzeüques,furgranrpeinesa appliquer ennoffrelangue qui pour le prefent f y puifè comparer, & vous vous dele-
a rceus,e de perdition des hures,py détour ce qu ïlzy rnettroint,dc ne mrpr1merny ex-
.ns fexpresaoulwr ~, carc~nte- &ez tnetueilleufemét a ouyr solos leci ures quand volire commodité le porte .
pofer en vente 1,,ùïlliure durit ledlff temps defix ans f
lebuiffientedeMars,l'm Puis la troyfieme et principale raifon eft,afin quïcclluy Poliphile ne voyfe et-
mentdudiëlKerter :carteleffnoffreplairtr . DorméaParis
tant parle monde ainfi qti vn pupille deffitué de prote&cur, gins que foubz
degrace mil cinq cens quarantetrois,Qy de noffre regnele trentieme. vofire adieu & fauuegarde il Coir aux maifons de Brans Peigneurs & gentilz-
hommesqui vous portent amytié,receu en suffi bon vifagc,que Ion aile cou-
Parle Roy en fon confil.
Robertet. fltmm recueuillir les chutes qui viennent de la part des amys. Soyez lut, don=
gues,Monfeigneur, favorable, & le prenez(ftl vous plaift)ntdli humaine-
A MON- ment demoy qui le vous prefente,comme lepocCent vous eR faift de tref-
hunuble&entiere affeftion : Aueclaquellc iepric le Createur vous donner
Monfeigneur en perfe&e lancé trelongue & trefheureufe vie. De Paris ce
X11IL tour d'Acul. M . D . X L V I.

Votre treslaumble & trefobeytpant


fetrateur lanmartin .
â ' ij
defcrit & la diffingue en petitz boccluetz,prez,iardins,Heuues,ct fontaines,en
IAN MARTIN SECRETAIRE DE MONSEIGNEVR forte qniil l'a fait plus belle que les champz Elyfees dont les Poetes Grecz &
le Reuerendiffmre Cardinal de Lenoncourt, Latins ont fai& li gtMe méaon .La font les Nymphes amoureufes plufieurs
beaux prefens a Cupido,gn ïl recoin &accepte : puis f'en va fur vn Char trw-
AVX LECTEVRS . plaanttufquesavnnacmetlleux Theatre Juneau mylieu de fille, au centre
I vous deftrez(Meireignenrs) entendre a peu duquel efl la fontaine de Venus,enuironnee de fept colonnes dépierres pre-
de paroles ce qui eft contenu en tell maure, fa- cietdes. La racompte fautheur tous les mylleres qui furent failli a fermier,
claez que Polipltile dtftavoir vcu en fongedes pais comment pour lavenue du diei,Mars,luy & famyefurent contrainftz
choies ad mirables, entre IeCquelles il en defcrit fe rerirer avec les Nymplaes,q ui les menerent a vne atrtre fontaine,pres de la_
pluficursantiques dignes de naemoire,comme quelle eftoit la fepulture d'Adouis,en cômemoration de qni la deelf e Venus
Pyramides, Obelifgnes, grandes ruines d'edifi- fait tous les ans faire vnepompe fimebre,& elle naefnae y affiffe,faifant l'offi-
ces,la différence des colonnes,leurs meCures, cedePrieuCc, EflantlesNymphes afizesenuironlepied decelle fontaine,
piedeflalz,bazes,&chapiteaux dont elles font elles reculeront Polia que Ion plaiftr fait leur dire de quele race elle elt defcé-
ornees.Puis les architraves, fraies, cornices, & due,& comment elle deuint amoureuCe, eufenable le difcours de fes amours .
frontifpices aller leurs ouvrages . Vn grand che- &la fine leprcnrierliure. AufecondicellePeliapour fatisfairealaicquefle
ual,vn Elephant de triennal leufe grandeur vil Coloffe,et vue porte magnifi- des Nynaphes,leurdeduidennierementfaParenté, &ticlaiffeadire conmne
que,auec Con plant,ordonnance,moulures,& bcCongne detaille .Apres com- la cite de Treuiz futprenaiereaient edifiee . Puis pourfuyt la diffculte dual y
mentcingbelles Nymphes le menerent aux baingz : &cependant il n'oublie eutauantqu'elle peultconde£cendre a deueniramolli eufe,éc puis 1hein eux
a faire mention d'vneexcellentefontaine.Plus defcrit le Palais de la Royne fucces qu'elle a de les amours .Sur quoy l'biliaire finie avec plufieurs notables
Eleutherilide :laquetlepour amour deluyfeitfairevnfeftittfolénel, en quoy acceffoires,Poliplaile f'efueille au chant du Roffignol .
Ionpeultaprendrebeaucoup de choies commodes a la fariné des (tommes . Vous portez croire Meffeigneurs que defroubz celle Gdion il y a beaucoup
Aptes il fpecifieladiueritédespierres precieufes, avec leurs vermz nature- de bonnes choies caclices,qu il n'eff licite reueler, & aui n'auriez vous point
les, le paffetemps d'vne dame : & confequemment figure trois iardins, dont de plaifarfi Ion vous les fpecifioit parriculicrement : car iamais ne gouftericz
l'vu eh de verre,l'autre de foye,et le tiers faid en Labyrinthe circuy d'vn Peri- la faveur du fnnit qui fe peult cucutllir en cefte le£ture : parquoy ne vous en di-
Ilyle ou enuironnement de colonnes failles de terre cuyae . Au mylieu de ce ray autre chofe,ains remettray le tout a l'exercice de voz ethnies . Tât y a, qu e
perify le ef affrze vine pyramide entaillée de CharaCteres Egyptiens,que Ion pour vous faire coognoiffre le nom de l'autheur, bien diray ie ce mot en paf-
dlalettresHiéroglyphiques . Partant dela,ilfenvaauxtrois portes > &entre fant,qu'ilfaulrluyuredepuis le commencement iniques a la fin, les lettres ca-
en celle du urylicu,ou il tienne famye Polia,dont il exprime la beauté,la bon- pitntes enrichies de feuilles arabc(ques,& celles lâ vous inflmiront de ce que
negrace,&Iafacondefesacouftrementz .CeftePolialuyfait veoir quatre deCirez . Au regard de cellu y de Polia,elle menée l'expofe au commencement
triumphesdugrand Iupiter :puisluy monffre les damesmorteles dont les dufecôdliure,ouelle diaqu'elle porte le nom de la Romaine qui Ce tua pour
dieux furent amoureux :enfemble les amycs des Poetes:& la congnoitton les avoir effç violce par le filz d'vn Roy orgueilleux : &afin de donner a entédre
affedibs & diuers effedz de l'amour. Apres enfuyt le tririphe de Venamnus ion furnoua avec l'étique nobleffe de fa race,elle deduid l'hiftoire d'vn Lelius
& Pomona, enCemble du grâd dieu des iardins avec Ces factifices.& cela di&, cquifocfondateur deTreuizaudomaine des Venitiens :voulantparlainférer
fautheur vient adefcrireva temple faiftderiches matieres,&conduiftpar qu'elle en cil: defcédue. V oyla Meffèigneurs tout ce q ien veuil dire, excepté
bonne induftrie,ou font faidz plufieurs autres facrifices fuyuant l'ordre de la que ce liure n'a pas eu fi bônc deffinee, que fort fubged le meritoit,parce qu'il
religion & cerimomes antiques . Lefquelz parachevez Polia merle fort Poli- n'ell du primer coup tùbé entre les mains du vray Ctucro Frïcois, eq eft Nico-
phile fur le rivage de la Merpour attendre la venue du dieu Cupido :& ce pé- las de Herberoy feigneur des Effars, lequel afaift parler su Amadis Ca-
dât elle luy perfuade d'aller veoir les antigaitez qui font en vu téple delamél: Ela lagunes venu en noz mains, fi proprement , que le ne fay fi cculx de
ce qu'il fait, & y treuue vu grand nombre d'Epitaphes,a quoy il farrefle lon- noftre pofterité le pourront fuyure, tant feu faultque ie veuille dire paflbr.
guement,& iuCques a ce qu il vient a rencbtrer va Enferpaind d'éclore Mu- A la vérité fi ce liait feuil de prime face nimbé en fes mains , & il colt
faique,regardandequel,luyformentvnefrayeurfoudaine,quilefaitpartirde voulu employerfon hile aluyfaire parler talitre naturel, ie fuis d'opinion
la,etrëtourner a fa Polia :deuers laquelle n'ellplustoflarriué,que Cupido fur- que ce feroit maintenant la perle détails ceux qui depuis vingt ans nous ont
aient en vne Barque efloffee de maintes choies exquifes,& menée par fax da- cité cômuniquez en ce langage :car quant a ceulx d'au parauét,ie n eilime pas
moyfclles duittes a l'oÉtce de ramerLà dedans entrent Poliphile & famye : qu'il en faille £aire gràd côptc .Toutesfois encores veuil le biétefmoi >ner que
parquoyAmourfaitfoudainvoyle,eflendantfesaelles dorces embellies de quiconque foide gentilhomme qui fa premieremét traduid en nollre cam-
toutes coleurs.Durât le nauigage les dieux & deeffes marines,Nymplaes,Tri é - iij
ton, & autres monfires font honneur & reucrencl1e a Cupido,le recongn oiC-
fautafeigneur.FinablementceDieudeCcédenlille Cytherce,quel'autlacur
mon p .r rler,il efè digne que Ion lue en fâche gré,v eu mefnaement qu'il l'a ex- E liureexcel(enta, nouaeau,
traiftad'vu,langagelualrenmeflédeGrec&deLatin, fi confulemérfois en- Aux mtiqu,scgmparab1c,
fetnblc,gve les Italiens mcCmes,frlz ne fontplos que moyénemét doâcs,n ca DeR tout ce qu'il y a de beau
roulent tirer conflruftion :& en tores a nmt faift,que d'vne prolixite'plus que Sur terrcfert,le C' arable.
Afiatique,il l'a redut& a vue brieueté Francoife,qui contentera beaucoup de dis ileufeffém~êrab/c,
gens . Mais Ci] en y a quelques vil le fafchentdeceque telle fa y entie- Sifnfcondpereamoureux
rement reflitué felon 1Italie matin qu'il z ne nr'en donneur blafmgie les vend Ne Peul parf maintcourable
fuppliet d'entendre coin in eut le fil in dui& de mettre la train a ceft munie. Rente, au momir' c'faibii btureux.
Incontinent aptes queL'en mis enlumietemon Arcadie deSannaza .,vn
mien a me qui ailla copie de ce] ime,tne l'apporta pour nie la colis niquCr : Palipbi(epremierernent
& âpres plulieurs propoz me p ria y pour amour de lu y le voulue, prendre la Luy donna cc quân d'El cfcnce:
charge de la ternir . Ce que le I uy accorday,cSnae a celluy pour lequel le vorrl- Erfautre l'afcondement
droye faire beaucoup plus grâd choie : & de fana me trouuàt pour l'heure vu Gardédcmart,parf puiffance,
petit de loyfir,conrmenceay en fa prefaice a changer non feulemét quelques ou, naprenoitlaiouyffance
orthographes qui ne nous fonrplus vfrtecs,mais d'auâtage a tranfpofcr quel- Lcplongeantauflcuuedoubly.
ques moczqui retenoient encores de la fraze Italienne, tant col rompue,que Mais il le méiencmgnoiinre
veritablement ie m'efbahy comment ce gérilhom me en auoit peu G bien ve- Pour offre de loz ennodly .
nir a bout: & certainement cela me rend¢ fr religieux en ton endroit, q oe je
ri ay iamais voulu amplifier ny diminuer aucune choie aux clatiCes qu'il auoit Fromois a prof ntle liront,
faiftes,frnon pur rois muer leur ordre,afin de les rendre plus faciles .
Qui ore leenf irnt qu51fouit au morde:
Voyla Mefleigneurs comm ont il a thé procedë a linterpreta- Et maintes louanges diront
tion & imprelüon de ce liure : que vous recevrez, fil D'amyoc chafFq pure C mande :
vous plaifl, d'auffi bonne affeâion, com Enquoyquandunboncueurffonde,
me il vous efl prefenté . il ne luy peint que bien union.
Celiurc Ou cil qui de laiiueabonde,
Ne peultabonneurpcuenir.

Baccbusfut engendré deuxfois,


Comme les Porter nous d~ént:
Et cc liureparle deux noix,
A tout le moira ceulx qui le bleus.

Or puis que fer effraugiersprfnt


Ces deux Ia',ief is bien accru,
Et diray que les afresnuyfnt,
f
Si fn d ours nèff bien rocou.
S O N E T T O. TABLE DES CHAPITRES CONTENVZ EN CE
prefnt volume de Polipbile.
G. P.
V f mmeil qui print a Polip6ile, 0, comme il hryfembla en dormant qu'il
Cco l'alto Colonna chef fdenne efoitenunpayrdefrypsisentroitrriuneforef obture. Feuillet t.
eZelbeltypo dcla mcmoria antica Polpbilecraignïtlepoildelaforef ftfnora~naIupiter :putiextrouua
Ognifgura,ognimolc,c fabrica, lyffue,tout alteré def if: Et oint qu ïlf uouloitrafraicbir enttne fôntai_
Etuariefoggiedifgnicontenue . ne,ileuytunciantmclodieux poierlequclfityure ebandonmil'eau preflc:
dont ilftrouaalouisapres,npliurgrandeangoiffeluedcuant . z.
Cio ebe niilleocebi,c elle t, mille pousse Poliphile recompte comme illuy fut aduis enfbnge,gdtl dormait' ¢; endormant f trou-
Veduto af ritto banno congranfatica, uait en une uallecferrxee d'unegrand doJfure enforme depyramide,furlaquelle effoit
in breuefgno tutto quifef hca, afïis un Obeleque de mcrueillcuf baulteur,gu'il regardaingneufement, C-pargran-
Infgno intendo cli a l'autor¢uenne . de admiration . 3.
Poliphile aptes auoir declairé laforme de 1. pyramide, defritau cbapitrefTuant autres
O rozziingegni,cflobominiinparte : gronderpy merueillcufs muures,afuoirun cbeual,un Cala couché, unElephant, Qy
Etuoicbeftcaluilguadagnointef, fnguliercmcntunebelleporte . 7,
Peruaifrsquefechartegrauipeo_ CommePolipbile apreraueirmanfrélesmef rerpypropartienr dela parce, pondit a
detrirelesornemensCexeelleotecompoftiond'icelle . r4 .
O bellifpirti p, nobili Francer. Compte Polpbde entra unpeu quant dedans la porte cy deffus efcrite,regardâtlesbesux
Per Fin uederein quele docte ebarte omemensd'icclle :pufs voulantfen retourner,ueitungrand Drdgon qui leuoulaitdeuo-
auto ebe val c,pua l'ingegno Fq l'acte . rer pourcrainte duquei il fmur a fuyr dedans let vouer creufs u futerrainer,r, que
fnablementil trous¢ une sutrcy~ue,py peruint en un lieu fort pla~antpy delcïîable .
Per me fief f°nfallo. fo . es .
Polipbile recompte la beaulté de Idregion ou il efoit entre",Qy cementily trouuamie belle
EXPOSITION DE CE SONNET. fontaine,c cinq damoyflles,lefquc/lesfurentfort efmerueiflees defa venue, py le con-
sacrent daller al'efbatanse clics. zt .
R c lice cy la tresbaulte colonne,
Comme aires quePolipbileffutafcuréaualescinq damoyflles,ilalla auxbaingzauec
Marguepy tefmaingdexobleantiquite'.
elles :u comme il y eutgrand riféepour la fontainc,epour l'oignerrtent :puis comme il
Tout traif},toutplan,toutc ¢sure belle et bonne, futpare11es mene deuantla Roync Elcatl erilidc:aupalais de laquelle il ueit une autre
Et nia,nrfragmenty ef bien appligné. belleforrtaine,Qy plufeurs ci ofs merucilleufs . z5 .
Polipbile recompte l'excellence de la Royne,le lieu def refdéce,auecfn magnifique op-
Ce guemilleycux C, maint ont pra'ciiqué qu'elle eut de le uoir,lebon recueil quelle huyfr, enfèroble le riche
A grand labeur,en ce liure fe donne
C% fumptucuxberoquet,p7'lelieuouilfutpreparé,guinanyfcondnyfmblable . 3r.
Facilement par dfours expliqué Polipbileracon:pte le beau bal quifutfa,Flapres legrand banquet, U comme la Royne
Soubzf ngc brief que pautbcur en ordonne . comniandaa deux defs damoyfèlles,qu ellesluyfeiffentueoirplus amplement tout pe-
fat de f npalais :aoftromme ilfutparelleinffruiFïferaucuns doubtes qu'il auoit :puis
Ogros efritz gieera fn abandonne, mené aux troisportes e~quellcsil cntra,u demoura ea celle du mylieu auccles damoy-
Et nous augsing ntftable cntendans,
fèller¢moureufes. 39"
Ce liure efi LPI,gNef npetX Uel(5 PflonnP.
Compte aptes gue Poliphile eutperdu de sexe les damoyfIles lofTues qui le dclaifferrnt,
uint a lut' une Nymphc,la beaulté c-parurede laquelle fnt icy amplement defaites.
Mais O Francois,beaux efrritz Cy prudent,
Voyez combien peuieent en laperf nne 49"
Comme labelleNympbéarriuadeuersPoliphilcportantun flambeau ardonteof main,
L'art Cy letpritquand tlz font accordions .
U le connus d'aller avec cliques compte ilfut ef~ris def n amour . 50 .
TABLE
Comme Polia encor incongncueaf n arny Polipbile, pajeure doulcentewt, f9' lut' montre
lesgrans triuntpbes des deeffet amoureufs . 5a.
TABLE DES CHAPITRES.
Comme Pol+pbile ueyt les quatre chariotz triumpbans,accontpagnezdegrand ruultitude inffitutions dufpulcbre d'Adonis, auquella deef Venus uenoittoua les ans celebret
deieuneshommes 0-de pucelles . 53 . l'an reuolreQyautres biffoires:puisrequirent a Polio de leur dire fn origine : e en
Comme Pola mitres incognene rt Polpbile,huy monffre lestenues hommes Ulespuccller quele maniere clic eftort dcuenue amoureuf . rz9 .
quiairnerer+t au taupsiadis,C l c>+parcilfurentmmces des dieux : puis luyfit Cou-
les Paëtrs chansons leursporfies immorte(cs . Findapremierlettre .
63 .
Comment apres ce quela damoyf lleeut dcdairé a Polphilc le nyfere des triun+phes,c TABLE DES CHAPITRES
les doulms amours des dieux,ellcl'admoneffa d'allerplus auât:cequil r+e refuf:C;y du fecond liure .
+aitplufieurrieuoesnymphespaffnt(e tepstout lelôgd'unruyffèauaucc leurs fidcles
ami z :puiscommeiiftrouuaeflrisdepamourdeladamoyfllef,iguyde. s4. Poliadeclairedequclerate eheefldefendugC; commela salle de Treuizferedfierpae
Comme /a Nymphe conduit Po(ipbile en plufcurs antres lieux, Cy luyfait ueair le fsanmJfrer:puisarquclen+anicrePo/iphiledeuintamourcux d'elle. 13 3,
triurnphe de Verturnnus C, Pomona puis Icmeineenun templefumptueux,lequd il Paba racornpte commcellefutfrappce de/apeJ}e:Cy effane en ce pers/f reconrmandaa
defr+t bicnau long:u commeparfcxbortation dela Prune/é, /a Nymphe y CFaignrc la dce~Tc Dianeffntasu d5frlc refit defrtours enfnfruice.Et côn+cparfortune
fùnfambeau en tresgrande cerimonief donnant acognoifhr a Polipl>rle,C declairnt Poliph<lrfietrouua au ti'plc le+our qu ellefa firprofefon:puis renom le four enfuiunt
qu'elle efoitf Polia :Cydesfaifrcesqui fyfirent . 55. au mefuelieu,ou elle effoitfule agcnoulx enfa'fantfier osai nr,la oui( luy dedara le
Continent
Poliaoffrit les deux Tourterelles,Cd'urtpetitange lequely arriua : parquoy martyreettourmétan+oureux pourelleila+aoirfufertetenduré,gcraiffaitd'heure
la Prieuffeitfnorafnala Deeff Ventes :puis lesro/es fureur ef~andues,Cdeux en heurcaafppliant de Penuouloir a/leger,dot elle nefeit comptr:parquoy cogno1ITnt
Cygnesfcrfirz :fur la cendre defuelz orties miraculeufmét un Rofier pleindrflcurr qu'enelle ny trouuoitpoint depitiéfpaf+ade ducilCr ange fc,tclcairnt qu'd tumba
CydefruiH,duquelPolipho(eCyPaGamrrgerenr . Et commentaprerlefcrifceilz mort afspiedz,dontellefenfyttoute esfrayee .
13q .
prindrentconge'de la Prieuf:pais uindrentaun autre temple ruyné :lacouqume du- C nunentPoque recitclagrandsruau/té dont elle uf enuasPohphile,Cy tous me en frit
quelPolio declaire a Pohphile, Cy 1cprnfode d'aller suiveplufcurs epitapbes CY f- fuyant cllefutraye 0,culotte d'un tourb+llon,Cy ponce en urmforci obfurc,ou elle
pultures quildefoicnt: ce qu'ilfeit,c en reuint ioutCjrouenté. 79 . ucétfaireleiuficcdedeux dmnoyflLs,danecllefutgrandcmenr rfpouentce : puis f
Comme Polio perfuade a Polpbile daller au tiple defruiEt,ueoir les epitaphes antiques, retrouue au lieu d'au elle cfloitpartie . Et commeapres enfn dormant luy apparurent
ou entreautres chefs il trouua en peinëlurele rauiffenunt de Profreine: u comment deux bourreaux uenuzpandaprcdre parquoy ellefefucilla en1rfault,dôtfa norrice
en /e regardant il eut peur drtuoirparfmblable mefchtfperdufamie:parquoy et- glei effortcoudmeauec elle, luydemanda la cané defpeur: CT apteslauoir emédee,
tourna tout effouenté Apresuint deuerr eulx le dieu d'amours, qui lesfeit entrereu Ly donna canfeilde ce qu elle deuoit faire. 138,
f nafllc : c de l' bonnrur que les dieux marins luyfirent tant que duraf°nnaut- Coinnx Polio retire en quele maniere fanorricepar douces exemples l'¢dmaxrffad'entrer
gage . 84. tire 0,lesruenaf sdes dieux. Et luy conf illa defcn allerdouces la Prieuf du temple
Commeles Nymphes uogantesen la barque de Ciepido,conmiencerent a cbanter,C , Polia de Vcnus,pour effreinf ruiilu de ce qu'elle auroItafire. 140 .
quanta, quantelles. i04- CommePoliopar le bonconfcil Cadmoncffcrnent def norrice cbaaéea d'opinion, Cyfco
Commentilzarriuercientoile Cytherce:labcau(tédelaquelleeR icy defrite, enfemb(e alla traient, Polphile quigfu mort aie temple de Diaric,ou elle pauoitlaiff : Py cdnrc
laforme de leur barquc:u commeau defendretendrent au deuant d'culx,plof urr il refùfc+ta entrefès braz :parquoy les Nymphes de Diane qui lâfruindrent, C," les
Nymphespourfairehonneur aCupidoleurmaifre. 105. furprindrent erfmhlq(es d afferrnt dufsinduaire.Puispar& d'une ufion qui luy op-
Comment Cupide, defenditde/abarque:ccômelesNymphes del'fienuisirent ¢udeuaat parutenfacl~ambre. Et comme elle feu alla au temple de Venus ou efoitfn amy
de luy richementatourmeescu paremens de triumpbe :lcs profnsqu'elleshuy ofr.., rent : Polipbi(e . 143.
puis comme il monta en fon chariot triumpbantpourallerauthtatre, Cg flot mener CominentapresquePaliaf furaccufedeuantl¢PrieufdutenrpledeVenres,desinhu-
apresluyPoliplnleCyPolialyezC; attachez,auecpl+fieurrautres :Cyyeffdefritela n+anitezCyrudcfesdontdlcauortuf cnuerrPopiph+lc,C, da(airéqu'e(/eefoitto-
farrnedutheatre,tant dudeborsquedu dedans. ny . talementddeberee depuy efre courrafeCygrarieu% pour l'aduenir, (a Prieuf lefit
Pol+phi(e defriten ce chapitrelegrand e merueilleux artficc de /a fontaine de Venus, comparoirdcuanrdle:Cy adouci/requitgreef nplaifrfeuffconferrucrCymaser /a
qui efoitaurnyheudepanrph+tbeatre . Et comme la cortine dont elle efoir clef fut 6onncuolurrté quïlzpanaient l'un a l'autre.Puir comme Poliaparinrpatience d'amour
rompue :parquoy il ueiten nairfféla deelfe,qui coufgna Poliaatrois defs Nymphes, interrompit le df ours defou amy. 147.
C Pol phi(cotrois autres.Puis Commeilzfurent naurez par cupido,u enrofz par Commentaprrs quePa7iphile eurad,euéfnpropos,Po(ia en la prefènce de la Prieuf luy
f mere deleau de lafoeaine.A/a foupourla secoue da dieu Mars comment ilz priu- declaira quelle rfoit ardammentefrrif de fn amour . Cy totalement dfofc a luy
drentleur conge,Cy f,tirent du l'arnphitheatre. 1a3 . complaire : pour tarer dequoy puy donna un bafr: Py des paroles que la Prieuf
Poliphileracomptecomuiepourla omise dueronddieu Mars, luyePohaf portant du leurdit. 148.
tbeatrc,mndrcnta une autrefontoine,ou (es Nymphes leur declairerent les coutumes Comme Polpbile obeTant ou commandement de 1, Prieuffurle commencement defr
Cinfitu-
LIVRE PREMIER .
amours loue la perfuerancea^y puis retire comme un ioor defef e il luit Polio en un
temple,ou ilfùt efprir drfnamonr:py layant quïl nepauoitparler a elle, luy efcriu,t
unelettre,dontlateneur efdeclarceenfin narré. .
t49
~-wDu %mmeil qui print a Poli-
Conur+e Poliphile nsyavt moyen de parler sfc dame, luy ef relitpour luy faire entendre PHILE ET COMME IL LVY SEMBLA EN DOR-
fùnmartyre,eylecontenu de1,lettre quïlluyenuoya . rqr.
Comment Pohpbdcpourrîaytfnl>ioire,diintgnePoliane feitcoptedefsdeuxlettres :
parquoy luy enuoya la terce,pu profita auflipeu fi les autres:Qy a lafinf retira lier;
elle,qu il treuuafule au temple de Diane, ou elle efloit en oraif n : Cy en luy fa ydnt A R vu matin du moys d'Auril clin irbl'aube du
iour,ie effrite en mô lift,fans autre cô-
d+fours de fn languir, mourut de deuil en f prefnce : puis quelque temps aptes
pagnie = . iale garde Agrypnie,1aspic l- ~rs yp(m ç6
refufita . rf¢ . le mâuoit entretenu toute celle nuid en plu- i°. j; . p-
Comment l'aine de Poliphile luy raconrpte ce que luy effoit aduenu depuis le depanemmt
lieurs propoz, & mis peine de me confoler :car
def n carps,py des octal rions qu élleauort propofes deuant la deeSe Vunes a l'en-
le luy autre declarél'occafton de mes fotdpirs.
contre de Cupido,e de la crude Polia.
A la fin,pour tout remede,elle me ci3Ceilla d'ob-
f 114.
Comme Poliphile dit que quendfnome eut acbeué de parler,il trouue uiuantenhT les hertous ces ennuys,& celrer mon cieuil .puis co-
brazdef mieux aimeePolia :fyrequiert laPricm~r guelleueuilicconfermerleur gnoifïât q c'eftoit l'heure que ie dcuoie repofer,
amitiépuisPo(ametfrnducomptequelleauoitcommencédcuant'essimplles . 156 . pnnt congé,& non laifra feul .Parquoy ie demou-
Comme Polio tout en un mefme temps acheua f n compte, Py le cbapelet de fleurs qu'elle ray fanta6any& confumât le refte de la nuid a peufer aparnaoy, Si l'amour
mitfur la tete de Poliphde.Puis cana., les Nympbes qui fauormt efroutee, retour-
nererrteleursesbatz prenmtcongédesdeuxamans,lefuelzdemeurerentf rrlzdent-
n
nèft iamais egal,comme efi il pofrible d'aimer cela qui aime point? & en
uele maniere peult refifier vnepoureanae doubteufe combame de tant
fns enf mble de leurs amours. sur quoy Poliphile fcfuerlla. If6 . l'affaultz?attendumefmement quelag uerreeftinterieure,&lesennemys
Comment Pohpbilefait finit fôn hypnerotoraac/ne,f complaignant du luge qui futf familiers & domeftiques,auec ce quelle eft continuellement occupée d'o-
f
briefC, de ce quele Soleil 1funftoffpour luy romprefuf ri me,commef,1 eue elé pinion' fart variables. Apres ce nie venait en memoire la condition mife-
muycuxdef fclicité . rabledesamans,lefq uelzpourcomplaireaaultruy,defirentdoulcentent
67"
mourir :& pour fatifiâireaculs: mefmes,font contentzde vente a malaife,
FIN DES CHAPITRES DE POLIPHILE . ne raffafrans leur defrr affamé, finon d'imaginations vaines,dangcreufes, &
pénibles .Tanttrauaillayacedifcours,quemesefpritzlaffezdecepenfer
Du fommeil friuole, repenz d'vn plaifir faulx & feind, & du diuin obied de madame
Polia(la figure de laquelle efi grauée au fondz de mô cueur)ne cherchaient
dela en auteur fors que le repoz naturel,pour ne demourerplus longuemét
entre fi dure vie,& tir fugue mort parquoy me trouuay tout efpriz de fom-
tueil,& m éndormy.O lupiter fouuerain dieu,appelleray ie celte vifiô Ireu-
reufe,tnerueilleufe ou ivreible,qui eft tel, qu'en nmy n'y a partie fi petite qui
ne n éble & arde en y penfant? 11 me fentbla(certes)que l'effrite en vue plai-
nc fpatieufe,fentée de fleurs & de verdure. le temps eftoit ferain & atrena-
pé,lefolcil clair,& adoulcy d'vuvent gracieux :parquoytout yeftoit mer-
ueilleufement paifible, & en filence :dont fu failli d'vue admiration crainti-
ue :carien'yapperceuoieaucunGgned'laabitatiiid'hômes,tiymefm es te-
paire de befies :qui me feit bien hafier mes pas,tegardant déca & délit . Tou-
tesfois le ne fceu veoir autre choie frnô des feuilles & rameaux qui point ne
le mouuoient Mais enfin ie cheminay tarit que le me trouuay en vue foreft
grande & obfcure :& ne me puys auifer ny fouttenir en quele maniere le me
peinture efire foruoié : neanttnoins comment que ce foit,ie lu afrailly d'vue
fraieur grieu e & Conclure, telement élu e mon poulx Ce priait abattre oultre
f¢cconfiutné :& môvifaige ablefinir duretnét . Les arbres y eftoiét fi ferrez,
& la ramée fat efpoiffe,g les raiz du foleil ne poliraient penetrer a traucrs :
A
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . z

Poliphile craignant le péril de la


FOREST,FEITSON ORAISON AIVPITER :
' puisentrouuafy~fuy~outalterédefifEtainfgdilfuouloitrafraic5irenunefon-
taiue,ilouytuncGatttmelodieux pour lequelfuiureaGandonnafeauprefe :
f
dont il trouva puisapret en plusgrande mgoii que devant .
Bfufqué de mon entendement, fans pouuoirco-
rir en c e quel papy te neutre
ou prendre, ou mou-
ri
nelle foreff eCgare, eCperer mon falot
mcertam,ie faifoie tout mon effort d'en yffr:
mais tant plus alloie auât, plus entroy ie en gra-
des tenebres,fort foible,& tréblantpour la peur
que i'auoie :carie riâttMoicfnon que quelque
belle mevincarrimer Dont me denture: ou que
liemtâtdopied avutronc oaracine,ietambalfe
dans quelque abyfne,& feuffe englouti de la terre, ceme fut Amphiaraus.
Enceremanierefetroubloit mon entédement,fans efperance,&fausiai-
fon,errantfansvoienyfentrer .Parquoyveantqu'enmon faiftn'yaimai
autre remede,ie me voys recommander a la divine mifericorde, difant, O
Diefpitertiefgrâd,tmfbô,trefpuiffant,&tref£ecourable,fip hûbles&detto-

r
percinia qui me feit doubter il eftrc arriué en la fore ft noire, en laquelle ne repai- tes pneres l'humanité peult mériter le fecours des divins fuffrages, & doit
ylua. rent fors belles fauuaiges& dangereufes :peut- crainte defquellesie m ef- eftredevous exaucec,ieapiefentrepencét &dolétdetoutes mes fragilitez
forceayatnôpofliblcdecherchervuebrieueyffi e:etmemeydefaiéacou & offenfes paffees,votts fupplie & muogue,fouuerainpere éternel, relieur
rit fans tenir voye ne femiei,ny faitoir quele part me deuoie adrefrer, fou- du ciel& de la tene,qu'ilplaifeavoftredeitéinceprehéfble,medeliurei de
rieur trébuchant parmy les troncz & cftocz des arbres qui la elloient a fleur cesperilz,fiqueiepuifreacheuerlecours demavieparquelque autre me-
de terre . l'allure aucunesfois auât,puis tout court tournoie en arriere, ores lieurefn. Apeine euiefine monoraifonbien deuotemétproférée,&d'va
etavn cofté,tantofi en l'aune,les mains & le vifage deffirez de i onces,chai- coeur tout humilié,lesyeulxpleins de larmes, croiantfermemét j les dieux
dons,& efpines .Etqui me faifoit pis que tout, c'efloit qu'a fecourent & fanent cculx qui les inuoquent de pure voltrzé,que ie me trou-
chafcun pas i efoie retenu de ma robe, qui facro- vay hors de la foreft: dont tout ainf que fi d'une nui& froide & humide ie
clro¢auxbuyffons &halliers . Letrauail feuffe paruenu cuva four clair & ferain, mes yeulx fortins de telle obfcuri-
que i 'en eu,fur f grand & tant té,ne pouuoient bien (pour quelque temps) Couffrirla daine du foleil .l'e-
excefltf gden moy ftoie hafle, niie,& angoiffeux, tantqu il fembloit proprement que te for-
ny emplus tiffe d'une baffe foffe,prefque tout repu & utile de chaines & de fers, chan-
de gédevifage,débile .&decoeuralenty,euforte quen'eftimoieplus rien tout
eonfeil: & cela qui m'efloit prefent. Oultre ce rancie telle fort, que l'air fraiz & délicat
ne lien bonnement ne me pouuoit aucunemét rafraichir,ny fatiCfaire a la fechereffe de ma bou-
que faire,fnon me plaindre che . Mais aptes avoir repeins va petit de courage,par toutes manieres deli-
a balle voisinais tout cela elloit en beray d'appaifercefefoif.parguoyallayquerant parmy celle contrée,tant
vain,carienbftoie entédudePeifone,excepté qac ie trouuay vue grofre veine d'eau ttaiclie,fourdant & bouillonnant en
de labelle Echo,qui me refpôdoit du creux de la foi ef ce qui vnebelle fontaine,qui couloir par vnpetit ruyffeau,lequel deuencit vise
me frit reclamerle fecomsde la piteufe Ariadna, & defrer le f- riuierebruyanteatrauers lespierres & tioncz des arbres tombez & ren-
let gdelle baillaau defloial Thefeuspour leguider parmyleLabyrinthe. veriez en fon canal,& contre lefquelz celle eau le regorgeoit comme cour
PolpGile routée &marrie de ce qu'il z la çuidoient retarder, elle qui eftoit augnieu-
tee de plufieurs autres nryffeletz,auec aucuns terreux engendrez des neiges
£ondues,precipiteesdesmontaignes,quinc fembloicnt eiregueres /oing,
A ij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE. ç
PoLphilerscornptcranmteilluyfùraduirtnlrrge luïl dorruoir,r7" en donné cc tapie gdelles Ggnitienr viEloirgprurautant qu~lles rclflent a tou-
dormantf trourtoit en rü¢ ualleefrrvrée dSene Rrrznd do~fure enfer- te charge &pelant faiz fan, qtion Ics puiffc pi oflerner. En ce lieu n'y auoir
,,te de pyramide ftrlaquellefoutf r un obclfue de nreraeilleuf aucune habitation, toutesfois cet cheminant entre ces arbres fur main gau-
baulteur,qu'drcgardafngncuf rncat,py pargrmtdcadnrirzion . dte m'apparut vn loup courant la gueule pleine, pat la veue duquel les clte-
ueux me drelferécen la telle,& voulu crier, mais terre me trouuay" pointde
voix .Aufli tofi qu'il m'eut appercen,il feu fuyt dedâs le boys. quoy voiât le
reroumay aucunemét en moy,& leuât les yeulx deuers celle part ou les m6 .
taignes Caffcmbloient, te vcy vu peu a coflici c vue grande haultcur en fir-
me d'vue tour,& la autres vn bafbmét qui femblo¢ imperfalâ, toutesfois
a ce que i - en pouoic iugen, c'efloit delkruEtum aurique.

A foreft monde
clpouentable riant efté par moy paffée,
& aptes laiffé celle premiere tegion par
Iedoulxfommeilqui mam itlors efpris,ie me
trouuay tout de nouveau en en lieu beaucoup
plus deledablequele premier, carilefloitbordé
& enuironné de plaifans cotaulx verdoians, &
peuplez de dinerfes manieres d'arbres, comme Du coflé ou efloit cefl edifice,les cotaulx le leuoient vn peu plus hault, &
chefnes, faux, planes, ormes, foraines, charmes, fembloiét ioiudre au baflimentqui efloit affis entre deux momaignes,& fer
tilleulz,& autres,plantez felon l'afpeft du lieu.& unit de clofture a vue vallée: parquoy eflimant que c'efloit choie digne de
abas atrauers la plaine, y auoir de petitz buyf- veoiyi'adreffaymonchemin celle part .maistant plus iena prochoye,plus
forts d'arbriffeaux fauluaiges, côme geneftz, geneurters, bruyeres, & tama- fie deCcouuroit celle muure magnifique,&me croiflbit le defPr de la regarder,
rins,chargez de fleurs.parmy les prez croilforent les herbes medicinales, a car elle ne oelernbloit plus vue tour, ains vn merveilleux obelifque, fondé
fortiori les trois confoltdes, enule,cheurefenil,branque vrftne,liuefclte,per- furvngrand monceaudepierres,lahaultcurduquel excedoit fans côparai-
ftl de macedoine, piuoyne,guymauues, plantain,betoyne,& autres fimples fon les trio maignes qui efloient aux deux collez. Quand i e lu approche tout
de toutes fortes & efpeces, plulieurs defquelles m'eflorent incôgneues . V n pres, te m ârrellai pour contempler plus a loifir G grâde infolence d'arcltire-
peu plus suant que le mylieu de celle plaine,y autre vue fablonntere niellée Eturegniefloirademydemolie,côpoféede quartiers demarbre blâcaffetn-
de petites mottes verdes, & plei ne d'herbe menuette, & vu petit boys de blez fans cyntent,& fi bien adiouftez,quc la ou elle efloit encores entiere,la .
palmiers,efquelz les Egyptiés cueillent pain,vin, huille, veftement, & mef- pointe d vue aiguille rt'euft fceu entrer entre deux pierres.La y aurai de tou-
tam pour bahir.leurs £veilles fembloient lames d'clpees, & efloiét chargées tes fortes de colonnes,partie nimbées & rompues,partie etttieres :& en leurs
de fruittal yen aucun de grandes, moiennes,& petites,& leur ont les anciens lieux,mec leurs chapiteaux,architranes,frizes,cornices,& foubaflèinens,de
donnécc A ni)
LIVRE PREMIER DE POLIP HILE
fiiguliere inuention & ouurage,auec plulieurs autres pi eces de noble Ccul-
pntre,eoralemenr hors de cougnoifiànce quele en auoit eflé la taille,& quart
reduiïtza leurpremiere forme,trebuchez & difitpez ca & lapai là campa-
gne :einmy laquelle &entre ces fragmens choient Cordes plulieurs plantes
fauuages,lierbes & arbrilreaux de maintes Cortes,comme myrtes, léafques,
olieahres,centaure,verbeue,grofeliers,& cappres .puis contre les murailles
minées croilronlaioubarbe,lepolygode,Ccolopendre,oulinguedecerf,fe-
né,Cauiiie, & parietaire: & la Ce trainoiét plulieurs petites lezardes, Icfquel-
les a chafcun petit bruyt qu'elles faiCoiét en ce lieu defert, cela me caufoit vile
horreur uiemeilleufe,coiiCderéque ichoie ia CuCpés & en doubte.ll y arion
merueilleufe abondance deporpliyres,iafpes,& lèrpentines de toutes cou-
leurs,fort belles &riclies :enfemble grande quantite depieces de diuerCes lit
poires de bolfc & deniytaille, monftrans l'excellence de leurtemps, blamât
& accidantlenoître,auquellaperfee9ttondeceftaiteftcommetouteanean-
tye.M'appi ochant donc du frontprincipal de ce gréd edifice,ie i egarday vil
portail exquis,bien proportionne atout letehede la hméture :le pande la
muraille du uelehoitcontinuédepuisl'vuedesmontaignesiufquesal'au-
are,& auoit ix Rades & vingt pas de Iongueur,ainfi que ie pouoie conieftu-
rer.l'alignementdes montaignes efoiraplomb depuis le haultitifqucs au
bas du plant. Parquoy le demeurai toutpenff& efbahy,c,ïmengauec quelz
ferremens & ouhiz,mec quel labeur, &par queles mains d'hommes, mois
elle' conflruift vil tel edifce,de h grande defpenfe,& confumption de temps
qu'il n'ehoit quart a croire .Cefie nmraille auoit (a ilion iugement)la cingie-
mepartie d'vnRade en haulteurdepuis la dernierecomice iufques au pied,a
nyueau du paué: & fut faifte (cône i'ay click) pour cloflure de celte vallée:en
laquelle on ne pouoit entrer ny fortir finon pat celte porte, fur laquelle
choit fondée la grande pyramide, fi merueilleufe que ïefbmay la defpenfe
ineftimable,lalongueur du temps a la faire, incroyable, la multitude des
honnies qui y befognerent, innumerable & infinie : car f a la regarder elle
confondon mon entendcmét,& efblouyffoit ma veue,que poumon elle faire
alendroit de l'intelligence du bafliméNOi a celle fil que lent, faille a defcri-
re ce que fay veu,fen diray la forme en bien peu de paroles.Cliacune face ou
pan de la quarreure du plinthe auquel commencoit l'ahgucmét des degrez
qui faifoient la pyramide,auoit en 16g leur ftxftades,lefguelz multipliez par
quatre,pour le tour & circunferéce des quatre quarrez qui eftoient egaulx,
font vingt &quatre ftades .La haulteur eftoitfaibte en celte maniere,tiràt les
lignes pendâtes A B & A C au long des quatre coings depuis lepluithe tuf.
ques au plus hault des degrez on elles fafrembloient pour former la pyra-
mide,le cathet ouligne perpendiculaire A D etiant au mylieu d'icelles, &
tumbant dbout fur le cette duplinthe, au poinâ D, on les lignes diagonales
fe croifoient,auoit de haulteur cingparties,defquelles les lignes pendantes
& collaterales enauoient fix.
LIVRE PREMIER DE P0LIPIl1LF .
La pyramide eftoit compofec en forme de perron,contenant mille quatre Icedeboffe,Iatelle e(pouentabledeNiedufe,criant(comme il témbloit)par
cens &dix degrcz,dont les dix derniers efloicnt conuertiz en en mcrueil- fucieufe demôltruion,redaignée,l es yculx enfoncez,les Courcil z pendans,le
leux cube ou pierre quartée nraffiue,faifant la diminution & ef reciffement fi ôt ridé & réfrongne,la gueule outrcrte,qui eftoit cause & p créée d'vn petit
de la pyi amide,tel & fi grâd qu'il elloir impofftble de croire que mains d hô fermer faift en voulre,pallàncioCques a ligne perpendiculaire du cétze de l'e-
mes feuffent peu alreoir fi hautt,faift de celle mefme pierre de marbre dont difice.A celle omuerture de gueulé (qui fermoir déporte pour entrer en ce fort
eftoient les degrez,& la mis pour baie &fondement de l'obelifque duquel tier)onmouroir parles annela(lùresdefescheueux,lefquelzefloiétformez
ieparleray cy apres.ll autour quatre pas de diametre par ehafcune des faces de en telle reigle & i eduftion de conipas,gtiilz fermaient de degrez . Et en lieu
fort quarté. aux quatre coingz d'enhault fur les lignes diagonales,efloient fi- de treffes eftoiéitoitillez de longues reualutions de Cerpens qui fenuelop-
chez & plombez quatre piedz de Harpyes, velus: & argottez,faiftz de me- poient & entremordoient,eflenduz a lenteur de la telle & du vrlage turques
tail de fonte,finiffansdeuers le hault en vn fueillage antique entrcla(fé, qui audefiôubzdumenton .IIzeftoient fi proprement & vrayfemblablement
embraffoit le pied de l'obelifque foufienu fur ces quatre piedz ou pattes de inentiz de louurage,qu ilz me donneront grâd frayeur :car leurs yeulx efloiée
Hai pyes, qui auoient deuxpas de haulteur:& autant en auoitle diametre de fiiaz de pierres luifurtes : en Cotte que G te n'eufle e$é bien certain que la ma
fobelifque deuers le bas .fa lôgueur contrition fept fais autant, diminuât peu ticieefloadenaarbre,ion'eneuffeoféapprocherfifacil e ment. Lefentier
apeu iuCques a fa poinfte,tout d'vue feule pierre Pyropecile Thebaique, e- ,malté dedans la gueule,conduifoit drotft a vue viz &montée ronde eftât
Ceripte de lettres hiéroglyphiques Egyptiennes,en fiés quatre faces & collez au mylieu de fceuure,paz laquelle on montait en tournant deffus le hault de
poly & reluifant comme vn miroer bien fourby . Sur la poinfte eflfloit laide la pyramide,iufques auplant du cube fur lequel l'obelifquc efloit afüs . Mais
vue nymphe de cuyure doré, plâtée furvn vafe tournoiant en forme de py- ce que iefliniay le plus excellent,efl que celle montée alleu par tout claire,
uot,ouurage certainement pour rendre efbahiz tous ceulx qui le regardoiét : pourcequel'ingénieux architefeauoitparmuétionfinguliere faften plu-
car la nymphe eftoit faifte en telle proportion,giicitât pofec fihault en l'air, fLeurs endi oiftz de l'edifice,aucuns fècretz conduiftz qui refpondoiét droit-
elle le monf}roit perfaiftement de flature ordinaire . Et oultre fa grandeur, tentent a fu(peft du Ioleil ainC qüil faifoit ion cours contre les trois parties,
c'efloit choie effrange a conficierer comment elle acteur elle lente & poutre liaulie,balre,& moienne d'iceluy .Lapartic baffe eftoit efclairee parles con-
fi hault.Son Yeflement volait a l'en tour d'elle comme eftant enleué du vent, duiftz d'enhault,& la haulte par ceulxd'embas,qui l'efclaircifroient fuffifain
fi biéque Ion veut partie de fa coulé defcouuerte :& atout deux aëlles eften- mit par réflexion & reuerberation de lumiere,pource que la di(polition du
dues & cou ettes,ainfi que fi elle colt elle p rafle a voler,deuers lefquelles fort baflunentfur fi bien calculée Celon les trois faces, orientale, méridionale, &
regard efloit tourné, les ch eu eux Iuyvolemientpar deffus le front en grande occidentale, qu â toutes heures du jour la montée eftoit eCclairée du foleil,
abondance : mais elle uni it le décriera de la telle chaume, & fans poil . En fa d'autant que tes côduiftz efloiée faictz en forme de CoLiCpiraux,& dillribuez
main droifte al'obieél de Con regard,e1le tenait vue corne d'ab ôdâce, pleine en leurs lieux tour autour de la pyramide, depuis le cube iniques ait plinthe,
de tous biens, tournée deuers la tcrre .fautre main repofoit fur fa putative, ou te montay par vn degré drotft & mail f caué et taillé en forme de soulte
qui efloitnue.Ceteflatueefloit facilement tournée partousles vens,auec el arrecenlamefmeroche .Surlecaftédroictaubasdefedifice,laouilefloit
tel brui spont le frayer de la baie qui eftoit d'arum & creufe, grtonques tel mina a la naâtaignc,& venoit faillir au deffits, le plinthe eftoit reculé de dix
ne futouy .leneperde pas que jamais ait elle vntelobclique ::certes celluy pas . imndteftvenudeuantlarafledeMedufe,iemontayparfescheueux
du Vatican a Rome, n efl point pareil, ny celluy d'Alexandrie, ny inclines feruotent de degrez(coninie iay dift cy deffis) & enrray en fa bouche
ceulx de Babylone .Il auoit en foy fi grand comble de in enrcillC'que ïefloie flouant ce fentier,taut que te vins a ]afin fortir tout au hault fur le citbe.Puis y
rauy d'efbahiffemét en le contemplant,& encores pluspour fa grandeur me - efiant arriue,mes y aulx ne peinent fouffrir de regarder en bascar tout ce qui
lliniable,car ie ne pouoie penfer ny comprendre, comment,par quelle inué- eRoizdeffoubz,niefemblonimpcrfaict:&n'o(oieputirdumyliende celle
tion,auecquelzorganes,grues,&calai es, vufgrand poix &fardeau auoit picirepour in'appiocherdubord.Autourdefyflùedecelle vizpar enhault
eficleuéfihaule Mais pour retournera la pyratnide,elleeftoitfondeefur elloientpluficurspaulxdecuyure faiaz en forme de balutresou fuzeaux
vn grâd plinthe, maffifcümc ï ay dift, qui auoit quatorze pas de haulteur,& plantez & fichez en la pierre,vn pied de difiance entre deux : & auoient de-
frx Rades de longueur,faifant le (oubaffement du premier &plus bas degré . my pas de liaulteur,liez &continuez l'vn a fauzredeuers lapoin&e,parvne
lequel plinthe n auoit(a mon jugement) efié là apporté d'ailleurs, mais taillé corône de la m efine matiere,faiae a vndes,femâs de baye & cloflure a l'ou-
de la mefme roche en celle forme, & approprié enfin lieu naturel i celle uerture de la viz,IxeInelle ilz enuytonnoient tout a fentour,fors du collépar
grande Rruaure.Le demourant des degrez eftoit faa de quartiers de mar- ou Ion miroir (tir le plant,a celle hn(ainfi que je prefume)qu'aucun ne fié pre-
bres,afremblez & difpofez par ordre .Lc plinthe ne touchait pas aux ni cipitaR inconfideremét en celle grande cauc :car le môter fi hault, & le tour-
gnes,mais eneftoit elongne de chafcun cofté la Idgueur de dixpas.En fa fa- nojer par tâz de degi ez,caufoit vn chanceler aucc efbloutffemét admirable.
ce dextre a l'endroift par ou je vins,& au mylieu de fort quarre,eftoit entail Dedoubz le pied de l'obelifque cri ion diametre efloitplbbécvneplatine de
lée de
LIVRE PREMIER DE P0LIPH1LE .
cuyure,grauee d'efcrimre antique en lettres latines, greques, & arabiques, te,il ne vint iamais a la congnoifrance de celluy qui efcriuit les fept miracles
par Icfquelles ic compris qu'il choit dcdté au fouucrain fol eil :& dommage y du monde . II ne fut en nul temps ver ne pourpenfé vn tel édifice. Finable-
eloient denotees toutes Ics nlefures de li Rrufture:mefmes le nom de l'archi mentie conftderoie quele reftflence de verdies le ponant Couftenir,quele for
tefte elbois efcript en lettres Croques Car l'obelifque,difant medecolonnes,qnelegrofreurdepillierstenagonesou hexagones, eloiét
AIXAE O Ala rK0£ 4100AOMO£ p§OC£Eu ME. fuffifansaportervneftgrandecharge :&iugeaypumondifcoursfelonrai-
Lichas de Libye architefte m'a érigé. fon,que le defroubz eftoit naalFfde la mefmeroche, ou emply & mafronné
de blocage,faifant du tout vue maffe ferme & folide.Et pour cri fauoir la ve-
En la premiere face du plinthe fur lequel la pyramide efloit fondoc,cffoit rité,ie regarday par lapone,& vey que la dedans y mont grande concauite,
entaillée vue étude bataille de Geans, aulquelz ne défaillent finotr lavie,car & memeilleufement obfcure .
ilzefloientftexcelletntnentfigurezaueclemouuentent &grandeprompti-
rude de leurs corps enormes,qu il eft impoffible le pouoir declairer:cat Ia na-
ture y eftoit fibien enfuiuic & contrefatfte,&les off eaz fr propremét expri- Poliphile aprcs auoir dcclaire la
mez,gti il fembloit que leurs piedz Cefforcalfent auec les yeulx,& quilz co u-
raflent ca & la II y auoit des cltcuaux réuerfez en cuidât ruer,d'autres mortz FORME DE LA PYRAMIDE, DESCRIPT AV CHAPI-
& blecez . plufleurs voulons aflèoir leur pied fur ceulxqui efloient rumbez, tref iuantautremgrmmder Qy merueilleu~r reuurer,a~uoir un Cbeual,un
rrebuchoicnt, eu grand nombre. D'autres y en auoit debridez & furieux, Coloec courbé,= Elepbant, py~ngulieremrntune belle Porte.
rompons lapreffe & la tneflée. Aucuns de ces Geans auoient geélé leurs ai -
mes,& f embraffoicnt en forme de luttcmaintz efloiét cheuz, que Ion tiroir L ell raifort qu'on me permette de dire qti en tout
par les piedz .autres foulez & furmarchez gitans entre les mortz Coubzles lemondevnmerfelnefurent oncquesfaietes ccu-
cheuaux,dont les aucuns tafchoient fe relouer,& nettoient leurs targues au- ures fimagnifiques, ny contemplées d'œil mor-
deuantdescoupz de(pécs,ouautremcnt cimeterres antiques, bienartiftc- tel, non ( qui plus off) imaginées par quelque
mentfigurez .Lapluspartcombatoitapied,enconfufion,&partrouPpesa entendement humain :&quafi ozeroie franche-
Affez y manoir armez de haubertz, cuyralres, & cabaffètz, enrichit de di- créé affermer,gtiiln'eflpointenfauoiroupouoir
ners cymiers, crefles, & deuifes:les autres tous nudz,qui fembloient affaillir d'homme,deleuer,inuenter,comprédre,ny diG
leurs ennemys d'un courage enflambé . maincz efloient pourtraiâz en vue finir vue fi grande excellence d'édifice. feu efloie
effigie redoubtablepar(efcrier :autres en figure obftinée& furieufe,les vus véritablement f fui-pris d'admiration,& tant oc
preRz de motrir, les autres du tout mo¢z,manifeftans leurs mébres robu- cupé alaregarder,quenulle autre chofe(quoyquellefuflfolacieufe & plai-
ffes, telemér que don pointait veoir les trafic] e s releuez,les mutantes des oz, fante)nepouoitentrer en ma fantafte,linon lors qu'en confiderant toutes
Mes dures entorces des nerfz eftenduz.Le cébat fembloit fi efpouentable & les parties de ceffe compofitionbelle & convenable, ie veoie les flattes fai-
horrible,que Ion cuit effiméqueMars Pefloit affemblé par bataille a Porphy- étes en forme de pucelles. adôc foufpiroie fi hault,que nies Incipit retentif=-
rion & Alcyoneus .Les figures efloient de demyboffe de marbre blanc, & le foientparcelietdeîere&folitaire,obfuequéd'vnair ces &efpois,pourla
In ndz de pierre de touche trefnoirc,pour donner grace & luftre aux images, fouuenance quei'auoie de Polio moirai eux aimée, fiée de laquelle eft em-
& faire getter hors fouurage.La fepouoient veoir des corps eftrïges,effortz prainfte en mon cueur:fur laquelle mô orne a faift Connid,& fe repofe cône
extremes,aftes affe,2iônez, chaules mortz,& viftoire incertaine. Hélas que en vue ferre franchité .Helas elle ne m'auoit pas abandonné en ce voiagc tât
mes efprirz Iafrez & trauaillez,mon entendement confuz par continuelle efgaré. Effâtainfrpemenuaulien clôt leregardmefaiCoitoublier tous au-
diuedire,& mes feus troublez de choies fi mcrueilleufes, nepeuuent fuffire tres penfemés,i'allay aduifervn beau potrail d'exceller artifice, & en toute (a
ie ne dy pas a declairer le tout,mais a bié exprimer la moindreparrie de cette contpofition côfommé & perfeft,voire tel, que te ne feus point en moy tant
fculpmre tant noble.Dien,d'on procéda fi grand'audace & prefumptiusine defauoir,queielepeulfefuffifammentdefcrire,confidereqtiennoflrctéps
vouloir deCordonned'affembler des pierres en fi grand mbceau?auec quelz les vocables vulgaires propres & cômuns a l'arclritefture, font enfeueliz &
rouleaux, auec quelz chariotz, & autres machines traftoires ont efte louez fi efteinéts mec les muurcs.0 facritege Barbarie cxecrable,tu as airailly la plus
houle ces quartiers de grandeur incroiable,pour ériger vue fi memeillcuCe noble part du eltrefor Latin,accbpaignée d'avarice l'infatiable : & as couture
pyramide?Certes onques Dinocrates nepropofa plus fuperbentér au grand d'ignorance maudire l'art tâtdigne,qui iadis feit florir & triompher Rome .
Roy Alexandre la forme de fan concept & defeing fitr la Itrufture du mont Dérisoire portail(pourbicn dire) premier eftott laifrée a defcouuertvne
Athos . A la vérité celle cy excorie l'infolence des Egyptiens, Icmnacle du place contenant trente pas en quant par fan diametre, parée de quarreaux
Labyrinthe de Crete,& larenommée du Mantelée . auffifans point de doub de marbre, (épatez fvn de loutre la lôgueur d'un piedaa feparation & entrn-
te B
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . 8
deux ouvrée de mufaique en forme d'entrelas &feuillages de diuerfes cou, Ce chenal elloitpofé fur vue lame ou platine de la menue matiere, &tout
leurs,denrolie en plufieurs cndroiftz pour la ruine du batflimét . Sur la fin de d'vnefonte,laquclle efoit antee&plombeefiu vne grand contrebafe de
ccflcplace adextre &afeneltre du cofiédes inontaignes eftoicnt exigez a . marbre blanc:& n'anime le chenal (ainfi que icpouoie comprendre) cité en-
nyueaudeux ranzdecoIounes egalementdiftantesl'un cdel'autre .Lepre. cores chevauché d'aucun, a fouliaif4 . parquoy ces ieunes enfans fembloient
mier cours ou orge commécoit au bout du parié. Au front du portail de fvn dolens fans voixplainftiue,pource quilz en eltoiem privez,& n'auoiét fors
des rangz iufques a l'aun e,y auoit difance de quinzepas.La plufgrand part lademonfration de vie fans I'vfaige .II fentbloitque lecheual les voulnft
de ces colonnes fe voyt encores debout & cancers, avec les chapiteaux doi i- mettre & introduire dedans celle porte :car il efloit tomnéde ce cofté.La cô-
ques,contenans en limiteur le demy diametre de leur pied, il yen auoit d'au trebaCechoit maffute,proportionnee en Iôgueur, greffeur,& haultem, pour
"es,priuees de leurs chapiteaux,plufieurs réuerfees,rompues,& demyenter- fOnitenirC grand machine,diuerfifiée de veines differentes enrouleurs. Au
rees dans les mines,parmy Ici-quelles efloient creuz des arbriffeaux &petitz Front qni regardait la poi te,efloit entaillé vn chap eau de triumplie de mar-
buitlbnetz :qui me fitprefumerque ce auoit eftévn hippodrome a courir che- bre verd,a fusilles de Peucedan,autrement diâ queue de pourceau :& au de-
uaux,ouquelquexyltepour exercer la ieuneffe on vn paradromide a fe dans d'iceluy les lettres qui fenfitiuét,grances en la pierre blanclre.Eil la li-
pronrener,oncertain ample porche defcouuergoubien lulieu d'vu Euripe ce oppofite,& deuers la croppe du cheual,y auoit va autre pareil drapeau de
feiftpourreprefenteratépscertaines batailles navales . En celle place à dix fueillesd'Aconitemortel,auecautres lettres,difant:
pas ou enuiro de laporte y auoit vn chenal de cuy" ure,merueilleufemct gràd,
auecdeux aelleseltendues :lepiedduquel contenait tint piedz enrondeur
fur le plant de fabafe. La logueur de la iambe depuis lapince de la corne nul-
ques foubz Iapolâi ine,eftoit de neufpiedz. La telle haulte & releuee, cbme
fil fuit efgaré, fans frein ny bride,aucc deux petites oreilles,l'v ne droicic fur
le deuant,I'autre en arriere.les crcins longs,ploiez en vraies, & ecndans clu
colle croie!. Deffus ce chenal,& autour de luy,efloiét faiaz plufieurs petitz
enfans qui fefforcoient le clreuaucher,mais vu feu! d'eulx ne f y porion tenir
pourfag rande legierete, & prompt maniement : parquoy les aucuns tum-
boienyles autres eloiem preftz de mmber:maintz en y mont de trebuch ez,
qui taCchoiét de remôter. V eus en cuvez veu qui femporignoiét aux ceci ns:
& celz efioient cheuz foubz Con ventre, qui monfroicnt Ce vouloir relever.

Dediéauxdieux Lechenal d'in-


ambiguz . feGcitc.

En la face longue du collé droift, elloient entailees aucunes fi-


gures d'hommes & de femmes danfans, qui auoient chacun deux vifii-
ges, l'vn riant, & l'autre pleurant . llz danfoient en rond, fentretcnans par
les mains,lromme aucchomme, & femme avec femme, vu bras de l'Irom-
me paffantpar deffus celluy de la femme, & l'autre par deffoubz, en te-
le maniere que toufiours vn vifage ioieux citent tourné contre vue face
trille : & eloient en nombre deux fois fcpt, fi perfaiftement entaillez
13 il
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE. 9
&figurez en leurs mouuemens,& en linges volans,qui nâccufoient fou-
mier d'autre default,finon qu'il n auoitpoint mis de voix en l'vue,
ny de larmes en l'autre. Celle danfe efloit taillée en va rond
oual,formé de deux demizcercles, continuez de
deux lignes defrus & deffoubz.
Au bas de l'hifloire efloient efcriptes teles parolles, T E M P V S.qui eft le
temps .

fefloie fort efmemeille' confiderant celle grande machine de chenal fi


tresbicnlaide quetous les membre, refpondoient enmefure a la propor-
rien ducorps . Etmefencertes fouuenirdeceluyladeSeins . Apresqueie
l'enlotsgueméeregardé, allayaduiferdeloinglafigured'vnelephât,quin'e-
flouderienmoindreengrandeurnyartifice .Etainfique iele vouloie aller
vecir,i'ouy céme le gemtr d'vueperfànne malade :dôt le poil me drefra en la
tete :& fans plus auàt y penfer,riray vers celle part ou i'auoie egtédu la voix,
motttâtCurvugradmbceauderuines. uâdiefitpaire oultre,ietrouuayva
merucilleux Coloffe, aiat les piedz fans femelles,les iâbes creufes & vuydes,
En vne autre ouale du raflé feneflre, eftoient entaillez du mefme on & pareillem& tout le rcfle du corps iniques a la tefle,qui ne fe potion regar-
urageaucunsieuneshommesquicueillaientdesfleursencompagnie de : fans horreur. Lors iecôiefturay(Île vétentrâtparl'ouverturedespiedz,
deplufieurs damoifelles .Et au bas de la figure y avoir des lettres attoit cau(é ce fan en forme de gemrflemét,& que l'ouvrier l'auoit ainli fai&
engrauçes en la pierre, contenans ce Peul mot A M S S I O, tout a cfcieneCe colofre efloit couché a l'enuers,fai& de bronze ou metal fan
qui eftpeae.La groffeur des lettres efloit de la neu- du,& getté par excellent artifice.ll fembloit efire d'vu homme de moyéaage
fieme partie, & vu peu plus , du diametre gifant la teflevn p eu haultc,& repofant fur vu quarreau en forme de malade.
de leur quarté. II euoit la bouche ouueac de fix pas de lai geur,comme fil le fuff voulu plain
I'elloie dre.Par les cheveux de Ca tefle on potion monter fur fan cflonaach, & de la
entrer en fabouche,parlepoil deCibarbe. uâdiefuvenuiufquesla,iurien
hardyd'entrerdedas :puis deuallantparvapedtdegré,defcédy en la gorge,
aptes en 1cffomach, & de la par toutes les autres parties du corps,iufques de
dans les boyaulx & entrailles .0 meruei3leux concept d'entedemét humain,
entrepnfeplusgriadmirable .le vey toutes Icsparties interieuresdu corps
naturel ouvertes & cheminables, le nom de chafcune efcript en trois lïgues,
afcattoirChaldce,Greque,&Latine,aucclesm a l adies quifipeunent engé-
B iij
LIVRE PREMIER DE
drer, & par mefnae moyen la caufe,&le renarde . Par tout y anoirpaflage,
tant que Ion pouoit clairement veoir oz,arteres,nerfz,veines,imtfdes,& in-
te ftins:car il efloit garny de pluficurs pet , tes feneflres Cecretes,qui do imoiét
lumiere fuft(ante :& n'y anon faulte d'vne feule veme,non plus qu'en cclu y
d'vnhommeperfaiEt. rand ie fu au droiEt du cueugi'apperccu le lieu ou
amour forge fcsfou(pirs,&l'endroiftou il oftènfeleplus ,rieuemcltt.Adôc
ie4tay vne grand'plainae, appellant Polia, fi Itault,q(le te fenty rctétir route
celle machine : donti eu fray eur.puis commencay a penfer l'excelléce de tele
inuention,par laquelle fans anatomie l'homme le pouoit rendre excellent &
ftngulier . O nobles efpri tz antiques. 0 aage vra) emét Juré lors que la ver-
tu eltoit par egal avec la fortune, tuas fenleu,ét lainé a ce ferle malheureux,
ignorâce&auaricepour Jicritage . Aptes queiefifortidececololfe,ievey
le front & le hault de la telle d'vn au tre:mais il eftoit en figure femininc, dôt
tout le celle efloitenfeuelyfoubzces tain es, en forte que je n'en peu seoir
plus mant:a l'occahon de quoy retournay au premier heu,ou ie contemplay
vngrandEleplaantdepierre noire,cltincelleedepaiIletcesd'or &d'an enr,
en naaniere de pouldre femme par def ia .La pierre elloir fi polie &" fi cuire,
quelle reprefentoit tout ce qui effoit a l'entour, côme fi c éuft eflé vn miroer
de boue glace: toutesfois il Penfalloir quelques endroi£tz ou le nacrai 1moit
terny de fa rouilleure verde .Ceil aleph ât iront lia le Itault du dos côme vue
bafliere c u couuerture de cuyure,lyee a deux fangles larges efh-amftes par
deffoubz,& tnutrônantes tout le v entre,entre lefquélles etoit fatft comme
vitpûierquarréenfoimedepiedeflai,deondoie correfpôdâtealagroffeur
de l'obelifque,dreflëfur le dos de la befte,pource que nulle cltofe de grâd'pe-
(auteur ne doit eftre afl'tfe en vain,car elle ne pourroit efire durable.Les trois
faces de cepiedeftal,efloient entaillees de lettres Egy ptiennes, & cri la qua.
encore choit la porte pour y entrer . L'clepharrt(a la veritc)fe mon fIroà expri
me fi perfaictement,qu e rien ne defailloit a l'induflrie .Sa bafliere ou tourier
tore choit orner depetites figures &hifloires de denaybofre:& droid en fort
mylieu (e pouoit veoir erigé vn obeliCquc de pierre Lacedemoniéne vende,
qui auoit es faces agiles vu pas de largeur parle charrette de (on pied,& fept
autrespasg eometriquesenhaulteur:lagndlediminuoitenpoinfte :&enta
fummité elloit ficher vue boule de manere claire & tranfparente. Ce grand
animal efloitfou(beau d'vu foubaffementon contrebafe de porphyre . Les
deux grandes dentz qui failloient de fa bouche,fnrent failles de pierre bld-
ehe,reluiCante comme yuoire.A fa couuerture efloit attaché avec riches bou-
clesdormes vn poitral du mefme cuyure:atr mylieu duquel etoit e(cript en
lettreslatines : CEREBRVM EST IN CAPITÉ. c'efladire,Lc
cerutaueftenIatefieEtlèntblablenrentl'extremitéparon le col ioingt a la
telle, eftoit enuironnee d'vubeau ]yen, auquel pendent vn enrichiffement
en forme de chanfrein,iette fur le front de la befte,compofé de deux quarrez
entiers,& bordéde treillage antique, aufri faift de cuyurc:
au mylieu
LIVRE PREMIER DE LIVRE PREMIER.
aumylienduqueleftoient infculpees des lettres Dont ie me trouuaycout e(balry, &aucunement efpris de peur . parguoy
Ioniques,& Arabiques,qui diCoient :w>+oç,xxllx- fans plus arreller me mey en chemin pour fortin & paflànt au coite de deuât
O E
Ivï~ . Labeur & induflrie. tX rioN vers la teie,i y aperceu vne autre lampe allumée,& vu autre fepulchre fem-
La probofcide ou mufeau ne touchait pasau fou- KAI bable en toutes choies air premier,forsquelafigure etoitd'unefemme,qui
bafrement, mais effoit vu peu foubzleue & ren ET ~D TIA arioirlebras droictlâubzleué,monfbâtdupremier doigtde famain la par-
uertédeuers le frontal auoit lesoreilles pendan- tiequi efloit derriere ellc:de l'aultre main elle tenait vn tableau touchant au
tes,larges,& ridées, d'eftrange fo¢q monftrant couuercle du fepulchre, auquel eftoit efcripeen trois langues:
~k ~
parfa grandeur qu'il excédait le naturel. Le Cou-
bafrementeftoitberlong,&enoual ,entailléde z Imer mus lin Istxn In np n+nnm +o nm
charafteres Egyptiens hiéroglyphiques, & gar- tétin yrtn Sets olt7rt non Imx intix SMx
ny de Ces moulures .Lalongueur eftoit de douze
oYnY x Au xx rares ror exxAVpox
pas,la largeurde cinq,la haulteur de trois.En l'su O£ONANAx[£KOLNAPAINRALRZAA " XIYZXX
decofteztetrouuayvne crue porté&vnemon- xLSAAXN,wn ANTpYYRwA70£y
teedeCeptdegrez :parlcfïquelz arriuayfur le pl,t
du foubaffement :&veyqueauquanépofefoubz 7,90. Wsat r- ui(quises,quantumcunque libuerit,huius
le ventre,edoit cavéevue autre petite porte.En la thefaurifuntc :attnoneo,aufercapta,cor-
concauite de ceft elephanty auon des chenilles pus ne tangito.
de mecal,ficlroes aux deux collez en formede de- C'cil a dire,
grez,par lefgnelles on pouoit aifemét monter &
uiconques tu foys,pren de ce thre(ortit
aller atrauerscelle machine creufe. uifeitquecohuenieprintdelevenir, te
telement que ïentray par celte porte :puis grimpayparles cheuillesen ce qu'il te plan armais fadmotntefte quetu pré
tics la telle,& ne touchesau corps .
merveilleux corps tout euentré,refemé que Ionauon lauré autant de maffif
pardedâs,qu'ilenrivoir audefroubz,pdehors,pour fouftenirfonobelifgne:
Ces choies me fureur bien nouvelles, mef-
&tantd'efpace achafeun colledes flancs de l'éléphant, gdvn homme y po-
mes les cnigmes, lefquelz te leu & releu plu-
uoitpairerafonaife.Alavoultedudozfurlederrierepédoitvnelampear-
urt fieurs fois,pour les cuider entendre:mais leur
déte,attachée achaynesd'arain,quiiamaisne
lignification me fèuabla fort ambigue, & tele que ne la fceuinterpreter. avec
feflai$noir, & enluminoit toute celte grande
ce te n'o(oic rien entreprendre,car ieffoie furpris d'vne horreur dénoue, en
place vuide,en laquelle te veyla figure d'ver ce lieu tenebreux, ti aiant lumiere fors des deux Iampes
homme nud,grande comme le naturel ordi- .D'auantagele gtâd
defir [lue ïaume de contempler a monaife labelle porte, fut occafion que
naire, aianten fa telle vire coronne, le tout de
ne ni y arreftay autrement,& m'en party, en deliberation toutesfois d'y ne-
pierre noire, mais les yeulx, les dens, Me, on-
tourner pour le confiderer plus a loifir . Ainft ie defcendy parle lieu ou
gles,eftoiétd'argeneCeftefigure efloit plàtee
ieffoieentré, &regardaycellegrandebeftepardehors,penfantquele har-
droiftefur le couuercle d'vu fepulchre faift a
diefrehumaine auoit elle fi temeraire,d'entreprendre fi haulte befongne,
demyrond,entaille aefcailles,auecles moula-
quelz cizeaulx,quelz outilz & ferremens,moientpeuprocurer vnematiere
tes requifes .Elleauoit le bas droict ellendufur
tant dure & tant rebelle,mefmement quetoutes les touches de dedans Ce ra-
le deuât,tenâtvn fceptre,& la main gauche ce-
portoiétaccllesdedehors. Aptes queiefudefcendutoutaubasfurlepine,
pofee furvu efcuffon, courbe enferme de ca-
iadui(ay le Cottbafrementqui le fouienoir,a l'entour duquel elloiét atachez
renne de barque,& taillé autour a la femblâce
telz hicroglyphes :
de l'oz d'vnetettede dreual,auquel efloit e-
fcript de lettres hebraiqu es greques Matines.
8+ny+n++n [Ix +nf07 rift nnon nnnnn+n x5 Dit
antan xunnt W9n
oxx wxAnexxloNLwAxAAx*xx :zxru,crvxxx ., u£oNwY .
Nuduseram,beftia mine texiffetquxrc, & inuenies .m c finito.
feRoie nud,fi la bellene méuf} couuert.cherche,& m nouueras .laifîe moy.
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . r),
Pxemiexementfos de latefle d'vn tien£, auec inflrumentz rufliques,liez aux avez porté au cc vous en fcpulture le bien de noflre riclieffe? Venu que ie fil
corne s , vn autel affiz fur deuxpiedzde cliente, puis vneflanimedefcu,en deuant la porte, qui bien meritoit d'ente fongneufemét regardee pour l'ex-
la face du quel y auoit vu «il,& su vaultour. aptes vin baffin a laver, vn saxe cellence de l'onurage,il me print envie d'entendre la proportion & mefure
a biberon,vn pelloton de filet trauerfé d'vu fuzeau, vis vafe antique aiant la quel'ouurier y auoit obfernée:dot pour la tronnervfay promptenrétde cefle
bouche connecte, vne femelle auec en o:il &deux rameaux, Ion d'olive,& pradique. le mefuray l'vu des quartez qui fouflenoient les coltines doubles
l'autre de palme, vnancre, vue oye,& vue lampe antique, tenue par vne de chafcun collé, &par cela compris facilement fa raifon . Premierement
main, vu timondenauireauffi antique, auquel efloit attaché vue branche il auoit faift vne figure quarréc A B C D, diuifee parti ois lignes droides, &
d'olivier, puis deux hameffons,& vu daulphin, &pour le derniervn coffre trois trauerfantes,egalenétdifl5tesIvre del'autre,ctipofans feize quartez .
riez & ferré,le tout entaillé de belle Cculpmre, en celle formé. puisadiouxta fur la figure vnede les moytiéz EF,laquelle diuifée par les
mefines mefures,faifoitvingt & quatre quartez, coprins les feize de la pre-
miere .Tirant aptes en lapremiere figure A B C D,deux diagonales,A D,&
B C,croifans au naylien, il la departit en quatre triangles, aiant chafcun fort
diagone ou ligne trauerfale . Et en la moytié adiouxtee que ïay mafquee pat
EF,1I fitvn rhombe oulozengetraffé fur les principaulxpomtz G H IK .
Apres que ieti conceu en mon entendement celle figure,ie péfay, Que peu-
Vient faire les architedes modernes,qui fefliment fanans, fans lettres & fans
doftrine, encores quilz foient fans rcigle ny mefure?parquoy corrompent
& difformét toutes manieres de baflimétz tant particuliers que publiques,
defprifans la nature qui les enfeigne a bien faire,filz la veulent itniter.N eâr-
moins riz peuvent enrichir leur befongne,& y adiouxter ou diminuer pour
contenter la veue,mais que le inaflifdemeure enticr,auduel tontes parues fe
donnent accorder . Parce maffif i'cnten te corps de l'edthce,lequ et fans c i ne-
mensfait cognoiflre le fauoir & l'efprit du maiflre : car il e!l facile d'enrichir
la choie aptes quelle cil inuentee.Toutesfois fur toutefl a eflimerladiflri-
buticu,depaitemenq& difpofrtion des membres : dont fault conclure que
c'en} cafre vfitee & ctimune a chafcun ouurier,voire iufques aux aprentiz, de
fauoir orner vu maltage: mais inventer, certainement gifl en la telle des fa-
uans. Pour retourner donc anoflrepropos,oflantdecc quarté& demy le
LeCquelles trefantiques & fainftes efcriptui es,apres y auoir bien rhombe, les lignes diagonales,& trauerfantes,mefmes laiffant les deux per-
penfé,i'interpretay en ceflefone : pendiculaires,& oflant la moyenne qui le trouve au lieu de la porte,la for-
Exlaboredconacurxfacrificaliberalitet,paulatim redores ammùt deo fub- me du poi tail demourera enfan entter.Pnis oflant la derniere ligne F D,cô-
ieduin . fiimam cuflodiam vitx tua: mifericorditer gubernando, tenebit tenât fix quartez du hault a bas,& l'autre de E C, fort oppofte, reflera vne fi-
incolumemgnefemabit C'efladire: gure compofee de deux quartez L M, conteoât chacun quatre des vingt &
$acrifieliberalementdetonlabeur audieu denature,pela eutaredttixas quatrequarrez,lefquelzvous departirez en deux,& en celluy de bas M,ferez
ton efprit en la fubiedion de dieu, qui par fa mifericorde era fente garde vn diagone commencantal'O,&letircieziuCquesaudeffoubzdel'archi-
de ta vie,& en la gouvernant la confem era faine & fauve. rraue marqué R :& autant de (autre collé depuis le P iufques aQpuis en Po
1, laifrayagrand difficultéceflebelle figure,tantfort el1enieplaifoit,puis fantsnepointe ducompas aupoint de L,& l'antre iufques a K,en circuyf-
retourney a regarder le grid cheual,qui auoit la cefle feiclie & maigre,pro- fantfetrouuera la mefure de fatc,ou bien courbure de la porte . La ligne doe
portionnement petite,& tre(bien formée pour refemblerinconfl5t . O n l uy de A B,efllevray lieude l'architrave. Etlepoint du mybeude la ligne rra-
v omit quafitréblerlesmufcles,&CenrbloitimeulxviFquefcind .En ton fret ucfaute marqué par L(commedia efl)fera Iecetitrepour flechir & courber
efloit grnuécemotgrec G E N E A . Detous ces grâs ouuragesquila gifoiét la soulturc de la porte en deniyiond, a laquelle doit eflreadiouxté le demy
en moceaux,Ie temps auoit feulemét efpargnc' ces quatre belles & excellen- diametredepuis le point R,iufgnes au premier demycercle, &cela fera iu-
tes pieces,afauoii le chenal, l'elepliant, lecolofre, & la porre .0 nobles ou- flementfonefpoifIbur . Mais fil fc fait par autre Yoyc,ie ne le(lime point
uxiers antiques,quele avanie a(ïaillit fi rigouxeufement vente vcau,tj rocs pcrfef!
avez
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . r1
Celle inclure fut inuentéc par les ouvriers antiques bien expertz en mal-
fonnerie,& obferuée en leurs arcs & voultures,pour leur donner grace&

t
refiltenee .Lepiedellal ou contrebaze des colonnes, commencoit auny-
ttcaudupané parvnplinthe; &letout eftoitdela banlieue d'vn pied,garny
i m4 de l-cs moulures avec leurs afiragales ou fuzees,fuiuâc l'alignement de l'cdifi-
I l xy~COKNY CE- mi I\~.~.
-r - r-- ce,& ferrant d'embaffement aux roi ou iambages de laporte . L'efpace
._-- -qi obtenu entre les lignes A, B, E,F, efloir diuiftentrois parties, l'vne pour
1
I I I I farchitraue,l'autre pout la frize, & la tierce pour la corône ou cornice, qui
hl
auoitvuepartie plus quelesdeux autres :cefladire, que fil'architraueacmq
parties,& autant la frae,la corône en doibt auoir fix:laquclle en tell croire,
~ I ~ I I
excedoit celle nrefure,d'aurantque fourrier entendu,auoit faift vit pendant
de demy pied fur lacymaifedelacoronne,acelle finque la faillie des mou-
Inrcs &icelle, ri empefchaft la veue des fculptures qui efloient audeffus,
combien queIonpetitaufagrandirl'architrave&lafrize,parleursorne-
mens,ainfiguefonuragelerequicet .Soubzlacorniceyauonvnquarréde
chacun colle autant large quefafaillie Lafrize eflâtpardeffoubz,auoitauttat
de largeur que la moytie de ce quarté, ou que la tierce partie d'vn des vingt &
quatre quarrez .L'efpace entre les deux quarrez,efloit diuifd en fept pairies.
tell uy du mylieu qui rcfpondoit a plomb fur l'ouverture de la porte,eflou
emploie en va nid pour mettre la figure d'vue nymphe . A chacù des collez
endemouroittrois pour autres fculptures. Lafailliedelaplushaultecoron-
neoucornice,fepeutfacilcmenttrouuerenfarfantde]alignedefa groffeur
vis quarté, le diagone duquel fera fa proiefture. Or comprenant toute la fi-
gure desvingt &quatre quarrezenfemble,voustrouuetezqu'elle
contient vn gnarre perfeft & demy. Diuifez le demy
en fix parties, par cinq lignes droiacs
perpendiculaires,& tirez
volte ligne du
mylieu
de la cinclieme
merquee G H, iuf-
ques au coing du quarté
perfe&,A,ou commence farchitraue.
puis la dreffez perpendiculairemencfurla
clef del'architraue courbe ouvoulture de lapone : &elle
vous monffrera la haulteur regulieredu fiontifpice
ou comblede deffus, les extrernitez du-
quel le doivent ioindre &, rap-
porterala faillie ou prore-
Eture de la derniere co
rôncoucymaife,&
auecfemblables
moulu.
tes .
DE POLIPHILE . 14
LIVRE PREMIER
Celle porte ehoit edifiee de pierres de quartier,fi proprennét ioinftes,qu'eIle
femblott tout d'vne piecaAuxdeux collez d'icelle, en difance de deux pas,
gifoient deux grandes colônes quafi toutes enfeuelies en la ruine, lefquelles
te defcouury aucunement,& vcy que les bafes & chapiteaux ehoient de cuy-
me.Iemefuray lahaultcurd'vnebafc,doublantlaquelle ietrormaylediame-
tre du pied de la colonne,& par celle mefme congueu fa lôguenr, qui paffoit
vingt & lauicl coudees.Lesdeux plusprochainesdelaporte,ehoiétl'vne de
porphyre,& l'autre d'Ophite, ou fcrpentine : les autres deux eftoiét Caryati-
des canelees. Auxdeuxcohezyen auoit plufreurs autres,aucunes difiri-
buces de deux en deux,autres miles en egale diflance,faictes de pierre Laco-
nique treffeure . Le demy diametre du pied de la colône faifoit la haulteur de
labafe,quiconfiftoitenbozel,contrebozcl,& plinthe,formec en cefie ma-
niere :Dfuifant la haulteur de la bafe en trois parties, on d6noit )vue au plin-
the,qui auoit en largeur vn diametre & demy du pied de la colône.Les deux
parties qui refloient,elloient diuifees cri quatre . l'vne en auoit le boz et d'en-
hault, les trois autres diuifees en deux,I'vnepour le bozel d'embas, & l'autre
pour le contrebozel . Les filetz auoient chacun soc feprieme parrie du tout.
Tele ntefiue fut obferucep les Archiceâes antiques,pour<e qri elle leur fem
bloit bonne & reguliere . Sur les chapiteauxd'icelles colonnes efloit pofë va
bel architrave ou epifiyle,faift a trois faces:la pecmiere d'embas ornee pour
mouture d'vuecorde debillettes eu Forme de patenotres:lafeconde de ce
mefme ouurage,fors gu'apres deux billettes rondes,il yen auoit vire longue
en faconde fuzee .latierce efrit filât a oreilles de foris,refendues & taillees
en matricre de fueillage . Attdeffus etoit la frize ou zophore, entaillec a ra-
meaux &fleurs antiques,entrelafrez de branches de vigne, & diuerfes lier-
bes,entrenreflees deplufreurs fortes cl oifeaux.Apres y auon vn ordre de mu-
tules ou tri reffemblans a teles de foliues,faillans de la muraille par di-
ilances egales,far lefquelles commencoient les moulures d'vue grande
coronncLe refle de l'edifice de la en barrit efloit demoly & tombé, mais il y
,mort apparence degrandes fenetres doubles,dennces de leurs ornemens,
aucunenrenedemonllransquclauoitelle' lebahintent en fou entier.Soubz
tell architrane fe senne rendre Ia poinfte du frôtifpice de la porte, aux deux
collez :duquelqui .tuoientlaformededeux triangles dipleures(cefta dire
aians deux collez egaux)choient entaillez deux rondz encloz de moulures,
& environnez de clrapeauxde triumplre,faiftz de fueilles de Clrefne,lyez de
rubens de foye,dedans lefquclz c&oicntfaides deux figures de boffe. fortés
du platfons ou concave des rondz,depuis la ceinfture coins aiâsI'cflomach
couuertd'vntnanteau,nouéfurfefpaulefenehre,ala mode antique,l'vne a
barbe meflee,toutes deux coronnces de Laurier,& en leur regard prcfentans
grande maiché.Esfaillies delafrizepofantfurlescolonnes, efloiét entaillez
certains aigles, tenans les celles ouucrtes,& branchez fur des fellons de ver-
dure,entremcflez de fruiftz,vn peu pendans contre le mylieu, les boutz clef
quclz fembloient eflre attachez par les deux cotez, a lyaffes de demyboffe,
en pluficurs repliz percez a iour,en maniere de rubens. A l'oppofitc de ce-
f eporte choit fitué vn grand cours de colonnes . Et pource que ne vos s e fuf-
C ii
LIVRE PREMIER DE P0LIlaH1LE . r5
fifamment(commeil me femble)fpecifiéces mébres princfpaux.Refte main- roll ouurage,deuant luy ell oit vue belle dame,qui tenoit vn petit enfanctout
tenant a defcrire Ces emichlfemem : car l'Arcl,itefte doit eu premier lier, nud,ahis fur fi cuyffe, qu'elle allait pour celle caufe vn peu haulte & Icuce,
concevoir & difpofer en Con entendemét le mafrifde toute 1 œuure,en aptes ap uyantfonpicdcontrevnepierreenformederoche,quieftoitioignant
penferdesornemens,quinefont queles acceffoires du principal, cari le iege duforgerô,faifte la aupres en vnepetite cauerne qui fe,voit de tour-
quâu premier eft cogneu Icfcauoir & l'experience del'ouurieymaisle fe- naife, & fembloit allumer vn feu de cl,arbô.La dame avoir les treflès mignô-
condelt tresfacile,& commun quafiauxapprentiz. nenrcnt rapportees a l'entour du front, enuironnans fa telle,figuree en tout
& par tout li delicatement,que le tn'efbahy comme les autres filmes là en-

Comme Poliphile apres auoirmô- taillees de lamefme naatiere, ne mouraient d'amour pour elle. A fan coftê
choit vil hôme de guerre,furieuxpar Cemblét,veflu d'vn haubergeô antique :
STRE LES MESVRES ET PROPORTIONS DE LA flic le mylicu de la palatine duquel, eftoit emprainfte l'horrible face de Me .
duUc:& vue efcharpe ou ceinftnre bien large, trauerfoie fort grand eftomaclt.
Partepourùit a defcrire les ornement, u excellente mmpoftion d'icelle.
Il auait le bras gauche vn peu Icué,& tenait vue forte lâce.Sa telle eftoit cou-
Vétpafrcroultrc,ievueilprier les amoureux,lef nette d'vn cabalfet a crefte .Le bras droift n'eltoit point apparét,car les autres
quelz(peultefire)attendent unir de moy chofe .e figures le couuroient. Derriere la telle du forgeron,gni f mbloit incliné, ap-
paroiffoitvniouuenceau,delaceinfture cil lis vehud'vndrap volam,fort
qui leur foient plusplaifantes, & teles que faut
les penfees dont ilz entretiennent leurs tueurs, delic. Toutes ces figures efloient taillées d'albaftre,&auoient elle rappor
tees fur vn fondz de corail vermeil,qui donnait lullre au nud,lequel pour ce-
qri ilz me veuillent excufer,f, ie demeure vn petit
longuement en celle deCcription : car ï eCpere cy fie caufefemonftroitdelacoleurd'vnerofeincarnate . En l'autre piedeflal
api es leur fatisfaire de ce quilz deftrét . Pour me- au cofléfeneftre,eloit entaillé vil homme tmd,d'aage virile,& gracieux re-
nerdonc a fin mon entreprife, i ay lift cy deflùs gard,demonfirant vue grande inconfance. II efoit affis fur vn liege quarte
que laprincipalepartie de l'Architege,eit l'inué- faift a l'antique, & moit chauffedes brodequins cordelez fur la greue, & a
chacun rallonvne aelle. Aupres de luyfe repofoitcelle mettre dame tou-
tion du corps maffjfde tout l'edificc:car il le peult apres Facilemét reluire en
te nue, fur la poiftrine de laquelle potgnoient deux matmnclettes rondes
menLies diuifions,neplus ne moins qu'vn ntnficienaiant inlieu teleton fur
ma ximc, il le proportionne apres en minimes comme deux demyes pommes :& tant eftoit conforme & femblable en tout
vn temps, plr v ue longue ou &par tout acelle de l'autre piedehal, que qui les colt voulu mouler, facile-
ehromariques,c'eft a dire téporeles,gu il rapporte fin la note ferme & malli-
niérles eufl iugees tout vue mefme choie . Cefte dame prefentoirfora enfant
ne. AinC en l'inuention de l'Architefte, la rngle principale & plus neceflaire, acepcrConnage,pourl'endoftrinet&initntire :maisilauoitdefiaprins ael-
c ei le quarté, auquel api es qu'il eh diftribué & deparry en pluf eurs antres
les,& effoit debout,éenclinantdeuant luy :toutesfois il tenait deux fleches,
petitzq narrez,fetreuuel'accord&conuenableproportion ouharmonie de
toucfedifice,telementgnetouslesaccefloitesrcuiennent&refpôdentaleur avec vnc tele contenance,que Ion pouoit aifement coniefturer que le grand
enfeignoit au petit,en quele mantere il en deuoit vfer, pour bien les mettre
principal.&ainfi choit faifte celle porte. Premierenaentau collé droift
eno=liure .Lameretenoitlecarquoysvuyde,&lare bendé.Aux piedz de ce
eftoit vin piedehal garny de Ces n,oulures,plus hault que large,c'et afa- niai Ire gifoit vil fceptre entortillé de deuxferpés.Pareillemét y ehoitl'hôme
noir de proportion dtagonee . Certes dtne corroient vfer de termes co- de guerre,& vue femme aiât en fa telle vn cabafièt, laquelle portait vn tro-
gneuz entre les gens de l'art, nonobftant qu ilz ne foient p as vulgaires : car
phee aubout d'vue lâce,c'eftafauoir vn haubergeô antique, audefus d'vne
nous fommes degenerez &diminuez de ce threfor, lequel pouoit propre- boule rôdepoCeeentredetrxaclles,&yefloitefcript,NIHIL FIRMVM .
mentexprimer& declairer toutes les particularitez de self courage,& en II n'y arien de ferme.Cefte dame fecôde effoit veffue d'vn lâgevolât, & mô-
faultparlerauec les vocables rudes &mal propres qui nous font demourez. flrortfapoiRrinedecouuerte. Les quatre colonnes prochaines de lapone
Or dedans le quarré de ce piedehal, ehoa entaillé en pierre d'albatre,dia- effoient d'vn porphyre de coleur vermeille,vnpeu obfcur,& ferre de ta-
phane,outranfparéte,vnhommequelgnepeuexcedant l'aage moyen&vi- ches plus claires & refplendiffantes .Lenrhaultcureltoitdefeptdiametres
ril, devirage robnhe & ruhique, la barbe dure, farte, & heriflèe, les poilz de leur pied,& eftoient canelees, chacune de vingt & quatre canaux, en-
droiftz,rudes & piquans,celementque fonmenton refembloidedoz d'vn tredeux canelures vu filet,ccïprenât la quarte partie du charrette du cari
fanglier.ll choit anis fric vue pierre, enueloppé d'vue peau de bouc, dont tierce partie de la colône dcuers le bas, eftoit rudétec,c'eft a dire 9les canaux
le4iambesdederricre choient nonces fur ces ce cz,le col pendant entre ehoiérplains en forme de bahôs rôdz,gle, clin tiers de tnaintenât appellét
lesiambes,&lepoil tourné dcuers fa chair. Entre fes genoux y avoir vue bondis . Adôc ie prefumay qla caufepourquoy elles Furét ainfi canelees,auec
enclume fichee,pofee fur via tronc d'arbre tout raboteux : &forgeait vue lavette partierudétée oua boudins,eftoitpource que celle ftruâure excellé-
paire d'aelles, tenant le marteau levé, comme C'il euh voulu frapper fur C iij
Con
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . 16

te,fut dediee aux deux fexes des dieux, fatoir efl a dieu &. deeflè, côme a nie- deffoub z de la voultee floit departy en menuz quarrez, a chacun defquelz
te & a filz,a pcre & a fille,a mary &-a femme, ou autre femblable, & que les
efloit faifte vne roface de detny boffe, qui fembloit pendante. Les tluarrez
canaux efloient attribuez aufexeterminal, & le réphflàgeau mafculm . Ces comenofent autant en largeur que les collier es de la porte,depuis la ceintu-
colonnes caraelees furent premierement faiftes au temple d'vne deeffe,vou- re enfes(Iaquelle Ceflendoit aufli par dedans Peintre de la porte atrauers fes
larrs les architectes par les canaux reprefenter les pliz des veflemés des fem- iambages)fin 1 endroit ou la voulte cômencoit a flechir.En chacun des deux
mes :&fur icelles mireur les chapiteaux aune leurs volutes ou rouleaux pour triangles formez par Iadiae voulture &les colonnes,y avoir vne Paf}opho-
lignifier leur clreuelure,ainfiquela portent tes Greques,c'efladire trouffec xe(qui efl le Curuom de Venus deeffe d' amour)taillee en forure de canmyen,
audefrus des oreilles.Les colonnes Caryatides,lefquelles ont pour chapiteau leurs veflentens volans,qui defcouuroient partie de leurs belles cuyllès, en-
la telle d'vnefemme parce de fort accouftremeny furent premierement fat- femblc les bras & Iapoiàrine, les clteuettx efpars, & les picciz fans chauffu-
ries en opprobre du peuple rebelle de Carya cite de la Moree, qui fallya rc,tenant chacune vn trophée tourné deuers le coing du triangle pour em-
areclesPerfans contre les autresGreczdefaproprenation,afinquecelafer- plir Ievnide.Lcforts efloit de pierre detouchc,& les figures de marbre blâc .
uiRdeperpetuelememojre,pourimprouuerl'inconflanceplusque fernjnj- Au deffus cie l'architrave efloit la frize,au milieu delaquelle on auoit affiché
ne,de repeuple de Carye . Les baies de ces quatre colonnes éliment de cuy- v u tableau d'or, avec vn epigrammcou inlcription en lettres greques ma-
ure,enridries d'otnrageafircilles de chefne, & garnyes de glan.Les chapi- iufcules,ripportees de fin argent de copcllc,qur difcient ainfi :
teauxde la mefme ntatiere, conuertz de cailloers ou tuilleaux efclrencrez,
&au mylieu de chacune efchencrure vne belle fleur de liz :levafedu chi- e~aoerrmw7v rmx,a, Yrni, eroxxxos s.,n exxxrea arc rnx,etnx

piteau reueflu de deux ordres de fil eilles d'Acantlie,chanm ordre contenant nwixo YxnrtnoYYin7xa .

huiftfueilles,alamode Romaine,& Coiinthienne:defquellestreilles Cor- Dus V cricri & filio Amori Bacchus & Cetes de fuis (.f fub-
toientlespetites volutes,quieafïentbloiétaitmylieuduvafe,& cotnpofoiét flantiis)matri pientiffuns.
le lizpoféparmylesefchencmres ou arcs dutaillocr .Ledemourantferen- C'eft a dire : A la ttefprteufe me, e Venus, & a fort filz Amour, Bacchus &
uerfoit en manicle de rouleaux es quatre coingz de cef} outrage . Marc Cet es ont cecy donné de leur propre.
Agrippe les frit mettre orles au portail du grand temple Panthéon a Rome. Auxdeuxcollez de latable efloiécdeux petitzenfin , Nolins,tousnudz,
A chacun chapiteau efloit attribuépour fa haultcur en charrette entier du & faifiz du propre metal, les mains pofees fur ers extremitez, comme filz
pied de la colonne,obferuât la proportion & inclure de toutes fes parties & l'enflent Coufienue,le tout rapporté fur vne pierre de la coleur du ciel quâd il
acceffoires . Le feuil de la porte efloit faift d'vne grâce pierreverde,Cemee de efl Ceraut,qui redoit 1e Infire de vray &naturel azur . Es Faces de la frize qui
mchesblanches,noires,iatlnes,& autres dmerles & imperfaicdes,fttu' lequel failloient fur les colonnes,efloient entaillées aucunes ds fpouules antiques,
efloient pofees & affes les coflieres ou jambages, qui aument autant de lar- côme Irau b er geons,cty" rafles,cottes,efcuflàns,caballetz,lraches,flanrbcaux
geurquelefeuil,&vitpasdauantage,auquelnypareillement aux ccitrefors ard:tns,faifleaux de verges aller les cognee .s, arcs, trouflcs de fleclics, & au-
n'y auoit aucune apparence qu ily eufl lamais eu gons ou verroux .Au deffus tres femblables machines feruantes &commodes a la guerre, tant de terre,
de lavoulture de la pone,elloirl'architraneauecfes moulures & ornemens, que de nrcr,qui ftgnifioient(fans point de doubtc)les triumplres,les viftoi-
comme billettes ou patenoflres,oreilles de loris,&autres .La clefou coing de res,&lapuifiance,quifla euriadizchâgeraJupiterfapropreforme,&font
l'arc ouvoulte,efloitd'vue agathe de pierre crefuoire, taillée en forme d'ai- ordinairemét mourir les (tommes en doulceur & plaifir.Apres efloitpofee
gle, quafi toute hors du mafljf, aiant les aelles eflendues, & tenant vit la grand comice avec fes moulures & lineantens requiz,lefquelz Ce rappor-
enfant entre fesferres,droiftementpar aupresdu nombril,fi difcrerement toicnt a tout le demeurant de l'edifce:car tout ainh que fi an corps humain
né,gri il fembloit que l'oyfeau craignift a le bleffer . V eus euffiez dift a vue qualité efi difcordante a faurrc,il Inocede soc maladie,pource que facct-
venirlonpctitvifaige,gtfilauoit
face" petit de mmber,a raifort dequoy il alleu dent & le compofé font concraires :parcillenteut files membres du corps ne
ellendu fes bras,& fefloit empôgnéaux aelles de l'aigle, aux gros os qui soi- fontaflizenlieu propre&côuenable,il fcnenfuytdeformité cela perfora-
gnent a l'efpaule, & retiroit fes jambettes contremont,par dciFtrs la queuc,la ne : en femblable 1édifice efl difcordant & malaee,fi l'ordre & la dette com-
quellcfemblojtpaffer mfquesau defeubz cela voulture.I1 effort certes fi pofition ne Ce n'eutenc gardez en luy :&celle li efl corrompue & deprauee
perfeftement c6txefaid de la veine blâche de l'agath e,ou onyce,& (agir de par les idiotz modernes,ignorâs la vraie frniatiô des lieux & parties du ha-
lafardoine,clui e ftl'autre veine proche en la menue picxre,que je denrouray fijmenrcar le maifirc fage & expert le compare au corps humain bien plu-
touteflonné,penCant cri guele maniere fouurjer logent auoit imaginé portionné,& propremétveflu . Aptes la frite y attoitvne moulure,& au def-
d'appliquer celle pierre a fi belle inuention .Aveoir1csplumes que l'oyfeau fus quatre gttarrez,c'et afauoir deux aux deux faillies de la frize furles colô-
auon heriflèes a l'entour du colle bec ouuery& la langue haletangvous euC- ne,,& deux a plomb au mylieu de la pot te:entrc lefquelles dans en nid efloit
fiezpeu cognouire quilefloit Iprisdc l'amour de ceflenfànaLe telle du pelée vue Nymphe de coyote, tenant deux flambeaux, l'vn eflainft, tourné
dedùubz C iiij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE . ,7
deuers la terre,& l'autre allumé droit deuers le foleil :l'ardât en la main dex- mages parles deux anfes :&aubasehoitcemot MELISSA,naouclaeauaiel .
tre,&& l'autre en la Cenefkrc. Au quatre du collé droift, fur la faillie,efloit cri- puis deux autres Nymphes cou ecestrois,quifenabloiétfaulter& danferau
taillé dedemyboffe,l'hifloiredeClyntenélatalonné, les cheucuxde laquelle tondequelques mlhumens quelles portaient. Leurs vellemens effoientfi
commencoient a prendre forme de rameaux,& toute fondant en larmes fui- bien faittz,quilz reprcfentoient tous les mouuemens delaperfonne, &tout
noir Phébus,qui fuyoit devant elle comme Celle euft cité fa mortele crime- le donourét l,iedenaét aclaeué &accôpli .Ce n'efloitpas ouvrage de Poly" cle-
rayé . Au collé gauche efloit Cypariffus,tort defconfotté, & mourant de vc,ny de Phidias ou Lylippe,& moins de ceulx dela roincArtentifia,c'elt a fa
deuil,acaufe de fa belle biche, qui clair lardée d'vue floche. Aupres de voir Scaphe,Briaxe,Tinaotltée, Leocltare & Thcô,cculptcurs trefrenômez:
luy : Apollo,plorant amerement . Au troyfiemeie vey Leucothéa, car certes il efloit pardeffus tout humain entédemét. Au frotiCpice fur le plât
cruellement
gnon cécité par fonpropre pare :& ton corps qui fe couurou d'e(corce, ou platfons du tympâ,audelforrbz des moulures, euvne table plaine effoiét
& deuenoit vn bel arbre. Au quatrieme & dernier quarré,elloit figure[ la pi- grenées ces deux parollesen lettres grays maiuCcules . ., o z . . . . . . C'eft
terde Daplmé,desia laffe,&quafi fe rendant aux ardés defirs d'Apollo,n cuit a dire, A lupiternorry parvnedaeure . Talc choit la llrvélure & com-
efiéquelesgracieuxxmembres fecormertilfoientenperpentcleverdure . En pofitiondecelle porte,magnifiquc &excellente. Et fi ie riay fuffifamment
la cornice(qui ell la derniere partie & pitre des naoulures)eftoit faiele serrai- déclaré toutes tes particularitez,rl en fault accufer la crainte de prolixité, &
ne dentellcure,& ouales,enuemeflez de fouldres ou fagettes barbelces : & la faulte des propres termes . Neantnaoins poutre que le temps deftruâeur
audelrusvuemoulure afneillage. Finablementilysaine lescymes(refont de tontes claofcs,l'auoit encores laiffée entiere,ic n ay peu faire moins,y d'en
les lignes pendantes qui fonde frontifpice,& le ferment en triangle)Icfquel- dire ce peu de claofc,par mainate de fornmaire ou aduertiflèmét Le démon-
les fadoiér la clollure de l'wuure.Mais toutes ces fculptures eftoiét fi propre- tant dela déflore d'un collé & d'autre,monfiroit en apparence que ce auc u
ment taillees,gne Ion n'y rail fceu cognoiflre ou apperceuoir vu feul coup de elle vu excellent édifice : qui fe pouoit facilement comprendre par aucuns
marteau,cizeau,ny autre ferremenrtant elles efloient vnies,& bien menées. ouvrages demeurez entiers en phtfreurs licux,ntefincs des parties baflès,cô-
Maintenétpour retourner au frontifpice auquel fe tachaient & rapporté[ me les colônes nayues figurées en forme d'hômes courbez, fonltenés la plus
toutes les moulures qui font en la cornice, excepté la nalfellequi ne fa pra- groflè claarge :la naeftae def luelles ne Ce pouoit cognoiftt'e:car elles choient
étique en ce membre,auplant dutriangle appellétympan,eftoit tailléen rôd faiâcs ainfi 9 rcyroiét laproportiô fuflifantepour la pefanteur, l'ornenrét, &
ou chapeau de verdure de ciuerfes fleurs, fruiaz, herbes, & rameaux, tour la raifon côpeife & tirée de la femblande laumaine:pource que tout ainC que
d'vuefinepierreverde:&fembloitehreattache en uatreendroi&z,delyaf l'Une foultenât vu priant fardcau,tient fespiedz ployez foubz fes iébcs, en
fesentelaftees.Auxdeux caliez eftoientdeux Scyles,aians forme de fem- ceflemaniere les colonnes nayues appliquées foubz les plus grandz faix,
mes nues depuis la ceinéture en amont, le demourant en figure de poiffon: ciloientracourcies .Mais les Corinthiennes,& Ioniques,qui font grailes,
Iclquelles auoiét l'vu des bras deffirs cerôd,& l'autre deffoubz .Leurs queues eftoient là mites pour paiement & beaulte: parquoy la côpofition de ce ba-
feftendoiéz deuers les coings du triâgle,entortillees en maniera d'anneaux, Riment efoit acomplie de toutes les perfections requifes,tant en diuerfrte de
avec les aellerons rince depoiffon. Elles fembloientdu vifage apucelles : & marbres differens de colcurs,côme blancs,noirs,porplayres,ferpentins,alba-
auoiét les cheueuxpartre trouffez fur le fron t,le celle enuelopé a l'entourde llres,diuerfifiez de veines meflees & câfnfes, que de plufieurs otnemés Joua-
la telle,ainfi que les femmes ont acouflunté Ics agécer.Errtre les ripailles leur bles . l'y vcy(ccrtes)vne forme de baies pnluinees,lefgnelles fur le plinthe ou
fortoientdeux aellesd'Harpyes,efléduesdenerslesentortillemen s de leurs Iaaulfe,auoientdeuxcontreboCelz & trocltiles,onnaffelles,feparezpar l'in-
queucs.Au bas de leurs flancz commencoient les efcailles,lefquelles alloient tcrpofrtion de deux filetz pour diflinédon des moulures .La pluCpart des rui-
en diminuant iufques au bout de la queue,appuyans cotre le rbd leurspiedz, nes efloir couverte de Lyerre & Perttenche, qui f'efpendoient pardeffus,
(lui reffembloientaceuxd'vnv eau marin.Dedanscerond efloit taillée vue &occupoientplufiearsendroidz del'edifice . Semblablement maintz ar-
cliente allai&antvn enfant,qui auoit l'vne des iambes eflenduc,& feutre va bnflèaux croiflans entre les ferras des pierres,câme Ioubarbe,Erogene,Pa-
petitretiree.il fefloit empoigné des deux mains au poil de la cheure,& auoit rictaire,Chelidoine,Alline ou oreille de foriz,Polypode,Adiantlte,ouper-
les yeulx ententifz a regarder les mammelles,& la bouche ales fuccer.Tout nry de Venus,& Ceterac enrouille d'vn cofte,auec la gréd Lunaire,& autres
aupres efloit vue Nymphe qui Iny failoit dicte, & fembloit vn peu inclinée toufiours viucs,ainuis & hitâs les vieilles nturailles :ertfcmbl c le Polytric,l'o-
foubzleuantdelamaingauchelepieddelacharte,&deladroiEieappro- liuaftre verdoianq& les Cappres habitantes es roches & ruines, defguclles
choitles mammelles a la bouche de l'enfant,quiles baifoit bien fauotrreu- quafi tous les marbres & courages choient couuertz & reueffuz .Il y quoi : fi
fempnt.Et au deifoubz choit efcript,A MALT H E A,La cheure qui nou- grandnombre de colonnes renuerfecs l'vne dur l'autre, gtielles Cembloient
riftlupiter. Deniers latelle decelle charte, yaurai: vneautreNynaphe,qui Brans monceaux d'at'bres trebuch ez dedans vue foreh efpofife . Et pareille-
letiraffoitd'vuemain parle col,&del'autre latenoitparles corncs.Au nry- i ncntgrandgnantit,' dcftatucs & figures en contes formes, nues & vchues,
lieu encores yen auoitvne autre,qui tenait de les deux mains vu moule a for es sucs plantées fur le pied dextae,les autres fur le fencftrc, aians les tettes
mages
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . 18

a plomb du centre du tallon,l'vn pied ferme,& l'autre foubzleuc,Ii longueur


duquel elloit dela fixicme partie de la Iraulteur de tout le corps,propottion- Comme Poliphile entra vn peu
né dequatre coudees . Plufieurs elloiét debout entieres Cur leur plattefornae, AVANT DEDANS LA PORTE CY DESSVS
aunes alfi tes fur chaifes & fieges d'Itôneur, en diuerfes naameres,auec mou-
merables troplaees,defpoilles, & ornemés infiniz,de telles de clteuaux & de ef rirgregardant Ics beaux ornement d'icelle.puis voulantfen
beufz, es cornes defquelz pédoiét faiffeaux de verdure suce feftôs de fmiclz retourner, tarit un rand Dragon qui le uouloitdeuorer,
& de ftteillagcs, dclicz & grailes par les cxtremitez, mais groffifans cou- pourcrainteduquelilf mitafuyrdedansles uoirt
tre le mylicu, aucc petitz enflas montez defus, & fa iouans a l'enuiron :le neufer (y fouterrainer :fque fnablement
toutlii tresingenieufementperfed,queIonpotion droiftententloger & co- il trouua me autreySuc,e pauint en
gnoiftre que I'eCprit & finduftrie de l'Architecte auoient el é fort cxcellens : unGeufortpla~nt &dele-
car aucc le pladir & côtentement des regardans,il ilion fi proprentét expri- Ffable.
mé le concept &intention de ion imaginatiuc, tant en la proportion et me-
tires de l'edifice,qu en la perfeftiô de l'art de fculpttuie,que fila matiere colt
Oult grande & louable choie tiroir poumr fa-
eflé,non pas matbrc,mais cire molle,ou argille,on ne l'euft Iceu nticulx con- cilementdeclarerl'ouuragenonpareil,& com-
duire ny mettre en acune. C'efl levray art,q ui defcouure & argue noltrc pofitionfingulicrede ce balliment tant exquis,
ignorance pre(umptueufe,ou noftre deteltableprefumption,laquelle cft vn' cure la grandeur de l'edifice, & fexeellence de la
erreurpublique & dônaagcable . C'cf la claire lumiere qui nous ravit doul- porte pleinede toute admiration : car le plaifir
cenrent a fa contemplation,pourenluminer noz tenebres: car aucun ne de- que i'auoicalaregarder,exccdoit mon eftonne-
meure aueuole les yeulx ouuertz,finô ceulx qui la foyer & refufenr.Ceftcel- mcnt: & fans point de faulte icpenfoiebien en
le qui accufeÏa maudieîe avarice, defruifant toute verni, voire qui va cou- nie n courage,qu aucune fa&ure rieft eflrâge ny
geantfansceffcle coeur de celluy qu'ellepofede &devient captif,pource difficile aux Dieux : & quafi foufpecbnoic que tel
qu'elle eft toute contraire aux bons efpritz, & ennemye mortele, d'Arclaite- croule inedprehenfvble ne poucit etire cbpofépar mains d'laomntes,ny relz
C urenoble&digne,mefvnesqueparleprefentfiecleclaacunlauétpourlbn conceptzbren exprimez, no,fr magnifique nouacauté inuentee par aucun
idole,luy faifant honneurs & facnfices : qui eft choie indigne, marinade, & entédemét mortel,& quant & quant ft pcrfeftement di$inie: Car telle fay
gr andementpernicieufe.0dangerente & monde Poyfon,turendz lune- doubte,fi fhiftoriographc naturel feui}peu venir., qu'il r euft faiét gueres
table celluy qui elt attainft de toy .Combien d'cel ules magnifiques font par de compte d'Egypte,ny de tes onoriers,lefquelz Copulez l'vn de l'autre,& af-
toy"ries & Cupprimees? En cette manicle ïeffoie rauy & fiurpris d'vu plai- lignez endivers Ireux,aiâr chaccun d'eulx prins cnmembre a taillerfelon la
tsrfouuerain,contemplant les reliques de l'antiquité fainfte,vcnerable, & mefure qui leur eftoit baillee,venans pois aptes a rapporter chacun fa porc
tant a effiler fi bien que le are trouuoie incertain, inconftant,& infatiab 1c, aclreuce,lon trouva qu'elles C'accordoient toutes a la compofition d'vn grâd
segardantca&la,accompaignéd'vueaffection & admiration continuelle, colullè,aufiproprement,que fi elles ourlent efté taillees par vu foin corniot.
pen Cantenmoytnefme,quelepouoite$relafignificationdeces hifloires, & euft atdii peu tai& d'cflime cela grand induflrie de Satyre l'Architefte,
ie tronnoie biéobfcures , confiderant le tout ententiuement & ne po- po - enfentbledcl'ouuragedug la nd Mention, qui forma trois figures de Iupi-
que afo,rond e les regarder,mon de fir, qui f choit dillraift & Cequeftreda
uoie ter d'vue feulepierremafliuca'vne deCqucllesgnielloicaltde,annula plan-
tout autre humain peniement,forsdemadame Polia:laquelle sanction fou . te dupied longue defeptcendres . Pareillement néuftfaiftgueresde casde
uentesfois en ma ntentoireanais cela pafibit en vu moment,& par ainfi larnerueilleufefigurc dela RoyneSemitunis,compofeeauntontBagittan,
le retournoie tout fondait a mon entrcpriCe, pcrfeucrant en la contenant dixfept Rades : car les pyramides d'Egypte, les ficaires, amplti-
contemplation de tell edifice tant perfeQ, & thcarres,thcunes,temples,aqueduftcs,& colofes,tât renômez, ny la grâde
bien ordonné.
hgured'Apollo,trâfportecaRomeparLuculle,nylelnpiterdediéaClau-
Comme de Cefar, mefine ccIluy de Lyfippe a Tarente, ny le chefd'mnae de Cales
Lydten a Rhodcs,ny celluy de Xenodoms faiâtât en Gaule,q dans Rome :
ny pareillementle Colofe de Serapis,aiant neufcoudees de long, tout faift
de pierre d'Efmeraude :ny le Labyrinthe d'Eop ypre,& l'image du preux
Hercules a Sugrieftoient prefquc rien au pris de celle bellebefongne : par-
quoy facilement euflpaire celafoubz f lence, & emploie ion hile &grande
eloquéce, a deCcrire & filait louer ce feul ouurage,excedantfans comparai-
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . rg

fort tons les autres qui orques furét faiftz.lc ne me pouoyc(en venté) faouler rets lembfans a Saphirs,femees fia propos parmy l'ouvrage, que vous cuirez
de venir cliofes tant memcilleules :& difoye en moymcinie,Si les fragniens die qu'elles y ellotent nees.En l'vu des quartez effort figurée la belle Europe
aflànt lamer fia le Totem layé,& le Roy Agenor fou pelé, commandant a
de la faince antâquâté, fi les mines & brifures, voire gtmll la poindre d'iccl-
entier
le,me donneur G grand conmntemét & admiration :que ferait ce filz eftoiét L s filz,Cadmus,Phmnix,&Cilix,qu'ilzenfle n t achercher leur feur :&chine
sdPuis repenCoie fans tarder,Parauânrre que la dedâs en ces lieux pro- en la cherchant ilz tuerent valeureufement le Dragon a efcailles, qu'ilz trou-
fatidz & côcanes,efl l'autel des facrifices & Cainâes flammes de la deelfe V e- licteur pres la fontaine : puis parle confeil d'Apollo,bahirent vue cité ou le
beuf fan cils, & donnerent a la contrée ce nom Bsotia, du buglenient des
nus,ou fa fatue & Aphrodife,cnfemble de Cupide Con filz . Ainfr eiât en cc
beufz.Apres comme Cadtnus édifia Arbenes, Phoenix Pho=nice, & Cilix
péfcr, le mey le pied droict fur le feuil de la porte, & Coudait vue Soury blâ-
Cilicie. En l'autre quatre, efloit taillée Pafiphac la defordonnee,clofe en la va-
clie veine trauerfet mon chemin .ce non obitant te paflày oultre, fans y peu-
che contrefai&e,& le tartan monté deffus : puis le grand membre Minotau-
fer plus suit,& trouuay que le dedâs ri eftoitpas moins riche que le dehors:
re,enfermé au Labyrinthe,& l'ingenicux Dedalus, qui C'en fuyoit de la pri-
car les murailles coflieres efloient de marbre blanc, & audrotft du mylieu
fou, & voilait en l'air, par le moien des aelles qu'il auoit compofees a luy &
d'icelles,de chacune des pars,eftoit rapporté via giâd rond de Iayet, enuârô-
fort fiez Icarus :lequel pourne vouloir croire leconfeil défini pcre,trebuclia,
ne d'vn chapeau de triomphe, fait de Iafpe verd. lequel rond citant fi noir
& futnoié cala mer, a laquelle en mourant laifl-a fournirai . Auffi comme le
& tât poly, que Ion Py patient voir comme envia miroer cryftalhm le feuffe
pere venu a fauuetc,pendoit les aelles au temple d'Apoflo,& accomplifroit
pafféoultiefansyprendre garde,maisq uandieflentre lesdeux,ïapperceu
deuorement fan veu .
ma figure d'vn cuité & d'autre: dont le devins aucunement efpoucté,penfant
Ces hiflou es efloient fi entieres,qun fettl quarreau ne Cen cillait defmen-
que ce feu(lcnt deux homntes .AudelTiubz de ces rôdz, au lbg des coflieres,
ty . fi ferme efloit le cyment dont ilz furent aftèmblez .
efloientfaidzdesftegesdeinarbre,delahaulteurdedeux piedz,furvn ps-
falloic pas a pas contemplant l'excellence de l'amure, & le grand Cauc ir
ué de nacre de perlcs,neft &fans aucune feuillure,& pareillement la vonlte, de Pommer , qui auoit fi perfeâement obferuè toutes les reigles de pour-
en laquelle on n énû fcen venir vue Cenle taille d'araignee,pource que touC- naidure,paindnre,leul turc, &perfpeftiue :carilmoue tiré leslignes des
iours y courait via vent fraiz.La vonlte efloit ioinQe aux coftieres, par vue inaflbnneries au poinft ye leur obiec, telement qu'en aucuns lieux elles fe
ceméture qui conimencoit aux chapiteaux des arrierecorps de la porte,cô- perdoieut de veut: parquoy redwfoitpen a peu les choies imperfeftes a leur
tinuec iufques au fondis de ]entité, contenét cri ISgueur(amfi que le pouoye vraie perfection : & au contraire approchait les elongees , & elongnoit les
iugerpar raifort de perfpediuc)douze pas,ou environ. En cefle cemduie plusprochames,auec vnefituation plaifantedepayfages,compofez deplai-
efloient entaillez de demybofFe,plufieurs petitzmontres marins, nageans nes,montaignes,vallecs,maifon.s champeftres, bocages, ruyffèletz,& fon-
dedans vue eau,c5trefaicz en forme d'hommes depuis lenombril en arme: taines, entichais de beftiaux suce mannequins, obfcurcifrant les couleurs
le demouritfiniffoitenqueues depoiffonsentortilleesfurlefquelles eloiét fclon les diflances,& Ieâour conuenablc .
afriCes aucunes femmes nues,de la mefme nature &figure,embralfans les mô Pauoir dauantaigefaift la drapperiedes veflemens fi approchante du
prés,&enfemblableembrafreesfeulx .Lesvnsfoufloiéten buttâtes fardes
naturel, que quafe on Peuff peu empongner : car en tout &par tout il auoit
de coques de limaces, les autres tenaient des infttumens efla anges & fanta- fi bien enCuiuy la nature,que fr on n'y cuit bien pris garde,ou feufl iugé vray,
fliquesa nierueilles . Plufieursen yauoit cotonnez de lafleur & herbe de & non fait& . Qui me rendant fi rauy de merveille, & nanfporté d'esba
Nymphee,difte parles Francois blâc ou iauner d'eau, & parles Arabes N e- hiffement,quapeinepenfoy le eflae la prefent, mais du tout en tout hors
nufar,affiz en cliariotz faiaz degrades coquilles de mentirez par des Daul- de mey.
pliins.Aucuns efloient chargez de corbeilles pleines defruift,les autres por- Aânfrcheminant pas aptes autre,, icpeminsiufques au bout de l'entrée
toientdescornes d'abondance. Vous en cuirez veuqui fentrebatoient de ou lapcindurefinilroin&pl us auanttl raifort fi ciblent, queâe ne m'y ozoie
poignées de loue & de Rofeaux, autres ceinâz de chardons, & montez fur mettre :parquoy deliberay m'en retourner .
chenaux marins,faiCans boucliers de coques de tormes,tous differés en aces A grancipeine eu ie tourné le vifaige, que ni fenty atrauers ces ruines,
& en ro rmes,mefmes faifant des effortz fi vin emét exprimez,qu on les veoit comme via remuer d'offemens, ou via heurter de greffes branclies,dontie far
prefquemouuoir.Lavoulteeftoitdiuifecendeux quarrez,Ceparez pinvite bien fort effrité .
fine qui aurai deux piedz en largeur, & leur Cernent de plattebande allant Toit aptes ïentendy plus clairementainfr que le traiter de quelque gran-
tout a l'entour palpant le long de la ceinLture,& Canant l'arceaude la vonlte, debeffemorte, ainfi quvnbeuf ou via chenal : & toufiours cebruyt appro-
entieremcnt conftruide demufaique,apetitzquatreauxdeverre couloré,fi clroit de la porte.
propremét, qu'il fembloitqu'elle eutelle faideenlaintime heure. C'etoât Puis ne tarda gueres que ïouy le fiffler d'vn ferpcnt& adoncperdy tueur &
via fueillage de verdure suffi vioc comme ECmeraulde, Permets duquel(ou il voix* me(mes le poil nie dreffa en la telle, & me uns pour mort & deffaift.
venoita Cereploier)eftoitde couleur vermeille cômeRubiz,& les fleurs azu D
rces
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . xo
O pouce malheureux in fortnié.Cerms ic vcy foudainement accourir de la V niant doncquc la venimeufe & deteftable fumet que ce Dragon gertoir,
lumiere de la porte, non pas aine comme Androdus,vn Lyon boiteux fe feftendoit iufques bien pies de moy,ie me £ourray a l'auanture dedans ces
plaignant, mais vn inemcilleux &horrible Dragon, Ia guru le ouverte, les tenebresefpoilres,tenantma Vie Cômepoui Perdue ' Leclimant pireufemét
machoeres bruyâtes,armecs de dens pornftues & ferrets en la maniere d'u- lesDieuximmortelz,&fuiantparvoies obliques, ouieperd y entiereméc
ne fye,couuert d'vu gros cuira dures efcail les,coulantfur le pané, batant fort la clairté, de forte que ic ne faute luger fi Afioie dedans le Labyrinthe de
dos auec Ces aclles,& trainâtvne groupe queue longue,qu ilfenalloit entor- Dedalus l'in genieux :tant y rancit de chemins tonuz,fentiers, ruelles, carre-
tillant. Lasmiferable&deColé,c'cftoitalrezpour efpouéterlegrand Dieu fours,poi tes,& trauerfes,pour faillir &oublier l'yffue,puis toufiours revenir
Mars,fiire trembler le vaillant Hercules,eftraier le G tant Ty a l'erreur premiere,& fefgai et en plus parfonde obfcurité.
pli œus,dequi les Dieux eurent horreur :& pour cfton- ledoubtoie(ccrtes)cffre arrivé en la roche creufe de Polypheme le cruel
ner le plus ber cueur,voire le plus oblti- Cyclope :ou en la caucrne du malicieux larron Cacus :parquoy iedlay incon-
né, robnlle & affenré coura- nnentnaes bras tudeuant de mes yeux, pour doubte des pillicrsquifouf-
ge de fer, qui oncques
tcnoicnt la pyramide : & alloie a tallons , me retournant fouuentes fois
fut v eu en ce pour regarder en derriere,& fmoir fi le verroie encours le lienpar ou i eftoie
monde:
entré, incultes fi le Dragon deuorareur venoit point aptes moy . Mais le
non pas feulement vitieunehomme foible & debiledecomplexion, trouuay que la lumiere méftoitdu tout faillie . Frpouraccroifire ma grâd'
desia cfpoucnte' de fe tronuee en lieux es & eftranges
peur,cescauesobfcures efloiét pleines de Chauuefouryz,quivolletoiét au-
fans aide & fecours de
tour de nies oreilles : dont ie qui efloie ia efhraié,penfoie de tout ce que
pcrfonne.
fentendoie,Centoie,ou touchorc,que ce fufl le Dragon cruel. Et combien
que rues yeux Ce trouuaflèntaucunement accouffumez aces tenebres,tou-
tesfois le ne pouoie rien venir : parquoy falloir que mes bras feiffent l'office
de mes yeux,auf i bien que le Lymacon, qui va taftant le cheminante Ces
cornes , & fil tienne empefchement,les retire fondant a foy.En tele ma-
mure ralliait, taftonnant atrauers ces deflours aveuglez, & par ces fentes
defuoiees, en plus grand travail & perplexité, que Mercurequand il le fric
Cigogne : voire que le dieu Apollo quand il fut contraind de garder les
brcbiz en Thrace : ou que la belle Dianclors quelle fut mince en vit petit
oyfeau :méfmes en plus exnrcme angoilfe que Pfyché, aptes avoir perdu
Cupido fort efponxt & en plus labourieux perdz que Lucius Apuleius
quand il flic transformé en Afne, & qu'il entendoitle confeil & délibéra-
tion des larrons fur leprochain faiél defamort . Ma peur efioit plus que
doubleepar le vollement farouche &battre l'air de ces Chauuefotuyz . Car
quand ic les entendoie fcfller fi pues de moy, le penfoie desa eflre encre les
dens du Dragon.
Et côbien que celle ft'aieurfeufl exceffiue, & prefgne extreme,fi ciblait elle
Phis velremente quandilmereuenoitenlamemoirequefauoieapperceule
Loup,qui me fat onprefumer 9 celloittrefmauuais prefage, voirevt indice
manifeffe de ma fin triffe & douloureufe .Parquoy couroie ca & la,les oreilles
Correctes, &les yeux cloz,iedui& atcle neceffité,que la mort m'effoit af
Cez plus chere & plus deirce que la vie . Ce non obflant paume vu merueif-
Voiant leux regret de mourir fans avoir obtenu feffca tant defiré de mes amours.
Hells, au moins que reulfe feulcmét veu madame Polia : nulle mort(verita-
blemét)ne me ferlait perte ny enimyeufe. Pcrdray ie donc par vu feul incon-
ueniét deux Choies fi fort precieufes,côme font la vie & mamye?Puis redifoie
entre mes dens :Si le meurs ainfi en effrâge mifere,qui fera le digne fucceffeur
d'vnioyaufidigne, &tantexquis? uimentira d'hériter afigrand bien? ui
D ii
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE. zr
polCcderacetitre Cordttri,lie? Qui cl cicl(crain & platfié acquerra & recou- de fortes rames pour mieux baller ma fi] yte : au moyen de laquelle fey
ut-ern cc11e lumicrc fi trefdaixes O tnalhcureux Polnpltilc, ou péfes m fuyr? À'u tant que le peruins en vite région belle & plat faute: en laquelle ne ni orry en-
tc vas pcrdrc .11 tfy a plus d'cfpoir cri toy . lantais(las)tu ne la verras . V oicy la cotes airelle r,pource que iauoie fi fort imprimé en mon entédement la in é-
fin de tes p laifirs,enfcmblcdc tes penfees antoureu(es . Hélas, quele malaué- inoire de ce Drag6, qu'il in c fera bIoit le féline ronfleurs a ma queue . Mais la
mre,ou quele Efloilleainfi maligne r'aprecipité en lâgueur tant mortele : & § ramie beaulté dit Ireu,me ilimuloit de marcher plus auant,foubz efpetanee
doit nie pour fouir de Paliure a vue belle fi vilaine côme ce Dragon, au ven- de trouver gés, & habitatiô,ouic nie peuRe repofer en feurcté,& fans douh-
trcduquel te failli cure enCeuely? Helas, au moins que te foye englouty tout ter incline chofe .Et ace me confortoit la vison de IiSoury blâclte,que ie te-
entier,& voyfè en cela efatpourrir dans Ces entrailles venimeufes .0 fin mi- noiepottrbonaugure. Et neantmoins auoie double d'arriucr cn place ou
ferable.0 lamentable deccs . Ou font les yeux tant dcfecltez & privez d'hn- ma venue fut mal prife,& eftimee trop grande audace, ou prefitmption te-
mcur namrele, quine deu(1 ent diftiller & fondre cri larmes?Mais le voicy, le naeraire,ftgtiilmetstsaduintquelque mil, auffi bien qu'il auoit la faift pour
le fens allies efpaules .Qui v lit oncplus grande cruaulte de fortune? V oicy la auoir entré en la belle porte.Uvne part tellure en grand crainte,& de l'autre
defpiteufemort,& l'heure deinieredu maudiftpeina que celle pente chair tutoie regret d'auoir perdu laselle de tant de nobles & Gmtpmeux édifices,
lutntaineferaviandeavnferpent. uelecalamicéefl plus ehrange & rigo- lelquelz le n'aueie affez côtemplez a mon gré . Aocunesfois auffi me venoit
reufe,quc vraie aptes fa mort,& démonter fans fepulture? 0 combien plus enfantafiequec'elloitfrange onillufion.Puis icdifoye:Ceneftpoint longe :
gricuc cft l'infortune d'abandonner fa dame tant loyale! Adieu, adieu donc le ne dots pasle fay vert & totshé: Ma tnemoire en e11 toute £miche;
Poliam'amiecordiale&ftnguliere . Ainfiaparmoylamentoie,filas&tra- C'efl choie vraie, & bien certaineae fais recordz & fouucnant
uaillë du tout,que le n'auoie plus que l'e(perit,qui fen alloit entant par ces te- du tout, & le reciteroie paruiculierement partie aptes au-
nebres:aucclequeluteprins pour dermer tefuge a invoquer les Dieux du tre,fil en effoitaucnn beleing :Cellebe11en'e11oit
ciel tour puiffans,& mon bon Ange, en côfcience pure & affedueufe,ellimât ne £aulfe ne fimulee,mais pleine de vie nam-
qriilz auroiét pitié de ce mien ftniffre accident. Lors comme ieffoie en celle tele .Et difant cela,le poil me heriffoit
perplexité, i'apperceu de loing vue petite Inmiere : parquoy ne fault pas de- en la tefle,pour avoir ramétu le
mander fi l'y couru a grande ioieartais pour certain elle fut courte: car quand Dragon,& me reprenoic
iefuarriuepres,ieveyq n ec'effoitvuelampe toufioursardante,quiperdai t a fuyr comme de-
devant vnautel : lequel (ainfi que icpeu comprendre) anoncinq piedz de uanc& 1011
haulteuq&deux fois autant de large ; & deffus elioient pofees trois ilatues âpres me
d'or .Adôc ie me trouuay fiufere' de mô intétion,& furpris &vne horreur de- r'affeuroie,difantEn ce lieu fi beau & tant deledable,ne Ccauroit
m,,, Celte lumiere n'elloit gueres claire,ains toute trouble,a caufe du gros habiter fi non gens de bon affaire ;& parauanturc que ce Il
air. toutesfois ren vey aucunement la difpofrtion de ces lieux fcuterrains, a la demeure d'aucuns cfpritz divins & demydieux,
fcauoir les grandes maltraites, les voies tenebrcufes & parfondes, auto les ou bien ilz en font protedcms :oucepeult
voulces fouftenues de groz pilliers de quatre, fax, & huift quartes, lefquelz eftre la reliai de des Nymphes &
on ne pouoit clairement difcerner,obüant la débilité de la lumiere .ce neant- Dceffes châpeIlres .Parquoy
moins riz fembloiét blé eferefaidz de proportiô cônenable pour Coultenir la ntcrefolu de fuiuremon
citera
p e fanteurexceffiuedelapyramide grande&merueilleufequi efloit audef- quiin,quelquechoïl,
fus . A cite rallié âpres avoir fard vue oraifonbrieue deuantceft autel, ie - cuit
me remey a chercher l'yfruc :& rieupas beaucoup cheminé, qu'il m'apparut adulait .
vue autre petite fplendeur luifante atrauers va pertuys effroid quaft comme D iij
le cold'vn entonnoér . O quele fefle ie luy fey, & de quel tueur le la fuiuy!
le ne l'en pas (certes)apperceue,que le renoncay a tous les deirs de mourir,
aufquelz m'elloie peu auparauât accordé: & recômencay mes p9ees amou-
reuCes,me perfuadant par vne efperance feinde & Ratteufe,que ie pourroie
encores par temps facilement acquérir ce que nagueres tenoie pourperdu .
Quand donques ie fnperuenu a cete lumiere,qui de loing ratmoit femblé fi
petite,ie trouuay que c'efloit vite grande ounerture :par laquelle ie forty tout
en balle, &lite prias a courir, fans regarder d'eu ï eftoie patty . Adonc les
bras qui m'auoiét ferry de pauois pour cuiter le choc des pilliers,me feruirét
ile
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . az

Poliphile racompte la beaulte de tachez aux cornes de celle tefie.puis vile lampe faifte a la mode antique .Lef
quelz hie roglyphes 1 mterpreeay en celle Corte,excepte' les rameaux,car ic ne
(auoye fil z Anisait de Ptn,Saptn,G eneurur,Cypres,Lance,ou Sauyuter.
LA RÉGION OV IL ESTOIT ENTRE,ET COMMENT
ily tmaua une bellefwrtaine,u cinq damoyfcller, lefguellerfurentfart Patientia efl ornamenmm,cuftodia,& proteflio vira:
efmerueilleer defa uenue,Qy le conuierent dallera
l'esbatauecelles . C'eft a dire,
Patience e4 l'omement,garde &proteftion de la vie.
Inablement aptes que ie lu efchappé de ces ca-
uernesobfcures,qui reffembloientproprement
vile chambre d'enfer, (car ma vie y atout efté en
grand danger, combien que ce fuît le treffainft
Aphrodife) & queie lu arrivé en celle cbrrecgra-
cieufe, le tournay la telle pour veine d'au ec-
ffoye forty : & regarday vue montagne qui n'e-
floitpasfort roide,mais moderementdeclinan-
te en deCccte, contient, de beaux arbres verdoiâs,
crime Chefnes, Erablcs,Tileuix,Fraifnes,& autres Cemblables. Aulong de la
plaine elle citait bordeede Neffliers,Couldres,Cormiers,& Alifrers, enue- Aucoflégauche,&proprementa l'oppoft ,y en auoitvn autre fembla-
loppez de Cheurefueil,Troefne,Hobelon,& Couleuree : & au deffoubz ble,forsqu'if efloirdepierre ferpentine :auecauffi telefculpturedehierogly
eroiffoiét,Polypode,Scolopédre,les deux Ellebores,Treffle,Plïtain,Bngle, phes, V n Cercle,& vil Ancre, fur la lâgue duquel feftoirentortillévn Daul-
Seniclq&afrezd'autres herbes quiCenourriffentenl'stable . L'ouuermre phin:& le lesinterpretay pareillement en celle maniere,
par laquelle ielloie Corty, efo¢ vil pets bacille,& la mbtaigne toute couuerte
derances&buiffons:&acequeie peu coniefturer,eftoit a l'oppolite de la Semper feftina tarde.
belleporteparlaquelle fefloteentré :parquoyileff acroire que femblable-
ment en ce cafté y fouloir avoir vile enlise pareille a l'autre,& que le temps C'efl a dire,
& la vietlleffe l'allaient reduiâe en vil monceau de ruines, & côuerty en vil Touûoms halte toypar Ioyrir.
gros tertre tout defmtédecongnoïlrance :carcuit eles pierres feftoiét leuez
lufieurs arbriffeaux, telement qu'a grand peine auoy le Cceu choifir de
r .il le permiz par lequel i efixne ylfu :& pénfeque Ion n'y tuf: peu r entrcga
saule des rameaux,troncz &racines qui l'occupaient : non qui plus fort eft)
letrouuerfans difflculté.aumoins demapartie n'eflimep ointqueieycafre
peu retourner: tantle lieu eftoireCgaré & fumage . Au deCcendre ie vins pie "
autrementle long du cotauiufques ana hallier de Chaflaigniers,que le pre-
fumay effre 1'habitati6 du dieu Pan,ou de Syluanus,pour les beaux paffura-
ges & fi ciches vmbres qui là eftoient.Lors paffant oultre,ie trouuay vil pont
antique laid de marbre blâc,& qui n'allait qu'ne feule arche,mais elle efloit
affezgrâde, & conduifteparbonneproportion.Audeffus de ce pont, tout Soubzce ontfourdoitvuegrollee,veine d'eau viue,claire&bouill6nâtea
an long des accoudoers ou appuyz, tant d'vu colle que d'autre, y auoit des plaifir,quil,departoitendeux petitzruyffeaux,coulans l'vuadextre,&l'au
treafeneirtLeurs rivages effoiét bordeede toutes manieres d'herbetres
Seges de lapierre raclai le ne mbfay a&air, nonoblant que i en
qui aimés le voifinage des eaux,cbme Souchet, Nymphée, Adiâthe, Cym-
tulle bon meftier, car i'elioic fort las & trauaillé .Au mylieu du pont,au co-
balaire,Trichomanes,& autres. Puisa l'entour on pouuoit verne toutes ville
té droift, viz aviz de la clefde la voulture, efloit pofé vnquarté de Porphy-
re, entailléde moulures tout a l'entour,& au dedans certains hiéroglyphes ces d'oyfeaux de riuiere :fcauoir efl He, 6s,Butors,Canardz,Sercelles, Plon-
Egyptiens,en ¢le forme : V n Cubafret antique,crefé de la telle d'vn chien . ge6s,Cigognes,Gmes,Cygnes,Poullesd'eau,& Cormorans. Oulrrelepbt
Vue telle de beuf feiche & defnuee,auec deux rameaux a menu fueillage,at- auoitvue grande plaine touceplantee a la ligne d'arbres fruittiers,en forme
tachez deverger.les ECcureaux y fautclloiéc de branche en branche, & les oybll6s
D mi
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . rj
gazouilloiententre les fueilles,fi bic que c'eltoit gdtde mélodie . Le parterre eli ap amoncelé deflbubz fa telle,& fumoiciit la forme de fes pliz . Elle auoit
efloit Cerné de tontes manteres de fleurs &herbes odorantes convenables en lescuytics refaiétes,lesgenou] xcharnuz,&vupeuretirez contrernôt,fibié,
medicinc,entozees de ces petitz ntiffcaux,qui rédoiét le lieu fi plarfant, que qu'elle inonftroit les femelles de tes piedz, tant belles & tant délicates, qtt il
ie penfoie lors élire aux Ifles fortunées: & ne pouoie croire qu'il feuff fans vous eufl pries crime d'y mettre la main pour les chatouiller .Qaiit au refte
Imbitation.Eftantdoriques en ce penfer, ie leuay vn petitma verré,& appcr- du corps,il eftoit d'une tele grace,qu ïl eull(parauémre)peu efmouuoirvn au-
ceti pardefus la poinûe des arbres le faille d'un édifice: dont fu grandement tredelamefmematierc. Derrierefateflefourdoitvnarbre biéfeuillu,abô-
refiouy,& tiray bien en halle décrets celle part .Adone arrivé tout aupres, ie dant en frai&,& charged'oyfeletz,qui tembloientchanter &induire les gés
ti ouuay" que ce naaifonnage eftoit aftogone,c'eft a dire de huiàpés ou faces : adotmir.Deuerslespiedzdecelle nymphe,yauoitvnSatyre comme tout
& quen l'vire d'elles y auoit une belle fontaine, laquelle me vint bien a pro- élimera & enflâbé d'amour,efiât debout fur tes deux piedz de clieure,la bou-
po,pour la foifque ïattoie endurée. Le faifte ou comble du baftiinettt elloit che poinftue,ic ignant a Con nez camuz:la barbe fourchue, pendante a deux
auffialwiCtgaarrez,ainfiqueleiefleditcorps :&mefembloitdeloing cou- barbitlôs,en forme de bouc. II portoit deux oreilles longues &vellues,l'effi-
unir de plôb,parce qu'il finiffoit en poiuéte.En vue des faces du corps y avoir gieduvifaigequafthumaine, toutesfoistirant fur la clreurc.Aleveoir,vous
vnepierredemarbreblanc,bienpolyaupoffible,aiâtdeliaulteur fon quar- eu1Gezingéquelefculpteurl'saoirmoule'furvuSatyrenaturel .Ilcourtde
ré&dcmy:lalargeur duquel quarré(ainft que le peu eflimer)efloit de fix fa main gauche prinslesbrâchesdefarbre,&afon porteur f'efforcoitde les
piedz de mefure .Aux deux collez de celle pierre y allait deux colonnes ca-
neleesatudenturesouboudins,garnies de leurs hales & chapiteaux,&au-
deffus l'arclaftraue,frize,& cornice,fndagnelle efloit aflis le frontifpice,aiant
de hauheur la quarte partie du quarré :au tympan ou platfons duquel y auoit
vnehapeau de niumplic:& audedâs deux colombes beuuâs en via petit vaif-
feantout d'virepierre maffiue .Entre lesdeux colbncs dedâs lequarré choit
entailleevnubelle Nymphe dormant, tibétaine furvn drap,partie duquel
fembloit amoncelé foubz fa telle, comme f'il luy étal fetuy d'areillier.
l'autrepaitie elle l'auoit tirer pour couvrir ce que l'honnefleté veult que Ion
cache . Et gifoit fur le collé droio't,tenât fa main deffoubz fa loue, cône pour
en appuyer fa tefle .L'autre bras efloit eftendn au long de la hatiche gauche,
iufques au mylieu de la cuyfre.Des pupillôs defes mammelles(qui fembloiét
eftred'vne pucelle)yfroit de la dextre via filet d'eau franche, & de la feneftre
via d'eau chaulde:qui mmboient cocue grand'pieire de poi pliyre,faide cri
forme de deuxbaflins,elongnez de la N ymphe environ fix piedz de diflâ-
ce. Détient lafontaine fur vn riche pavé entre les deuxbaf ins,y auoitnaa pe-
tit canal,auquel ces deux carres faffembloiét,fortans des biffins l'une a l'op-
pofitedefoutre:& aiufi meflees falCoient vn petit ruiffeau de chaleur attrem-
pee,conuenableaprocreertouteverdnre . L'eau chauldefailloit fitreshault,
yu'ellene permit empcfcherceux qui mettoient leur bouche ale ntâmelle
droifte pour la Cuffer,& y boire de l'eau froide.Cefte figure eftoit tant excel-
lentement exprimee,que l'unage de la deeffe Venus iadis fai&epar Praxite-
Ics,nefut onques fiperfeftenient tailles, curetés que pour l'acliapter Nico-
medes Roy des Galiciens defpédift tons les blés de ton peuple. Si efl ce tou-
tesfois quetebonouvrier lafrittât belle,qu'il fe trouva purs aptes quelques
hommes qui endeuindrentamoureux :deforte queieliemepuis perfnader
que celte Nymphe euh elfe faiftede main d'artifte,mais pluflot que de crca-
turenaturele &vfuante,elle enft eflé rransformee en celle pierre. Elle allait
les lettes entrouuertes,comme f elle roll: voulu reprendre ton haleine: dont
onluypouoitveoir toutle dedans de (abouche quafi influes au neude la
gorge. Les belles treffesdefeschetieux efloient elpanduespar ondes fur le
drap
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . 14
courber Cur la Nymplic qui dornioit,pour luy faire plus grand vmbrage d e ment agécees,velues d'vit acoullremét de foye a la mode de fille de Cos . C'c-
l'autre main il tiroir le bout d'une courtuie attachée aux baffes branches de floient trois nmiques,fvne plus coutre que l'autre Celle de deffoubz elloit de
l'arbre .entre lequel & ce Satyre,efloient afz deux tenues Satyreaux enfans, latin crainoyfn, la (ecôde de foye verte,& la premiere de teille de reine, deliee
cri de(quelz tenoitvn vafe, &l'autre deux ferpeus tortillez autour de les comme crefpe,claire & feffrannee de bien bône grace . Ces damyfel les efloiét
mains .leneponrroic(certcs)CufpiCainment deduitelabeaulté&perfeftion ceindes de carcâs de fin or audeffoubz des maternelles . Les bracelletz efloiét
grande laquelle elloit en ceft oumage,en qui elloit adiouxtee la grace de la demeline,qui ferraient I es poignetz de la demiere tunique . Elles auoient en
pierre,plus polie que tiefl yuoire. Mats fur tout te m'efnienieilloie de la har- leurs pied z des femelles attachées pardeffus a riches rubés d'or & de foye cra-
dicflfe &grand patience de fourni egqui auoit fi nettemet vuyde l'entredeux moyfie,entr daflèz a la facon antique . La ianibe depuis la clieuille iufques au
des £veilles percecs a tour,& les piedz des petitz oyfeaux, déliez comme fi- genoul, elloit couverte d'un brodequin de Catin cramoyfi,eCcliencre en forme
letzdelin . Enlafrizededeffoubzeltoitefcriptcemot : de croiflànt,a lendroid du genoul,cordelé tout au long de la greue,d'vn lallèt
paflë en boucles d'or . Le brodequin elloit emichy de broderie par les deux
UANSIIdeOKAAT. boutz: & a chacun cofiç de la fente,parde(fus la grené, e(gayé d'une broderie
de fild'or,dequanedoigtzdelnrge,ainGsluelonpouoitcongnoiflregnand
C'eftadire, Alameredetoutes choies . le vent e(branfloitleurs cortes.

Le ruiffeau qui fortoit de celle fontaine, courait entre deux bayes de ro-
fiers afiez baffes,& enrofoit vu châp plein de cannes de fiacre. Au lôg de fort
cours croiffoict des Artichaux aymez de labelle Venus, Afperges,sityricï,
Meldot,& Cicoree fauuage.Aux deux enflez y auoit des Orégiers,& Citrô-
niers,plantezalaligy nçcliargezdeleursfruittz,Iesbranchespenditesavit
paspresde terre,telement qu ilz efloicnt rondz & larges deuers le bas,le
liaultmontantenpoindealafacond'vnepyramide,& leurans fi tres(oef,
quemes efpéitz enefloienttous recreez .Ieniefeufferepute trop heureux
& contentli ie y euffe trouvé quelque liabitation.Le defrrme preffoit d'aller
plus au ât,& ne fauoie ou m'auoier .Auec ce ï efloie las,trauaillé,doubteux,&
encraimedemmberenquelque accident contraire, pourcequetereduifoie
en mémoire les Hiéroglyphes qui efloient au cafté Cenefb-e du pont& peu-
fantque tel aduertiffement n'auta t point eflé la eferit en vain, & fans bonne
caufe,fcauoirrit, semper feffina tarde . Surce iouyderrieremoyvnmer-
uc111euxbruit, qui fembloitlebatredes aellesdu Dragon : & pardeuant an
autre comme lefond'vne trompette .Adoncie me retournay foudain tout
efperdu,& vey a collé de moy,aucuns arbres de Carrobes, avec leurs fruidz
meurs longs & pendans,lefquelz agitez du vent, feftoiét vu peu entreheur-
tcz :parquoy te revins a moymefine,& commencay a rire de ce qu'il ni elloit
aducnu.Puis muoquay les bôs dieux,lugâtin, Collatine, & V allone(dôt l'un
uandelles m'carterapperceu,toutincontinent farreflerent,&cefferent
cildiaaIugo,l'autreaColle,&letiers aValle)lesfuppliantqu'en cheminât
de cliantegregardans l'une l'autre fans mordue, en forte qu'il lèmbloit q u'cl-
par leurs famdz lieux,ilz me feuffent favorables &propices : carie doubtoie
les feuffent efbaliies de me venir, comme fi ce leur euft elle clio(e effrange &
quafi de renconnervne armee,a caufe de la tronipette . Toutesfois ie piefu-
nouuelle .puis le ioignans enCemble,furent vn petit de temps murmurât a lb-
rnay que c'el x it quelque trôpe de Bergier,faide d'e(corce, & mafreuray au
teille tune de (autre,& plufieurs fois fefbahirét de me veoir,conime fi i eulle
miculx qu'il nie fut poffible.Peu de temps aptes iouy venir deuers moy vue
elle quelque fanto(me .Helas te me Centoie adonc remet Cer & remuer toutes
compaignie de gens chantans :& me (embla bien a la voixque c'eftoiét ieu- les entrailles,conmie fueilles batues du vent,car t e n'effoie encore, bien afleure
nes pucelles,accompagnees du fonde quelque lyre : liai quoy m'enclinay par de la petit que i'auoiepalfee . ~i plus eff,ie ne congnoiffoie rien plus de la cô-
ddlôubzlesrameaux pour venir uecepouoiteffre,fibienque£apperceu ditionhumaine,&craognoiegtine televifiâmâduint,queiadisfeitaSemelé
cinq dainoyfelles,quimarchoiétdebénegrace,lescheueuxliez acordbs de mal formnce,quand clic fat deceue par lune la deeffe, f eflant defguifee, &
fil d'or, parrains chapeaux de Myrte en leurs tettes, avec autres fleurs chitine
nient
LIVRE PREMIER DE P0LIPH1LE .
pris la forme de la vieille Beroé .Parquoy convnencay a trembler depuis la te- terrier ell plus heureux & plus gras et le in 6t Taurus en fou rentiers du collé
fle ludiques aux piedz,difputât en moymefme lequel ne dcuoie faire,c u niage- de Septentrion, quoy qui on die que les raifins qu'il produit, ont deux cou-
nouillerlmnsbtemétdeuant elles,ounse retirer & retourner arriere,ou bien dées de Iong,& qûn I-cul Fi gtuer y porte chacun an soixante &dix muys de
demeurer ferme [ans mebougencar elles me ferai pucelles gracieufes, en fon fru iQ .Ilexcedeveritablcmétlaf~rt~lit~defifleHypboree,eRâtcnla mer
qui n'y auoir que vraie Inrmanité,acc6paignec de quelque choie celefte . A la Indique . II funnonte le Portugal: & fi fait il bien fille de Talge en lamer Ca-
fin ne conclu d'attendre,& m'aduémrer a tout ce quipourroir attirerait, eflimét fpie . Et combien que Ion appelle Egypte le grenier relationnels, tout le mon-
neantmoins qu en créatures fi gentilles ne trouueroie que doulceur, meCme- de,Conabondance eft moins que rien, au pris de celte de celle prou ince,Nous
ment quelliommecigare porte auccfoyton afièurance& fauuegarde.D'au- n'allons pal uz ny mai etz qui puiiènt engendrer mauvais air . Noz nsbragnes
trepart honte me retenoit,cougnoiffant que feflme indignement arrivé en ce ne font trop rudes,ains feulement perla totaux,& belles vallées, circuycs par
lieu,qui paraduémre efloit faits&, & en la compagnie des Nymphes, le tueur dehors de haultz rochers taillez inacceflibles, telement que riallons occafion
fouillé d'affeCtions nsondaines,voire certes par vne audace prefrtmptueufe & de rien craindre. En ce lieu font toutes chofes qui peintre apporter plaifr. C'eft
importune,temeraireniétentréenrégiondefendueaprophanes .Eflantdonc le promenoir des Brans Dieux, le repos défilé & l'affeurance de l'esprit. Nous
en ces grâs doubaes,vne des cinq la plus hardie,Ce peint a dire:(ui es m? A la- fomnses a vne Royne grandement excellente & liberale,appellee Eleutlierili-
quelle voix fil fi furpris depeur & de Isonte,que ne nefceu que direny refpon- de,trefbenigne, & de cordiale nature, laquelle par les grâs sauoir,vertu,& fé-
dre,mais demouray constate vue fame,a qui parole e4 interdifle . Ces bonnes licité plus qui humaine,gouuerne & régit tout ce beau pays . Ce luy fera choie
pus elles congnoiffans qu'en moy n'y statut qu'vne pure forme namrele,& que fort agreable,que tu fois par nous conduifl dcuât fa maiefte fupreme .Et fi nez
le)
ïeftoie efli aie de lent prefence,toures Capprocherent de moy,difans :Ieunelsb- <ompagnes,f s antres ferrantes & domefliques,Cauoient que tu fuflès ,,
me,qui que tu foyes,noflre regard ocre deuroit efpouuenter.n'ayes doubte de elles y accourroienrpar troupeaux pour venir ce quepeu Courent nous aduiét.
rien,car en ce lieu ne trouveras que courtoifie.pourtant parle vrai petit a notes, Àleaz donc hors de toy toute crainte & trifleffe,car mes en lieu de paix, tran-
& laide ta peur inutile,difant hardyment qui tu es, &que tu cherches . Celle quillité,&amytié .

Comme apres que Poliphilefe fut


gracieufe patelle me feitrecouurer vu petit de voix, tant que le nefondy tout
bas : Nymphes divines &admirables, ne fuis vn nniant leplus mari eureux &
infortuné qui iamais nafquit en ce monde,carïaime,& ne frayent eft celle dôr
ASSEVRE AVEC LES CIN(~_DAMOYSELLES, IL ALLA
trop ardemment fuis efpris : non certes ou iefiris moymeine . Tant y a que ie
aux baingzauecelles :c comme ilyeutgrandrifefourlafontaine,pypourl'oigne-
fuis peruenuiufquesicy,aiâtpafrélesplus mortelzperilzqu'Isonimefcauroit
menrpuis comme ilfut par elles menédeuâtla Royne E/eutl crihde :auPalait de
imaginer. tarentelles te'eslarmes tunsberentpromptemétdemesyeux :
laquelleilueituneautrebellefontaine,Upluufeurrcbofesmerueilleufes .
puis use ieftay a leurs piedz,en mefcriâtpar va foufpir: Pour dieu prenez Fine
de moy .Adonc les belles me malle en celle douleur,furét efmues de compaf- Ecneillyparles cingdamoyfclles ainfi courtoi-
CementBuediflefi,&a(feuré parleurs paroi es
frou,&nseprindrentgracieufemeniparlesdeuxbraspourmereleuer,endi-
doulces&benignesaupoffible,iemedediay a
fant,Nous fcauons affez(pourehomme) & ef! choie toute certaine, que peur
leur faire entierementtout le femice qui ternir en
de gens peuvent efchapper de la voie par laquelle tues cy entré . A cette coude
loue dieu fur toutes chofes,& mercye ta bonne fortune, car d'ores en allant tu ma pu,lrance, & g ""écrue leur eftre agréable.
& pource qu'en leurs mais elles portoiér certains
es hors de tous les dangers,& ne te failli plus rien doubter. Ce lieu eft le ma-
vases d'or & de pierrerie,pleins de talion mufcat,
noir de toutplaifu', ou tu pourras décerné bienheureux : me¢ donc en repos
&autres lenteurs,miroers,pignes,cauurechefz,
ton esprit, & te conforte virilemenycar tu es annulé en la contrée ou abondent
chemifes,& linge a baigner :ie tn'offty de les leur
toute soie &Coulas,& fi eft de télé nature, que lamais n'y a clsangementLa s- porter :ce quielles ne voulurécpmettre, oins me dirét : Nous allôs aux baingz,
tuation en eft afreuree,& le temps n'y eft variable,fans allait ne receuwir altera-
tion :ioin6laufii uenoftrecbpagnietedaube induire aefuouii :carilfaultque &voulôsgtuviennesauecnous:carcel'efhgueiesloingd'icy,&péCons élut
tu entendes que i l'vne de nous eft gaye,Pautre eft aufi piefle a paires temps . en as deia ver la fontaine .A quoy prôptemét refp6dy : Nyniplses tref belles
Noftre alliance efi compofee d'vne cbcorde fiperfeâe,qu'entre sons y a vraie & exquifes,Si en moy Ce tmuuoiét mille lâgues,ie ne vous pourroie fuff fam-
méeremercier détour de courtoifie & benignite dont vous vfez en mon en-
vnion perpetuele, & vne mefine volunté.Nous demeurons en cet% air & pays
droifcar vous rn'auezen la bbne heure refufcité de mort a vie: parquoy nô
falutaire,fortfpacieuxenCeslimites,verdoiantdlserbcs,fteurs & plantes,Cou-
accepter fi gracieux c6uy,nse deuroit cille iputéa laCcheté,& trop grâde fot-
uei ainensentagréables a la veue:fertile detousbiens, enuirbné de coraux fru-
tize . Certainemét ie m'efümeroieplus heureux d'eftre voftre efdaue ppemel,
flus ux,habité de beftes debonnaires,remply de toutes voluptez, abondant de
gdominerailleursparauthorité :veuq(cômelepuiscognoiflie)vouselles le
tous fruiftz délicieux,& enrofé de claires fontaines . Tiens pour certain que ce
ehrefor de toutbien & de toute télé modaine. Sachez 9 iay ver a loyfn la fon-
terrine E
LIVRE PREMIER DE P0 L 1PH1LE . as
de fontaine,efloit l'entreeparvi riche portail faix de la main du propre ou-
tai ne dont m'allez terur appos,& l'ay fongncufemét c6téplee : qui me fait affbr-
mer que c'eil le plus excellétouurage que le vey orques : mais la grâde foi fque urierqui airoittaillé la fontaine : fur lequel portail eftoit efeript ce ultre en
iauore,ne lite d5na téps de ni en enqucrir plus allât& fans plus lite conter ray charaeieres Grecz, AYAMrno03 .
d'y auoir lieu. Adonc l'vne d'entielles me ditBarlle ntoy ta main .tu es en feu-
reté,&Ietresbiévenu .Nousfenmlescinq côpaignes,ain(tgcetupeuxseoir .
liât a moy Ion m'appelle Apllaé(c'efl a dire attoucllemét)Cclle qui porte les
boelles,& le Iige,cR OCplvafre(l'odorer) . L'autre q tiét le miroer, Horafie(la
veue) .Celle delà lyre, Acoc(l'euy" e) .Et la derniere portant le vie plein de fi-
qutur,Geuie(legouft) .&allons enfembleacesbaingz paiTerletenlps .Donc
puis d ta bôme fortune ia cy amené,m viédras auecques nous :& apres g ferons
vit petit <Cgaiees,retourncr6s au palais de la rogne: la<jl le m n ouueras bié gar-
nie de toute cleméce & libéralité : &tien pour certain,qu'en luy récitât le râla
de tes amours,&bailli pretédre,facilemét1induiras aiayder.Ences propoz
et deuifes elles me nlenerét iufques au lieu,forrcôtét de tout ce qui ti eftoit ad-
uenmdeforte q'I ne reffott a defrrer frn6madame Polia,pour accôplirle nôbre
perfea,& donner achetienlétamafeliciee I1ipreme.Toueesfoisie metrouuoie
11ôteux a merveilles de ce y m6 habilleniéniefloit c6forme a G noble afséblce:
m
niais âpres cire aucunemér aprmoiCc,ie me mey a fardier auec les nymphes:
Clôt elles le prindrét a rire,& moy aufü. Sur ces ctrefaiaes irons acculâmes aux
baingz :qui eftoiét(certes)vn merveilleux edifice.C'cfloit vue place octogone,
iefladuedeltmaanglesoupans,audehors delaquelleyauoa deux prlliers
afrz fur vit mefnle piedeffal,qui c6mencoit a nyueau du pitié, & enuironnoit
tout lepourpris.fceuxpilliersfortoientdelamuraillevuetierceparaedeleur
largeur,& efioiét éri iuz de beaux chapiteaux,delfos lelguelz tegneiét farchi-
traic,frize,& cornice. En la frize efloiétentaillez de peeiez enfans nuz, tenant
ceindures ou cord6s aufquelz pédoiér de beaux feftàs,autrenlét trouflèaux de
verdure .Sur la cornice effoit police la rerube,q eft vnevoulre rôde a cul de four,
mais faide de forme oftogone,pour correCpôdre au telle dit baflimét.Ses faces
eflmét percées a iour,en feuillages de chuerlès inuéuôs: les ouvertures clofes de
vitres ou blé lances de fin cryftal,qui de loin g m âuoicr terrible plôb. Lc Ptcry-
ge(ieft a dite le pintade ou léteme)efloit vue poindepareil 1enlét octogone,
fur laquelle y autour vue pôns rôde :& fur le cétre de celle pôme vit pyuot,auec
vire aiche tournât a tous vés . Puis audeflùs vire autre pômgmoindre v la pmiere
d'une tierce parrie,auec vn petit enfant nu,aât la iâbe droide police a ferme fut Parle dedâs,cefl édifice efloitpareillemét oaogone,enuironné tout autour
icelle s& l'autre fufpédue en l'air.Le derriere défi telle choit creux iufques a la de fieges,en forme de quatre marches de lafpe &Chalcedoine, variez de co-
bouche,cn forme d'vn entonnoer: & là droit fouldee vue trôpette qu'il réunit leurs.Les deux plus bas degrez cotruertz de l'eau tiede iufques fines le bort du
de fa [nain gauche pp s féboucllure,& la drultte vers le gros boude tout faix de tro ifienle :Iequatriemeentiereméthorsdel'eau .Achacundeshalaangles y
cnyure doré biépoly.ll fembloir g l'enfant Ibufflaft dis le creux de celle trom- auoicvnecolôte rôde Corinthiéne de lifte rouillé de toutes les efpeces de co-
pette .Etpourcegtirleffouficiletnéttournéa tous vésear le moyen de l'acl- leur nature fcait paindre,airdes fur le quatrieme degré,% Icur Ceruoit de pic-
lequi cfloit audcifoubz, leveut qui luy donnoir toulrours au derriere de la della ,auec leurs baCes,cllapiteattx,arclutraue,frize, & cornice. Lad idte frize
tef c,& paflbit par dedans celte ounertcre iufques au corps de la trompette, taillée en demyboflè d'éfâs auz,courâs pmy vn eau auec petitz môffres maris,
f a CaiCoit former hault & clair .M .tis .td6c en vit incline inftant le vent auoir et- l u ttIsenfâcinemétpeffetscôuenablesaleuraagc,&fibléoônefaiElz,glz fé-
branllélesCarrobes,& donné dedans latrompettc :parduoy le rnc prins a bloiét mouvoir . Audefrde la frize fiduoit la COL Luce, de lagllc apldb de chacfie
foubzriredelapent quefriuolenlentrauoye eue:& congneu que l'homme des colônes,Cortoit vn tortiz de feuilles de chefne,cntadècs 1vne fur l'auere,fai
qui Cet, cuire tout feul en pays effrange, cil bien fondait elpouucntc a chacun &es delafpc vcrd,&liées de eteffes d'or,Ie tout de boffgn16tâs le Idg des <oigs
petit bruyt qu'il oyt.Enlaface refpondanral'oppoficedelaNympheferuâe
de fontaine,
LIVRE PREMIER DE P0 L 1PHILE. 17
de la votilte,& faflemblans environ la cleCdu mylieu, en maniera d'vn cha- ueloppans leurs blondz cheveux en belles coiffes de fl d'oc Et fans aucun
peau detriumplagdedans lequel y auoit vneteflede Lyon heriflëe, tenant refpefi de honte, me permirent librement seoir leurs pet Connes toutes
en fa gueule vue boucle, ou pendoientleschaines,e(quelles eloit attaché unes, blanches & délicates le poffible, faut toutesfois fhonnefleté, qui
vu beau vaCe a large ouverture,& vu peu parfond, qui elloit eleue audcllirs fut par elles toufiours gardee.Lenr charnure fcmbloit proprement a Roles
de l'eau ennui 6 deux coudées .Le Lyon,l es claaines,& le vafc,tout de fin or,& vermeilles,naelees parmy de la neige : dot mon tueur eflott lors tant efnteu
tout ni aiT f. Le relie de la soulte faift afueillages percez a noir (comme dia r te le fentoietreflaillir,& quafr t'endre .tantil elloit furpris de volupté : car
te
eft)& vitrez de cryf2al,efloit depieried'azur lémecde petites paillettes d'or . li ne pouoitaffezconftamment teilleraux affefions véhémentes qui l'af-
Affez prés de la,en la terre, y aima vue veine de matiere brul :ite : de laquelle failloient de toutes pars. neannnoins le m'eflimay bien heureux de tenir de
ces Nymphes mes conductrices mirent quelque peu en ce vaCc,& pardeffus celle vifion excellente formates autres, laquelle niembrazoit d'vue ardeur
aucunes gommes &bois odorant,dont fefit vn parfmn beaucoup pins loues amoureufe, tcle que ie cela pouoie bonnement endurer.mais pour cuiter a
que celuy d'oyfeletz de Cypre .Apres elles fermerent les portes qui efloient tous inconueniens, & pour mon mieux, te deflournoie Comrenteffois ma
de métal doré,faift a fueillage,auffi percé a iour,comme la voulte,& le vuyde verte de la beaulté tant attraiante. Et elles qui prenoiét bien gardea mes for-
remply de lames de cryftal, qui rendoit vue clairtéde plufieurs dinerfes co- tes manieres, & contenances par trop fimples,en foubzrioiétde grâdplaiftr,
leurs,dônétcelle lumiere aux baingz. Et fi tien pouoit yRr la fumée du par- tirant lettrpafretéps de moy:dont idloic le plus aile du mode, comme ccluy
fum,ny l'exhalation d'icelle doulce odeur.Toure la muraille par dcdés elloit qui defiroit leurcompléire en tout & par tout,pour acquérir leur bene grace.
de pierre de touche rrefnoire, & G polie qu elle reluyfoit comme vn verre.
En chacune face entre deux colonnes yauoitenquatre ccinâde moulures,
enfacondelifleauxouplattes bandes,de Iafpe vermeil,a ans ces Iificaux
trois poulces de latgeur :a chacun defquelz eftoit affile & figurée vue belle
Nymphenne,differemes en contenances, toutes depierre Galaétite,auffi
blanche que fin yuoire,& pofanre fur vue moult¢e,qui fc rapportoit aux ba-
fes des colonnes .0 comme te regarday ces images ainfi exquifemét taillées!
Certes pluf eurs & plufieurs fois mes yeux furent défournez des vrayes &
natureles, pour contempler les cotrefaides .Le pané du forts au defroubz de
l'eau,efloit de mufaique afremblé de menues pierres fines, defquelles cannée
exprimées toutes fortes & manieres de poiffons .L'eau elloit attrépernét chau-
de,nonparchaleur artificiel e,maisfeulement parla canna : &qui plus efl,fa
nette & claire, quen regardant dedans icelle,vous euffiez lugé ces poilroas Ce
mouvoir&froyertout aulong desfte esouilzefloiétpourtraiâzauvif,fa-
uoir e(I carpes,brochetz,anguilles,tances,lamproies,alofes,perches,turborz,
folles,raies,truides,faulmons, nmges, ply" es, efcrcuiter, & infiniz autres, qui
fembloient remuer au mouuement de feau .tam approchoit l'aime de la na-
ture . En l'efpace audellhs de laporte,y auoitvn Daulplain taillé en demybof
fe,de pierre Galaftiteinageant cola nter,portanr vn terme filz fur fou dos, le-
quel refbatoit d'vue lyre . De l'autre coffé al'oppofrte de la porte,fur la Conrai-
ne,eftoit fetnblablcmét v a autre Daulphin,clteuaucé 1) le dieu Nrpmne,tenât
vn tridét,ou fceptre a trois fourchons,de la mefme pierre Galaétite,rapportee
fur le fous noir de la muraille. ECquelz moirages le fculpteur n'eftoit pas mois
a louer q l'Architefte. Surtout i eflimoie en ma fantafie la fingulierc grata
des belles & plaifantes damoyfelles,& néuffe fceu bonnement taire compa-
raifon entre la peurpafree,& ma felicue prefente, ny dire laquelle des deux
excedoit . Certainement te me trouuay en grand plaifir & fatisfaRib de cou-
rage, parmycesperfums& fenteurs,plus odoransquetoits lesfimples que
l'Arabie heureuléfamoit produire . Les dantoyfclles Ce defpouillerent,& mi-
rent leursriches veflemensfur le dernier degré qui eiloit hors de l'eau,en
ueloppans
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE .
Aine ic fouffroic celte ardeur en merucillett(e patience, & effort mon Couffin face,vn traiâ d'eau fi Froide & fi foi te, que ie cuiday tumber a lai en uerfc : par-
accompagné d'une honte mocelte, congnoiltint que ieltoie indignrde me quoy frgrâce & haultaine ripée tèrninine Ce peint a reformer Coubz celte vouf-
tcouuer en celle diurne compagnie, par laquelle (combien que fouucni le ce- re,gue moymefnie qoi penfoie eflre mort, me peins a rire a gorge defploiee .
f ifall'e en uiéxcufant) tu lu contrainft d'entrer dedans le baing, comme vire Purs reuenét petit a petit a moy,ïapperceulatromperie de larttfice,induflrieu-
Corneille entre les Colombes :pu-quoy nie tenoie apart tout boiteux, les yeux fement trouueexaren niettât fur vn degré mouvant qui là eftoiq aucune clin-:
inconliis & mobiles,quinb(otétregarderobieftztarit excellons &fInguliers. fe de peCanteuyil tiroir anibt pat vu contrepoix,lapetite quynette de l'enfant
Adonc Ofphi aie me dit : Mon amy, comment eR ton nom ? Et lu luy ce- parquoy entendue la fubtilité de l'engin,ie demouray bien fatisfaift.Audefrus
lpondy en toute reuerence,gue Ion mappelloit Poliphile . II me plaift bien (die duquatre dâslafixe choir efcriptcetiltreenlettres attiques : reama-eTos.
elle)i 1 rffeCt y accorde. Mais comment le nomme iantree? Polm, ma danic,dy c'eft a dire,ridicule,ou faifant rire.
je lors.a quoypromptement repliqua :Certes iepenfoie que ton nom lignifiait
fort aytné :rn a is a ce que ï en puy coniprendre,c èff adore l'amy de Polia . Par ta
foy,fi elle effort icy,que luy ferais tu pour fer uice?Cela, ma dame (refpoidy le)
qui appartient a fa pudique cliafleté,& qui ternit convenable & digne d'élire
faift en voz prefences tant chaînes. Adonc elle nie dit, Encores dy moy, le te
prie Poliphile,luy portes tu grande amytie? Hélas, ma dame (iepliquayie)
ouy,plus gtfa ma propre vie . & en fôufpirant fubioigny, Voire plus qu a tou-
tes les délices, richefres, & pierreux tluefors du monde . Ou as m donc laifré
(dit elle) une cliofe tant chere,& tant aimée? le ne fcay certes,(refpôdy le) un-
coresenquel lieu iefiis .Lorselle ditenfoubzriant, uedôneroistualapet-
facile qui te la feroit recouvrer?Ne te foucic :fais bonne cliere,& te refiouys en
torr cueur :car tu la tonsureras bien roll. En telz &femblables propoz le baigné-
cent les belles Nyniplins,& rnoy auffi auecques elles . Mais en pouifuitryt mon
difcours,toutcontre labelle fontainepai dehors ou eltoitlaNymphedorniâr,
& le Satyre deiCus uerré,il yen auoit scie autre par dedans le baing, dont la fi-
gmeeltoitdemyuredoré,rapportéfurvnmarbreblangrabaifiëcnquarré,&
coftoié de deux colonnes de cemy bofre :puis audefrus vn ardütraue,tüze,cor-
mce,& frbtifpice,grattez &taillez du mafffdefamefmepierre.Encuréefou-
tante effarent deux Nymphes, quelque peu moins grandes que le nanirel,ve .
(tues d'un Habillement voilant,& ouuerr au long des cuyffes, les manches le-
bradées iufques aux efpaules, &les bras nudz,qu'il fiCoit fort bon venir, fou-
flenans vu petit enfant,qui auoit les deux piedzpofez fur leurs mains , aÊauoir
le droiét fur la main gauche de ft" ne,& le lèneltre fur la niais droifte de l'au-
tre . Les virages des trois fembloient rire a bon efcient Ces Nymphes louaient
de leurs antres deux mains,les veffemens de colt enfant,& le defcormroiét iuf-
ques a la cemaure patdeffus le nbbiil .p tenon a Ces deux mains fa petite quy-
nette,&puroitdel'cati ioic econime glace,quife meffoitparmy la chaulde
pour factremper & aaiedir.le me trouuoie, certes, Iâ en gland contentement
d'e(pritariais leprincipal de mes plufirs elloit troublé, par me seoir ft vil, &
différent de la beaulte de ces Nyniphes,noir comme vn Ediiopicu parniy ex-
ceffine blancheur :dont Acoé en Coubzriant me va dire de bonne grace, Poli-
phile,piencevarflèaudecryffal,&niipportet" npetitd'eaufraiclie . uoyeu-
tendanunoy,qui ne defiroie linon leur gratifier & complaire, ains nie rendre
ferf& fuligeftpour leur faire quelque fui uice,y couru fans mal y péter : niais le Aptes quenous fumes baignez a plaif r,& far& ces ioyeufes rifees,accom-
n'en pasfr tort mis le pied fur vu degré pour ni approcher de peau tunibante, paignees de gracieux deuiz,nous fortiCmes del'eau tiedie, & repofames fur le
que ce petit enfant loua fi quynetie, & me piffa droiCt contre le mylicu de la dernier degre,oules Nymphes Ce parfunierent de ces liqueurs aromatiques,
facc,va
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE . zy
& iii en donnerentvnelaoefte.Cefevn&ion me fembla grand criée profitable
nulle manicle inon corps n'cuit ozé entreprendre : dont elles rians toufiours
a l'yfCue du baing,a caille, que milice fa bonne fienteurunes naébres affloibliz & de plus fort en plus fort,appelloient fvnc l'autre en fecours, & fuioient ca & la
debilirez de la peine fouffe re,en furent loudain recreez. le m liabillay le plus
parla prarie,latiffans leurs fouliers & cauurechefz a terre, abandonnant leurs
diligctnmét qu'ilmefitpoffible:maislesdamoifellesdemourerentvnpeulô- vafes,peigncs,miroers,&autres befongnes,pour courir plus legicrement. Le
guenacnt a le parer & acouflrer.Puis outil lier leurs drageoets pleins de confi-
vent emportait leurs rubens &cordons en l'air ainfr quelles allaient fuiant,&
tures pcifectes,dont nous prifmes refediô,& beufnaes d'vn bnutage delicieux, moy aptes de les pourfuyure fi vivement que le m elbahy qu'elles & moy ne
bon par excellence . Lacollatiô patachenée,elles remurnerenta leurs maoris,
ttïbafinestous tranfnaortizdelaffeté.Caftep laifantemocqueriedura quelque
&- regarderont fottgneufement a leur acoulrement de telle, li tout efioit a fou temps : & quand elles en furent laffes,ramafferét leurs beaux fouliers, &autres
deuorr. Celafai&,coumiréfeurs cheveux de crefpes deliez,difant,Allons
cltofes efpandues le long des rives du ruyfreau . Et a la fin ceflànt leur rire, il
toit Polipltde vers la Royne Elentherilide,noftte fouueraine Princelfe . leurprimpitie demonfaia :parquoyl'vned'envelles nonimee Geufie,cueil-
Tu auras en fa compagnie plus de paflètemps & de loir que t u n'as cil en colt
lit vue fusille de blanc ou Laminer d'eau, que les Grecz nommét Nymphea, &
endroict.Puis en gaudiff mt me difoient,Toutesfois tu as eu de l'eau par le vi- les barbares Nenuphar:vne d' Amelle,& vue racine de Pied de veau,autrentét
fage . & adonc renouuehoient leurs rifees,& Cesbatoient en ce point de paroi-
appellce Aron,qui effoient creues bien pros fine de l'autre: & m'en frit offre
les ioyeufcs,fe faifant figues du coing de l'ceil l'voc a I autre, en nie regardant gracieufe,afin d'elire &prendre celle qui meplanton, pour mafanté .Ie re-
de cofté :car ie cheminoie au mylieu de la troupe. Aptes elles commenceront a
fufay le laulnet d'eau,& Pied deveau,pour leur ardeur,& plans l'A molle, que
chanter doulcement vue Metanaorplao(e ou transfiguration d'vn union- ie moy en ma bouche, & cri men geay :l,arquoy incontmencapres,celle chaleur
Ce calcium par vinaient muer cri oyfeau,mais par faillir de boeffe, il fe
lafciue fut efainftgfi bien que ie retournay en ma digPofttib premiers : & elle-
cc'-X""' enAGte. Leur conclufionefloit,quaucnnspenferalesclignerions
transfigura minayavec elles iniques a ce que nous arriuafmcs en va Palais fumptueux
cille pour vn offert,& ilz font direâcnacnt po ut va aune. Cela tue donna fu-
a merveilles . Et petit en dire la defcription,Premierementpaffafmes par vue
fpiciongn'cilesparlaientconucrie mentdemoy :&auff m'en ficent doubter bellevoie droite & large,bordee parles deux collez de hauhz Cypres, plan-
1eun contenances & filubrizatoits moulés gedezfur ma pedmme . niai spour tait a la ligne par egales dtftances,druz & efpoix de branches & de fueilles,au-
lors le n'y penCay plus se llintaut & croiant pour vray,gne l'oignement qtielles tant quïlz pouuoient eftre felon leur namre.Tout le parterre hors du chemin
m'allaient donné,fcuft pour le grand bien de mes membres lalrez & t'e- d'une pan & d'aurre,eftoit couvert de Pervenche azurer, au moins en Ces bel-
creuz depeine . Mais incontinét me (enty tout efmeud'vuechaleurliftier, tac les fleurettes . Et contenait celte voie en Ion gueurmuironcinq cens de mes
velaamére,queie ne nie paume cbtemr:dequoy ces Nymphes affeftees rioiét pas :& a la fin fe terminait al entrée d'vnebelle haye,faifte a trois pés en forme
vina éllcs a plaifir,congnoilfant affez ma maladie :laquelle Caugmenta de far-
de murmlle,aiant autant de haulteur que les Cypres, qui Ceruoient de colon-
te,que ie ne fcayqui retint mon ap petit defordonné, que ne me icdaffe en, nes :maiselleeftoitentremellecd'Orengiers&Carintesplantezpresap ces,
ire clles,commevn Autour en vue compagnie de f erdris . Et d'autant plus ré- &fort druz,induftrieufement ploiez & entrelaffez l'vn parmy l'autre .La baye
cintrait mon deftr, qua moyfoffroiene fi commodes obieLtz,voirc vrgentz & ainfr que le peu côceueir,auoit hx bons piedz de largeur . Au mylieu du pre-
trefopportunspour donner allegeanceamipeine . Adonevue boutefeudcla mier pan y ar on va grand portail ou la voie fadreffott, fait en voulte,des as-
bâde,que Ion appellon Apltaé,ute dit en le tnocquât de moy, Poliphile,clu ef bres mefmes,ainft flechiz & courbez a propos : audeffus duquel en des autres
ce gtte m as? Tu te gaudtffois n'agneres :& maintenant le te voy tout changé . liettxconuenables allaient faiftes les feneftres de matiere toute Cemblable, eC-
A quoy ie fey celle ic(ponfe :Ie vous fupply,pardonnez moy,ma dame : car le quellesnefapparceuoitpardehorsLgnedebois,branche,nytronc,mais feu-
mentordzcommcvn ofter,&fuis quafrlaonrme perdu,parvne ardeur de- lemendaverdure naturele des feuilles,enrichies de leurs fleurs blanches, sen
mefuree . A ce troc elles le mirent plus fort a rire que devant : & me vont dire: dans vue odeur tant fuaue,que Ion neuf feu mieux fouhaitter.Pareillement
Si ta Polia,que tn defires tact, eftott icy aucqucs nous,queluy ferais tn a cafte y pendait le beau fruid, afauoir Orenges & Citrons,les vus meurs,les autres
heurt? Helas(refpondy ie)mes daines,par celle cillant, maiefté alaquelle vous verdz,aucuns commencez alertait, & les autres ademy formcz,mefmes
feriez & obei(ièz,nc iodez point d'huile fur mon grand feu, ne faufilez pas d'autrespref :zacueillir .Andedansl'efpoilèurd'icellebaye,lesbranches&
la flamme qui ard mon cucurzar le fuis totalement confommé . De cdfe do- nonczeftoientftp roprementferrez,queIonpovoitbienafonaifecheminer
lente reflionfe elles firent fi grand' lartee,qu il ne leur fut pofible palier ouhre, parle! pour allacauxfeneftres,ou le promener a l'entour:&ycillaient es
ains tumberent fur l'herbe comme crucifies & pafmees . Adonc par vue fusilles fitrefdrun,que les puffins n'euffentfceu venir atrauers . Par ce portail
confiance delia prince & familiere,ie me pris a leur dire : O nrauuaifes entrafines en la haye fingulierement planfanre & deledable a local, mais plus
femmes enchâtereffes, & qui m'allez enforcelé,nt e traiftez vous en celle for- merueilleufe a I'efpdt :car elle femon de cloffure avn riche palais quarté, qui
tc?I'aymaintenantbienbonnecaufedevouscourirfus,&faireforce .puis fey fanion le quatuteme pour pris avec ces trois de verdure . Chacun des pans de fa
fetnblant de les entpoignegcomme fi ïcuffe eu la hardicfle d'executer ce qu'un muraillecbmnoitenlongueur foixantepas. La court disait enuirônecde celle
nulle
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE .
haye,& au ni ylieu d'icelle vuebelle fontaine d'eau claire comme cryflallin,qui
(ailloit contreniom quafi auffi hault que le c l os , & tnmboit dedans vit grand
bain de fine Ametliyl}e,comprenanttrois pusenlargeurpar tout le diame-
tre . La guofièur elloit de trois poulces, diminuant peu a peu vers le bord, qui
ti nuoit qû n poulce d'efpois: & coula l'entour dicelluy par dehors efloient en-
taillez des petitz nronflres marins de denaybolfe,ou baffe taille. Il repofoitfur
vn pillier de fafpc de diuerfes coleurs, nreflé auec Chalcedoine, diaphane ou
tranfparcngde cnleur de l'eau de lamer, faix en forme de deux beaux ve fes
a col eflrmfl,&venge gros,nais l'vn furl'atrtre,fonscontre fous, & entre deux
vit pommeau poféfurvnplinthedepierre Ophite,toutrond,& leoéenuiron
cinq poulces de Imult, enclos dbn autre bafGn de Porphyre, fait en la ficon
d vue cure, montant la haulreur de trois piedz . A l'entour du pillier y auoit
quatreHarpyesdefinor,aiantlesparteseflenduesfurleplinthed'Ophite,
les do z tournez a ce pil lier,& oppolites fvne a l'autre . Le bout de leurs telles
f'ellcndoitiufgncs (onbz le baffin d'Ametl,y"fle,comtue pour le tenir en l'air.
Les vifages fenibluter a pucelles,mais leurs queues efloiét de ferpés,entortil[ces
& finiffanres en feuillage antique,qui Paffembloit au plus hault du pillier droit
foubzlefans decebalftn,enforte qu'elles feruoiét ornemétfuperbe&ma-
gnifrque. Au beau mylieu du grad biffm parle dedâs, & aplbb du pillier, for
rouan va(e vn peu lôguet,expreffemét réuerfé fut la Louche,&decoré de beau
feuillage fa'R de la menine pierre d u baffiu,autat cari par dehors,que le baf-
fiu eflott profond :& fouflenoit vue bafe rôdc,delfus laquelle efloiét pofees les
trois Charires ou Glaces nues grades cômc le namrel,faiftes de fin or,ioin£les
doz câtre doz,ieftas eau par les ntamerons,côme petite filetz deliez, qui fem-
bloiétvergettes de fin argét . Chacune d'icelles retour vue corne d'abondace,lef
quelles Caffembloienttoutes en vue, vn peu aude(lus de leurs telles. Entre les
fruiaz &feuilles qui failloiér des cornes,(ortoit l'eau par frx petite t u yau x, &
ialGdba en hault a fegal de Ix haye,ou muraille deverdure. L'ouuder pour gar
de, l'lionnefleté,auortfai£t gchacune destroisciames recuit lamait gauche
fur la partie qui droit eflre couuerte.Delùs les botdz du grad baffin excedat
d'vn pmd en largeur par loure fa circii eréco,le plind,e d'Ophire fnfdi&,efloiét
GxDragonsd'or,platezfurlerrspiedzparegalesdillaces,entcleCorte & in-
duff rie,quc l'eau lortat des retins des trois dames,tCboit droiaemét das leurs
telles,gellniétcreu(es&rinces . puis l'eau refortoirpleurs gueules,& venoic
cheoir entre le plinthe d'Oplaite,& le ba((n de porphyre:auyl y auoirvn canal
d'vn pied & demy de large, & de deux en profond . Le refle du corps des
Dragos elloit couché 4tr le creux du bail n,tat quî Iz venoiét a affembler leurs
queues,qui fe chageoiér en vn feuillage antiqugduquel le vafe foufienant les
trois datnes,cffoit tàid & c~pofé,lans que le bafat en feufi en rien difforme,
ny enapefchéparle dedans .Mais la reuerberation de la verdure des Orégiers,
le luflre de la pierre,& la clairet de feau,caufoit aux regardas vue diuerfire de
coleurs,tele qu'on les voit en l'arc du ciel . Au vétre dn ba(lin p le dehors,entre
deux D raghs,(ortoiét des tefies de Lyou,vuydans par certains petite tuyaux,
l'eau qui dillilloit des Cornes d'abondance : laquelle aptes eftre montec bien
hault,retumboit dedans ce bafrn,es endroitz ou efloient ces telles de Lyon,
faifant vue refonnance doulce & gratieufe oultre inclure .
PREMIER DE P0 L1PHILE. 31
LIVRE
L'oaurageefloit fiexcellét,quelenecroypointquemains d'hom[lies l'CUC grande excellence, &pain ne de plufteurs laffetz,lyens,crochetz,& autres in-
le nt faiâ :caril cfljmpoffblede le bien deCcrire, &a humain entendement de Itrtmiens pour attaclrer,tirer,& retenir : a la garde de laquelle choit vue autre
le comprendre .Toutesfois cela puis le dire, que jamais en tout ouille temps, matrone ho fpitaliere fort gracieufe, queIon appelloit Mn emofyne, qui nous +s-G mn^
ny auparauât(que Ion lâcheur, fut verre befongne auffi perfefte : ratC'en faillé ouvrit incontinée&adoncpourreColLinon mescompagnes meprefenterent '
qu'elle en approcliafl .Toi,tc laplace autour de la fontaine,efloit pauee de quai deuaut la maieflé de la Royne Eleutlrerilide .
réaux de marbre de diuerfes coleufs &figures.Au mylieu de chacun quarreau

Poliphilc racomptc l'excllcncc de


efloit rapporté vn rond de fafpe différent en coleur . Les coingz &angles des
quarrezhors desrondz,edojentfigurez a fueillage. Entre les quarreaux & a
l'enujrô de tout le paaé,y auoitdes bMes ou lizieres pour ferait de feparation,
faiftes de fine mmaique.C'efloir va fueillage bien verd,accotnpagne de main- LA ROYNE, LE LIEV DE SA RESIDENCE, AVEC SON
tesAeurs,iaulnes,perfes,venneilles,& violettes,conapofecs de pierres menues magnj"ique apparcil,l'efbabiffemertt qu'ellecutdele soir , le bon recueil
cubiques,fi artificielemét ioinûes,que cela fembloit vu tableau de plattepain- quèl/e luyfit,enfemblc le riche efumftueux banquct,u le
Qurc .Ie me trouuaytout furpris de ces chofes,car ie n'auoie pas acouftumé de ILcn 0uiIf,tprcparé,qui n a ny fcad ny
voir fiexcellentz ouvrages :& niefaflèvolontiers artellepour lecontempler femblallé.
Plusaloiflymaisilmeconuenoitalors fuyure les damoyfelles mes guydes &
compagnes . Rune queje fil a la premiere chambre, elle me re-
La merque &regard de ce Palais fembioit proprement rire aux gens : par-
garda comme toute esbahic:&aptes queje l'eu la-
quoytantplusenapproclroie,plusle rrouuoie digne de contempler, pourla
lare, aini comme il appartenait, je fil par elle re-
richeffe des murailles,l'excellence de la painaure,la djfpoition des colonnes, cueilly en toutedouloeur, & pareillement de les
& la difribution des membres, comme falles, chambres, galeries,& offices . l
dames . Puis quand 'eupaireles troiscourtines, te
La choient les proueffes du magnanime & paillant Hercules,tajllées en demy
trouuay en grandportique,enforme d'sur galerie
boflè,& ipropremem denuécs, queles figures fembloient feparées épincé le
baffe & mmerce,qui contracté en longueur autant
fans :& fi eftoiér enuirônees de deCpouilles,tiltres,&trophées d'en nôpareill &
que tout le corps du palais . La voulce choit defin
admirable artifice. Mais quelc entrée?quel portique?quel perrb?Certes le n ay or bruny,pam&e a feuillages entrelaffez de rame-
a qui le cbparercar tout efloit tât finguheq que toutentendemetperfeQ feroit
aux,meflez de fleurs de bonne grâce, &de toutes
Irop petit & debile pour en dire la déclaration . La viz & montée efloit bien
manieres de petitz oyzillôs , reprefentez au naturel en vne nrufaique lai&e de
for, exqu1Ce,cbftdcre quel'art d'Architefture yatout employé tout Con falloir.
pierresprecieufes. Les muraillesefloientcouuerresdemefmeounragr&ma-
L'arceau de la voulture de la porte, eflcit rabaiffe pardeffoubz entre deux
tiere:&lepauéfémblableacelluydelacourtdedehors. La matronepor-
moulures,apargtretz rondz& quartez, & par dedans Cerné de rofes & fueilla.
tjere de la courtine dernier,, ni aduronefta & acharnait, que je mfÏe aflèuré &

S
ges àe demytaille, reltaulfées d'or,& le fous couché d'azur . Deuant cefle porte
ehojt tenduevne courtine tiflùe de fil d'or & de foye: &y efloient pouttraides
deux belles images,l'vneaure tous les mbrumens convenables au labourage,
confiant, fans craindre choiede ce monde, & vouluflèperfeuerer de future &
mettre en exécutionces bons admonneftemens, & confeil Page de la Royne
Eleutherilide leur mniltrelÏe:car la fin ri en pouoit chie que bône et Irônorable,
&l'ardue côtemplantleciel . Quandnous limites arriuezétroitceftecourtine,
Ap tes ces renaôltraces elle me mitdedans le palais, aitle vey des fingularitez
lesNymphesme prindr&parla main pour me faire entrer, chiant : Poliphile,
cecy eh l'ordre qu'il failli oblemer, & parlequel on doit venira la prefence de plus donnes quetranfimires : mais entre autres va appareil merveilleux qui Ce
ri dreflôu en erre courclarge,bien ample & fpatieufe,aildeuant d'en grandcorps
la Royne noftre maiftreffe . II néhpermis y loifible aaucun d'entrer en cédé

ai
rainée d'hoftel,perfeftenrent gnarré en tout chamelle : qui contraint Coixante quatre
premier, ça artine,fil n'eff recru par sur damoyfelle vigilâte portiere,
Cinofte,(muable,ou mounate)laquelle nous ouyt tient,& vont a nous, q anneaux en lôgueur, & autaten IargeunClaacnn quarreau atouttrois piedz
de me(brefaréiz en forme d'en efchignier,diderés en coleur,l'vn de lafpe rou-
entCouurfitla courtine : parquoy rocentrafines Ieans.La chia vit petit efpace,
&apres vueattire courbne,plusjeIvequelapremier e,dinerfifieedetoutes for gccône Corail,& l'autrede Iafpeverd entaché de gouttes fanguines.Lc bord
du pavé efloit vne belle frize en feuillage de Mufarque, niant vit bon pas de
tes decalculs,& de toutes mantelés de beftes,deplâtes,d'herbes,& de fleurs,
de Couueraine tapiflèrie .Lavint a nous vue autre portiere nommer Indolore- largeur, cotnpofe de petites pierres fines, nattait Iafpes, Prefnres, Agathes,
ne(fain&ife)quifembloitmemeilleufementcurieufesoutesfois elle noirs re- Claalcedoines,Anabre,Cryftal, I:ryet,& autres,routes d'vne groffeur & quar-
ceutbenignement:&oumiclafecondecourrine,nousmettant au dedans. En nrre,fi iuflernent ioinftcs enfemble,que Ion n'rad fceu diCcerner les ioin&u-
(autre elpaceou entredeux,y allait encrées vue tierce courtine tiflùe par res .L'ouurageefloitfip lein,poly,&tâtvny,quequiroll misdeffusvueboulle
grande bien rôde,elle endtoufjours efté en mouuemét .Le fi ize efloit cocotes enclofe
F
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE .
& enttironnee d'vn autre bord large de trois pas,figuré de beaux entrelaz des
mefmespierres & Cannage . Au long des murailles a l'entourde la place y
auoit des fieges de bois de Sandal rouge & iaulne,couners de veloux veto, &
de gaarreaux pleins d'vne matiere molle, comme dilues ou Cotton . Le veloux
cfloir attaché aux bordz dtt bée a petitz doux de fin or,fur vne liziere d'argét
martellée,en tacon de ruben .Les murailles du palais etoient reueffues de la-
n,esdor,&ornees de fculptures correfpondantes amatieretantprecicufe,
departiesenfeptquarrez,parpillters &moulures demignonne proportion .
An mylieu dechacun deces quarrez,yaucit vn rond ou chapeau de trium-
plae,compofédetotttestnanicres de frmâz & feuillages,contrefaiftz aptes
le naturel,de fines pieiresprecieufes,Celon les coleurs,gnalitez, & reffemblé-
ces neceflàires .Dedans le vuyde d'iceux rondz,efloient entaillez & cifelez a
demybolFe,lesfeptPlanetesauec leurs proprietez & nature . Le demeurant
du quatre bois du rond,efloit enrichy de feuillage de fin argent,lin,é, & rap-
porté defrus la lame d'or .Tele efloit la muraille du premier front. Celle du co-
flé gauche efloit toute femblable,auec les quarreaux & chapeaux de verdure,
ainh comme les precedens,en nombre,ornement, & tacon, referué qu'en ces
feptrondzciotentlesfepttriumphesdeceuxquif o nt dominez parles fept
Planetes,& enclins a leur confiellation,faiftz du mefme ouurage & montre .
Au collé droit le vey dedans les rondz, les fept harmonies ou concordances
d'icelles fept Planetes,& l'enn ce de l'aine dâs le corps ,aucc la receptiô des qua
litez infufes parles degrez cclefles . La quatrieme muraille efloit comme les Etfaifoiétcespillicrsl'intemalledesquarrezoneftoiétleschapeauxde rrid-
autres,fors que la porte occupoit l'efpace du mylieu, &les autres ftx efpaces pl,e,ganiiz de leurs chapitcaux,b .iCes et ornemés,conformes au refle d e l'tru-
efloient de Ia mefme mefure,proportion,& correfpôdence .Ces rondz conte- ure.Audeffus efloit l'arcl,itraue,attecfes lincamés,moulurcs, & lizieres regvi-
noientlesinAuxions&operationsprocedâtesdel'inclination des Planetes, fes,omeesdebillcttcs,côtinaeesetdeparticsdedcuxen deux.puislafrizeen-
expoimecs par belles Nymphes,auecles efcriteaux,tihres, & enfeignes de taillee de la fcttlpture fuyuante . C'efloicnt des telles de Beuf Ceiches,les cornes
leurs effeftz . Le feptiemc rond elloit ftmé au mylieu du frontifpice du portail, letes de trelès pendétes aucc deux rameaux de Myrte,entrauerfez &liez Cor
audroit & a l'encontre de la Planere du Soleil,qui efloit plus haute que les fix leur ioinâure,deuxDaulphinsaians lesaellerôs &leboutdeleursqueues fi-
autres, en la muraille oppofite, a caufe du fiege de la Royne, qui efloit plus gurez enfeuillage antique, & tonrnees en tôd :dedans la rouolution defqucl-
crament que les autres .Amfi toutes les parties correfpondantes l'aine a l'autre les efhoient petitz enfans qui fempongnoientaux deux collez de
la rondeur . La telle du Danlphin efloit aufii faiae en feuil-
dloient egales ou femblables,en nombre, en affiette, & matiere . Chactm pan
de muraille auoit en longueur vingt & hui& pas, telement que la court efloit lage fourché,vne partie réuerfee Ci euers le petit enfant .
l'autre fe tournois fur vn vafe a largç ouuerture,fi-_
quarree,mhuerte d'vu mea ueilleux artifice. C'efloit vue treille d'or,tant indu-
niffanc en telle de Cigougne,aiant lebec
ffrieufement taillee, qu'il dl impoffble de la bien declarer. De l'vn pillier iuf-
dedMa bouche d'vn ntafvue,anec
ques a l'autrc,qui faifoient les quartez de la muraille,y auoit diffance de quatre
petites billettes comme pate-
pas,en fept diuifions,qui efE le nombre plus agreable a la nature. Ces pilliers
noRres enfdees .Les che-
efloient d< pionce d'azur orientale,de vtue coleuy & femee de menues paiL ueux du mafque
lettes d'or:les frons ou faces defquelz entre deux moulures effoient entaillez
etoient de
decandelabres,grotefques,fenillages,arabefques,cornes d'abondance, vafes,
feuillage qui enuyronnoit le bord du vafe,& du drap
mafelues,Satyres,montres, balnflres,&autres belles inventions & deuifes, pendét vers le pied,pafrant audefroubz
d'vnc fculpture fi ronde,gdellefembloit eflre de boffe toute entiere. du neu ou pommeau d'icelluy. Au
Etfairoient defut du vafe y mois la telle
d'vu, enfant entre deux
aelles .
F ij
LIVRE PREMIER DE POLIPH1LE. 33
vue deefre fur vn throfine d'on,garny de pierrerie,faift a deprez,contre le pré-
Inter front du palais, a foppofice de l'écarte. Elle efloit vellue d'va drap d'or
traif2,& fa telle atournee d'vue Lanterna diadem e defoie cramoyftc,comna e a
fihaulcedame appartenoit,bordee d'vabourlet de grades perles rcluifantes
au long défini front,& fur les cheucux, qui effoient plus finement noirs que
ïayet,departiz en greue, & vndoians tartes temples, diuifez par dei riere en
deux treffes a trois cordons, chacune ramenée aux deux caftez pardeflis les
oreilles,& notice au fommer de la tefle,auec vis bouton délaies perles, claires,
rondes,& de bonne groffeur,duquel Corton le bouc de ces chcueux en lieu de
laouppe,letout conuertd'vn crefee delié,bordé d'vue pourfilore de fil d'or
vollant au long de tes efpaules . Au mylieu de la mitre,droiâ audeffus du troc,
efloit attaché vit riche fernaaillec de perles & de pierrerie. Elle auoit vn riche
carquan,auquel pendait vue belle bague,defcédant inCques entre lés deux te-
tins,fi blancz,& de rit belle forme,que Ion les raft iugez de Iaiâ. Celle bague
Tel efloit (ornement & Cculptrrre de la frize,fur laquelle cil oit la cornice, efloit vite table de Diarnant,faide en ronderu cri entre les plus gran-
perfecteentoute excelléce d'outrage . Audelflus de la dernierecymaife,droi& des,&enda a ffeeenorparbelouutagedefiletAfesdeuxoreillespendoient
a plomb de chacun pihier, y auoit vn vafe antique de haulteur de trois piedz deux groz Carboncles brinz & brillans comme clrldelles allunrees .Sa cltauf-
chacun,les vus d'Agache,les autres de Iacpe,aucuns d'Ametb yfle, Grenad,ou Cure choir de foie verde:les ardes de fe,, pantofles,d'or,gamies de piecrerie .El-
Ambre,de dinerfes coleurs, & iouention differéte,pleins,& tournez, aucc an- lerepoCoitfespiedzfurvaquarreaudevelouxcramody bordédeperle .s,a
fes taillées en figure de ferpens, lezardz, &autres belles fantafies . Entre deux quatre boutons de pierrerie,auec les flocz ou franges de fil d'or,& defoie cra-
audroit des chapeaux de triCtphe, efloiét plantées des Colins; quarrées, fichées moiGe .Adextre&aCeneftre dcCon tlarofne,eftoicat afhfes les dames de C<
depoinfie&debout,aiantfepcpiedz de haulteur,toutes de finor,creufes court,en gratuit, moderee & benigne,vellues de drap d'or,d'v ne facon h belle
pour doubte de trop grand charge : pardeffus lefgaelles en y auoit des ancres aduenante,que ie ne croy pas qu'en tout le monde en fut iamais ver de Cem-
quiarauetfoienttoute lacours,&repoCoientdeffus d'autres fommiersabou blable .La Royne efloit au mylicu d'elles en grand pompe & magnificence,
,;(fans fur la muraille oppofite:& eftoient Cept ente nombre, ferrât de pouflres vefiuc d'vu acouftrein ent bordé de pierrerie, en fi grand' abondance, que Ion
entrauerfe'es de menuz foliucaux & claeurons,aufli tous d'or, en facon de la eufl diff que nature auoit la greffé a Cuperfluite,toutes les pierres precieufcs de
charpenteried'vnetreille plaire . Desquatre vides eflans aux quatre coings, Ces darefors.
fortoient Brans Ceps de Vigne,& plufreurs autres herbes differentes . comme
Valable, Hobelon', Cheurefeuil, Troene, & autres Cemblables, toutes Quand te fu arrivé devant fa maieflé,ie me mey humblement a genoux, &
d'or,quif'eflendoientpardeffns lacharpenterie en plufreurs branches & va- luyfeylare uerenccrele que te Cceu :& incontinent toutes les dames Ce le or-
in eaux entremeflez,ambraffans (vne l'antre en facon d'entrelas,pat lyaifons irai s menées (comme te croy) de la nouveauté de me voir.l'efloic (fans point
belles &fingulieres,deCortequ'elles tournoient coutecelle belle court d'vn de doubte)en merueillenfe admiration,penCant aux choies paflèes,& Lochde-
ouuragericlae,oupourmieux dire,ireflimablc : car les fettilleselloient d'Ef- rant les prefenees,tout rempl y d'eflonnemene, &confus de crainte honceufe .
merauldes,les fleurs de Saphirs, Rubiz, Diamans, Topaces,& atares pierres Adonc les dames Ce raffinent,& defirans fui annuelles de moy, fat-
precieufcs-, mignonement ordonnées & difpofécs felon leurs coleurs . A- foi ent fagne a mes compagnes,& leur demandaient tout bas en
traucrs ce feuillage pareillemét y auoit des radis contrefaictz d'Anaetlayftes foreille,quiïe~loit,& commenti'eRoielivenu.par-
&autres pierres exquiles, de coleur afrortiffante au naturel.C'cftoit vne def- quoy les yeux de toute fafliflence efloicnt
penCe infinie que de ce baftiment :car toute la treille reluifoit d'vrac merueil- ennui defTus moy,enapefclrez
Icufe clairté,non feulement pour la matiere qui efloit incoparable, mais aufri anaeregarder .
pour l'artifice non parmi, que te ne peu iamais comprendre par qud art ou in, P iij
uention ceftamure auoit eflc dreflèe,non certes pas déterminer fr elle efloit
clouée,fouldées ouenchaffégquifont lestrois manicres d'aflèmblerdontlon
vie en orfauerie. Toutes trois me fembloicnt impoflïbles en vne couuerturc
figrande,entremefleedelyaifons&entrelafrurestant diuerfes . La Roync
magnanime,& de contenance royale,elloit afhfe cu maiefté bien relemblâte
vue
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . 34
pour cell e£fcâ:car tu verras auiourdluty partie de naô efiat,gvi efl funaptueux
le poffible,I'.Ibondance de mes delices,la pompe de tout mon fct vice, l'exccl
lencedenaesltdneurs,&lagrandeurdemaliberaliténaagninquc . Lotsenté-
dantfon huitaine parole,ieme rendyCeruiteur treslamntble& neCobeyliànt
de ton fainft empire, dcliberé il obeir toute ma vie a les bons comtnxndernens
& plaiftrs . Puis aucclmmble hardief t m'u lèy deflùs ces riches bancz au collé
droift, atout ma robe de laine,a laquelle les filouterons, efpines, &ronces, te-
noientencores .l'elloieaumylieudemescinq compagnes,troifiemeâpres 1 .
Royne,entrc Ofphrafie, & Acoé . De l'autre collé eftment alfiCes fi x dames, fi
Joual; l'vne de fa ure,qu'dles unrpliffoient & occupoient toute la longueur du
bâgcltacune audroit d'vn des,luiriez . La Royne deCcédit de Ion hault throf-
ne,&faflèitfurlebasdegré,dedâslerondquiefloitpardeffusdefatefte . Plus
hault que Ca claaice,efloit l'image & ef{igie d'vn beau ieunc homme fans bar-
bc,aiant les claeucux blondi & doez,la moytie de la poiCirine couverte d'vu
drap noué fil r l'cCpaule,& audeflbubz vn aigle eflendant les celles,& tenant en
tes ferres vit rameau de laurier verd .ll a,ioit la refle leuec pour le regarder au
vifago, qui cfloit enturôné d'vu diademe azure',departy en Cept rayons,le tout
faift d'orfauerie, cizelé & efinaillé en toute perfeaion, & femblablement
les autres fix tondit .

O R elloitil advenu parfortune, &fans


y penCer, que le rn'eftoie affs fur le rond
de Mercure : & vey en me retournant, cé-
mefabcnignité,ConbonafpeEt &influen-
Eflant ainfi a deux genoux devant fi haulre mai eflé, ie me incrimine es balty ce,Contdiminuez & deprauez quand il le
&hôteux .AdonclaRoyneinterrogames compagnes delamanierede ma treuueenlaqueue deScorpion . L'aiâtre,
venue, & comme ï efloie entré leans. A quoy elles luy racompterent tout le gardé,ie me raddreffay rituels les dames,
faiâ,&luyfeintant falloir monnom . voyentendu,cllemeditgracieufeméu & commencay a penCer combien vil &
Poliphile,faiz bonne chere.fay bien ouy le difcours cela defconuenue:maiS ie pouce efloit mon laabillement,puis qu en-
defire entendre comment tues efchappédu Dragon,& en quelemaniere tu n'etant de riches pareilles Ion me potion,
as trouvé fyfihe des canettes tenebreufes : car le men esbalty grandement en comparer & dire femblable au Scorpion
nroy mefme,pource que nul,oupcu de gens peinent arriver icypar celle voie . vil & difforme entre les nobles lignes du
Et puisque ta bonne fortune t'y a conduift a fauueté,il me terrible raifonnable Zodiaque . Le demourantdes&me,fut
de te recevoir en ma glace,& vCer envers roy de ma liberalite & bienveillance affrs fur les autres bâcz a l'entour de la pla-
accouflumee . le la remerciay de ce recueil gracieux,,p lesplus humbles &h5- ce,toutes riclic ment atournees d'accouftremens variez & divers, tel z que les
notables paroles qui lors furét en ma puiffance : & aptes luy recitay fuccinfte- femmes les fcauent deuifer,lcms cheveux Iiez,vellèz,entrela0ez, & nouerez
ment,&de poinQenpoina,commelefuylafureurduDragon,&aquele en plufieurs belles & plantâmes mameresLes autres les auoiét n efpelcz & vol-
p eine & difftcultéi efloie pcruenu iufques la. dbt elle feCmerueilla oultre me . letâs fur les téples aux deux collez du front . Il y en auoit de plus noirs que fin
Cure,& pareillement toutes les dames .Puis en pouffmuant mon propos, leur layct,liezafiletzdegreffes pelles :& autour de leur s colzdescarcâsdepris&
comptay comment les cinq damoyfelles m'surtout inoculé errant, &tremblât valeurmefamable .Toutes IlduiCes&bien aprifes,gq u and les damoyfelles
de frayeur.Dont elle feprint a foubzrire,& rie die 11 advient parfois, que le Cernantes fleclaiffoiendes genoux,ou fenclinoient pour faire la retterence aux
mauvais commencementprend heurcufe & profpere fin.Mais quant que ie te tables,elles aufh Ce Icuoient de leurs fieges,& faiCoient le femblable . Celuy de
c bmetteaexecuteraucmtechofedetadeliberationamourcnfe,ieveutlque tu la Royne efloit droiûcment vizavrz de la troifieme & derniere courtine,ou y
affifles en cefle belle côpagnie a difner aneoques moy,puis que les dieux t'ont auoirsur porte belle & grande, non point de marbre, vrais de lape oriental,
faift digne d'entrer en ma maifon.Et pourtant choyli vue place, & te va tenir faifte a l'antique,d'vta ouvrage plus que divin . Aux deux collez d'icelle te te-
pour cell F iiij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE. 35
noient les damoy(dles Mufrcienncs,Cept de clracnne pal t,veflues de drap d'or cri
tics filles apporterontvue fontaine fans fin, ai tificieletnét conftnride, forte
faiQ en broderie cri faconde Nymphes :IcCquellesa fapporrer des ineez,chan- qu e l'eau tombant dans viabaffm d'or,reutôtoit par tuyaux fectetz au rnefinc
geoientd'infirumens:&pend .uitquelonmengeoit,Connoient en accordz fr lieu dont elle eftoit fortic . prie faifoit celle reuolution (au moins comme la
rnelodieux,& haunonies rantplai(an¢s,gtielles euffènt rendu les dieux aBè- conicflura)" )par deux ruyaux,l'vnplus grtfle que l'autre,& vol Ceparation e-
ftionnez ales efconter .lucontinent les tables & nefleaux furent apportez & ffant dedans le raie perceau ntylicu :parquoy l'air enclos en ce vende, attiroit
dreflèzquaCfansqu'onfenaperceult :car chacune optait merueillerfenaent l'eau comme vin:efponge,puisparcontrainte &violencela falloir monter
prompte & duifte a taire Con off ce,entétiue au Ceruice,Con gneufe &bien ad- contrcmont .Elle tin premierenaét prefeun:e fur la table d'or de la Royne,par
uiteedetoutcegn'clleauoit afaire. les deux fillesencliraâslatelle,&ployansIcsgenouxquafiiufquesavnpoul-
Prernieremét douant la Royn e fut apporté via trefleau en tacon de trcpier, cedeterre .Semblable reucrence envia il inflant firent les autres da-
feift de trois pillicrs d'or,fichez cri via rond de lafpe:le bas defquelz allait for- mo)'felles femantes :autant a l'aeoir & louer les platz,& con(equemment a
tiré enpattes deLyon eflenduesfurlelafpe :&en fortoir via feuillage couti- tous les feruices .Les deux filles effoientfrrynies de trois damoylellcs. La Pro-
nued'vaepartal :aurne .VnpeuPluslaaultquelarnoytic,contrechacunde ces micro terroirvue eguyere d'ogfautre via baffm de meftne,& la tierce vue fou"
pilliers,y ancre la telled'vn petit Ange entre deux aelles,oupan dolent des fa- aille de foie blancheexquifennent fibule & deliee.La Royne latta en celle fort
lions oufzifièsuxdeverdure, dintinuans ferles extrenutez,au bout d'iceux raine: & la damoyfclle qui portait le bafhn,reccut peau, afin quelle ne 1 atour-
pillicrs lyez de cordos ou de treffes,le tant tai& de fin or bruny.Le tour choie nafl . mais celle qui sinonfeguyere,y en remitautant d'autre de fentenrs,com-
via rage& ou faillie en forure de crampons,pour enfermer la table ronde que me il en allait foity.puis la tierce tendit la fouaille pour cntycr Ics mains. Le
Ion mectoit deffus,laquellc eftoit châgee a clnactm metz auffibien quele linge recepaoer de cellefontaine eftoit polie fur quatre petites roues, par lefquelles
le
& la vauffellennais le trcpier tic bougeait on la fanait ioulerfurtoutes les tables pour ternira chactm . Le rnylieu alloue
culvia petit plus cloué, fila a goderons de bonne grace.Iebord enri-
Rientoftaprxs fut apparue la table chy depicrresprecieufes,& belles fculptures .
de la Royne, pareillement ronde, &
laiftede fin or,coruenant trois piedz Lepillier elloitcorail dedeux va-
en largeur,& via bô poulce de groflèur. fils mis Pria fur l'autre, drffercns cri ficela,
de celtefanue & moire efIoiét toutes uoinftz & affemblez par deux antes . Au
les autres ou nous mengeames, mais la bout de la peintre du couuercle du der-
mancie eftoie d'yuairc, & les trelleaux nier vile, laquelle finlffoit en vile fleur,
Joint Ebene.Sur chacune pucelles foc y auoir via gros Diamant faitr en poyre,
ellenduevne nappe de foie verde,ar-
le greffe fiché en la fleur,de grâdeuriuac-
ntoyfine,pendâttout a l'entouritr(ques couflumee,deprisnullement effmable,
a via pied pres de terre, bordel d'vue & reluylant a gran .s nnerueilles .L'eau,fe-
broderie faifle criarabccque,enruchie de
Ionle jugement de mon nez,fur faiâe de
pierrericde[alargeur dedeuxpcoIres , rofes,cCcorcesdelymons,ambre gris, &
& audeffoubz vol frâge de fide la foie
beniouyn,deuement proportionnez,ré-
mefme,retors & ruelle aile filetz il'or& dantvue odeur trefiùaue.
d'argentainfifurent toutes les nappes.
Puis vint Vue belle damoyfclle portât v- Aumylieu de laplacafutmisvn vole de perfum,non feulement exquis
ne corbeille d'or, côblee de toutes fleurs
pour fa riche initiera qui elloit d'or purifié,mais en efpecial pour fa belleintsé-
odordtes comme au primtemps,qu'elle Cema furtoutes lestables,fors fur celle tion,& le gentil carnagedont pouurier fauoit decoré . C'eftoit vne bafe trian-
de la Royne,ou n'en fut pointmis. Quâd toucfut preft,la Roynele defpouilla gulaire fouflennepar troispiedz d Harpyes, finiffans deuers le laault en feuil-
détour manteau royal,& demoera en viacor(et de veloux cramoyC ,figuré a lage,qui fembraffoiét fvn l'autre. Surles trois coings y auoitn'ois pcritz An,
petites befles,tantoyfillonsquâutrcs eipeces,aucc fleurs & feuilles eleuces gesde la Imulteur chacun de deux coudees:dcquilespoineles desaelles le ve-
en broderie proprement agencée de perles, & pardeffits via cre(pe quelque noict mincira & affembler en vn,tous trois plantez d'vne mefnre marcheyaians
peufadranné,rantCubtil & delié, que Ion pouott fuilement voir atraucrs le le pied droit ferme & plat furla baie, & le gauche via peu foubzlcué, & quafi
Cugr-
veloux cramoyfi, la broderie, &tout [acouRrenaenyqui citait (certes) côme en repos,pource qu ïl ne tonclroitla bafe que de fextremité des arteilz,
lier,ricltc,excellét & imperial . Aptesque la Royale fut afflze, deux belles jeu-
ces matin eeluins telement difpofez, quela iambe ferme de l'vn , allait contre
nes
LIVRE PREMIER DE P0 L1PI-IILE. 37
parderriereiufgnesademypied deterre, Encelle maniere efloient ferme & aptes la lai ffme : qui Cembla choie bien ri ouuelle & merueilleuCe, au moins a
apportée tous les vaiffeaux tant du boire que du menger. le croy (veritable- moy,quin'auoieaccouftumëdevoir telz mylle:'es :donttant plus profonde-
nrent)quelesdieux auoierntfaiftvendengerauxchamps Elyfeesle vin dont nrcnt télés conGdercie,plus me trouuoie ignorant & efbahy .Touteffois
Ion nousabreuna :cariln'efipoIIiblequelaterrehabitableproduifeliqueur fi ïauoie grand plaifrr de voir fi triomphante & prodigue defpenfe,tele que les
precieufe.Nousenbeumesanoftre gré .Puisles nappes leuees,tout rnconri . hban quetz deSicile,les orneme`s Attaliques,les vafes Corinthiens, ny les deli-
tient en fut apporté d'autres de foie gnfe,les damoyfelles feruantes veflues de cesdeCypre,nefloientrien eno5parailon . Ce grand plaifir&contentemét
femblableparnm,qui e(pandirenr pardeflits des Rofes de damas, blandtes, (certes) m éfloit aucun emét rédu imperfeét,
vermeilles,& incarnattes,nous apportant pour chacun lis: tranches de Chap- a l'occafion d'une des da moyfelles,qui a Ion
pon gras , confiaes en une Caulce fan&e de fa graiflè, eaurofe faffrannee, vu reng m'auoit feruy a cable,refséblât du tout
petit de raz d'orenge,luec fix tranches de pain blanc . Puis nous mirent aude- en tout a Polia,de cbtenâce,de regard,& fa-
uant une autre faulce de raz de lyuab,adoulcy de fuccre,le foie du chapp5 pilé cou de faire.Cela(croyez)efloit diminution
avec pignons,& deflretnpé en eaurofe,mufq,& canelle.La table de la Royne de mon aife, & de la do ulceur des viandes
& la varffelle furét de Topace en ce troifretne feruice : & la table leuee, la qua- fauoreufes dont iauoieeflé refeaionné :
niemefut incontinent miCe apoint,couuerte d'un beau faim iaulne,duquel les parquoy retiroie diccrctement mes yeux
da moyfelles feruantes furent habille es en belle mode : & de plaine armée fe- occupez acotempler rantdepienerie pre-
anerent des fleurs de Muguet. puis chacun de noms fur feruy de lepr eftotnacs cieufe,fi grand comble de toutes ticheffes,
de Perd riz,& autant de tranches de pain,plus bléc que lai& ;la fan ]ce d'amen- & tant de fingularitez dechofes : puis les
des pilees,Cucere,amydb,fandalcitrin,mnfq ,&eanrofebienextraifte .LavaiC . appliquay a regarder la damoyfelle,fore ef-
felle &table délai Royne cfloiét alors de Clrryfolithe.ll nous finpour la fecô- memeilléde ccllereffèmblance,auec con-
defois dbnéaboire dupremier bruuage. La cinquieme nappe fut de foie ver- formité défigure et maimien,telement que
meille cramoyfre,& tel l'habit des damoyfelles ferunntes :les fleurs de violiers ma VCne y eftoit fi auant fichée, & (pour
iaulnes,blancz,& violetz.On nous donna pour metz chacun huift morfeaux mieux dire)obftinec, que ie ne l'en pouoie
d'aelle de FaiGzn,& autant de tranches de pain. La faulce de moyeux d'aufz ofler.
fraiz,pignons,eaud'oréges,iuz degrenades,fuccrc,& canelle .La vaifelle & la Les tables furent leuees, & emportees :
table de la Royneefloiétd'Efmeraudeorientale. Ceferuiceleué,Futmifevne puis crime feu ligne que ie ne bougeai%
autrenappe de foye violette, comme l'habillement des damoyfelles feruan- de mon lien,pource que don deuoit appor-
tes,couuerte de fleurs de Genfemi . Noftre menger fut de poiârine de Pan en ter les cfpices .
faulce verde,faiftedePiffachespilez,fuccre,amydon,mufq,tlrim,ferpolet, Bien toit aptes cinq Damoyfelles vin-
mariolayne,oxeille, & falemonde . Au feptieme & dernier changement el- client deuant la Royne, veflues de foye
les apporrerent deuât la Royne vnefumpttteufe table d'luoyre, deflus laquel- bleue, entremeflee de fil d'or.Celle du my-
le efloitrapportee une autre de boys d'Aloes,toute grauee de feuillages,fieurs, lieu tenon vu arbrilléau de Coral, auant
vafes,petitzmonftres,&oyfelletz :le vuyde emply d'vnefine paffede mnfil une coudée de hault, fiché dedans une pe-
&ambre.C'eftuitvuchefd'¢uuremagnifique,odorant,&exquis avoir . Les tite montagne d'ECmeraudes,affifefurl'ou-
nappes & feruietees,de lin de Caryflo : & lèmblablement les robes & veftemés uertured'vn vafe âtigae de fin or, faift qui-
des damoyfelles : les fleurs, toutes fortes d'crilletz & giroflées foef fleurantes. fi en faconde couppe ou calice, autât bande
Mais qui feront celluy qui pourront comprendre fi grand doulceur de ferveurs cônae le Coral & la mbtagne . Entre le pied
tant diuerfes,&frforment renouuellees?LaviandefutdeDates& Piftaclres & le rond de la couppeyauoitvn grospb-
broiez en eaurofe,auecmufq & forcie deguifédefin or,telernentque les mot- meaud'vn ouvrage exquis le poflible . Le
féaux fembloi& or maffif & nous en fut donné a chacun trois .La vaifèlle elloit refte efloir cizelé en demyboffe,a feuillage
de Iacyntlre,certainement convenable a fr grand'pompe & excellence du bâc- de Scyf es &petite ni ôf ros, Ci naturelemét exprimez,qu'on n'y euft trouvé
quet triomphant & divin . Quand ces nappes fbrétleuees,ort apporta vu beau que redire . Le bord ferrant & enchalfant la montagne, éfloit en richy de pier .
grand baffin d'or,plein de charbons ardâs, fur lefquelz furent reftees rerze,affortie felon les codeurs, & pareillement tout le tour du pied . Aux
tes & nappes, & y demi fi longuement, qu'elles furét toutes embrazees branches de cefl arbrifreau efioiét appliquées des fleurettes en forme de Ro-
en feu :puis on les en retira : & quand elles furent refroidies, reuindrent en leur fes a cinq feuilles,aucnnes de Rubiz,zutres de Dyamans, Saphirs, Iacyntlres,
premiere nature,nettes &entieres,auffl bliclaes que qui les euft tirées du coffre & autres Cemblables .Dedés cinq d icellesfleurettes efloient fichées cinq pom-
apres G
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mes greffes comme Cormes , le tout de la propre coleuç pendantes a en filet L'ouuermre de ce dernier v.t(e cnuironnoit vne ridte montaignc, ou
d'or,cbme fi elles euflènt la creu .Li damoylellc qui le partoit,anoin,a genouil monceau de pierres prccicutes, toutes fans taille ne poliflcment, alfent-
en terre,et fappuioit fur (autre quelle tenoir levé . Ce riche alibi iffeau qui eftoit blees tout en vil cas,& prelfces l'vue contre 1autre,groffentent,fans art,& fans
entre les notes, te monflroit gant y parles brâches de greffes perles,ficltees a jus, ordrc :parquoy la tnùtaigne fenrbloit a(pre & difficilca monter, ntefmc ren-
poineles des rameaux . doit wt brilleinent de cimentes coleurs effranges . Sur la potnfte & Commet d'i-
LafecondedantoyCeilctenoitlevafeaboire,pleind'vile liqueur tropplus celle naiflôir vn pommier de grenade,dom la rige & les branches efloiét d'or,
precieuCe que celleque la Royne Cleopatra donnaiadis auCapitaine Ro- les feuilles d'elmcrauldes, & le fi ma de grandeur comme naturele, I'eCcorce
main . Les autres trois faifoientleur office comme delfuscftdic'7,&cueillirent duquel choir d'or fans brume, & les grains d c Rubiz oriétaux,tous de la grec-
les cinq pommes suce vnefourchette :puisles nous pi cfenterentpetit tnengrr. feur d'vne feue . La membrane ou pellicule qui (epare les grains,effoit d'argent
le ne pente pas(a mon i ugement)qu'ongnes hovune Icntift ny govtaR vian- approprié .
de fi excellente . C'eftoit(cônae je croy)de l A'mbrofie dont les dieux je non'i(- Le gentil ouvrier de ce cliefd'auure l'auoitgarny encertains lieux de
Cent. Alors nous rédifines les pommes d'or pleines de tenteurs,letquellcs n cils grenades fendues & cntr'ouuertcs, les grains de(quelles fembloient neftre
allions tenues en nez mains durant le dicter . encorespemettuzamaturité,&lesauoit compoCeesdegrofièsperlesorienra-
Aptes on nous amena vne wuure miraculeufe, afauoir vne Fontaine fans Ies.Innention certainement tuperbe,& quuG fàitant honte a nature .
fin,d'inuétiott rare & nouvelle, toutesfois faifant mcfnte effeEt que la premie- Datmtttagc il y auoit mis des belullrcs ou fleurs de grenadiers , riillecs de
re,matsd'autre faconplus eftrange .C'efloitvol plinthe quatre tout d'or maf- Corailvermetl :l'ouuctture en forme de calice, dentclec,& pleinedepetitz
ftfcontenant trois pied z en Ion gueuydeux en large ur,& quart e bons poulces filetz dfor traia .puis mont taiel paflèr vu petit pillier audeflùs de l'arbre, fiché
d'e(pois .A chacun des coings y aucun : voie Harpye eflédant Ces celles contre le en formcdepiuot en faillèau dudaariot,& trauerfant par dedans le trou gtti
ventre d'vn vafe qui efloit au mylieu pofe fui le centre du plintlte,lequel effet[ efloit vuyde .
garni y de moulures . La face de denât,& celle de derriere, effritent vit peu cour- Ce pillier tournent incellamment, & fouflenoit vil, vafe de Tcpace, lar-
bes en tient y rond,ainfr que la quarte partie d'vn cercle : & effoient deparites ge par le bas,enuironnc courre le tnyheu par deux [tendes d'or,Caiffes en mou-
en trois,auec moulu tes convenables . Ce plinthe efloit afs fur deux roues .La lures de quatre telles de petirz enfans, aient chacune deux celles, iettans eau
partie du mylieu en la face de deuant,contenoit sri triomphe de Satyres & de parlabouche .
Nymphes,faiff en demyboffe :& en celle de derriere y auoit su facrifice fur Lecolduvafeefloit deux foisautant long que le demeurant du corps,
vil, viel a nel,ntefmes plu tien es figures & pion nages . Les autres deux tiers tant diminuant & montant en poincfe, couvert par deffus d'vn feuillage leu .
du cofté de deuét 9 du derriere Il euers les coings, efloét celui et reuefluz
uerfë,fur lequel efloitpo(é vis autre vafe quafi tond, auiG couvert d'vn beau
des queues d'icelles Harpyes doubles & finiffantes en feuillages , propre-
feuillage .
ment contournez & rapportez de demy taille .La groflèur du sait, eftant
Au forts de ce dernier vafetouchoiét des queues de Dauphins de chacti codé
au mylieu,u'excedoiten rien lalargeurdu plintlte,amsfemonftroitaccom-
ioignàt le graifle du col du vafe. Leurs telles qui eftoiét reneflues de feuillage,
ply detoute proportion &ornement requis &necelfaire,fibien qu'il effrite
pcrfeftdetout ce .qui appartient a vil, vafe antique ., Sa bouche & ouuerm- defccndoient iufques Car les bendes ou ceinftures d'or, entre lesquelles eftoiét
les toiles des pctitz enfans,ploiezquafr en forme d'anfes,dune belle glace,
re poilait fin vit baffm goderonné, plus large de quatre doygtzpar tout le
tour de fa ccrcunference &rondeur, que le diametre du vafe . pource que les teffes des Dauphins elloient courbes & voultces, et les queues
Surlemylieu du badin y auoit lulh vnautre vafe moindre d'vne quar- bafiès & ferrees contre le vafe,qui efloit fai61 par tel artifice, que quand le
te partie que celuy de deffoubz , goderonné deuers le bas , pour vil, tiers chariot te mouuoit, le vaCe & le pillier qui le Couffenoit , tournoient in-
ceffàmment(comme duel eft) luirons eau par deffus le grenadier . le penfay
de Ca haulteur: & ou les goderons finilfoicnt,efloit faible voie ceittfture en for-
nie de plattebende toute garnie de picrrcrie :& audeffus la tcfte d'vn monfire que cela prouenoit par vne roue du chariot qui en failbit tourner vne au-
decltacuncoftédelabouche,duqueltortoitvnfeuillagecmbrallantle corps tre couchee a plat, & chcuillce,heurtant au bas du pilier , auquel efloit
du vafc,& Ce rencontrant aller le feuillage d'vneautre teee (emblable,enraillce faift vue lanterne .
de l'autre part : & enlieud'anfes auoitdeux boucles rondes en forme d'an- Les roues du chariot effoient a demy conneries, & iniques au moyeu,
neaux,oup endoientdesfeftonsdeverdure,compofezdefleurs,fruiftz,fettil- enforntededeuxaelles eftendues,defin or,cizclé en peritz monftres cent .
les,et brâchettes,de maintes manicles diuerfes .Entre ces deux boucles au droit nteScylles,nlafques,&fcuillage . Ainfifinmeneeceftefontaine partou-
mylieu de chacun des coflez efloit ci zelé vn vifage de vieillsrd,le menton du- tes les tables,et y bina mes nez mains et noftrevifage,d'vne eau fi il esfort ode
quel Ce conuertiffoit aull en feuill .rgc,& rendent eau par la bouche, tombante :ante,gtiongtteshômeneCenteicplusgranddoutceur . Puis les damoyCelles
dedans le baffm. G ij
L'ouuertttre
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE. 39
ferrantes prefentercnra la Roync allé grâd'taire d'or, qu'elle peint en faltiant
la compa^nie,& faifunt ligne de boire a nous, dont la temerciafmes par telle- Poliplhile racompte le beau bal
-tracts gracieufes,& la plegcafnles peine clicner le couuy folcntrel . QVI FVT FAICT APRES LE GRAND BANCQVET, ET
tammela Roynetammaxda a deux dits damoyflles,quélles luyfe~xt ucoir
pluramplemenrtoutl'efatdefnpalais : auficotnneeilfutpar elle in-
frulFlfur anciens doubtes qu'il auait:puis meneaux troupe ,-
tes efluellcs il entra,c demeura en telle du mylieu
auecles daxoyfIlesamou-
reufs .

Eles & fi grandes efloient les pompes, ri chaires,


triuniplies,tlirefors,& délices du Palais de cette
noble Reyne,& fou arroy tant fnmptueux, que
Ion Latte doibt efmerueilleri le ne fay peu ny
fceu diflinftenaent & perféflement efcri re :cir ie
tic pente point qu'il y ait an monde fi bon effara,
ny langue tant diferte, prompte, & bien empar-
frtisfaire a cela : tant feu fault que
e Coye CaffiC
i'en .int,attendLi mefinement que mon
coeurliefloitoccupé en autres chofesqua peu-
fer a madame Polia,oultre que ie tien pour certain que tout entendenlentlm-
nrain(quelque excellent qu'on puiffe élire) tutelle troublé & confuz entre
tan r de merveilles impoflifiles a croire,& plus difficiles a te citer . Et encc res
qu'en ma fantafie n'y eu fl eu autre peuféru ent au imagination que celle là, fi
efloit ce allez pont opprimer & 0fftuque r tons nies fers. Mais ,tri ett cellny
qui pourrai it,ie ne dy pas reciter, ains feulement remémorer tons les riches
atouts & perfeftes baierez des damoyfelles? la grand prudence, beau parler
& tai ge.auet le Icus,fauoiq& libéralité de la Royne?PexquiCe difpofitib d'A r
1111teciure,lalatoportionconuenable de fedifice,l'escalier,ce des peinftutes
& ta pillèries de foie,& de fil d'or, la richeflè de la vaifrelle,le nbpareil ouvra-
', des fculpmras, & la multitude infinie des pierres precieufes?Certainement
i1111, fèmb[oit que toutes celles du monde y feu frein affenil lces . Les cru curés

des daâhtes,talles,galléries,câbinetz,gaxderobbes,cuyhnes,baingz, efluues,


& balles cours,efloient fi fumptueux & bien appropricz,qu'cn tout le tuyau-
nie de Fierté rien fut aimais vert de femblables . L'inuention & enn eprif é de
Finablemear les fleurs qui alitaient eflé refpandues,furent amanites & por- ce manoir efloit sine choie incroyable : car il efloit fa accordant & cou-
te es hors,de forte que le pané demeura net & luy(ant côme la glace d'vn mi, formé en toutes Ces parties, qu'il n'y aimait rien a redire . Mais entre les ou-
urages plus excelleras , y aurait vis plancher Paiâ a Comparrinrens tenez,
roereryllallin,faifantal'enuyaueclapierrerie .Cliacun de nous demoura en
la place ou il efloit affis au difner : & la Royne ordonna vis bal ou dâfe,qui fut quartez,ottnlcs,rriaugles,hexagones,&autresformes toutes d'aile gran-
fatft cri faprefence,ainfi qu'il fera diCt cy aptes. dcur,Ceparez par vue bende ctt liziarc bcrdeedes deux moulures ou en -
iredcux certaine de boutons de rofes enfilez, les coings des Compatit-
Polipllile
mens einbrairez de fueilles d'Acanthe,auvemenrdi6te 13ranque vrfine :le
dedans emply de feuillage Arabefque en clen,ybofre . Le relietefloit doré,
le fous d'azurd'Acre, fi bemque lois le pourrait dire fin gulier,& nô pareil.
G iij
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le laiffe a vous compter des beaux vergers,iai dins,prez,fauffoies,fbntaines,& efloitlcurRoy,nyprcndredefront,nuisfculementen trauers,parles lignes
rnyffeaux,encloz & courons entre les titres de marbre blanc, bordez de fleurs diagonales . Le fol & le Cheualier tout en vit e cadencepaffoient hardyment
toufrours verdoiantes,norries de doux verts cri temps fercin, foitbz vit ciel te- trois quan-ez,le Fol $ ligne diagonale,& le Cheualier par deux quartez en li-
pet é,en contrée pludanee & faine,bruiarttc du chant des oyfeaux, abondante gne dioifte,& vit de traîner s,ou a cofté,tât a dextre comme a Ceneffre, Les Ca -
en tous biens terreflres,& les totaux couuers d'arbres fi proprement arrégez, pitaines des places fortes pouoiét faulterplufieurs quaireaux en droifte ligne
qu'il fembloit il don les colt plantez a la ligne,& tout expres mis en ce ponta le long du paué,ouentrauersparles diainetres,Cilz ûefloient empefchez de
pour donner plaifiraux regard âs . Qcent al'opuléce,grandefaniille,& foin- rettcontre,liafiant leurs pas,& gardant la niefure .Lc Roy fe potion mettre fur
peux ferrite de la Royne,a la multitude incompreltenlil,le de la ieunefle qui tel quarté que bon luy fembloit, pou mer qu'il ne feint empefché ou occupé
la effoit cri fleur d'aage,aux pucelles gentilles & gracicu fcs, ie n'en fauroie dire il vu autre: & auoidiberté deprendre,niais il luy effoit défendu de fe mettre
autre diode fors que te m'en trouuay efinerneillé,de forte que te ne péfoie plus fur vit quarté ou quelque autre de fcs contraires peufi tumulmeufement arri-
eftre nioyniefme,aiant perdu Ia congnoiffance du lieu ou ï efloie arrivé. Bien uer :& Cil aduenoit qu'il Cy fuft mis, il effoit contrain& Cerf Icucr,apres aooir
fentois ie vit trefgrand plaifrr :mais ic ne me pouoie affouuir de regardeget pé- eflé foinmé de ce faire . La Royne pouoit aller fur tous les quarreaux de Ia co-
foieinceffammétcbmenc&parqueleadueumreiéftoieentrc leans :toutesfois leur de celuy furlequel prentierenaent elle attoit pris Cplace : mais il effoit
me voiàt en lieu de félicité & béatitude, entre toutes les gloires du utôde, par- bô que toufrours fuyuifl don mary . A chacune des fois qu'n Soldat de l'vit des
my tant de doulces créatures pleines de beauté plus qu'humaine, affeuré des Roys,en trouuoit vit de l'autre fans garde,il le faifoit fort prifonnier : & aptes
courtouesparolles dela Royne, quim'auoittant humainement recueilly, & qtiilzf'eftoiententrebaifez,celluyquiefloitpris & vaincu, feu alloit dehors
promis Con aide & faneur cola icyffance de mes amours :ie me refolu de ren- dclatroupe. Entellemanierelestrentedeuxdamoyfellesfirétvnebelledâ-
dre graces a ma bonne fbrtune,qui niauoit fi bien adreffé,toufieurs recors de fe,ballant a la mefurc du fort des inftrtunens,tant que la viftoire dentoura ait
tout ce qui m'efloiraduenuiufquesacefleheurela. Lebancquetprodigue Roy d'argent :donc furent faiftes grandes exclamations, & plaidantes ci-
aclaeué,ta Royne voulut(po(irplus grandeoflentation) monftrer combien el- fées. Ceflefefte dura en affaultz & fecours,vne bonne heure ou enuyron,
le excedoit tout l'vniuerfel monde en liautteffe &magnificence. Parquoy cftâc par concoutnetnens, reuerences , & paufes, ft ti esbien mefurees, qu'ire feu-
encores chacun aff s en ton lieu, elle ordonna vit paffetemps non feulement lenoteoucadécen'yfutperdue. Finylepremier bal, chacune desdanioyCel-
digne d'effre rcgardé,ains renom nié a tout iamais .Ce fut vit bal ou vite danfe les retourna en fort lieu ordonné,& recommenccrét pour la féconde fois, tout
enlamanierequifenfitit. Parla porte des courtinesentreréttrentedeuxd .r- ainfi qu'elles auoiét faift a Iapremicre .Mais celles qui fonnoiét des inflrumés,
moyfelles,dontlesfeizeefloientvefluesdediapd'or,afauoirhuia d'vuc pa- battirent vit petit les tenapz de leurs notes,fuymant Icfquelz, le pis & le clarifia
rure,l'vneenhabit deRoy,fautredeRoyne,deuxcapitaines deplaces fortes, des damoyfelles ballantes effoit d'autant plus auancé,toutetfois gardantla
deux chevaliers,& deux folz,et le relie en femmes de guerre. Puis en entra au cadence,patvn art accompagné de geftes tant conuenables,quil eff impoffible
tres feizeveflues de fin drap d'argét,tontesfois acouftrees de la mefmc facô des de le bien recitentant elles y eltoient expertes . Aucunes auoiét les treffes pen-
pcemieres :lefgne]lesfeparees cri deux band es,femicent felon leurs qua] irez & dantes & étrillées fur leurs efpaules, les autres reieftées cri derciere, félon leur
offices, fur les quarreaux de la cotuc,faiftz cri forme d'ECchiquier(comnie dift promptitude & mouvement, & en leurs tefles chappeaux de fleurs, qui leur
eft)les Ceized'or d'vuepart en deux ranges,& celles d'argent a Ï oppofice en donnoyentvuegracefortplaifantearegarder . uandl'vneefloitprifedcCa
pareil ordre . Ce faiâ,trois danaoyfellesmuficiennes commencerenta Conner pagne aduerCe, routes les autres leuoient les bras,& fe batroient les paulmes . Le
de trois inflrumés d'edrége facon,accordez cri doulce harmonie, aux métrites Royd :irgcnceutencoreslaviftoiredecebalfecôd : mais alatierce fois qu'el-
&cadences defquelz les damoyfelles du bal Ce mouuoient ainfi que leur Roy les furent rentrées & miles d'ordre en leurs premieres places, les mufrciennes
commandent : & en luy faifant reuerence, & a la Royne pareillement, mat- haflerent encores plus promptement la mefure :parquoy le Roy d'or fit partit
choient furvuautre quarreauenbrauetéinefumable . Quéddonc iceulxin- la damoyfclle qui efloit deuât IaRoyne,& marcher fur le troifieme quai reau
ftnimens eurent commencé a foncer, le Roy d'argent comnaâda a la damey- endroifteligne . La ledreTaincontmétvuebataille outournoy,figaillard &
fellequiefloitdeuantlaRoynefa compagne, quelle femeift audeuantde la tir chault,quil excedoit tous autrespaffetéps : car vous les entriez auctmeflbis
damoyfclle d'or qui Céffoitauancec .Lors fàifant icticréce a don Roy,elle mar- vcu incliner iL,Cqucs a terre,puis viflemét fairevn fault en traners,tât dextrentét
cha alencontredefaparricaduerfe:&ainfrellestouteschangeoiécdelieu :cri &par fi grande adreflè,que Mymphurius le voltigeur n'en approcha ongnés,
demeurant fur vit quarré,touftou rs danfoient au fort des inflrumens, iufques nôobftant qu'il feift deux tours en lair,l'vn tout au côtrait'e de l'autre, puis fans
a ce qu'elles feuffent prifes & mites liors,en la prefence de Icur Roy . Et fi le intervalle mettât le pied droiEt cri la terre,tournoir deux fois deffns la pom$e,
fort harmonieux contenoit vit temps mutcal,les lama pareilles veflues d'vue & autant fur le gauche a l'oppof[te cri vit incline temps, & fans aucune partie.
fortc,mettoient autant a le tranfporter d'vn quarreau al 'attire :& ne leur unoit Certainement ces damoyfelles le manyoient d'vue tant bonne contenance,&
permis de reculler,fr elles nauoientpaffage rumeur pour fardier furla partie ou par fi gétil ordre,fans empefcher l'vne fautre,que cela fembloit chofe plus di-
client G lui
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . 41
uinequetérrel[re. uandvneeiloicpri(e&faihc,ellebaifoit ccllequilapre ; porte 8, les feneflres de fa maifon Cont a toutes heures fernaees, & ne content
noir,puisfedeparto¢deladanfe. Etdetantqu'il en redoit moindre nombre, cartonne manicle que les h6ni es la côgnoifferit.Audi ri eh il loyGble ny per-
d'autant plus le porteur seoir vue affection follicitce de furprendre et deccuorr mis aux yeux coreorelz de regarder chofe tant fouueraine . V oyla pourquoy
l'vne l'autrc,cliacune gardant ton ordre, tract la cadence : non fiait atir que les le forces de tes eflebiz elle toutes heures incertain . Elle te mue & transfigure
inf[rumens prcJàflèntlcurs nottes beaucoup plus que du contente inont, enplufieursfoinies bien eftranges :puis vienta le manifefler lors que point
in citans &quafi contraignans les fpeaztcurs a femblables geftes & aacs,pour on ne la defire, & quand Ion y" pente I e moins. A fouuert ire de chacune des
la conformité qui eh entre racaille aine &l'Iurmorue rnnffcale :Choie quiaie trois portes elle fe viendra patienter douant toy,corrosiois tu ne la pourras
fit froncera du nnrficien Tiniothee, lequel par la force de tes accordz fouirai- cognoif[re,frnonparcomectire,quilapreuoit & confrdereincontinét,quoy
gnailes gens de guerre du grand Roy Alexandre de prendre les amies, &fe quelle change a tous cotipz de viLgc & d'Imbit,pour rendre fa congnoiffance
figer en bataille :puis flecluflànt de voix & ton,les rarnodera,& toit retourner doubteufe .Celle double & incertitude fait fourventesfois demeurer l'hom-
cri leurs tentes. Le Roy d "or emporta ]tiennent de cette efcarrnouche dernie- meGms arnendement,eflant deccu par efperance.Ces deux miennes damoy-
re:laquelle finie, cri nie frit louer de mon fiege : & adora ni oslinay deuinc felles donc a qui 1e te cotrfrgne,recommande,& baille en charge,tenfeigneroc
le throne dela Roy" ne,auecvnebaffe reucréce,mettât les deux genoux cri fer- en laquelle des portes tu te devras arreler, & te pourras en vertu de l'anneau
re . uryvoiét,illuyplcuunedire,Ilelttéps(Poliplüle)quemmcaescnou- yteledonne,gouuernerparcelle desdeux que honte Comblera . Cedid,elle
bl y les toaunes par toy paflècs,les fantafies que tir as prdes, & Ics perdz tref- leur feu ligne qu'elles fapprochaffét de moy. Alors par Belles &par aftes(n'e-
dangereSx dont tues ores efcliappé:car ie fuis certaine que tu es cntierement fiant cri tua puifhuice,liardyeffe,ny fauoir,de parler)ie li renietciay treshum-
relance & reintegré en tes forces : pourtant faut delibcres pourfuiure la quehc blenientdetoutesfesgraces &bienfarflz, Adoncmesdenxcompagnesme
cri
amoureufe de ta mieux ayrnee Polia,mon afflux que pou r la trouuer tir ait- prindrent familiereuret chacune par vue niain:puis auec le côgé de la Royne,
les aux trois portes ou habite la Royne Telofrc. Sur chacune d'icelles tu trou-
F. & femblablemenr de toutes les danies,nous fortunes hors de la fractale porte
nerfsfonvrayfiltre&enleigne,quetulyrasfongnetddementEtpourtynae- par laquelle ïoffoie ont[ é .Ie me retournoie a chacun pas,comme celuy quine
ner&conduireietebailleray deux de mes damoyftllesleCguelles(pourefire fe potion affouuir de venir ce logis trininpliant,fi fumptueux qu'il cil impoffi-
congnoiffances du piys)t'y guyderont a ferrite, fans te faillir de compagnie. ble de croire que ce feuil bafiiniét de mains d'libmes,mais que nature l'aura
Etpourrâtvacilla bônelierre. Cela di&,elle tirade Condoigt vnbclanncau fat& pour offentation & inoufire d'vn excellent cliefd'muure de ton artifice
d'or,dedans lequel efloit enchafCee vue pierre nomnice Ancliite, qu'elle fine remply de beauté,glace,richeffe,fcureté,beatitude,felicite, & duree perpetue-
donna,proferantcesparolles :Prenceffebagueque ietedotme,& la porte en Ie.Parquoy re me feuffe volûtiers arrelic' encarts vit bien pegmais il me con-
fouuenâcedemaliberalitécnuerstoy . Par ces larcins tant gracie ufes,acconi- uenoit fil yure mes gaydes . En pafrant d6 fines mon ch emin,ie ferra y ma verve
pagrrecs de la valeur de ce pr'ecieux don, le fis telement furpris de honte, que entrauers,& vey clcripr cri la frize deffus la porte vue misa iption difant mafia
le ne la fceu mercyer,ny feulement répondre vu mo adont elle fappercetic cf-
fez,mais par fa honte alamrcle diffi roula fa connnoiffance, & Ce tourna fictions
o rit z etzgaz oesos .
deux belles pucelles prochaines defa marefié, aulquellex parlant,p ;rv expies a
z°s sp., celle qui choir a fa dextrc,fuy chu ouiftique,tnferas vue de celles rlui cé duy-
~T
zs feznoflrehouePoliphile.puisa]autrecitantaCenefhe:EttoyTlrelemie,m Ce a dire,La ricicje de nature.
irasfeniblablenientauecluy.Monfrezlnycriqueleporteildeuraentrer.Et
Audepartirierecouruaueclesyeuxtoutcepourlaispourleretenirenme-
acteur nie dit:Elles te nieneront a vue autre grande Roync,a laquelle te faire
moire,difintapar moy :0 bien heureux celuy qui pourvoit obtenir lettre de
necell'airementprefenter :&fielle teftfauontble,tu feras lieureuxa toufiaurs .
mais fi elle fait autrement, il t'aduiendra tour le contraire . Lent ne la peulr C6- bourgeoifre pour y habiter perpemellement. rand nousfumes venuza la
grisaille ny comprendre par fort vifage:car il efi rouable, & Cubieâ a changer, cloflure d'Orégiers,Logiflique me diuPohPlaile,tu as vert des clrofes fingulie-
maintenant doux,tantolt rigoureux, fondait pladam, & puis terrible . C'eh res,maisilyenaennuiesquatrelionmomdles que les precedentes,lefquelles
celle qui termine & aeh eae toutes ch ofe,,& pourtant cri dicte Telolie, qui ne il tefauldraveoir .Adoncelle memena aucollé gauclieduPalais,envnbeau
demeuraenmailonliluniptueufequela mienne : car te veui1 bien ducat ta- verger contenant en circuit autant comme tout le logis ou la Royne faiCoit fa
claes, gtrc le tu ut limitant crcateu r de ce naôde,ne te pourvoit donner plus gréd refidence . A l'entour duquel tout au long des murailles, y allait des parquetz
dure foyque te diriger en ana patience . Ce n'efi pas peu que d'acqfleur ans gra- de iardinages en forme de celles, dedans lcfquclles efioient plantez des Puys,
ce,& participer a nies bien s . Il ai eR aller c deffcabz le ciel, qui four comparable &des Cypres entrerneflez,afauoir entre deux Buys vu Cypres, les troncz &
a calluy qu on abrita t par moy . C'eft vue richelè diurne oftroice aux air0rial z les branches de fin or,mais le feuillage citait de verre fi proprement côtrefaia
bicnlrenreax . Mais ma bonne Cent Telofre habite eu lieu trouble & caché .-La que loir l'euftprins pour nain rel .Les Buys montaient en toupeaux rondz d'vn
porte pas de haute, &les Cypres enpoincte,doublâs celle mefurell y aurait des lier-
LIVRE PREMIER DE
P0 L1PH1LE. 4;
& font venu z ala pi eniiere touret [c ' ilz tiennent vn grand nombre de pucelles
clpouentable furl'entrer de La cour du cétre,qui ettgrauee en lettres Attiques,
quileur demandéra venir leurs nielles,carelles font expertes acognoilli e leur C'eladire,
dltant . OEaN ASCOE Gc£AArH7or.
propriété : & aptes lesavoirveues,recoitmnt & acceptent pour hotte celuyqui
a la nielle accordante & convenable a leur nature: & l'embraffent, fuiuent,& Le loup des dieux,qui eff,~nspitié.
accompagnée parles auaesreuolutionsenrituelles vacations&exercices, Ce-
Ion leur inclination. Ainfi vont iufques a la féconde tourelle,& lors tellurien-
cent a reearderce beau lieu :puisnaviguent deuers la tierce,voulans bien enté-
dreque c'ell,acaufegn'ilz y prennent plaafar.En ce lieu qui vouldra perCeuerer
avec fapremiere compagne, elle lamais ne l'abandonne : mais pource que la
tien treune de beaucoup plus belles, plufieurs répudient les premieres,& les
delaiffentpour ('accointer de celles cy . Et efta fauoirque de la féconde tourel-
leiuCques a la tierce, ilz treuuent vit peu l'eau contraire, tant qu'il eft befoirag
devoguei .Etdelatierceala quateieme encores plus forte, & plus malaifee,
combien gden paflànt ilzy voiét diuers plaiftrs variables & inconflds.Lors ar-
rireza la quatrieme tour, dis folie octroispar autres Damoyfelles lutteufes, &
duiftes au meflier de la guerre,qui efpiounent &examinent leurs juchés, &
rirent a leur vacation ou exercice ceux qu'elles y congnoilrentidoines, laiffant
palper les autres qui nont point de conformité allée leur complexion .En ce
paffage l'eau eft rude,& grandement refifléte aux bateaux:parquoy font con-
rrainftzdevoguera toute force. Lacinquiemetourelle,quadilzyfont p etite
nuz,leur femble fort recreatiue : car ilz y c6templent lybeaute de leur fembla-
ble:& en cepaffetemps ioieux & defiré chemincntpleins de fantafres & occu-
pations Iaborieuies .La elipradiquéle Prouerbe qui dit : Médium trnuere bea-
ti. C'ciladire, Lesbienheureux onttenu lemoien. Encepaffagefeiuge
Alors confideratceluaugracieuxtiltre,fontdo]ésoulnemeCure,&ont vit
le mylicu de mttre cours, aueclequel te marie & contenir la félicité, la richef- merveilleuxregret d'eftreentrez en ce verger efgaré,fubieft a tét de necefritez
fe,oola IciéceaeCquelles fi l'homme n'a lors avec luy,moinsles pourra il acque-
incunables et naallieureufes,combien qu'il femble plein de delices. Surce point
rirenl'aduenir. Aufortirdecette tourelle,I'eaupourraifondelapété dulieu, Logiflique nie dit encores : Saches Po liphile,que désle forts de ce grâd abyfme
commence a dérailler & prendre cours vers le centre final : parquoy ai fc- eIlalftfeviaerudecontrerolleufe,laeluelleiugeceuxquiyentrét,poife &exa-
ment & fans gueres vogueyon eft apporté iufques a la foxieme tourelle,en la- mine fcrupuleufement & a lutte balance toutes leurs aEhons par Iciquelles ilz
quelle demeurer certainesbelles matrones comme femmes vcuues,de regard
doutent receuoirmalonbien felonleur mérite . Etpoil rcequ'il feroitu'op 16g
& maintien chatte & lionnefte,entendantes au ferjuré diumaa deuote conte. ate declarerle tout,tu te contéteras pour cette fois de ce quete t'en ay did.De-
nancedefquelles fait etPrendreleurshottes de leur amour, fi bien,quilz blaf-
fcendons mainrenët a noRre compagne Tlielemie. Quand nous femines re-
ment lespaffees,faifansalléeces demieres vrac alliance ferme & perpenielle crouuee,ellenous deméda la caufe de noftretai demét : & Logiflique refpôdie
pour coudecettedu pairage.Puis ces fax tourellespaffees,Ion nauiguep lesau- II ne fi ffifoitpas atiédie Poliphile de veoirfeulemét ce que ie luy ay monftré,
tres en gros air obCcur alléebeaucoup d'incommodirez, & trente loir le che- mais aétiré beloing que le luy donnaffe a entendre ce que pour la difpofation
minfort coulant & briefpource que d'autantplus fapprochédes voiesdu eu', du lieu il ne potion pet fonnelleniét côceuoii,afin que par mon interprétation,
tre,tant moins ont elles de longueur,& font plus cour tes,&toit pafrees : par- puis que autremét ne lary ettoit pollible,il c6gnenft aucunement la proptiete
quoy n'ontplus quefaire devoguer :carl'eau les emporte afrez d'elle menue, de ce lieu. A ce motThelemie châgea depi opos,ee dit ; Allbsa l'efbata l'autre
&font comme précipitez par vallecsglifrantes dedans labyfme &volage du iardi,quin'eflmoins deledableyceluyqueluyallez mfré .Cejardin eftoit
centre, non fans grande af idion d'efprit, pour la fouuenauce & recordation de (autre cotté du palais,faid de la meline grïdeue &facon 9 celuyde verre,&
des beaux paffetemps & gracieuCes compagnies quilz ontlaideaux lieuxpaf- femblableett la difpolitiondes planclies,fors que lesfleurs,arbres,& herbes de
fez. Et J'aurai plus quilz congnoiiient que plus ne leur cil pollible de retour- celuy,eftoiét de foie,les coleurs appropriées Celô le naturel . Les Buis &les Cy
nerenarriere,nyreuolter.laproedeleur barquette,pourceque les chemins prés arrégez cône les ptecedës,arant les trouez & brâches d'or,& audefroubz
font eftroidz,& les plues deceux qui les ftayuent navigant aptes cux,toucbét pluheua het'besfimples détentes cCpeces,Ci vilement expi iniees,y nature les
fans cefler a leur poupe:pluste redouble cireux leur peine , voient l'efcrimre cuitaduoucespourficnnes :carl'ouuricrleurameaetificiellemérdonne' leurs
e!~ueur,hh
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . qq
odeurs,anecie ne fcay queles compofitions convenables, tout ainfi qu'a celles La châfon finie Logiflique me print par la main, & me mena hors de ce lieu,
de vene .La muraille de ce iardin eftoit faiclc par induftrie finguliere,auec vue
difant, Poliphile ie te vend monftrerdes choies plus deleftables a l'entédemét
defpence incroiable . C'eftoient toutes perles afièmblees,de groflcur &valeur quellesnefontalaverie, côbienpourtant que lvn&l'autrefencôtentét .D u -
egates, pardeffus Iefquelles on auon eflédu vue tige de lyerre,dont les feuilles
rant ce propos,nous entrafmes en en autre iardin Ares de la, fermé de voultes
eftoiencdefoye,lesbranches &lesperitzfiletzrampansdefin or,&lesro- fouflenues fur des pilliers .Ces ventres auoient cinq pas de bonheur depuis le
rynabes ou raifins de fou frulft de pierres precieufes: & tout a l'entour par ega-
plâ iufques a la clef: & trois de large depuis vn pilier iufques a l'autre : le tout
Iediftanceyauoitenla muraille despilliers quarrez,auecleurs chapiteaux,
fâift de briq couverte de lyerre naturel,tât efpois q Ion n 'tuf; fteu venir vin tient
arclritraue,frize & couture du mefme métal, feulement afliz pour ornement .
quarreau de celle brique: & y auoit cet soultes en râdeur,faifant la cloflure du
Les aiz qui feruoiét de plâches, efloiét faiftz en broderie de fil d'or & de foye,
pourprioa chacune voulue vn autel de porphyre,& fur chacû autel vue Nym-
a poin& plat, hifloriez d'amourettes & chaffes,rât curieufement pourtraiftes
phe d'or,differétes en habit & maintiézoutes la face tournée deuers le mylieu
q le pmfem n'eufl fceu mieulx faire . Le parterre citer : couvert de veloux verd
te ffemblât a va beau pré fur le cômencemét du iardi,ou efloit fondé vn piedeflal quatre de pierre Chalcédoine, fur lequel
du moys d'avril . Au mylieu de Ia étant af s vn plinthe rôd de Iafpe vermeil,côtenât en fa haulteur deux piedz,
place y auoit vn berceau,ou tourelle rôde,en forme de treille, clôt les perches
&les oziers e(loiét bié e(tofpees d'or pardeifus, & tout a l'étour eftoiét ploiees & en largeur vu bon pas & demy .Ceplinthe fouflenoit vntribgle de mefme
largeur,faiét d'vue pierre trefnoire :les coings on eteftes de laquelle ne fortoiét
des brâches de rofiers feuriz,couuertes de feuilles verdoiâtes, m eflees dero-
fes blâches et vermeilles,le tout de foie,tât approchâtes du namrel,quon tuf : hors de la circôferéce duplmthe rôd . A chacune des trois faces efloit rappor-
iuge les contrefai&es plus belles que ne font lesvraies. $oubz celle treille auoit vire image de reprefemation diuine,aiât les piedz potez fur le plinthe rôd.
des freges côtinuez felô le rond, faiftz d'vu fin Iafpe vermeil .le bas pane d'vne lvuydc entre deux coings du triâgle qui auon vn pas de hauteur,les images
feule prece rôde de Iafpe iaune,meflé deplufieurs coleurs côfufes,mais rappor etédorét leurs bras deuers les coings via peu obtuz ou moufles,& tenméttrois
tât toutes a vne,tât claire & polie,q ton y scout tout le iardin comme dedâs vn cornes d'abondace,a £endroit des trois angles direâemét côtre le mylieu . Ces
grâd miroer.Nous eptrafmes foubz cefietreille,& nous afltfmes fur les beaux cornes auoiét deux piedz &quatre poulots de lbgueur,& ef oiét liées de rubés
freges pour y repofer .Puis Thelentieprint fa lyre,& faccordâr a favoix,cômé- vollâs fur le fôs & vuyde de la pierre noire .lcelles images figmees en forme de
ca de châter l'origine de ces delices,le fouuerain empire de leur Royne,& fhb Nymphes de fin or, & pareillenaétles cornes d'abôdâce &leurs ligatures . En
tient que Ion pouoit retentir de faccompagner de Logiftique, fi melodieu- chacune face du quatre mis audeffoubz, efloient grenées des lettres Greques,
femér,queue m'e(merueille gdApollo n'y accourut pour l'efcouter,car pour c'eft afanoir en la premietc face trois lettres, enta fecbde vue, en la tierce deux, nyfr<,
lors ie rieffimoie aucune autre chofc, glque chereny defrree qu'elle me feull. & en la quatrieme trois: lefquelles aflemblees faifoient ce mot, ezs n a n r o x, é%".(rt

H il
P0 L1PH1LE. 45
LIVRE PREMIER DE
Au plinthe rond al 'endroit des piedz de chacune des trois images, y ARME Saches chie la premier e pierre cil finalement côgneue de foy mcCnre : & côbié
qtielle foiterapliane ou tranfperenm,i ne nous cil elle totalement claire .
des liieroglyplaes, afauoir Coubz la prenriere vit Soleil,(oubz la féconde vit t y -
Toutefois celluy quia meilleur éprit, monte plus lisait, & confiderc inge-
ilion ougouucrnaildenaant,&foubzlatierce vnvaleplat, plein de fi :imes
nienfenient la coleur dela figureronde :puis cherche plus allant,& paffè
de feu . Sur la faillie d'vu chacun des coings du triangle,pltis bailli: que ]es inm-
iufques a la tierce fignrglaquelle efl de coleur obfdire:& finablement vient
ges,y suait vit mciflre Egypticn,fai& d'or en forme de Sphinge, gifant deffus
a contemplervneautrrfigurea troisfaces : & de la en allant toufiours vont
les quatrepiedz,l'vadcfquelzarionlafacetoutehumaine,fautredenaylui-
laveue& IacognoifTanceen diminuant & defaillantainfi que lapyramide :
nrame & demy befliale,la tierce toute befliale :et aumét toutes trois vire bene
Caution obflât ,clue l'lionime Coitfauant & expert,il n'en pelait éprendre autre
a fentour du front,auec vue autre qui leur couuroit les oreilles,en fécal des pé
chofe filon qui eflmiais quoy ne cômét, cela nepeult entrer en fort écoulait .
dans d'vire mitre,defèédans le long ci u col talqués fur la poi&troc . Elles aumér De ces Cainftesremonfliancesque Legifliqueaietalion, prifesaufecretde
le corps de Ly6nes,& efloient couchées lu r le vétre . 1)dfbs leurs ciclaires re-
nature diurne, l 'eu plus de plailà en mon cueur,que de tout ce que iaume veu
polbitvn yraniided'Ormafrte,&triangulaire,aiantdelongueurcingdia - an patinant: & de faift me prisa contempler l'Obelifque de fi grand ni
metres de on pied,& môrant en poinéle. A chacune de ces faces efoit taillé vn
droid,ferme,et egal,compolé de insulte incorruptible,etemellement per(e-
cercle,& au deffns vrac lettre greque. En la pi emiere vit o,en la féconde vit n,en uerant, alLs an mylieu de cepré,entreplafieurs arbres fruiaiers,de goull tua-
la troifsemevne . LogiCiqucfetournadeuersmoy,&medit :Parcestroisfi- ue,etc'effeâCalutaire,plantezparordie,&profit entent afCiz,en race,baulré,
gures,quarree,rôce,& triâgulaire,côfifte la celefle liai tain nie . Sois aduerty,Po deleftetion,plaifir,& vaine merueilleu(e, voire inceffamment fu bltantez du
cc font hieroglyplies Egyptiés antiques, qui ont ppetuele affinité & foleil, qui ramais ne fine . Aptes que nous Cames la feiourné quelque temps,
lipliile,
q
côiôaiô enCemble,ignrfi:s&difaras,Aladiurne &mfinietrinité,envuefeule mes deux compagnes nie reprindrent parles mains,& me mentirent hors ce
efrence.La figure quatree efl déchue a la diuinité,pource qti elle efl produite pourpris .Lors Tlieleniie me va diref efl téps d'aller aux trois portes q nous
de l' vnité,& en toutes fus parties efl vanille & Ccmblable. La figtu e ronde cil: quel ons .Aquoyétiolement noirs alcalines alavoie parmy cetcbelle côtree,
fans fait &fans commencement, &teleftDieu .Amour le la circonférence & ou l'air effort clair,& le ciel (créât au polfible :niais ce ne fut fans paffer temps
rôdeur font cbtenuz ces trois Iiieroglyplies,la propriete dcCquelz caf attribuée en propoz familiers et delcâables, teleméc que moy defirant falloir & enten-
a nature diuine.LeSoleil parfabelle htmierecree,côferur, &enluminetoates dre pai ticulieremét les grâs richeffes & threfors inelimables de leur Rayée
chofes . Le tymô ou gouvernail fignifie le fige gouuernemét de fvniuerCel par Eleutherdide,leur fey cette demande honnefte :le vous fupply,o pucelles
la fapiéce infinie. Le troificme qui eftvn vafe plein defeu,nous cône a entédre laeureufes,fi mon enquerir ne vous eff importun, dites moy, quelle hiffoire
vueparticipariond'amour &chantequinouseftcommuniquée parla bonté eft taillée dedans le Dyamant lequel pend au claquant de la Royne voflre
diuine .Et côbien que les trois images forent feparees,fi efl ce Crie mutine chute inaiffreffè?car entre toutes les pierres precieufes q i'ay veines en fort palais,cefle
indiuifible,eternellenient côprife en vit,& infepar :tblemét conioinfte,laquelle la meCembletantriche,queielareputehorsdetout e ultime ; &pente guileft
nota départ & cômunique benignemét les graces et (es biés,ainfi que ai peuls
Curai impoffible de L ry affigner pris côuenable,veu qu'il Cil tel que le lafpe de fem-
drépit les cornes d'abondance pofez Cur les coingz du triangle,qui efl percul-Nero ou Ca figure eftoit granee,IeTopace de faRoyne Arfrnoé,d'Ara-
ferme fur ternies coftez :parquoyLinons fgnifiegDieu cilimmuable, & in- bie,& pareillement la pierre pour laquelle le Sénateur Nonius fut envoyé en
olé greq exil, ne furent alignes dignes de lut, eftre comparées. Bien tilt vray que pour
e(criptefoubzlafigure ditfoleil,Anr Hrxroz .foubzcelledutynaô,AArAxa- eftre vit euloing de moy,&a focca-
eizror .cricelledufeu,AAtAFrrNHz.PourLestonsefFecUlestroisanimaux
pi fto a de fâ grande clairte & brillement,
bl..
onteffémizCoubzfobelitqued'or,quieflpotéfürlenrsefdünes,figurantles le ne la peu veoira tri aduler voyla pour
chofes fufdiâcs :car aifi q feffigiehumaine excede et fmpaflè toutes les autres, quoy(Cilvous verront a plaifir) le voul-
la foy et la vraie opinio côcoit & c6pnéd toutes chofes q noirs feniblét incroia- droye bien apprendre qu'il y a.
bles. En la pyramide y a trois faces,a chacune defglie11es eft entaillé vit cercle Adonc Logiftiquecongnoiffaüt yue
on r6deau,figuifians les trois temps,paffe, pi clent, & avenir . Et te fiait falloir mademande eflou fondée fur bon c-
que nulle autre figure ne peule la erfedetnent comprendre Icfdidz trois cercles fird'éprendre, me refpondirSaches Po-
que letriangle.Tudoibzauffi noterqu'il n'cil poflible de vcoir entierernent liphile,qu'en ce beau Dyamân eft entail-
routa vnefois,&d'vne me(ine veine les deux écalez de la pyramide trian- leslafigure dufoutentait lupiter,Coron-
gulaire, mais vit tant ferreraient ,& celluy qui efh devant né), par lequel eft né & alfls au throne de fa maieffé,foubz
entendu le préféra . Doriques non fans caufe y furent entaillées ces lettres lequsi giCent des Geés fouldnotez, pour .
onsi . A mon aduis iltepcuirafeniblei que le fuis trop prolixe & Cuper- m qu'dz (efforcerent de monter au fiege
flue en ce propos, mais certainement l'y fuis plulot brieue & faconde. H iij
Saches
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . fis
de fa clin in a ex cclléce.Il tient en fa main feneflrc vite Sa mine de feu, & cri la An mylieu de ce pont fur les
dextre vnecorne d'abondance remplie de tous biens : &font les deux bras acoudcers ouappuyz, aplob
eftenduz. Tele eut ponr vray la Cnilpnhre contenue en ce ioyau precieux.Adôc de la clef de la grand arche,
icl'interroguayderechef, imveulent donc fignifictcesdeux choies fidiffe " effoit cloué de chacun des co_
rentes,commelefeu,&l'abondance? Lors elle féitcelle reCponfe :Legiand fiez vriquarréde Porphyre
Iupiterimniorcel,par(aprudenceinfinie met[eshommes tenefires au choix auec Ces moulures, fronu(pice,
de prendre celle des deux chofes qui meilleure leur feniblera,&foubz la fran- & tympan,contenât vne Ccul-
che volume d e leur aduis,& libéral arbitre . Sur ce point ie luy i epliquay : Puis pnie de Iüeroglyphes .En tel_
que noftie propos efi utmbé la defüa,& que mon def r d'apprendre ii ell pas luy dit collé droit, y aurai vite
atroces fatis(aid : te vous requicr (pourueu chie ma hai dicflè ne vous ennuie) dameceinftc d'vntorpeur, aC-
que nie vueillez dire que ignifie le monftre en maniera d'Elephant que te vey fiCe feulement d'vneianibe,&
airain: quetrouuerleDiagon :carileftoitfbrmédepierre envnegrandenrex- tenand'autre liaul(ce,en cors.
ceftiue :& comme t e tu entré dans le creux de Con ventre, t'y trovuay deux Ce- ten~ice d°- fe vouloir leucr . De
pulclires auec vire eCcriptuie d'inicipretition difficile, adreliant a quelque la main du cafté de fion fiege
tlirefor,di(ant que te laiffdtè le coi ps,& piiffe la telle. Adôc Logil ique repli- elle tenoit deux telles, & de
qua :lefcaytresbien ce que tu clierdies. Celle nieiueilleufe machine n'a pas fautrestre Tortue .
allé faifte lins taule. Et pour entendre l'intention de l'ouvrier, fouuienne toy En (autre quai te y auoit vit
que deffus le font de la befte peu doit %>n ornement de cuyure franc d'efcriptu- beau cercle,lecette dudl eftoic
rt,laquelleennofirclauguedn : LABEVR ET INDVSTRIE . tenu p deux petit z âges . Adôc
C'eft adire : Qui pretéd arquent richefre,doibt delaifferoifiucté,fignifiee p ce- Logilhque me dit : le fcay bié
fie groffe corpuléce,& prendre la tcf c,qui efi celle cCciiptui c:car en travaillant que tu n'encens point ces hie-
auec induftrie tri trameras le du efor deiré.Par ces parolles te me trouuay fia( roglyphes,toutesfois ilz font
fifammentinff ruid de celle iguificatic mdont ie la uierciay de bien bon erreur.
Et votant qu'elles vfoiét deprirraute fi faniiliere en mon endroit, ie pourfuiuy bié appropriez a ceux qui vont au trais portes : & pour ceft effeft y font miz,
afin qu ïlz en aientmemoirc .Le cercle doriques de ces deux anges veult dire:
auec plus grâce audace a les interroguer,difinr Treffages Nymphes, au for- MEDIVM TENVE-
utile lagiand'cauerneietrouuayvn beau pont de pierre,Curles acoudoers RE BEATI.
duquel d'vn cafté et d'autre y zuoit des hiéroglyphes en deux iableaux,fvn de C'el a dire,
Porpliyrq& l'xutred'Opliitc :lef~lz(iiitficbnieil mtféble)ie interpretayfelô ceuxfontheureux, qui ont tenu
leur fignification,excepte' les rameaux attachez aux cornes d'vue telle de beuf le moien .
car ongues ie ne peu congnoiffre ny fauoir de quelz arbres ilz Conta& auffi te Et l'autre ou eut la f,-mme
délire entendrepourquoyles Ihieroglyplaes ne furent tous taillez en vue meG affile, & demie leuce,tenant
me pierre.A quoy elles me re(ponchrenc L'vn des rameaux efi de Sapin, & en Ces mains les aelles & la
l'antre de Lartce . La nature de ces deux bois eft,que le Lance ne peut brufler :et Tortue:
le Sapin nc ploie ian,zis < uand il eil nais en auurc :voulant figp nifier par cela VELOCITATEM
"a
9uepacienceeftalouer,laquellcnefenflamniepar ire, & nellechicenaduer- SEDENDO,TARDI-
fite.La pierre de Porphyre iieut pas fans myftere,ains a tele proprieté,que fi CI- TATEM SVRCEN-
mile en fournade pour en taire chaux, non feulement elle nepeultcuyre, DO TEMPERA .
mais garde,les autrespierres qui luy (ont prochaines, de f'aniollir au feu . fO- C'ef a dire.
plrite auff efi toufiours froid,& nc fe peult nulleniét efchauffcr. En vérité (Po- Moderelalegieretépart'aecoir,
liphile)ie te prife beaucoup de ce que tu nef ces fauoir, & te rcndz fongueux Qg1a tardiucré par tclcuer.
d'enquerirdeschoies ranidignes&recôniâdables . Ainfideuifantnousper- Le pavé de ce pont eltoit
camesavneriuierebelle&plaifante,bordeedetouteslese(peces d'arbres qui faid vit petit en pente,de for-
ont accouflumé de croifli eau long des eaux:& fur elle efloit bié balty vo pont te qu'il demonltroit aurez le
de pierre a trois vouitures,les piles duquel failloicnt en poinfte,pour eftre plus boniugement& iuduftricde
fermes, &afin de mieux refiler au cours de l'eau. l'arcliicede qui fanait bafty
Aumilieu H iiii
LIVRE PREMIER DE PO LIPHILE . 47
en eternele fertneté,par vn art incongneu aux manouuriers gaffepierres mo- Sur chacune d'icelles efloit efcript fou propre tiltre, en charafteres Arabiques,
dernes,ignorâs les bonnes lettres, & ne Cuyuans ny raifon n y intime, airs Hebrieux,Grecz, et Romains, ainfi que la Royne Eleutherilide m'aucit pre-
couvrant de fard ou vmbrage leurs bafiimens mal ordonnez & difformes . Ce di6l. Sur celle laducolle dextreclient celle parolle,Theodoxia . Surlafene-
pont elioit de marbre blanc,bien conduift,& ouvré le pofible . Et aptes que lire, Cofinodoxia : & fur ceicladu mylieu, Erototrophos . Quand nous br°-d-a
l'eufmes pafië,cheminafmes tout le long d'vue belle plaine a l'vmbre de plu- feumes aupres,lesdamoyfelles mes compagnes frapperentalaporte droiae
freurs arbres fruitiers, en efcomant le chant mélodieux d'vne infinité d'oyfrl qui choit de métal tout verdy de rouilleure: Scelle nous fut incontinent ou-
Ions qui faifoient retentir le pays d'alentour.mais bien toftapres nous arriuaf- verte. A doncfeprefenta devant nous vue dame de grand sage, aime côtenâ-
naes en vit lien pietreux,afpre,& comme tout efgaré, ioignant au pied d'vue ce de veuue,gni foison d'vue petite maiCônerre enfume c,faiâe de claies & de
1laulte roche,ronde & feiche,fans aucune verdure,en laquelle effoient cauees bourbe,parvueportebafre&eftroictçftulaquelleefloitefcriptcetiltre,Py-ryA'
les trois portes,fans aucun art,ny ornement quelconque, mais toutes moyfies Iurania .Elle viuoitencelieu folitairededans aroche futlespierres nues, po-
&vermoulues par antiquité. Lire, palle, maigre, & dclfrree, aiant toufrours les yeux fichez en terre . Son rt""a^, a-
nom eRoit Theude,accôpagnce de f xpncclles a(ièz ponrement vellues :deC-
quelles fvne fappelloir Parthenia : la féconde Euche :la tierce Pinoticha :la
quarte Hypocholinia :lacinquiefmeTapinofe,&IafixiemePtochia . Celle
venez able dame auoit le bras nu, & la main Irrite, monflrant le ciel ou filma- Hypo.r,°r~.u,
ment. Elle denlouroit a l'entrer d'vn chemin fort malay(é, raboteux & diffi- iép-ôf,; r,".
clé apafIfer, empefché d'elpines & de ronces . L'air y efloir tant trouble, &
pluuieux,q le lieu me fembla melicholique, mal plaifent,& réply de triftcffe . c, "

Logiftiquefapptrotte incontinent que ie l'auoie en grande horreut :par-


quoy me diratoute fachee4e oôgnois bien que l'amour de celle femme labre-
rieufen'efl maintenant propre a ton faid . Mais te ne l uy fey point de refpon-
fe,ains priay foudain Thelemie en figne couvert & ferret, que noirs fondrions
de Icans .Quoy entendu elle me tira par la robe,& nous trâfportamcs ailleurs,
Sur chacune Auffi toit que fumes fortiz,l'11uys fut fermé a noz ta] Ions . Parquoy lleurtamce
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE. qs
a la portefeneflre: qui proniptnnent nous fut ouverte:& venira noflre rece- fa (uytte fix Danioyfelles de n6parcille beauté,arournees de tout ce qui efloit ~1n«`
ption vuematrone de regard tu ri eux,tenani vie e(pec fourbie, la poinfte c6- requispomdonnergrâceafexcllécedeleursplônne,Lapremierefappelloitm".af
crcmont,pafièe atrauers viecor6ne parmy laquelle palfoiten rameau de pal- Rhaftone,laCecôdeChortafine,laticrceldone,laquarteTrophile,lacinquie- r.°ren<, écrin
me. Elle zuoit les bras fora & robuftes, le port audacieux,le ventre efroift,la mc Etofic,& la fixicme Adic .
bouche Petitc,lesc(Yaules Yviffontes :&fembloitbien effreaffeuree,nontact-
le a efpouenter d'aucune be(ongne pour haulte ou dangereufe qu'elle fcufl. tét
x s"Gaa<.,. Ce monffroit hardie,& de courage fier.Sonnom efloit Euclia . Elle veint,aufri
Nh<!,v rn-
a" .. ". bienyuelapremiere,accon)pagneedefixdamoylèlles :dontlapremierefap_
pellotrMerimnafie,la feconde Epitede,la tierce Ergafre,la quarte Aneftee, la
tinquiemeStaie,&laderniereThrafie.
eq

La prtfence,la grace,& là beaultéatnaiantedecesfixdauioyfèlles,conten-


terent mes yeux plus que nulles des autres .quoyvolant Logifhquc ma bonne
& loialle wnfeillere,mefnies queielloie la enclin & Cerulenmmadonné aJ'a-
mour de celle dame,piteufemét na'adm6nefla,diCant : Ha Poliphilc,Ia beaulté
de celte cy e4 feinfte, faulfe, & fardec : & fr tu auois veu le derrieie de (es eC
gaules, tu (erois mntrainft de vomir : tu congnoi(trois la trahifon,& fentirnis
viecharonguepuatite oultre mefnre .Tu la verrons fi fort aboniinable, que tu
Ce lieu me fembla merueilleufemét laborieux* Logifiique Pen apperceun en aurois grandhorreur. Certes ces damoy(ellesne demeureront gueres avec
parquoy elle peintla lyre que Thelemie tenoit,et fe peint a chanter doulcemét toy,mais t'abandonneront incontinent,&ferastout efbahy que iu les verras
en ton Dorique, PolipMene te fois grief de tratrailler virilement en ce lieu : e(uanouyrdetaprefence.Lavoluptepaffe, &lalionte demeure, acc6pagnee
car la peinepaffee,lebien&l'honneur endemeurer. Certes Conchanterfurlt de repentante . Croy moy, ce ne fonticy que vaines efperances,& dommage
vehemenr,que ie tù prefque <onuctty a me mettre en celleauanture,nou ob- erdcertain :ioiebien courte,& regret perpeniel,meflé de foufpirs qui impor-
ftant quel'habitation niefemblaft rude,&pleine de trauaux. Mais Thelemie tunent le eefte de la viemiferable . C'eft vie doulceur contrefaié2e, confitte
me ditIors :ll (croit bon (mon amy) que tu vifiradès l'autre po,,e,ani que tar- en amertume dangereufe :la gluz ou te prennent les malheureux : & la fin qui
refter a aucune des trois.a quoy facilemét ie ni accotday. A celte cau(e au plut= c6(nmetont bien. Telles & femblables parolles di(oit ma Logiffique de tueur
tell que nous fumes deliors,le guychet futclos contre nous : parquoyTltele- dolét & corroucé: puis en frécét fa belle face,ietta la lyre c&rc terre,& la tapit
miefrappa en celle dtr mylieu :laquelle on nous munit Coudainenienu & quéd en pluleurspieces.Toutesfois Thelemie qui falfoitpeu de céte de telles renié
nous y fumes entrez,vint a nous vuedame notable nommec Philtronc, pour- ftrâces,ne feuCoucia rit fort peu,ains en fonbzrizt niefeuligne 9 le ne marre-
neued'vnrcgardlafcif&inconflir .Samaniereplanfaine& p , ayem'attiratout
r ffaffeauxpre(chemés de ceftc importune. Iagfe c6gnoifsât ma mauuaife &

du premiercoup a pourfuiure foi amytié :car ie la uouuay finguliereméc bel- puerce inclinaùon,foufpirét de defpit,me tourna le dos, et en courant fe retira .
le,& le lieu de Ca refidenceioly,gaillard,& gracieux. Cefledame auoitauffi a
fa fuytte
LIVRE PREMIER DE
P0 L1PH1LE. 49
Paraine le demouray allé, ma dicte Thelemie, qui aiant guigné la bataille,
me dit en parolles flatteu(es: Poliplule mon amy,voicy le lieu ou tu trouuccts ruflicité, deprauéla fain&eté,emprifonné la liberté, & ami lui cueur de fer:
de briefla choie que plus tu deftres en ce monde,qui ciltienne, & laque] l ci ,- dont ne (e finir efbaltirfi le fil ai s & enflammé,pris & jette en vuetour-
ccilànament ton cueur longe . Adonciallay pre(nppofer que c efloit madame mule de chaleur defmefmec,& noyé en cou uoitife lafaue.
Polia:car en mô cueurnepouoa en¢etautrepenfce : parquoy ie fu grâdement Eflant donc attaind & infeft de celle conta
refiouy . Peudetempsapres Thclemievoyant queiefloierefolu&enferute gieufepeflilence,touten vn mo-
pcopos de refider cola compagnie de ces damoyfelles,ine baifa gracicuCentét ment ces damoyfelles
prenant congé de moy,& Cenretourna dcucrs la Roync. feuanc uyrent,
& me laiffc-
rent Ceul
ainfratourné
comme i'etoie
au mylieu d'vue
grandeplai
ne .

Comme apres que Poliphile eut perdu


DE VEVE LES DAMOYSELLES LASCIVES QVI LE
de/a erent,uintaluyuueNyraphe,la6eaultéQyparure dela
quellefnt icy amplement
defnittee.

N cefle maniereje me trouuay tout feul, las, tra-


uaillé,& en tel eflat,que le ne pouoie bonnement
juge( fi je dornaoje ou non . Toutesfois au bout
d'vn temps je me recongneu,& apperceu que ve-
Lesportes furent fermées aptes elle, & je demouray fenil entre ces 1 elles ritablementtna belle compagnie nimoit aban .
Nymphes :gniméntretindrentfort amoureufement de toutes maniete, donné:& ne peu falloir quand, comment, ny ou
de
plarfrr,telement que l'amour commenta aCe renouuel]er en moy par leurs elle eftoitallee,ainfr quefi en furCault ic me feuffe
doulces paroles,regardz attrayâs,& grédes mignottifes . Leurs ytulx efloiét reueillé d'vu fange. Lors regardanta l'entour de
fi fort aguz,quilz euffent perce vuepoiftrine d'acieyetefmeun6 pas vin moy,ie vey feulement vue belle treille de Genfe-
jeune
hommeftmple&minable comme moy,maislebon vieillard Socrates.Si vue mytoute fentée de les fleurs blanches, qui leu-
d'entrelles colt cité au lieu de Plaryne,elle eufl efchauffé le fruit Xenocrates,& ciment vue odeur fort agreable.Lame retiraya couvert, grandement elbahy
n'eufi eu calife de l'appeller farcede pierre: carelles eftoiét acciiplies déroute enmoyme(medeceflemutation tantfoudame& inopinee,reduifant en ma
perftftion de namre,veftues de riches acooftremens décorez de djuerfes trio- mémoire leschoies grandes & merneilleufes que j'lama vents & onyes, aiant
des. Leurscheueux auoiétcoleurdefild'or,bouffans & crefpelez a l'entour meilleurs ferme ecpetanceespromeffesdelaRoynequimauoitaffleuré que je
du
frdt,perfumez d'vue odeur plus futur que n'efl le mufc,ny l'Ambre trouueroic nia Poliatant defiree. Hélas Polia,diCois ie en foufpjrant. Mes fou-
gris . Au-
cunes lesanim ent liez parderriere de rubens de fil d'or & de Coie,les autres cor- fpirsamoureux retentifroienrdclfoubzcelle verdure; &am t cheminant pas
dez,entort~lez& treffez en trois ou quatre cordons, en maniere de paffe- a pas,commc celuyqui péfe & ne (tait Cilva ou (rl ne bouge, mes e(pritz ne fc
ment. Leur parler efloit treCdoulx,et d'vue fi grâdeel%cace,qu'il eufl fit lu ngué refentireutiuCques aceque je feuffaubout dela treille,qui efloit afez lon-
toute reftflencecontraire&rebelle a l'amour, adoulcy l'amertume, apriuoife gueapaiTer .
I
ruflicité,
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . 50

coup plus long que le corps,tant que la hfiere venait a fleur de terre, ou deux
doigtz Ares,& citait encores ceirâe audellbubz de l'eflomach, pour ferrer ce
rerrouffertentquifetnbloitenleué&bouffant al'entour defort ventre& des
flancs.Le reflepédoit,uCques aux chenilles des piedz,& alloit volletât pour le
mouuemét qu'elle faifoit a cheminer : car il elloit bain d'vn petit vent qui l'ef-
branfloit,le reicâantaucunesfois en arriere,pour faire venir labelle forme &
proportion de Con corps,gu'elle n'eftimoit pas beaucoup:qui me fit foufpecô-
nerque ce n'elloit point choie humaine . Elle auoir les bras longz, les mains
grandes,les doigtz rondz & delicz,les onglesvermeilz & luyfans : ce que Ion
nouoitfacilementcontemplerautrauersdefa chemife detoille claire & floc-
quâteal'endroitoulesbraziorgnentafecpaule.Sarobbeefloitbordéed'vue
frite defil d'or tratâ,enrichiedepierrerie, & enfemblable tour le tour de fa
mâte: a laquelle irrite pendaient en manient, de frâgeplufleurspetitz fers d'or
cône de fleches barbelées . Le veftemét eftoit fendu aux deux collez des han-
ehes,depuis le ltaultiufques a bas, fermé a trois boutons, fanât chacun de fix
ples d'vne greffeur tonte pareille,enfilees en Coyeazuree. Son col efloit lôguet
& droit,reflèmblant Alabjflrc,& fe monffroit tout dehouuen,pource que fa
robbe eftoit efchancree Cur la poiarine,et bordée de la mefme frtze,entrât eta-
tre les mammelles en maniere de tueur. Les mâches de fa chemife efloient vn
peu larges,lyees au poignetz,de deux braceletz d'or, boutônez de deux gref-
Alors regardant ca & la,ie vey de loing vue affembIec de icunes gés, hom- fes perles oriétales. Mais furtout ie regarday Ces teans,fi rebelles,qu ilz ne son
mes &femmesenplufieursbandes,aumylieud'vnecampagnegrâde& fia- laient fouffrir d'effre prefrez du veflemenyains le repoultbient en dchors,for-
rien Ce a memeilles, les vos danfans, les autres pafrans le temps en divers zEfes mant deux petites pomnaes,qui(a grand peine)euffènt peu emplir le creux de
deplaifir.Si roll que te les eu defcouuertz,iem'arreflay,tumbaru en doubte, la main.Sa gorge eftoit plus blanche que la neige,enuironnee d'vn collier plus
afauoir lequel te dcuoic fan c,ou palier outre deuers eux,ou bien attendre,etLie riche que celuy pour lequel la defloyalle Eryplailé enfeigna fan mary Anr-
bouger dela . Adôc comme fefloye en ce penfer, vue belle Nymphe le partit phiaraus .c'efloit vue corde de greffes pierres precieufes niellées de perles , en
delatrouppe,portantvn flambeau aidant en fa main,& princfon chemin la maniere qui fenfuyt . Contre le mylieu de la poiftrine y auoit vn grand Ru-
droit a tnoy,qui fattendy en affeftion grande, efperât auoir quelques nouvel- biz enfilé entre deux greffes perles,puis deux Saphirs, vn de chacun collé, &
les de ceque i'alloie querant. Celle N ymplae (approcha de moy avec vn vifa- deux autres perles.Apresdeux Efmerauldes,&deux perles,fuyuiesdedeux
ge riant,& de fi bonne grace,que Venus ne (c momifia coques fi belle au beau Dyantans,& au mylieu vn autre Rubiz entre deuxperles,de la forme & groC-
bergier Paris,quandil luy admgealapomme d'or, ny la belle Pfy clté art dieu leurd'vneOliue,referuélesperles qui eftoient rondes,& va peu moindres.
Cupidofort amy .Certairaementfiiçulfeeltéparlupiterdeputé arbitre fur le Elle aurait en fa telle via chappelet de fleurs,par deffoubz lequel foutait ira che-
différer des trois deefres,& il Lie celle Nymphe y feufl venue pour la quatrie- velure entortilles en facô de petitz annelé¢, fal(ans vmbrage aux deux caftez
nte, Venus n'en eut pas emporté le pris :car elle eftoit fans côparaifon plus bel des téples .La greffe flotte de perruque defcédoit Idôg du collet,ou elle eftoit
le,& trop plus digne de la pomme . De prime face ie penfay &tins pour tout trouffec en bonne grace :& laiffantles oreilles defcouuerres,qui efloient ron-
certain quec'efloitmaPolia:maislalac&deflrabitqueien'aume accouflumé des & petites, pendent iufques fur les genoux,eflincellant au Soleil comme fi-
devenir, & la qualité du lieu ou ie me trouuoie,meperCuaderent le contraire: leur don : car elle eftoit plus belle & mieux diaprée que la queue d'vn Pan
parquoy ne luy ofay faire femblanq& en demouray incertain . Elle elloit ve- quand il fait la roue. Elle aurait le front Itault,large,& poly : puis au deffoubz
flue d'vne robe de fraye verte,ryffue avec fil d'or,repreCentant en coleur le plu- deux yeux rians, clairs comme les rayons du Soleil, compofez de deux pru-
mage cltangeit du col d'vn Canant : & joint pardeflbubz vue chemife de tail- nelles noires,enuirônees d'vne blâcheur tels que fi on eut mis du laid a l'en-
le de coton,deliee comme crefpe,laquelle fembloit cotuirir des rofes blanches côtre,il Cefeut môflré auffi noir côme encre. llz efloiét couuertz de deux four-
&incarnates. La robbe efloir ioinfte & ferrée au corps, au deffoubz des mâ- cilz déliez,& vouliez en quarte partie de cercle,feparez et diflâs 1vn de l'autre
melles,fai(antaucuns petitz pliz couchez aplat fur I"eftomach,qu'elle aurait vn la largeur de deux bôs poulces,plus noirs que fin veloux .Les ioues efloiét ver-
peureloné,ceinftefurleshanches larges & charnues, atout vncordon de fil meillettes,embellies de deux petites foffes,aiâs coleur de refus franches cueuil-
d'or,fur lequel elle auoitrettouffo la fuperfluite de ion veflement, taillé beau lies a l'aube du iour, & miles en vn vaifreau de Cryftal . Certes te les puis (a
coup bon droift) comparera celle tran(parence vermeille. Audemourant elle aurait
1 ij
P0 L1PH1LF . Sr
LIVRE PREMIER DE
le nez aaiftd bien P o urfdé,& deffoubs vne petite vallce ioign5tc a la bouda e zettfis feuft veu alors quil fin (image de Venus,a mon iugement il feuil p ri fe
quiefloitdemoyéne gr :andeur .leslentes vnpeureleuees,&decoleurdefatin pour f6 exéple pardeffus toutes les pucelles d'Agrigéte, voire de tout le m6de
vniuerfel,la urgeant xcc6plie en toute perfeftion de beaulté . le peedy en la c6-
cratnoifi .les dentz aufü blanches gu'yuire,toutes d'vne proportion , & fi p ro-
prement arrengces que (vne ne paffoir pas l'autre. Amour entre elles côpofoit téplant,le fens,fefpripl'entendemét,& la cognoifiànce totale : & ne fceu autre
vue odeur laplus (oeucqu'il etpofübledepenfer.Vous enfliez diaalaseoir choie faire fusera luy prefenter m6 coeur tout ouueroduquel elle a depuis tala
fort propre heritage,& d'icelluy difpofé a Con plaific,y elifant Ca demeure ppe-
de loing,que de (es lentes caeftoit Coral, Ces dentz perles orientales, fou halei-
tuele : & depuis eft devenu carquois des fleches de Cupido,& la boutique ou il
ne MuTc en perfum,& favoix doulx accord de fleuttcs .La vcuc(certes) dece-
fteNynaplaeengendravnegrandedifcordcentre mes fens & mon defs :ce forge & trépe les dardz acerez .Ie festoie mô cucur batte inceftànmaét d,dans
ma poiarme comme vu tabourin enroué .Or non obftant que par ton regard
quine m'efloit encores advenu pour toutes celles que ibuoie au parauâc trOn-
uees,nypourlesricbeflèsparnaoyverts .Mesfens iugcoient l'vsedes parties gracieux elle nie (eutblafl Polia de ma), tant defiree,fi eft ce que (habit effran-
gegu'ellesuon , & lelieuqui triefloitincongneu,mc tindrentlonguement en
de celle excellére compofition eftre plus belle que l'sutrennes yculx eft:moiét
doubte.Ellepottoit la main feneftre appuyer fin fa poi&rive,& tcnoit vn fiâ_
le contratre :fefquelz furent aucheurs & caufe principale de celle altercation &
debatpourenabrouillermonpoucecueugqmpour leur obflinatici velaeméte beau ardant, pafrant vn peu plus hault que fa tefte : &quand elle fut Ares de
a efléprecipité en trouble &travail perperucl .Le defir exaulccoit finguliere- moy,effenditle bras droitt plus blanc que Lys,auquel apparoiffoient les vei-
nes comme petites lingnes de vermillon titres fur papier blanc : & en prenant
ment labelle poiârine : a quoy les yeux Caccordoient aucunement, pourueu
de fa main droite la mienne gauche,me va dire : Poliphile mon paigvuen pre-
quiilz la peuffent veoir plus a plein : puis attirez de labelle contenance,l'effi-
fentement avec moy,& n'en faiz aucune dtff culté .A ce mot ie me fenty trou-
moient plus que tout le celle . L'appeta y contrediCoit,pri(ant fut- toutes choies
bler tous les efpritz,& quaf couuertir en pierre, m'efmerueillant c6meuu elle
fa claeuelure doree,large,eCpoill'e, agencer par belles vndes , entortilles en fa-
pouoitfauoirmônom.l'effote,enbônefoy,tout embrazéd'vueardeur amou-
con d'anneletz.Mes yeux farreftoicnt a leurs fenablables,& les comparoient a
deuxefloillesluyfantes autnatin,ermiron lemylieu du ciel ferein . Helas les reufc :et ma voix retenue de peur & de verg6gnc,ne permettoit que luy peul
fe refpoadre :& par ainfu ne fanon, bonnement c6me fhonnorer: parquoy" fans
ray6s de Ces beaux yeux peffo:ét au travers deinon tueur comme deux dardz
plusie luy tendy la main,indigne(ce me fembloit)de toucher a la fienne.
tirez par Cupido quand iI fe :net en (a daolece . le congnoillbie bien eu moy-
mefme gue celle dhfenfi6 ne pourront celfec (ans pecdre le plaiGr de regarder
labelle Nynaphe :ce qui m'el}oit impoflible : parquoy i'eftoie cinfi gu'n bom-
mepreffedetàim letrotmàtparmygrande abondance deviandesqu'il defim
toutes enfemble,mais il n'cil affouuy de nulle qui Ce prefente.

Comme la belle Nymphe arriua deuers


POLIPHILE PORTANT VN FLAMBEAV ARDANT

-fa main,u Ir ronuia daller dure cllelruis cormne ilfut eerir


defon amour.

Egardantl'exellence de celle beaulté plus qui hu-


maine, ï eftintay moins que rien, tourtes les autres
fingularitez,aftfuences,ridrelfes,& maiilficéces,
que i noie veues au parquât . O bien heurcux(di-
1by ie en ma péCee) celluy qui pourroit paifiblesnéc
poffedercemerueilleux tlireford'aiiioLir,& rien
pas feulentét heureux,mais plus que beatifié f hô-
mc qui par humblement obeir feroit d'elle retenu
pour feruiteur .0 Iupiter voicy ta figure de ta di-
uinité pourtraiQc en celle noble creanne . Si
zcufis
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILF . Ss
En la prenant il m c fur ,duis (& efloircray) que te toucl,ay amie choc q rte trille tueur .& puis luy de(counric le mal que ie taifoie,poitr alléger aucun peu
humaine :donti'eufraynu :carienecongnoddôierienoulnclecommun ni- mon courment,qui empirait d'eftre celé. Ce non obflmtie me redus fans rire
nie trouuoie en mau- ouvrir ma bouche,& rompy ces penfees temeraii es & indifcretes, me voyant
uais ordre,portre habillement,& lourde conLenaucc, bien d, fferent de forme, tuai veflu d'vue meichante robe vieille & vfee, a laquelle tenaient encores les
d'eflat,& de quahtc,a vise fi excellente ci car uc:pnrquoy me reputoie il, digne efpines des califes qui fy efloient attachées en Ia forefl: & ne plus ne moins c6-
de telle cou,pagnie,facliantbien qu'il n'eff licite aux mentis habitons de la
me vis Pan regardant a Ces piedz,abbat & rabaiffe ta queue,ainfi te rep .imcie
terre,iouyr des dehcesdu ciel . l'idiote toutrouge degrfid hôte,& remply d'>CC ces rebelles defirs, &vaines entreprifes, confiderât que ie n'eftoie rien a coin-
bahiffeniét,me coin plaignant en moymefme de m a bafle condition . Touted-
parera fabeaultédiuine :, uimefeitrefrener monapperit defordonné,& fop-
fois it me niey a la Cuiure,non aient enco ces du tout recouvré l'entendement,
peditcr mes voluntez dei eiglees : auec ce que pour lors ne fil portait faire au,
mais croient testaments que l'yfdùe n'en pouoit eflre fors bicnlieureufe , côfr-
tremenoparquoy ïeftoie en par cille peine que le miferable &damné Tanca-
deré que i'effoie conduifl en f, beau lieu par vue guide tant fingulicre : car fort
lus,qui elt en peau iufques a la bouche,& ales fruiftz pendâs diffus fis liures,
doulx regard amoureux euft peu retirer des mains de Rliâditilâtlins les amies
ce neammoins il meurt de faim & de foi£ A infi(las)cltoit il de moy autres de
côdamnees &perdues :voire(quiplus eff)reffablii en leurprcmiere nature les
corps côCumez & conueniz en cédre. Aine m'en allais ie ap ces elle,mon tueur la Nymphe accomplie en perfeaion,en la fleur de fan aige,douee de coulés
lesvertuz&gracesqueleshumains peuuentaimer . Hélas elle m'entretenoit
rou(iours battant,& plus tremblant que la brebis cuire les siens du loup, mer-
ueillcufeniét enflammé de doulce pallion amouretLCe .0 (dy le lois) bien bon- fi familierenient:& te neluyofoiedire niadefconuenue .Certes ie faifoie tout
taux Cor tous les amâs,ccll uy qui (eroir,fi rici du roui moins en gldue diode, ce qui efloit pofrible pour appaifer ilion cueur,le recullane de toute efperance
qui l'euff peu confortcr:cenon obllantonques charbonne fut fi efleinft,qu'en
participât de la gi ace de celle damoy(clle rat exq mie. Puis tour foudain la bloc
moie mes folz defirs,difit,Helas a peine peau royie croire 9 telle nymphe dai- l'approcliantdufeu,ilnefeiallumaff,parlaconforme difpofitionde fa natu-
Snaff Paccointer dechopes G baffes ecrue (ôt les h ômes nioitelz,q n'ont nié de re . Ainfr les yeulx trouuans le tueur deCarmé,& defpourueu de defente, fem-
feniblable a elle. Certainemét elle merise d'effre aimée des plus haultz dieux ce brazoientd'heure en heure, &de plus en plus, d'vueaffeédon extreme délit
lelies,& faire defcédre Iupiter del~ui(é de fa propre forme .ll'autre part reine Nymplie,laquelle ilz monflroient roufiours plus belle,plus gracieufe, &plus
côfoloieluyofÉrâunôn~eur,&môame,n'aiâtautrechoCe plusdignedequoy digne d'élire adoree .Puistout envumoment iereuenoieamoy,& difoie :Si
luyfaireprefent,eflimantquec'effctoile lesdieux ont leplus agréable . Ainli les dieux côgnoiffent queparmauuai(e intention ïappete les califes plus ra-
ie me trouuoie troublé &confus en d i uerfrté de pen(ccs, tclenient que mon res,défendues & inteidittesauz humaius,ne me pourront il aducnir aine
tueur efloit variablement efmeu par (appliq ver trop vol entiers a telles ima- gtia vis prophane,& comme il efl advenu a pluficurs autres qui ont temerai-
ginations occultes,prefl &appareillé a feruir de tilon ou boche dedans le puiC rement&prefumptueufementofpenfé leurbonté,comme Ixion l'audacieux,
faut feu d'amouo,auquel te louffroie en fi doulce p laifance,gue tourment m i- & IeTliracié mal adulCé pour avoir indifcretement ioinfl & ocellé par adul-
l~on recreation .Le regard de cette N ymplie lotion a moy aine q rte la fouldre tere,le fauonreux Baccliusavec la deeffe Thetis, Pentremettantindignement
au clictnes & autres arbres qu'elle fend , rompt, & diflipe, tant,lue ie n'ofoie de leur eftat divin ?En pareille maniere Galantide chambriere royale neuft
plus lever la veut pour contempler Ces yeulx : car quand fa lamie, c (c rencon- pas rendu les enfuis parla boucl,e,G elle n éuftmenty a la deeffe Lutine. Par
trait contre la mienne,long temps apres toutes choies me (enibloient doubles, aduanture cefle Nyniplic eft referuee a quelque Demydieu, qui fe pourront
& eftoic efblouy,comme ceux qui fermement & d e dioia ail ont regardé la abonne tante indigner contre moy, fi iattentoie de commettre tel facrdege.
fphere dis soleil. En ceftc maniere ie fu pris,lyc, & vain cu :tout prelt a luy crier : Finablement prefuppofay que ceux qui Iegierensnt faffcurent, legierement
Madame,iemerendza vous .cequeïuioieiabonnepiececondu,confiuué,& ouf periffenu & a telles gens elt facile de faillir, & eff re deceuz : rat il fe dit
refila en moymefme, & baillé mô tueur pouroltuge :qui tautoll recongn eut communemét que la fortune n 'eR pas toufiours propice aux trop liardiz : auec
la flamme accouflunnee,laquelle n'efloit que cou verte& afropic : parquoy fut ce qu'il neftpas suc de congnoiftre le tueur d'autruy. Parquoy ainfi que Caly-
prôptemét r'allumee,cônmvn tifon lequel a ellé en la cheminée, & féty, le feu . llolionteufedefeveoircroiftrelevétre,fabfentoitdelacompagniedélit cha-
Celle amour entra en ilion tueur cône I e chenal de bois a Troic,aCauoir plein Ife Dianc :ainfi ie me retiroie de honte,en niefloignant de ce deGr importun,
& fourré d'ennemys cachez,qui font roui ors &mis en cendre,me nacrant de toutesfois aient toufiours l'reil ouvert pour contempler la belle Nyn,pls, &
plaies incurables,defquelles ixmais ie n 'cfpere guetir,fi ti elt parle moyen de nie chipofant de l'aimer a tout lamais .
cefle Nymphe : entiers laquellerne cuiday enhardir de luy dedairer la peine I üij
9ae ne pouoieplus Coi ffrir, prcfque perdu d'vu deGr aveuglé : & fu en ternies
âe luy faire entendre a pleine vojx celle Iiarangue :0 Nymplie diuuie,gm que
vous foiez,ntoderezvupeul'ardeur dont fins mefpaiftvous confiunicz mon
trifle
LIVRE PREMIER DE P0 L1PI-IILE . y;

Comme Polio encor incongneue eu ffature,gracefigbre,& beau maintien de Polia :bien que ce m'efloit vn mer-
ucilleux tourmentdc peiner qu'il Loch fnulclroit abanclonner : car adonc Ics
AMY POLIPHILE,I:ASSEVRE DOVLCEMENT larmes me tmnboient des yeux,& nie fembloit choie difficile, dellionnefle, &
A SON
iniuffe,de defloger vn ancien lioffe,pour y recevoir vn nouueauvenu :renon-
E7 fuy montrc lcsgrans triumPGes des Deefes amourcufs . cerlepremuer feigneur,pourobeyravn edrâSc .Puis en me confortant difoie,
Parauanture celle cy elt Polis, que te puis mort trounce fuytmnt les pi om ef-
Aignant Cupido de mc donner liberté, il me mit fes de la Royne Eleutlierilide .mais elle ne fe veult pas encores donnera con-
en extremeCeruitude : & l'ai ant accepté pour fer - gnoiftre :cei tes fi ie ne fais en grMe erreur, c'efl elle vrayenaeut. le foi toit tous
SueuyCegouucmaen mon endroit coninie cruel cesdrlcoursenmafantafie,&meperfuadoiequ'unfieffoit,sianttoufioms le
tyran, confideré que ic tir effroigement Ivé de cireur &l'entendement fichez en la Nyniplie,de forte que nepouoie ailleurs
draines amoureufes,foubmis & affubicdy au p ri- tourner mes ycux,lefquclz y auoienraucc culx attiré mes autres fers, & em-
nilcge de fesdures loix(ccmbienqu'elles fenrb léi ployez en laniefmevacation,aquoy tous Paccordoietit volontiers, concert-
pl.riiintes)plcin de ioiie incertaine, & tout oppri- tans qu'a elle feule, & non a auti e,ic deniandadc allegeance & foulagenaent
tiré de Ibufpirs . boy votant la belle Nymphe, demapeine . uanddonenouseulinesdteminéquclqueefpacedetcps,nous
pour m'afièurer rne ietta sri doulx regard : & en arriuames en vit lieu eflania cafte droict dela plaine,ouy auoit pluieurs
y ioubzriannnevaciire :Polipliile,ic seuil que tu Ca-
beaux arbres chargez de fruift & deverdure,planiezpar ordre tout a l'enui-
clies que la vraie autour n'a point de rdpea aux clin Ccs ex ici te rires :& pou rtât ron du pourpris . Li Parrefta ma Nymphe, & moy audi . Adonc nous veimes
ton habit n'amoindrilre en rien ton couragc,qui (paraduâmre) eft noble, ma_ approcher vue grande adèmblee de tenues bômes fans bat b e, a y ans la pet tir
granime,& digne de voir ces lieux fainftz.Ofte toute fanwie de ton enten- que Iongue,crefpe& 6londe,enuirônee de chapeaux de Aeurs et herbes cdo-
emengacelle tinquetu puiffes librement confiât et les Brans biens inex- râtes,qui venoteutchutant avec vue urfinité de p ucelles, Ics plus belles qu'on
plicables appareillez a ceux que la deefre V crus a choifiz pour eflre coronnez, eufl fceir defrrcgles vus &les autres vefluz de riches habillemens de fine foye
& qui virilement travaillent per(erterans en fort feruiceafin u'acquerir i3 bon- de diucifes fortes & coleurs, conrnm changeant, autres defguifees, aucu ns de
ne grace .Api es quelle eut ce diâ,nous clieminauams ai-fez bon pas,&en allant cramoify,aun es de toillcs de lin faffranrrees, & tyff ies en tacon de crefpe, de
ie ddoie spart moy :0 vaillant Perfeus,tu errffes pour celle cy plus hardiment toutes les efpeces que Ion pourroir penfer,entremeflees de fil d'or, & enrichies
commun l'horiiblemonftre,que pour la belle Andiomeda .0 Iafon,fi celle de pierres precieufes au long des bois & Iizieres .P luieu rs en y arroi : venues
Nymphe feullelle offcrreen mariage, te croy que pour ion amour m enfles dechaCubles & ornemensd'E?liCe,&d'antres en habit de cliaffcurs . La plus
expofetoncorps aplus grand peril que ne fut ccluy de conquefler la toyfon
part des pucelles aliment lesdteueuxtrefrez,amonceliez en beaux entrelaz,
CI'or,& l'euffes a bon droiâ clhnice plus que tous les du efors du inonde,voire les aunes depai tiz en trois touppetz,allèmblez fur le dei riere du collet,volle-
y feuil la Royne Eleudterilide auee fa nierneilleuCe opulence . le cheminoic
tans autour des cipaules, & au long du dos,plu lieurs enuclopliez en belles &
pas a pas mec elle,& batifole aucunesfoisles yeulxpour voir tes piedz chariG cidres coyffes,apparens lèulement a (entour du front,en petitz ann ele¢ naw-
fiez d'vne femelle de cuyr rouge,lyee audefrus du pied de rubens de fil d'or &
relement entortillez,& Cans artifice,qui leur donnait vue fort belle graceLe
defoic,garnizdeperles orientales :&quelque fois aduenoit que le sent ef-
teles yen efloir qui les aboient trouffez en file¢ de perles, & riches rubens ou
biandantfort ve ftemetrt,defcouuroit fies nimbes, qui ferrrbloienl cotnpofees
cordons.Leurs gorges eftoiét oi nees de colliers & carq vans de grau d pris . A
d'efcarlatedelaiét,&denmfq,meflez enfemble . Et sailli ce furent les retz,
leurs oreilles pédoient bagues, loyaux,& afrtquetz . Leur front elloit cnuirô-
cordages & fileiz, atout quoy se fuz pris & retenu :mefmes les neudz dont te
foi lyé,plusdifricilesa defstouer,que oclluy de Gordius couppé pat le grand né de grollèspedes .Et a ces habitz pi ecieux fe coid $ormoit la beaulté des per-
Alcxâdre . Alors ie nie fenty a!Ceeriy de tous pointtz, & fziCt efdaue d'vu defir fonnes . Le', rspoitfineslemonfirment defcouuertes iufques au mylieu des
enflanibé,qui me faifoa fouffrir plus de poinfture .s que n'endura dedans Cu- mammelles : & Coubz Ictus piedz aboient des femelles antiques lyees a cotdôs
thage le courageux Regulus,roule dedans le tonneau lardé de cloux .Ic ne po- d'or .pallànsentrelegiosaiteil &le doy fecond,enuironnaiis la chenille, &
noie rafraîchir mes e(pruz qui languilfoient en celle ardeui,frnon de fon(pirs f'lTemblansfurlecoldupied,ouilzeffoientla&zauecquelquendie bague .
continuelz & redoublez,ddant rout bas en nia penfee :0 Poliplule, continent Aucunes portoiét des brodequins antiques,depuis le genoul mlques a la che-
peux tu lalffer la ferme & infeparable amour que m as conunécee avec ta clrcre uille,coi delez fur le dos de la iambe .au ires des petites pavtoutles ou patins a
Polio,pourferuirvneautre2LorsietaCcliotea me deflyer & dep.utir de celte antes d'or,ou de foye , de diuerfes coleur:s & facôs que t e nâuoie iatnais venez .
nouvelle fantafie :mais il ne nr'eftoit pas poffible :& re qui plus edroiéfnnent Plufieurs de ces pucelles auoiét la telle & le front cotuierrz ifvn crefpe vol.i q
ni y" retenoiyelloit que celle Nymphe auoit auicreméi toute la re(lèniblance, plus dehé que toillc d'araigneeau travers duquel leurs yeux reluyIment midi
cn nature, clairs comme eftoilles,dciloubz deuxbeaux petitz fourcilz vouliez,puis le
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE. 54
nez traidlifentre deux Loues pourrit ellees, vermeilles cbme les inclines pont- En la face du cof}é droid,efloit laide vne ieune Nymphe fille de Roy,affize
mes, avec deux foffettes riantes, & au mylieu la petite bouche de col eut de au mylieu d'vu pré, accompagnee de plulieurs pucelles de fou
Coral,aueclesdouta ; menues &polies, qui fembloientargent decopelle .Au- aage,faifans chapclletz de fleurs aux Toreaux qui la
cunes puanteur inftrumens de malique fi naelodieux en leur fon,qu onques pafluroient, l'vn defquelz eflam aupres
talc harmonie ne fut c uye : & paflbient le temps enfemble en d'ellc,fe mondroit naenteil-
toute Laye &foulas, courant l'vu aprcsl'aurre,& leufement traidable,
fentrecberiTant amorreufemenc,af<ntour & foutpriné .
des quatre chariotz de
Triumplrc .

Comme Poliphileveyt lesquatre


CHARIOTZ TRIVMPHANS, ACCOMPAGNEZ DE
grand multitude de ieuneshommes e
depuccllcs.

Aifonnablement peultchacun eflinter qu'il nefs


rien difficileaux Dieux,& que routes choCes leur
font zifèes :patquoyabonne&iuflecauCeilz lots
appellezcourputfpana . Ceneantmoins il pourra
effrequ zucun oyantracompter leurs carrures ex- En l'autre face efloitcelle mefme Nymphe,pafrantla merfurleToreau,
cellentes & admirables, en prendra efoahyfè- gdelle embraffoit d'vue contenance magna-
ment, veuque l'art (efforce, tant qu'il peule, d'i- nime,& bien affeuree.
miter ou fuyuirles choCes natureles : mais il n eft
nduftrie ny entendement qui fans leur aide &
infpiration y puifrenuIlemét attaindne. parquet y
on ne doibt mettre en doubte,uns venir pour certain, que toute amure a
nous in croyable & inuficec,efl legierenient fatfable a la diCpofition divine .

LE chariot du premier Triüpheauoitlesquatre roues define Efmeraude,


&IereftedeDiamant,refiftant aufeu,aufer, &al'Emcry,& quine Ce perdu
brifer fnon par fang de Bouc tout clrault,vttle aux Magictés,entaillé de deiny
taille,& enchaffé en or,ainfi comme il (enfuir.
Enta
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE. 55

Aufrontdedeuantefloitla figurede Cupido,tirane fies ficches contre le uentee, qui l'embraffoit par le col,comme craignant de tumber, veflue d'v ue
ciel,& a l'entour de luy vue gréde multitude d'hommes & de femmes qùil foyeverte tyffueauecfild'or,ceinfteaudeffoubz desmammelles d'vncrefpe
auoit blecez afprensnt .En celluy du derriere eftoit le dieu Mars fe côplaigr.i t qui voleront a l'entour d'elle : tout ton acouftrement enrichy de picrrerie, &
durant le throne de Iupitcr de ce que Cupido fon filz luy avoir faulfë de Ces enConchef vnecoronued'or . Le chat ioteftoittiré parftxCétauresdelarace
dardz fon hallecret, nonobftant fa dure trempe : & ce grâd fui gneur Roy des d'lxion,nLiée fortes chaines d'orplattes,efquellesyaucitdes crochetz In ifat-
cheux,luy rnonllroir(pourrefponfc)fa poiflrinequi en eftoit toute nacrée, eachoient aux boucles pendantes a leurs elcharpes, & mifes par tel artifice
tenant en fa main vit tableau ou y auoit efcrit, qtirlz ti roicnt tous fix d su pas égal . Chacun de ces Centaures portoit vue
Nymphe, les efpaules tournées fvne a l'encontre de l'autre, & les viCages en
NEMO .
dchors,tenat chacune certain inftrument de nrufiquc bien accordé .Leurs che-
NVL. veux pendoient fur le derriere,& efloient coronnees de chapeaux de fleurs :
mais les deux plus prochaines d u chariot fe naonftroient veflues de fine foye
PanicdudeuantduTriurupbe, Partie du dcnierr. azuree,dc la propre coleur que font les plumes du col d'vn Pan .Les deux dit
mylieu de cranaoity,& les premcres de Catin verd,auec la Cuitte des orne mens
propres &conrmodesaNy" mpltes. Leur client efoitfidoux,&leur fontell[
harnaonicux,qu il eullpeu retarder la mort,quelque hafliue qu'elle enfl elle.
Les Centaures efloient cotonnez de Dendroide,& les deux plus prés du cha-
riot piétinent chacun sir vafe antique, tenons d'une main le pied du vaCc, &
attec l'autre le goulet . Les vaCes efloient de Topace Arabique initié coleur d'or
bleu luy"lànte,agreablcaladefFeLucine,&vid e pour appaifer[esvndes de la
mer courroucee .llz efloient faiftz prefque en fufees,eftroi&z dcuers le pied,
larges par le mylicu,puis le col long & grefle . Leur haulteur efloit de deux
piedz,& leur ouut'age fingulier.llu dedans foi toit vne futnce fi c do-
raute,qu'il n'eftpoliible l'exprimer . Les deux Centaures fuyuans
fonnoient de deux trontpcs,lufquelles pendoit vit penonceau
de foie deliee, & naeflee de fil d'or traià, attachec en
trois I ieux . Et les deux premiers faufilent
rnclodieufemét bondir deux corn etz
Le chariot choit Tout d'or,compofe de deux quartez ails f x piedz de hg,
antiques, lu tout accordait par gré-
trois de large, & autant de liait lieur, compris fus comices & moulures . Ai--'
delaarmonicauec lesinftru-
y ovin vn plan hault d'v n pied & demy,large de deux & demy, & Ibg
mens des Nym-
dednq & demy, defcendanr en pente fur les moulures du premier. La di£le
penteelloittailleexeCcaillesenpierresprecieuCesdecoleursdifferétes .A clta- phes .
cundes quatre coings fe rapportoit vne corne d'abondance, pleine de fenil-
la faillie du coing de
la comice du premier quarré .le detnourét cent oit au ISg des arefles des coings
cannelées en rond, & reueftucsdefeuilles de Pauot,tant quele graifle Ce ren-
uerCoit en lymaffon . Au delfoubz de lamoulure du dernier plan, aux coings
du plithe ou quarré,audroit delà moulure baM,efloit faift le pied d'une Har
pye quelque peu courbé,& relevé en deinyrond,finillaat en feuillage de P er-
fll,quiembrafloitlecoingparlesdeux cotez. Au chariot n'y auoitpoint d e
lytnons, naaisenleurlieu fortoient de ce quatre pardef%ubz les piedz des
Harpycs, deux rouleaux en formede crocherz,ou les trai$z efloiét attachez .
La monticules roues choit iufques au moyeu tonnerre d'un feuillage qui fié
departoié en deux,&Corton d'une rofe,par le mylieu de lagrulle palfoit le bout
de l'siffcau .Sur le plan de ce chariot giCoit vn Toreau tort bhicsarmé de leurs
convne vn beufde Cacrifice.Deffus dloit alïize vne pucelle Royale,toute efpo
uentee
T R I V M P H E PREMIER . 56

Les raiz des roues ehoiët faiâz en baluflres,icinâz au moyeu, Meurs boutz Le triomphe Cuyuât n'effoit de rien moins menu eilleux : car le chariot auoit
ornez de ommeaux,reCpondansalacircunferenceLemo y eu effoitdefinor, les roues,miz,& moyeu d'Agathe noire,meflee de quelques veines blanches,
&aufft tourdelarouc,parcequecemetalnepeuheffrec6fuméparfeu, plus belle 4 celle de Pyrrhus,en laquelle nature mort formé les neuf Mufes,&
ny par rouillure,mais c cfl la poifon de vertu,& le mortel venin de paix. Apollo droit} au naylieu,d :uafant,& formant de fa Iyre .Le chariot efloit de la
Ce chariot efloit grandement lionnoré & fefimé de ceux qui le Tacon du precedent, mais les tables qui couuroient la moytie des roues,
fuyuoiér,danfans & fe refiouyffàns en grandes pompes fo- choient de Saphir oriental,tresfort aimé de Cupido, quand il eff
lennelles. Les Nymphes aflifes fnr les Cétaures porté en la main gauche . En la face droiCte du Plinthe quarté,
chantoient en doulce melodie,accordant choir entaillée vue dame acouchee de deux beaux reufz,
a leurs inhrumens,& celebrant dedans la chambre royale d'vn palais excellent,dôt
l'occafion de ce diuin & les matrones fembloient eflre efbahies, pour-
fumpmeux ni y- ceque de l'vn deces cvufz yffoit vne
flere. flamme de feu,& de l'autre deux
Lctriuutplm efloilles fort luycantcs.
K ij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE. 57

Table du café draifi.


En l'autre face de devant efloit Cupido en aage d'enfance , volant en
fair, & paignant contre le ciel atout vnefleche trenchant,toutes manieres de
belles & oyfeaux : dont il fembloit que les hommes eftans en terre fcfba-
bilfoient de la merveille.

Enlautreface efoient figurez les pi rensde celle dame,lefquelz defrans


fauoirquefngnifioitcepief ge,prefentoiétlesdeuxaufzautemple d'Apollo,
enquerans que ce pouoit enre, & quele en feront fylTre :aufquelz ce grand
dieu refpondit,

VNI GRATVM MARE,ALTERVM GRATVM MARI .

C'ef a dirc,
En celle de derriere Iupiter c6mettoit en faplace vn Berger de fubtil eCptir
La mer eeagreablea Iun,eq fautre agréable e lama. qui dorment fur sac fontaine, & veulent ce dieu qu'il iugealt du différent fur-
ucnu entre trois deeffes f'efkanr defpouillees nues deuàt t'a face:& c6ment
Et pour cefle refponfeobCcure ilz les fiai riant fongneufemeut garder . ce Berger feduiftparCupido,donna fentencecnfaueur de
Venus fa nacre,luy adiugeant la pomme
Table du cofégaucbe. d'or, comme a Iaplus belle & plus
excellente a fort
gré .

K nI

En l'autre
58
T R I V M P H E 5 E C O N D .

Toutauhault du chariot efloit vu Cygne amoureuCement accollé d'vue


CeclrariorefioittiréparfixElel,his,couplezdeuxadenx,plusbeaux que Nymphe belle par excelléce,611e de Thefeus .Le Cygne mont le bec en fa bou-
ceuxquifinrentveuzauxtriumphesceScieionl'African,du,rindPoinpee, che,cbmepour la baifer:& couuroit de fes aelles ce qu'elle anion de nu . La da-
&dcBacclmsapres qu'il eutvaincu ]eslncles .LesttaiélzefloiétdeCoyebleue me eftoit affife fur deux quarreaux pleins de durwyveflue de foye bliche t y f
retorfe auec fil d or & d'argent,en vn cordon a quatre arrcftes, reOcmblst a an foie aller du fil d'or, fronce de piCrrCrie finguliere,fans qu'il y euft faulte de chofe
efpydebled . Les poidralz des Elepltmsde tin ni, en richy ce piei,eric, ou y qui peuft femir a larendre plus belle.
auoitdesbouclespar Icfquelles les traidz pafforent . Edurcltacuta Elepl,ant
vnepucelle,ainficonuneaupremierniumphe,auccauvesinfirumensdemu-
faine tous di&rens aux pi anicrs,mais accordez au mefne ton . D eu x d en- L E tiers chariot auoit Ces roues de Chryfolithe Ethiopien, eflincellé de pail-
Welles efloient venues de rouge, deux de iaune,& deux de violet . La lettes d'oraequel eft de tele namre,que fi on le perce atrauers,enfilé au
laouflè ou couverture des Elephû choit de drap d'or,a brodaic poil d'vn Afne,il chaftc les mauuaiz efpritz :& a grande vertu
femee de perles , au cc Col bers de grottes pierres Precion- polir celluyquileporteenlamai n gauche. Lequarré
ees .Surlefrontlcurpendoitvncpommedc &les autres faces efloient de la mefme Ion-
perles.sorientales,dont I .rhouppe efloitdefoy " e
perle gueur&largcurqueles -
&P luteurs coleurs,meflee par- premiers .
nry du 61 d'or.

Tout
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE.

Secondetable effant agaucbe.


Les tables qui couuroientla moitié des roues, ef oient pareillement d'hé-
liotrope verd,enchaflë en bois de Cypres :& aine a puif(ancc fur les eff oiIl,,,
rend inuifrble celluy qui le tient,& fan deviner les choies avenir, fpecialenient
quand il efl fènaé de gouttes Ianguines.

En la face droi feefloitfigurévnRoydedansvutemple,proflernédeuant


vneidole,& étiquetant quele choie auiendroit d'vne feulefille qu'il alleu,
a quoy luy fut refpondu, que par le fruid qui en naiflroir, il feroit debouté de
ion royaume.Parguoy rcdoubiant cefl oracle,il la feit enunnrer en vne gloire
rour,,ou elle fur Congneufement gardée, afin qu'homme n'en ipprochaf mais
vue nui& aduint qu'en Ion giron nimba vne pluye en gouttes d'or, délit elle
conccutvncnfant .
Tobleducofédroit.

Air front de détient efloit Cupido tirant vne fleche d'or contre le ciel,dont
il plouuoit des gouttes d'or. Et al'entour de luy vue multitudeinfinie de gens
blecez, efbahiz de cellepluye nouvel le . Au derriere Ion porion veoir Venus
grandement Coruaoucec,pourcequ'elle avion eflé furprife allée vu foldat dans
vile redr enchantée:& tenoit fou filz parles aélles , arrachant Ces plum es vol-
lages,cominef'il eufl cilcoccafion de Caprife :dont l'enfant fembloitfe côfom-
met tout en Iarmes .L :i livucitou en meffàger aiarrt aélles aux piedz,quile de-
liuroitdes mains de fa nrere,& le prefcntoit deuant lupiteyqui le couaroit de
fon manteau,& luy diCoit en langue Greque,

it mot rArxtzr9 snr nixpor,

Sy moi glycys te kai picros .


Ccfadire,
Tutucs dOUL,e amer .
En l'autre face efloit vit ieune gentil hommereceuant vu cCcu decryflaldes
mainsd'vne deeflé :& comme il trencha la telle avuedame fort hydeufe:
puis l'attacha fur fon efcu en fi gnede viftoire :mais du fang d'elle
fengendravn chenal volant,lequel frappa du pied fur le
Commet d'vne hatdte montaigne, & en tcit faillir vue
fontaine miraculeu(e.

Seconde
T R 1 V M P H E TROIS 1E M E.

Ce chariot efloit tiré de fix Licornes confacrees aDiane,refremblantes a


Cerfz parla telle . Leurs colliers effoiét de paffemens de fil d'argent & de foye Le quatrieme chariot efloit en tout & par tout Cetnblable aux preccdés,re-
iaune, enfemble les traiûz attachez a boucles d'or, aucc les autres ha moys & ferue que les roues cftoiéc d'Afbeffe d'Arcadie, ai nfiappellé pource 9 quand il
garnitures necefraires . Chacune Licorne portoit vue Nymphe venue de taille e(i vne fois allu mé,iamais on ne le pcult eflcincire . La table qui les couuroit,fut
d'orbleue,ry(rueafleurs&afeuilla$e .Chacunetenoitfoninflrumentde mu- d'Efcarbonclereluyfantentenehres . En la face dextre eftott figurée N, ne da-
fque,mais ilz fe monfroienttous divers aux precedens. Sur le plan du cha- moyfelle enceinàe, a laquelle lupiter apparoifroiten Cadi Limité , & en la for-
riotyauoitvnfregedelafpeverd,lequelenchafréenargent,efteftimé aid er me qu'il efl accouflunté de conuerfer aucc la défie Iuno fa femme, afauoir en
aux femmes qui travaillent d'enfant, & rendre la perfonne charte, qui le feu,fouldres,&tonnoureaelementqueladame quidecel'auoirrequis a 3ta-
porte fur foy .Le pied efloit taillé a fix Faces, montant en poinftq& fou- de inftance,en eftoit arfe,& convertie en cendre,mais non pas fan petit enfant.
flenant vue coquille a demy platte,cannelee iufques a fan mylieu :fur
la quelle efloitaffife vue belle Nymphe vellue pareillement Table ducofc droifi .
de taille d'or bleu ,& coronnec et en diademe rcluifant
commevn autre Soleil, par eftre orné d'vue in-
finité de pierres precieufes .Au giron de celle
Nymphe tumboit vue ployé d'or,
dont ellcfembloit toute
ioieufe en conte-
tailler.
Le qua-
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . 61

Le chariot Cuiuït efloit tiré par fix Tigres mouchetez de taches rouffes,atta-
E t,lafecondeIupiterbailloitcelepetite frontale avili ieunehomme chant
aélles aux pi e d z, & vit fceptre entortillé de doux ferpnrs,qui le panait en vne cltez a rameaux de Vigne, garniz de moyffines de rai fins, qui feruoiét d'armes
caverne,& le bandait a quelques Nymphes pour le norrir . offenfrues :et clacnrinerét tout le petit pas .Au myheu du plan de deffas y aveu
hall-
v ne bafe d'or d'vn pied & gcre doigtz en diametre,& de trois palmes en
Seconde chant agaucbe. plinthe rond ou bozel, demy palme a I'cfclaine,
te ur,c éff afauoir vit palme au
& a toit petit quarré,et le cerac mzt de party au trochile ou naffelle,a la gueule
réuer ce,& au bozel d'éltanlt,enriclai z de leurs peutz quarrez .Le plan de celle
bafe efloitvn peu raualle et creux,pour faire place a quatre queues d'aigles qui
repofoient deus le bord, faiftz de pierre Aetite perfane.ll z auoiét le dos tour-
fiel vit contre (autre,& affembloient leurs celles en pointe dont ilz foufleno-
ient vit va Ce antique de iacinilte Erltiopien,diucrfifié de veines d'Efmeraude,
&plufieursautres pierres precieufes . Sa hall cetir efloit de deux piedz & de-
uay,fondiametred'vit&demyaudroitdefagroflèur Sarôdeurportoittrois
charrettes,& vit peu plus .Le pied faillent quatre poudres audeffus des aclles
d'iceulx Aigles. Au plus large de fa groffeuril eloit environné cl vne frize de
la largeur d'vupalme : delaquelle iufquesau commencement open autre vafe
aGargoule,ioinftaupremtet, y auoitvn autre palme. Ce dernier vafcauoit
vit pied de hauteur, & commécoit a fcllargir parle deffirs environ d'vn boti
palme & denry :lequel demy palme efloit employé en vue petite frize, lai&e a
Au y uarréoufrontdedeuantelloitCupidoaccompagnéd'vuegrâd'nu :l- fleurs & feuillages de demyboffe,perce'e a iour,& quafi hors de leurs forts ef-
titude e'hommis & femmes pat luy navrez bien durement: lefquelz fern- pargnez de Ia rnefntc pierre.Le ciamctre du vafe en fa greffeur atteint deux pal-
bloient fefmerueiller de ce que par avoir tiré fa fleche contre le ciel,il en auoi t
mes & demy,& eftoit goderouné audcffoubz de la frize,a goderons efroiCtz
laid defcendre lupiter en fa ntaiefle pour le plaifrr d'vne ieunc fille mortele . deuerslefons,&largespar hilaire . Le col allait en longueur depuis la fize
AufroutdederrieteefloitencoresIupiterfcantautribunal divin,& deuât
iufques a la bouche,cieux palmes et demy,faifans le total de la hauteur du pied
luy Cupide efclope,qui auoit faift côneuir fa mere,l'acctiCant d'avoir elfe occa-
du vaCe,auec le palme & demy efiantaudeffoubz de la frize fàifte a goderons
fionque luymeline fefloit nacré de (amour d'vne trel6elle Nympl :e,laquelle tournans en facon de Liz . Le bord de la bouche eftoit plat,g am y de moulures,
fauoitbrulé en la iambede fellincelle d'vue lampe, Ma' prefente a2ftoit la gueule,doulcinge(daine,&antres .frefloientbien Ieslizieresdesfrizes .Encel-
Nymphe chargee du cas,tenant encores la lampe en fa main:& Iupiter en tint
le de la Ga rgoule en la moulure de delfoubz, efloient fouldez des demy an -
difoiraCupido :
neletz en travers a chacun des coflez,que deux Lovais mordoient, faiâz de
Perferfcintillam, qui exhala attendis,& omnes.
lavorne d'ECmeraude :&auoientles quatre piedz fur leconuercledu grand
e'effadire, vole qui fouliencit la Gargoulc :& eftoit ioinft a lafrize, en forme de daller-
Endure une eFiineclle toy qui briller tant IV Ciel que toutes cbafr. ne,ou gueule renuerfee,taillee a e&ailles,de la inclure Iacinthe :& auoit vit pal-
lire de haut, comme iay ditLes queues des Lezars qui efloient couchez fur le
ventre le long de ce cou uercle,eftoient entortillees pour faire anneaux fur la
moulure de la frize,vn autre audelfoubz,qui femoient clarifies. Le bas finilrait
en vit feuillaggqui turion demypied dedâs la frize de chacun collé, & efloit
quafi tout de boffe,telement que ton portant aifement venir le forts de lacin-
the. Parainfi ce feuillage occupait deux piedz de la rôdeur du sale. Rolle main
tenailla dire de fefpace qui demeurait en la frize .Entre les deux feuillages cô-
tenant vit pied & demy de long,a chacun des collez efloiét les fculptures que
ie detlaireray cy api es .mais premierenaent parleray du ventre de ce vafe, qui
effort couvert d'vue vigne,laquelle atout les foucltes,les brocz,et le ferment ef.
pargnez d'vneveine de Topace,appropriee a ce l les feuilles d'Efmeraude,et les
raif ns d'Amethyfle,Cur vit forts de lacinthe, fi rond & G poly,qu on colt urgé
qu'il auoit elle fui le tour :car il fembloir que les feuilles en femicnt feparces de
L
PREMIER LIVRE DE P0LIPHILE.
la groflâurd'vn poulce : &tant fureta vivement Contrefuiles, qu'elles rem-
bloienr proprement namreles . Or retournons a la ccin6ture ou frize qui en-

de chacun collé vn pied & demy,eftoientenraillecs deux belles hifloires,c'eit


afauoir en la face de devant, Iupiter tour debout fur vu autel de Saplair,tenant
en fa main dextre vue efpeetrenclmnte de Cluryfolitlte,reluyfante comme l'or:
& de l'autre vu fouldre edincellir,faift de Rubiz flainboyàs a merueilles . De-
uât luy efloit vne dnce de f"pt Nymphes vefiues de blancen facô de Religieu-
fes,chât~s (côme il fenrb]oit)pars ne rclinayfsâce de note et fainetc:puis clloiét
converties en arbres verdz,ornez de fleurs azurees : & Penclinoicnt treflmnt-
blementdeuantcegrand dieu . Elles n'efloient pas toutes entierement tranf-
formces,miislesvnesplus, lesautres moins :toutes fois la derniere eftoit ix
toute en arbre,excepté le vifage . La fecôde n'anoir fa tranfrnutatio quedepuis
la ceinau re en bas: & ainfi conlequenunent les autres. Ce neantmoins toutes
monltroient quelque ligne d e aansformation en la telle.
Du vailleau yffoit vne Vigne d'or, tresabondante en feuilles,chergce de
raifins faiftz d'Amedtyfte oriental,& les feuilles de Silenite de Perle,qui n'clt
pointfubieftalalime,&plaiftaCupido,pouraurantqu'il maintiét enfanté,
celuy qui le portefur foy. Elle feruoit & de treille & d'vmbrage atout le dla-
rien,qui auc it achacun coing Vit chandelier aflis furcrois piedz dc Coral,fin-
gulierenaent profitable aux Laboureurs, a raifon qnïl dechaflè Tonnoirres,
Fouldres,Tempeftes,Tourbillons, & autres mauvais V entz.Le pillierde l'vn
choit de Ceraune de Portugal, de coleur célefte, anty des Tempeftes, &fort
aimé de la deefpe Diane . Il efloit faift en baluftres,affentblez aune pommettes
& autres ornemens de fin or,en courage de fiLL'autre de pierre Onyce noire,
tacher de gouttes vermeilles,qui a odeur d'Encens quand elle eflfroyec.Le
troifieme de Medee, de coleur d'orobfcure. Le dernierde Nebride precieu.
fe,de coleurnoire, blanche,& verde:toutesmeflees enfemble, & facrees a
ce dieu Dacchus.llz auoientchacun deux piedz de hauteur,& furla
poinaeVite, efcuelleplatte,oucontinuelement ardoitvue
flamme de feu, qui ne Ce pouoit
En l'autre colé eftoit taillé vit icwie dieu gralfer,refséblât de vifagr a vne fille, eftaindre.
cotonnéde deux Colcuurcs,rvne [lâche,& lautre noire,fi bien contretaiâes, L ij
qu'on les eufl prifes pour naturcles . Il fc lèoit foubz Vue treille couverte d'vn
Cept tleVigne,ott montoiét despetitzenfans pour la vendanger , & puis ap-
portaient leurspanienpleins eraifrnsdeuantceieunedieu,quilesreceuort
en riant. Aucuns fouloient la vendange,d'autres demouroient fans rien faire,
fors gdilz battaient vn tabourin,& chantaient fans accord . Plufieurs gi (aient
enterre,couclaez al'envers, endormiz d'avoir entonné le vin, & bru en la Si-
billedupreffoir.Etcombienquelesfigurestendentfortpetites,fi eftoientel-
les faiâes a leur proportion & mefurc fi perfeftenrant,qu'il n'y avoir que
redire:& y auoit I'ouurierappliqué les pierres precieu(es felon les coleurs, par
merueilleufedexteritéconiomfteaindultrie&grande intelligence .
Du vaifIèau
T R 1 V M P H E Q -VATR 1EME. c3

A l'entour du chariot efoiét les Nymphes Mainades , Mima] lonides, Le-


Aucunes Aiment ceinQes & coronnees de rameaux de Pin, Cyprès, & au-
nees,Thyades,Paunes,Satyres, Tityres,& autres, brayans ce mot E u o=
tresfemblables :&fifautelloientoudanfoientneplus ne moins comme aux
Bacclae,en voix confines,& mal fbrmees. La plus grâd'part des per-
ietrx Trieteriques. Apres elles venait le vieillard Silenus, môté fur fan
fonnes fuyuant ce triumplte, efloitnue,& l'autre veftue de
Afne,& vin Bouc de poil Iterdsé, que Ion meneur en procef-
peaux de Dains & fans de Biche,lcurs cheueux peu-
fion pour faire facrifice .Puis entre les derniers le mon-
dans & épars fur leurs efpaules .11 yen auo it
ftroitvne femmemarchant furieufement,
quifonnoientdetabourms &cha-
qui portait fur fa tefte vn Van a vanner
Iumeaux,celebrant & fo-
les ricees,les criz,& les chantz
lennifantles fainftes
(ou pluftofthurlemens)
Orgies Baccha-
de celle compagnie.
nales.
quiChient telz,
Aucunes
que Ion n'y po.
uoit enten-
drel'vn
1 autre.
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE .
noit vit renghonnorable.Apres marchoieladeeffe Cerescoronneed'efpizde
Comme holiaencores incogneue bled,monteefurleferpeut de Triptolemus.La belle Nymphe Lara yeftoit
accompagnée de Mercure fur la nue du Tibre ratrenbmé .aufhefloit1inti me
A POLIPHILE,LVY MONSTRE LES IEVNES HOM-
feurdupreux Turnus:&prcfquevueinfinité d'autres,quiferoient trop lon-
mes e lespucelles qai aymerent au tenrpsiadis,eq en pareilfurentaymees guesaracompter .l'eltoiegrandementeltonnévoiant tantde gens affemblez
des dieux puir luyfeitueoir les Portes cbmtansleurs al'entourdecesfainftztriumphes,&nefauoiequ'ilz pouoient eftte,pour ne
porfesimmortcles les auoirianiais veuz . Adonc ma guydeapperceuant mon imbecillité,fans luy
demander que c efloit,me va dire:Voy ni celle deeffe?(en la monflrant de bb-
Peine pourroit on trouver éloquence tant prom- negrace)elleaautresfois effé mortele,mais fa condition fut mure par auoir
pte & f faconde qui feuft fuffilànte a fpecifier di- aym' lupiter . Celte aune la fut vite tele :et telz dieux £urét rauiz de ton amour.
ftin6tement tous ces divins fecretz & myleres, & ainfi ponrfuyuanrle catalogue,elle me declaroit leurs noms,leurs races, &
donner a entendrepar quele providence il z font origines antiques .Apres me monftra vite grande aflèmblee de pucelles, con-
conduiftz,ny pareillement exprimer la gloire,fe- dumtespartrois matrones,marchans deuantconte la compagnie : & me dit
licité& béatitude affluente en ces quatre trium . aucunement troublée,& cliangee en vifage. Mon Poliphile, ie veuil bien que
~~ phes, accompagnez de beaux irait es hommes,& tu fâches quenulle de celles qui font nées en la terre,ne peut entrer céans fans
Nymphes g racicufès,pluscautes&prudentes en auoirConbrandon allumépataidant amour,& violent trauail, comme tu le
toutes choies, que leur ieune sabre ne porion. Ces me vois porter.Encores fault il que ce loir parle ramé & addrell'e de ces trois
belles paffoient le temps ioyeufement avec leurs matrones . Puis dit en lbufpirann If me conviendra pour ton amour offrir &
amys élans en la fleur de] eurpreniiercieunefre :telemétque les aucuns elloiét efteindre terrien dedâs le fainft téple. Celle parollc me penetra le tueur: tât le
encores fans barbélesautres nemonltroicntquelepetit poil follet refrembléc plaifir eut déforce,quandtemouyappellerfren,carparce motelle me dôna
a corton délié . Plufieurs des Nymphes suoieist leurs flambeaux allumez,qu'il fou(pecbqueceltoicmadeireePolia :&(alaverite)telfutmonayfe,quel'ame
fouloir nterucilleufemét bon veoir .ll y en auoit vit grad nombre de veflues de qui me fait trouaient, fut furle ponta d'abandonner mon corps, & (e retirer
chappes,chafnbles,&ornemensde religion. Quelques autres portoienc des dés le fié: de quoy la coleur de mô vifage m'accufa,ioinâe suce vit foulpir bas
lancesoupendoientmaains rropheesoude(pouilles antiques : & dteminoiét & aidât queien ie&ay bon gré maugrèmais quand ellefen apperceut,prona-
peflemefleentroupe,ainCi que chacun fecrouuoit. Le bruyyle cry,les voix ptementchangea depropos, me difant:0 combien il en ett au monde qui
des perfonnages, & le Con des inhumés, laaultzbois, cors, trompes, buccines vouldroient feulement entreuoir ce qui feft permis contempler a plei-
& clialemies,eftoient fi grans,giii I fembloit quel'airfe deuil fendre .En ce lieu ne veue . Pourtant elieue ton c(prir, & regarde ces autres damoyielles
de félicité viuoient les bienheureux en tout foulas & plaifiyglorifiâsles dieux, qui'ontpatr a pair avec leurs amys, chantant en beaux vers les félicitez
& fuyuant les triumphes,parmy les beaux champs diaprez de verdure & de de leurs triomphes . Ces premieres font les neuf Mufes, & Apollo, qui va
fleurs de toutes les coleurs, odeurs,& fauteurs qu'il eft poffible imaginer, plus deuant, (uiuyd'vnebelledamoyfelle Napolitaine appellee Leria, cotonnée
aromatifintes que toutes les fortes d'efpices guenature fauroirproduire,voire de Laurier verdoiâr.Aupres d'elle rit vite fille belle par excellence,nommee
(certes)plus belles 9 nulle peincture:& fàns lamais cilié feichees du Soleil : car Melanthie .l'habillement,& le langage, me ferrent cognoifire qu'elle efloit
toufioursyritleprintemps faits varier,leiourfans anuytey& la fai(on tran- Greque. Celle la portoit vite lampe ardante,qui efclairoit a toutes celles qui
quille & temperee.Auffitout y croil fans labeur,& fy engendre par la bonté la fnuoientSon chant & fa voix efloient trop plus amoureux que d'aucune
de la terre,ati moien delà bénignité de l'air : & dément ét les fruiftz,les herbes, autre de la troupe. Aptes ma guide me monftra Pierus, & les filles, qui tant
&les fleurs,inceframmét en leur perfeaion de bonté,beaulté fenteur, & ver- fureur touantes . Puis Lycoris,auec vue dame qui chantoit la guerre d'entre
dure,Cans fleftrir ny lécher en aucune maniere.Iamais n'y a douleur ny mala- deux frétés de Thebes.Toutes auoientinffrumécz de nmfrque,dont elles fat-
die,deuil,foucy,melâcholie, fafcherieny defplaifir . C'eft l'habitatiôde perfe- foientmerueillesdefonner. Aufecondtriomphe efloientlanoble Comma,
âebeatimde,depureepourceuxquiferuentlesdieuxaleurcontentement .Lâ Delta,&Neera,auccplufreursautres Muficiennesamoureufes :& parmyel-
efloir labelle Calylo d'Arcadie,fille de Lycab. Antiope fille de Nyfteus,fem- lesCrocah,laSicilienne. An rterstriumpheieveyQuintilia,Cynthia,&au-
me de Lycus,& mere d'Amphion le mufscien . Afterié fille de Ceus le Titan, tres proferantes vers allez melodieux .Et li fe trouuoit Lefinia plorant encores
Alcumena avec fes deux mariz,l'vn vray,& l'autre fuppofé.,Puis labelle Ed- fort Paffereau.Auquatrieme precedoiét Lyde,Chloe,Tiburte,et Pyrrha. Puis
goné,quiauoitfongyronpleinderaifins .Helleyeloitencoresmontée(ntle entre les Mainades eloit vite géré damoylèlle chantât pour ion anay Phaon .
mouto a la toyfon d'or . Lon y poouoit veoir Eurydice que le ferpent moi doit Et au derüere deux dames,l'vne bien parce de blanc,& l'autre venue de verd :
au tallon . Phylira fille du vieil Océan,& femme de Chiron le Centaure, y te- toutes lelquelles folemtifoient celle feftq chantons a l'entour des Triomphes,
noie L iiii
PREMIER LIVRE DE P0 L1PHILE. 65
portant colonnes de Laurier & de Myrte,aucc diuerfes autres herbes, fleurs, auffi pfcftemét exprimée ej dedés la glace d'vn mi roer .Et quid elles alloient a
& rameaux,fms fin,fans trauail,fans ennuy,et fans eulx lalïer,affouuies en cô- monicontrelecoulant deceruyflèau,l'eau friction conrreleuaiâbes faifant
tentenient,iouyffantes par fruition eterntle des haches vifions diumes,et per- vu petit murmmecômefi elle euft eflé courroucée de les rencontrer.Les vues
pemellementhabitantes cil ce royaume bien Heureux. couroiéra s lescygnes,&f'entreieftoiétdel'eauauecleursmains .Lesautres
efloiét alpes fut la rnte,er faifoiét des boucquetz de flcurettes,qu elles dônoiét
aleursamys,aueclesacceffoires & depédâcesaccouftnmees,quifontles gra-
Comment apres ce que la damoyfelle eut cieux baifers,lefquelz n'y efloient efpargnez, gins libéralement & pmdigale-
ment ottroiez,plus iomftz &plus eltror& ferrez que ne font les coquilles des
DECLAIRE A POLIPHILE LE MYSTERE DES TRIVM-
Huyftres.Ce non obflant,& combien qu ïlz feuffent doulcement donnez &
pher,fyler doulceramours desdieux,ellcladmougqad'allerplurauant :reyrdilne rcccuz,fipouoitonvcoirapresledepait,l'imprefriô &inerquedcleurs détz
refaf :uy ueitplufeurs ieunes,Nympbespaf ntletempstoutlelong d'un au col,aux ioues,aux leures ou au menton,Gns violence, ny aucune douleur.
ruy~cauauerleunfidelerarmx .Putscamneeilf trouva Certains autres efloienteflenduzauxpiedzdestailles & Aulnesal'voleur,
e~ris de !amour de la damayflle contre les racines defquelz l'eau le venoit heurter en murmurant,& Ia fe repo-
fguyde. loteneentourplaifir,voyantles poi&rines de leurs amyesdefcouuertespour
donner aux yeux pafture plus agréable & defirce, que ne font a Cupido les
Onfeulement ïeflimerme bien heureux, mais larmes de les bons feruiteurs.Aucunes chantoient chantons d'amours, a voix
(certes)pluscontent quetoits lesbeatifiez,celuy débiles & tremblantes,brifees deperitz foufpirs,& remplies de doux accens,
auquelpar glace efpeciale feroit pertuis de veoir aflèzfortzpour faircamollir&endouurirvucoeurdepierre . uclquesau-
fans fin ces pompes divines, & triomphes glo- ires efloiétcouchez aux gyrôs de leurs belles nymplies,auiuelles faifoiét des
rieux,decorez détour deNympltes& Deeffes plus plaifanscôptesdont lzfepouuoiétaduifer:&elles en rectipcfe intitulée
pleines de beauté nonipaéeille,aiant entr'elles des cliapeletz,ou lyoiét des bouquetz a leurs cheuenx . De teles en y auoit qui
amytié cordiale, & conuerfation familiere: mais faifant femblant deftte courroucees,refufoicnt de fapprocheq& fuyoient, ou
entures (croit ce plus fil y choir condui& par vue bien ftignoiét de chaffer leurs amys,& leur donner congé, monlirant d'avoir
I pucelle autant exquife que ma guyde : car a mort
mgementc'eft fvne des principales parties de la
a defplaifir,ce qti elles defrroient n efardanamét : & par ainfi ces belles couples
alloieurcourantfvneapresl'autreagranscriz,&plaifantesrifees .Encesen-
vraie beatitude .Penfanta celé demouray quelque efpace de temps hors de trefeiEtes les cheuenx des dames voletoient en l'air, reluylans comme le fil
moy,& tout efmcrueille' :parguoy ma conduânce me tira parla main, difant : d'onpuis quand les perfonnages feloienc r'attaintz,incontinent le bailfoient
Paffons oultre.a quoy i'obey de bien bon tueur . Nous pleines vit chemin contre terre pour emplir leurs mains d'herbe & de fleurs, & le les entreicaer
autant ioly qtion pourroit fouliaitter, feflendant au long de pluficurs belles
au vifage.Larecompenfedece travail effoit vu baifer réciproque . Aptes ilz
fontaines qui faifoient vu myffeau clair comme argét bruny, bordé de fleurs fentredonnoient de petitz foufletz,ou furlaioue,ouparderriere,en fuyant
&deverdure,principalementdeSoudiet,deGlayeul,& deLiz blancs,rou-
allée les plus eftrâges & mutuelles efcarmouches, qtiAmour fceut onques in-
ges & iaunes,auec de belle Ballottine . Là Ce miroir l'imprudent N arcifrus filz
ucnter,fans toutesfois faire aâe qui derogat ala glace épine pucelle bien née,
de Liriope, amoureux de foy mefme . Tout ce pom pris elloit enoironné de
& bien norrie,mais toufiours en honnefte contenance, gefte & maintien tel,
beaux coteaux peuplez d'arbres Buytiers,comme Lauriers, Pins, Myries, &
duc le punies de ceux qui les i egardoient,n'en pouoit aucunement eftre offert-
Lenrilques,au long defquelz couloir cette eau plaifante,qui auoit le tons pauc
fc.Helas qui Ccroit donc le tueur fi fruit,& tâc gelé,qui ne fenflammeroit im-
de beau fable rouge.Toutesfois en aucuns lieux y croiffoit le Creffon, & au-
petueufemmttvoyant fi deledables effedz d'amour égal? le pente veritable-
tres herbes aquatiques. La efloientpluftcurs ieunes Nymphes, belles & de
mét que la chaRc, Diane y euft elle tout foudain embrafee :& oferoie quafi dite
bbnegrace,accompagneesd'autant d'hommes de!euraage,paffansletemps
g tic les antes des felons envieux n'endurent plus grand mal en ce monde,gne
mien ement enfemble .Aucunesquiauoiendaaulféleurs veflemens defoic,&
amoncellez fur leurs btas,couroientpar dedans ce ruyflèan, telenunt qu'elles celluy qui leur A camé de l'ennuy qu'elles ont voyant la félicité de celle lieu-
reufecompagnie,quivifans peine & fansfoucy,menantioieperpemele,con-
faifoient veoir labelle difpofltion &profil de leurs perConnes,aiandes iambes
tenre du prefént,uon affouuie en dcfirant l'auenir,ains efliméttoufiours cho-
dercouuertes laïques aux genoux, &lespiedz en l'eau loques ala chenille .
fe cultuelle ce qui et foubzmis a leurs yeux,& dont ilz ne fourmillais las . Les
ni me fèit fentir en mon lutter, que tele choie a puifinece d'affubgeftir a l'a-
miens(certes)receuoientviie doulceur fi grande feulement de les côtempler,
mour vit honte du tout inhabile & i nntile a ton feruitc .La ou ei}oit l'eau plus
que moncueurparticipant encesdélices, futfurle pontet de melaiffer pour
tranquille,& ou elle auoit moins de cc Lits, vous colliez sec toute leur figure
aller en celle beatitude requérir fa part de ces benefices d'Amour. Et fi l'tma-
auffr
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE . cs
ination euftpeu caufer l'effea,ie feu ffe (fans point de doubte) demouré lors lublc,ou bien me remettez en libertércar ie ne puis plus difhtnuler le tourment
ïans ame.Aucuncsfois le penfoie que ce feuft enchantement,ouoff re arrimé en que icndure,ne amour le brafier qui nie c6fume . fay grand plaifir en ma tri-
quelque pays de Facrie . Puis me fourienoit des oignenaens de Circe,des lier- lteffe,& Cuis en peine fans pener.La flamme qui me diminue,me outra, & le
liés de Medee,du chant Magicien de IIyrrenne, & de l'infernal murmure de vraie me fait mourir. En valent le ne gorille la vie,& en mourant ne fens la
Pâpliile : car ie fauoie bien que les yeux corporelz ne peuuét rien veoir oulire mort,ains fuis comme via, flacon nus au myliev d'vne fournaife ardante .
l'humanité:& qu'il corps mortel faift de terre, lourd,vil,pefant,& ténébreux, Hélas ceff amour m'cilvn plus pefantfaix que fille d'butome lugeant Ti-
nepourroireflreaulieu ourepoientles immortelz . Ces choies pciafoisle en phaus . le m'y tienne plus égaré que dedés vu grâd Labyrinthe:vonc(a bien
moyme(me: touresfoisâpres auoirbiaisé toutes ces re(uerles, & venant a re- dire )pluspreféguonquesnefutAEtcôparles chiens,&tant,q ienepuisco-
mémorer les merueillcufes choies par moy turques a celle heure manjfeflemér gnoiltre craquelé partdumonde le Cuis,finon demandés yeux dccelle da-
voues&apperceues,iecongneuque ce n'eftoient point illufious,ny f Ilaccs moy(elle qui nie tant -& ne m'en puis garantir par fuyr,ny par refiflcr. Hélas
de niagique,ains cliofes vraies,imperfeâement comprjfes de mon feras :qui au moins qu'elle eufl plaiir du mal quoiendurepour elle :fans point de doub-
me fait retournera contempler la beauté de nia guyde,& y appliquer toute la teccmeferoitvneefpeced'allegement . Enproferanttelesparolles,lesLimes
puiffance de tub efpiit, lequel fougroit vne peine trop grieue,pour ne luy ofcr me tumboient des yeux,& appelloie la Mort,tour bas,de peur que le ne feuflè
demanderfielle choit nia Polia,ou non : confideré qu'elle n agueres inca ouy:& deliberay plufreurs fois de mcfcner par vile grande plainte, O noble
allait donné quelque notice,mais doubtenfe .Or craignais le de l'offenfer pour Nyniplie,nia feule efperance,prenez déformais pitié de moy : carie Cuis en ter-
peu de cliofe,poor autant que le luy efloie inférieur en toutes parties & qui- mes de mourir.Puis tout acoup blafmoic ce cbfeil comme léger & inutile, di-
hrez,voire prrfque indigne güelleparlaft amoy . Ce neantmoinsla parole fant :Pourgnoy varies tu,oliomme inconflant,& peu ferme? Le mourir pour
nieftoitplufieursfois venue iufquesfurlebout delalangue,&iel'aume touC- amour,tc fera plus honorable que lavie. Adonc en châgeant de propos, Para-
ioursfupprimee,eftâtperplex&incertain oultremeCuredecequeïzuote lors uanture(difoisie)qucc'eltq nelquedeeffe,alagttellenetedoisaddreffer.Cer-
a faife :daitme trOmmme plus eftôné gSofia quand il rencontra le dieu Mer- tes Syringa d'Arcadie n'eult jamais efté transformée en rofeau fur les titres du
aire lequel amuit pris fa propre forme,d'autant qu'il ne pouuoit juger fil effort fleuve Labdon,fi elle fe feuft abftenue de parler indifcretement cola prefence
ou luy,ou va autre. Voyla convient iefloie affailly de penfees, & difoie a par des deeflès .SemblablementEchoneferoitconuertie enla queuedcs voix, fi
moy :Poursueur place enceparadis terrefIre,ieferoiecontent de m'auantnrer elleeuft honnoriblementrecitéfort affaire . A celle taule, combien que les
a toutes entreprifes, pour hautes & difficiles qu'elles pouffent eflre .Nul tra- dieux forent de leur propre naturel tons enclins a mifericorde, vntel contera-
mail nie femblcroit niolefle.Ic mettroie ma vie a tous hazardz .le ne craindroie moment &audace téméraire les pourroit irriter avne coude vengeance . Quil
péril de mer ny de terre .le ferc je content d'entrer en fa caverne du cruel Poly- Toit vray,les conipagnôs du Cage V lyffes ne feuffentperiz en la mer,filz n euf-
phemus,logcr en la maiCon de Calypfo,feruir plus longuemét que lacob,m'of- fét riime facrileges deCrobé le beflail d'Apollo . Oriô cuit cuité l'ire des dieux,
icir a fauanuire de Hippomanes contre Atalanta,& endurer toutes pcines,Ia- fil ne fe feuftingeré defaireviolécea la thalle Diane. Et Phaeth6 filz de Pha-
beurs & dangers extremes,redoubtez & fuyzdetout le monde : pu urairtant bus fut par fapreCumption précipité du ciel a bas . Ainfi donc fipar iuiptuden-
que ou l'Ain ourdormir e,peur & peine n'ont point de lieu . Toutes choies Ce- ceiefaifoiequelqueaâe indécent envers celle Nymphetant exquife,il me
rois je voLaitiers pour acquérir vn L haut bien, & d entourer en ce lieu de fe- pourroitaduenir leCemblable,&(peulteftee)pis . Cc chicours me feu oublier
toutes mes folles entreprifes,fi fie me trouuay en grand repos,& me remey a
1icité,abondant & comblé de toutes délices perfeaes, & principalement pour
contempler le beau niamtien,la bonne glace, & la figure excellente de la da-
parvenir a la glace de celte N ymplie,lagaelle eft fans comparaifon plus belle
que Heleine la Greque,voii e(cerms)que toutes les autres renommées de grâd moyfelle,quimeconfolagrandement,demanierequeiepall'ay toutes ces fa-
clrcufes péfees,& celfay de foufpirer,laifrant l'efperance flatteufe,qui efi la pa .
beaiilté.Helas ma vie & ma mort font du tout en fa puisànce . Mais fd femble
Pure ordinaire dequoy vicient les amoureux,meflee bien forment d'vn banal .
aux dieux que je Cote indigne de ion aloi requier pour le moins qu'il me
g e de larmes: & me miray cri celle beauté divine, content & fatisfaiâ d'en
fort permis de la portait contempler & feruir atout iamais .Puis redoubloie,O
alleu la feule finition par la veux.
Poliplaile,fr le grand tramail te defloutne,le guerdon t'y fe mant & cumule :
mefinesfilesperilzeefpouentent,bone(poirtedoit enhardir . Parcenaoyen
ic m'afreuroie,difant de rechefen voix non entenduc :0 Brans dieux de lions,
& vous fouueraines deeffes,f celle Nymplie donne voy la preCence,eft Polie
de moy tant défiler, laquelle le porte emprainfte dedans le profond de mon
tueur,& fay portée depuis les premiers ans de nia icunellè, je fuis content &
fatisfaift :tant feulement fuppliequ'il vous plai(c la contraindre de Ce clwu-
fer au feu ou je me bride, et faire que tous deux fuyons lyez d'vn [yen indiffo
lublc,
PREMIER LIVRE DE P 0 L1PH1LE .

Comme la nymphe conduit Po-


LIPHILE EN PLVSIEVRS AVTRES LIEVX, ET LVY
fait ueoir le triun+pbe de Vertumnus u Pamona .Puir le mine en un tem-
plef rnptueux, lequel il defuit bien au longe, cône par l'cxlror-
tanon de la Pricuf,la Nympbey ef}a+gnitf rrflamGeau en
tro,grandec erirrronic fdonnant a cogrroif re a Po-
lipbilc,py declairant quelle efoitf Po-
lia : cy derfcrficer qui Iy
fariner .

Ertainement ie ne pomme plus refifler aux rudes


afiàultzqueCupidomedônoitauecles yeux de
labelle Nymplre,qui auoit acquis la fcigneurie
de mon anae,quâd elle me print parla mam,vou-
Ilttnremener plus oultrevers vnimage qui elloit
Carle bord de celle vallce, ou finiBbient les ce-
flairs & inontaignettes dont le lieu choir clos 8z:
enuironné . Aufi nous cheminames entre des
beaux régz d'arbres, afauoir Orcgiers, Palmiers,
Moches, Pins,Pommiers , Lauriers, Chefnes,
Houx, B uys,leneuriers, n4yrtes,Frefnes, Noyfilliers, Lentifques, Cormiers, An dedans de ces prez fe trouuoit vue multitude infinie de peuple cham-
Amendiers,Meuriers,Cerificrs,&autres infiniz, qui n efloien t cfpois, ny ob- peflre,tel que ie n auoro iamais accouflunré de veoir.ll me fembla venu rufli-
fcurs,maisplantez paregalesdifâcesa laligne,&verdoyâscomme ai, Prin- quement,depeaux deDain .s,Cheureulz,Onces,& Leopardz .Certains au-
temps . De la nous entrames eu v a lieu lai& a parquetz en quatre, leparez de tres eftoient accouflrez de feuilles de Bardanc,Pfrlopate, Mixe,ou Sebeflen,
chemins &alleesaflèzlarges,croyfezparquarrefoursbienordônez . Lespar- enfemble de la grand Farfuge. Leurs brodequins efloient de Patelle, & d'O-
quetz cloz de Icneures,B uys,& Myrtes,druz &ferrez en facon de muraille. zeille,bordez de fleurs, pourautant quilz folennifoient vue fefle avec les
Le dedans efloit en pré,femé de toutes manier es de fleurs . Pariny la clo- Nymphes Hanaadryades,a l'entour de Vertumnus,qui auoit vn chapeau de
Rure des parquetz y aura des Palmiers tous chargez de leur Rofes,& fan giron plein de fleurettes .Aupres de Iny efloit fa Pomona,coron-
fruia,plantez aufh par interualles,ennemeflez d'O- n ee de frui q,ige,les claeueux pendans fur les efpaules " tons deux affiz en va
rengiers,Citrooniers,Gtenadiers,& cliariotdetriumphe,tiréatraiftzde rameaux & feuillages,par quatre Brans
Piftaches . Faunescornuz . Aleurs piedzyaurait vueChétepleure :&Poirotatentait en
Au dedans faniain vnecorne d'abondance,pleine c:e feuilles & de fruiftz . An deuant
du chariot alloient deux belles Nymphes port'enfeignes,l'vne niant en fa de-
aile des fers de charugmarres,hoyaulx,faulx,faucilles,Aeaux,pelles,& autres
inf rumés de labeur,tous pendâs au bout d'vne ISce. En liautre y auoit ne fcay
quilz grefles ou reiettons,auec vue petite Cerpe,& va tableau ou efloit efcripe
ce gni fenfuyt:
INTEGERRIMAM CORPORVM VALETVDINEM,
ET STABILE ROBVR, CASTASeZVE MENSA-
RVM DELICIAS, ET BEATAM ANIMI SECV"
RITATEM CVLTORIBVS MEIS OFFERO,
M
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE .
C'efl a dire,
f
Iedonne t7prefnte a ceulxla qui mefruent, per(è£7e nté de corps fernrc efable
uiigueurdelcursperlnnes,puresa claies delicetenbanquotz auec En l'autre collé femontroitvne da-
' bienhcurruf tranquillité d'efprit . moyfelle femblantvierge a fon vifage,
&matrone en fa maief e . Deffus ton
chef portoit vue cotonne d'elpiz de
Celle troupe al-
bled: les cheveux pMâs fur les efPaules :
loir en forme de
& fors accouffrement de Nymphe .Elle
proceffiô a fétour
tenoitenfamain dextrevuecorne d'a-
d'un autel quatre,
bondance,pleinedebled meut:& en la
fitué tout au my-
gauchevne racine d5t procedoiér trois
lieu de ce pourpds
efpiz .A fespiedz vne gerbedebled : &
taillé en marbre
blanc, & garny de au def%ubz efloit efcripq
moulures conve-
nables . En cha- FLAVAE MESSI S.
cuneface du quar-
ré y auoit vne ima C'eff a dire,
gc plus enleuee j
dela demyboffe . Dedi'alablonde moyffon .
La premiere effoit
vne deefre coron-
ne e de raies et au-
tres fleurs, les die
ueux elpars au
vent : velue d'vn En la tierce face efloit figuré vn beau
drap de lin fi de- frmulaclare d'vn ieune homme riant,
lié, que Ion poroit tout nud,& relfemblant du vifage a vn
veau Ces mébres enfant,corôné de feuilles de Vigne, te-
atrauers . Elle rel- nantdela maingauche vin fep chargé
pédoic de fa main deraifms : & defautre vue corne d'a-
dextre des Rofes bondâcepleine de grappes & de feuil-
fur vu pot a trois les. A les piedz y anoit vn Bouc, & au-
piedz,faift pour les facrifices.De l'autre tenait vn rameau de Myrte, reprefen- defpoubztele efcriture,
tant le naturel . Aupres d'elle efloit vu petit enfant volâyqui rient, & tenoit vit
arc & des Aeches, avec des Colombes amiables: & au deffoubz efloit efcript, MVSTVLENTO AV-
FLORIDO VERI S. TVMNO S.

C'eft a dire, C'e~adire,

DediéauPrintempsfleury . DediéauuineuxAutomne.
En (autre
M ij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PIl1LE .
La derniere face contenoinne autre
figure en forme de Roy,léucic & ro-
bulle,tcn5t vit fceptre en fr main dro it-
te,regar,lant dcuers le Ciel, en forte
qu'il rendent l'air trouble & obfcur .Dc
l'autre main touchait les rmes,noircs
& pluuieufes,pleines de ;grefle& de
.Sonhabitefloir
tourne d'vnepeau vcl-
lue,lePot] deuers le nu, chaufl~
de fouliers a l'antique : & au deffoubz
neige,
effoit cfcript,

HYEMI AEOLIAE S.

C'ef a dire,

De&ié a Cbyucr venteux.

Oultrel'excellence de l'art exprimé


parl'ouurierdeceflautel,il alleu choi-
fy le marbre a propos :carpa ruy la bIS-
cheur fefloient trouuees aucunes vei
nesvnpeu brunes, pour faire apparoir l'chicontédesnues, mefleedepluyes,
neiges, grailles, & tourbillds . Sur le plan de l'autel effet pofé le rude & rufh-
que gardié des iardins, merqué de fort éfeigne,,vnrbragé d'vne trcd le de verdr:-
re,farfte avoulte,fouflenue fur quatre perches reueflucs de feuilles et de fleurs,
le tout lourdemét esbauché, voire (a bien dire)fans grand ouvrage . A chacun
efpace entre deux perches pendait vue lampe a rdantc,attacltec au mylicu de
l'arc delà voulture a petites chainettes de cuyure,fott fubtiles,qui effât agitees
du vent,rendoient en Centrelteurtant vit fort comme de petites cymbales .
Tour autour eftoit celle tourbe rurale,Bouuiers,Berggers, & Labou leurs, qui
rompaient côtre l'effigie de leur dieu,beaucoup de fioles de Vert e,pleines d u
fang d'vn ACne qu ilz auoiét facrifié,meflé de vm & de lai û :& y iettoienuies
bouquetz&rameaux apuifrance .Encelle proceilion efloit par eux mené le
vieillard lanus,lyé & garotté de rameaux,de fleurs & de feuilles .llz
alloientbrayant certaines cltanfonsclaanrpeflres & fefliues,
appellans Tlaalnfre & Hymenee,danfâns,faultans,& rians
par grand ioye . Ce triumplre rite donna plus dadmi-
rationquedeplaifir,& ne me Cemblapoint
fi divin que les pre-
ecdens .
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . 70
uand nous fumes poffez orlve, ie vey atrauers Ia foreil certaines Nyur auoiAlent faillie wfques1plomb duvifdelacolonne . La combine des arcs
phesOreades,Napecs,& Dryades,auec les Nercide,,veftues de peaux de cotnmencoitauclmpiteaudupillier,quiauoirde hauteur latierceparriedc
Veau marin,& les autres de fleurs & de feuilles,ballantes cure les Faunes,& fa largeu r,et fa baie feulement vne quatrieme. Ces pilliers pofoicnt fut beaux
Satyres,ceronnezdecarmes&dejonc. Pareillementyefloitledieu Pan,& piedeflalz quartez,& les colonnes Coiintluénesfur demyrondz,compofez
Syluanus : puis Zepliyrttsauecfamic Chloris,& tous les autres dieux & deeC de deux quarrez perfeftz,prins fut la ligne diamétrale du pied de la colonne,
les des bois, môtaignes,vallees,& fontaines:enfemble plufieurs bergers mu- vue tierce partie employée aux moulures wignâces aux piedeftal z des pilliers
ficicas,(onnans de vieuxinfrumés compofez de fefiuz & de cannes, de cor- quarrez . Aux clefz des voultures y allait despetitenfuis, &aux coings que
ncoudes esdepeau crue,dechalmoraux d'efcorce,& autres telz d'eflrangere- cri
les arcs faufilent vers les pilliers,a chacun rond de Iafpe de dunettes coleurs,
fonnance,dont ilzcelebroientles famftes féries Florales. le laiffe a penfer a enclozenchapeauxdeferallage.Del'autrecoflédupillierauderrieredes co-
ceux quilepourrontcomprendre,leplaiftrqueïeudevécut deschofes tant lonnes de Porphyre,Cortojent despilliers quartez cannclez,de Serpétine, ayas
noctuelles . Nous n'crimes gueres cheminé ma go yde & MO Y, que papperceu de faillie la tierce partie de leur grolieur, leur baie affile fur le plan du pané. A
entartrés les formuliez desarbres, vn haut pinnacle côme vne tournelle ron- leur appohteen la muraille principale fautant la clolture du téple,il y en aucit
de,qui ne me fembloit gLier es loing de celle rive de la mer ou ma guyde pré- d'antres Cemblables :& deffifsvue cein&ure en forme de comice, enuyrônant
noir fonchemin, alaquelle t ous lesmylfeaux que nous allions paffez,fe ve- Loure la naaffonnerie.La diftancc de l'vu pillera l'autreelloit teiglee parles M-
noientrendre. Quand jefuvupeuapproché,ieveyplus manifeflementcom- gnes tirées du centre a la circunferéce . Les piedeflalz quarrez &demyrondz
me elle voirie tondaitcul de four,couuette de plornb(ainfi quiil me fembloit) despilliers & colonnes, eftoient d'Albafre, entaillez de feffons ou fàifI feanx
enrichie d'vnelanterne a band pi]liers :& deflis vue au]me voulte de mettait, de verduredepluheursfortes,atedes de Pauot,Neffles,& autresfmiftz &
fouflenant vne autre lanterne pareil lemétde huicîpilliers guarrez, en laquelle feuilles,liezde mbens qui troublaient paffer parmy des anneaux de chacun co
efloitfichcevneverge&vne boule fort relmCante.le defiray foudainement fié & leurs extremitez volantes fur levaYde délai pierre . A chartm e voul
veoirce beau bafliment,qui toufrours me fembloit de tât plus exquis, que l'en turedelanauraille,Yauoicvnefeneftrefaifted'vn9narré&demy,vri ttée de
approdaoiepluspres .Iemgcoiea le vaincde ~ l orn,que c'ello¢ ftru dl]te an ti- pierre Sogobrinetrefclxire,ainfi qu'il citait requis pour les temples antiques:
que:patquoyfuendefiberationdel>tiermaguy~egtiellem'yvoulullmener, & rien y allait fluor huy&, pource que la porte du téple occupait le lieu de la
combien que noirs cheminions toufrours vers le lieu on il eltoit : mais le repri- oeufieme,& la chapelle ou facriflie qui elloit a l'oppoftte,le lieu de la dixieme.
may mon vouloir,djfam apar moy :Helas ie nôte demander la choie que plus Ceflc chapelle fera cy âpres defcritte plus au long, &parle narnu. Lespilliers
ie defire,& qui me ferait content fur tous les hommes de ce monde fi le la po- de dcladrs allaient autant de faillie,quela muraille d'efpoiffeur. La largeur du
noter mpétrer : comment do nques de manderay je cellecy qui ne m'cl n y ne-
pillier efloiuiree de l'efpace d'entre deux lignes partant du centre, & touchât
ceffaire ny vrgétc?Awf1 al lois léché minant, toufiours la fa marie comblée de a la ci¢unfcrence, diuifant tel efpace en trois, & la troifieme partie en deux,
teles variations amoureufes, tant que nous perneimes furla litre de la Mer en fvnepourla largeur du pillier, (autre audit diuifee en deux, pour en mettre
' vu lieu fortplaifant,auqueltlloitedifiévntemplefumptueuxconfacréaVe- vue a chacun calté desptlliers,fur lefquelz les arcs des voulte eftoient cour-
vnrb,e.,v, nus Phyfrzoé. Sa forme eltoitronde,& anoir de hauteur autant que le chame- bez.Oultrelafaillie dupillierdepartieentrois, cesdeux collieresen atroient
tredefoncercle:&pourlablécôduire,l'Architcâeenpremierlieu,moitfaift vne auec la voulrrre,et le pillier deux autres . Ces mefures furent jadis obfer-
furle plan vu rond,&dedésvuquarré : uisavoirdiuifélediametredurond ueespar lesfuffifans Architcftes,pour redonner tant de groffènrau mur, que
". encingparries,depuislacircunferéceiufqucsaucoflédecequarré,&enauoie les feneftres en feuffènt obCcurcies .Au mylieu de l'efpace entre les deux Fil-
filpply vne ftxieme furle centre. Surlaquelleil autrui: tiré vu autrecercle, & fur
Iiers,audroiEt de la clef de la voulte,eftoient percez lesfenedrages, & y auoit
icelluy érigé ce bel édifice quanta fes parties principales, voire la outré tontes dix pilliers,& dix arches, comprenant celle contre laquelle choitla chapelle .
les mefures,tant de la groffeur des paroys & pilaftres,que de l'efpace qui elloir Droiaement fur la voulte & efpoiflèur de l'are,edoit taifte la cornice laquel-
fat fant la cloflure du temple, & les colonnes fo uftenantcs la
entre la muraille le enuironnoittout le badinaient, & embraff'oit la chapelle, l'affemblant auec
voulte dumylieu .Apresauoittiré dixlignes également depuisle centre wC le temple . Suricelle cornice conamencoit la soulte ronde a culde four,du tout
quesalacircnnference,diflantes l'vnede fautrecômeraiz en Cemidiametres: feparee de la grande. Mais il fault maintcnâr retourner a dire que par dedans,
fur IeÊquelz auod fui& dixarcs ou voultures alfizes fur dix pilliers de pierre âpres fatehiuaue & Ix frize,fouftenuzdes colonnes de Porphyrc,au rond du
Serpentine. Par dedans Foulure, contre chacun des pilliersqui atroient deux mylieu & deflùs la cornice,a chactuue faillie d'icelle, a plomb des colonnes, y
piedzde largeur en leur face,& fouffenoiendes berceaux des voultures, efloit auoit vn demy pillier de Serpentine,quarté & cannelé félon qu'd eft requis .
pofee vne colline Corinthiénede Porphyre,de hauteurlonitlue,c'eft adire de Ceft ordre de pilliers fouflenoit vne autre cornice, fur laquelle elloit affile la
I ne nfdiametres,fansleschapiteauxquieffoiétdecuyuredore,&pareillement grand voirie ronde,fai fte en retttbe ou cul de four .Entre deux pilliers y moit
les bafes,fur lefquelles eftoient allizfardtivaue,lafrize,& la cornice, qui vtic fenellre vitrée de lames de Bologne en France.Lamuraille elloit de Mu-
atroient
M iiij
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE. 7t
fiiclue dorée,contenant en peinétureles proprietez desdouzeinoys de l'An, pource qu'elles font dangereufes de tumbcr:parquoy le doit cuiter tel incon-
&leurs difpofitionsfelon le cours du Soleil parle Zodiaque, &pareillement uentent.Dauantage la goutiere cane la placed'alentour* fi l'eaunimbe furla
de la Lune,enfemble leurs conionkions,oppofitions,quadratures,eclipfes,& pierre,elle reiallit,& pourrit l'empietementdu mur.Voire (qui plus eft) l'eau
autres afpekz:& pourquoy elle fe moftre corntte,puis demye,& toit apres rô- tombant d'icelles goutieres, reiettee du vent contre la paroy, noircit, cou-
de.Aulfi Ion y pouoit veoir les reuolutiôs d'iceluy Soleil parles equinoftiaux, tire de terre, difforme,& ruineles moulures :mefmes yengédreplufieurs her-
folfhces,& tropiques.Puis commentle font la nuyk & le iour,auec la diuifiô bes, mouftes, ou arbriffeaux, qui defnoignent & font tumber les pierres . La
des quatre faifonsannueles,afauoirHyuer,Printetnps,Efté,Autône . Plus la haulteur de la muraille de dehors,nexcedoit en rien celle de la clef des arcs,
nature desPlanetes,& elloilles fixes,auec leurs influéces & effekz .qui me feit fans la cornicede dellùs,laquelle efloit caueepar le hault en facon de canal, ou
prefumer quecelé peinkure efloit de l'inuention du grandaftrologue Petofi- levenoitrédrelapente ducouuert,depuislerond dumylieuiufguesala mu-
ris,ou du mathematicienNecepfus . Sans pointde doubte elle tiroir le regar- raille,qui efloit de lamesde cuyure dorées,faiQes aefcailles: & commencoit
dant avuehaulte &admirablecôtemplation,côioinkea plaifir fingulier: car fa pente par dehors droikal'oppofite de la derniere ligne faike par dedans,
la fiQion efloit ingenieufe, lesfiguresexcellentes,la diftributiô & ord re pro- furla cornicede la frize&architraue:&declinoitfur celte gouaerequi rece-
pre,lapeinéture riche,la proportion egale,les vmbrages au naturel, & le tout uoit l'eau de la pluye, & la vuydoitdis les tuyaux des pilliers parlefquelz elle
expriméparvne reprefentation tant viue,qu'elle donnoit contentement non efloit conduifteen la citerne, garnie d'vn autre conduiR fecret pour la deP
Cwlemétaux yeux,maisreuiuifioit lesefpntz :car(a la verité)c eftoit vu ou- chargerquand elle eftoittrop pleine,& quel'eau regorgeoir,retenant feule-
usageautant dt ne d'eûre veu,qu aucun autre qui onques aitefté. En fvn des mentcegtueftoitneceltairepourlefacrifice.Lesfacesdespillierseftoient fai-
cipaces efloit 2critte en lettres Attiques toutela fngnification des choies clef- Sesdedemytaille,acandelabresantiques,oyfeaux,feuillages,& beftions,cô-
fus declairees,et tous les autres efpacesentrelesdemys pilliers,enclozde mou tinueziufgttesalahaulteurdelacomice pofee ardehors a foppofitedecelle
litres excellentes. Lesmitrailles du temple eloient de marbre enrichy de tous dudedans,eftantaudeftusdesfigures des Mules, furlaquelle commencoit la
les ornemésquel'induirieux Architeke auoitpeu & Cceu imaginer .Audef- grande voulté ronde. Depuis celte cornice iniques a la haulteurdu pillier,y
fusdelafrize&cornice,furlesfailliesqu'ellesfaifoienta fplomb lombdescolonnes auoitautrrde penteque le couvert de deffoubz en portoit, qui efloit d'efcail-
de Porphyre, contre lespilliers quarrez,eftoient pofez ur l'vne Apollo iouât lesde cuyure,comme iay dik. En la cornicepardehors, fur laquelle elloit la
de fa Lyre :etfur les autres,les neuf Mufes,toutes de relief ou boffeentiere,fai retubeouvoultea cul de four, commencoit vn arboutantgarn des mefmes
étés de pierre Pilâtes. Là grand'rembe ou voulte ronde efloit pluftoft aeuure moulures quel'architraue,refpondantcontre lahaulteurdupilher :les cornes
divine queterreftre:etfi elle furfaikeparmains dliommes,cen'eltoitpasfins duquel repofoiétfurdeux demy pilliers quarrez,faillans de la troifieme partie
acculerla trop prefumptueufeentreprtfe de l'engin mortel : car en regardant de leur largeur,l'vn de la muraille,& l'autre de derriere la haulteur du pillier,
celteemalle excelEue,d'vnefeule piece de metaliekce en fonte,ie la iugeoye auglpar dehors eltoiét faikzdes nidz au deffus du chapiteau y loger dix
fn eftreimpofûble.Toute celte rôdeur efloit éclofe d'vueVigne de dix lepz, figures de botteentiere,toutes de contenances diuerfes .Aux deux cotezlepil
ortans chacun d'vu vafe pofé fur la derniere cornice,a plombdes Mules & des lier étroit entaillé de Cculptureainficommeen fa face.La pentepou' coin-
cotonnes,& la mefmefonte de cuyure doré . La Vigne empliffoit toute la cô- ala ceinkure Coubz la voulte, & defcendoit Cur la cyme du pnllier,auee
cauité de la voulte,par beaux entrelaz &entortillemens de les branches,feuil- s moulures que celles cie l'enceinke,qui eltouVuecorntce dételée, & our-
les,& raiins : army lefquelz eloientfaikz des petiz enfans comme pour les -écot
tel'
lee,ledeltottbzraba. cauecdesrofaces .Leplandelacornicealendroitparou
doriques
cueuillir,& désoyfeauxvoletansal'entour,auecdes Lezardes & Coleuttres il ioignoit ala voulte,eltoitcaué tout a l'entour,pour feruir de goutiere, & re-
mouleesfurlenaturel:toutlevuydeperccalotir, & vitrédelamesde Cryial cettoirtoutel'eau qui en defcendoit,laquelle couloir âprespar dedans les ar.
de diuerfes coleurs, reffemblitapicrres precieufes.La manifakutc en eftoit ft boucans,& de la' dedans lespilliers,comme cellede l'autre couvert, puis Ce ici-
bien conduike,gu a ceux qui la regardoiét d'embas,lesfeuilles,les raifins, & toit en la cifteme.Cesarboutanseftoiét couuertz d'vne cartoche ou rouleau,
lesbeftionsfemonftroient de grandeur naturele. Etpource que toute cein- (que d'aucuns appellent volute) en forme d'vn papier roulé par les deux
kure mife pardedans vu edifice,en requiert vueautrepardehors,ou il ne fe- boutz,l'vn au côtraire de l'autre:c'eft afauoir celluy qui touchoit a la muraille,
roitpasperfek:les pilliers extérieurs eftoiét empiétez furtroisdegrez, au ny- deuers le bas* celluy quieftoit côtre le pillier,deuers le hault.De leurs repliz
ucau du plan ou pané du dedans,qui leur icrtoientde piedeftal: & en lieu de fortoientdes golfes de Feues,Pois,& Carobes,ademy ouuertes, tant que Ion
bafe yauoitvue moulure qui enuironnoittout le baftitnét:la faillie de laquelle difcernoitleur fruii2pour ornement. Le plan de deftus efloit departydvne
futprinfefurlaforme dupied del'homme.Lespillierseltoiétcreux & percez arelteplatte,entailleeaefcaillesdesdeuxcofiez,&pardeftusvuefeuilled'Ar-
du haultabas,commetuyaux,pour vuyder l'eaudespluyes quitumboitfur le tichaultbienouuree,&vupeurenuerfeefurlebout:lef uellesvolutesle font
temple,& par ces condutkzdefcendoit tufquesenterre dedans vue cifterne : facilement par celteprakique.Tournez du compasvn iemy cercle,& mettez
car en vit baftimenta defcouuert,ne le doivent faire goutieres ny Gargoules, âpres l'vu e fespiedz fur a cornedu demy cercle, puis l'outtrez tant qu'il
pource
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . 7+
embraffel'autre corne :& ainficltangeanc de poinft, & l'ouurant par in efure,
vous pourrez faire la volure .Surlehaulcdespilliersyauortachacun vn dsâ-
delierdeBronze doré, Eai&z en forme de vafés anddues,a large ouverture,
ayans deux anCes.llz elioient pourueuz d'une matiere qui ne (e peuls cô(umer
ny" elleindre,par veut,pluye,ou autre accidentcar ilz ardoient (ans fin,& (ans
diminuer . Aux anCes de l'un mfques .. (autre clloiét attachez des feflons cour-
bez,coutre lent nrylicu beaucoup plus gros que pat les extremitez .Ces fefons
ef<oient faiEfz de toutes Cortes de feuilles & de ficurs,limees & percees a leur,
delà même matiere de leurs candélabres. L'oumicr les assoit ly ez parle my-
lieu,& fur le lyen branché vn aigle ayant les aelle< eflendues, &regardant en
l'aiyla voultedel'allee,c'efladire del'e(pacecntre l'ordre des colonnes :& la
muraille de delaors,qui elioit par dedans faifle de tnuCaiquc, en belles hilloi-
res . fay diâ cy devant que la haulteur d'un temple rond Ce fait de la ligne de
Con diametre : & pourtrouuer ficelle haulteur iufques a la derniere coriace,
fault diuiCer le me(me diametre en f x .Ce faiCaur,gaatre de tcles diuif ds don-
neront la lia ulcenr des colônes,arcliitraue,fiize,& cornice,iufques au coin nié-
cement de la voulte .Lediametre du grand cercle fait la hachent totale :&
celluy du petit,
pente dts couvert ou comble des allecs,Ce neuve en prenant
la diflance d'une muraille a faune:& d'icelle ESi-
faut deux quarrez perfeftz, dont le
diagone mauffre combien il
dodatauoir do
pente.
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE . 7;
Toutes les mefures & proporuôs de ce fumptueux édifice auoiét elle fi bien
ordonnées & difpofees,quc le dédis & le dehors faccordoient & ce fpondoiét
l'va a l'autre,en pilliers,colônes,& ceinftures .0 malheureux temps : 0 noflre
frecle informné :auquel fi belle & fi digne invention eR tant Ioardemét igno-
tee . Certes il ne fault eflimer que nous euffions peu entendre que c'efi ai chi-
trace,frize,cornice,bafgchapiteau,colonne,pillier,pauéentablemét,propor-
tracé,
tion,partition,& mefure,fr les anciens Architeaes ne nous feutrent apris par
pourtrai& &par efcriture.Au mylieu de ce téple eftoit leuee la bouche d'vne
ciftcrnefaée,a l'entour de laquelle fe monilroit taillée en demyboffe, vue défe
de Nymphes,qui n'auoient faulte fsnon de laparole,tant eflotét bien contre-
faifles,auec leurs habitz volans de bonne grace . A la clef de la voulte au my-
lieu du rond de feuilles,efloit figurée de la mefme fonte & matiere, la telle de
Medufe,ouuerte comme fi elle cuit voula crier par grande rage. Du fons de fa
gueullefortoirvacrochet,auquclpendoitvuechainefai&eancudz,re(pon-
dâtea plomb de fouuerture de la cifterne.Icelle chaîne efloit d'or fin,au bout
de laquelle y auoit va anneau accollé d'va autre,fouldé fur le cul d'va plat ré-
uerfe,cefl afauoir lecreux contre bas,& le dos contre mont, finilfant en poin-
&e,fai& a moulures,ayât de diametrevne coudeaEn fa circumferécc efloient
foudees quatre demy boucles,& a icellés quatre crochetz, retenâs quatre au-
tres chaines,ou eflo¢ attachée
vne lame ronde, fur le tour de
laylle pofoiét quatre pucelles
môflreufes, les cheueux liez a
l'entour du front: & du nobril
en bas,en lieu de cuiffes eftoiét
depattiz en deux rameaux de
feuillage de Branque vrfrne,
tournées en rond deuers leurs
flacs,ouelles les empoignoiét
des deux mains . Leurs aelles
d'Harpyes eflendues vers vue
chainette,attaclaee en leurs cf
paules,au lieu ou les feuillages
le récôtroiét.Entre deux pucelles efloirL derriere attaché va crocbet,les feuil-
lages lyez l'vu a l'autre . Au deffus du lyen fortoient auc¢s efpiz denty creuez,
puis audeffoubztrois petites feuilles.Parcemoiéilyaura quatre lyés,&qua-
trecrochetz,defquelzpedoiétquatrechaines,outenoitvnelâpenaerueilleufe,
clôt la platine auoitvne aulne de rôdeur,autour de laquelle cfloiét les pucelles
declinfitesenfeuillage .Elleportoitvneouuerturerôdefurlemylieu,etquatrc
autres fur les deux diametres, qui faifoientcinq, de deux palmes de tour, ou
environ. Aux quatre y auoit quatre boules creufes,retenuespar va petit
bord,en cesquatre ouuertures, telement que tout le rond fe monflroit entier,
& cômependant.L'vncefloitde 'Rubis balay,l'autredeSapltir,latierce d'El
meraude,&IaquarriemedeTopace . Lagrandelâpecftoirpareillemétrôdo,
Toute faible de Cryftal,aquatre anfes lacs de lien ramenait, par lefduelles on l'suoil
'N
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE. 74
attachée aux chaires . fle tout a l'entour vue ceinânre de Porphyre,autant large que la faillie des pil-
Elle portait pour le moins fiers dedas ornai c :& ioignat celle la vue autre de let pentine.Soubz les pillters
demybrefFe d'ouverture:& de- du mylieu,& des col~nes,en y allait vue dè Porphyre, de la largeur des quai-
dans efloit mis vu autre vafe cri rezq. Couflenoiétlespilliers:&achacun collé ficclltvueantrefemblableméc
forme d'urinal ou courge creu- de Serpctine,Iarge cône le piedeftal des colônes. A l'entour de la ciflerne en y
fe,pareillement de cryflal, pen- auoitdeux,afanoirvnedePorphyre,&l'autre deSerpentine .Ledemain ét du
dantaplomb flic le mylieu du paué,entre la cifferne & les colonnes,efloit faidpar compartimés en dix rôdz
grand vafc rond, lequel efloit & quarrez,diuerfifiant les calculs:& premierement deux de Ialpe vermeil ta-
plein d'vnecauardàtepar cinq ché de pl ufieurs veines,deux de pierre d'Azur fetné de paillettes d'or,deux de
foys difiillee,c6mel'efleft m'en lafpe veld mollé de gouttes rouges & mattes, deux d'Agathe camelote de
donna cognoiffance , pource vernes blanches,& les deux derniers de Chalcedoine.Cesceinfturesou ron-
golf fembloit que le tout feuil
deaux affolent toufiours en diminuant vers Ia ciflerne, pour le racoutciffe-
en feu :de forte que la voue ne ment des lignes. Entre les colonnes & la muraille a l'entour du temple, le pané
fy pouoit arrefler,non plus que efloitdemufaiqueapetites pierresquarrees de toutes coleurs,compofces en
c6tre le Soleil . AuvaCedumy- feuillages,fruidz,fleurs,& beffions de toutes manicles, que vous eufEez allé
lieu laid en urinal (comme did vraies & nanu eles,non pas peindes ny contrefai&es,lc tout fi poly,tant égal
dl) & en fenab1able aux autres & telemét paré, que iamais Zenodorus n'en feit de femblable en Perlante . Le
quatre vondz ci, dans a la pla- litlaoffroteoupauédu templede Fortune a Prenefle,n'eflott en rtenparcil
t,aa,bruloit vue liqueur odo- a cefluy la.Au deffus de la grand voulte ronde fur le mylieu d'icelle, efloit vue
rante,Cans aucunement dimi- lanterne de huift colonnes cannelées & creufes,du mefme cuyure doré,conti-
nuer : qui falloir que pour la di- nueesl'vueal'autreparvoultures,berceaux,&arches :puisaudefrusdesChaPi-
ucrfrté des pierres precieufes teaux l'amhitrauc,la frizc,& la comice, eiant de haulteur vue tierce partie des
dont les lampes eflotenteflof- colonnes :& fur les faillies ou proiedmes a plomb de chacune, y allait vue fi-
fees, il Ce rédoit partout le tem-
gure de vcnttaillee Celon leurs natures & conditions,les aclles ouuerocs, pofez
ple vue reucrberation de co-
fur des piuotz,en forte que par eux Ion pouoit cognoiflre quel vent regnoit,
leurs tremblantes, fi Bayes que
côfideré que la figure qui portait le nom du Couf aut,luy tournois droittemét
le Soleil apres la pluye, ne fau- le viGge . Au deffus y auoit vue petite retube,£aifle a efcailles,en laquelle
roirpeindre va plus bel arc en
effoientpolez huidpilaflres,de la bailleur de deux quarrez perfeftz,prins de
ciel .
fefpace de fouuertnrgcouuers d'su vafc a balafres réuerC,faid a colles com-
Mais la choie qui nm fembla
me vu Melon,duquel fortuit vneverge ronde, diminuant de greffeur peu a
plus memeilleufe a veoigefloit
peu,iufques a monter autât que la alcyne du vafe :& là effort fichée vue grolle
vue bataille de polira enfans
boule creufe de cuyure dore,ouuerte fur le fommet,& percée au bons en qua-
montez Cui des Daulphins,Cefforcans les vus contre les autres, ne plus ne
tre lieux. Ce qui suait (ainfr que ie prefumay) elle raid a celle fin que l'eau
moins que filzentrent fié p rodai dzparlanature . llzelf:oientgrau ezal'en-
ou la terre entrant par l'ouuermre d'enhardi, n'empefchafl fan office, ou ne
tourdugrand vafedc Cryllal,quine fellah] oit point cnfonfé,mais entaillé
la clmrgeafl plus qu'il effort convenable . Par celle bouche faillait la verge
de balle,& fi proprement exprimé,quau tremblement de la lu miere,& fam-
planter droit au mylicu,&paffoit autant en amont allant en poinde,que la
nte des lampes delfus dictes, il efloit aduis aux regardans que la befongne
boule auoit de haulteur. Sur la pennde effort fiches ncroyffantdeLune,qui
feuil montante . Finablement peut aclteuer celle admirable ffrudure, ce-
fembloit comme renouueflee de fana murs, les cornes tournées vers le ciel.
fle a dire qu'il effort tout de pierre Augulle, & de Marbres exquis, fans
Dedans ce croylrant efloit branché va Aigle marin, aiant les aelles effen-
qu'il y etiR ne bois ne fer , décoré des plus belles intentions d'Archite-
flurc & fculpture, que Ion ait lamais peu imaginer en noflre temps . Ce- dues .
luy ( certes ) que PfatnmetidreRoy d'Egyptetoit DeToubz pendaient a quatre boucles , autant de chaînes de pareille
afondieu Apis, neluy maticre fondues aller le total de la machine, pour monflrer l'excellence de
effort nullement comparable .
fourrier, qui trouva le moyen de faire vue chaîne d'une piece, fans y appli-
Soubz les baies des pilliers de la premicre muraille,au plâ du paué,efloit
Cai- guerCouldure,&ceparvnmoulepalryengtatte,garnyaumylicu d'un per-
âetout N ii
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . 79
tuys,ou il iedalepremier acacia, puis adjouflatoutes les parties ferai ces en & PAyemant, vole aux yeux, neceffaire aux mariniers, & amy de la belle Ca-
vne,dôt on la porion faire aurai ogue que loir vouloit.Les quatre chaires de- liflo.Cefle table allait en largeur vue quarte partie de fa longueur. Parquoy les
fcendoient egalensnt a moytié de la boule, & au bout de chacune doit arra- laines d'acier attachees al'huys,tirees parla force de la pierre,fe venoiét a loin-
ches vire Cymbale ronde, crenelee depuis leur mylie i en bas, a petites fentes chic contre la nmraille, & ainf fouuroient d'elles arcanes .
comme deotzde pigne,anfquelles y allait certaines petites billettes d'acier,
pour leur donner le Con . Ces cymbales chi atdecs parle vent,laurteneur au cen- En celle du collé droiftdefentree e- EtenlafeneRreenlettres Gre
tre de la greffe boule,teleinent que leur refonnance nmflee auec le gros reten- floiteferiptecelle fameufefentencede quesmaiufculesyarion ;
tiffement de la boule,compofoit vue gracicufe & haultaine harnionie,bien au-
V irgile,grauee en belles lettres Latines,
tre queles channes & vafes pendant; au lisait du téple de Hierufilem,a fin d'en nAN AEI n0iriN RATA
chaffer les oyfeaux. Pour conclure donc le formulaire de ce temple,ie nietteray TRAHIT SVA QVEM- THN AYTOY *YXIN .
icy les nicCures,afin de fatisfaire aux ouuricrs .Le ira r ou effoiét les bina fene- QVE VOLVPTAS.
Ilres,portoit vu pied & denty de grefent,& autant auoit la voulture : mefmes Pan dei paient caca tin autou
laCailliedespilliersquifouffenoientlequarréfe monffroit de celle greffeur Phyfin.
C'effadirr,
en tous lez,c'efiafauoir trois piedz de chamelle . La porte efoit Dorique, ~fignhrenuof{relangue, 1I
Ci,aCunefltiré Jefau0lupté. faultgchacmfacefèlôfnature .
tailleedefinlifte oriental, ftrlaquelle au platfons de la frire efloit efcnt ce
c 1- mot en lettres d'or,Iimees & rapportees enfemble, KY AO n H C A. L'huys effoit
;denietaldoré,érichyd'vubelouuragepercéaiour :toutesfoisnouslemouua-
mesferméedehors auecvupuifs :itverrouil,auquel magnydenbfamettrela
main fans le congé delà Pt'ieufe,& de les fept pucelles gardiennes du temple,
a qui eppartenoit donner l'entree.Mais quand elles furent venues, & curent
emendudelaNymphe,lacaufedenoflrearriuee,incontinemnous recetirent
auec bon vifage:puis nous feinta monter fepr degrez de Porph yre, affiz depuis
le plant du pané mfques a la porte : ou nous trouuatues vu beau repofoer d'vire
feule pierre noire,fi polie,qu'il ne (en trenue(ce ci oy ie)point de ides au mot
de BriSce .I1 efloitouure en marqueterie de nacre de perles . La les pucelles fat
reflerét,& nous auff .Adonc la Pi ieufe le prim a dire quelques fuffrages : par-
quoy la Nymphe ma guyde (enclins en toute reueréce : & de ma part l'en fey
autant. Toutesfois ie ne peu nuques calèche ce qu'elle ddoit,a raide qu'en bai f-
fant ma teffe,ie ieftay mon regard fin les piedz de ma guyde,gtri auoit partie
delà iambedroiftedefcouuerte,pourcequ'en leremuant,Conhabit fefloit vu
peu tiré en article. Aptes que la venerable Prieufe eue sellerie les oraifons adref
fers aux dieux Foricule,Limentin, & a la deeffe Cardite, la Nymphe & moy
nous rel mames . Lors le verrouil fut deffcrmé par la Prieufe, & les portes o u -
certes fans aucn bruyt,finb auec vn doux &plaifant fon .Parquoyvonlât seoir
d'au il eloic cauféi'apperceu au deffoubz de fhuys,a chacun collé de Ces iéba-
ges,vn tuyau demetal,r6d & creux,tournat fur vu ayfièau poly:lequel fouloir
fur vue pierreSerpétine,vnie comme glace,faifoit mincir l'huys plus aifement
qûil n cufl faift:& de cela prouenoit ce gracieux retenriffement . Mais l'vire
m
des chofes dont ie esbahy autât,fut que Ilmys d'va codé & d'.uitre,fans effre Aptes allait quelque temps confhderé celle inuenfion ingenieufc,ie~leuay
poulfe'netiréde perfonne,(ouuroitainfi que deluy incline :parquoy efiant ma verre deuers la soulte,& recouru toutes les autresparties,qui nie femblerét
entré dedans,ie m'arreffay tout expresafin de congnoidre fil efloir ainfi tiré (Cars point de doubte)excellentes, &dignes de grande
par celui'epois ou antre engin : & vey qtien la feuillure ou l'vue des portes fer- admiration : mais la
beaulté non pareillede ma gnyde m'en tentait pour retourner a elle,flimulant
moit fur fautre,y auon vnepetite lame d'acier,affez eflroifte,fouldee fur le me mes yeux inceffammentacefaire,&t enan t mesfins difraidz delacontem-
td:puis qu'en la muraille & ariierecorps de la porte, d'vn chacun des codez,
plationdeceschofesfumptueuCes . A celle cauCe il me terrible que le mente
efloit rapportes vue table d'Ayemât de coleurinde obfcure,craignant les Aux quelqu e excufe,frie ne les fay bien fpecifier parle menu .Ma guide donc
&le entra
N iii
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILF. 76
dedans lote mple,touliours a coflé de la Prieures & le la fuiuy avec les autres
pucelles,qui auoient les cheveux pendâs, & cftoientveflues d'efcarlate, & par
deflùspormientdebeaux furpliz tyffuzde toile de corton fort dclice,plus
crurtz que leur veflement,qui en acqueroit vile bien bonne grace .La Prteufe
nous mcnafille bord delacifternemiracuteufc,ou n'entroitautre eau filon
cdle qui nunboit de deffus le temple,defcendant des goutieres, & paflint par
dedans Ics ptlliers,comnre ïay di& . Adonc cefle vencrable mere feit quelque
ftgneafespocelles,quil'entendirent incontinent,&feretirerentenvneSacri-
ficou Tlrreforerie,telementque maguide& moy demeurâmes feulzauec
elle. Toutesfois il ne tarda gueres que les religieufes retourneront en ordre de
proceffiô,& apporterét les choies neceffaires pour le fetnice chuan. La pro mie-
te tenon [chute des communies, a fermoers d'or, couvert de voloux bleu, &
fur la couverture vite colombe de greffes perles orientales,faifte en broderie,
enleuee de demyboffe . La féconde auoit deux linges deliez & lôgz,en facon
d'aumuffes, ouvrez de fine foye.La tierce deux Torrides ou petites coi fies ron-
ges & rbdes.La quatrieme vile lainfte (àulmoire enfermée en fa clraffe d'or.
La cinquicme le Cecefpite, qui eft le coufteau du facrifice, a vil long ntanclte
d'yuoirerond,ioinflal'alumelleauecor&argét,&clottédecuiure eCypre :
& avec ce tenon vil Prefe ricule, qui eft vil petit vafe cloché aux facrifices . La
fxienae vil Lepafte de lacintlagautrenrent Calice, plein d'eau de fontaine. La
fepcieme vue Mitre d'or auec fes pendans,enrichie de pierrerie. Deuant tou-
tes alloit vile petite religieufe portant vil tortiz de cire blanche vierge,qui nâ-
non entures cité allumé .Chacune auoit vil chapeau de fleurs en fa tefle. Ces
pucelles efloiét bien endootrinees de ce qu il couuonoit faire au foliaire divin, Quand elles le furent ainfi atournces fur lebord de la ciflerne, la Prieufe me
expertes en facrifices, ferupuleufes en ceremonies, & ftngulierement bien in- fit approcher. Puis au moyen d'vne clefd'or,en connu le couvercle auto cloue-
flntiâes des inflimtions & tnyfleres antiques. En roll ordre elles fe prefente- tien bien grande,&ceremonienonparcille .Adonclaiconereligieufebailla le
rent renommaient a la Prionfe:laquelle allant toute revoie print en naenteil- cierge quelle tenon,acelle quiaient apporté la Mitre,& pont ]chute qu'elle
leufe deuotion l'vue des coiffes, qu'elle mit en fa telle, puis la riche More, & munit en toute reoerence,pour le tenir deuanda Prieufe,qui commenta de li-
aptes 'vue des aumuffes .L'autre auec la coiffe qni eftoit demonree,fut pour la rebasenlégue Hetrurienne. Peuaptes print]afonde fmlmoire,fur laquelle
Nymphe ma guyde,qui pareillement fort accouflra.Les aumuffes efoient fit plufieurs benedi&ions facerdotales,& ainfi la refpendit dans la alterne. Ce
fronceesparvitbout,&fattachoiontdouant lefront avn riche £aift,ellecommanda qu'on allumaftlecierge ouflambeau delà Nymphe ma
fcrmaillet d'or. Celuy de la Nymphe efloit de Saphyy compagne :& fit tourner la flamme contrebas fur le mylieu de la ciflerne,in-
& celuy de Ia Prteufe d'Ananchite,par terrogant la Nymphe en celle mmicmMa fille,que denrâdez vous?Ma dame
laquelle on die. que font en (dit elle)ie demande glace pour ccf uy cy (en me monflrant) & délire que
Hydromâcecuoquees nous puifions aller enfemble ait benoilt royaume delà grande moto divine,
losfiguresdes fouit boyreenfafaindefontaine .QuoyentendulaPrieufefetournadencrs
dieux. moy,& me dit : Ettoy,monfilz,quedemandes tu? A quoy je refpondy bien
,and hum blemét,Ma dame je ne dentâde fans plus d'auoir la glace de la more fou-
uerainc, mais par efpecial,que celte cy laquelle i'cf ime étire ma 1 lia trefde-
ftree,& toutesfois je n enfuis pas certain, ne me tienne plus en doubtance, ny
en ce tourment amoureux. Alors elle me repliqua : Pren donc mon filz de tes
mains ce flambeau qu'elle porte,& dy ainfi par trois fois aptes tnoy :Ainfi que
l'eau eflaindracoite flamme, ]afeu d'Amour allume fort froid cueur.le pru-
£craypar trois fois ces paroles aptes elle, en propres termes,& en mcfntc cere-
N liai
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE. ;
morve : puisa chacun coup les pucelles religieufes refp6doiét, Ainfi fait il . A Parquoy me vorcy apparcillee de donner fin a tes dolentz Coufpirs, remedier
la derniere fois la Patate me feu plonger le flambeau en la cifferne . a tes ponts langucurs,contplaire &participer a tes amoureu(es penfees,defi-
raru ellaindre par mes larnres,l'embrafement de ton tueur affligé,& mourir
pour toy fil eftbe(oing . pour aires dcquoy,en hofiage de mon amour, ie te
donne ce baifer . Difant ce mot,elle m'accolla, & baifa trefellroifteuaenc,par
vue doulceurf nayue, que de les yeulx ferraient petites larmes tondes en
forme de perles. Son parler tilt lors fi courtois,& le baifer tantfauoreux,que in
me ferry embrafer depuis la telle iufques aux piedz, &fondre quaf tout en
larmes : mêmes lecoeurdelà Prieufe,&deles religieufes, en furent tellement
attendriz,qu elles ne le peurent contenir de larmoyer .

Ce faift,elle prinele précieux Lepale de lacinrhe, & le deualla dedans ce


creux, auec vue corde d'or mefee de foye cramoyfre & verte, & en puyfa de
l'eau benoifle, quelle prefenta a la Nymphe feule, qui en beurra grande
deuodon.incbtinent la cifierne£ut reclofe & recouverte parla Prieufe propre:
laquelle le incita lire défias certaines oraifons,exorcifntes,& adiurations .puis
commanda a la Nymphe qu'elle deifl trois fois deuers moy telz propos -: La
grand dceffe Cytheree veuille exaulcerton bon defir: & par fa grace me fois fi
fiuorable,quefonfilzfenorriffeenmbcueur. Aquoylespucelles religieufes
femblablemenuefpondirent, Ainfifoitil . Cemyffcreacheué,laNymplte(e
iefla reneremment aux piedz de la Parafe, qui choit chauffée d'vn Scadal rit- Il efi certainement impoffible a vu homme de nul fmoir , &mal enla-gagé,
fu en fil d'or : mais elle la feit incontinent leueq la haifant amoureufement . comme ie fuis,de declairer a fuffifance & en termes condignes, ce que faifoit
Adoncelle tevatourner deueasmoyauecvugracieux vifage,plein depireux mon tueur au mylieu du grand feu qui l'auoit lors efpris:car fi mon ame feufi
femblann& en ie&ant va grand foufpir du fons de fa poiârine,fe print a dire : en tell in fiant partie de mon corps, elle m'roll :laifse grandemét fatisfaidf. Mais
Mondefiré&cordialementayméPoliphile,tondelà excelhf,&ton amour pour venir au pomâ,la Prieufe deit a Polia,Pourfuiuons,ma fille,d'accomplir
perfeuerante, m'ont difiraiâe & fepareede la châle compagnie de la deefè leslicrificesinterieurs,quenous attonstant heureu(ementcoin mécez. Alors
Diane,&finablementcontrainae d'effaindremonflambeau. Etcombic que elles prindrentleur chemin deuers la riche chapelle ou facriflie ronde, ioinâe
iufques a prefent tu ayes fans quelque certitude prefumé que ï etoie celle que au temple,comme di& efl,qui effoit a l'oppofrte de l'entrer, &toute bafiie de
iefuis,iafoi:cequenemefoie declaree,finem'acepaselle petitepeine,dcle fous en comble,de pierre Phengire, aiant Ia voulte d'vue fetde picce, de fem-
teint ferret, & le celer fi longuement . le fuis(fans point de doubre;celle Polia blable Phengite,qui et de telle namre,que non obliant qu'en toutela chapelle
que tu aimes de fi bon tueur :& confefre qu'il efi plus que rai(onnablc qu'ne fi n'y colt feneffre ny ouverture, fors les portes,elle neantmoins en efloit claire-
grande & tant ferme amytié fou recompenfee de btenueuillance mutuelle . mét enluminee,par vu ferret de nature a nous incongncrt, &n'en pouons dire
Parquoy autre choie linon que la pierre porte lenotndefoueffe& .Deux des religieufesv ~;;
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . 98
parle cômandement de la PrieuCe apporterér l'vne deux Cygnes blairez, maC- donnoit vnè a fa faillie, puis en trois, & les deux efloient pour f i largeur. Le
«° t'les,pt'opicesauxaugures,&vueIrnellepleined'eaumarine :&failledeux hault fard a moulures Coufleuoit vu baffin renuerfé, aiant autant de mutuelle
Tourterelles blanches,attacltees parles piedz a laz de foie cramoyfie, fur vne queleTrochile,cizele ardeffusenbeau feuillage dedemytaille,conamen-
corbeille bien garnie de coquilles,& de rofes,qu elles poferent dénouement flic ceant a vn piedeflal aflis fur le forts du baffin,fur lequel pofoit vn vafe a ba-
l'Anclabre,tabledesfacrificesquiefloittriplés delaporte d'or:puis entregent luflre,tournélabouche contre bas,couuert dequatre feuilles d'Achante : &
toutes cnfemble dedans la chapelleXauoie ronfleurs les yeux fermes & fichez ou lesfeuilles Ce Ceparoient vers la poinfte, en fortoient au ires quatre par clef-
en mon obieà (ans varier :& vey que la PrieuCe commanda a Polia quelle fa- foubz les premieres .Plus hault que le vafe,y auoit vn pommeau auec tes orne-
genouillaft fur le parlé faià de toutes les efpeces de pierres pre<ieuCes , taillées més neceffaires : fur lequel efloit mite vue platine de fin or, vu peu rabaiffce au
en table,& affemblees d'ounraige mnfaique,en flcurs,i uiaz,£cuillages,& ra- mylieu, aiant les bordz larges & platz,auCquelz efloiét enclraffèz des Carbou-
meaux,entrelafrez allée des oyfelletz &autres beflions,en fuyuant les coleurs cles&Diamâstaillezenpoinfte,degroffcurincroyable .Encomparaifonde
despierres : & tant efloit ce parlé la poly,qu'il Cembloir double a ceux qui ce vafe,la taflè du puiffant Hercules,la couppe du dieu Bacchus,& le Carchefe
eftoient hors le pourpris de la chapelle. dufauuerain lupiter,tieftoient ricn,ou bienpett de chofe.
Soubz l'extrémité ou bord du
bzffin comme pour le Ceuflenir
efloientappliquées quatre bel-
les antes aux quatre coffez,afli-
zes par égale diflâce fur la fail-
lie du Trochile,auec vnevolu-
te ou rouleau qui fortoit en de-
hors . Lamé môtoit en Ce réuer-
fant , iufques audefroubz du
bafm,ou elle fe replient cri de-
dâs. Ce bel ouvrage efloit toue
d'vue piece,d'vn lafpe de durer
Cescoleurs,perfeâenfculpture,
non de marteau nyde curait,
mais prafticluépar vil art qui
nous efl incongneu .Depuisle
plinthe de marbre iufques au
fiillier,y auoit vue coudée de
aul cuy& autât en auoit icel-
l lli i luypillierde longueur : le de-
~I~li ~l lllll l ~l~~il l~ll l l'I ~ III I III~~ II J ~~ii~l~'li~~.l ll il l '~I I meurât iufques a la platine d'or
La' Polia Ce mont a deux genoux, & ie demouray ententif fans mot fumer, efloit d'vn pied et den,y de me
pour n interrompre la fainaes cerenaonies,facrifice,& propitiation fru qutu- furc .De l'vn des repliz des âfes a volutes iufques a l'autre,pédoiét des filetz de
le, mefmes de peur de troubler les prieoes Colénelcs du fermée dirait. Elleeftoit pierreric,a(auoir Rubiz,Balaiz,Saphyrs,Diantâs,& Eineraudes paflèes en fa
agenouil [ce deuât vn riche autel aflis au mylieu de la claapelle,fur lequel luy- cou d e patenoftres,&taillées en Olives, clôt les coleurs efloiét deuenaét affor-
foitvne flamme de feu faift en la manierc qui (enfuit . Premieremét il y allait tics .Entre deux pierres renoit rég vue grofiè perle orientale .Puis au bord de la
vu plinthe de marbre quarre,&pardeffusvumembre rond,puis vue gueule platine efloiét attachées acrochetzpluf eurs autres riches bagues,approchâtes
taillée afeuillage,les poinétes duquel finiffoiét côtre vu petit quarré d'entre la la groflèur de noiftlles,enfilees Cept a Cept en petitz cordés d'or,qui efloiét qua
gueule & Iedidt membre rôd.Sur la gueule efloit vu trochile ou naffelle, auec ne en nôbre,au bout dcfquelz pédoirvne fleur d'or hottppée de fil femblable
fonpedtquarréentredeux,apresvneplattebâde commed'vnecornice,& par meflé dar~ét. D'vn des crochetz iufques a l'autre, pédorét certaines cordes de
defrm vu autre rôd,quelquepeudeclinât en gueule .Cela fouftenoitvn pillier picrrerie,pageillemét neufa neuf La platine efloit tét dedâs 9 dehors entaillée
rond, cannelé a goderons platz,va pctitplus large deuers fou diametre du depetitzenfnns,mtïfires,tua(gués,etfeuillage,cizclezendemyUoffe . Effant
pied queparenhault .ParceftereglediuiCant icelluy diametucen deux,il en Polia Irfiblemét a genoux deuât ce Cainft autel, la icone rcligieufe luy prefenta
donnoit
PREMIER LIVRE DE P0 L1PH1LE . So

eltoicnt. Ce faift, bouta dellus les deux Tourterelles, qu'elle auoit lices du Lors elle aulfi regardant tottfiours en fort hure, efcriuitdefaverge autres
coufteau Secefpire,& plaintes fur la table d'A nclabre,lyees enfemble avec du cltata£teres en la mefme cendrc:de quoy le fin tout efbahy, & quafi trancy de
fil d'or& de foie cramoyfie,refemant le fang dedans le petit vaifreau Pce- frayeur,tant qu'en ma tefle n'y eut poil quine Ce herillàft, craignant que par
fericule . ces cérémonies & mylletes féline me relit perdre ma Polio, ainfique jadis
Quand le Cacrificefut fur lefeu, celle la qui faifoit office de Chânefre, coin- labelle Iphigenie,pour laquelle fut fuppofee vue Bifche en Aulide : ou bien
tréma le ferrriçe, &les autres luy refpondoient. qu'en càt{efclrange on me laiffall vue autre dantoyfelle,& que par celle voie
Deuant la PrieuCe allaient deux jeunes religieufes , formant de chalennyes ieperdiflèenvninftanrtoutmonbien,&principal comble de mes defirs .
Lydiennes,en ton Lydicnnaturel . Croyez que i en trembloic comme la feuille fur (arbre :& neantmoins mes
Aptes la PrieuCe efloit Polia,puis toutes les autres parordre ; portaux chacune yeux ne panaient lamais de deffus fa perfonne, gins notoie fongneufement
vu rameau de Myrte,chantans d'accord allée les chalemyes, & danfant d'vn tout ce que faifoient elle & la Prieufe : qui prenant le liure, feit de nouveau
pas & cadence pareille a lentourde l'autel, difans ces verfetz en rythme, plufieurs figées terribles, c6iurant,anatltematizant,& exorcizant toutes cho
O feu de fainfte odeur, les contraires a l'Amour,& qui y pétrirent carrier molefle.
Dégelé tout froid tueur, Puis bénit vnrameau deRue, qui Iuyfut prefenré par l'vue de Ces mini-
loin&z Amour & Venus, fires,apres avoir eflé trempé enlacruche de flambe, &'mouillé caria li-
Si qu'il perchifiroicieur, queur dont Polia feftoit lavé le viCage, Elle en arrofa toutes les religieufes, &
Et recoiuel'ardeur, ntoy Cemblablement.
De quoy femmes venez. Adonc les belles affemblerent tous leurs rameaux de Myrte, allée celluy
Ainfi enuironnoient ces religieufes l'autel lacté, chantant & danfant par me- de Rue,qui fureur portez dedans la ciflernc par vue des profeffes,a laquelle
furepédantque le facrifice fe confunaoit,& condnuerét iufques a ce y la Une la Prieufcainfrle commenda,luy baillét la clef pour ce faire : puis elle mef-
Fut cûeiti&e,& n'en demeura linon la fumec.Ie pente que ces bonnes odeurs me print vue efcouuctte d'Hyffope,lyce de fil d'or & de foye grife,& en
&perfumsfurent fimispour contra lamauuaifèfemeurdelachair bridée. ballya la cendre,fafremblant en vil monceau,& la ferrant en vue bocfle.
Incontinent aptes elles fe p roflernerent toutes fur le pavé, excepté la PrieuCe : Cefaiâ,ellelaporta vers laciflerne,eflant Cuyuie de Polio,&desautrcs
& ne tarda gucres que ievey manifeflement forcir de la fumet vn petit e(prit, nonnains .
beauen toute excellence,qui auoiten Ces efpau es deux aelles fi IuyCantes
Là celle cendre fut refpandue aptes quelques hymnes chantez,& la ciflernc
que mes yeux ne le pouoient bien regarder. le me fentoie faillir le tueur, & ci-
denotementencenlegquelaPrieufefcitrefermer,ecconfequemment
blouyrparlesraizdefa clarté, comme d'vne fotddre créée d'eau,de feu, de .
retourner fa petite troupe en vénérable procelfion dedans la
nuée, & devant . Mais la Prieufe prenant gardes moy, me feit frgne que
chapelle,ou elle frappa trois fois de fa verge furfautel,
ien'tuffépeur,&quefeulement reine teuffe .Cebelenfanttenoiten l'vnede
difantplnfieursparolesfecretes,accompagnees
fesmains,vnecoronnedeMyrte,&enfaurrevne fleclm,eflincellantdefeu
de conjurations, en faifant ligne aux reli-
ardant.Sa tette eflott couverte depetitz cheveux d'or,crefpes,& corbnce d'vn
gieufes,que de recheffe Profler-
filet de Diamans.ll voletapar trots fois a l'entour de l'autel,puis a la troyfienre
naffent en terre . mais elle de-
fefuanouit, & tournaen fumee,tant que ieleperdy de verre, & demonray
meura debout:& la pe-
tremblant, & grandement penfif, voyant ces chofes miraculeufec, & vue
tite nonnain eflant
vifion tantadmirable, qui nisuait (pour certain ) remply d'vne horreur de-
agenoux,luy
uociettfe . Peu aptes la PrieuCe les feit toutes feint, & fe prier a lire dedans
tenontoufiours
le liure qui efloit tenu ouvert devant elle par la petite Novice . La fainfte
leliureouuen,auquel
dame portait vue verge d'or en là main, dont elle commanda lors a Polia
en voix balle & repofee
qu'elle afremblaflla cendre demoureedufacrifice,&lamiflenen cr ibl e d'or, commettra les état-
appreflépour tell effe&: ce qu'elle feir, & lacribla fui lepremier degré de
fans en maille U_
l'autel ,fiproprement,& en tele difcretion,qu'elle fcmbloit effre née a tell
gué vulgaire,
office. and celle cendre fut criblée, la PrieuCe luy feir efcrire & pourtraire cillant am-
dedans avec le premier doigt de Ca main dextre,aucuns charaâeres a la for- f:
O n
me de ceux qui efloient au hure :puis lafeit de rechef agenouiller, & fem-
blablementtoutes lesautres.
Lors
LIVRE PREMIER DE POLI PH IL E. 81

nir,aider & fecourirpar ta naturelle bonté,de laquelle tu vlas entiers ton :eu-
ne berger quand il fur bain par le violent Mars efpris de ialouie. Et fi nez prie-
resnefontclgros d'eflreadmifesentadiuine prefence, faiz que ton amou-
reufe bôté fuppliffe mifericordieufemét a noftre débile cffeét :car ilz refouillez
&obligez a toy,enfermeté detueur infeparablement,& de volume irreuo-
cable,prcflz dbbeyr,& diligens a feruir, curieux d'obferuer & entretenir tes
loix & commendemens,fans lamais les enfraindre .ny aller au contraire,a tout
Ir moins ce damoyfeau,qui feft de longtemps refolu & rouirais porté vaillât
foldat foubz ton enfeigne . Au regard de celle ieune dame qui atout mainte-
nantfait exprefre profefrion en celieu, ie penfe eflre afreurce qu'elle a grande
efperancé d'importer &obtenir ta fainâe grace,aide,& faneur. A cote taule ie
qui fil . imorceffon pour eux,te fuppiie par les flammes dont il te pleufl eftre
embrazee a loccafiô de ton amy Mars, par ton marv ialoux,& parla puiffance
de ton enfant rebelle,qui vitrent tous eternelement auec toy en excellons &
glorieuxtriumphes,quïl te plaife conduire a effeft, la louable intention &
propos de ces humbles pourfuyuans,quinedeirétautre chofe. Adonctou-
tesles religieufes refpondimnt a haulte voix, Ainfrfoit il .

O deeffe d'amour, more piteufe,recours &refuge de tous amâs, fôndemét


&principe de toutes gracicuies afièmblees et côiuftions,aide certaine & infal-
lible de ceux qui loyaumene te leruent,ie te fuppl y veuilles a celle heure rece-
noir les hùbles prieros de ceieieune dame,gtti fefl ceiourdhuy vouee,dônee,
etdediee a toy .Ayes fouuenâce des cequeflesque fit Neptune a tô mary Vul-
can, parle moyen cicfquelles tu fuz deliuree du filé auquel il iauoit furprife
auec ton amyMars .Pladeatadémonté diurne ef}re propice acesdeux rennes
perfonnes, eftans en la fleur de leur aage, aptes & idoines a ton feruice . Faiz
leur grace quilz puiffent accomplir leur defiq& amoureufe volunté,apres les
avoir feparez des i oidz glacons de Diane,& rendu ardans en mn doits: bra-
zier conferuatcur de la nature humaine, aquoy ilz Poffrent & prefentent en
humble obeiffance,& finguliere datotion : mefmement ce ieune dansoyfeau
qui Cy difpofe & délibéré cmploier fa perfonneperpcmellemCi & fans varier.
Toux deux defirentacquertr tes graces, fentir tes bienfaidz, participer en tes
mérites,& venu ta doue îouucraine.0 donques fainètc more celotte, le te fay
prierepour tous deux,& te fupplie & invoque humblemét qu il leur foicloy-
frble(apresceflefainftepurification) eux tranfporteren ton exquis,rriuna-
plaant & glorieux royaume, tant qu'à puiffent paruenira la fin ordonnée
de tes lainâz facremetas, & accomplir leur vmu,parle moyen de mes in- Aptes la Prieufeprint les Rofes auec les coquilles demer,et les femafur l'au-
terceffions,qui fuis ta deuote roligieufe, ad miniflrereffe de tes fecretz nsyfle- tel,mefmesautour duchandclier,enfouuerainereuerencc :puis verfa dedans
res .Exaulce mes priercs more de nature, comme tu exaulcas lad is celles de vue coquillc,de l'eau dela mer qui efloit en fIrnelle,& en arroufa tout le lieu .
Pygmalion,d'Hippomanes,& d'Acécran . Virer lles leur fauorablement fubue Ces myfleres parachevez, les deux Cygnes furétfaignez fur l'Anclabrçaucc
nigaider, le coufleau Cecefpite,& leur fang mis parmy celluy des Tourterelles,dedâs le
0 iij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE. Sa
Prefericule d'or : & cependant les religietrfe, chantoient aucuns refpons: mais " SiiefiieH'raiédemapart,ilnel'enfaultpointesbalrir .Car(pourcertain)ielie
la Prieufe lifant a voix baflè, commanda que les Cygnes tendent facrifiez, & fauoié y faircyftnon invoquer de tueurdcour la derrière &bonté dirace: d'au-
ardz en la chapelle, la cendre amaffec en vue bcete,puisieftee dans fovuer- tât 9 i'auoié perdu l'vfage de la parole. A chef de pitreq' celle rumeur horrible
une qui efloit foubzl'autel.Apres elle peint le vaifreau ou efloit le fang, & y fut vilpetit apaifee, iéndouury les yeux , & vey que(autel fumoir encores,
mouilla fort doigt,dontfigura furlepauédécatit fatttel quelques charaâeres me(mes que la Fumée Ce côueni(foit en vil miter tout verd,multipliâtCes bran-
mcongneuz.Lors elle appella Polia,& luy feu Caire le femblable, les rcligicn- ches,& les eflendant par toute la chapelle, iu(ques au plus hault de la voulte.
feseouftourscontinuant achâterleur fermée . nanti Pollaetnfaacequeluy II efloit abondamment Cerné de rofes vermeilles entremellees d'vn fruift réel,
efloit enioinâ,la Prieufe & elle lauerent leurs mains du rifle du fang , parce & blanc,vn petitcoloré de rouge.Sur ce fruyttier apparurent trois Colombes,
qu'il ne leur efloit faillible de toucherautre choie. Puis la terme Nonnain leur &certains autres oyfeaux volans,quifaultelloient de branche en branche,iat-
bailla de l'eaupour les nettoyer : & la récent en vil Simpule d'or . Ce fat&, la gomains doulcemétleur ramage.parquoy ieprefumay queladeeffefe mou-
Prieufe donna charge a Polia,gn elle p rin(f vue e(ponge vierge, & en efiuyafl I roit anous encelle fige rc,&comme
plot par vt tton théine . Adoncla Prieufe fe
lescharafteres quelle auc it fatftz fur le patté, & tout fondait fallait efprein- létalde terre,& en feit biner Pofa:qui me (embla plus belle fans comparaifon
dre en la laneure de leursmains. Eflaut cédé chute accomplie, la Pi ieufe potin queiamaisnanoit faiâ au uanc. Tontes deux niappellerent, & ruefirent
la tierce fois feu prollerrter toutes les miniflres a terre: & côme tremblant de entrer en lacltapelle,ou le mallay agenouiller détient le richeautel,aumylien
fraieugicaa celle eau (or le foyer du facrifice,qui efloit encores chauld.Lors le d'elles. Adoncla Prieufe cueillir troisde ces fruidz miraculeux, mangeale
pi ollerna elle intime : &. ne futpas pluflofl incliner, qtine fumée fe va leuer premier,me donna le Cecond,& le tiers futpour Poha .
de celle eau,& monter peu a peu vers la voulte :dont tout en vil infant la terre
commenta de trembler, fefmounant en l'air & dedans le temple vil tourbillon
d'orage fi fort efpouentable,gu'il fembloit proprement que quelque groffe
montaigneCefvllprecipiteeenlamer. Durtttcela, lesportés&£énelfres f er,-

vu grandtonnerre,caufé par vent tildes dedans vue caverne fans yffve.

le n'en eu pasGtuf! gonflé, que tout Coudait ne fentilre recreer,rafraichir,


& renouuellermon entendement gros & rude,voire mon tueuremplir effor-
cement dubien d'amourenfe lyeflè,ne plus ne moins queceux qui fe plongeét
en l'eau,fermét labouche, &retiennent leur haleine, puis efiâs retournez de(
fus,humentlevent pargrande affe&ion,& agroffesgotgees .Ainfi(certes) le
commencay abrider en flammesplus amourcuCes que dcuâq& amie vil tour-
Siiefu mét adoulcy,par élire (aumoyen de ce miracle) transformé en nouvelle qua-
O iiii
PREMIER LIVRE DE P0 L1PHILE. 8;

lité d'Amour,congnoiffanteuidenimét,& fentantpareffe q, dequele efficace tourduquel (au temps qu'il talon en citait) le tenoient les foires & marchez,
font les grades de lad eelle Venus, & qucic reconipenCe deferuent & acquie- 'ou venotenitous les ans in numerables multitudes de peuples de toutes na-
rentceux qui confiammeni perfeuerent eu fort lèruice,mefmes comme a la fin ticns,& y eftoiét ce] ebrez plufteurs miniores de toux & pafiétemps,fibien que
ilz p amiennét a lapoffeffon de Con roiaume referuéaux bien heureux . Aptes pour l'excellence de taitrufture,&pour l'abondance desfacrifices,ilfut gran-
cette refeftion di[iine,l'arbre fe diCparut incontinent : & parainfi fut le facrifice dement renommé,& deuotement vifrré . Mais pource que fa magnificence off:
acheté. Lors toutes deux defpouillerent leurs omettions pontihcaux,lcfqueiz defclieue,tu le vois a celle heure droit, & gifanr en ruine . II fut antiquement
Curée reportez en la Throforiere :puis la Prieufe nous va dire :Mes imam, vous appellePolyandrion,confacréaPlutodieudesvmbres :&pourtantyagrandr hAâaP
rites maintenant purifiez & bennz de moy:parquoy rouez aller(fi bon vous nome detumbeauxoufont enficuclyz ceux qui par importunité d'amour mai f,....
femble)en votre entreprife & volage. le prie a la decflé qu en ceftuy &tous lieureufe ont mifcrablenmnt fini leurs ionrs.Par chacun an, le tour des ides de
autres voz négoces amorti eiix,elle vous toit aydâte, faumable, mifericcrdieu- May(qui eft lequizieme du moys)tous ceux qui foi uoiét a famour,ou eftoiét
te,& propice . Ceffez delormais voz Coufpirs,laiffez ver plaincles, & chaffez deflôubz ton adueu,tant hommes que fenimes,de diuerfes c6trees tant loing-
toute melancliolie:car te croy que ce tour vous fera ë pour ianiais.Ro- taines que prochaines, faffembloient en ce temple pour célébrer les folenni-
tenezmesinftruâions,&vozaffairesenaurbttorttoursmeilleurfucces . A t z des funcrailles & obliques annuclz de leurs a mys qui ainfi efloient dece-
ces motz nous la mercyames humblement, &primes c6gé d'elle, enfemble de eez:& facrifim ent a ce PI mo Tricorporel, a celle fin qu'il z ne tumbaffent eux
facompagnie,leplus reueremmentqu ilnous futpoffrble .Mais ]es religieufès moteurs en inconuenient d'eflre circadien de leur mort, & auancer leursci iours
monfacrentparleurs larmes,quecoffre departieleur choir Q y tandementen- continuez : & poutre luy faifoient reueremmét les oblations Cambres e Bre-
nuyeufe.L'Adieu dift,nons foitimes du temple,apresque Polia C,Fut enquife biz noires,qui nauoient mortes porté agneau,& les bruloient fur vu autel de
& informée denoftre chemin. 0 agréable compagnie,& de moy longueniét cuyure,prefientant les mafles au dieu, & les femelles a la dceflé Proferpune fa
retirée. 0 profpere yffue des trifleffes paffees .Mon tueur ne me tient plus en femme,ordonnant les le&ifternes par trois nuyétz, puis eftcignoiét laflamme
doubte :voicy maintenant ma dicté Polia, qui eft le bon ange de mon cfprit, du facrifice auec des rotes & de l'Arferie. Qu'il toit ainfi,encores vois tu là vu
dont te fuis tenu a la haulte croire, & pareillement a ma N ymphe,dc la de- grâd Rofier,duquel fi aucun eufl lors cueilly vue role,il efloit réputé facrilege,
monltration d'amour & excelliue courtoifte dont elle a vfé en mon endroit. autant faix merueilleufe offenfe a ce dieu . Mais les profites en pouoient bailler
Tries & femblablesparoles ditoy te tour bas aparmoy : aquoy elle pont gar- en efcliâge .Le facrifice paracbeué,le grâd preftre venu en pàtifical ,& aiât de-
de, me voyantrermier les loin es : & me iefta Ces yeux eftincellans coin nie uantlapoiftrinevnricliefermailletd'vue pierreprecieufe appelleeSynoclii-
l'acier embrazé quand on le forge fur fenclume,voireplus clairs que deux lui- te,donnoit a chacun vit peu de cendre qu'il portoit envn Simpule d'or, & elle
Cames elloilles en l'abfence de la Lune. Adour me prenant parla main , nie eftoitreceueengrand'deuotion.Puislesperfonnes larnetroient en sri tuyau
dirAllons amy vers ce nuage : car ietpete (ou pluflofl tien pour affeuré) q tic de canne ou d'autre choie,& fortoiétpar troupes fur la maritie,ou ilz fouffloiét
nous paruiendrons a la noie que nolire cnenr defire.A cette caufe i ay renoncé icelle cendre,obferuant vue fuperflicion ceremonieufe,iettant dehaultes voix
aux loix de Diane,& efleinâ mon flâbeau,faift le facrifice folénel,& mégi du confufes,meflees de hurlemens & criz féminins, en difanr Ainfe puiffe petit
fruyt miraculeux.C<la dift,nous chenainames pair a pair,côfermez en amour comme celle cendre, qui fera occaft6 coulpable de la mort de ton amy . Aptes
inuiolable :toutesfois ie rememoroie toufiours en ma péfe< les vifibs y i âuoie donc l'auoir refpan duc, ilz nettoient aufftlla canne en la mer, & y crachotent
eues, tant que nous empannes a su vieil bifliment, fuite prés d'vne grand fo- trois fois,difans a chacun Coup,fu,fu,fu : & en retournoient en arriergfemans
refi,fur le bord de la mer,ou Ion voit encores certaines grandes maffes de uni- des rofes parmy le téple,Cpecialement fur les fepultures, châtans en ton piteux
railles & ftru&ures de Marbre,enfeignes et apparence d'vu beau mole rompu & funebre,accompagné de plainftes,pleurs,gemiffemens, & du Con de quel-
&demoly,auquelCouloir iadisauoir vnebelle montecde degrez pour aller ques clialemyes miluiennes,conuenables a tel facrifice. Cela fii&, ilz faflèm-
au portique ou auamportail du temple,qui par longueurde tenips,naoyfifru- bloient par nations teparement, & faffeoient en rond lut le pané, ou chacun
re & negligence,eftoit miché en raine . L'a efloient encores tout en vn mont, metteur ce qu 'il mort apporté pour in engeq& en faifoiét vit bâquet, qui efloit
colonnes,baies,chapiteaux,architrau<s,flylobates ou piedeflalz,& autres pic- le Si] icerne,ou les c6mues letutoient en mangeant. Et aptes auoir pr,ns leur
ces de marbre & de bronzede toutes fories,faicîes en fonte, couvertesde Cri- refeâion,appelloient1esamis, & leur laiffoientenuiron1es fcpulcliies le de-
fle marine,d'Abftnthe,de Caly, d'Eringes,de Caclule,de Roqucte, de Myr- mourant de la viande. 0ultre ces anniucrfaires, Ce faifoient les toux Séculiers,
finites,&autres herbes aimant l'air delamer . Q Lard nous yfumes attiriez, 1efquelzparacheuezilzfortoientdutemple, &acheptoientchacun vue Pan-
Polie nie ditPoliphile mon amy, ie te prie regarde su petit celle digne mé- earpe,ceftadirevnchapeletdefleurs,qudzinetroiétfin1eurtefle,& pronmét
moire des choies grâces & memeilleulés,cbine elle eft réuerfee en ce grâd tas cou c-
en la main vn rameau de Cypres, ornât aux mortuaires . Puis les preftres
de pierres brifees & defigurees,d e farte que le tout ne Comble ftnon vu tertre fluz d'eflolles & de chappes, chantoient, & poirotent les fimulachres divins :
raboteux: & neâurloins ce fut iadis vu temple grandement maguifique,a l'en- inclines les clameurs Sicinifles efloient méfiez parmy les femmes, ou tir fat-
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . 84
foient des itrbilations mnrultueufes,accompagnees du fonde plufreurs inftru- La nous afümes fur l'laerbe franche & fleurie. A donc mes yeux lie retourne-
ni cris : & allmét trois fois a l'entour du temple, pour appaiCet les trois Deefles " rent a contempler la grand'perfe&ion & excellence de beauté dont ma coin-
fatales,aCauoir Nona,Denma,Mona . & en rentrantdcdans le(ainftuaire, - pagacegarne,fibienqu'ilznetrouuoientplaiftrnycontentementenau-
oc
pédoiét leurs rameaux de Cypres en divers Iieux,ou les laifiôient fichez en la u e chofe . P arquoy mon cucur recreé d'vue ime fecrete, laiffatous penfemens
muraille,& la efloient gai dezau(ques a l année enfuiunnte,que les preftres en bas,& fimplesfantafres, & feleuamonentendementa confrderer fes versez
faifoiétlefeudufacrifice . Quand tout eftoit accomplyen la maniéré qui cil admirables .Toutesfois il aduenoitaucuns coups que ieretournoiea confide-
dicte,& les funérailles celebrecs,voire finy le feruice des mortz,aucc les prieres ter la ftmation de ce lieu,belle(cenes)& deleftable. L'air efloit ferein . & pro-
& recommandaces accoufiunaees, & tous naauuais eCperitz chaffcz, le grand fpere,les verdures plaifâtes,les pétiez cofiaux ombragez de boccages, enrofez
prellre proferoit les dernieres paroles, difant, llicet : qui viole autant a dire defontaines & ruyffeaux coulans parla belle vallee,bordée detous arbres
côme,Chacun Cen peult,quéd il vouldra,retourner en fa naaifon .Sur le poinc'f Impers . Les vens lie rendoient gracieux,la terre abondante & fertile,refonnât
que Polie patacheuoit aine fan compte de ces coufturnes anciennes, & ocre- du chant des oyfeaux : fi que leuffe quafi penfé que c'efloient les champs Ely-
mérites deuotes, nous arriuamcs fur le bord de la mer, ou eftoit le temple de-
fees tât renommez :car les beauxchâps & fleuve de Theffalie n'y font en rien
ftruift . a comparer. Cenonobffantnies yeux eftoient touftours fichez fur ma com-
pagne,fans pouuoir regarder ailleurs, côfideré que mon cerneau ne foccupoit
en autre choie,& ne fauoie en quelepattie arrefterma veue, pour la plus belle
& dele&able. Si efice pouvant que ie regardoie volontiers vne petite vallée
affize an mylieu de fapoi lrine,entre deux mammelles plus rôdes que pom-
mes,& plus blâches que flocz de neige,voire(en verité)plus fun,ptueufes que
la Cepulture du Roy Maufolus :pour le moins il me le fembloit, pource que lé
efloit celle de mon aine . Aucunesfois elle ieaoit fon regard deffus moy, et ie le
fentoie courir partout mon corps,ainfr qu'n efclair de tonnerre, telement que
ïenfrilronnoievneheure apres.Celapaffé,ierecommencoiecomme deuanr,
preffe d'on defrr infatiable par amour afpre & importun, chiant, fans remuer
les If ures,plufteurs paroles de piteufes prieres,fondees fur raiforts vrayfembla-
bles,par lefquelles ie demâdoie ce qui m'euft rendu le plus contés du monde,
q iobtenoie en imagination,& me trouuoie au mylieu des threfors de la deeflè
Venus,y defrobant(ainfi que feitMercure) les ioyaux de nature abondante .
Mais(lrelas)iemetrounay attainRpartrop auvifdecelle maladie contagieu-
fc,aICte 'parlameredivine,&affaillydefonfilzlegrâdboutefeu,indiffolu-
blemét yé&engluéfoubzl'appaftdedeuxbeauxyeuxeflincellâsamerneil-
les :a quoy ne femme de rien,faire effi rt de men retirer:car ceftoit y entrer plus
amant : & ia n'efioit plus en ma puiffance de reftfieraux penfemens diuers,ven
que la patience cftoir prefque vaincue.Si délibérées ie(en quelque forte que ce
fcu f d'elleindre celle ardeur infupportable,& menât tout fige confeil en ar-
riere,tenter ma Polie d'vue audace furieufe,ltty voulit neantmoins dire preal-
lablenaenten voix humble :Madame,ieftimeroie le monrirpourvous,avne
louenge eterncle,& me feront la mort (a mon admis) tolérable, foueue, & glo-
rieufe:Ce dy ie pource que mon aine eft opprelfee d'vue ardeur trop violente,
laquelle augmente incell-amment,et lie renforce dans mon tueur tant que ie ne
puis avoir vne feule heure de paix ny de repos. le péfoie bien par cette voie
donner fin anion grief martyre, mais Coudain me venoit vn autre confeil,qui
~~p,~, NII1
'wWl"'p"7 ni :rsee
difoin referastuPoliphile?Penfevnpeuquelefineutlaviolencefaiâea
Deianira,a Lucrece Romaine, & plufieurs autres dames tât renommées . Cô-
fidere que les Dieux ont elle forment reliriez de leurs amours terrellres .
Que doit doriques faire en ceparty vue pourefrmpleper(onne comme coy?
Ln nous
PREMIER LIVRE DE P0 L1P1-11 LE . 85
Redue, ledit yen tain cm oireque tout lbg temps vient a certaine fin, auuioitis i
d'amours,a quoy elloie la tout accouflumé, voire fi bien & en talé manicle
a qui le peut attendre voire que les Lyons &.autres belles fztmages ri rituel- gué tc ne icuoie plus pour mal, tous les griefz accidens qui irae feuflcr t peu
Cent par continnarion :nsfnies que le petit Formy endurcir le chemin par y adueoir,a rai(onquetousinconmernensnielena :,loientlicites,quelquesdon-
pa(ferfouuéresfois :parquoyaplusfortenaiionvitefpritceleflecachéen corps mageables qu'ilz pétillent elhe .Mais ma fige darne POIL, bien informée des
humain, pourra bien fémur quelque petite eRincelle d'amour . Par celle nta- importunes conditions de l'amour auenglé, cognent allez mon inconllance:
lucredoncapprouuant&blantâtmesopinions,icmeretirayde cesfantafres & pour rien diuerrir, profera certaines paroles fyncopees : puis parlant plus
enmiyeufes,e(perant paruenir au fruia dema longue quelle,& a la fin trium- ouuertenienymedit, lefcay(Polipliile)que tues curieux de ta nature de cher
pher de la viéloire acquife par ma patience, me foutieuant suffi des fainaes citer les choies antiques :parquoy fi ut veule aller venir ce temple ce pendant
oraifons & factifices de Polia,ou elle auoit faift fpcciale commémoration de queliens attendrons nollremailheCupido,lefuis d'opinion duetupourras
moy,& eflainft fort flébeau ardâr pour gratifier a fbn Poliphile.le pcnfay qu'il a ton belayfèconteniplerpluileursbeaux tiagmensdefantiquné,qui valent
eftoit meilleur & plus four d'attendre,en fouffrant vneheureufe(combien que bien d'élire atientiuenient confieriez : & le demourray en ce lieu toute feule,
ratel recompenfe,obtenant la perfeftion de mon dcfir,que par importuni- pour attendre la venue de celluy qui noirs doibt palier au royaume de fa mo-
té perilleufe accroifire ma peine,& perdre fefperâce totale pour l'aduenir.Po- le. Entédintcepropos,ie(fansplustardcr)nicleuaydemaplacebienfortu-
lia Capperceutque ie changeoie trop forment de étaient,& me voit alieré,trou- nee,poui le délit qui nie print de seoir aire auure,auec les autres iapar moy
blé, & quafi hors d'haleine, foufpirant coup a coup au fons de ma poiftrine ; vifitees. Et pour cefl effe&party de labelle visible des Myrtes &Lauriers fa-
pour a quoy obuier,elle me getta vu doux regai d,qui challa de moy toutes ces crez,abandonnant vie treille de Genfemy qui nous romaine de les fleurs bil-
cogitations impetneufes, tant que de blésa quant mon ame fe maintenoir en clies,rendant vite odeur finguliereret fans aura eurent y penfer,laiffay ma chose
efpcrance plus trâquille, parme, les flammes de l'amour, comme le Phénix qui Polia:pins nie tory atraucis ces tertres &monceaux de ruines couvertes de
fe brute afin de fe renoutieller . lerrc,l'Iticrre,roncesset Cappricrs,tant que
le palpais a l'édifice, qui avoir radis eflf
vil Terri pic rond,CuperbelepolEble,com-
me Madame manoir dift :carencotes Cy
Comme Polia perfuade a Poliphile d'al- tt'ounoit il quelques tiibunes,ou claapel-
LER AV TEMPLE DESTRVICT, VEOIR LES EPITA- lesqui n'efloient qu'a dcmy demolyes, &
phes antiques, ou entreawtreï oboles il trouua en peinffure le rauiflèmrntde grande quantité de fragniensadmirables,
Profopine : ey rommrnt en fa regardant,if eutpeur dauairparfmbla- a(auoir Pilafires,Architraues,Cornices,&
blereefbef perdu famie :parquoyretournatouteeoucnté .Apres Coltines, de toutes fortes & maories, Nu-
pint deuers eux le dieu damours,qui lésft rntrererrr~ midiques, Laconiques,Corinthiciines, lo-
na]Telle:(y defbonneur que les dieux marins lue, nialues,Tufcanes,Doriques, &autres . Ces
frrnttant5 tic durafnnauigage . tribunes me huent peiner que l'a efloient
les fepulchres des plus nobles & renom-
V r tous les plus exquiz tourmAz d'amours, celuy mez perfonnages du monde.
mefembla(fe]on mon iugement)lepltis molefle,
d'avoir en prefence le médecin,& la médecine qui Derriere ictcmplceftoicelcuévn grand
mepouoitgaranti r, & toutesfois ma maladie en Obelifque de pierre rouge ,foufleim de
empiron,tendant tonifieras de mal en pis :et quid quatre boulcs,pofees fur vit quatre blé en-
i efloie prefgne guery, chacun mouuemét de ma taillé dehiéroglyphes enfesquatre faces,
maiffreffe,chacun fiera ade,contenïce, parole, ou dedans quatre sonda.
petit traiftd'eil,mefiafoient rencheoir en chau-
de maladieaelement que cela. engendroit en moy En la preniiere auoit vrac balance, & au
vue audace qui m'exhortoit a ne nie moufter mylieu vue platine en facon de baffin, de
pufillanime, vert m dmement que la proye par moy fi Idg temps pourchaffee, l'vit des collez duquel,y auoit vn chien, &
efloit douât mes yeux,et en ma puifrance,de forte que pour le moins l 'cri pou- de l'autre vit Serpent: puis au defroubz vil
roieprendremondroit deveneur,&parce moyé retarder lacominuclemort coffrcanticlue,auecvne ripée nue, la poinele droitte contremont,furpaffant le
P
d'amours
PREMIER LIVRE DE P0 L1PHILE. Ss
ioug des balances,& collais t dans vne coronne:parquoy le 1 mterpretay ainfi :
En la face du collé droir,elloient ces autres hieroglyphes,afauoir vil Cadu-
_ .'\ IVSTITIA RECTA, ceeoubaguettefurlaquelle deux Serliens fcfloient entortillcz .Deuersle bas
AMICITIA ET ODIO d'vu enflé & d'autre,y auoit vu Formy,gni croiffoit en Eleplsant : & deuers le
EVAGINATAETNV- hault deux El eplaans,qui declinoient en Formy. Entre les deux d'vn collé y
DA, PONDERATA- auoitvuvadfeauplein defeu,&entré lesautres deux,vn combléd'eau :
QVE L I13ERALI- Dont ie fcy l'interprétation télé,
TAS, RECNVM FIR-
MITER SERVANT . PACE AC CON-
`Z'finfrc : CORDIA PARVAE
luffice dror8e,nuezydeffouillce RES CRESCVNT :
debayne e amytié,auec Irberalité DISCORDIA MA
bien pefèe, gardent fermement les XIMAE DILA-
royaumes en leur entier. BVNTVR.
las
Au il cffoubz de celle figure, n'en vey v ne autre fte en quarté, dédis la-
uelle y mont vu cril,deux efpiz de fromét 1yez,vn braquemart anciquc,deusi Ceffadiry
il
eaux il areil1cmét liez en trauers deffus vn cercle, vis mbde, vil mb de uani-
re,& puis vu vafe âtique duquel fartent vu rameau d'Oliuier,vne platine,denx Au Moyen depeix Uconcor-
ci gon gnes, Sxpieces de mbnoye miles en rond , vis temple a Imys ouucri, & de,les petites rboferaugmentenr :
pour le dernier deux plôbz ou perpendicles : u par dforde les grandes
ruinent.

En lafeneflre y auoit vu Ancre en trauers,& fur la (langue vu Aigle a sol-


les eflendues : vne Gomene attachée a rAncre :au deffoubz vn homme armé,
entre aucunes machines de guerre,tngardant vn ferpét gdil tenait en fa main :

Ce que inrerpretay ainfu

MILITARIS PRV-
DENTIA SEV DI-
SCIPLINA, IMPERTI
EST TENACISSI-
MVM VINCVLVM .

$tgwtufiant,
Que le interpretay en celle forte:
La prudence ou dfipline militai-
DIVO IVLIO CAESARI SEMPER AVGVSTO, re, efb tresfort lyn de rempile .
TOTIVS ORBIS GVBERNATORI,OB ANIMI CLE-
NENTIAM, ET LIBERALITATEM , AEGYPTII P ij
COMMVNI AERE SVO EREXERE.
C'et a dire,
Au diuin hile Cefsr lotfours Augufle,~ouucmcurde tout le Monde pourla doven-
u
ce liberalite dejon coursge,les Égyptiens m'ont erigédcleurs deniers connotais .
En la
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . 87

En laquatriemeface oppoltealapremiere,efloitenTrophec*airbasde
la lance qui le fil colons deux rameaux de Palme en travers,
attachez a deux cornes d'abondance:a l'vn collé
vu ail,& a l'autre vue
Comete:

Quifgnie,
Qui frgnifioient,amonaduis, Dediéaux dieux infernaux .
Cimetiere des .gables corps qui par amour fnt tumIez en fureur.
DIVI IVLII VICTORIARVM ET SPOLIO Cenoblefragment effoit d'vne feullepierre mafue,& encoresy tenoit
RVM COPIOSISSIMVM TROPHAEVM, vne partit du frontifpice,au plan duclucl dedans le tympan, ou planons,
eftoient deux figures a detny b ri(ces,a(auoir vit oyfeau fans tefte,queiefti may
SEV INSIGNIA.
cille vil Ghahuan,&vu creufetoulampe antique : letout comtruiftdefin
Voulant dire, Albaftrc:& ic I interprrtay ainf :
VITAE LETHIFER NVNTIVS.
C'ef le copieux Q9' trophée auecles enfignesdes u0oires
abondant Signifiant,
udcoui11es du divin IuleCefr. Lemefger de rnort,a la vie.
Apres ientray iu(ques au my" lieu du téple,ou il eftoit moins demoly,& ap-
pe rceu vne o=uvre finguliere,que le temps auoit encores laiffee en fon entier.
L A magnificence de cefi Obelifq ue me feit conieftmer qu'il n'en fut on- C'effoicnt fix cornes de Porphyre,aff fes fur vu plinthe d'Opltite hexagone,
quesportf vit tu' a Thebes,nefemblablement a Rome. Parquoy quand te tu ou a fax faces . La diffance de l"vne a l'autrc,contenoit fix pied z de mc(tuc, &
arrmé deuantle premierfront du temple,ietronuay que le portique euoicntleursba(es,chapiteaux,architraves,frize,etcornice,fansmoulures ny
ou auantportail effoit abbatu, & le portail allé de oléfine : car lineamens,ains feulement efloient poliz felon que la praftique le requiert, d e
ie trouuay aines piedz vnepiece del'architrauc,en- bonne grace : & (ur cela efloit pofee la voulte ronde, & faifte toute d"vne lut-
femble partie dela frize & cornice,qui me cc depimémo(Lue,diminuârenpoinfte,enfouned"vnecheminee,percéea
lafeitcontempler longuement: & iou r, & fi courson vile grid cave qui ai auoit lumiere Gnon par vne cuuertu re
trouuay en icelle frize ces réde,dofed"vnveillizdecuyureeRantau mylieudesfixpilliers :&audroift
motz grauez en let- du centre de la voulte par laquelle le regarday, me fevnbla que le vey la def
tres Lati- !iubz cea :me vn quarré:parquoy meprint envie d'y defcendre .
nes : P ü~
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . ss
Ai ni ie cliercliay tât l'entrée parmy les ruynes de ce lie u,que fin ab] cinét ie
niaddreffay a vn gros pillier de nu arbi e,tout ab batu,fots environ deux pas de
liaulieur,enueloppé d'vne efpoiflè tige de fliierre,qui bouclioit & occupoit la
petite porte en laquelle ientray a grâd'pcine,& dcfcendy par vu, degré eflroift
& obCcur le poffible, influes au plus bas de la viz .
Le lieu de primeface me
fembla ténébreux, mais fou-
dain que mes yeux y furent vit
petit accoulumez,iecommen-
cayaveoirvne grand'caueron-
de, voultee & fouftenue de fix
colonnes nayues, pofees a pldb
des fix efla ni deffus, toutes fat-
Qe de marbre biz, enfemble la
voulte : dont les quartiers e-
fioient fr oresbien ioniQz,qu'el-
le & les colonnes fembloicnt
tZueu[entdire,
proprement d'vnepiece . Vray
efl que la cane efioittoute plei-
ne d'Aphronitre ou bauracil,et A Pluton Roy d'Enfer aient trois corps, Cp a f obéré eouf Profarpint,
cnfènible aCerberus,qui a trois teles.
fouilleedefiéte de Cheueclies,
enfemble de Chauueforyz .
Aumylieu deces fix colon- le ne veyautre chofe en ce lieu foute rrain,finon plufieurs freges de marbre,
dreffez tout a l'eiitour :parquoy remontay p a rmi ï eftoie entré, grandement
nes nayues fetrouuoir vu. autel
de cuyure, compo(é de deux elmerueillé en ni oymefine,de ce que les colonnes & la voulte eftoient de -
quarrez perfeftz, qui failoient moureesen elat . Et a la écrire, cela conferma mon opinion,quieff,que
le temple efloit ouvert par le detfus, & tout le réfle efloit plein de mines
fixpiedzenlongueur,& trois
de hault,compris en ce les moulures ordinaires . Il elloit creux en facon de le- tu tube es en monceaux de norues pirs, &laautour il n'y enaura point.
Davantage regardant a cofié,ie vey vue Tribune ou lanterne quafi en-
pulaire,mais en l'ouverture de defl'us,deux bons poulets en profond, y suoit
tiere, en la voulte de laquelle efloit demonree vne bellepeinfture de Midai-
vn treilliz de la mefme fonte,et en l'vn des collez vne fenefire,faifte(ainfi que
ie peu comprend re)pour mettre le feu deffoubz le facrifice, & en tirer la cen- que:parquoyiein'approchaytoutfoudainpourlaveoir,&trouuayquec'e-
ftoitvne grande folle tenebreufe,ou plutofl vn abyfme efpouétable, itué cn-
dre ici eflainâe . Ce qui le me feit prefumer,Cut ~l lécha treilliz avec la fipficie
tredeux roclaes,afpres a merveilles, & haultes a perte de veut, voire fi baflès
de l'autel,efloient tous noirciz de fumee,laquelle(a mon iugenien t) Cortoit par
comme il fenibloiyqu'il n'y auoit ne forts nature. Elles efloient rird es & enfu-
le rond dedeflus,&apres arlepetit tuyau quielioitenlavoulteaffizeCurles
niees,ouuertes l'vue a l'encontre de l'antre, acier vu pont trauerfant l'abyCin c,
fix colonnes,faitla la mocr Egypticnne. En la derniere facede l'autel efloit
diuifé pat fort diagone .L'vne des moytiez te nionftroit de fer chault enibrazé
efcript en lettres Romaines bien iaillees,
comme Cortant d'vue fournaife, & l'autre de glace froide entoure extrémité .
INFERNO
Entre ces deux roclies,deffoubz le pont,& a l'entour de celle folle d'vn collé,
tout fémbloneflreplein defeu,ietrantdeseffincellesvolantes& bruyâtesen
laie,puis renimbannes en cédre eflain Qc,fi formant et menu,que ]on n etrft pas
ver a vn pied loing de foy . Atrauers la roche y auoit plufieurs foufpiraux de
feu, comme petites bouches de fournaifes ; & de l'autre collé vn lac obfcur
& trouble, gelé en toute rigueur,ioignant a la roche brulante,le pont fei :lemét
entre deux . Et pour fe manies deux maticres toutes contraires fi prochaines
l'vnedel'autre,&neCepouoir mellal naturelement,commeileloitexprimé
parla p einaure,tl fembloit qu'il fy engendraft vit ti nerre mcrneilleufement
P ni)
PREMIER LIVRE DE P 0LIPHlLE. gy
1mpetueux,tout aine que quéd la vapeur humide enclofe en lieu ou elle treu- foula Sentent le rafraîchir en la froidure, n'en paument ri ou net le moyen: &
ue ion contraire,venant a ellee agitée par fine force, fait tout fort pouoir de les autres qui le trauaiIIoiét d'cuiter le froid excellif par entrer en l'impetueufe
forcir,& de faift en fort collant & efclattant parles voies qui luy font plus aile- ardeur du feu,fe trouuoientfruftrees de leur malheureufevolume. Et(qui leur
es . Certes la demôffration que la peina ure ne ponoit faire d'vne choie , eftoit " e(FoiraggrauaciSdepeine)tantplusenelfoientcouuoyteufes,plusfepc " rdoit
af%zfupplie par l'autre . Dedans celte folle oucauerneefioitfiguré Enfegclos leur efperaoce : encores qu'elles defiraflent cal efchange parce que le trouuâs
d'vnevieille porte rouillee,& faifte groffement :puis la aupresau fous d 'vu les unes &les autres fur le pont,claacune fentoit cela quelle appetoit , afauoir
creux,efloit le chien Cet berus a trois teftes,couuere de poil noir,tout mouillé, celles du froid,la chaleur : & celles du feu,la froidure .
vellu, & laeriffç de petites coleuures, puant & patilencieux, a toutes chofcs
faifantleguet aperpetuité,fansmurais clore onfermerl'oeil . Surlariuednlac
gelé,effoic Tifiphoné l'enragee,auec Ces cheveux de Serpens ,laquelle perfe- )~\\\1111~~\)111~\~~i~\\111)~l!0 \~~
eutoitpargrandfureurlesmalheurcul-esames,quitumboientagransmon- /
ceaux du pont de fer emmy le lac,ou aptes Caire vea ultrees quelque temps,&
patiné en Peau gelee,felralloient de fuyr cellepenible & mortelle froidure : & 1 i, i,
tant le rrauailloient a ce faire,qu elles gaignoiét finablemenc le bord : parquoy
penfoient cilié achappees . Adone fuyant celte infernale Furie,couroiéc a tou-
te impetuofcté le long d'vue fente effrorde,rude,afpre,raboteufc,& gliffante,
les fourcilz abaiffez,les yeux rouges & larmoyas,nrefmes les bouches ouner-
tes,comnm fr Ion eufl deu entendre les doloreufes voix,pireux criz & lamen-
tables avec les hélas prouenâs d'angoiffe, enfemble les grieues phinaes mor-
teles qu élles faifoient fans iutermilTiô. L'Irorreur(mes amys)l'effroy, la foule,
la halte,& la grand preffe,eftoient fi terribles entre elles,gtien fentrebouttant
& pouffant l'vue l'ami e,la plus grand part en retunrboit dedans l'ebyfme,& le
rate qui efchappoit,entroit dedans vue caverne, ou le trouuoit l'autre Furie
M,,,"
,nommée megers,quilesgardoitdefeprecipiteraulacbrulant ou elles defr-
roienc aller :a focca ton de quoy e(loienuôuainfles lè fauuer fin lepon t . Te-
le & femblable cruaulté de tournés, eftoit auiIi deuers l'autre patrie : car Ale .
P"rEtoladefpiteufe,feurdesprecedentes,filles d'Achéron & delanuyft,empe-
..ré~aa..u. fchnoit que les aines côdânecs a la peine du feu,ne le prccipicaffent dedans le
lac gelé : dont encourant comme les autres,& rencôtrantceftehorribléFurie,
efpouenteesdefaveue,efloiencforceesdecourir aunaaudift pont : &la l'en-
treheurroient avec celles qui venoient a foppofrte :en forte que te congneu les
ntiferables antes deftinces au feu eternel,tafcher par toutes voies de le precipi _
ter au lac gelé :& celles qui atoiét deputees a la froidure uencltanre,fefhorcer
par toutes voies d'entrer aux flammes mfernales :neanmaoins quéd elles cuy-
doiécpreudrevnepartiedupontpourl'autre, afauoir celles du feu,la gelée :
ou celles de la frordure,Pardeur : par vite certaine difpolirion fatale, le pont
fouuroit & depattoit endeux :relement queles aines condamnées au feu,
tumboient au lieu qui leur effoir ordonné : & par femblable celles qui ef-
fayoient d'euiter la froidure,efloient du ltault dupent réuerCees au fans de la
glace:& tout incôtinétparle vouloir dinui, lepont recournoiten fort premier Les colenrs d c ce tableau elloient fi artiflement mifes, &les affeftions tant
eflat.Celafefaifoitcontinuelemenc,voire(abien dire)Cansinterualle,pource perfeaemcnt exprimces,qu ïl e4 (ce croy ie) impoffible de mieux faire .
quecesauaes mal fortunées tafchoient fans celle & fans repos de faire ce La y auoit vit tiltre ou infcription qui difoiu
ntaudiflefclaange, & toutesfois ne paument parvenir a leur imention,en E N la flamme eternelé font condamnées les aines de ceux qui par trop ardam-
quelque maniete que ce feuff: car celles(comrne dia efl)qui par rage furieufe nrentaymer,fefont me urdriz eux in efmes . Et en la glace Cont pIongcesles
accompagnée de defefpoir,cherchoient de fuyrla chaleur intolérable,& pour autres qui en amour ont cité partrop froides, refufant obeyr aux conàicutibs
Coulagemenr
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE . go
amoureufes,defpriféou dédaigné les fainéles loix &ordonnances de Cu.
pido. Aupres de la y auoit vit petit aut<I,au front duquel elloit efcrit
Tout homme de bon iugenmntpenltpenCe r,que la ou les deux lacz de natu- en leures Latines,
rescontraircs,fe viennent a rencontrer,il Cy don engendrer vu merucilleux
tonnerre,a raifon de la contrariété & perpétuelle difcorde de leursqualirez
differentes :carouilzCaffemblent, ilz fe perdent tous deux dans vn profond
abyfme,e(pouentableoutre mefure . A dire vray, la profondeur de test Enfer
eloit tant ingenieufemét repre(entee, qu'il fembloit vue chofe nayue ouuer e
pour les mal viuans : tant bien & artillement auon l'Ouurier( pour monflrer
fou intention)fceuvarier fescoleurs, & conduyre Ieslignes de Perfpefliue
par mefure . Viator,bircafmt Laodimt P~
uic6quesregardoitfongneufenaétcepourtraift,pouoirfansdifficultécon- bliam inffice .EÔ quôdatatam
fumefraudauna, abmuaétq, ,
gnodlre,que cela tenoit beaucoup de la verifimilitude : car le gentil madh e a-
uoit figuré les ames en forme corporele:entre le(quelles,aucunes Ceilouppoiét contra puellarum rit=, iujT.
les oreilles dep<ur d'ouyr le brai& efpoucntable. Amoris,femetexpes gladio in-
Les autres fe tournoient les yeux a deux mains,n'ozant regarder les abyf- tnfecit.
mes trop hydeufement enfondrees , &remplies de monflres abominables.
La plus part efloient palles & decolorces,eflraignantles bras contre leurs
poiarines ainfr que gelées de froid.
Aucunes pour exprima l'ardeur qu'elles fouf$oienyvomiffoyét parla bou-
che vue cfpoiffe fumée.
Maintes auoient les mains ferrets l'vne dedans fautrc,ou bien les doigrz en-
trelaflez comme dentz de pigne,pour ignification deleur trifleffe,accont- Quiveult tintera sentence,
pagnee de peine trop véhémente .
Ces âmes Ce r'encontroiét deffus le pont défia fpecifié,& la venosent a Cafl'rô- AuttldesDieuxinfemaux.
bu
te r,& rter rudemét les vues contre les autres, fans auoir moyen de recul] es,
a l'oceafion de la piaffe de celles qui fuyuoient : ny(qui plus ell) d'aller auant, Viateur, tupeux ueoiricy Laodia Publiglaquellepour auoorfraudéfn aage, 0- con-
pour la répugnance des autres qui leur venoient a l'encontre . Et lors ce pont tre la couffume des ieunes damoyfIler,mefpriféles Confitutions dAmour,elle mefme(cd-
fe departoit en deux(c6me die efl)pour renuer(crchacune en fou tourment, medefeeree)feflmeurdritdesncouteau .
puis le salle mbloit de fo ytnefrne,& tout en vn inflant elloit rechargé de nou-
uelles,fans ceffetic dilation :parquoy Ics points ames defefperees fo uhaittoiét
leur annichilensenq qui leur eufl elle moins griefque ces Furies in fupporta- Qu , d ie fu party de ce licu,ie trouuay entre les ruines , vnepierre de man-
bles.Ce tourment exceffif,& ce malencontreux Enfér,efioir tant bien repre- bre fcutementrompue en en endroit,mais enùere en la plus grand'partie.
fenté enpeinélure,queceux qui fannufoient a le contempler, tumboient en Lemylieuefloitfaiétcomme vn nid a voulte,fitué entre deux quadran-
horreur merueilleulo . gl<s,a chacun defquelz y auoit vue rondeurouale affez longuette : en l'vu des
Aupres collez de laquelle elloit figuré vu D, & vu masque. Puis en (autre du collé
gauche vn M,auec vn autre maCque .Le frontifpicene montoit pas du tout en
poinae,mais finiffoit en vu quatre tout plat,fur lequel pofoit vu Vafe de cuy--
ure,fanscoruerture,pleind<cendre,ainiqueiepenconicélurer,aucctele in-
fcri ption en fou mvheu .
PREMIER LIVRE DE P0LIPH 1LE . 9r

D.

Gladiatori meo,amare cujus extremé


perufa,inmortem languorémque decu-
bui .areius muore,ben me m fera jmpia-
ta,cdualui,diua Fauf ina augufa,ptc Mo
numentunt relinquens,ut QArtnius fm-
guineturturum interfacrificanlumarc!
retigiofaebâcimingcrct,XLIX .accé- _
fsfaculis : U collacbrymulantes puells
fluerétur, l0umquefun eralem ob tan- -
Annira Pucil- ti mdic,ü doloris perferrct,criniburpra-
ls,puells lucane- 'm~~,ruffarenrpeftora facjem9ue,diern
Parabdi, Didus inuegrum propitiatis manibus cira fpul-=
amularrjci, ru¢- cbrum ftagermtmmuatint perpetuo re- _
fl~etmi parentes petendo .ExtabulafrerilufSi .
pofuere .

Dont lafübffance ef,

C'ef adire,
Amongladiateur, de ramour duquel extremement brullce,ie tumbayen langueur
mortele:ntais apres auair ef éf vil/ce def nfng(belas may miferoble) le retins cn con-
A Annira Pucilla fille incamparable,imitatrice de Dido,fs trfesparons
ualePence .Cemonuntent eff dc-oy Fauflinc Augufe,qui ay ordonné que Quines An-
ont bafy eefpulcre . mes en facrjfiantfacefrotter ce coffre defng de Tourterelles,a X L IX. torcbes ollu-
nrces, fyuant le Iaiz que t'en ayfaiFl,ppface plorcr des jeunesfilles pour druilfuocral,
Pros cefluy la j e vey encores via autre bel epitapIle grainé en pierre de Pot- Iescbcueuxpendans,cnfaifantrougirleursujfgest; poiFlrines,parun,ourtor¢entier
pli yre,gifant en terre,fans aucuns ornemens,briCe aux deux coftez :gni me foi t f
a l'cntourde ma pulture, afin de me rendrepropices les dieux mfericurs. Ajnf ray ie
prefumer que ce auoit oïl é quelque excellontclsfd'suure .11 eftoit environné ordonnépartrfamcnt.
de Roquette trace auxmoutons :&difoyentceslenres .
D. M . Apresauoirdiligemmentleucesdeux Epitap6es,ieiettay tnaveueflor on
tombeauhiftoriéademybofi'e .Aumylieu delaface dedtuant, yauoitvn pe-
tit autel,& defrus Ia tefie d'vu Bouc Cauuagc,qu'il vieillard tenait par l'vue des
cornes. Ce fecrificateur auoit le poil de la tefte in eflé a l'a miqu<,veftu d'vn in â_
teau fur le nu,reietté fur l'crpaula dtoifte, raflant par si clroubz la feu eftre, &
pendant deuers le derriere. Aoprcs d e luy eftoit va autre mil Fi gnc,veflu dé
deux peaux de claeure,roue deuanyl'autre de rriere,les pied z des peaux nouez
2
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE. 9z

fur fes efpaules, les autres pendoient entre Ces cuyRés, le poil tourné deuers fa
chair, & ceind d'vn rameau de vigne fauuage,enRant fes murs, & foufflant va
chalumeau ruffique . Ceftui la eftoit appuyé contre vu vieil tronc d'arbre creux
& couppé,ouy tueur encores quelques feuilles & pétez rameaux vndoyans
autour de fa telle . Entre ces deux faulteloit vu petit enfant, au fondu chalu-
meau . De l'autre collé fe monftroit vn homme nu portant fur fon eCpaule vn
vaiffeau lôguec, l'ouuerture tournée deuers la tefte du Bouc,fur laquelle il ver-
foitduvin . Attpresde lus efloit vue femmenue, &deCchenelee,plorante,
&tenante vu flambeau, la partie allumée contre bas,& entre deux vu beau
petit Satyre,eftraignantvue Coleuure entortillée entre Ces mains.Puis enfuy-
noir vue villageoife,veftue fur le nu d'vn drap volant en l'air, ceinCte a
l'entour de fes hanches, & partout fur fa telle mal parée, vue corbeille pleine
de fruiftz & de feuilles. elle tenoit en l'vue de Ces mains vn vafe de terre a long
col,pourminifirer au facrifrce . Dedans le petit autel efloit efcrit en lettres
Romaines maiufcules,

Voulant dire,

HaVa(eria,aymablefurtouterfemmes,adieu .

I'elloie bien a mon foulaait, voianttant de fepulchres dignes de mémoire :


& ain1 que ialloue cherchant ca & la, pour toufiours tronuer quelques ch ofes
nouvelles,amesyeuxfeprefentavnEpitapbccompofeenlangueRomaine, 2fISnhc,
par forme de dialogue . Dedans fon front2poice y auott vu Aigle de demytaille,
&fur chacune des pentes vu Da ulpitin,tournantlatcfteconvc bas, mais de Pa~fant aflrrodpeiry teryeux,Qy apretparlca moy .fay uc~ufnt aruaur, be7as,py ie
reliefperfc&comitiale naturel. CeflEpitaplaedifoit : meurrersaimant.Dymay,iercprie,commextcepeultilfaire? Iemefsirdanncernorteen
D. M. cePo(sandre,embrafeedefamourduebeau ieune ftlx enlafleurde~naa~e .Q-uoy?ertu
folle? tuaimoe donques eu ton uiuant.Pour certain quand ie commencay a trop ardâmenr
aimn,ceieuneadale~rrttde/trrif ntladtn démon amour, le refufa : parquoy ic fc,cbdy
0 ii
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE . 93
toute,pyfuisicyrauyeparmort.Queueulxtuqueiyface?vadfatparlaailleQ, parle
monde,queNeuiaRomamccfim~rablemerrttref~s~cpourfamourducruel Proculus. Aupres de ce fragmét gi(oit enterre vn vafe antique d'Albaflre, de la f aul-
Cclajuff ra . Adieu. teur d'vnbon pas & demy, aiant encores l'vue des anfcs, mais l'autre eftoit
rbpue auec partie du ventre.I1 choit pofé fur vn quadrâgle, ou efioiét dentou-
l'crural, aptes cn vne autre Tribun e,ou cillait le reffe d'vne peinâure faine sots aucunes lettres antiques maiufcules,partie coutres,& partie deffaifles .
en mufaique comme la precedente,touresfois en la plufpart rompue & gaflee
auffi bien comme fa tribune . C'efloit vue dame qui rrunboit dedans vu grand le laifray ces fcpulclrres ruinez pour aller en vue autre tribune, ou apparoir-
feu,&Cefloitperceed'vneefpeeanantis le corpsAl'entourd'elle onpouoit foie en fragment de pain flure Mufaique, quart toute effaces, ce ncantmoins
vecirplufieursPiedzdefemmes,aucuns nuz auec partie de la iambe,autres Ion y verne encores vn naufragc, & soi icone homme qui fe fumeur à nager,
couuers du vetement,tout le demourant effacé & abbanr pnrvieilleffe ou portant vne belle fille fur fon dos : & comme ilz arriuciét a terre en vn lieu de-
longueur de temps,ou moyen des vens, pluyes,& chaleurs du Soleil. Pareille- fcrt,auquel auoitencores partie de la figure d'vn Lyon . En l'autre endroit ilz
ment eloit le pané demoly . La n'y auoit aucune efctimre, fors la moitié d'vn erraient en vue barquette fur la mernout le demeurant demoly : parquoy
epitaplrebrifé,renuerfeatcrre,oucitent cepeudelettres bien mal ayfecsacn- ienepeubien entendre l'hifloire : mais en la muraille qui efloit
tendre, de marbre,y auoit vn tableau de cuyure,graué de] ocres Gre-
quesmaiufcules,contenantvnEpigrammeen la mef-
me langue : lifanr lequel, ie fu contrainfl de lar-
moyer,pourlemiferableaccidée,& mau-
dire l'inconflance de Fortune. Aptes
l'auoir pluficurs fois leu &
rdeu,ie Ietournay
en Latin, en
ceRefor-
FAciTo ovAEs 0L"C te :
Q-ül
INFO ELIXREGIN
AMEN S AMANS
HOSPITISPEREGR'
MEMISE RAM A D
INFAVSTO

Crladire,
Regardüt, icte prie pleure icy dcfus moy malbeureufe Roynebers dufmsparamour
(las)moym~èra61e,durnalbeureuxprcferrtd'un holeefrange,a lamort .

Etau plinthe quarté foubz le vafe efloit difl :

Il ny a rien plus certain que le mort.


Aupres
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE. 94

Dont P,xpoftion ef{ tels,

Hclaspafut ieradinerde par les Dieux Infernaux,que tu hier unpeu cecy : puis cd
fàuff,,rant ba f cc rneral,dftt,Ha le cruelrnefchef p, exemplede Fortune, ilz deuoient
plus langucvunt uiurcLeontia ,,souepumlle,eff rf enfspremiers, ant de Iamour don
Heus uiatorpaululuininterf rire nianibus,adiuro te:pro-
noble adolef ontnommé Lollius,affigee destnauuais tratEfemens defou pire,fenfuy7,C'
di dum,aclcgcnspolyffonosmetallo ofiula date dddcns, Ah
Lollius lafuiuit . Ainf donc qiiilzféfo,,ont trauuez f7 entreacollez,ilzfurent prinspar
Forturis crudele monumentum .V iucrc debuiffrtt. Leonria
des,pirates,,ucnduz a un ruarcl,ant, tous deus menez cap,fz, o, mat en un nduyre.
puella,Lollij ingatuiddulefentaprinuria amorti coin lutrin-
Mais durant la nuiilLcllii spcnf it pion luyuouluff offerfa Lcontia,liront un couteau
pertetngeretur, paternis affefïa cruciatibus, aufugit : infe-
dont il tuatous lescffumeurs de mer. lorsfe Icua unetempcffefmolente,que la taudonna
quiturLolliw:fd inter amplexandum â piratis toper, inffi-
en trduert contre un Rocher lire, de terrefrlequel ilz monteront, prefz degrandfa-
ton cuidsuédûtur :ambo caprin,, nauéafcéduru.Cunt no8uf-
mbte. le pris Leontia, ry la cbargeay furmesefaules,d%nt. Soyt moy fauorable per,
b,, Leontiam Lolliusauferrifuff+icaretur,arreptogladio sau-
Neptune, iete recommande nous (y nofre aduerfté .Puis commenceay a trancher l'eau
tas cun&os trucidat.Naurs, orta marisfuit,,afopiilis terra'
de rues deux bras cwnc un Daulphin auecfs sellerons: py dinf queie nageoic,ma Lcôtta
prope collf n crgitur.Scopulum afcrtdirnus famisimpuf .
m, difit.l c tc charge trop,a ma uic.Etic luy refFôdoye,Tu mcfmblerplus Iegere q'une
Leontiam humera arripiens impono.Faue adefdum Neptune
coulâdre d'sau,Leontia mar+cueur.Souuftelle nie demâdoit,Fs tupointlas nidante Eg me
pater :nornofrmnquefortunanit,,bi comnitto . Tune delphi-
ef~oir?Ncn,dify ici tu me renforces .Adoncell,f baiffoitpour bafr Ce accollerfnpor-
nco nixu bracbgsfco radulas .At Leonria inter natandiuual-
teur,nrecorflantc encourageant,dequoyicfoie in eux oultre nietue . Finablenrent
loquitur,Srimnc tibi,mea uita,molefim?Tipule lcuior, Leon-
nous armons a tcrre,oufans ypcnf r)fumes afailliz d'un Lyon : parquoy nous anibraf
ria corculuni .atq;fapicule rogâs,Snune tibi uires,meaffet,
fmter commepour mourir,e, ce cruelanimalnous,perdonna. Efroyezde ce cas, rentra-
mea dnimula?aio,E~ excitae.mox collum arnplexata, fcha-
rues ci, une barqucttegarnyc dunpetitautron : qui futparnous teinture furla marine:Cr
rirerbaiulanremdcofulaeur,~(atur,bortatur,urinantena in-
en chantant l'un aires l'autceuogamer trois tours Ey trois nuiffz fans ueoir autre cbof
anim¢t.Gefiio.a dlieras tandem dcucnimusfofpites.inf~eratô
fnon Icau e le ciel. Ainf tormcatez de mortelsfemme, c defaillans par le trop long
infrenrens leu aggrel tur.amplexamur inuicem. Moribundts
icuner,norcs extr'ambrafruer l'un lautre,moy dilate, Hrias Leontia tu meurs de fait.
parcitleo.territ,,caf,nauicoldm littoriunâ cü remigali pal-
Lolli,ref ondoit clle,ie mengeaffz deffre dure toy. Puis enfufprrâtmeondire, Lolli me
miculadeieftâfugitiuiafendirnusuterq; .alternatimcarantes
arrty tu ri enpeuzplus,letueur tefault.Nonpas al'mnour,refondy ie,maisace miscorps
remigam°,diënoftéq; tertiderrrstes . ipfum ta'tum undiq,; cali,
feulenûtLas nous ne uiu,,b}plu, quede bafrr.ainfmourumes ambrof z efro,,Ffeneent,
pater. lethali cruciamurfame,atq; lutina inedia tabefctes,
part alefuite de menger .Apm, cfantcesmules appafis, un doulx uent nous amena
ruimusïâplex'.Leôtia,mgës,amabo famoperù .Sattecü eîr
icy,ou anous ef éenfueliZtout accollez,Q, par argent amaffé dune qucffe,ma entreles
Lolli depafor.af illa ff~,,rula's,rni Lolli deftca .Mmimé,ing,
antes Plutoniques. Cents donc que l'aoaricedespirater rinpeu retenir, la rage afamee
arnorefdcorpore.Solis uobnïtib'e mutuis lguis depafeba
desLyonsdcuorer,ny /eslirafous abyfnes de la mer engloutir, une petite cruche el roi8e
mur dulcitcrjgr0,,usq; huai,biütib~,ofula fuauc micfs
les contient tous deux colon uentre .
bederaciter amplexabamur.Ambo atrophia rnorirnur .Plény-
le te uoulo,,cf ospets aducrurde cef,,nfortune, Ce adieu.
rqs necfauiëiibus brut aura deuehimur,ac arcfuariomfui
,,lits amtexiarnplexub°,maints interPlotonicosbicfttf mus:
quifq; non rctinuitpiraticd rapac,,tas,nec uorauit leonina in-
gluutespelegi1 ;imëftasabouttcabrer,hui°urnulmangufgid
hiccapitambos .Hanctefiireuolebaminfelicitatem . Valc .
PREMIER LIVRE DE P0 L1PH1LE. gç
Aptes ie veyvn beau fragment de Porphyre, auquel efioient entaillees
Partant de la ie trouuay vu autre autel quarté, fur lequel y auoit vne bafe deux telles de chenal feches .
faiâe au<c toutes Ces moulures, & deffus vu plinthe quarté auec les retraiâes Par le lieu des yeux fo noir vue
d'vn coing a l'autre de la quarte partie de fa largeur,ainfi qu'vn tailloer de cha- lyaffe laffant deux beaux ta-
piteau. Ces coingz ne failloiempoint oultre le pied de la bafe, deffus laquelle ruraux de Myrte, entrauerfez,
efloitpofélefonsd'vnvaiffeau rand,n'excedâtenlargeur lescoingzduplin- & les lyoit fur leur croyfure .
the :mais la bouche auoit autant de largeur que le diametre du pied de la baie. Entre les deux telles audeffus
le bord d'icellebouclae fe repliait & renuerfoit en dehors.En la face de deuant des rameaux, efloit efcrit en
d<faut<IelloitefcriptceflEpigrammq lettres ioniques ce que fenibyt,

TIMOKOYPHrAAP-

=r KIA APTEMI2 .
C'efladire,
ATimocurcLarcie,Diane. ' Ce lieu requiert vu Apollo .
Le demoutanr de la pierre efloitromp, .

le me trouuoie grandement emcr-


'Inferais DysDeabuf uc. u cillé de la magnificence de tant de
fepulmres . Toutesfoisï en vey en-
C. Vibiuo adule(ës intëpera- D. M.
cores vne de marbre blanc, fur la-
to amorepercit, Putilix se, . quelle y auoit vue inccription per-
puellsgrateimx,quodalteri Lyndia Tbafus
plexe & ambigue,carilneneftoit
ultra tradi ndfutineret, crué- puella puerbic fum .
demeuré que fefcripture , en vite fne .uiuerenolui,mo
togladiofbimetmortcm ton- petite pierre quarree : le demeurant
fiuit.Vixit amt .X IX. m,,- ri malui. Atf noris,
ehoitbrife',& difoit,
[es 11 .dits 1X . Horas fit fat eff.
neno. LyndiaThafum,icunef((e,iemegar-
Vale.
fn,iefuu icy. Lai~j : ienay uou(u wurq
.aisay'mieux aymé mourir. $t tufcals
lecas,ilfufft . Adieu.

signimt, yla _ ffl


MM~ul

CaiurVi6ius ado(efrnt defme~rrmenrattamfF defamourde Putilia Sextia, pucelle Mon plaif r efloit merueilleux en regardant ces ruines tant glorieufes, &
defiloie rouf1ours trouuer quelque nouueaute : parquoy m'en alloie fouillent
trefgraricuf ,nepouuantf uffrlrqu ~lle de fn bangréfeuff dannee a un autre,Icff luy
par ces tnbceaux depierre,comme fait vu Beuf qui en paiffant chemine, cuy-
mefmetuéd'uncouteau . 11 a uefcudixneufans,deux moys,Cneuf iours.Quantaux bru-
di;t tiennes plus quant de meilleure paflure . Ainfi ie veypluficurs grâdes pie-
Aptes ces de colonnes,& d'autres entieres : J'vue defquelles ie mefuray , & trouuay
quelle auoit en longueur fept fois le diametre de fan pied . Aupres de la effoit
vu vieil fepulchre fans eCcriture: parquoy ie regarday dedïs par vne creuaflè,
& ne vey linon des veflemens funebres,& des Coliersdeuenuz pierre, qui me s. .~~tsag ..
feitprefumerquecetombeau efloitfaiâdepierre Sarcophage, deTroyeen ; ~`"
LIVRE PREMIER DE P0LIPH1LE . Ss
Afie,& quelaauoite(lémisenfepulturelecorps dugrand RoyDarius .loi- longueur du temps,queparlafumeedelalampe,elleselloientdeuennesnoi .
gnant ceRuy efloit vit autre de Porphyre,taillé de bel ouurage,couuert de cer- res.En la face premiere du coffre,e(toiententaillez ces hieroglyphes,fauoir e4
tains arbriffeaux qui eftoient creuz a (entour,& infcrit d'vu bel Epitaphe.Son deux mafques,&deffus chacun vit Œil,vne fitfee de fil,vne vieille lampe,deux
couuercle efloitenpoinac,faiâaefcailles de demyboffe,vne partie duquel fleches,l'vuetourneeaucontraire del'autre,vumonde,vnefemelle de folies,
efloit demouree furie coffrc,l'autre gifoit en terre,& l'efcrimre en efloit tele, des croclutz,dufeu,vncouteau,vnemouclae,deux brandons entrauerfez &
liez parle mylieu,vn coffre demy ontiert, & des branches de Cyprés fortans
dicelluy d'vtr collé & d'autrc,auec vit ioug:

D. M.
P. Cornelia Amia,ne in deflata orbitatefupemiunem
ment , uiuamme ultroinbrtcarcamcam loir, dcfunflo in-
comparabili amore damnatom dedo : cum quo uixi sait. xx .
fme lolla corttrounfa, libemis hbetabufque nooffris man-
dans,utquotânirfüpra drain neçPIotain 0' oxori Pro -
ferpina, moud,orqueomni6~cruficétrofryueexornent :
acde reliquis ibi epulentur . Dono dedt precepi mandaui
dariHS .X .atque tetamntumfaciundum délégani .
vole uita .

furentpar moy ainfr intnpretez,


Qui fexpofe comme (enfuit, DIIS MAN IBVS.

pu blia Cornelia Annia, pournefuruiure en def lé ueuuage, ie mfnablc me fuis de Mors uits contraria,o, geloceima,lux cloné}acalcat fuppeditat,rapiyconfümiy df
men grr donner fy rondamruee a efreerfuelie uiua dedanscecofreauecmon mary, le- fluit,mel1i/buéduosmutuo'f frifimcmardenteramantes,bicextinéloscomunxit .
queliay bien aiméd'uneamour nompareille,Cydure luy urfa uingt anr fàns aucune
controunf .Anozlibertins(ylibertinesëaycommandéqua,mue((ementdzfcr ent C'eff a dire,
fur ce eofea Pluto, fY a fois efouf Profrpine, enfemble a tour les Dieux infé-
AVX DIEVX INFERIEVRS.
rieurs, U quilz parent Ey omrntcetlombeau de rofs,rn man eant le relief du facr
ce .Pourcefaireleur¢ydonné,Pydanne,Qyamerautresftcertrs,dixfais flfnce :py M,rtfudaine,py contraire a la uie,qui toutfupprdite,rauit,c,nfurnq fyfpara a üy
parmontefFamentayt,mm¢n .{équ'ainfifitfa,f7 . Adieulauie. conioinftmortzdcuxperfnnagesquifeatraimoienttrefdoulcement,effroiftemerrt,Qyar-
dantarcnt.
Plus auant foubz vit Miette fort efpois,defcendât d'vu vieil pan de murail-
leruinee,ietrouu yvuautre beau coffre depicrrefembldtayuoire,demou- Lon peultpenferque iéfloie fingulierement reiouy deladinerfsté de ces
ree iufques alors,oupour le moins grand' partie, claire : & pource qu'il efloit cru :ves antiques,cxcellenms & admirables,car d'heure en loure me croiffoit
clos & couuert,ie fu curieux de faucir qu'il y auoit dedans .fs regarday par vite le defir d'en chercher des pareilles .Mais il maduint que fi an parauant ïauoie
fente du couuerclc,& vey leâs deux corps entiers : qui me feit croire que le rosi e(fé sorti a pleurer, par l'epitaphe Grec des deux miferables amans mortz de
nument efloit de pierre Cliernite .ll y auoit auffi plufreurs fioles & ampoules fain,énçores en trouuay ie vit plus pitoiable de deux autres infortunez,entail-
de serre & de terre,auec aucunes petites flatues félon la coufiume ancienne & lé en vit e grand pierre, dedans vit quatre, hué de fou diagone, contenant en
facon des Egyptiens,auec vue lampe antique de bronze, ardante & allumée, foy deux pilliers,continuez d'vn demyrond, efquelz pendoit vit tableau en-
pendantean conuerdea sacperite chaîne. Aspres des tefies des deux corps, graue de ces inotz piteux,
efloient deux petites coronnes,lefquelles ie iugeay etre d'ondins tant pour la
~nnonrw
PREMIER LIVRE DE POLIPHILE . 97
Olefleur,uien icy,ie tcprie.Cemalbeureux monumétty appelle, fy dauâtage te ro-
quiert que tu blet a quelefin tube lauoluptebumaine .Cy ef la cendre de deuxamans,lef
quelziadis oultremef re embrafz de l'antourl'un de lautre,a l'importune perfuafon de
uoluptéim,nodvee, f trouuerentrn unbeu defèri , entre les ruines d'on uieil temple de-
fruiFl,ardammrnt deftrans d'acemnplirleurutux rt Vrnus la dee~ .ItLopidia couchee
leu~gecontremont,uy un Serpent rune murailledemolie,quife uouloit lancera noua.
e
Or cclïc,lu,nsô amy Cbryfanthes :lieue toy, t'en fuy : car uoyla un horrible frpmt
juifucultserrerdumurabaspourriousdeuorertousdeux .Adoncilregardaen boule
tout elfrayé,et m éf ria,Ha Lopidiafsue toy,laiff moy mourirauec cefebefle.Ir ne fu
pasftoff leuee(belas)moy mfrable,que ie ucy mon amy CP ma uicCbryfanthes, mor-
teleracnt rnueloppé, 0, lyé treseffroibiement des entortillemens de ceserprnt, tant qu'il
nepouoit defa plus reff irer,carille tenoit a lagorge . Helas ie uey en ma prefnce fuffo-
quer ntô db erCbryfènthet . Helas ntalhrureuf,iefuis pndue:mon Chryf ntbes ef mort .
Lors toutfudain iepren un balon,comme furieuf, c- cour fus au Serpent : lequel aine
que le me baffoiedefafï~mnter,defournaf teffe,grinfntles dens,&nele peu cbaffr:
prarquoy uoulantredoubler dure autre coup,iefaulx,py me mon amy Cbryfnthes.Helas
belas mallfortunee,ie fuis morte .Mais quay iefaict?queferay ie?qui demourera,duferpët
ou de moy?Ce dtff parune bordelfe Herculienne, oup(ufof par rage infernale, te re-
pren ce bafon,py recharge fur la cruele belle enuironnant le corps quigoit mort a ter-
re,oupareillentcntlaiettay morte . Que pouoit lors percer ou faire une fmple fille ef
perducelemetz furmes ef aulcs mon Cbryf ntbes,py la belle parmoy occ~ë, comme te-
moingz demonforfaoff puis lesportay en la cite',arrofnt mon amy delarmes, Qy l'accons
pagnant defuff:irs angoiffeux de mortcueur.Apresmontayfrun hru baulten la
placepublique,ou enplarüie redut le cas .toutlepeuple aaouruta re bydeux
f~eFlade,py lesgensmc regardoienten pitié,b(afmant Fortune,Qy mrtul-
difimttVrnus .le confeffay mon crime, c dy en muocant les dieux su.
fericurs :Oris donques receuez moy auec mon amy Chryfn-
thes, pourfaliterpeint con&gne,Qy efbepunie flon le
deuair:crtrief~lefuis coulpa6le de tout .Alors efât
defif:eree,rnlaprefence de toute la multitu-
de populaireie mefrappay un couteau
rn tefomacb, e donnay mfera-
blemrnt ma nie en proie pour
tore enfcuelie mec
cef autre
corps.
Adieu .
R
PREMIER LIVRE DE P0 L1PHILE . yS
Ayant leu la piteuîe auanmre des deux pouces amans,ie me party .d e celle Mon defir de veoir augmentolt de plus en plus, quand ie donnay en vue
place: & n eu pas beaucoup claentiné,que ie trouuay vire belle table de marbre, autre tribune,touteabbatue,refeméla muraille du collé droi&,ou ie vey vit
quarree,auec ton frontilpice, &deux petites colonnes, vue de chacun co- fepulchre de Porplayre,excellent en inuennon, & de bien Gngulier courage,
lté,entre lefquelles dedansle quarré,autant quïl contenait de large, elloit voire (certes)dc memeilleufe defpence,eflantfai& encolle tnaniere:A chacun
entaillé Vil chapeau de triumplae,plus colorié que la demyta, lle, gifantaterre, des coflez acon vite colonne quarree cannelée, aucc fa bafe & piedefal, & en
toritesfoisfefcnmreeRoit toumcedeuers le 6aulrquine mefutpeu de con- chacune face despiedeffalztrois nymphes quafiderelieftoutes entieres,plo-
tentement : & di (ait en latin , rantes,& tournées deuers le mylieu du tnmbcau .Sur les chapiteaux des colon-
nes efloient fbrchitraue & la frize toute entailles de feuillages, & encor apres
la tutrice. Entre les deux colonnes elloit vit rlrrone rabailfé dedans la pierre,
enfaconde nid entre deux colonnes dedemyboffe,acier bines & chapiteaux,
& par deifus vire voulutre a demy recube, feparee d u throne par vire petite
monlurequipartoit des chapiteaux pouez fur les demy colonnes . Entre les
deux pilliersquarrezy orient vue infcription Greque,quimefeit cognoiflre
que c'eftoit le monumentde la bonne Royne de Carie,& difort ainfi .

AOSEMIZIAOZ ZAZIAIZZAZ EnpAOZ.

C'ef a dire,
Les cendres de la Royne Artemf.

Au defroubzduthronefur vit plinthe, effoient quatre pates de lyon de


cuyure doré, qui fou ffenoiontva coffre antique,fcruant de banc, & fembloit
coanon d'va drap d'or figuré .La efloitafrfe vue Ro yne en habit de maiefté: &
royor~.r~g~
au bord de fa houpelandefaiâeenform e detroisdemycercles pendansplus
basque la ceinfture,Ce monftroit efcric en lettres Gregttes maiufcules de ptes-
rcries & de perles,
.ArxoàA,om ATIUISON .

C "ef a dire,
LeMaufolee~nrhonneur .

Enlamaindextretenoitvnecouppe,comme ftelle euft voulu boire :& de


l'autre portait vit fCCPtre,les OhCOCOX pendons fur Con col, & coronnee d'vne
cotonne clofe & double,a I eneour de laquelle, partie de les cheueux eftoit
uif doit ainf er¢rndre en commun patin, rapportée & entrelaflèc . Au coing de la vou/turc de fan throne,y oncle vit rbd
en forme ouale,dedanslequel effoittailleevnetofle corônee,levifage gratte,
Qui que tufoyr quiuicnr ry pourmelire garde toyfitu aymet : E7f tu n aymes péf, la barbe longue,& les cheueux entortillez :qui me feu conieâurer que c'elloit
(mfra67eJquefRnramouril ny arien de doulx . Mais en d~erc5antceffe darelceur,re mc la vraye relfentbl:ice de fan mary, pouttraifte aptes le namrel,tenue par deux
fufrinconfderenrcntpndu.Aufü¢mousenfutlacauf .l'effoiefuruncbeual,e defroie petitz enfans vollans,plantez fur la derniere nroulure de la voulte : & de leurs
de tout mon eueurcomplaire a llyruionieieune pucelle deperfec7e6eaulté.f tunr6sy par autres deux mains tenoient vire cordelette de coyote doré, pendante audef .
fortungmanpicd demouranten fefrier:dontfu trainé,Qy rois a mort . foubz de la tefte .En celle corde citaient enfilées pluieurs petites billetres de la
mefmematicreenmanieredepatenoftres .Surie plan de la derniers comice
Mon fouftenue des pilliers quarrez,efloin " n plintheplus large par le bas que par le
hanh,orné de fes moulures :& audelrns vit rond de cuyure doré,ou eftou en-
dta(lèe vnepierre noire et luy" Cante,omee de telz drarafteres,
R ij
LIVRE PREMIER DE P0L'IPH1LE . 99

EROTOSKATOPTRON .

C'eft a dire, Miroer d'amour.

Le rond doré atroit quatre doigtz de largeur, faift a petiz compartimens


&feuillages de demytaille. Plus Iaault que ce rond y noir vu honnne fnnbla-
blement de cuyure doré,planté debout au mylieu de cep lindte .ll tenoir en fa
main dextrevrac] ance,& exila feneltre vue targue antique, grau ce de belle
fculprure .Aa plan du plinthe efloient af z deux petit en fans vol âs, tous imz,
appuyans leurs efpaules contre le rond,& renans chacun vu flambeau allumé .
Plus bas en auoit en cores deux autres femblab]es,tenans aux la main fur vue
boule,& de Iautre,fatiCe d'vu châdelier antique de cuyure doré, fai$z en for-
me de vafes. Les anfes efloiét deux Daulphins courbes, mordâs vu pommeau
du candélabre : &leurs queues finilfoient en poiuftc fur la corpulence ou vé-
trure du vafe,gni alloit toufiours endiminuant de groffeur iuCques a la poin-
éle ou efloit labouche & ouuerture,Cur laquelle y auoir-cinq poin&es,afauoir
quatre en rond,& vrac au mylieu,plus hardie que les autres . Le pied du chan-
cher efboit entre les deux iambes de l'enfant.Toute celle fculpture elloit po-
fée fur vu quatre de pierre ferpentine,leué fttr lepané fans aucunes moulures,
excepté que i'y vey au mylieu vu trophée d'enleignes maritimes : & adonc ie
penfayque c'efloit en rentenabrance dela viélotre nauale quecelle Royne
obtint fur les Rlaodiens.C'efloit l'efperond'vne gallere,auecpartie de la pros,
fur laquelle effoit dreffé vo tronc d'arbre,retteftu d'vne cuyrace antique, les
branches paffant par l'ouuermm des bras : en l'vne defquelles pendoit vu eC
culfon,& en faune le manche d'vne trompe a vuyder la Centine : au deffoubz
de la cuyrace,vn ancre & vu tymon entrauerfez . Sur la poin élc du trotte
qui fortoitpar le collet de la cuyrace,efloit vn cabaffet a crefie :
toutes ces figures faiftes en extreme perfeé ion &
beaulté,dignes d'efire veucs, & cclebrees en
perpemele memoire .l'eflime auffi
quelles furent taillées par
aucun des ouvriers
qui furent eux-
ployez au
MauCo-
lee.

R iij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE .

II ne me (croit pas facile a dire quel contentement ïauoie de veoir des chofes
tant exquifes :carïefloie deplus en plus incité d'en enquerir & cher-
cher d'autres : & me fembloit toufiours que ce que ie trouuoie de
nouueau,efloit plus a prifcr q ue ce que
iauoie lare.

A peine auoy ie detourné ma verre de ce fepulchre, que iapperceu au


hault d'vu petit tertre, vue belle pierre de marbre, en laquel- A~ice uiatorQSertully zy dulciculxeonfx mes . C
le elloient entaillez deux rennes enfans nuz,ou- Rancilix uirgfmulacrum,acpôf inde,quidfaciathcen-
tarans vue courtine a deux rideaux, foubz tioff rs,leQiuo .Inipffioridastate, ct%acrior uisamo-
laquelle efloient deux tefles,l'vne ris ingrueret,mutuo capti,tandemf ccro rw U marre
d'vn beau ieune homme,& feru annuennbus fletmi hymnixonuptgs copulantur .
l'autre d'vue belle fem- Sed ofatum infelix .nofle prima,cum importuna uolro-
tnc,aucc vu epita- prattsexlegefacerextingucre,eyD .matriVeneriuota
phedeleurmi- cogeremurreddere,l eu,pf in a£iu domum maritales cor-
ferable acci- ruens,ambos iam extrema cutn dulcirudine Ictfimé co"-
dent,qui ylicatos opprcfit . Funeflesf°rores nec noui quid fecij,
dilbin puta .non cratmfartstumnofralongiorbora.Chari pa-
All»ce renternecluciu nec lacbrymir mifera aclamata noflra
defleatis funera,ne reddatis infeliciora : at nos nofris
diuturnioresuiuite atmos,optime leflor acuiue unir.
PREMIER LIVRE DE P0LIPH1LE. toi

f
Dont le ns ef tel,

Regarde paffantle fmulacl>re de moy uintus Sertullius,Udrma Aere efpouf


Caia Rrtncilia,que iepris efantpucelle :Qy apretlys ce quefait la liberté de Fortune. En
la fleur de notre cage, lorsque l'amour a plus de force, nous nous entr'aimames grau-
dementa latin du cotf ntementde mars pere,Qy de f merc, tous deux fumes ajemblez
parmarirtge .Mais (o ls nralbeureuf auanture) la premicre nuyfl que nous riions pour
f
ef eindre lonla loy les brandons d'importune uolupté, u rendre noz uaux a la grand
dre~ Venus : belas, en crll inlfant, la mailrs nuptioleruina furnoz tefes, Pp nous tua
rommeefionsambraffez.Nepenf paspaurtantgue lesfaurs fatales ayent ence faiff
aurunecbof denouueau,carfbeuredenoffredefineen'eJfaitplurlongue .Trefbrrspa-
rem rce ployezpointnofre piteux tref~as,afn guepar uoflre deuil ne lerendez plur
rable : mais uiaez uozonspluslongs gucles noflrcs .Et toy lefteur ufe lesnmsen ioye.

Ainficomme ielyfoieceflepireufe defconuenue,iene me peu abftenir de


foufpirer: et en tournâtma veue,î en vey vu autre de marbre blâc,pofé au my-
lteu de deux colonnes,taillees fur le maff en demyboffe, avec leurs bafes,cha
pireaux, archirraue,& frontifpice,dedas le platfons duquel y auoit deux tour-
terelles qui buuoient en vn vailpeau .Sur les colonnes regnoit vue voulie ayant
l'arc vu peu large,diflribuéparqua rreaux a rofaces,qui fe diminuaient vers le
centre,fttyuan t la raifon de la Perfpeftiue :& foubz la voulte vn coffre faillant
dehors, en la face duquel y auoit deux portes :en l'vne entraient quelques pet-
formes nues : & de l'autre fortoiét aucuns petiz enfans non veftuz en nulle ma-
niere .d'entre ces deux troupes portait vu cicriteauquimefciccongnoitre
que le coffrefrgnifioit ce monde,& tes deux portes, fvnc par ou Ion
entre en nau fant,& l'autre par ou fou fort en mourâq mais touf-
iours auec plaintes,pleurs, & tcles miferes.Ce cof-
fre eftoit airs fur deux piedz d'Harpye,
finiffans en feuillage, &au def
foubz de la voulture
efloit vu Epita-
phe L atin en
celle for-
te,
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LF . 10 ;
comme Encas avoir perdu fa Creufa en fuyant le grand feu de Troie . Et que
(u'ilfault ainf~'interpreter,
tout de mefmei'auoie laiffie ma Polia long de moy en vu lieu defert fur l a ma-
Cy eflemonument de Trebiafllede Lucius SextiusTrebius:Qypour memoire def n
rine . Helas contnie ï cxpcrimentay en celle heure que c'eft de griene angoiffe
amour f7 debonnsjreré,luy fuemirpar Aulmr Fibufiurf u mary,auec qui elle a ueféu en
en la condition des amoureux . A la venté ie ne tu point fi e(perdu lors que se
grandplai mi mois,C, crois jours .
meveytoutpreftd'eltredcnoieparle Dragomparquoyma demeure ne fut
Cefen+jennctrefberecf~ouf,ala~fléamoyfntrifemary,larmescedeuil perpetrsel:
pas longue,ams abandonnay incontinent celle enneprifc, & me mey accu-
car effantforcenec d'extre,rie rnloufe f uf econnant que j âuciepra2iqueaaec uneautrc
rira travers les ruines & mnceaux de pierres,parmy les rances & efpines , [ans
fnnme,conuertjtf doulceaniourenfureur,eelementqùellef frappa d' une ef ce tout x regardera-2 robepellce,dontil detnouroitdes lambeaux achacttn coup
trauers le corpr .Helas rata cl, ereamie pourquoy?Nlon ebcr amy,tu deufes avoir ofc non
aux ariette des buyflons : car fmoic imprimé en ma Cantafre due i'eloie venu
f ulcmét feffefl de ialoufea celle qui t'ayniojt,mais quât U quât les caufes de tufficion . action dernier malheur, a ma peur finale,& a la perte de tout mô cCpoir. Ainfr
OrdemeurefinC-content:car de mapart jefrs en mon repos,quirte ty del,ure de ce-
camât a toute force te vois d'auânire tomber pris le giron de Polio, hors d'lia-
feujetropincertaine c ntalbcureuse . leine,noyé de larmes,a demy vif,& tancfailly de courage & de membres,qu'a
Les lettres quilùntdedans les deux tables du monument,dfcnr, grand difficulté peu te arriver ni q ues a elle : qui fut (certes) vis peu cfmne de
L'incuitabiefatutdela Lebeningediffdela meveojtfifort efpouété:&nieloua entre fesbrns,effuyantauto valinge mon
rnaratrenature. merenature. vifage tout mouillé de larmes,terny de lueur, & craffeux de la poulf etc . puis
le m'addreffay aptes a vue autre tribune d ira y rompue, en laquelle efloit amoureufement me demanda la carafe de ceft accident, en paroles fi doulces
encores demeuré en petit cette de petit fturc mu fai9ue, & n'y avoir point de &Tant amyables,gtiellieu(lrefuCcirévnmort .0yanecelegracieuCede-
fepuldire .Entre lesfigures ïapperceu Proferpine qui cotillon desfleurs su- maude,ierevins foudainemcnt a moy,& me trotmay en fort giron, hors de
pres du mont Etna, ou pour le prcfent niant Gibel,auec la Nymphe Cyance toute doubte &malai Ce : puis luy coniptay mon mefchef de poinéi en poind :
& les Syi enes,fes compagnes .Puis vey filons fartant du Iiault de la mdraigne dont elle te print a foubzrirc, & nie baiît doulcemenr,cn Manique bien toft
atrauers vue grand' gueule aidante,& cotnment il la rauifloit,la tirant parmy vicndroit Cupide noflre maillre,& que ce pendant ie deniouraflè en pacien-
les flammes . Cyance la regardait en ployât,& ne la pouoit fecourir . l a finiflbit ce,confcderé que le fouffrir eft boivent caufe de grâd bien . le me trouuay grâ-
l'hifloire,naefmeslafigurede Cyance n'eftoit pas du tout en fort entier .La devient comblé de ces gricieufesparoles,& remonftrâces tant hutnaines :par-
muraille effoit fendue, & entr'ouuerte en plufieurs endroitz, voire percée de quoy ma colcur de Buys revint en fort luftre naturel, & ma peur exceffiue fe
fhieae,& groflès racines de Figuiers fauuages. Ce neamnioinsfy contem- changea en fermeté de courage,fi bien que mes yeux retounierent a leur offi-
play d'ail arrelé vn petit fleuve, qui assoit tutoies quelque peu d'apparen- ce acouftumé pour viure de leur panure os dînant . le n'en pas (certes) quafr dé
ce de forme humaine, n'eftant qua demy transformé : & ainf que mon en- deniouré en oeil endroit,que Polia Ce leva d'au elle eloit affile,& en (inclinât
tendement efloit occupe eu fi pladante contéplation,ie fenty tomber quelque lionnorablement,fcitvnereuerencefort gracieufe,humble ,& honncfe :
cliofe derrieremoy,dontietuaucunement effroyé,pour merroui er fèul en puis fe mita genoux dont ic fa tout esbahy,car te ne fauole qui la montant, &
vn f jeu tant defert. Adonc tournant la celtes se vey que c'eloit vue petite Le- ne regardoie a autre diode qua fa grande beaulté nompareille, en quoy mes
zardecourant fur la muraille, qvi suait abbaiti vue pierre . Ce sri eltoit (cer- yeux eftoient fi empefchez,qu ïl ne m éftoit poffible de les en deffourneraou-
tes)granddefplaifirdecequeienepouoieveoiramots aile toutecellcpein- tesfois ie fey de ma part ainfi coma e ie luy vey faire, fans fauoir pourquoy,ny
fkure entiere,ains la plufparr defaifte & effacce,a caufe qu'elle assoit trop n qui :& me mey a genoux aup ses d'clle.Adonc Coudainement ïappetceu Cu-
long temps demouréal'air en defcouucrt. pide rouf nu,gm veneur dedâs vue barques & abordât a terre, tourna la poup-
Fantafiant donc en celle nianiere ferlé rauifrenient de Proferpine,ieme pe divas lemoleminé.Mcsyeux ne peurentonefouffrirlescffinccllesdcCa
fenty frapper devra trille penfement, lequel nie feit dire a par moy, O po- daine diuine,airrs efloie comrainftdemettre ma main entre deux . Chacun
uce impmdenr,,&mal aduife,plein de curiofrté inutile, qui eft de t'anm- peuls edimer que te ne rue cuydoic plus entre les Iiommes,ains en la compa-
fer aux chofes vaines & paflees.Pourquoy vas ta cherchée les vieilles pierres gniedesdieux,voyantvnefprîtcelefleencotpsviftble,cequinaduient ue-
br,Cees & psaurries?A quoy te laitfes ici tranfportcr? Or fi par nialauanture te ces limitent . lentreuey fa tette atournee de portez cheveux crefpelez, reflém-
claire Polia teffojt prefentement rame, & que par ta nancliallance perdifles blans a petite filttz d'or :& deux yeux decorans deux petites joues rondelettes
le bien que tu climats plus chaque tous les threforsdumonde, que ferais de colcur d'vue rote verni toutes les autres parties fi excellétes en beau-
tu? Difant cela,ie fa finpris d'vue peur accompagnee de fleure & douleur té,que ie reputeroiebienheureux celuy qui feulement aurait penaude le peu-
trope terrible, noce va billon fi tres code, qu'ongues ne nie peu Couflenir tfenfaultgueieveuilledire
veuille deduire.Ilauoit(cbmodieu vollige)deux
fur les piedz . Et pour accroiffre ce miendoubte,me tenant en la memoire acllesde voleur cramoifie entremeflee d'or & d'aztir,a la guyfedu col d'va
comme Pan .Ce voyant Polia,& moy,ne nous lotionnes de genoux iufques a ce qu ïl fe
PREDIIER LIVRE DE P0 L1PHILE. Io ;

print a parler* m'apperceu qu'il fefmemeilloit de la fin guliere beauté demi megtfe ic poffedoie par fintafie toutes les félicitez des bien Imureux . Lors
dame,enfemble de fa bonne grave & exnenae doulceur : qui me feu conicCtu- deux Nymphes de titredrurme,nomm<esA(elgie,&Neolee,vefluespont- t°-
rer qu'en fort courage il la p reicion a famye PCyché, & l'efli notait plus belle & peufcmentd'vubeauTaffetasAttalique,tiffudefil d'or&de foyeperCe:pnis ira ..,
tropplus gracieufelanscomparaifon .Lorsd'vuevoix diuine(quipeut retour Chlidane & Oltiolie,parees d'vu voluptueux habit Babyloniquede coleur
& raffembler toutes chofes dmifees,abbaa'e les tempefles, & apparier le cour- marine:& les deux dernicresAdiaetCYPria,mi gnoteesd'vufindamas afeuil otw,o-nr .
roux de la mer)ce petit dieu fie print a dire : N ymphe Polia, & roy Poliphile, laged'or traief,bordé dorfauerie,feprindrenta exerciteraquimieux mieux . -ta~",
vrais obferuateurs des amoureuCesloix de la deeffe noffre mere, & qui puis Lonpermit vectrleurs braztous imdzplus nayuementblancs quefleurs de
n'agueres auez faift profeffion en Con fainâ temple , le vous fay fautait' que Liz :& le vent qui fouffloittout doux,Cerroit leurs veflemens contre leurs pet .
voz deuates pierres & facrifices font paruenuz écriant à déité, & luy ont eflé fonnes,fai(ant venir aucunesfois la rondeur des tetins,d'autrcsla greue,on
agréables,telenientqueparvozoraifons & volontaire fenncgallez d'elle im- bien les piedz liez par diffus a roberas & cordonsde foye,entrelaffez amie
petré heureuCe fin & efficace a voz defirs amoureux . Or vous mettez donc leur demychau(fes,verdes ouvermeilles,cordeleesfutlemol de la iambe,a
maintenant foubz ma proteftion,& entrez dedans mon batteau, fans lequel periz laffetz de foye,paffbz dans des annelletz d'or. Certainement elles eftoiét
aucun ne fauroitpaffer au royaume de ma merget fans que le le y meule nray- idoines pour Cei unr le feigneur a qui elles efloient.
meCme,quifins le vray pilote & marinier de ce volage . A ces paroles Polio fe Quand nous fumes effoignez de terre, les Nymphes enfienerent leurs
lcua prompteurs ent,& me print pat la main fans mot dire : pLits entra en la bar- aurions, Ce tourneront leurs viCages deuers leur maigre, qui efloit en la
que,&C'en alla feoirenlapoupe ; oci femblablciller lememeyteignant d'elle . proe,luy faifantvuereuerencelaplus humble dont elles fe peurent adtsifer :
Sitoftquenous fumes embarquez, lesNymphes deborderentde terre,& puisfaffuentles doz entonne nous : & pluflofl ne furent en tel ordre, que
commencerét a voguer .La barque effoir a fix rames, non efpalmee de fuif ny Cupido noffm patron eftendiff tes aelles,appellant Zephyms,pour luy fouf-
autre grelfgmais d'vue mixtion precienfe compofee de Mut, Ambre,Ciuet- fler dedans en lieu de voiles .Ce qtiil feu de fi bonne Corte,que nous commen-
te,Beniouyn,Labdan, & Storax, incorporez par proportion cbuenable, avec ceaines aperdre la velte de terre,& nageames enhardie mer auec finguliere
boys de Cendal blanc & citrin : les forbans elloitt d'Alois : parquoy ramais bonaflè,voire certes en tel plaiftr,que le ne Cache tuent fi farouche, tlui ne f'y
ne fut feinte vneodeur plus aromatizante.Les cloux furent faiftz de fin or, & tuflappriuoyfé:nonconcupifceticetant efleinftc,oudefrrtant ef~erdu&de-
en leurs telles enchaffees beaucoup de pierres precieufes . Les bancz Ce mon- gonRé,qui ne fie fini allumé reprenant appétit naturel. Cefloit aff ez pour en-
ftroientdeSandalron e,&fesauironsd'ynoire,lefcalmed'or,&lesflropes omourerDiane,conucrtir le chatte Hippolyte,& forcer la prudente Pallas
de foie. La vogtroient fix belles damoyCclles a fleur d'auge, venues d'su linge toufiotirs armée. Or cemiiderezcoin nient C'en dénotent fentirles mortelz,clui
delié,legier,voletât en Pair,& tel,que quand le vent le faifoit ioindreaLi corps, en efloient fi proches,aptes & difpoléz pour ardre.
Ion parlait venir tous les mufcles & lineamens de leurs perfonnes,& les feiloie adonc comme le petit poiffon né en l'eau chaulde,lequel trais en ait-
mouuemens gracieux .Aucunes allaient les cheueux blonz & dorez,agencez ire pour cuire,nc pull clchauffcr ne bouillir.
par entrelaz a l'entour de leurs tettes. d'autres les portoient plus noirs que fin le contemploie les aelles de ce divin efprit,aufquelles y auoit quelques plu-
Ebene croyfrant aux Indes.parquoy c'eftoit vie chofe frngulierem& recreati- Aigrette
ue que de voir les deux cbtraires a l'oppofite l'vn de l'autre, pour fe paragôner marine non encores fortie du nid .
enfemble .Leur charnure fe monfroit plus blancheque neige,niais par expres O qu'elles efloienthelles & luy(antes,de coleur d'or déclinant fur le rouge,
en laface,au col,aux efpaules, & en l'eflomach . Leur chef effort enuyronné & en autres endroitz fur (azur ou violer. Il yen suait de tendantes fur l'ECnac-
d'vne cheueleure trouffee a beaux cordons & tréfiles faiâes en tacon de raude,les voleurs tant bien adôrnies,quïl n'eft poffible a la pein&ure de les ré-
paf%ment lyé de tyffuz de fil d'argent, & férree par detriere auec vil filet de treCairefinayuement.
groffes perles orientales,tant qu'il n eftoit rien au monde plus exquis.11 y en flfembloitavray direque tousles loyaux de nature fuffent apportez de
auoit quelques vues garnies de chapeaux de rofes & autres fleurs, deffoubz fim threfor pour eflinceller en cefl endroit : car elles IuyCoient comme lames
IeCquelz leurs cheueux voletaient al'entonr du front,& auoient la gorge pins de finorbruny,pendues auvent,&branlantes contre le Soleil,de forte que
polie que fin albaflre : mais encarts elle efloit decoree d'vn fumpmenx col- l'eau fembloit elirepeinde de leurs voleurs, qui efloient foudain effacées par
lier depierres precieufes : & leurs perfonnes cernais audefroubz des mam- l'mconff ante des vndes,feflirgiflàntes en gi ans rondeaux.
naelles,pour faire ioindre au corps l'accouftrement que les retins repoulCoicnt L'air efloit claiyla mer calme,l'eauclaire cône Cryflal,fi bien,q Ion en veoit
en deliors,comme rebelles,& n e voulons e(trepreffez .L'ouuerture fur la poi- le fôs totirpaué de beau fable doré,et pluffeurs petitz efcueuilz ou iflettes cru-
érine efloit bordée d'vn paffeniét de fil d'or traifl,pourfilé de perles, & par lierres d'arbres,meGnemét les ifles .Sporades fi verdis,& iât fertiles,quc nulles s. . . .
dedans enriclry de pierrerie :de foret que ie ne Carroie propremét de(crii e ce pf .cnféblepluGeursautres lieux loingtainsaptedeveue,greffébloiét petitesf ,
qui me fut permis de veoir:carieiouiffoie en mon sueur d'vue lyefre tât exile- taches noires diffus l'eau. Au long de la marine,les arbres, arbuftes, & buyC
me s
PREMIER LIVRE DE P0 L1PH1LE . 104
forts de Myrte & de Lentifyuc,ymbragcoicnt l'eau plaine & vnie, dedans Ce non obllét il ne m'elloit polfble de difcernerla differéce d'entre eux deux,
laquelle on les apperceuoit comme en la glace d'va fiancer, exprimez d vite frn5 par la diumité. Choie qui nie côtraignoit abâd5ner m6 aine a tous deux,
teleforrcqu'il Centbloit que cetculfent les nantrelz . Continuant donc nonce la recommâdantalapuiffancedel'vit,quiluypa tient pardonner fesfaultes &
doulx nauigage,auquel commâdoit en lieu de patron,le fouuerain monarque ci cents : & a la volume de l'autre, a ce qu'il luy pleutf y donner contentement.
Ansour,trouuéamer en extreme doulceur,& lingulieremadoulx en grieues Toutesfoisiemepetfuadayparvueconfiance certaine&indubitable, que de
amertumes,& par qui fepeul[ dire heureux celluy qui cil rntfoir peu en fa gra- celle affemblee ne fe deuoit ny pouce e(perer autre yffue que bonne, & gran-
ce : ie vey venir les dieux marins pour luy faire la deue reuerence .Prrmiere- dement louablc :car deCormais madamene pouoit plus efdrapper de celle bar-
ment le vieil Neptune a la barbe inde,efparpillec,tenant fa fourdaefierc ait ois que,pour fera retourner en arriere . Davantage Ia deuife efcritte en lettres hie-
poinaes,& monté en vit chariot rcnolué de deux Brans Balaines :a l'entour de roglyphes dedans noffre bannies, me donnait tout efpoir de parvenir a la fa-
luy les Tritons Coufflans en coques de lymaffes de m er,tournees cri mille mo- tisfaftion de mon defrr .Parquoy te me tins pour conduiâ a bonne auannve.
des eftranges .llz en avaient fait des buccines & cors,dont ilz menoiét G tref- ' D'vuefeulechoieeftoyieefinerueillé,afauoircommentlefeuqueceltenfant
grand bruit, qu ilz en faifoiét retentir l'air de toutes pars . Ces Tritons eftoient portoit,pouoitbruler en l'eau,&allcrau profoncide lamer cCchauder Ne-
accompagnez d'vne nutltitude prefque infinie de Nymphes Nereide .s, md- ptungpuis monter iufques a lupiter :& comme les hommes mortclz qui font
teesCarbeauxDatrIplains,quiCuyucntnaturelementlcvent Grec,& aiment gectezautrauers,viuétenluy,&C'ennorriffent :aufïiparquelrnoiennia Polia
le nom de Sim5 . La le trouva Nereus avec fa daine Cldoris,puis Trio & Meli- y refilloit fi vigoreutement,& en faifoir tant laeu de compte, veu
eerta en chariotz formez de coques de Tortues . Le vieil pere Ocean y vint, qu'il nianoit incontinent ars & empris,commenaeche amer-
accompagné de fan eCpouCe fanciéne Aniplaitiite,& de toutes leurs belles fil- fee .0 doux oyfeau (difoy le parlant a luy)comme tiras
les . ApresCuyuoient Eridauns,Cephifus,Sperchms,&Tybris claeuauchant fecretement faift ton nid en mon aine! Puis regar-
vue boule ronde.La fut aufi le dolent Ac(acns veflu de deuil,& lamentant en dât les yeux de Polia,0 gracieux miroers,co-
voix plainaiuefaclaereamie gtic le ferpent anoit piguee . Alcyonéy accota . métvous allez fcen faire de m6 tuent vit car-
rut,fe complaignant de la longue demeure de toit amy Ceyx . Le niable Pro- quois propre aux fleches de Cu-
teus, tiré par des chenaux mai ins .Le pcMteur Glaucus, aucc Scylla Calme : & laido .Ordepartez en(emble
plufreurs monllres Hippopfarcs & AntlaropopCues, moine chenaux, moine le butin de ma defpouil-
poiflbns,oudemypoi(Cotas &demyhomnacs,alloient nageant plongeant & le,carie me ren
faultantlurlamer,gniblanclaiffoitd'cCcume,&bruyoital'entour d'euxcn re- voûte efclaue
iallil('aut contremot,tant que Ion en perdoitla veue: & tout cela Ce faifoitpour & fubgeft.
faire honneur a noltre grand patron,a qui toutes clrofes obeyffent .Oultre cela
vint vit grand nombre de Cygnes, aucuns allans fier l'eau, & d'autres volans
autour denoftrebarqugenchantant par grande mclodie,pour doit lier lou- Comme les nymphes vogantes en
ange a nofim mailire, &leCalüerou reucror aleur pouuoir . Certainement LA BARQVE DE CVPIDO,COMMENCERENT A
combien que ie feuffe entre tous les foulaz que Ion pourrait imaginer, f efloy ebanter,O' Polia yuantetquantelles.
te bien esbahy de veoir tant de dieux marins, deees,Nyanpaes, & monfires
aquatidues,dont ie n'calme aucune congnoiffance.Et aeânnoins nie fembloit ErtesieneGarnie affez amplementdire a mon
que le triamplrme comme vit Empereur viftorieux,aupres de ma ch Lie dame gré en quel efat effoit mon tueur, nris en ce lieu
Polia , mefme que i'eloie jpfumé d'odeur ineflimable, & enrichy de tous les pointerait deblâcoubutteauxtrai&zq mddco-
delicieux darefors du monde. Parquoy ie difoie en mon cueur:C'efl ce que t'a y choientdes yeux de ma dame, & aux fleches de
tant defiré :voicy mon fermais fi longtemps attendu . 0 mien ie pour bien cm- Cupide,lequel le refiouyffoit aumylieu du feu
ploiez tons les trauaux,peines & martyres que ï ay fouffcrt a la pouduitte. Be- que mes poires yeux allumoient de plus a(pre
noiftz foient les pas que iay cheminez en fanaoureufe quelle . Cela (croy ie) en plus afpre : & toutcsfois le leur pardonnoie
volumiers, conf derant la éaufe qui les montrait.
eft moins que rien en côparaifon de la moindre pan de failè que le Cens a celte
heu re.Onques Cynthia ti eurtel plaifir aucc fort amy End ytnion,pour qui el- Las beaucoup plus de grief & de molelle me
failoit cetraittelarron pen(cr, qui forgeait de-
le lainit Iescieux,Cc contentant derepofer en vue barque de pe(clteur :cat
madameporuroit metvetous les dieuxafon coumiandanent.Ainfi elloy dans le ferret de mon aine tant de plaifantes figures, fi beaux fimulachres,
& fantafies tant ellranges,gdil eu(t deccu la deception propre.
te entre mes deux feigneurs & ramifies, regardant puis l'su, puis fauve,
O quelles angoyffes &detrdfesCouffroyle adoncpar ce voleur ennemy
d'vn ail inconflant,&peu aflèuré , poutre que ie ne l'enfle fcen arreüer,
Celion eh- S ii
LIVRE PREMIER DE P0L1 PH1 LE . 105

de mon repos,il fembloit l'vue, des fois doulx, puis tout incontinent amer : ler ainfi gdatrauers vn Cryf al, pluficurs accens dmins courait long de leurs
quelquecoup ioyeux,mais aufri toit trille & inclancholigne : voire & ne gorges,qui Cembloient d'albaftre l'aué de cramoyfi : & nefay doubte quelles
le pouoie dofchaffer d'auecmoy,ny m'en deffaire, qui pis efl : car il m'en trete- euffent peu endormir le cruel Cerberus,ou malinois a pitié la defpiteufe Tifi-
noitcontent enceseffenzcontraires . Ainfrtiauigames nous fans tymon & plionéauec les leurs Furies infernales . l'eftoie la repen de regardz gracieux,
fans gouvernail en celle barque,fans forme,& fans nul ordre, aiant toutes Ces niellez de doux fons d'amoureiiCes penfees fe promenans parmy nion imagi-
parties confufes,comme la pro e en la poupe,& la poupe en la pro e,ou etoient nation,d'autantplus glorieufe,que ma chere Polia chantait melodieufemenr
affemblez tous les myfteres d'amour, &qui avoir ainfi eflé faine par l'artifice auec elles, en laquelle eltoit tout coque lupiter frétât criques faireny penfer
de Venus,ponr le nauigage de fan filz Cupido:dont ie puis dire qu'il n'y a lan- pour l'ornement de la nature humaine,& donner du lien a vite créature. feuf-
gue fi bien pourueue d'eloquenegqui en fceufl parler au doucir. fe volontiers otmert mon cueura celle fin qu'elle y euft veu par expérience les
Au mylieu de celte barque,en la place de diuerfespaflionsque Ion endurepour aimer,& conimoparle regarcide fer
l'arbre, citait leu ce vue banniere impériale yeux i'auwe elle pris & affabieny en feruitude perpetuele. Apres le difoie tout
de drap d'or,tiffu auec foye bleue,en laquel- bas,O fouuerain Cnpido,mon feigneurnaturel,tu as eflé autresfois utilité de
le d'vu collé . & d'autre eftoient faines en tes propres fagettes au moyen de famourde labelle Pfyché, laquelle ru aimas
broderie auec pierres precieufes, trois hiero- aufli affenucnfementquepourroicfaire vu fimplehomme mortel,etafrezte
glyphes,ceflafàuoirvuvoieantiqueplein defpleut du confeil frauduleux que lut, donnerét les fmurs peruerfes,parquoy
de amitiés de feu,& vit monde,Iiez enCem- te mis fur le Cypres en la nuée obfcure, & euz pitié de Ces angoiflès laborieu-
ble,auecvnpetirrameau dePeruenclie,en- fes . Vfe maintenant envers mot, de celle pitié tant louable;veu que tu cognais
tic hy de fèuillage . La banniere efloit def-
parexperiécelafiagilecondition desamans . Moderevupeucesgrâs affaultz,
ploiee au vent, ou elle rendait vue grande desbéde ton arc,& clic tes brâdôs:car ie fuis de6a toutcbfumé d'amour.Ncât-
clairté . Er penfant aces hiéroglyphes, ic les moins ie puis infererpar bôme raifon,y fi mas cté cruel entiers coy mefme, ie
interpretay en celte forte, ne dot, avoir efperàce d'obtenir mifericorde,ny attédre aucune pitié . Ainfi for-
geoie en mô entédemét mille clameuis,mille faines prieres,& toutesfois per-
OMNIA VINCIT AMOR . feueroie cime l'or au Cimér,a toutes efpreuues d'amour,péfant gtiécoles qtin
bien longuement attendu foitplus fauoureux que le plaifir colt acquis, & fans
Amourfnnontetoutes chofs . peine:fi eli ce gtie saure forte amour cherche de paruenir a certaine fin defiree.
Abroge donc(mon feigncur)cefte attente, anticipe ceft ennuyeux efpoir : car
le m'efforcoie fouuét de regarder noftrc patron adroit a il,mais il ne m'efloit le fecours tarde trop longuement a quiconques en a befoing . Puis accufoie la
aucunemét poffible,car mes yeux ne pouuoiét fouffrir l'eltinceller de fes raibs. tresiu te namre car non obftant qu'elle ait le tout fagement compofé, fr difoy
Si et ce que quand le les tenait a demy cloz,& ma main entiouverte par def- qti elle a oublyé ou failly d'affembler le vouloir & Iepouoir.Ce pendbt nous
fus,ie le comprenoie vit bien peu, toutesfois toufiours eu diucifes m inieres : exploittions toufiours chemin,& les Nymphes chantaient fans celle, de ton
le
car a l'vue des fois il me fembloit tout dotible,a I autre imperfeâ: puis enfant, PhrygienenLydien,fans difcorderen aucune maniéré, exprimant les douL
& aptes vitillart decrepy:cn maniere que ie n'y paume fonder cognoiffance. cours de Venus, meiléesparmy les fraudes & fallaces de Con filz là prefent.
Lors nolise Churme(les ftx Nymplaes)cômenceient vite chanfon,fvne voix Mais Polia chantait vit remerciement des grâces qu'elle en auoit rectites, &
wtalement différentea flan mairie. Premierement a deux, puisa trois,apres a aucunesfois lire demandait qu'il me fembloit de celle compagnie . Aptes nie
quatre,&finablementafix,en mufique proportionnee,auec les faibles pro- difoiuous les noms de ces Nymplies,affermant que la feule perfeuerace em-
lations d'amour,paufes & foufpirs de bonne glace, accompagnez de pairages porte la coronnepour laies. En tel comble de tout foutu nous arriuames en
wulezparleurs gorges deRoR nolz,accurdantesauxintrumens,qui efloiét pille Cytheree.
deux Leuchz, deux Violes, & eux Harpes, fi melodieufrment reformâtes, 5 iij
que collait allez pour faire oublier toutes les paffons & neceffitez aufquelles
nature encline les humains . Ces belles chantoientles qualitez d'amour, les
toyeufes defrobees de Cupido, les fauoureux fruinz d'H)anencus, l'abon-
dâce de Ceres,& les amoureux baifers de Bacchus, c8pofez en belle rythme .
le ne croy point que le chant par lequel Orplieus deliura des enfers Eurydice
fa femme,feufta beaucoup pros filrarmonieux que cenuyla,ny niefmes cclluy
de Mercurequand il endormit Argus le grâd vecchier . Vous euf ez veu cou-
ler ainfi
LIVRE PREMIER DE P0 L1PFI1LE . rob

Comment ils arriuerent en l'ifle


CYTHEREE : LA BEAVTE DE LAQVELLE EST ICY
de~rire,enfmble lafourre de leur barque:o-connue au defendre uindrent
au deuant d'eulx, plufeurs Nympbes pourfaire honneur a
Cupide leur maiftre.

Ognans donc en celle manicle, non pas de la


borde ou artimon,maisarecles aelles de Ctt-
pidoqu il auoit eftendues au vent,comnac di£t
eff:Polia &moy conformes en voluntez, tous
deux defirans paruenirau lieu detetminé pour
mollie bcatitude, au plus grand aile qti onqucs
fens humain pcult fentir,& langue dire,foufpi-
tans dedoulceur par amour embrazee,& eC-
chauffezcomtne lepotbouillanta trop grand
feu,lequel fe refpendpar d effus, arriuames au
port de la Cainde ifle Cytheree, en la barque de Cupido qui n'eftoit eff iuec
ny chargee de laytage,mats branlante fur les ondes , & £aide comme fenfuyt .
Ce lieu eRoitfi bcan,tât plaiLtnt & deledable,que feloquéce mefme fe trou-
Des quatre parties les deux efioict emploiees I'vne en la poupe, fauve cri la ucroittrop pouce de termes, fig ures & voleurs de Rhetorilne, fi elle revoir-
prou,& les deux autres a la mizane,ou elle efloit plus large d'une tierce partie . loir anntfer a le defcrire, & fureur vue finailitude mal a propos, ou n'y anion
Les poffices auoient deux pieds de haulteur fur la couuertnre,& les bancs va rien de convenable que de le comparer aux lieux par moy veuz au parauant :
pieds: demy. La carene & les coflieres efoient couvertes de lames d'or : la- car c'eftoit la vraie retraicte de foulas & delices bienheureufes, faides en iar-
guclle Cortoit fur la proc, & fur la poupe, eleuee en forme de croffe, & fc re- dins,vergers, & peritz boccages, ordonnez pour le but & derniere main de
plicitenficon d'on rouleau,au rond duquel y auoir vit riche ornement de tout plaifir .1l n'y errait roclt es,n,6tagnes, ny choie qui peut apporter fafche-
perles.Da repl y partait vu feuillage contât fur le plan du Gege, faid de fin or, riealavcue,aucorps,nyafentendement,ainsalleitplaincommela paulme
&taillé aptes le manuel . L'efpoiffeur de les rouleaux faifoit la largeur du Pa- nuques aux degrez d u rlteatre,tout en iardinage plàté d'arbres fertiles & odo-
lefcalmc,dumefme metal,cizelé d'une frise de quatre doigts de largq garnie râs,arrofé de Fontaines & ru ylfcaux, au long de(quelz y auon des trobuclutz,
de pierrette, & les fcalnies d'Lbene . Tourie corps du navire ft bien tâict, que pieges, & petites lurpri(espour apprefler a rire aux gens . Là n'efloient les
Ion n'y euft Cceu veoir vue ioindure,ains (èmbloit eflre d'une picce,Lans rallier- ombres ob(cures,ny les dcllours lonr6les &fans lueur,a raifon que le climat
ter par deffns,finon de la cotnpofttion queray par cy deuant deduifte .C'effoit n élto¢ en rien (ufned a fmconRance & changement du temps,ny au danger
la mifliondont il eftoit pegd ou efpalmé, & la peincture de deffits c(loient de mauvais ver z,cha1eurs,gclees,ou bru yn es,mais ta ufioais fforiffant & falu-
Arabecg ues d'or moulu . taite,dedié a l'eternité,& produifant tous lesbiens que nature peut faire croi-
Ce lieu 4rc :patquo y ï ultime trop haultc & difficile entreprife, de le vouloir diffnir
en nez terni es vulgaires . Toutesfois efperant qnc la nsnaoire na'y Ceruira de
ce qu'elle en a peu retenir,i'clfaictay de le deCera e en peu de paroles .
Celle regib et} dediee a la nature mifericordieufe,ponr l'laabitatib et demeu-
re des dieux,et efpritz beatifiez . Ellecôtiét de rottr(ainft <j i'ay peu côieftutcr)
environ vois mil le pas. Son afliette et au mylieu de la mer,qui l'enclofi d'eau
daire,(ans rodaes,fange,ny cailloux,ains en efl le fans lettré d'une matiere mi-
neralercluyfànteconmscryftal,tnefleeen lieu de cailloux &autres choies
inutiles, d c pierres precicu[es de toutes les efpeces que lon fauroit imaginer .
Aux borda de la marine Ce neutre grande quantité d'Ambre engendré par les
S iiij
PREMIER LIVRE DE PO LIPHILF .
Baleines,apporté la parles courâs du flot. Tout al'entour de fille font pintez de
beaux Cypres de trois en trois pas,et au defroubz vne haye de Myrte,druc &
efpoilrc,en forme de mu raille,d'vn pas & demy de lia ulteur, en laquelle font
en clof s les tiges des Cypres qui forcent de la baye vil pied & demy c oin ,,-
in ôt iufques ale urs prentieres bréclaes .Celle haye fort de cloiure a toute l'ille,
& y font faidtes les crantes & yflues en lieux conuenables : mais elle eft tant
cUpoiffe de feuillu re,que Ion ne pcultveoir a travers, suffi droifte qune in u-
,aille,comme qui prend roitfongneufement garde a la tondre tous les tours .

Ces vingt diuifions efioient feparees de cloftures de Porphyre, comme


treilles perceesa iour,enfeuillages &entrelaz de deux poulces de largeur,
avec pilafres de marbre blanc, qui poaoient fix poulces de diametre, &
deux de faillie de chacun collé . pardefrus regnoient l'architrave, frize, & cor-
nice, dumarbre mefine, fors ladi&e trac, qui eftoit de Porphyre . Tentait
long des pilaftres montaient le Genfemiz,lc Lyfet,le Hobelb,le Cheurefueil,
le Troene, la Vigne fumage, &autres herbes propres a couvrir vne treille
ou tonnelle.Au mylieu de chacune de ces cloifons il y a vue porte aiant fept
piedzdelarge,&neuf enhaulteur,toutesfaifiesavu nyueau . En ces vingt
diuifrons Ce tiennent certaines touches de boys d'arbres differens plantez
a laligne,ainficomme il lenfuit . En la premiere ce font Chefaes de toutes
De c fie clolture iufques au Theatre,qui efi au mylieu,& Cur le centre de les efpeces . En la feconde Sapins & Lances . En la tierce Buys figurez en
l'in e faille en rond,il y a bien vil tiers de mille :puis du centre a celle cloffure de perfonnages, rrprefentans les forces d'Hercules . En la quatrieme des
Myrte,fontarecsvingt lignes paregallediftance,quionten leurlargeur plus Pins . En la cinquieme des Lauriers niellez de quelques petitz arbuftes.
v.a'd r -grande,vnftade,&facinquiemepartie .Encltacunediuiftoneflordonneevne En la fixieme des Pomiers & Poiriers de toutes fortes. En la Ceptienae des Ce-
-.yas. petitelogeelarbresconnenansalanaturedulieu,&difpofitiondelapartiedu rifiers,Guiniers et Me rifiers . En la huiCdeme des Pruniers . En la neufieme des
c ie ldeuerslaquelleilzfonttournez.Ceffediuifiondevingt,Cepeutfacilement Pefchiers & Abricotiers . En la dixieme des Miniers . En l'vnzieme des
faire fur lerôddedixangles,encelle manieae :Departezlerond en quatre par Figuiers,& Grenadiers . En la douzieme des Chaffaigniers . En la trezieme
Ces deux diametres, puis diuifez le demy diametre en deux, & fur le mylieu des Palmiers.Enlaquatorziemedes Cypres .Enla quinzieme des Noyers,
faiftcs vn poinft, pardefrus lequel tirez vne ligne trauerfante qui touchera Noyfilliers,Amédiers,&Piflac(tes.En la Cezieme des Iuiubiers,Cormiers,Nef
d'vu coffé a l'autre diametre,au poinft ou il iomfi a la circfiference. Alors l'e4 flicrs,Cornouilliers, & Alifrers .En la dixfeptieme des Caftes & Carrobes .En
pâte qui fe trotmera entre le demy diametre, & le poinft ou bout de la ligne la dixhuiftiemc des Cedres .En la dixneufieme des Ebenes. Puis en la vingie-
traucrlinte,tèra la dixicrue partie du rond . diuifez la en deux : &vous en te- nte&dernieredesAloes . Leurlôgueurallant vers lecentre,contient vude-
riz; vingt. my tiers de mille . La Ce promenés toutes les manieres de bettes que la nature a
Ces peucreer,excepcéfeulement les venimeufes,&laidesa veoir.Etnonobftant
qne les viles foientcontraires aux autres,fi font elles appriuoyfees,& vinent en
concorde enfemble,afauoir Satyres aux piedz de Cheure,Faunes cornuz,
Lyons,Pantheres,Onces,Gera&s,Elephâs,Griffons,Licornes,Cerfz,Loups,
Biches,Guezcles,Toreaux,Cheuaux, &autres infinies, quine le font iamais
mal ny dommage.
LIVRE PREMIER DE P 0LIPHILE . rob
Et poutre que toute circumference de figure circulaire ou ronde, Ca nyueau les vites des autres, & au mylieu quelqué outrage excellent. Les pre-
d'auffi grande mefure comme font trois de fes chanteurs, fperialement fi la- ndets ont chacun vne fontaine fourdant foubz vit berceau de Buys, faix eu la
di8e circumference efl diuifee en vnze pars, & que Ion vienne a deduire fva maniere qui tenfuit ;
des chametres,le telle fait deux portions:le diainetre de celle ille voluptueufe
contient vu mille de longueur,& deux parties des vitre deflùs diftes. Premierementfont trois de-
Aptes Cavité autre cloflure en rond,regnant tout a l'entour du centre,faifte grez en rod, le plus battit con-
d'Orengiers & Ciu-onniers,qui a bien huict pas de limiteur,& vu pied de tenatdeuxpas & demy en fon
bêne largeur ; & fi eR rot efpoiIIe de feuilles,que Ion nefauroit venir atrauers, diamerre . Sur cefluy la Ce vol _t
poutre que les branches font tant vnies,gdil terrible propremét vnepcinLlu- dreffeeshuift colonnes Dort-
re chargce de fruift & de f curs .A la verite c' efl vn outrage d'autant plus ex- ques, continuées par arceaux
cellent,quil adulent peu foutent aux hommes d'en venir de tele forte . foultenans l'arcliitraue,frize,&
O ultre celle clofture fe rencontre vit verger tant fumptueux,que le meilleur coriace : fur laquelle a plbb de
épair du monde ne le fauroit,ie n'oze feulemét dire ordôner,mais, qui moins chacune colonepofe vu vafe an
eft,imaginer :tâtfen farde qu'il pénil déclarer par quel artifice il a cité oêduift: tique, aiât trois piedz de vétre
choie qui pétait faire corgnoiftre qu'autre que nature ne l'a faift,pour y pren- en ligne diamétrale, eftreciffat
dre fort pafretemps. deuers le pied, puis ellargifrant
Ce délicieux iardin feflend deuers le centre de la longueur de cent foi- pet' a peu, chacun d'eulx orné
xante & fis pas, dont la moytié ef} diuifee en ber ux pré Z, & celle diunion fur le mylieu d'vne ccinfturc,
adreffee par allées tendantes droit au centre, & circulairement irait crûmes, on planehéde :& de la en arrêt
qui portent cinq pas de large . . Les pré miers prez en la premiere ligne de fa venant a rcftreffir iniques au
quadrature tendant vers lacloifon,peinent contenir cinquantepas . Mais la goulet.Depuis le plant iufques
quatrieme ligne deuers le centre va toufiours en diminuant, & fur icelle ala ceinâure, chacun a trois
prend fa dimenfton ou mefure la premiere du fécond pré : & par incline picdz de liaulteur:et de la cein-
moyen feCy uarrift le troyfieme, parce quels force des lignes tendantes au cé- aure en amont, vit pied fans
ire, cil cauhe de la cambrure, enfemble des refireciffemens defdi&z prez, plus,goderonné en traners.Le
des paffages pour aller a l'entour ; & ainfiefl formée la quarante, demeurant corps eff garny de deux anfes
les lignes traverfantestotalement enleur entier . efleuees fur le bord de l'ouver-
Ces voies font couvertes de treilles ou berceaux a voulte.A chacun quarre- ture, & defcendantesiufques
four y a vue tournelle affize fur quatre cafênes Ioniques de marbre bléc .D'vne a la ceinfture .De chacun de ces
part & d'autre des voyes fe tienne vue muraille baffe aiât desfaillies en forme vafes fort vue plante de boys verde & feuillue de la greffeur du nu de la colê-
de piedeffal ou ftylopode,fabriqué du pareil ai deffus repofét les co- ac .Ces plantes au motets de leurs branches font de belles & planantes voul-
lonnes diftantes l'vue de l'autepar trois charrettes de leurpied . Dans linon- tures, arnfi comme feroient des arcz regnans fur vit reng de colonnes . Aux
raille baffe qui eft vuyde an mylieu,font plantez des rofiers qui remplif%nt et triangles entre les voultes cil vit cil ou feneflre ronde, avec vne petite cein-
peuplent de belle verdure l'entredeux des colonnes fur lefquclles pofent l'et- &ure reprcCentàtvit architrave duquel fortenthuift autres rameaux a plomb
daitraue,la frire,& la cornice,de Porphyre vermeil têtue Coral . Puis dedans de leurs plantes,& de pareille longeur,courbez & ploiez l'vu cotre lautre,mô-
le quarré,a l'endroit des colonnes par derriere,fort vite antreplante de roficr, tas en pyramide,& vit petit déclinés en largeur deuers le bas.De ces rameaux
qui montepar defpus l'architrauq& courre entierement la treille, qui monte procéder autres brâchescourbées dévier; lepied cornéen demy,efguellespM
cinq piedz en haulteur £aide a voulues rondes comme cliapeaux .Les voies ou vne boule dit mefineBuys :&en aptes mêtentenhault,ou elles font reploiees
allées droiâesfonucouuertesde rotes blanches, & les rondes ou trauerfan- encliapeaux detriumplie .
tesdevermeilles, fentit bonlepofble.Entre lepremier quarré&lacloflure Les lauift rameaux montans en poinfte,Cement de voulue & contaminés,
d'orengiers,eft menée vne allée ronde* audroift de chacune d'elles,en fe ti- la fontaine. De ceux la partent fix autres branches guin'ont quia tiers de haul-
rantdeuers le centre,lon treuue en la clollnrevne feneftre refpondant duhaut tenr,&formentvnepeiitelanterneaftxfeneftres,couuettesenrond :& par
au nyueau du bas mur,qui n'a que trois picdz ou cnuiron, & fers de fiege aux deffus de la nrefme verdure,vne attire lanterne quarree a quatre fene(tres,d'vn
fufd;&es colonnes pas & demy de haulr : des quatre coings de laquelle faillent quatre rameaux
Chacun quan'é a quatre portes ou entrées en Ces quatre collez oppofites a courbez,& fur chacun pote vit aigle volam .La couverte de celte derniere lait-
nyueau
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE. roy
terne fine en va pi ynon,faflèmblant en vu pôuieaLi rond par le bas,& poinftu trois pas, & liauhedetroispiedz,pofee en ri auers au nyueau des allces tra-
comme vu fer de ~rcque parle haulcTout ce qui eft au dclfus de ces vafes,n'eft uedantes,aus deux collez, dans la quelle en Latin vu pied Ares du bout, eft
rien que verdureployée,& agécée,fans nul autre ouurage, Au tnylieu du der- planté vn Buys Faift en faconde vite antique,& contient vn pas de liaulteuq
nier degré entre les luti£t colonne s,Cur le plan vu peu rabaille, elt vu baluftre comprisiepied,le corps,&fencolure qui n'a point d'au(es . deffus eft monté
renuerfé,contenanrdeuxpiedz de liaultcur .l a deffus elt aflis vu bain rond vit Geét,qui tient les deux pied z fur la bouche des va(es, veftu iuCques aux ge-
de quatre pied z de large, fhr le centre du quel font quatre feigens entaillez, noux,&ceinftpar Iemylieu du corps .]] a lesbraz levez,&vn chapeau Cala
trainans leurs queues contre le fons,co .mme fdz vouloiét cheminer, puis Pen- tefle .5nr chacune de fes mains il portevne tourde quatrepiedz de large, &
tortillententacon d'vne corde a trois cordons, & Cerida in aptes te feparent de fix piedz de haulr au bas de(quelles a deux degrez,auec Iapotte,feneltres,
lailfant vu neu comme trois an neaux,& cncores fe t'encordent vne autre fois, ereneaux,& marcheconliz .
faifaiit deux tours iu(ques a leurs telles q ui r eCaillent en tri angle,& gettent par Au deffus de chacune eft
la gueule vne eau de fenteurs merueilleufemenr odorante & fil a Lie . Entre] Crus vrac boule plantec en vu
tefteseftordonnévnvafefaiftalafigured'vnmuf,la poinfte contre bas,f u le pyuot, suffi grolïe que le
familier duquel font huiftpetiz tuyaux dont (aillent des file¢ d'cau,pafrans corps delatour .decesdeux
au deuils farchitraue,& tübans dehors par fentredeux de ces plantes de Buys, boules torrent deux bran-
mais les degrez,colonnes,architraue,frize,& cornue, font de la(pe, & la fon- ches, lefquellcs ployees ]'v-
taine toute d'or. ne contre l'autre, forment
vue belle voulte ayant autàt
dehaulteur come l'vnedes
tours . De ces boules (aillent
pareillement deux autres
brâches, quivont montant
contremonc,mais elles font
plus menues que les autres,
a &art bouryavntoupet en
facô de poyre,ayâtla poin-
Re en hault, commenceâc
fagrofreuraunyneau de la
clef de la voulte, ou pend
encor vne autre boule,moi-
drc y les autres,& de la part
vit tronc qui n auerfe la clef,
puis fouillent vile platine
w rôde,vn peu creufe,en guy-
~ wnmnwurmmwmmmmwwmw®www fe de cul de lampe,touclaant
~~mum~m]ma7bwo de (ma bord aux deux toup
petzpoinfAuz.Dufons de la platine ferelicuevn autretouppet en figure de
panier a large ouuerture,ati mylieu duquel naifrent laid petites plantes de
Buys en rond, Ceparecs 1 vite de l'autre : & au bouc vu antre touppet rond &
plat,puis dcffus encor vu autre plus petit.Toute laltatilrenr de la voulte eft de
fix piedz,& n'y a onurage que de Buys,duquel ne fc voient finon les feuilles
& les piedz.Entre les deux iambes du G eét cft vire autre plante fans pied,rô-
de & plaire ainfi côme vu oignon,de la largeur d'vn pas,& d vu pied & demy
Dedans les quarrez ou parq uetz du Cccond ordre approchans du centre au de liault,aylc au mylicu vn touppet rcflèuiblàt de figure a vn baluftre,cotmert
d'vue platine ronde, de deux piedz de large en (on diametrc : du cétre duquel
procede suffi vu touppet de forme ouale autant hault que ledi& baluftre.
T
LIVRE PREMIER DE P0 L 1PHILE . rro
Aux quatre coings de ces parquetz y a delaboulequieflentre les(erpens,procedenttrois brâchesvripeu courbes,
quatre arbres, enuironnez de quatre de- dedeux piedzdeliaulieur,&a chacune vu petit bloc rond comme vil pie-
grez fenablables aux precedens en Tacon deflal,detrois piedz dehault, fans les moulures (oullenantes trois vices unti-
& naeCure,excepté que ceux c y" font rondz gues,aquatre acides de fcmblableproportiô :defquelzauffr fmllenttrois plant-
& faiftz de layer . Le premier eft feint de tas de Buys a trois touppetz chacuue :la premiere de la groflèu r du ventre du
Mariolaioc, le fecôd de Tliym,le tien de vaCgelruee (ur Ca tige d'vu pied de liault :le fecond touppec vn peu moindre,
Mente,&IequatriemedeSauge . Cesar- duquel litige a vn bd pied.l a groffeur du tiers eff tele, que de (abouche mon-
bresfontpoyriersployez en tonnelle ou te vue brâclre droitte :& Caffcmbleni toutes les trois de forte qu'elles fumerie
berceau rôti commevneboule :Ieparguet voultedetroisarccaux,couucrte d'vn vmbrage du me(me Buys . Entre les
feulé de Polrculoles quatre fittytiers drf{e- tomes des voulmres coiffeur trois petites branchettes qui frimeur feulement
rens,fun deBonchreftien,l'autredeSer- de décoration,& pour donner grace a l'rourage . Elles ne montent point plus
teau,letiers de Bergamottes, & le dernier lnmlt que le cotutert .Sur la poil&e de chacune a vu va(e baloftré couuert d'v=
de Mufcadclles, d'vu gouft trop plus ex- ne petite pyramide ronde, en la poitaftc de laquelle etfichee vue boule
ccllentqueles communs. pour le contentement de laui I .
Les parquetz ou quarrez du troyfieme Aux quatre coings de ces parquera font fimez quatre degrez ne plus ne
reng, font ainfi faiftz . Att mylieu y a vne moins coin me les precedem,garny z de quatre arbres de beaulré finguliere,
cafte ronde de vois piedz en haulteur, & ces degrez f ardz en triangle de fin Ambte,reluyCmt comme l'or .Au premier
deux pas en largeur, faifte de pierre d'A- dl planté du Romarin, au fecond du
zur oriental, entailler de belles moulures, Fenouil doulx,au tiers du Coc ou Bafi-
en laquelle efl planté via beau pied de Bu licget au quatrienae de la Meliffe,tout le
yshaulrd'vnpicd & demy,quigette fesbrancites en rond,exccdent vnpeu parterre couuert de Camomille . Les
la lugeur de Ia caffc, D e ce arbres font Pruniers,a Cartoir de damas
rond vuyde ayant vla pas & noir,deviolet,de Dattes,& dePcrdri-
demy d'ouuerture, forrenc gones .Lelardinierlesa ployez en de-
fax branches serties, arrége- il ,yrond,&vuydezpardel%ubzcom-
es en ordre de coldnes,con- nrevne soulte, h bien guilz rendent
tinuees enféble par petites vii vmbrage recreatif autant que nul
voultures, chacune bréche des autres .
de quatre piedz de haul- Tous les fruyttiers tant de ce par-
teur,couuertes d'vn pignéi quet que d'a fileurs portent vne ultime
ou comble bafty en Tacon grandeur, grolpeur, & ]argent . & qui
de couppe,fe fouftenant fur pluszl,fc monftrent touhours verdi,
vue boule de trois piedz de chargez de fruift,qui neperd point fzi-
fon : cm incontinétque l'vn efl cueuilly,
E
$roffeur,aurmar de laquelle
fe neuuent fix (erpens, qui f'autrc Ce rend apte pourl'eftre. Les fa-
ont les queues réuerfecs en ces des degrez qui les enuironnent,
dedans, fur le plan de la ont cflé fi curictdement polies,quc Ion
voulte,leventre allante en voit dedans les verdures, & la forme
dehors,a plomb de la faillie du clos qui coin ft les parquetz . Au Cortir de ces iardins Ion rencontre vu beau
Perilly le, c 'ta ad ire cloflure de colônes,aflices fur piedeflalz,continuez 1 vu a
du Buys,&les telles iedecs
endehors,oumâs les gueu- (autre par le moyen d'vne petite muraille faiCte a clairesvoyes, de plufieurs
feuillages,er ;trelaz, & autres tailles, d'inuention gennlle.Ses moulures font
les,dontpar aucuns tuyaux
fc mblablcs a celles defdiftz ftylopodes ou piedeftalz . L'e(pace entre deux co-
fecretz fort Vue eau de feu-
lonnes porte deux de leurs dianietres auto sIrquai t&ou les allcestendantes
teins excellente en compo-
au centre faddredèni, là fe treuuc vneporte a soulte affrfe fur deux colonnes,
frtici & artifice. Du formuler T ai
dela
LIVRE PREMIER DE P 0LIPHILE . rit
eôprenant la largeur de l'allee,faiétes a la facc n des autres,touteffois vu petit Ache de toutes efpcces,Abfy, ntlae R c main, & cômun, Emile, Ariloloclaies
plus greffes a l'equipol lét de leur Chat ge :car dellus l'arceau de la porte regnée longue & ronde , Mandragore, Clymenum ou Lizet, Melilot, Fumeterre,
ardaiaaue,frize,cornice,& frontifpice,dont les mou Jures accôpagnét tout le Claelidoine,Sumac,Betoine, Calamindae, Lyuefche, Hippericon, ou mil le-
lag du perifi yle,excepté le fr&ifpice .Ces tnébres font creux,et répliz de terre. pertuys,MorcIle,Piuoine,& autres fimples . Pareillement de toutes celles
A chacune faillie a l'endroit des colonnes,eft planté vit Buys ou Geneurier qui Lenteur a m enger,a falloir Ch ou lx,Laiclues,Efpinars,OzejIle,Roquette,
fvnpres del'autre,afauoircontrevnecolonnevnlluysrondfanspied,&ioi- Cheruyz,Paftenades,Afperges, Artichaulx, Cerfeuil, Raponcles, Poys,Fe-
gnantl'autrevnGeneurierforméentroysponames,lapremiere groffette,la ues,P~v'ourpiei,Pinrperncile,Aniz,Mellons,Courges,Concombres,Cicoree,
fecondemoindre,& latroiftemeplus petite. Creffon,& femblables,aucc toutes manieres d'oyCeaux,comme Merles,
Aloacetes,Chardonnetz,Linottes, Calandres,Paf es fol itaires,Pinfons,Per-
driz, cal Il es, Grilles,& I a belle Pluloin ela maintenant contenue en Rof-
fignol,auec Tereus mué en Huppe, gardant encores la forme d'habit Rouai
en Les plumes, & en la crefte de ton cabaffer,toufiouri difant cn langue gre-
que,Pou,Pou,comme fil vouloir dire,ou efl cil e,ou eft elle f cherchât Proghé
fa femme,tranfformee en A rondelle, a caufe qu'elle luy auoit faid men ger
Ithisfort filz,quifutreduiftcuvait Faifant .D'auâtageyattente des Perroquetz
parlans, veftuz de plaifante liuree, & plufteurs oyfeaux a moy incongneuz.
Mais pour entendre la diuifron de cette Ille,premierement eft a noter quelle
eôtient trois mille en rôdeur,& vn mille de diamecre,diuifé en trois,la tierce
partie môtat a 333 pas,vn pied,& deux palmes,& via peu dauâtage . La pre-
mtere délicate depuis la manne laïques aux Orégiers,côtenoitvn demytiers
r66pas,& ici palmes,& autât les parquetz des iardins,iufques aux celâmes.

Les piedeftalz ou ilylopodes,auec la muraille d'entredeux,font d'Albalre,


&les colonnes dépierres differentes,alfortycs de deux en deux . Celles qui
fouliennent font de Calcedoine,les deux fuyuances de layet, deux
d'Agathe,dents alerte,
IaCpe,deuxdepierred'Azur,deuxdePrafme,d'Efmerau-
de,&ainfrparordreditterfifieesencoleurs,& taillées en tonte perfedion de
l'art,felon les mefures câuenables. Elles font de mode Ionique. Lents bafes &
chapiteaux de fin or, & pareillement la frize, qui cil: cyCclee a beaux feuil-
lages antiques . Entre deux colonnes fur le plan de la baffe muraille, Cent affiz
desvafesdemefinespierres quelescolonnes, touteffcis diflinguez de forte
que files deux colonnes font de lafpe, le vafe eft d' Agathe, ou autre diuerfe
matiere.En chacun vate ell connenuevneplante de quelque herbe odorante,
Bôme Romarin,Mariolaiue,Cypres,ou autre,qui font deguifces en plufieurs
manieres,& enriclriffent Ics tredli z ou clairesvoyes fi bien que c'e't vue chofe
admirable a regarciencar la muraille baffeferuét d'accoudocq efl toute d'Am-
bre,comme i'ay diét.Depuiscelle cloyfon influes fur le bord dela nuiere, le
châp eft terme de menue verdure,nteflee de toutes herbes médicinales, comme
Ache
T iij
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE. aa
Ces prez font bornez de la ri uiere, laquelle efl encloCe dedans Ces riucs, crefpesfaffrannez,bordez de paffement de fil d'or,fi deliez,que Ion peule
fa i&cs depuis le forts de l'eau iniques a troys piedz andeffts, de mafro mierie veoir entierement leur charnure au1Ci blanche qtiAlbaflre . Ces belles font
de beau marbre verd,& de ftmâure dorigrte .Elle efl reflrainde entre icelles eeinaes au deffoubz de la poiétrine, qui cil defcouuerte a la denty rondeur
deux murailles,conntte iadis efloit le Tybre a Ro ni parle vouloir de Ce,n . des mammellcs,reffemblantes apeures pommettes :& cil l'efchancture de
pereur Tyberius .La riuiere efl ordinairement claire,pure, &nette, fans eau- leur robe d'va mefmepaffemenc de fil d'or,enrichy de fine pierrerie .
nes,ioncz,ro(eaux, nyautres herbes ou arbufles, mais toute enuironnee de Q--and te les vey,elles faifoientvn combat pour
plaiCance,conne plufieurs
fleurs . Elle fouit de fontaine viue, &fait fort cours fans gueres de reuolud~s : beanxieunes hommesquivogoienten femblables vaiflèaux : & cela repre-
puis ell conduiEte parmy certains tuyaux faiEtz tous propres pour l'amener fentoit vue maniere de gracieuCe bataille maritime: car ilz f enuefliffoient &
dans lepourpris,arrozertotale lieu,& de la fefcouler en la mer par peu z prouoquoient l'vn l'autre comme il fe fait ordinairement en telz affaires . La
ruyfleauxtoutal'étour de l'fille.parquoylariuiemnepeultiamaisdeborder, Ce ntonflroient les damoyfelles fort obflinees, parquoy fourrent trebuchoiét
gins demeure roufiours en sa eflat,fans croiffre ny dimuatter,pource que les natures des hommes &des dames :mais fur coures cholés les damoyfelle .s
autant d'eau que les fourres degorgent,autant en fort il par les tuyaux . Elle a eftoient ententiues au butin, & defpouilloient incontinent tous ceux qui fe
douze pas de largeur,& quatre piedz de profondeur .L'cau te purifie tant rendoientaelles prifonniers,puiscourcientauxautres, &mettoiét a forts les
clair cq&fifubtile,du'ellene caufe aucune difProportion ny empêchement barques & vaiffeaux ou elles pouoient entrer viftorteufes, ayant & ryant fi
entrela verre &fort obieâ :carcoutes chofesy font verres iniques au forts trefhaulc, uilfembloit quel'air fendeuf{fendre &e(clatter.Lariutereefl
en leur propre forme & nacurgnon plus groffes,ny plus allongeas, courbes, touftours peine de toutes efpeces de poiffons a efquailles d'or, & aux yeux
obliques,nyaucunement difformes . Le fable du fors cil niellé de paillettes bleuz tirans fur le verd, (lui ne font fauuages ny parmi eux, ains tant prenez
d'or,&enlieude cailloux garny de pierres precicufcs . Au long des rires que c'cil mer ueilles .A remis d'entieux efloient h gratis quilz portoiét les da,
croyffent les Glaieulz de toutes coleurs,afauoir bleuz,blancs,rou ges, & tanl- moyfelles en ce combar,ou elles les domtoient,poulfoient, & contournoient
nes .ll y volle des Cygnes a grandes tro uppes . Aux deux collez font plantez enguyfedechenaux agiles : & cela fe faifoitaumoyen des aellerons qu'elles
Orengiers & Citronniers, en efpacc cle trois pas de l'vu a l'autre, mais a va anoient empoignez . Celle troupe paflbit parmy grand nombre de Loutres,
pas de terre ilz commencent a getter leurs branches, lefquel les faflèntblent Blereaux,& aunes belles aquztiques,doulces, & en nulle forte malfaifantes,
l'vne avec l'autre,faifant vue voulte de feuil lagc de trois pas de haulteur . Ics telementque c'elloit vu plaiir incomprelaenfible a veoir & a confiderer.
autres branches plus haultesfont ployecsfur la mitre, & y fompour vm. Voyâtcesbeaux esbatemens,cesgransfoulaz& affetempsdcleftables,il
bragovneautrevoulteenfacondebcrccau,quia depuis l'eau en antont,fepc mefembloitimpoffible quela felicité de ces perfonages peull tentais eftre
pas de haute Lefeuillage en efl tât efpois, & h vny,quc l'vne feuille nc pané aucunement troublee par defaflre ou malauenturecqui me faifoit deftrer de
de rien I'autre,finon quand elles branlent au vent,gnt leur donne grace fm- tout mon cueur,permilfion pour madame & I,our moy de perpetuelentent
guliere .Brieftout yeilcouuertde fruift & de flcurs :auffi c'eft vire droiéle de nt celle compagnie :car fie ne penfcie pas qu'en tout le refie du m5-
laabitationdeRoflignolz,qui te cachent parla dedans, & y tiennent leur de y euflplus de contenteuaent,encores que parles boys, vergiers, & fardais
chapelle deleélable & plaifante le poffible . de l'ifle,i euffe ver vue multitude infinie d'autres ternes hômes & damoyfel-
les,pafrer le téps a châter,d :ifer,deuifer,lire hilfoircs & liures d'amours, aunes
faire des comptes,ou louer d'inflru mens de mufiquc, plufieurs auffi femme
coller,&cueuillir des fleurs a poignees,eunefinenaér de Ales couples qui aSé~
foiét les habillemés l'su a l'autre afin de te rédre plus agreables envers ceux cu
eflc it lebut de leurs péfecs.Brief cefle affemblee ioieufe fe deduyfoit en tou-
tes les manieras de paffctéps qtiil efl pofrible inaaginer:parquoy fie la laifferay
la,pour dire qu'oultre le bord de la rancie fe trouuoit v n pie d'auffi grâde cffé
due côme le precedét,garny de fa cloilure de coltines ou pcriffyles,aboutifsât
au bord de l'eau, ton paffoit Cur de beauxpontz,faifz au nyueau des voyes
ou alites qui ten oientancentredel'ilie .Enchacunealleeilyenattoitvn,ou
d'Ophite, on bien de Porphyre,& ainfuonfequemment .Mais chacun d'eux
gardoit ion allignement felon la largeur de la voye a laquelle il rcfpondoiq &
Par deffus l'eau courent Naffelles,Barquettes,Frcgates,Brigâtins &petites fi effort comtert de la mefine verdure d O régiers dont iay cy deffus faift nié"
Fuflesd'or,conduiftes par ieunes damoyfelles qui tirent de l'aviron, & vo- tion.Sur la fin du pré effoient faiftz tout a l'enuiron de l'ifle, fept degrez qui
guentaplaifrr, coronnees de chapeaux de fleurs & de verdure,veflues de anoient vu pied en largeur, &autant en haulteur, I'vn de. marbre ronge, &
crêpes T lui
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE . 113

l'autre denoir,quiefloitbois lareigle d'arc litre au, e,laquelle veult que les neuf piedz,&larges de cinq,& finie es fur les rencontres ou les allees fadref-
degrez ayét dent y pied de hault, ou Iiaid potdfes pour le plus,& de large vn foientAumylieu<ledtacuncd'icellcs toursyauraivueportede troyspiedz
pie d,oupied & dent y pour alfierte. Le premier degré efloit de pierre noire, d'on uerture,& de fix de hau Iccur,tôtnes femblables,& dépareille pai ure .En
&forledernier yarioinnperillyle,c'elladire vueclofluredecolonnes fer- chacune des allees,& depuis vue des tours iufques a l'autre, Lie v ey pour clo-
recs,auecportes audroiddesallees parlefquellesonmouton a ces degrez, 4ure vu chariot triumplmnt, tirépe quatre chenaux,& plufieurs pedonna,
fors en la grande & principale rendant a la porte du Tlteatre :car la deuant gesquilefuiuoient,commegens deguerre,le tout contrefaid des intimes
n'y auoit point de degrez comme aux autres, ains feulement le chemin vu plantes de Buys . Lave deux autres tours y auoit vue bataille denier, e-
petit rchaulfé en montee .Les colonnes efloient plantees de deux curieux au quippeede Galleres,Naries,Galhons,Galleall-cS, Fuites, & Brigantins . puis
lôg du plinthe fat d exprelfemét double : & aptes fix colonnes de rég, y arien en sir autre endroit,encores vue autre bataille fur terre,bientournye de gens
vnpillierquarré,furlequel pofoitvueboule decuyme dorétoute rôde fans de pied & de cheual,auce les machines requifes,toutes exprimees de Buys
autre outrage . Les fix colônes fe môflroiét de diuerfes coleurs, a fauoir deux verd . Aptes fuyuoit vire chaffe de Cerfz & de Sangliers,fuyuiz de V eneurs,
de Calcedoine,deux de lafpe verd, &deux de lafpe rouge. L'archinaue,fri- Lymiers, Chiens courans,Leuriers,& clieuanx,fiviueinétreprefentez qu'ilz
ze,et cornice,effoiét de Porphyre,ct le pi llier quarté de mefme,fur lequel(cô- fentbloient courii,crier,liannyyabbayer, & faire proprement tous les rides
mediElefl)pofoitvuebouledecuyuredore .Laprincipalealitedall o irp o i n t qui fepraCiquententelcas.
en diminuant de largeur côme les autres, ains côferuoit toufiours ion égalité
depuis le comma ncementiufques a la fin . Audeffiis de la comice y ennui
plufieurs Paons de toutes fortes, les vus cl, emi nans, d'autres faifans la roue,
& plufieurs arreflez tout coy,les queues pendantes fur la fri ze & architrau e .
Ledeuantdes degrezefloittaille d'efpargne,a antiques & Aiabefques,le
Yuyderemplyfurlesnoirs d'efmailblanc,&fur les rouges d'azur d'efntail .

Entre cefle cloflure de Bnys & le troy[icme degré deffus fpecifié,fe trou-
noir vu outrage fumpmeux,pour efbahyr tout entendement humain, carde
prime face il me fembla 9 toute la terre efloit co uuerte de tapiz de Turquie,
aiTortiz de toutes coleurs a htatention de fourrier, conduiftz en cbnerfes
fortes d entrehs & feuillagestirMorefgnes côme Arabefques, les vues plus
vines et élan es,les autres su peu plus obicures,ou pour mieulx dire,moins ap
parantes,maisaitiflement accoidees en variété de figures . Les principales
efloient rondes,ou quarrees en Rliombe,barlongues,ou d'autres fuperficies .
& ces tapiz allouent fumant l'vit l'autre tout a l'enuiron du pourpris, excepté
feulement ou les allees lè re nconvoiengqui pafroient fur deux figures d'vne
!A- forte, pointe que les troys contenoient autant que la largeur d'vue voyc .
.,I Pour faire lifiere &borda ces figures,y auoit vue fente allant tout au long de
ffl
lacloflurede Buyscydeflusefcrite,faifte aperfonnages,diiiifecenfeprcein-
dures de paué,les troys du mylieu de marbre noir,& les deux de chacun coflé
Depuis cete cloflure iniques aux autres fept degrez enfuytiarts,y a u out feu- de marbre btane,aues vit filet noir entre deux .loignant la blanche il feu mb-
lement vn chemin pané de,narbre blanc, de la largeur de ftxbons piedz, flroit vue de pierre rouge coin nie COL al,& au dedans celles de marbrenoir
aptes lequel on en montoir Cept autres de la tueGne m autre, melure, & ou- efloient niifes les figures rondes & guarrees,telement que dedans vue quai--
uraggfans accu ne dinerficé ou differéce. Tout a (entour lùr le demi ere elloiér ree il y en Junte vue ronde, & dans la ronde la quarree, le tout accom-
plantees des rouf}ès de Buys verdoyâs, forts tes en facon de tours,liaultes de pagnéde feuillages exquiz .Au mylieudes figures rondes efloii planté vin
neuf
LIVRE PREMIER DE P 0LIPHILE. ira.
Cypres & dans les quarrees vn Pin. Séblablemét aux ceinftures d'entre deux fairement irreguliers,c efla dire plus larges d'vn colle que d'autre . Le premier
voyes,Ce trouuoient des formes ouates :& en chacune vit Sauinier refpondant eftoit vn entrelaz de bédec ou lizieres larges de troys palmes . La premier, du
al'efpacelaifféentre les Pins&les Cypres. Tous les arbres percreuz &vue quarréformoitvn rond,duquel en fortoient quatre autres rcfpondans aux
grandeur & greffeur. En ce beau vergerlaabitoient hômes & femmes varans quatre coftez,par lefquelz paffoit vue aune brode reparte de Ia prenaiere,de
feulement aux allures de la grand lucre nature,& au labourage de ces châps la largeur de quatre piedz, qui faifoit contre chacun coing de la pretniere
fertiles plus qu'on ne pouroit exprimer. vn cercle ou anneau. Puis y anon vue autre liziere en quarré,diftant atuant de
la Ceconde,que la feconde de la premier,,& tout a vn mefme nyueau :laquelle
faifoit pareillement a tous fèscoings vit anneau correfpondanta la feconde .
Sur les lignes diagonales de ce dernier quarté, y allait comme en Rhombe
qui entrelafibit le quarté par les quatre collez,& endroit des coings faifoit des
autres cercles ou anneaux pour remplir le vuyde,& donner plus de glace : &
cocorespardedans formoitvire figureronde touchant delà circtmrference
aux quatre parties dudift Rhombe .

Dedans yauoitvne Rofe,au my-


lieu de laquelle eftoit mire vue baie
ronde d'vn marbreronx,oueftoient
entaillees troys telles de Beuf feiches,
les cornes cnrichycs de feffons pen-
dans de l'vne a l'autre,& l ycz d e robés
volans,auecles mouluresace requi-
fes,la baie racole, &remplie de terre,
en Iaqnette e-
ffoitplanté va
Cela pall"élonmouroir autres feptdegrcz, Cemblables aux precedens,Cnr Sauinier.
le dernier defquelz y auon vue cloylon de verdure, de durerfus eCp ,ces d'ar-
briffeaux :mais les cacumferencesdes portes effoient feulement d'Orégiers. Les bandes du parquet effoient enla(fecs de manier,
Aux deux collez de l'court turc le pouuoient venir quelques Cypres qua faC- quequandelles paffoientdeffusenvn endroit, elles
fembloient envn,troys piedzau deffus de la tour .La Iraulreur du feuillage effarent deffoubz en (autre.
contenait deux pas de inclure, & ainfi a toutes les autres,dont l'entredeux La liziere du premier quatre efloit feinte de Mar-
effort faiQ pour cloffme de plantes & touffes de Buys,que les ouvriers auoiét iolaine,lafecondedeThynyla troyfieme de Meliffe,
ployees par vit excellent artifice : carilz efloiêt tournez en demycercles ainh lerondd'Auronne,lerhombe d'Yfope,& le dernier
Bôme croylfans de Lunedes cornes tournees côtremont. Au ntylieu du croyL deCoq ou Bafilic.L'efpacc entreles deuxpremiers
fant entre les deux cornes foi toit vit Gencurier tout rond,montant peu a pEu quarrez, effort pourtraiâ a feuillages d'Acanthe ou
en pain&e ague:& ou les cornes venoient a fe toucher,lâ effort va B uys rond Branquevrfme,l'vncaurebours del'autre :l'vnepleine
comme vue boulc,fur vue tigeportant pied & demy de ltaulr . dePolieul,& l'autredeRue .Auxanneaux desquatre
Dedans celle clo- coings a chadr vue greffe boule d'Yfope, hache d'un
fure entre deux il- pied & demy . En ceux la du fecond quarté, y anoit
lees, y atroit des par- vneMaulue de iardin,dctroys cendres en haulteur,
quetz ferrez d'her- le Rhombe Cemé de Camomille . En chacun des an-
bes & de fle-a s, ordô- neaux des coings vue plante de Romarin, la Role gal
nez par belle inven- nyé de Violiers rouges . Entre lefecond quatre & letiers, Ion y veoyt des
tion : Car pour titre SolCizfleuriz .Enta,I,Rhmnbe&Conquané,yauoitdes Mentiespenfees.
encloz entre deux vo- Mais entrele dernier rond & le Rhombe,tout efloitplein deviolettesde
yes,ilz calment necef Mats .
lairement
LIVRE PREMIER DE PO LIPHILE . raq
Au parquet enlùy"uant,pro- Ca va ballin faafferma par vue autre tige montant entre les trous, & (aillant
chain a celluy de filtre droi- au delfus du baflin,ou elle fe departoit en quatre branches . Sur la pois fle de
âe,cftoit saumure invention, chacune te pouumt vecur vin: boule ronde pour former s'a tri an SI e, & vrac
afanoirtouta l'entourvne bé- au mylieu plus fi aulte quel es auves,qut Cooitenoit v n rôti ouate, en face a de
de d'en pied & neuf poulces ehapeaudetriûphe,decorépardeffusetparlescoflez detrois petitespomet-
de largeur, dedans laquelle tcs de la mefme plâte de Buys,fans autre naatiere,Cors le vafe, & le pied efta] .
efloient contenue neuf petite Aptes fuyuoient Celle autres degrez,l'allee entretiens,& fur le dernier
quartez en troys régs,parega- vise autre cloflure de Myrte,auec les jours & portes cotes que les precedétes :
Ics diftances,continuez par fi- dedans laquelle y sueur d'autres p :uquetz de la forme que je vous diray :
gues tirees d'en coing a l'au- C'efloiét deux quartez de lizieres avec va rond,en trelaffez comme cetrlx de
tre, c'eft a(auoir du rég de clef- deffus,le tond ferrant hors du premier quarté, & ambraffant le fecond . Par
fus,a celluy de delfoobz:lef- ces collez contrerai vaAigleaachesouueres . Entrelesdeuxquarrezen
quclleslignes Centrecroifoient lieu de feuillage ymoue deslettres, EnJ'vudesflancsyenallait fixtales, A L
au vuyde entre les deux Legs. E S M A . Au fecondfept,a
Puis encore, y veoyt on des falloir, G N A D I C A .
autres lignes feparâtes les qua, An troyfreme autres fept, qui
rez de tous collez, &fai(ant a efloient,T A O P T 1 M .
l'entour de chicanerie figure Puis en la quatrieme encor
0dogone,o¢ de lin i& races ,dcfquelles procedoient d'autres quarrez,qui quatrc,l O V I.Lesquarrez,le
aucient les collez tournez dette,, les coings des premiers . Les bondes ef1mér rond, et leurs anneaux, efloiét
faiftes de placques de marbre,ficheesen terre,de la grolfeu r de quatre poulces dcRue fort c(poilTe,I'Aigle de
& demy,entre lefquelles les herbes efloient plantees pour faire la dtftinEaon Cabaret,leslettres de Senicle .
des lizieres,& de leurs colenrs,commeilfenfuyt .Ell la premierebende
fat- Les quatre ronde empliflàns
faut lequarré,ymortdelaLauende :lesneuf gnarrez,&Ieslignes (lui les aG le vuyde entrele grand & les
fenab loiér,(enrez de belle Mariolaingles oâogones de Targon, tout le vil coings du premier quarre,de
de de fleurs de Sol(y .De telz parquetz efloit falâ tout le tourde l'ifle,
dix Bugle,toudefonsde Muguet,
d'vne fo rte,& dix de l'autre,atttant qu'il y irait d'allees. cotmertdelusfleurs blanches .
Au mylieu de ces parquetz, fur le Achacun des quatre petiz
moyen quarreau du fecond reng, ronde y auoit vne pomme de
edoavn tylopodcou piedeflal dePor Myrte, fur vile tige de deux
phyreauecfes moulures . Aux quatre piedz de haulreur.
coings deflOtrbz celle d'élaault y auoit
quatre teftes de mout6 avec leurs cor- Vautre parquet efloit femblableacefluycy,aumoinsquant auxentrelaz
nes tottillecs , deCquelles pertdoier¢ &lizieres, maisau mylieudurôdyauoitdeux oyfeaux, a falloir d'en collé
beaux feflons de lyerre iufques Cran- va Aigle,& de l'autre sa Fadan, les piedz pofez deffus le bord d'en vafe
roule mylieu defes faces . Dcffus ice- antique,le bec l'en audroia de l'autre, & les aelles leuees ainft comme eflen-
IuyflylopodeefloitaRsvnV ire anti- dues .Entre les deux quarrez efloient ces lettres enfuyuantes :au premier collé
que d'Agathe, ayant (lustre anfcs, ddr fis, S V P E R N . ail fecond fis, A E A L I T . au tiers autant, I S B
failloin" ne plante de Brys vcrd,formé E N 1 .&auquatriemeencoresfix,G N I T A S .Lesquarrcz&le rond
en rondeur vn peuplatte,de Is largeur remplizdeBafilic,lesoyfeauxdeMente, les-lettresde Camomille femee dé
d'en pasde diametre.d e la Corroient fes fleurs blanches,les quatre petiz rondz de loubarbe,& le forts de Peruen-
trois tiges, chacune garnye parle bout che,couuerte de Ces fleurs azuree s. Au mylieu des pettz ronde atout en cha-
d'vnepomme ronde, Curchacune dec ton vrac plante verde, de trois piedz de hardi, a (avoir deux de Satine, &
quelles effort pofé Vil Pan, dont les deux de Geneurc:toutes les herbes enro(ecs par petiz anaux, en maniere de
queues efloierttpendantes,& les telles fontaines,palrans deffoubz la terre,& venans de la grand riaiere.P vis y sonie
Cliva V
LIVRE PREMIER DE P0 L 1PHILE . rts
en cores (ci, t degrez, & Cul le dot
nier v n treil liz de lafpe, pa(fant Oudain que fumes attiriez en celle fille de Cy-
tout a l'entour, percé en beaux therce, vindrent au douât de nous tant de Nym-
feuillages morefque .s,de l'efpoif phes,gdelles me fembloient innumerables, tou-
four de deux bôs poulces : & n'y tes en fleur d'aage, décorées de beaulté plus que
aurait portes ny ouvertures
: car naturele, riches,de bonne grace,& pompeufe-
la finifsoiér toutes les voyes & mentlrabillecs :quifeprcfenterent humblement
allées, fors la grad me,ou efloit a Cupido,ofrrant leurs perfonnes a fonfemice.
foi& va riche portail . Au dedâs La furent celles qui hantét le deduyt de la chaffe,
de aile cloflurefe trouuoit va mais cefloitpar bien greffes troupes,comme les
boys nâ pareil fur tous (cs autres Paflophores,qui portoient certains atournemens
eydeuât cCcritz,cat il ndloit deJiftznuptiaux :&1e .sPyrgo}'hores,chargcesdetoursfainêtes,&defpouil-
lé fr .S d'arbres precioux,côme les de guerre,fur les pomftes de leurs lâces ferrets d'or flbboyant cotre le So-
font les deux ccpeces de Tere pou leil . l'en vey vue entre les autres qui partout la cuyrace de Mars,l'arcpaffé par
bintlaq Ebene, Aloes, Encens, Myrrhe, Poyures, Gingembres , Noix Mu- l'ouuenure des braz,la troufre lice au bout de l'arc d'vu collé, & la hache de
fcades, Cannelle, Cafres, les trois Sandaux, Storax, & Baulmeaout le par- l'autre, puis au defoubz le filé defployé,auclueliadis il fut furpris avec la
terre Cerné deRhettbarbe,& dcCanncs de Succre.La rofee tombant delrus deefreVenus .
efloit Manne, plus perte&e &meilleure que celle de Calabre .Pareillement y Plus vne teffc
aurait des arbrifreaux comme de cotton,portans fine foye : & vne multitude d'enfanttntre
d'oy feanx a moy incongneuz, les mieux chantons qui onc furent ou yz : & deux aelles, af
parutycesvmbragesvngrandnombre de mines hommes & de Nymphes fizc fur va pb
fuyâtes leurs amours par ces deiroitz obfcurs. Tous ces perfonnages elloicnt mirant de bel
velluz d'habirz défraye deliee,nonchallamment,fans aucune cointifçpource ouvrage . Sur
qu ïlz el}oiét plus qti a demy deuenuz farouches & fauuages . Outre ce boys le bout d'en-
y aurait encores
:Puis vue
fept degrez,& audeffus vn autreperiflyle ou circuyt de colô- hault de la là-
nes,comnte celluy qui élisait pros de la riuicre,faift de la rucha e factï & efloffe ce reluyfoitle
des autres belle place large & fpacieufe,pauee de mufaique a feuil- cabaffet de ce
lages & entrelaz antiques de ntorefque,perfeâemcnt pourtrai&z & garniz ce dieu : Iegl
de coleurs tant nayues que rien plus . Ainfi efloit diflribué le demytiers de en lieu de P&
nu lle,depuis la riviere iufques au mylieu de l'Ille contenant cent foixante frx tache, efloit
pas & demy . La naître en auoit douze ,les prez dix, les degrez huifl & orné de l'e-
demy,la petite voye fix,le premier iardin des parquetz trente, le fécond vingt floillepyrois,
&fix,letroyfremevingt & troys,le boys vingt & cinq, la place autour du ardante côme
Theatre feize,le dedans d'icelluy Theatre iufques au mylieu autres feizggui feu .
fouiraient en nombre trois cens trente &neuf pas . Vae autre
Nymphepor
toit aufr fur
lu bout de la
Comment Cupido defcenditde frêne vu cha-
peau de Lau-
LA BARQVE : ET COMME LES NYMPHES DE L'ISLE rier être deux
uindrentau douât de luy richement atournces enparemrnt detriûpbcder prefènsqu'elles aelles,& clef-
luyoffrirent:puiscomme ilmontaenjoncbariottriumfbantpourallerauTbeatre,c foubz le vira-
feu menerapres luy PolipMe c Po6a lyez U attacbez,auec plufieurs autres:c y cf ge d'vu beau
de[crittela formeduTheatre tantdudeborsyuedudedans . ieune enfant,
Soudain
LIVRE PREMIER DE P 0LIPHILE.
fur deux fouldres entrauerfez & lycz de rubens volons . Puis vn Sceptre en vafe a balu-
trauers de la lance, auquel pendent vu bien riche manteau . ftres , rouai-
tué étre deux
La troyCleme portoit vn cabaffet,qui auoit aellcs .
pour cymier vne refle de beuf feiche, & deC La fixieme
foubz vne cuyrace antique.A chacune ouuer ehoitvnebou
turc des
faisaient
brai pendoient deux efcuffons, deC le mire fur la
quelz aucuns lyens,aufquelz efloit bouche d'vn
attacheevnepeau deLyon,eflendue tout au vafe a gros vie
long d vue greffe maffue. ire, & le col
long, pofé au
II y avoir mylicu de
vise autre là- deux plumes
ce commen- d'or,entrauer
ccét parvn frr Tees par leur
tréchât poin- moisie: & des
Qu,defcendât deux parties
en vu p rit de bas effoit
quatre, ion - formé vu rbd
gnât a vu dc- dedâs lequel
my rond, en sinon deux pe
forme de plat riz baluftres,
renuerfé,dela
& deffoubz
groflcur d'va vu pommeau
poulce :& au
fauflenufurle
deffoubz va fous d'vu ha-
autrerôdtout lufrre tenues-
de front, fur
le, l'onuermre
vnetabled'a - abouchée en-
tente , en la-
tre deux aelles :puis vne figure ouale,ayant en fou cette va grand Rubiz,(ou-
quelle efloit
Penue d'vne autre boule £aide a colles coin mevn Mellon.
efcrit cc mot
II y auoit plufreurs autres enfeignes, qui féroiét trop longues a racompter.
QVISEVA-
Les lâces efloiéi d'Ebene, d'Alocs, deSendal,rouge,iaulne, &blanc . plus d'I-
DET?C'eft a
dire,Qu_iencfchappers?Celarepofoitfurvne uoire,de dorees,argétees,& autres conneries de fine foye,enrichies depierre-
petite boulc .Etplus bas vn autrerond entre rie.Cellesqui lesportoiem,auoientenleursmainsdesgans,faiftzal'aiguille,
deux aelles,moindre touresfois que cdluy de ou de broderie de foye & de fil d'or,fermans aux poignetz. Et douant tou-
defrus.Puis deux baluflres,fvn contre l'autre, tes marchoir celle qui portoitlabaniere de la Barque, ftiyuie d'vne autre
auec vne pomme entredeux. portant vn troplree,qui efloit vue figure de Cupido tout nu, tentt fou arc bé-
de, lepied pore fur vnc boule ronde, au deffoubz vu chapeau de criumphe,
Encoresveyie vnc autre lance potteeparvue Nymphe,en lapoin&é du fait de lames d'or,lymees & cyfelces en Tacon de feuilles de Laurier portant
fer de laquelle choit fiché vu rond nuale, bordé tout autour de pierreric, furlefonsd'vnvafeantique renucifé.Les lyaffes dont ileftoit lyé,volloient
& au mylicu vn gros Saphir tout rond,affis furvne table d'attente,on y mont d'vn cofté & d'autre . Au dedans du chapeau y auoit vn tableau, par l'efpoif-
femblablementefcrit,NEM0 .quifrgnifie,N ul . Plus basregnoitvubeau feurduquel lalance trauerfoit,mefnies par via pommeau effantaudeffoubz,
aux deux sortez du tableau horsle chapeau fortoient commedenx cheuil-
vafea
les,efqucllcspendoicnt pluficurs pierres precieufes, enfiles encordons de
V iii
LIVRE PREMIER DE P 0 L1PHILE . lis
fil d'or & de foye,en maniere de billettes . Au frôt,des oreilles,et par tout (lit les ch eu eux : ou les auoiét departiz en deux cor-
bas du chapeau y alunir vil vile le fans tourné dôs,ramcnezfur le hault de la rfle ou riz efloiét nouez enfemble auecvn gros
en bailli, Permettant en facon de baluflre, qui bouton deperIcs,dontrizfortoientenmanieredelaoupc,auxvnesplus longs
cmbraffoit vil rond ouate ayant au mylieu vil iufques furles oreilles,& aux autres moins Celon leurs fântafies . V nus en car-
ioyau,vn autre défi &deux aux deux cri lezvcudeplusnoirsqueplumedecorbeau,liezdefild'aïgét,&crefpelezdn
fiez . a u tableau efloit efcrit deuant & derriere long des temples, branlans en petitz annelletz,& voletas fur les oreilles, voire
cultures Greques, DO RYKTHTOI. pignez & difpofcz de forte que Ion fe pouoit efinenreiller de l'artifice & colin
C'efladire, Prisenbataille. lité feminine.C'efloit l'appafl,la glu, l'amide, les crochetz, les laameffons, les
Aptes Cuyuoit grand nombre d'autres en- reths &les filez ou Ce prénér les amoureux. Elles auoiét des gros Rubiz percez
feignes,trophées, defpouilles & butins,gai- penduz a leurs oreilles,& de riches colliers ou carcans autour de leurs gorges
gnez &conquis par Cupido,aucc lances,gar- frazees :leur clrauflbre a l'antiq,fermce a bouclettes d'or,et cordelettes de foie :
nyes de fleurs,feuilles, fruitages, & rameaux: les femelles lyees lut le col du pied:les brodequins de latin ou veloux bleu ou
& celles qui les portoient,alloient par ordre cranroyfi,ouuert fur la greffe,& le lôg de l'ouverture bédé d'eu enrichifieméc
en cele pompe criumphale . Sa chere cfpoufe de fil d'or,a vu poulet de large efloffee de pierrerie . Sur le col du pied y auoir
Pfychefutlapremierequi[eprefenta deuant vnfermailfaifterfacon decueur,ou fevenoientaffemblertoutes les cour-
lui, en habit royal,veltue d'en manteau de royes de lafenrclle,qui efloét gamyz de Perles.Leurs veflenaens oultre la ri-
veloux cramoifi, figuré a fleurettes de filtrat, clrefiè de la drapperie, eltoiét pourfilez,decouppez,etentretaillez en maintes
fruités fur la frifore . Elle efloit accompagnée modes exduifes et nouuelles:car aucunes les auoiét bordez de bcdcs larges de
défiés damoyfelles habillées de drap de foye deux poulces parles ferres :& tout a létour pendciét despetites poyrettes d'or
de dinerfes coleurs : & y en aucun quelques farftes d'ouvrage de fil,ou en lieu de ccla,dcs perles en poyre,groffes comme
viles qui pertinent comme des haubergeons noyftlles,ou bic quelques autres pierres precteufes,taillees & reduittes cocel-
d'or faiftz a efcailles, garniz de pierrerie. au- le forme . D'autres efloiétornees de cuyraffes antiques de Patin violet, pourfi-
tres leslocuteur develouxbleu,oud'autre co- lees de broderie,en feuil lige de demyboiTc, tout fumé deperles,tourné en rdd
leur,agrasfeuillages de broderie, retrace fur autour de feues mammelles,&faifant aux deux collez du nombril,deux autres
lesmammellesfelon leurgroffeur& rôdeur, cercles en guife de Iymaflès:au mylieu de chacune dcfquelles y auoir vnc rote
ou les feuilles fit contournaient en facon de de pierres precienfes enchafpees en or . La cuyraflè venait iufques fur la han-
lymaffes . La bordure efloit de pierres pre- che,& deCcédoit en denryrond,fuyuât la forme &proportion dn ventre,suec
cieufes, fur le velours blanc, d'Efmeraudes : fur vile béde d'orfaucrie,bordee deffus & defroobz de greffes petits,& pleine de
le verd,de Rubiz : fur le iaulne,deSapfhirs :Cui' pierrerie parle mylieu .Pourtenir la place des franges, il y pendait de greffes
le bleu,de Perles : fur le cramoifi,, de Dyamé.s. perles enpoyre,&entre deux vnbouton d'or.Audeffoubz yauoitvn petit
Lac ufl on peuveoir toutes] es fortes de drap d'or ,d'argét,et de Coye, de toutes vellemét de foie verre tilrue avec fil d'or,(Iui allait uriques aulx genoux feule-
col eurs changeantes, & de tous drap z, riffuz moitié de foie, & moitié de fil mét,&efloitbendétoutautourd'orfauerieportâtvubonponlce&dcmy de
d'or ou d'ai genr,aucuns a figures,autres rayez par petites bendes, & pluficurs large,cefleoûuure faifte a pierrcties de Rubiz, Diamâ.s,Saphirs, & Efinerau-
meflez on brun affortiz d'cCcarlate. Maintes portaient des toyIles de Cotton des, taillées en Rlwmbes, ou Lozan ges, & entre chance lle greffe p el le
blanches & Caffrannees,aucc tout ce que la nature auoir peu in u&er de bée ul- ronde,auec vnc lifiere dentelée en facon de frange . A chacune peinât peu-
te et de bonne gracc.Elles auoiét paré leurs telles de riches garlades,ou claape- doit vile pierreprecieufe ronde, & entre deux vil fer d'or côme d'vne fleche
letz de pie rrerie,& coiffes de fil d'or,étrelaffees a quarreaux ou lai d'amours, barbelec .Des pierres fortoient filetz d'or efmaillez en guyfe de retiiz : & ou
rofcttes,& autres in uétions,& par deffus des Traites a la mode Perfane,ou des deuoit eflre le neu,y talon sine autre bague ronde influes a v ne maille & de-
diademesd'or .Lesrofettesdescoiffes elloiétfai&esdefix roffesperles oric- mie. Aux poinftes de la demye y allait femblablemicvne bague ou pendait
tales,& au mylieu vil gros Rubiz, ou autre pierre precieufee, enfilées aux cor- vue houpe de fil d'or.au travers de la premiere maille pafCoit vil fil'd'or, ou e-
dôs dont la coiffe eftott côpofee. Aucunes auoiét les cheveu x tons truffez & floiét enfilées autres pierres empliffantes le vuyde & mylieu de l'efmaillure.
liez au deffus de la tefle :d'autres les voulaient entrelaflez,les truffes a l'entour Deffoubz tell habillement court,elioit la cotte de Satin cramoify,pour-
de leur tefte :plufieurs les aymaiét mieux liez au derriere de la rafle,& pédans filée a cordons de fil d'or, menez en feuilles Arabefqucs, & bendee par
iufqucsauxgenoux :quelquesvnesIcsauoiétentortillezenlatefle,Cernez de le bas d' vile autre bende d'orfauerie femblable aux précédentes , exce-
robés garniz de pcrles,et frangz de petites paillettesd'or,brïlztes alentour du pté gtftl n'y tenir point de franges, & que les pierres y eflant enchaffees,
V iiij
froc
LIVRE PREMIER DE P 0LIPHILE . riq
eftoient tables de Diamans,Rubiz, ou du moins Cabochons . les Diamans fort efpaux :puishonorablement luypofavuecolonne furlatelle. Alors fvne
d'vn poulce de long,& enuiron demy de Iarge .Pour feparation de l'vu a l'au- des Nymphes de fa fuitte,nômee Htinei ia,fapproclrea de Polia :& vue attire
tre,yauoit deuxpedes entrauers. appelleeErototimoude,meprintparla main : pins nous incitent en ordon-i.o~"~~.oso-ar,
Les manches eftoient du riante auec vne infinité d'autres perfonties qui cheminaient po(emcnt iroys
mefme courage, attachees a trois comme en vue procelfion folen nelc.
a la cuyraffe . L'ouuerture Deuant tous fen vint Toxodore,qui luy prefenta l'arc bendé en toute â- . . .. .. . .
des efpaules, bendee d'une rigueur. Cefte la cheminait au mylieu de deux autres,dont fvne difte Ennta e,~:,r,"~ .
pareille lifte d'orfauerie,fai- porttoit en fies mains su petit vafe de Saphir a deux anfes,eta large ouverture:
fte de deux pieces,l'vne pre IecolduqueliaCquesalarondeur
nât depuis le coude iufques du niylieu,eftoit cyzele enfeuil-
a l'efpaule, & l'autre de la 1agc,les anfes tournces cri forme
ioinfture de la main , iuf- de Coleuuresmordantes le bord,
ques au coude . Ces brodes & parant leurs queues fur la faillie
eftoiét retenues par beaux de la grofIèur du ventredaquelle
cordons de paffement,fer- eftoit enuiroace d'une fiize iaillce
rez d'or : & aux fers peu- a petiz rainfeaux de verdure . Le
dotent groffes perles autre corps feftrecifbit deuers le bas,
autrespierres precieufes . en nranierc d'vn lbfeau goderôné
La chemife boufroit p les eu travers, & pofoit fur su petit
fentes & decouppeures . pied, duquel fortoit aune feuil-
Briefc'eftoity ne cliofe ine- lage, ambraftànt le forts du vaCe
ftimable,&qui prefque ne tout plein de fleurs, qu'elle alloit
fe peult croyi e : car Ic deftr fumant par la voye,accompagnee
& le defiré, le fauoi r & l'a- de Pliiledes fa mieux aymee .
noir, le vouloir & le po- Aptes venait entre deux autres PLaran , n
lup,i.
uoir,fefloiét accordez en . Nymplies,Vclotiquela fuperbe,
Y:o,ISur,G
fcmble,fi perfeftemét qu'il qui Cent prefent a Cupido d'une
n'yallait gredit c . Helas belletrouffe garnye de deux dc âyi.aE,~ .

môdieu,ces machines of- clies ferrees,fvne d'or,& 1antre de plôb mai poly.Laquelle trouffe il ceignit
fenfrues pouuoient facile- promptement a fc n coffé . Ce pendant les deux autres,aCauoir 1-fomonia &
ment expugnertout cueur Diapraxe,fenti eiettoiét dcux boules kmy l'air.Celle de Homonia eftoir d'or, °"?'
rebelle & contraire a l'a- & celle de Diapraxede Crylal : &quand fvneiettoit la heure,] autre aufh <,~t
mour,voiref ibiuguer ton faifoit le fcmblable. Mais fur tout elles prenaient garde a ce qu'elles ne fe i en-
te forte rehflence, renuer cônaCsét en l'air . Suyudt cela marchoiét trois autres nymphes,zfauoir la belle
fer & abbatretoute franche liberté, &(qui pis efl)contaminer tonte continu- & reueréde Typlilote,qui luy bailla vnbâdeau pour courtine fus yeu Ix. Celle & 17,^i°e
. ,us
ce pour obffinee quelle feuft .Parquoy ie confeffe franchementque la grau- la efoit coloyee de deux lafcutes damoyfelles,de contenance impudique
deamiticparmoyportecaPolia,enfutagrandforce esbranflee,& la fenty diffolue, l'vue nommer Afynecha, laquelle incefranrment branloit, & Ce
commeprédre coup : qui me frit dire tout bas en foufpirant :0 P olia ma t hu- toumoit de toutes pars pour méflrer fa Iegiereré . L'autre Afclremofyne,
re dame,gai dez maintenâtvoftre prife .Ce paff rge eftdâgereux. V oicy mer- toute nue parmy] es autres vu fi tics, donnait bien a cognoiffre qu'elle efloit
ueilleuCesembufches.lenedoubtepoint queceliefiaient voleursmanifefles, du tout elhontec,& ne raifort aucun eût nie de fort honneur . Celle la portait
lefquelz contre touteraifon acquierent iminortele renommer par leurs in- en fa main vnefphere d'or,& de l'autre ternit Ces longs ch cocus, afin qu'ilz
rutilons & pilleries amoureufes,voirefen font bailli louer & cherir par ceux ne lu y couuriffent le derricre .Elle allait en maintien lubrique,& fans vergon-
niefmes qui en font miferablem enttournaeutez, de maniere q u'il femble que gne,au cc Ces yeux ver dz regarda lis ca & Ia,fans leur donner ny repos ny foti-
tel ouhrage foie par eux requis & cherché a toute inftance . la,,emér. Au quatrieme reng eftoit Tetefte,veffuede fine efcarlatte,les truffes r,,,n,,u p
En ce poinâ,&auec celle gratitude compagnie, labelle PCyché receuillit pendantes contre bas,ferrees au deffns des oreilles attire vire belle garlande
Ion efpoux .
LIVRE PREMIER DE P0 L 1PHILE. vo

ou chapeau de fleurs,& de verdure . Cefle la mcit a Cupido vu brandon de Capnodia qui fai(oit la troyficme, portait vu autre vaCe de terre,en facon crame..
feu en fa main .L'vne de Ces compagnes di&e Brachyuia, portait vn vafe d'El defuzee : & auplus gros de fon eflargifremérplus basque les anfes,efloient
nreraude,d'vne hardie entreprife, & merueilleux artifice : i enten fi c'efloit ces ucze lettres Greques:
ouuragehumain : car il efloit lai& quafa en forme d'vue Courge, fors qu'il
auoit vu peu de pied : le col goderonné en trauers : & ou leventre com- HANTA BAIA BIOY . C'efladire,
mencoit a f enfler, y auoitvnc frize en cein&nre, tailler de belles figures:le
demourant deuers le fons,quidiminuoiten grofrem,efloit cyzeléa feuilles Toutes claofes font depeu de durer.
de Perfrl , tant cadences fur le corps, qu'elles fembloient eflre de baffe en-
tiere . Ce vaCe efloit percé de tous coflez comme vue Chantepleure,& en fortoit
Du bord fartaient deux anfesquirefrembloienta branches d'Artichaulr, var fumer efpoiife, laquelle incontinent fe dif ipoit en l'air .
& fe renuerfoient contre le mylieu du goulet, d'au forroient quelques effin-
cellesbruyantes parvafort harmonieux.

Ayant Cupido recto tous Ces inf}rumés,il monta fur vu chariot d'or,tout
Capnodia expres pour luy appreflé . Le gyfic efloit circuy d'vne frize decoree de pier-
res precieufes, de la largeur de neuf poulets ou plus.Les deux rocs auoient
la circûference d'or,& les rayons de riches pierrestaillees en perfeftz Balu-
flres .Incontinentqu'il fut affis en ce char triomphant, Polia & moy Fumes
priz par deux belles Nymphes nômees Plexama et Gamona,aufquelles Cu- rtrm . ',a-
ptdo auoit faiEt ligot de ce faire:& par elles fumes fiez & garroaez les mains .,û-
fivledozabellescordes
'1'r faiftesde ro(es & bouquetz .Puis doulcementlon~~-
nous tirait aptes ce chariot* quafr alriôs de noflre gré, par l'impulflon de la
belle Synaifre. Toutesfois te commenceay atrembler :mais voyant que les .as.
Nymphesryoiétauecrolia,ie mafreuray .
LIVRE PREMIER DE P 0LIPHILE .

Aptes nous venait notre maiftreffcPfyclie, fuyute de fesdamoyfelles,


qui auoient apporté les prefens . Elle efloit veflne d'vit riche manteau, atta- Au dernier lieu, & deuant les ferpens
chéfur l'efpauledroifte a vu riche fermailletdegrozCarbotrcles,&au my- qui tiroicnt le chariot, marchaient deux
lieu vite table de Dyamant, de la longueur d'vu doy & de ny, ayant de ler- A egipans ou Satyres,auec barbe de Bouc,
geur vnbon poulce, fi qu'il efloit de valent ineflimable , & de merucilleuCe & piedz de Cheure,coronnez de fleurs de
beaute .La dedans le peinait voir Cupide cngraué, qui Le nauron foy ni efmc, Stnyrion, Cynoforcliq & Enula : le front
&PCychemanyant(commemaladuifee)laflechedemortelepoinfture . Elle ridé,le poil mené,& mal pigné,portans
tenoirdelamam droiae(gitelle auoit adeliure hors du manteau) la floche chacun l'effigie d'vn nionflre groirement
d'or:&del'autrevnelampeantiquc deIacyntheoriental . Elle auoitregetté & lourdemét taillée en bc > s,de forme hu-
fort manteau fur fefpaule,figii elle monfiroit la doubleure de drap d'or frizé, maine,veflucinfquesa lapoiftrine feule-
& la delloubz fa bordure d'orfauerie,entremefiee de pierres precicu(«es,toutes ment,&ayanttrois teflesdiuerfes :le de-
enperfeftion.Elle arionvuerobbe de fine foie,touteclofe,tiffueauccfil d'or, meurant efloit faix en quarté allant en
ceindleaudeffoubzdesmanuelles . Le chariot deCupidoeflontircpard e ux pain &e deuers lepied,qui finilfoit en vue
ferpens priuez,allans a quatre piedz, & eftendans le col, attachez a traifiz de moulure affiCe fur vit plint)e .
Au mylieu du quatre,& au plus large en-
Laurier cordé troc du fil de foie, les poiâralz d'or, tous cifelez aulfi a feuilles
demefme,enrichizde fine périrent : & cheminaient pas a pas en granité di oiR,clloit le fi gne Itliyphalle,ait meni-
bre virif,au(fi bien empoint que tort fcau-
de Triumphe,& par l'ordonnance que dia eR .
roit dire.
P=rt°ph°,r, Premierementles Paftophores, puis les Trophigeres, Pyrgophores, &
celles qui Portoientlesfaiffeauxdeverges &cogneeslYeesenlemble :aptes
Deuant eulxalloic vneNympheblan-
eo°p ip=°=les autres quireneientlestorches &cierges allumez de belle cyreblanche : & che & polie,coronnee de lyerre ,& ve-
rropnre, . les Ofinophores encenfieres, portans caffblettes,& autres perfums, defquelz
Pyrg°ph°ru flue d'vne roblac ouuerre par les deux ce .
Conoic vue Odeur incroyable . II yenauoit d'autres qui portaient des vafes
fiez, les pans volans d'vno part &d'autre,
d'or a col eflrmft, pleins d'eau de lenteurs, qu'elles refpandoient fur les afli-
o!m°ph°rte enleuez par le vent . Elle portent vit vafe
Rans,menuconimepetitepluye . Puis celles qui fonnoient des infirumens, d'or,rond,faibt en fatum de mammelle,du
afauoirleuthz,violes,rebecz,fluttes,harpes,haultzboys,cornetz,trombon,, quel fortoit du Iaia par vrac petite bou-
lyres,chalemyes,&autres de toutes fortes,accordans a la voix des chantref- che,tout ainfi qu'en vit facrifice. Elle efloit
fesquiles accompagnoient,coronnees de chapeaux de fleurs & de feuilles au mylieu de deux autres Nymphes,l'vne
de toutes tuteurs mefleesde perles acte autres pierres precicufes parmy de corônee de Mercuriale malle,& l'autre de
beau feuillage d'or . Cela rendoitvne harmonie tant melodieufc,quApollo lafemelle.
n'en feit onques de pareille aux Mufcs quand il chantait auec fa lyre : ny
Arion lors que le Daulphin le porion : non les Syrenes pour deccuoir les ma . La premieretenoit en l'vue de fcsmains
riniers . Les belles necheminoicntpastoutes enfemble&entrouppe,niais la fatue d'vu enfant toute enriere, & en
par o rdre,troys a troys,chacune a fort rong,aux lieux qui leur elloient ordon- l'autre vnequi nâuoitbras nytefte .
naz :tclement que ic tiendroie pour folle & trop prefr.nprueufe toute langue
de quelque eloquence qu'elle tint, qui vouldroir entiepren die d'exprimer la La fecondeportoitlafigure& fimula-
moindre partie de ce triumphe, le dium portement des belles Nymphes, cre de Serapis,adorc des Egyptiens . C'e-
Ieursbeaultezfingulieres,leurs(umprueuxlaabitz,leursgracieufes contené- floitvitetefledeLyb,gi auoitd'vncafté
ees,&l'abondance des charlors, riclaeires, Brans dcbces, & plaifirs, que par tette de chi é, & de l'autre celle d'vn Loup,
la Cpeciale grace de Cupido il nie fut permis de veeir en roll inftant. ondoies & enuironnees d'vnSerpent, qui
Au dernier auoitlatoflapfichantefurlecollé droit, &
du dedâs fortoicnt des rames fort aiguz .
LIVRE PREMIER DE P 0 L1PHILE.

Aine efloit accompagné Cupido triomphant, Polia & moy menez aptes efloient au(li de beau Porphyre :diuerfifiant ainfiles vues au contraire des au-
attachez a lycns de fleurs, & de cordes faiéles de Rofes.Les Nymphes nous tres . Aux deux coflez delà porte y au oit deux valet excellemment riches, l'vu
entretenoient de propoz amoureux,& courtoifes parolles, en visage mieux, de Saphyr,& l'autre d'Efmeraude,entaillez par en artifice admirable : qui me
accompagné de bonne grace comme pucelles humaines & gracieufes . Fina-
firent fouuenir de ceulx qui efloiét a I'entree du temple de lupiter en Athenes .
blemét en ce fuperbe an oy .X pompe magnifique marcha ce grld Seignetu,
entre tant d'enfeignes de r u4otre fnyuantes la banniere imperiale, au ni ylieu
Là defcenditcupido de fon Char triomphant pour entrer en ]'Ain phi-
de tant de coufique,parmy beaux rof ers,femé par deffus des fleurs odoran-
tlmatreordônéenlamanicrecyapresdeduitte . L'empietement,l'arclaitraucs
tes,& foubz la couuermre de tant de riches treilles, que nous peminses a v ne
les bafes,lesflylopodes,la frize, Mes remanies faifans le tour du bzfliment
grande place devant la porte d'vu excellent & merveilleux amphitheatre,tel
efloient de coince doré,& tout le celle d'Alballre blanc & poly de nature, &
ne fut eu foupareil . C'efloitvumonflre&prodige deflrufture,
paiindttflrie .11auoitpardchers deux ordres decolonnes,& deux vcultures
&plulloflouuragediuin,quefaift par mains d'ounriers mortelz. Noflre ve-
fvnefurl'autre . Les troifiemes eflounitpilliers quartez, les vou[tuces faiftes
nue futparlagrand voye,aulong delaquelle de chacun cofléy auoitdes pe-
tiz royaux fecretzqui iceloient mceflàmmenteau mufquee, fi perfefte que endemycercle,auecaddmond'vneCepcicrue partiedeleurlargeur .Lescolô-
iantais plus doulce odeur ne fut femy c . Quand nous fumes arrivez a la porte nes appuyces a la in uraille,ne fortoient qna demy hors du madif, & choient
de l'Amphitheatre,ie me prins a la contempler par le menu,pour dcCcrirc fes cannelees,&rudemecs (cefadire aballons oubouclins) depuis 1eco1crizde
particularisez. Elle efloit de pierre d'Azur :les haies &les chapiteaux des co- leur afiette, iniques a leur tierce partie . Les chapiteaux, baies, & flylobates
lonnes defiu or efpuré:l'arclntraue,la frize,la cornice, & le tympan du fro[iti- (autrement nommez piccieflalz)eftoient decuyure doré. Aux angles d'iceux
flylobates,Cpccialement au delloubz de leurs moulures, y auoit des telles de
fpice,delamefmepierred'AzunLes coflieresou jambages qui Couflenoient
l'arceau de l'ouuermre,d'O~lilte :les colonnes miles pourornement aux deux Mouton feiches avec leurs cornés ridees & recouru fees,cfquclles pendoiét plu-
cohez,de Porphyre:& les tuyuantes variees,afauoir vue de pierre Serpentine, fieurs beaux feflons ou faiffeaux de verdure, paffans foubz vn rond faift au
&l'autre de Porphyre Les moyennes venant a plomb de celles de Porphyre, mylieu du quarté rabaiffé,& pareillement enclos de moulnres,dedans lequel
efloient d'Oplaitc :& les plus Incultes de facon quarrees a la mode Arheniéne, efloittaille'de demyboffevnfacrificcSatyriquç,ou auoit vn autel, & deffus
vn trepier,fouflenant vn vaCe d'Arain bouillant fur le feu : & a chacun cofté
efloient
del'autel vueNymphe nuefoufHâtlefeuauecvupetit tuyau.Aupresdel'au-
X il
LIVRE PREMIER DE
P0 L 1PH1LE .
tel le meïffmient deux petiz enfans renons ch actm vn vaCe: derricre les Ny" m-
pltes,deuxSatyresayons la botiClae Otinerte conanm filz vouloientcrier . d e
l'vnedesmains ilztenoientvue Coleuure,gnilzapprochoiétd'icelles Nym-
phes, & de l'autre eflouppoicnt la bouche d'vn vafe antique faift en guifè de
Rtfeau . Les Nym-
pItesrecnllofenta-
lice leurs mains ,q
n'eflotenr empef-
clrees,les braz def
diftz Satyres, fans
diCcontinuer leur
office de foufler .
Les autres efl :oient
lai&z d'autres de-
Linges & inuétions . Au deuus de celle frize accompagnée de fa cornice, eloic vne autre votif-
Surlescolonnes turc toute fcmblable ala pretniere . Etcombien que l'art d'arclaite&ure ce-
pofoit l'architrave, quiereque les colonnes m ifes en bafliment fur autres colonnes,foyent moin-
puis la frize, & dres d'vue quarte partie que les baffes fur quoy elles font pofecs, inclines que
aptes la cornice. les troyftemes affiles fur les fécondes , diminuent d'vue cinquieme portion s
lcclle frize efloit ft eft cC que cela n'effoit point obferué en cefi édifice fumpmeux & bien ap-
entaillée de la fcul- proprié,ains Clonent toutes d'vue grandeur &groffeur,tant haultes,baffes,
pture enfumante, que moyennes . Mais a dire vray,les troyfiemm eloient pilliers quarrez &
afauoir d'vn café cannelez, fortans de la muraille vne tierce partie de Icur grofieur. Entre deux
antique plein de de ces pilliers y aucun vue fenelm non point quarree comme celles des tem-
frui& & de feuil- ples,ains en arceau, aine que Ion les fait aux maifons particulieres .La cornice
les, qui fortoient royale efioitfans faillie ne foi get,mais par deffus y mont feulement vue peti-
de fa bouche . De te muraille d'vn pas & demy en haulteur . Toute celle magnifique Ilruâure
Chacune part gifoit eloit balyc de fin Albâtre Indien tranfparét comme verre, ntaffan née fans
vu Beuf couché, cyment ny aucun tnortier,ains en eloient les pierres G bien efquarries, min-
eléd:it les pi edz de &es,& enclauees enfemble, qu'il n'en falloir craindre la digolution, mais l'e-
deuét,deuers celuy du vafe : & eloit clmuauclté l vu laôme nu,tenâtvnever- ilinrer durable a perpetoiré.La fuperhcie n'en eloit noire de fumée, rougie
ge en la main fI . de l'autre il âbraffoit le col
auoit leu ce cfime pour frapper du foleil,ny fonillee de la pluye,ains demourante en fou naturel & premier
poliffement,fans tache ny macule en aucune de Ces parties . La place côtenoit
du Beuf. Derriere luy fur la croppe de ce Beuf, eloit offife vne femme audit
nu e,ambrafant l'homme du bras qui eloit de uers le fons de la pierre : & de dedans œ uure,lalongucut detrente deuxpasde diametre. La largeurde la
cloJure&alleesregnantesal'entour,eltoitdehuidpas .Le departementou
1 autre tenon vn linge pafiànrfoubz fa tele,fur le bout duquel elle eloit ag-
diuilon de la rondeur de l'édifice &des colonnes, eloit premierement faifte
fe .Cc linge couuroit la moisie du bras dont elle antbrafroit l'homme . En c u I-
tre y auoit vu Satyre reniât de la main gauche l'vue des tomes du Beuf,& de en quatre,chacune quarte départie en hniâ,qui faifoiene en tout trente deux
diuiflons :&autâtdecolonnes enrond : carfurchacune huiftiemepartie vne
l :aun e qu'il elendoit deuers la femme,vn ferpent tortillé. Plus allant vers le
colonne efloitpofee.
fous d'icelluyvafe, choit clientes vit autre Satyre tenant enfamain droite
X iij
l'autre corne du Beuf,& en Ia gauche vn beau ruban, auquel pendoir vu long
Langeait de verdure palliant faubzleventre du vaCe.La partiede dcrriere du
Beuf hnigoit en feuillage antique, tourné en rondeur,pour luy donner
facon .
Au dclùs
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . tao
faiâ :cara comparaifonde ecflouvrage,n'efloientrien,oubien peu de chofe,
le Cumpmoux téple d'Ephefe,le Colifec ou Amphitiaeatre de Rorne, ny autre
flrufturequelcomlue renommeepar les hiflorres .Mais pourrentrer en mon
propos,quâd non, fumes arrivez a celle gtad porteRoyale, toutes les Nym-
plaesdenaourerentdelrors,& entra feulement Cupido avec Pfyclré famye :
puis Polia,moy,& les Nymphes qui nous renoient liez, aptes avoir gaffé les
deux voultures, entrames en la place du theatre, laquelle efloit pente d'une
feule pierre de layet,toute d'vnepicce,ronde, & entiere, tantnoyre, & fr po-
lie,que quand les Nymphes qui nous menoient, m'eurent tiré dedans, ie n'y
eu pas fi tofl mis lepted, qu'il me fembla que ie trebuchoie en vn abyfme, &
efloieprécipité dans vue grande £offe obfcure, & efpouentable . Toutefoys
Iesmuraillesqui fenuironnoient,mefir e nt aucunement recognoiflre .Ce
neantmoins la peur me feu mutinai cher, & men eflordy vn peu le pied . En
celle pierre f'apperceuoit clairenrenc la coleur du ciel,& des nuées, enfemblc
des murailles quifaifoicntfacloflure,comme ton fait dedans la Mer quand
il y a bonalfe. Au mylieu de la place,droid deffus le rende d'icelle, efloit la
faincte fontaine de la divine more de notre nraiflre, exccllentement belle,&
bien ornec.MaisauantdadeÉcrire,ievend parler del'incroyable flruftnre &
difpofrcmn del'amphitheatre,qui excedoit non feulement fapprchenfron de
tnonefprit,ainstotttepenfeemortele : & puis dire qu'il ilion miraculeufe-
ment édifié . Les degrez foiftz tout autour de la place, commencoient au ny-
ueau du pavé,& efloicnt en troys ordres,en chacun quatre degrez, non maf-
ftfz,maiscreux,ayansfixpalmesdehaulteur,& deuxpiedz & demyde lar-
gcur,rempliz de terre,& ferrez de toutes manieres de fleurs,qui ne momoiét
Jetant foapeuplushaultquelamoytiédudegré enfuyuant . Au quatrieme
n'y auoit point de fleurs,mais efloit taift pour paffage ou allee,couuerte d'une
treille en berceau,contenâr cinq piedz en largeur,& vn pas & demy de hauts:
laquelle treille n'occupoit en rien la veut du cinquieme degré, ou commen-
eonleCecondreng,vnpeuplusrelevéquelesautres,gardantproporti on cô-
uenable :& ainfi des autres,tant du troyfieme que quatrieme ordres : car vue
La cloflure efloit voultce a doubles voulres,qui faifoient deux voyes ou même mefure efloit obferuee en tous . Les accoudoers ou appuys de la pre .
allées tuait onnanresl'edifice .Les pi Iliersdumy]icueftoieutpluspresJ'vude miete aller, efloient de pierre noyre, Iuylànte conrtne verre : les fecondz de
l'autre,que ceux du front de dehors,& y moit cocores moins d'efpace entre Spartopolie :les troyflemes de Hieratite : & les quatricmes de Cepront-
ceux du deda ni . amfi q les ligues fapprochoiér plus prcs du cétre,tmt plus el- te :fireluyfans,qu'ilvous euflfembleavcoiratrauersles treilles,quecefloitle
lesvenoientafeflrecir. L'efpacedel'vnpillicral'autre diminuoitde largeur ciel qui Ce prefentafl a voflre voué, &non vue muraille de pierre. Sut le bord
felô la proportiô de la rondeur,la haulteur detnourât tonftours en vue equa- de ces accoudoers la treille cotnmencoit a te tourner en voulte :le tout fr bien
lité de mefore . Le pané de ces belles allces,elloit de Mufaique,& pareipetuét conduit par architefture,que tous les quarrez des degrez refpondoiétau ny-
le fous des vo ultns,le toue d'uncil] efnte Tacon, tclement que l'ouvrage de fva veau de la ligne date d u plus hauts iufques au plus bas,par vu excellent artifi-
Cc rapportoit a l'autre,& tout kaift a compartimens,enridtiz de Feuillages an- ce,inucntion divine,& quafüncomprelaenfible . Plus haute quels quatrieme
tiqucs,ftproprement & dotant bonnegrace,que tout fembloit erre d'une treille,yauoit vue muraille d'en pas & demy de haulq & d'autant de large,
fculepiccc, non point de pierres rapportées. Dedans ces comparrimésefloiét crcu(q& puis remplyc de terrc,enuirônce tant dehors que dedâs d'une mou
pourtraiftz par belles laifloires,to "as les efpedz & opérations de l'Amour . Ivre faifte d'Albaflre auffi bié que tout l'édifice, retenue les degrez, qui efloiét
En ce merveilleux édifice facilement fe pouoit cognoiflre le bon efprit, le de Iafpe oriétal,de plufieurs coleuts confufes & meflces enfemblc : & efloient
prompt difcours,l'art exccllét,l'ingenicux defeing,le profond Cauoir,la mer, bordez par le hault,d" vne ntoulurede fin or .Cefle muraille faifoitla cornice
fupervamrele du bon ouurier qui l'avoir de l'amphidaeatre,dedâs laquelle efloiét plantez des Cypres de deux en deux
faiâ, X mi
LIVRE PREMIER DE P0 L1PHILE . ray
atfez Ares l'vn de l'autre : lirais depuis deux d'iceulx Cypres incipit es aux pro- dions,ou bout z de chcurons, d'or, par deffoubz l'arc hitraue,Comille pour le
chains y subit trois pas de diflance :ce neantmoins raz efloienc tous d'vne foufienir.Soubz ces treilles danfoient plufieurs belles Nymphes : & quand
grâdcur & groffeur, les poinctcs enclinces l'vite vers l'autre, telemcnt guilz elles fe trouuoient aux ouvertures entre deux colonnes, lors fe tOtunOlët vers
fornioient certaines petites voulmres en manicle de p yrmnides , c'cft a dire la fontaine eflant au cri de l'ampliitlteatre,& faifoient vrac rcu eréce bien
que la poinEle du premier efloit ployee alter la poinéle du quatrieme, celle humble,Cans toutesfois perdre la cadeuce,ou interrompre la ntefure. Elles id-
du Cecond auec celle du cinquiente, & ainfi cnfu yuans de quatre en quatre, loient au contraire les vues des autres,e'efi afauoir celles des treilles haulte &
le tout en tre la&deforte,quefifvnpaflbittuefouprochant, l'attire comboir baffe,deuers main droiQe : & celles de la moyenne,a la main gaucheaant qu'il
aptes foubz le CuyuantEn chacû cCpace d'entrequart e Cypres(qui Comerlon: femblonque les vites tiraflent la part d'on les autres reuencient . Les mûrit-
trois pas, comme dellùs efi dicî) y aurai vite plaine de puys a belles pommes mens rendâs le Co n,eftoient et eux Trombons ou Saquebuttes d'or,& quatre
ou boules rondes,diminunntes de gmfEur,Cau oir efi la feconde moindre que hauxboys di&z Epiphone,M efophone,Antiphone, & Chanieplion e, igni-
la premiers,& la tiercegne la feconde : mais toutes efloiem fi coudes & tant fians,defius,taille, baffecontre, & haulteconve. De ces infirumens les troys
vnycs,qui" ne feuille tic paffoit l'autre, dont Cenibloit quelles auoyenc elle effritent de boys de Sendal , l'vu i ouge,lautre iaune,l'autre blanc, & le quart
tondues,& ainfi uiignotrecs par expces . Entre deux Cypres y auoit vit pied d'Ebene,garnizd'or & depierresprecieufes,meCmes accordez en harmonie
de Geneure,ltault & droifl pont emplir le vuyde eflant de fvnc voultea excellente, accompagnce des voix angeliques de ces Nymphes diuines,fai-
l'autre,auec vu toupet de feuilles fur la pois 4e . Les perches, oziers, & tout fantmerveilles en difference & diuerfité de tons,pronôcez en egale propor-
l'autre merrain des veilles efloit de fin or: la pmicre connerie de Myrte fleu- tion,rendant fi trefdoulce confonance,que mon ante en efloirtoute ravie. Les
ry,ploiée fur vit architrave d'or, Couieim il vue sainte pofee fur des colonises Nymphes de la treille du my lien,efloienuaucs,& monfiroicnt leurs perfon-
du nieCnte metal,lefquelles auoient pour fiylopode ou picdeflal le q uatrieme nes plus finement blanches que neige .Les autres faimoient mieux richement
degré,leplan duquel (faifzntl'allee& voye au dcffoubz de la treille) efloit veflues de diucrs liabitz & ornemens de foie,de toutes Cortes & manicles de
patté d'vnepaflc ou cynient c bpofé de Mufq, Antbre, Beniouyn,Labdan,& coleurs,enfenible de drap & toile d'or ou d'argét,rayé,frizé,figuré, changeât,
Storax,decoleur noirafire, & parmy, elfoicnt fichecs des perles orientales, &de totales deuiCes que Ion fauroit imaginer . A la verité ces obieâz ferai .
toutes d'vue grandeur & groflèur, dtfp oCecs en feuillages antiques en forme bloient cille doubles,& ce a focceGon de la muraille,qui efloit tarit noire &
demufaique,entremeflee de peux oyfcaux,ouurage (certes) de fi grande fi polie, qu'elle les reprefentoit tout ainfi comme vue bonne glace de mimer .
fingulaiiré,gnenulautre neCeypeut compaier .Ce pané femblon efire faift A l'encontre de la grand porte,& audroiâ d'icclle,y aurai vue montre de Cept
pour efire Cculement marché des pied z drains . La feconde treille efloit cou- dcgrez delacpe,continuans iufqucsaitplan delapienaicie treille : & au clef
ucrte delofes blanches & vermeilles, & le patté faift de pnuldi e de Corail, flous: en la muraille efloit faiûe vite petite poterne d'or,par ou Ion entroit fur
eymentee,retenant touliours Con Iu .Qre & coleur nayue, figuré par defilis en lespremieresvoulies,&delaauxplus haulms .Puis chacune treille cnfuyuât
fa Cuperficic de feuillage auec fleurs antiques,les feuilles d tfnaeraude, & les allais aufhfaporte d'or,defemblablecftoffe&ouuragequelapremiere . Le
fleurs deSaphirs,tousegaux,&polizenperfeEtion .La tierce de Genfenty, premier ordre des fieges efloit departy en deux, par fefcalier commerceant
& le patté de pieue d'Azur pulucrizé,de col eur celefle vit peu tirât fur le vend, an bas du portail ou entree :& le premier des Cufdifiz fieges efloit comblé de
ouvre d'entre]az ntorefques foi&z de pierres precieufes , de toutes les coleurs terre,comme i'ay diél,et ferré de fleurs violettes :le Cecond de blanches :l e tiers
&efpecesquenature lesCitait pro duire,ntellecs de paillettes d'or, nees cri la de Pafretteloux. Au premier du tiers &dernier ordre, il y mois des Penfecs,
pierre mefme :tantquil efl impoffible de croyre l'admiration, plaifit, & con- au Cecond du Solfy,& au dernier des Ancolyes .Toutes ces fleurs plus odorâ-
tenteuient,que cela do maint aux regardons . le ne fa y point de double quel es tes que les meilleurs perfuns d'Arabie:& fi ne font en rien Cubicfics au chan-
cfpritz celefles ne C'en contentaflent affez,voyre q ui plus cil, efmerueillaflutit gement des Caifons, aius demeurent fans celte en leur beaulté,printemps, &
a lafois, pourautant que cela pafle tout cc qui fut orques excogité des hom- force de nature,Cans flefirir ou fecher,ny en faire aucune apparence .le regar-
mes .Ces treilles eftoient par dehors foutenues de colonnes d'or(com rare i'ay doie comme tout eflonné la glace & maieflé de ce lieu,fon excellence, la diC-
par cy devant dièt) lyees l'vue a l'autre par voultures d'arcbes pofantes for les tributirn ingenieufq & le compartiment de tous Ces mentbres,perfeftttenient
citapiteauxdes colonnes .Levitydeentre les cornes si el'arceau, efloit en tor- accommodez l'vn auec l'autrc,enfemble toutes les particularisez fpecifices cy"
me de triangle, faift en l'vu de pierre d' Agathe, en l'autre de Iafpe,de Calce- denrs,ntnt que ï en demouray confus, & quafi hors de moy, comme celluy
doyne,otiautretele,tourd'vnepiece,&fansaucunouurage,maispolics tant qui en Longeant cuyde Longer,& efl incertain fil dort ou C'il veille.Tous mes
feulement. Au collé de dedans deuers la muraille,il dy aurai point de colon- Cens efoient occupez & circuntuenuz il vis plaifirinexplicablc,& mon cucur
nes, gins vit grand architraue,gamy de Ca Crize & cornice,le tout d'or maffrf, embrazé d'vneardante fiamnm d'amouyallumee parla beaulté non pareille
courant lelongdelantnraille,alahaulteurdes chapiteaux des colonnes fur de rua mieux ayniec Polio : de forte que ie ne fauoye plus qui i cftoye, ny en
lequel la veille repofoiu& a foppofite diceux chapiteaux Cailloient des nio- quel lieu on m'auoit tranfporté.
dions
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE . tss
Lors les deux Nymphes qui nous auoient liez,detafcherent nez cordons ne full claire & tr .unfparente coumie les autres, fi efloit elle tant polie qu'elle
de fleurettes: & la Royne Pfyché d'inclinant Immblement devant fon mary, relu yCoit aufli fort qu'vn verre. La quatrieme fu t de Rubiz, la cinquieme de
lay rendit fa floche d'or : puis nous prefenta par grand tentacule deuant la Topacc reprefentant coleur d'or,la ffxieme de la fpe,& la fepticme de Beryl,
faincte & facrecfontaine Cytheree . tirant fur l'apparence d'huyle d'Olive nouvellement fait. Celle la click hexa-
gonc,c'eff a dire raillera fix cltiarrez,refpondaut droiet au inyheu de l'entrer,
entre les deux prémisses coltmes :pource qu'en toutes figures angulaires qui

Poliphile defcrit en ce chapitre le ont les coings en n6bre impair,l'vn d'eulx refp6d côtre le tnylieu de feCpace
qui cil entre deux des autres angles eflés a Con oppofite.
Peut former donc ce retour a Cept anglesfault preniiereniét faim on cercle,
GRAND ET MERVEILLEVX ARTIFICE DE LA FON- & le partir en quatre 2 vue ligneppédiculai i e & vue trauerfante, qui centre-
tainedeVenur,quiefoitaumylieudrrampbitbratre .Etcommelacortinedont croizét droittemét fur le poinfl du cétre . Puis diuifer avec le cbpas fvne de ces
elle efloitcloffutrontpueparquoy iluettenmaieféladee]Te,quiconfgna parties eu fcpt portions égales,& d'icelIes en c5prendre quatre entre les deux
f
Poliaa trou de s Nympbes, Q , Polipbile a trots autres. Puis comme iambes du compas, puis pa(fer celle mefure par diffus la ligne de la circGfe-
ilzfurrntnaurez p~Cupido,eg cnrofézparfa ocre del'eau de rence :& Ion la touillera bien infirment partie en fepr.
lafontaine.Alafin pour la venue du dieu Mars comment ilz Contre la colonne de Béryl qui
prindrrntleurrongé,eyfmirent defAm- faifoit la leptieme , efloit entaillé
pbitbcatrc. par dedans de la mefine pierre vu,
trotte enfant 1-lermaplirodice,ceft
Ourtoifement&entoute reuerécePolia& moy a dire malle &felnelle,rout de bof-
nous agenouillafiues devant la fxinde fontaine, fe,referué qu'il tenoita la colonne
on iemefentyaffaillir d'vne doulceur,la qualité par l'efpinedu dos .Auxtroys au-
de laquelle nepouoie bien difcernegpar offre fur- rrcs coltines du cofié droi& y auoit
pris d'edbahiflcnient,& comme rauy en ecflafe a chacune encor vit enfant de la
voyant ces Nymphes, &efcoutantleurs chantz incline pierre : & en celles de la
harmonieux, qui excedoiét fans cüparaidon tous part fenelire,auiant de petites fil-
ceulxque izuoie acconftumé d'ouyr.Sans point lettes :ces figures regardantes l'v ue
de double m6 corps fe c6fumoit d'extreme vol o- l'autrefiviucnient & d'vit luffrefi
pte' en contéplant leurs gracieufes manieres,& c6 bcau,quc l'ECmery ou la croye de Tripoli,ne leur en eufrent peu donner de
tenantes admirables, mefmesregardant vue fabrique défi haulte ma gnifi- tel . Les ber(es,chapiteaux,arcliitr .iue,frize,& cornice,efloient de fin or maf f.
cence,& Pendant a l'ineflimable inuétion & difpofition d'icelle, i que i'efloie les arches de Ivre colonne a l'autre de la niefin e pierre, c'efl afauoir de Saphir
tout contre en ces lenteurs deperfuns exquis & celeffes,incertain auquel de en la colonne de Sapliind'Efnieraude en la col6ue d'Efnierande, & ainfr con-
mes fentimens le nie deuoie pour adonc airelles, & a laquelle des vol optez fequeniment . Surles angles de la cornice,a plomb des colonnes,efloit a
plus m'appliquer ou adhérer, poutre qu ilz elloient tous diffraietz chacun a chacun vus petit piedefial Ibuffenant fepr images ou figures d'or,i eprefentan t
fort obied .Iequel me confort d'autant plus grand plaifrr,que le ecoie ma che- les fepr Planetes, avec les intrumens & enfeignes pour les cognoiftre . Leur
rePolia participeraller moyaitfiniddecellefélicnechiure :lainaauffi que grandeurnexcedoit latiercepartied'vnedescolonnes . Au front de deuanr
ie me trouuoie pres crotté fontaine fo noble & tantrenommer, excellemment d'on collé efloit le vieil Saturne tenant fa faulx, & en l'autre Ia Lune, puis lu-
conftruifte au mylieu de ce fuperbe baffiment,comme ie la voys déclarer . piteyapres Venus, Mars,& Mercure. En la frize d'au deffoubz eftoiét cyfelez
De lapierre noire malfiue d6t efloit faift le patté fur le mylieu de la place,& de demitaille les douze figues du Zodiaque,auec leurs figures ci cbarafteros.
de la mefmepiece, efloit eleué vit petit mur ou accoudocr d'vis pied de liaulr, Le comble ou couvert de cefle menmilleufe fontaine efioit faift en voulte
taill~ en rond a fepr angles,garny de moulures tant au bas que rituels fi fum- ronde céme vue couppe fans pied,réuerfce,toute d'vne feule pitre de Ci y ffe/,
mité:et a chacun angle y avait vue petite failhe,en facon de flylopode ou pie- contre & maffine, fans veine, paille, poil, rouillure, ny autre macule quel-
delial,Cur lefquelles efloient pofees fepr colonnes .L'vne des faces tarit entier conque,maisplusclair que l'eau fartant de la roche viugnayf & brut fans
te pour faire l'entrée, devant laquelle nous effions agenouillez. La colonne aucun polifreméyains tout ainfr que nature l'ourla produit. Tant fe monflroit
dtrcoflédroift,effoitd'vne feulepiece de Saphyr : celledn fertilité d'Efme- beau & p crfeâ en toutes chofes,qu'onques ne fut veu fort femiilable. II efloit
raude:la tierce de Turquoife,refemblant de coleur afin azur :& côbien qu'elle ceinâparle bas d'vn feuillage lot mollé de petiz enfans & nionftres are .
ne 6rt
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE. rz7
braflins l'vn l'aune en ades puériles, raciales toit ans & ni on tans paria y le & affcdion aueuglee de v eon la dceffe V cnus,je rompy la belle coltine :& en
feuillage, fi nantrelement & tant bien exprimez, qu'il ne leur falloir que la ceftin4antntefemblaqueicveyPoliacltangerdecoleur, &Cet couloir en
parole . Doffus le forts de celle vouhe,droiEeement contre le mylieu,etou cri- fou courage. Acienc me fila plein ntanifei}cela hnaiefléde la làinde deefre
c haire en vn baron d'or, vu ECcarboncle en forme ovale, de la groflèur d'va qui febaignoir en la fontainegarnyedetoutesles beaultez que nature peult
cerf d'Autruche. Au petit mur fouflenant les colonnes, entaillé cie la me(nm imaginer. Auffi toit que i cri mêle mes yeux fur ce chant obieEt,& ton>, d'vue
pierre noire du pavé faiCt a fepr faces (comme diCt efl cy déifias) efoient en . veue tant inopfnce,Polia & moymcuz d'extrentedoulceuy& d'vu plaifir lô-
graueescertaines lettres Greques ntaiu(cules,compofeesdelaneufiemepar- guementattendu,dentounulles coin nie ranz, hors. d e cognotffance, & quafi
tiedeleur quarré,c'efl a dire que leur groffeur auoit vue nenfieme de leur en ecftaCe,p Icins de peur c cèle crainte grâdc,au moins moy par efpecfal,pour-
banlieue. Elles citaient emplyes d'erg& , pour leur donner infixe fur le noir: & ce qu'il me vcint en menton e la piteulé fortune du goure Afteon,lequel pont
fi bien adiouxtees, qti elles y fentbloient effre cCccites d'argent moulu eucc v n avoir v eu la decfl è llianc Ce baign cr nue cn la fontaine qui efl au val de Gar-
pinceau . En fvnedes faces y allait feulement deux lettres, & a chacune des gaphie,ftrcparelle muéenCerf,& incontinent deuoréde les chiens : Carie
autres,trois,& difoienrce qui (enfuit: doutoic qu'il m'cri adueint autâcLa deefre Venus eftoit iufques au deffus des
handtcsenl'eau de la fontaine, tant claire & fi fabule que toute la forme cil
1:e .%EP 7PINAXP . .1,O,Oa . de fort corps fe fournit difcerncr félon la perfection du naturel, qui
La dcleftation ait comme vit dard clbncellant . contre l'ef%ftdetoutes autres eaues,lcfquelles reprefentent au double tou-
tes choies plongées enleurltumeur,les rendant plus groffes,courbes, dif-
Chacune des fcpt faces avoir trois piedz de long,& depuis les baies iufques formes,contrefaifttes,ouchantantes deleurentier . Davantage celle eau tan-
al'architraue,yen allait fept demeli¢e . Certainement celloit vu courage doit vue petite cleume au 15g des riucs,fentant ainfi que le Mufc fondu avec
admirable, &penfe que n'en difant autre chofe,fa dignité luy fera ancolie l'Ambre,ouipeupres.Laeftoitafliz ce corps celefte,refplendilfant comme
gardee,que d'en difcourirplus longuement, vert q u'il cil trop meilleur me vu Elcrboncle expofé aux raiz du Soleil .Ses cluueux eftincelloient comme
taire, qti en cuydant déduire cafte cltofe a droiél, ie defcou Lire raton ignorâce periz filetzd'or,& cfloient entortilleza l'entour de fort front,puis pendans
dcffusles efpattles,ou ilz faifoient vu gracieux reply, & de la defcendoient
& rudeffe . Entre la colonne de Saphir & celle d'Efnacraude,y auoit vue cour-
iufques a l'eau,fnr laquelle ilz nageaient tout a l'entour de la deetle,gni aucit
tine pendue a boucles d'o r,paffees en laffetz de foye, fi belle &tant riche qu'il
en fatefle vu chapeau de fleurettes, meflecs de pierres precieufes,les yeux
me fenrbla 9 nature l'allait faine expreflémér pour eu couvrir les dicux :tit la
amoureux& ryans,les joues verntcilles,la bouche feula & delicate,le col
matiere effort exquife.Sanspoint de double il n eff pofrble z homme l'expri-
d roi&, rond, & vny, la poiQnne relcuce & polye c6uae Albaflre, les mam-
mer. Ce nonobf ât ie puis bien dire qu'elle alleu colour de Sendai, tiffue a bel-
tuelle, rondes avec grand efface entre dettx.Aux oreilles luy pendaient deux
les fleurs,entremcflecsde quatrelettrcs Grequesfaiftes en broderie félon la
~rodes perles aiientales,plus belles &plus riches que ne furentiantajs celles
manioc enfuyuante:
YMH N. dcliRoyneCleopatri .Atelle beaulteienefauroyetrouuerque comparer
en il c les Il unams,car de fi noble viiô ne peuuér ioun lion les dieux glorieux
C cil a dire, &celeies .Eotrelcsioinduresdes degrez croiflôitla belle fleur enlaquelle
fut jadis mué fort amy Adonis : & au coffé feneftre l'herbe appellee Thé- r a,
La petite peau dont l'enfant cil entortillé dedans le ventre de fa mare . "
1y > & ait dextrel'Arfenogone.Autourdeladeeffevolletoientplufieuagué
p etiz oy Ccaux ;qui mouillaient leurs becz dedans les claires vndes,& en arro-
Celte courtine ciblai tireedéliant lafontaine,pourcollant cequ'il y auoit
lbienrcecorps chant civueplayc menue a gouttes rondelettes,gni raflera-' d'a
defroubz:& afin quelle faut otmerte,Polia &moy eflans a genoux détient
bloientperlesorientales .Acoftëd'elledtoitdcboutfabônc& loyale feruate
Cupidonoftremaifire,ilbailla fi fleched'or alaNympheSyncfhe,luyfajfant
Periftera .Horsdelaf6taine aucoflédroit furlepatte yallait trois autrespu- P, a
"
.7-
flgne quelle la prefentaff a Polia,pour en rompre & défiler la courtine :do- cellesioin~ceséfemble,ambnfsâtfvnefaune,deuxdefquelles,Eurydomene y dom
quoy labelle Ce moufta aucunement mal contente,& Cembloit qu'elle le feift & E uryntene,efloiét tournées deuers nous,mais la tierce Eurymedula nous lil-"
mal volontiers, ténue fil luy eufl deCpleu d'obeyr aux fainftes lohx d'Amour, ntonftroitlesefpaules&ledoscultucrcdeletblondzcheveux .Cespucelles ,
aufquelles défia écftoit afrubicdie : mats cela 1 ti y aducnoit p timidité virgina-
accompagnaient touGours]a dceflc,laquellereliait d'vne main vue coquille
le ioindeafaillite d'experiéce . Lors cegranddieu voyantcela, leprintvn peu
pleine de rofes,& de l'autre vu brandon ardant . Loti defcendoit dans la fort- ~rt,m
afoubzriri&derechef commandapar expres a ladide Nymphe Synefte,
raine par fix degrez,for lepsauce defquelz les colonnes efloient plantées . . .....
qu'elle laconfignaflaPltiledepour larnapporter,afin queïenmeifrca elfe& peau efloit jufques au quatrieme.le .s deux P remiers d'Agathe noyre camelot-
ce que Polia n'niait entreprendre .Incontinent que ce chant inflhtument fut en- tee a vndes blanches des veines de la incline pierre,efloient a Cec ou hors de
tre mes mains,fans vfer de contredj&e ou refuz,eflât prefP panel ardit defar, Y
& afre-
LIVRE PREMIER DE P0 L1PH1LE. 128

l'eau . Sur le premier degré entre deux colonnes efloit affiz vu jeune dieu Critoe,puisvous quatre accompagnez infeparablement &atorfionrsnollrec"'°°-,I°^'.
ioyeux en regard,& femblant du vifage vue femme voilage, la telle cornue, bonferuireurPoliplrile,queievous recommande & encharge.Entretenez
& fa poittrine defcouuerte,appuyé fur deux Tygres,& corôné de feuilles de cesdcuxperpetuclententenamourmutuele, fi bien qu'il n'en viénepointde
Vigne auec les raifrns.De l'autre collé y auoit vne noble matrone (eant a fou faulte .SurceladeelCearadelacoquille qu'elle tenoit,deuxanneaux, en cha-
aifc,coronnee d'efpiz debled, &accoudée furdeux fcrpens . Chacunde ces cun dc(q uelz efloit enchaffcevne pierre dite Anteroté, & en donna l'vvn a
deux per(onnages teneur en fan gyron vne boule de matiere tendre & molle, Polia,&l'autre a moy,nous commandant & enjoignéc de roufours les per-
defquelles par inrerualles diflilloit goutte a goutte dedans lafontame,vne ter,& n'enfraindre fon commandement.Apres elle tourna fa face deuers Po-
doulce liqueur ferrant d'vn petit partuiz fard comme en pupillon de mam- lia,& luy dit amyablentent,Iete donneray aufli quatre de mes feruantes,leC-
melle,&fe gardoient fongneufemeutde mouiller leurspiedz dedans l'eau. quelles ne partiront iamais d'avec toy,ains tiendront main a la confirmation
l'efloye la devant a genoux quifi comme tranfy &tout troublé de mon en- & feuretéde ton amour. Adonc appella des treilles Adiachoriffe, auec Ces
tendement, doubteux de ce qui m'efloit prefent , & ne pouoye bonnement r~ ~,râd..
troys (eurs,Piflinic,Sophrofyne,& Aidofie,aufquelles enchargea de 1accô-
imaginer commengpour quelz merites,en quele maniere,ny par qude félici- gagner,di(anr :Nelaiffèziamaisceflecypourquelquechofequraduiennc .-°c p -
té d e fortune cefie grace client advenue a mes yeux,indignes de veoir fi haul- faiftes quelle foitornee de la plus ferme & cordiale amour qui onques fut, gg,~J
te excellence de diumice & des myteres tant fecretz .Toutesfois en fin je pre- tant qu'il en foie memoire perpetuele . Dônez auffi ordregtfelle obeyffe a na-
fumay que c'efloirpar la feule volume des dieux inrmortelz, le gracieux con- mre,fanslafruflrerny frauder de Con deuoir,ainsquelle foffre & prefente
fentemét de Polia,& l'interceffion de fies fainéles prieres .Sur tout me defplai- pour oblation agreable,en toy pure & fyncere,a fon vray amy Poliphile, &
foit qu'entre tantde perfonnes rhumes, ie me trouroye vn lourdault, mal foie prompte a cordialemét le defirer,& indiffolublement aynter. Inconti-
vetu,enuelopé d'vne vieille robe pelée, pouce tout on 1tre, & de nulle valeur, nent que ces Nymphes eurent entendu le commandenaét de leur dame fou .
differententoutes qualitezaceflenoblecompagnie . Neantmoins te louoye uerainc,elles vindrent a nous,&.baiferét chacune le perfonnage qui luy efloit
fecretement en mon courage la bénignité dieu ne de ce qu'elle auoit permis a enchargé,nous fefloyant de gracieufes parolles pleines de toute doulceur &
vu homme terreûre veoir & contempler les Brans dvefors de la nature. Les larunanité: & confequemmentnous prefenterét leur feruicepar trefaffeaneu-
Nymphes des treilles perfeueroient en leurs clarifies & chanfons,menant vne fe counoifie.(uand la Deeffe eut fine fon propos,fon filz encocha vue faget-
perfide joye pour la viftoire q leur maiflre Cupido auoit obtenue fur nous. te,&enfoncafonarcdetleforce,qued'vnemainiltouchoitfanrammelfr,
Ce pendant il fembla(ce eroy ie)a la deeffe que l'heure efloit commode & le & de fautre le fer de la fleche :puis desbenda fur noirs par vne tele puiflànce
temps venu de donner ordre a noffre affaire: parquoy elle feit frgne aux in- que poffible n'eut la réciter. A peine eut il lafché la corde, que je fenty gaffer
ilrumés qu'ilz ceffaffent,& que tout fe teinfl en frléce : & adonc fe tourna vers la vire tout parle travers de mon tueur,& d'vu m efme coup (elle eflant en-
nous,difant :Polia ma loyale feruante,tes bons feruices,tes humbles facrifices, tures toute rouge & fumâte de mon fang)donner dedans l'eflomaclt de Po-
&tes deuotes oraifons,ont merité &obtenu que je te foye propice,voirc que ha,ouelledémontaficherapres m'auoir nauré d'vne playeen laquelle n'y
ie te face digne de ma bonne grace . A cefle carde inclinant fauorablement a anejt plus lieude medicine,remede,ou aucune gucrifon. Ce fai&,Cupido
tes raifonnables requefles, ie les verni liberalemerre recognoiflre & guerdon- fapprochadePolia, &retira fa fleche qui fortort a demy. Puis lalauaen la
ner,en acceptant les fo lenneles ceremonies par lefquelles tu m'as voué, d6 né, fontaine,pour la nettoyer de noflre fang clôt elle efloit fouillée. Helas,helas,
& dedie ton crieur . C'eft que ton amy Poliphile qui cy cil, également e(pris ie fi a cc coup tant cCpris d'vne ardeur exceffme qui fe reCpandit tout au long
& enflammé de ton amour,fera compté au nombre des vrays,loyaux, & bié- de mes veines,que t en devins obf dqué de mon entendemA.Ce neantmoins
heureux amans,purgé de toutes condinous vulgaires & baffes, en fenrble de je me fenty ouvrir le tueur,& y engeance la figure de ma mieux aymee Polia,
tous defaultz & turpitudes, fi aucunemét y efloit encouru :puis telemen[ pu- ornée de Ces vertuz pudiques &louables : &fut la ttaflè tant profonde q uil
rifié de ma fainâerofec,qu il te fera pour tout lamais prôpt, obeyflânt & tref n cil poffible [effacer, ains cil vue chofe necefiàire q l'emprainte y demeure
affeâionné feruiteur,apareillé a tous tes commédemens,plaifirs, & voluntez tonte mavie, & quemadanreen prenne poffeflion tele que nulle autre n'y
licites,fans jamais defobeyr ny aller au contraire : & vous entraymerez fvn puifièjamais auoirpart,nonfeulement ypretendrefeneree .Surmoy n'y eut
l'autre de tout voûte ment &penfee,vfancledemourantdevoz vies en en- (cerres)nerfnyartere quidecefeun efeuflbruflécomme vnepaille feicbeau
tiereprofperitéfoubz maproteftion & fauuegarde. Et afin que l'amytié de mylicu d'v ne grand fournaife,en forte que quafi ie ne tue cognoiffoie plus;
l'vna l'autrefoit réciproque ainfique vous le defirez,ie veuil donner a toy & penfoie offre mué en autre forme . Auffi de fana ie vacilloye pourrie po-
Poliphile quatre des Nymphes de ma fuytrepour taccompagneriu(ques au unir comprendre en quel eflat efloit mon coeur .Si efl ce qu'il me reuenoit én
bout,& ce douer de leurs verurz,afin de magnifier ton hault courage,& le ré- memoire comme l'Hermaphrodite tenant famye entré fer braz dedans vne
rire ronflant en J'amourdePolia
_ Adoncelle enappelladestreilles vnenom- fontaine, fe fentit & appcrceut de deux corps devenir tri (cul . Dont mon
mec Hf&ldihidf
mecenore,uyt,PrenauectoyAmonorexe,&Pronte,arecaleur poulx efloit altéré,& re(piroie a grédes Iralenees,ne plus ne moins que celluy
Critoe Y ii
LIVRE PREMIER DE P0LIPH1LE . raq

qui en do rmétfongeefhreproMou clrarged'vn fi priant faix qu'il ne pcu!t


bonnonent fouffler,parquoy en fe reneillant tire Con vct a larges randéaeea Poliplhile raeompte comme pour
Bien roll apres la dec(ie mettant Ces deux mains en(enable enfacon efv LA VENVE DV GRAND DIEV MARS, LVY ET P0-
vaiffeau creux,puifa de l'eau de la fontaine,qu elle ieâa Cur Mous, fi qu e nez
corps enfurentarrofez,afin(cémeiecio), )denouslause &puriherde toutes
f
lia pa rtansduthcatre,viiidrent .auneautrefwitaine,oulesNyn :pbeslune
declairerentlescao/hu,nesuinffdutiondu fpulclred'Adonis,auqucl
autres af%flions luunaines.lncontinent que te fit tu riche de celle liqueur tal-
lee,mon efpritfefueilla, & me rendit en ma commune cognoilrance :dont
f V cures ucnoittous les ans celebret l'an reuolu,py antres
la deet
Moires : pour requirent a Poli, de leur dire f n origine :
toutes ni es parties intérieures qui choient actes & builecs,furent redonnes en
E7 en quels maniere elle effoitdeuenue
leur premier effar,fi qu'il me Cembla retourner en moymefine,renouuellé & amoureuf.
reformé en plus dignes conditions &qualitez qii anparauansou bien relui-
citer de mort a vie,ainft y iadis fut le châle Hippolyte auxprieres de la claire R nous parti fin es du Thcati c en la mari iere que
diâ efl,claâgez en riotnmlics qualitez,& fortunes
Diane.Les Nymphes auCquelles iefloy e reconiinadé, me defpouillerent ma
pouce-robe vfee, & m'en v élurent vite neuue toute blanche,beaucoup meil- parla incline porte parou nous eflions prenne .
renient entrez .Là trouuafnms nous cncores toit-
leure &plusbelle que la mienne acconhumce . Ainfi donc apres que nous
tesles Nympliesqui auoient accompagné le tri-
feumesalrcurez& acertenezdenoflreamour,recreez,confolez,refaidz &
remplizdelyeffe,lcs Nymphes nozgardiennes nous firent entr'accollcr& uniphe. De ma part i'efloie tout efpris de ioye &
d'arriytié qui choit grandcmcnt auget entre en
baiferl'val'autre :puisnous buferenttoutes,ennous receuàtenleurtreffainft
nioncueur,ayantoublyé to utes peines,douleurc
college,au feruice & ouvrage de la fecéde natte re . Adonc la deefre iedant fur
&tuelancholies Paffees,nais en art ter e tous en-
nous vit gracieux regard,dtt &déclara aniyablement aucunes ebofes qui ne
nuyz,&aflèuré toutes tees penCces ait paratsant
fepeuuent ny doivent referer,& qu'il ricil latte divulguer au commun, con-
fidercquelles concernaient la céfirmation & corroboratiô de noire amour, incertaines & doubtenfes,tantque ie ne faifoye plus de difficulté en l'amour
de Polia,a laquelle in 'eltoie refolu de fera it & entieremont obeyr comme a
pour voir & conioindre noz tueurs en v ne feule volupté, foubz l'obeiflànce
de Ces loixfruftueufes, & tneneren longue vie pare & perpétuelle amytié, ma fin guliere dame,& vniquc maiflreffe:voire I aymer plus cherement que
meCmespour nous rendre fernies,conftans & affc&ionnez en fort feruice, mon cueur,ou ma propre vie . Toutes ces gracieufes Nymphes fi, mirent a
promettant fonaide,faueur,proteétion,& defence,en tous les accident && l'entour d'elle&demoy,nous environnant d'va beau cerne,& monffrant
avoir grand plaifir de ce qu'actions fi bien obtenu nehre intention, & or-
contrarierez qui nous pourroretpar fortune aduenir . Cela faiéi,encoresnous
comply nez volvntez, mefines due nous giflions arrivez au vray but de
donna elle Ca trace & lèinae bcnediftion .Pins cri cefl inflât forcit de la porte
raflaree(perance,findenozdelirs & Couhaitz .Pui .s nous mentirent comme
d'or afzeaudeffoubzdela premiers tmdle,vn gencirrnre,qui defcendit les
par e(bat,veoirlesbeaux lieux del'ifle,enmertteilleuxpaflètemps& foulas.
degrez,venant vers la fontaitu,furicux en regard,et audacieux en contenâcc,
mais divin en maiellé,& de dignité venerable,giàd tira corpuléce, les erpaules Ce pendant nous paffions au long des allers comparses dans les touristes,
cornettes deverdure perpétuele,&clo(es parles deux collez dvne (raye
larges,l'eflomach crie ué,les milices groz & fortz,la telle couucrm d'va cabaf-
Cet a crefle,enuytonné d'va chapelet de fleurs. Il eftoit venu d'vn riche corfelet de B :rys e(poiffe, ayant troys bons pas de haulteur, de laquelle de dix
fumptueuCement trauerfé d'vne efcliarpe,alagpelle pendait vit cymeteirc en dixCorcoitvu GeneurierouvnMyrte,entrtmehez,delalraultcut de cinq
pas cliacun .vray eh qri il y auoit d'autres paffiges fermez de marbre de ferrs-
perfan garny d'or & de pierreric.11 tenait en fa main droifte vit leau, & de
la gauche vit cfcu d'argent,anec tous les autres ornement & enfeignes appar- blable laaulteur,mais l'e(poiffeur ri client duc de deux poufces & demy s tout
percé a iour en facô de treilliz,taillez a fleurs & feuillages âtiques, mefléz d'é-
tenantes a vit bon Soldat . Aptes luy venait vit Loup tout grongnant &
trelaz A ra b c Cqu es,atrauersle(quelzpallbiétpluficurstettonsdcroGcrs,tao-
rechigné,quelefuiuoitpasapas . uandilfucarriuéalafontaine,foudainfit
niz de Heurs,fr proprement ordonnez,qu'ilz,en rien que ce fc ufl, ri cntpcC-
peint a defarmer,et IaiCsat ton hamacs dehors,Cen encra deuers la dce(reaaylle
choiétlavcuedel'ouurage . En celle manierenon, pronicnoicnt les nym-
a l'arriver le baifa & ambraffa cordialement Le recueuil fut grand entreux
plies,toufronrs nous tenant parles mains: & apres plufteurs propos meuz &
deux,&fentrefirentvnecherecharme . Ccvoyant les Nymplaes,fenclinerent
décidez fit d'vne part gtre d'autre,aucanes d'elles dirét a Polia,que purs qu'el-
humblement :puis leur faifantla rcuerence,prindrent congé, &nous auf ii de
le & toutes celle de la compagnie auoient v n chapeau de fleurs Cur la relie,
mefme, rédans traces a la Ltinde deefC< au moins mal qu'il nous fut pofible. die m'e n 'leu ait cueuillir vn,afin que ie feutre de leur buree .A ces paroles Po
Ainfi departimcs du lieu, la laitrant prendre fer foulaz aucc Ion filz,le gen- lia fendina deuers terre pour prendre des fleurettes, & plufieurs nymphes
darme,&autres qui faiCoiét leur refidcce continuels a fentour de la fontaine.
pour luy ay dcr tèirent promptement le CemUlable. Et apres en avoir fuffvfam-
Poliphile Y hj
LIVRE PREMIER DE P0LIPHILE. r, o
ueur,
mentamalre,Polia lesaffembla induflrieu(entent envn chapeletde bonne en long & en largeur dix poulces.l a haultenr en avoir autât,fans les mcu-
grace,qu'elle lys de des clreueux luyfans comme fil d'or parmy celle verdure : luresquielioientau(üdecingpoulces,dontlesdcux& demyefioientau bas
puis lerock &pofafurmatelle :&ainfinous enallanses elbatantparlesprez vers le plan du pavé,& le reffe appliqué au haulc .La eiloit(a ce que les Nym-
& bocages,au long des ruyfreaux & £ontaines,a fvmbre des allees couvertes plres nous direnr)enfcu ely le veneur Adonis,lequel eflât a la chapé frit tué par
de RoCes, Genfemy, Pervenche, Citrons, Romarins, Myrtes, Claeurefeuil, vncruelSanglicr : & lelicu propreou la deelfc Venus fefgratigna la tiydl-e
& toute autre maniere de verdure,garnye de fleurs a ce côrnodes, difpofees entre les rofiers,fortant de celle fontaine toute nue pour le fecourir a fon bc-
& unies par ordre, chacune a part, & cri berceaux feparez,pour le contente- foirtg,vniourqucMars efpris de ialoufre le battoir ou ltragcufement . Celle
ment de Iceil,nrefmes de tous les fentimens,qui eflorent(fans point de doub- hifloire cfloir eirtaillee en l'vn des coflcz du fepulclare,& pareillement Cupi-
ce) invitez & proueqnez de la beaulté du lieu, & de l'air tant doux qu'on de qui receuilloit cri vue coquille le fin g de la cu yflè de fa mure, & le mettoit
ne fauroit mieux defirer.Finablementnoirs arriuatncs a vue autre Fontai- dans le tumbeau avec le corps .Contre le mylicu y avoir sri grâd rond de la-
ne belle & claire, faillant hors d'vue grollè fonrce, en clofe de grandes pier- cynche,enuironné d'vn chapeau de Myrte contrefaift de Iafpe verd, conte-
res de marbreblancpoly & luyfanude fa nature fans aucun fard ny artifice : nant la ltaultcur du fepulcltre .
l'eau de laquelle faifoit vu petit ruyfreau , murmurant autrauers d'un pré
fleury,bordé par les rires de toutes les herbes & fleurs qui fuyuét l'humidité.
Toutleparterre d'alentour efloitcouinent de Camomille & de Pervenche,
entremeflees suce leurs fleurs blanches & azurees , fi gracieufement vines en
nulle egalité,que de loing Cembloit vn tapis de verdnre,ayant quatre bons pas
de large. Aptes y auoit vn bocage d'Orengiers & Citronniers fleuriz & char-
gez de leur fruiel,contenanttrente fix pas en rôd,tous d'vue haulteur & groG
feur,feparez par diflances egales,rant que des brâches de l'va a celles de ton
procham,y scion vu pas de mefure,afin de recevoir les rayons du foleil,et que
la veue du ciel ne feufl totalement empelchee des feuilles, a ceulx qui chemi-
noientdclroubz .0ulne cela encores y auoit vis antre circuit de Cypres, &
conCequemment des Palmiers,aucc leur fruifl leparé du premier, par vu pré
femédcMariolainemenue,largedequatrepas .Lafontaine efloitaumylieu
faine a fix angles, contenais entendeur douze pas,dont le demydiaure-
tre durond fait l'vn des frx. Le boys d'Orengiers efloic clos par dedans d'vn
treilliz de boys de Sandal vermeil, de la haultenr d'vn pied & demy,percé a
ic ura clairesvoyes,enfacon d'vntreilliz,tailléafeuillages d'ouvrage moref-
que d'v ue excellente inuention :par levuyde duquel choient entrelaffees des
plantes de Rofiers & de Genfemi,fans rien couvrir ny empeicher la veue du
riche ouurage :&parmy les arbres toutes manieresd'oyfeauxcharters, com-
me Roflignolz, Calâdres,Paffes folitaires,Linottes,Serins,Pinfons,Cltardô-
netz,&Tarins. A l'entreeioignant lafontaine etoit vue treille suffi large
que l'vue des fixfaces deuantdr&es, &autant harpe en maflbnnerie . Le de-
mourant atout deux pasde haulteur,afauoirvn pourlcplomb ou perpendi-
ele,& l'autrepour la voulture.fa longueur en auoit douze.Ce qui deuoit erre
drboys en la treille, efloit de fin or.Mais les rofes dont elle efloit couverte,
efloient natureles,toutesfois trop plus odorantes que les communes . Le pané Dedans le rond efoienerapport- de grandes lettres d'or, forgees & li-
audeffoubzefloitfaiflen Mufaique,de pierres precieufes de toutes les co- mecs,ioinftes fans clou ny fans c ;" ment,mais par vis art quine m'efl pas cou-
leurs que loi fauroit imaginer,figurces en belles hifloires. Au Ibg des coflie- gneu,&difoient,IMPVRA SVAVITAS. uivattltautétadirecô_
resde la treilley atroic des fregesde lalpe,faidzamoulures,haultzde fepr ire defhonnefle doulceur . De l'autre collé efloit Mars battant le fufdiû
pou'ce', & larges de Gx. Puis au mylieu du pavé foubz la veille y auoit vue Adonis,& en la face d'aptes Venus for tant de la fontaine . Puis en la quarte &
riche depulmra,deuant laquelle les Nymphes fenclinerent faifanr vue grand derniere partie fe porcin encores venir ce medme Adonis gifant mort au my-
reuerence,&Polis & moy fenablablenacnt.Le ntmbeau côteuoit cinq piedz lieu de fus chiens,& a l'entour plufieurs paiicurs qui le regardorécA les piedz
cnlongucur, Y niy
PREMIER DE P0LIPHILE .
LIVRE
efloir abbatu le Sanglier qui l'auoit tu é par fuir . La deefle Venus te mouflroit
Non lac feue pu er,lachrymas fed finis amaras
la pafmee, Cou flenue fur les braz de trois N yniplies qui ploroient au e, cl le,&
Cupido luy efuyoit les yeux auec vil beau bouquet de Lofes . Entre V colis & Marri reddendas ob dulcis Adonis anaorem.
Adonis y anofr vil rond f emblable au precedent auff bien en manicle com- ïexpofy en culef rte :
me enouurage:mais les lettres dont il elloit orné,ne contenoient linon que ce
Mot grec, n a n are, qui fignific Volupté . Ce piteux cas efloit fi viuematt re- Cruel enfanydu tetin de ta lutte
prefenté de fculpture,qu en le regard :ir force fur que les groflès larmes tum- Ne fuffes laift,mais mainte lai me amere,
ue luy rédras pour pleurer ferme &fort
baffent de mes yeux .
Lecofléd'enhaultdelamaffonncrie elloitpofédroin a plomb du bord Son Adonis en fa fleur d'aage mort.
de la fontaine,& au mylieu elloit creufee comme vile petite cauerne entre les
pierres qui fembloient entr'ouuertes,& au dedans vil grid ferpent de bronze
ou de coyote doré,fortant du foras de la cauerne,& fie coulant deffus le ventre,
tout tortu ainfi que par vndcs .la telle eftoit vil peu hors du pertuys qui rcn-
doit l'eau dans le badin : & l'auoit l'ouraricr ingenieux foi& expres courbe en
celle forte pour modeler &retenir le cours de l'eau qui efloit trop roide, telo-
mentque fi elle enfi trouué fora condulà & le tuyau droid,elle fitt faillie
ouhre les hors du baffm . Sur le Mbeau efloit releué en boffe la deefe Venus,
grande comme le naturel,d'vne fine pierre de Sardoine a trois colcurs,affCe
fur vue chaife antiquc,en forme d'vnc femme nagueres releuee d'enfant . Le
corps de la deeffe efloit taillé tout nu,d'vne veine blanche rencontres en
L'onyce, &feulement garny d'vn petit linge, efpargné d'vue veine rouge
prouenue en la mefme pieae,qui luy couuroit le deff~ubz du nombril, auec
partie de la cuifle.vray efl n 'il pafloit fur la mammelle droifle, qui Cembloit
quafi le repoulfer . V enus l'auoit ieElé fur ion efpaule,fr qu'il pendoir par der-
riercfurlafoncainc, del'autrecolléiuCqLies anbasdeConfege .Ccrtaine-
ment il elloutil Et & drappé par ft bône induflrie,que par deflônbz Ion pou-
t'oitseoir al'ayfetous lesmufcles,ioinEtores, & mouuemensdclapedonne .
Elle tenoitfon filz entre les braz,gui te¢oit la ntamnaelle gardant fa
mero,& elle luy,fi gracieufemét que chacun y prenoit grand plaafir . Les ioues
de la deeffe & de l'enfànt,enfemble le petittetin, efloient vil peu colorez de
vermcil,a l'ocafion d'vneveinede la pierre qui feftoit trotutee a propos .
C'efloit (croyez)vn ouurage excellent,& (pour bien dire miraculeux , car en
ces deux corps ne defailloit que l'ame. Les claeueux de la dceflè choient de-
partizpar vile ligne droitte faible fur le ni ylieu du front,crefpclcz au long des
temples en forme depetitz annelletz,puis liez pat derrierre en vile poignet,
efpars de la en bas,en defcendantiufques fur le ftege,ou ilz efloiét conmac re- Aptes auoir ainfin reueréntent falüé la deef%,nous fortifnes hors de la treille.
tenuz&atteliezenpetitesvndes percecs a iour,toutle poil efpargné d'vue Adonc les Nymphes c6mencerent a nous dire : Sachez que ce lieu cil fainft,
veine de L'onyce,propre & conforme a leur coleu r . Elle auoit le pied fenefire & remply de myftere,grandement celebré partout le monde : car noflre bb-
vil bien peu retiré vers fort fiege,& l'autre avancé iufques fur le bord du ttma- ne maiftreffe y vient chacun an le dernier tour du moys d'Auril, en compa-
beau.La les Nymphes Cageuouillant baiferent ce pied en grand Leucate, par finie de Cupido fora filz. Puis y font procelron folennele, &auec eux toutes
nous
dcuotion merueilleufe . Polio & moy ce voyans nous mifmes a faire l e fera . autresgmvoluntairement nous tommes a eulx adonnées,a(Iemies &
blable :& en ces entrefaiftes le vey qu'en la comice du tombeau, au deffoubz affubgeaies, ne voulons faillirde nous trouvera celle pompe tant exquife.
dupied de la deefre,efloient efcriptz & glanez ces deux vers: Or quand nous y Comores arriuees,incontinent elle cômande a cueuillir tou-
Non lac tes les rotes de ]acteille,& les ferrer fur le tombeau : puis nous partons de celle
place iufques au lendemain premieriour du moys de May,auquel reuenons,
LIVRE PREMIER DE POLIPHILE. rya
&trouions les reflets tous fleurie , chargez de lofes comme pai allant, mais uicc de Venus la deefe.La grace de voftre maintien,voz meurs vermeufes,&
elles font decoleurblanche. Lehuidiicmeiourenfuyrrantnous y trio Li morts labeaulténompareilledont nature vous aornee,nous caufenrvneglande af-
crie [adeeffe nous cômandc amaffer toutes les lofes qu'a
de rechef, & ad uios feftiondefauotrlacaufe&l'originedevoz bienheureufesantours,enfenable
cCpandues fur le cercueuil,pour les iefter dans la fontaine, d'eu elles C'en vont voftre noble race,laquelle nous efiimons de lieu hault & illuftre . Car cela fa-
anal feau,emportees le long de fort cours. Ce faiEt,elle entre en fort canal pour Lions nous certainemét de vous,qu en efprit, hbnefteté, fageffe, &bbne grace
fe baigne r:pms cil eftant yflue, va ambraffer la fepulture,en commemoratio n vous eftesaccomplie & perfefte .Si nous Cemble que la belle forme de vofire
de Con anty Adonis,plorant & regrettant fon trépas,& nous routes socques corps ne foie totalement terreffre,ains allons des indices qui nous font juger
elle,renmmorant commea femblable unir il auoit efté battuparle dieu Mars, qu'il yaquelque chofeparticipant deladjuinjté. Parquoy cenousfera grand
& Ceftoit la deeffe entre les roCrers piqué la cuyflè d6t nous auos bai(éle pied, plajfrr d'ouyr & apprendrede vous les qualitez d'amour hunaaine,les peines,
aine "elle acouroit toute nue Coruic de la foraine pour le etilder fecourir a CS les repoz,les plain&es,les contctemens, les peurs, les hardjeffes, les crainaes,
bccoin Voylapourquoyelle fait chacun anateltour ildeffus,ouurirlatübe & prefumptions,Ie deuil,lesioyes,l'oubly, le Couuenir,le fuyr, le chercher, le
du treiaffé pour faire vrac belleproceffion a l'étour, en laquelle Cupide arme hayr,& defirer,le blefutir, & rougir, l'cfperer, & le doubter, le vouloir, & le
grande ceremonic porte la coquille ou eftle fang de fa nacre, & nous allons
refuz, les petite defdaingz, & couroux, leshontes, & manicles incbftâter, le
toutes chantant. Lors la deeffe faifant l'office de Prieufe,prend le bouquet de parler tremblant,Iesparoles brifees&confufes,les doulces penfees,lesima-
rofes duquel fort file luy clfuya les yculxce pendant quelle ploroit autres du gmations confortatiues, & les iouyffances d'efprit, les ottroyz & conCente-
corps de Con amyque le Sanglier tua. Mais il fault nouer que ce bouquet eft
mens que les amoureux faignent en leurs ceruelles,auec auffi les plaifaras fan-
toufioursenbeaulté,fans jamais flaiffrir ny fwner: & incontinent que fou ges &fantafres entrelardees de foufpirs,dôr ilz Ce pouffent & norriffent . Def-
precieuxfang effmishors dufepulchrc,toutesceslofes blanches(cômevous 9uelles choies nous tenons affeurees que vous eftes fartante & experte le paf
vouez de prefent)Cout tainftes en coleur vermeille, & deuiennent rouges en libre:& fil vous plaift les nous deduire,celanous ferapaffer fans ennuy, l'oy-
vu moment . En celle ordrede proceflion nous faifons troys tours enuyron
flueté ou deprefentnous femmes.
la fontaine :& n'ya finonla deefCe quiplenre,mettant fuuuér a Ces beaux yeux
ce rouppet de rofes g, vous ont elle diftcs . Aine la proctllion finie, les Cainâes
reliques font retraites enleur repofitoire,&tourie refte du iour eft employé
en danfes,chanfons,& autres pafretemps .A ce jour peult on facilement jm-
petrerfagracediuine,&obcenirl'effeerdesrequcftesqu'onluyveldt faire.
A l'oppofite du tùbeau il y a cinq petiz degrez,taillez en la incline pierre,
par Iefquelz on defccnd au forts de la fontaine qui eft pauee de Mu(aique, &
en fort l'ean par vil condrùft Coubz terre,iufques hors le premier treilliz .
Quand ces belles Nymphes nous eurent entierement foi& ouyr ce mylere
tant folennel,& declairé fa ceremonie,elles recommencerent a former de leurs
inltrumés,& chanteren doulce coufique tout le di(cours de celle Irifraire bien
au long,compoCeen ryrlune,tout ainfi et parla nraniere qu il elloit iadis adue-
nu,danfant en rond autour delà fontaine durantquelque épate de temps:
Puis ayantachcuéleurlrarn,onm,Cenrejrontarepoferfurleurs genoulx en la
fraiche verdure.Et ie fans autre confideration,vfant de grande liberté a moy
non encores accouftumee,me ieftay au gyronde Polia,dcs llabitz de laquelle
,craint a mesfensvueodeur trop plus firaueque le baume,nytontes les au-
.lenteurs exquifes queproduiEtl'Arabie heureufe. Adonc en boutant Ces
a
mains blanches, & aucunesfois Ca poiftrine,qui euft Caler hontea PAlbaflre
& lunure, elle voyant que j'y prenore plaifir,ne m'en chautaucunemét efchar-
fe,maisf'approprioitatou .sleseffeftzquipeuuentinduireal'amour . uand
nous fumes donquesaffiz,lesNymphes mirent enallant quelques gracieux
propoz par maniclede confabulation,pour nous entretenir, Ce monltrfr fort
couuoiteufes d'entend re de noftre canditub & cf at,fpecialementvue nômce
Polyoremene,qui fauica de dire : Polio noiredure feur &compagne au fer-
uicede
133
LE SECOND LIVRE DE L'HYPNERO-
TOMACHIE D E POLIPHILE:
uandPoliaeutentendu la Nymphe Polyoremene,elle le leva incon-
tinentfurpiedz,auecvnmaintienvenerablc,lesiouesvnpet, teinftes dever- Auquel Polia & luy,l'vn aptes l'autre,raconiptent les el}ranges auantures
gongnelionnelle,prompte d'obeyr & fatisfaire au deft de la requerante,
& dîners fuccez de leurs amours.
voulant toucesfoys aucunement difnmler,commc fi elle cela elfe ignorante
de ce dont elle la requeroit.Mais elle ne petit fi bien feindre,q'vn petit Coufpir
a demy retenu, ne declarafl comme elle efloit frappce. Ce foufpir paffa veri-
tablementpar le travers de mon cueur,ou pour mleulx dire, du fien, a caufe
En ce premier chapitre Polia declaire de
delagvande côformitéquieflentre lesdeux,commeiladvient adeux Ruttes QVELE RACE ELLE EST DESCENDVE,ET
d'vn me(me ton &accord . Puis ieâa doulcement les beaux yeulx fur toutes cumule la ville de Treuiz fut efé edieeper fer anreeffres . Puis
les dames, & par humble afreurance avec vue voix baffement fefonante, en quele manioc Poliphiledeuint amoureux Pelle.
courtoifement les Calüa : puis ayant faiâ vue bénigne reuerence, fe ranfl de
recheffurl'lverbe,ouaptes vaepetitepaufecommancadeparler avait . E peu de g race que vous trouverez en mon par-
ler (nobles Nymphes & fingulieres) vous fera
perdregrandepaitaedu plaifa qui pouvoir eftre
en l'Ivffoire que vous demâdez a ouyr: car ie fuis
FIN DV PREMIER LIVRE DE feureque nia voixfembleva en celle compagnie
Junior le cry d'vu Cormorans entre le chant des
L'HYPN EROTOMACHIE Rofiignolz .Neantmoins le def'r que iay d'o-
beyr a voz requéffes gracieufes , que ie tien
DE POLIPHILE . pour commandemens,me feraprcndrevne hü-
ble bardiefFe de deuner en voz prefences fans
avoir refpeâ a 'non ivCufhf.uice :car certainement vous mentez d'entendre ce
difcours par vue langue plus eloquéte que la mienne,pour pervertir a I'efféâ
de voflre i mcnuon .Tant y a, que le feray grandement contente & Catisfaiéte
en mon efp rit,f par mon parler(conibien qu'il Cou ]oui d .& mal apris) te vous
puis donner aucune recréation :& efpere que ma promptitude a vous obeyr,
p ou rra bien efacer toutes les feultes qui me pourvoient interuen ir en ce fai-
fant .Puisqu'ilvausplaifl(doriques)entédrél'originedemesancefres,& ma
detinee en anionrs,laquelle au moyen de ma baffe condition, n'a peu peine-
vira la haulteur de voflre cognoiliànce,pource que petite chandelle ne peule
rendre Bran de lumiere : ie m én acquiéteray le plus brief qu'il me fera pofh-
bl e,vous Cupp liant que f' ce n'eff fi proprement comme il efl requis pour voz
preCc nccs,il vous plaife excuier l'imbécillité d'vné femme terreflre, peu exer-
citeeenrelz afraires .Et toy fairae fontaine ou repcfent les facrees ordon-
nances des fecretz de la grand deefre notre miiflrefre,Cur les rives de laquel-
le ic fds prefemement affi(e,entrc tant de Nymphes & Deel%s Heroiques,
les vifages deftluelles le v eoy nayueuient fgui ez dedans tes clairesvndes,dbt
tu es plus a libnorer:pard6ne moy f ie ne tc puis regarder ny autres tes fem-
blibles en liquetir,que mes yeux ne fondent en larmes, peintre qu'entre mes
predeceffcurs fco efl trouvé de telz,qui par difpof Lion divine ont elle muez
en pareilles fources,conimeiadizadvint a lamiferable Dircé,premierement
attaclieealaqueued'vnToreat'CunageparZethus &Amphion,enven-
ge9ce de leur encre Antiope, que le Roy Lycus leurpcre avoir repudiee pour
Z
LIVRE SECOND DE P0 L1PH1LE . 1ï4
famoutd'elle.Semblablemétals be1leAretluiCafuyât les amours du thune ainfr que a la miferabl e N iobé, ou a la dolente Atalanta, & a fort amy Hip-
Alpheus qui l'auoit v eue baigner dedans lits eaux . Aufïi Byblis fille de hLlc- pomanes,&pisencores,pourcequ'i l zcomparoient&prefemient en beaulté
urs,laglle refuCee de Con free Caunus qtielle a y mont delord onnemét,drfül la leurs enfans a noire maifirefre Venus : tant fut leur audace prefumptueufe &
toute en larmes : & a plufieurs autres dont pour maintenéc te laiflè le recrt,O tenanraire .Apres que celte belle progeme eut excédé les ans de fort enfance,
lamérable u âsformatron . O accident malheureux &pitoyable. O décret des leconamun populaire qui eftoit rude & greffier de foytnefme,pre(uma de
Dieux imnauable,infallible & ca tain .Te pourray le réciter en paroles fermes Morgane que c'efioit Il mefme Venus, & lu y édifia vn temple audeltoubz de
& entieresfans interrtiptiôde fou(pits?Me pourray ieablienirdeplaindre & de la cité ou elle fit tenoit :& ne fit moffroit fi non a certains tours préfix, quelle
lamétçt en ce lai nEt lieu de f<licitc,uatetdrft & défendu a tout deuil & vilieG fit laiffoit veoir a la multitudgqui sport sur fois chacun an feulement, enco-
fit,& auquel ennuyeu le ntelanclaolie rit incongneue aux habitans? N e forez res toute deCguilee,& en autre habit gu e le tien accoufiumé. Parquoy y auon
donc cfutemeillecs (O Nymphes bienheu renies) fi mon propos efi quelque lors vu grand apport & aflemblee de repeuple fuperf icieux,lequel y accou .
fois fyncopé,tant pour Ici egret des infortunes advenues a mes ancelixes, chie toit pour l'laonnorer,telement que tottfiours du depuis iufques a ce iturdhuy
pour la difficulté de mes premieres amours,elquelles vous entendrez vne l'appellation & le nom de Morgane la tee en eft demeuré a ce lieu . Et a rat-
cruaulté féminine effrange,& plus que befliale,perucn Lie a l'lie meule fin que fon deces idolatries, Cactileges, & deliféz enormes,perpetrez par ambition
vous voiez, qui efl la plus grâde, plus loyale, &plus perfefte amour, qui on- humaine, les dieux quitte laiflent iamais les oEenfes impunies,& ne permet-
ques fut entre deux cceatures. tenrtele infolencesauoircours,irritezauffidecequelescreamresm on d es
Au tépsquelesRomains dominoient ce que Ion petit congnoiffre de la fevouloientillicitement comparera eux,en vfurpantles honneurs qui leur
terre habitable, la noble maifon &famille de Lelius client en grand renie & appartiennent,rnefiueslatreltainfte dames lui qui nous fertrons,indigner de
renômee,côl}v:uee es eflatz principaux & liait [tes dignitez de la République leur remettre o ultrageufe,vfere rat contre culs telc qu'tlz foul-
par le moyen de Ces a62cs vertueux, &pour plufrcurs viftoires obtenu es toue droietcnt ce temple plein d'abomination,enfenible lepalais Royal qui en
lescnnemysdunom Romain. Or fanez vous qu'en celle cité impériale les ettoitallez piocltain,tantqueto u t futars & brouy,reduréi en cendre & en
homes preux er magnammes efloiét côdignentéc ren,unerez .De ceitc il luffre clrarbrïs :en memoiredequoy lelitu retient encores aprofent le nom des char-
race & maifon fortit vu nômé Lelius Syhrus,legl fut parle Senat envoyé Cô- bons,&£intitule Cafacarbona .CeficMorgane futtransformeeen vue fon-
ful en la région &marche Ti iuiCane,que Ion appelloit pour lors la grâd mô . . tainc,fifurent pareillement Ces Cents rrintia& Septimia, ainfi qu'elles cuy-
taigne,oudominoitvnricheetpuiilàntfeignentnomméTitus Butanichius, doicntfuyr :&Atlimbricabruleeafrezpresdes autres . En celle manierefutla
qui nsa oirdefafemmeRoaPiaforsvuefeulefille,belleentouteexcellence, maifon Royale damnolye,confumee,& renuerfee en vn monceau de charbôs,
&douce de toits les autres dons & perfeCions de nantre,appellee Triuife retient ce nom a perpemité. Et de la fort la petite Allimbrica, nmee en vu pe-
Calarche.1celluy Titras la donna en naariageace Conful LeliusSylirus, avec tit rtiyfteau . De intime punition furent perfecutees Aflorgia & Militait,
ladixiemepartie delacontrer Venitienne,qui efl vu pays encloz de mon- d'aura rat gn'elles Ce trouurrét converties en belles eaux, couraores cbme pour
taignes,enrofé de fontaines et ruiflèaux, gai ny de forenz,& terres bien ferti- refuge&afauuetedeuersleurlireLeliusSylirus,leyuelaufflfuttrnfm ue en
les,mefmes de toutes les autres commoditez requifes pour le plaifrr & vtilité humeur &maticreligtiide,&yuiaugméte&accreudefesfilles,faitvnetref
de Ia perfonne . Les nopces furent folennelemét & Cumptueufemét celebrees, belle riuiere,arrofàns encores auiourdhuycelle ton tregeflàt d 'vue prie de fort
& le mariage conComnaé,inuoquantles deeiles Zygie,& Lucine,gtii rclen,ét nom appellee Sily. 5ébIablemét fort efpoufe Triuife Calardie avec Titus Bu-
yfauorizerét,quilenprocedaplufreursenfans tâtmaflcsquefenaelles :laifne tanichiusfon pcre et fon ieu n e frere Caliâ,plorâs la piteufe auâmre & decôue-
defquelzeutnronLelius Maurus,ainfr fumommé pour là brune coleur .Le n ue deleur lignage,furent diftillez en fourres de foraines,fuyétes deuers leur
fécond Lelius Halcyoneus,le tiers Lelius Tipula,le quatrieme Lelius Narbo gendre Sylireoit Srly .Lesenfins madesne furent pas exemptz de celle fu-
reur divine: car Mufrliffrc le puimé devint vu petit ruyfelet qui patte au long
nius,& le dernier Lelius Muhliftre.Les filles furét fi bel] es,gu'on les raft cfti-
ménées auciel , car en la terre o n n eufl trouvé beauté côparable a la leur . La de la ville dA Itino, & de Ia fit va rendre a fort pcre . Les deux autres efloie nc
premiere fut appcllee Morgane, la féconde Q_rnie, la tierce Septimic, la encores enfi ras dedans le berccau,qui nefurent pas fi rigoreufem eut trajâez.
Le plus aagéqu'on difoit Halcyon, fut ramé ravit petit oyfeau portant fort
quatre Alimbrica, la cinquieme Allorg<,& la fixrane Melmie . Parquoy les
patins mefcognoiilàns les bénéfices de la Cusdide déclic Lucine,qui prefide nona,vcflu de plu mes Royales :i'autre en vit petit ver plein de piedz :demou-
aux ettfantemcns, & enorgueill¢ de Itur belle lignee,I'eftimoicnt effre pro- tans toufroursaJ'entourde, eaux & riuieres :&vont oufrourscherchant leur
prie. Deceflecrueleperfecuuoe(<happa(eulementLeliusMaurusfaifnéa e -
eteeepar leur propre verm,fans recognoilh e le benefice des Dieux .Helasqui
ql eff ât encores ieune fut couyé de Ces coufins,les feigneurs d'A Itmo, a ylques
pourroiteuirer les deflinees fatales,& l'inconllâce de foitune"ou(pour mieux
dne)qui efi tel luy q ni lcpern exempter des incôprehenfrbles confeilz & le n- obCeques funerales qui fit faifoientala porte Mane,que Ion loulou iadrz ap-
pellerad Manes,pource que c'efloit (ordinaire d'y enfeuelir tous les corps
tences de la dmimcé? Certainement il leur aduint pourleur mgrantude, tout
ainfi Z il
LIVRE SECOND DE P0LIPH1LE. r;5

des citoyens,&encores en cf :elle difteAliiMani .Apres que lesobCcquesfu- . elle futmueeenpierre. lenyIlenfaypoint plusauant,pourehremonefprit
rent celebrees,LeliusMaurus demoura lâpaltànt le tempsaucc quelrlues ur & ma fantafue occupez en autre choie, anis feuleraient le reputay a vue foire
tues ieunes enfans de ionaage,lefquelz fans y perlier chemineront fi a vint en contenancede ieunerefueur plein d'imaginations fantefliques .Mais il luy
pays atrauerslerres,qu'ilzfetrouuerentpresd'vuetour ellitallfefur la mer enprintcomme aupetitpoyffon,lequclpour vupeudepahure mallevucro-
pour faire le guer,lors appellee Turricelle,au lieu or laquelle eftde prefent la chec,qui le retient: caren cherchant autruy,luy mefme fe perdit: & pour ay-
ville de Turrucello .En ce lieu luy &Ces compagnons furent pris des laitons mer ce que en rien ne luy appartenoiyildevint fan propre ennenry. Vray efl
pirates courfaires ou cCcumeursde mer,& par eulx mené en vue ville ancien- que la nature auoit mis en moyautant de beaulté que femmeen peult avoir:
nedelaBruceque loi appelle Teramo,ou il fntvendu a vn gentilhomme quine me fera fil vous plait)imputé a vaine gloire, d'autât § ce riel! moindre
nommé Theodore,qui le fit norrir & inftruire:puis voyant que fes meurs & vice de taire la veritéque de publier vu menfonge.Auec ce le ne puis celerce
conditionseloient decorees de vertuz & nobleffe,leprint & adopta pour que vous pouez veoir afmil. Finablemét il fe peint a triaymerG ardamment
fonfilz legrtime, & lefit fuyure le train des armes, aufquelles défi nature il qu'il n'eut plus de repos ny de pacience, mais venoit tous Ics ic urs paffer &
efloit enclin & adonné,allant parles vertiges & brifees de fes anceftres . Fina- rapafferdcllantlamaiConouledemouroie,fans aucun refpeftou confidera-
blement aptes pluleuts grandes proueffes,ayant exercé tous les offices & di- tien regardant auxfenefIres ca & la,& farreflant achacun pas, telement que
su bon clteualier,&paflé partous les degrez d'boucan, vous feuffiezloge homme iloublédefortbonfens:&neluy eftoitpoflible
gnitez convenables a
dfnt appelté a plus Brans eflatz par le Sénat Romain, qui pour eflaindre de me velue: toutesfois fi par quelque auanture il aduenoit qu'il m'entre-
l'infelicitédefortpremiernom,lefitfumônterCaloMauro,etfenuoyacapi- ueifl,qui eRoit(certes)peu Couucnt,il nappereeuoit en moy aucunfgne
taine & gouverneur au lieu de fa nativité, pour le tenir en feurete, &. refiler d'amytiénôque feulementieprinfregarde aluy .auf eftoititbien
auxinuafons des courfaires .Ce qu'ilfit du meilleur de fort tueur, non feule- loingde mapenfec:carpourlors moncueur &monentende-
ment pour l'inflindl naturel quia ce l'induifoit,mais auffipour la grïde beau- mét eftoient du tout indifpofez a recevoir le don d'amour,
té & plaifance du lieu,auquel il dông foi vont, & le fit appellee Calo Mauro, confiderc'queie ne pouoye avoir cognoifranee du
y eflyfant fa demourance perpetuele . Puis en mémoire & recordation de fa bien ou du malque Ion ypeut acquérir. Parquoy
de tâtde peines & trauaux,mefmm de tant
ancre yfitédifier vuecité no ble &magnifique,laquelle il affnfurles rires de
ion été Sily,&lapeupladeshabitansdlacolTatirifano,luydonnont1enom depazparluyenvaincôfumez& er-
duz,tlne luy vinique defplairlq
de(amcréTreuife,ainfiqueIolavcouclientes de preCelit, fibien qu'elle cil
ennuy,faCcherie,defefpoir,&
démontré riche&opulente,norricede lettres, d'armes,& detoutes vertnz,
pleine & abondante de tous biens, voire lucre de fainéteté & deuotion . En vmre a malaire en toute
trifteffe & affir-
celte ville il régnaIonguement,en finguliere obei(fance,paix,& planté d e ri-
Ction de
cheffes,en bonne amitié &confédérationallée fes voifins,viuant en tout heur
&profperité:& y decedaglorieufement au regret vniuerfel & defplaiir de peu-
f=
tous Cesfubieftz,laifFantlaville aCeshéritiers & fucceffeurs,par lefquelz elle
fut régie & gonuernce plufieursans apres.Mais finconflance de fortune, & la
Z iii
muableté du temps,qui fumais ne demeurer eu vil eftat,feirenulu apres auon:
cfié vCurpee par diuers Tyrans,fa en fin reduitte ala mité feignent le du no-
Mrvi, bleLyon Marm,parlequel maintenant elle cilentretenue enbonne équité &
police.Decellenoblerace&lignéelefuis(oNymphes)defcendue,&encel-
levillepris ma naiffance, alaquelle me fut donné le nom de la chafle Romai-
ne qui te tuaiadiz pour l'or Itrage que luy fit le filz d'vu Roy orgueilleux . le
fil noblement & tendrement nonrye iucques en l'an mil quatre cens foixante
& deux,que ie me trouuay en Iafleurde mon cage. O r advint il en ce temps
que pour pigner & agenfer nies clueueux,ie me nrey a la fenefire de ma
chambrepar vu tour que le foleil cillant clair & luyfanrcar ie les auoyelattez,
ainfrqueicunes damoyfelles font accouflumees de faire . Ce pendant le ne
Ceay par quele auanture le chemin de ce gentilhomme que vous voiez,fad-
dreffa lapait ou ieftoye: & comme il etrf ieâé ion regard fur moy,ie le vey
incontmétarreftéplantétout d'une piece, ne plus ne moinsqueNiobe' quâd
elle
P0L.IPHILE. 136
LIVRE SECOND DE
fo bfertterperpetuelement .Etpourcefleffeftfureceueau templedeladeeffe
Polia racompte comme elle fut en la cdpagnie des autres vierges religieufes, auec lefquelles je freguétay les
djuins offices: & reni)ceay totalcmét au m6de .11 y auou ia plus d'v n an q Poli-
FRAPPES DE LA PESTE, ET ESTANT EN CE PERIL pliile ne mâuoitveue,& ne pouoit fauoir en quel lieu ïefloye . Auffi choit il
recommanda a la deeie Diane, fatnt umu dufr le relie de Jés tours du tout lois de nia Couuenance,commechofe en quoy ie n'aume gueres pé-
en fonferuice. Et commeparfortune Polipbdef trouua au temple le iar<r fé, & dont il me challoit bien peu:toutesfois il n'en effoit de rien moins tta-
' ellefait it profcfiompuis rcuint le tour enf<yuntaumrme lieu ou
qu uaillé,gins perfeuctoit en ion obhination de m'aymer. Or aduint(ie ne fcay
elleefoitf uleagenoulx enfatntfsnrafns,la ou illuy dent- fi la veheméte imagination luy ratafia tel effe&,comme Ion dit qu'a[ peut ad .
ra lemartyre pytourment amoureux quepourelleil auo<t uenir :oufila fortune luy fut ainfi favorable & propice)que le propre jour de
foulfert c endure',qui croifitd'beure en beure, ma profeffion d fe trouua en nofh e temple entreceux qui eftoict venez pour
lajuppliantderenuouluralleger,doat ellene veoir la cerimonje* voyâtque Ceftoie cellepour quanta faifoit celle folen-
frit compte:parquoy cognoiffantqu'en el- nite,demoura lors tout efperdu,combien qu'il prime vu petit d'efperance
leny trouvait pointde pitié,(palma pour niauoirretrouuee,feperfuadantgtien fort faiét y pourroit auoirquel-
de ducil Eg angoife, telement qu e reuiede .Neantmoms il tic (aurait bonnement quil deuoit £aire,finon nie
quïltübamortafes regarder,& contempler mes cheveux d8t eftoiét faiftz les lacz qui le tenoient
piedz, dont elle ainfrcaptif. Aptes queieme firde mon gré obliger &aftrain&e aux vaux
fenfuyttoute de la religion,ie ne me laiffay plus(finon peu Counent)veoirauxhbm es,& me
esfrayee. gar doyeleplusgnilm'eftortpoffible,demc môfireratixperConnes propha-
nes.Mais Poliplitle delibci é demourir en fa£antafie, n'auoitautre chofe en pç
fer fors de trouver le moyé po ur me veoir, aveuglé d'amour, & d'importun
Ariant aptes la qualité du temps,toute noftre defir . A la finil chercha tâe & via fi fongueufediligence qu'il nietrouua ferle
contreefurafaillie & infedee depeftiléce,tant dedans letéple,oui'eftoiealleefaire mesoraifons . uadieleveyenn¢rainfi
que pluficurs perfonnes en furent attainâz, & detTaiét,& comme a demy morr,tout le fang me mua foudain, & côméceay a
mounrrentengrand nombre, de tous anges & fremir & trembler,me tentant froide comme glace,qui ruecaufa vn defpjt &
de tous effatz :mais principalement les villes Ce vuehaine a l'encontre de luy. Lors il fe print a me regarder piteufementtout
trouuerentfur rifesdecedauger :parquoycha- pafle,morne & defcoloré :& a chef de Piece quéd il peut parler,me dit a voix
cuniafchoie a féfauuer,Iesabandonnant pour Ce baffe & tremblante :Madame,envoftre main gifent nia vie & ma mort,eta
retraite aux champs . Entre les autres donc fur- vous et de me donner celle desdeuxqu il vous plaira.fvne ou l'autrenie fera
priz decelte contagieufe maladic,ie fa l'vnedes bjé agreablepourueu qu'elle procededevous .toutesfoisvoftmbeaultéplu,,
premieres, efiant parmanture la volunté des djuine qu'humaine,(Cottbz laquelle cruaulté ne fe pourront loger) nie Pair
dieuxtele pour mon bien avenir . Adonc en celte mienne guieue & deloreu- pluftoft efperer d'avoir vie.Nonobftant fi vous auez plus cher que je meure,
fe afiftion,ie fu delaiffec de tous les miens, referué de ma bonne norrice,qui il vault Trop mieulx au iourd'huy que demain :ce fera autant de lâguir Baigné
voulut demeurer iufques a ce que les ordonnances fatales euffent difpofé de pour moy. A celte caufe je vous fupplic (ft ma vie ne vous fait ennuy) qriil
uniy a leur plaifir.or cependant,& le plus desfois que je me trouvoie preffèe vous plaiCc me la garder,& vous aurez vn homme d'avantage pour vous ier-
uir&honnorer,quinevouscouherafucusnpeudevohre bienvueillance,
del'ardeur decemal,ieperdoyecognoiffance & entendement, de forte que
je difoye plufieurs choies bora de propos,melecs de plainftes exceffuies . fans en rien amoindrir ny empirer voz exquifes vertuz . Mais fi ic fins né
d'heure fi malformnee que je ne foye n ouué digne d'vite tele grace, qd'chre
Puis quand je pouoye rerourncren inoy,iappelloyea mon aide la decfre
Diane,alagiiellefauoyedetour tempsfrngulierefonce,& la feruoye pure- receudevons enferuiteur,ayez(aumoins)pouragreableque re meure:& ce
ment & en bonne deuotion de tout mon tueur, la fuppliant qriil luy pleuft me Cerafuffifante recôpéfe de toutes les peines & trmaulx queiay fouffertz a
me Cecourir en celle extreme necefritL& pont la mouuejr a ce faire,ialloye voffre occafton .Helas Madame fil nevous plaift auoirpitié de moy,je me
vouant & promettant que fr par fa doulce cleméce ï eCchappoye de ce perd, pins bien dire le plus malheureux de tous les aniâs,&a bonne raifort maudire
je la feruii oye en chafteie tout le demourét de ma vie .Bien toit aptes ce voûu l'heure quepremierement ie vous vey, & mefmcs detefter mon tueurqui fut
&oraifon,iecomméceayavenir enconualefcéce,demont eieq uenbienpeu fi legier de croyre au fimple rapport de nies yeux . Pour dieu madame ne les
de temps ie me trouuayparla grace de Ia deeffe dotent Cainc, (aime, & gue- fai&es point nienfongiers . VCez envers moy de la bonté & doulceut' qu'à
ni'ontpromis de vous.affemblez en moy efpoir auec le def r, car en vous elt
rye.Parquoy deliberay d'accomplir ce que iauoye promis, auec intention de
l'obferuer Z 1:ij
LIVRE SECOND DE P0 L1PHILE. 137
appuyee ma vie. c6fiderez vn peu le piteux eftat ou ie me treune,& le tourmét long&fifcheux languir,& file fins deliné a mourir pour vous, ie tien ma
qui tn'a l Ion, temps martyre pour voffre abfence,lequel ne diminue en rien mortbien employee, & leu glaces a Cupido de ce qu'il me fait mourir fi
pour voffre prefence, ou le me fins efpris de crainfte, honte, peur, & double . - glotieufetnencPargnoyfienlagrande ardeurdemesmaulx,parimpatience
le tremble & ans incelramment,& les paroles me defaillenea peine fcay le eu outrop afpres douleurs ïay blaCpbemé ou murmurécontre ladmine puif-
le fuis, & fic'etlonge ou velue ce que le veoy, & moins fi le doy efperer ou
lance, le luy en demande pardon de tout mon cueur,congnoiffint & câfeffànt
non . Helas quand te me trouuoye fntl en mon ferret, te cbpofoye beaucoup de ma volunté franche,qu'il mcft trop de £oys achetai d'en meldire,voire
de choies en taon entendement,comme fi elles cullènt deu aduenir : & fat-
maudire Ces bienfaiétz,quc iapp elloye naalefices,difant qu e tyranniquement
goule plufleurs fecours,me promettant grandes hberalitez d'amour,& riches & a tort il m'auoir opprimé & foubzmis a Ces loix faulfes & inignes,deRrouffe
uerdansdemonferuice :maistout elou vaines penfees,& efperances afiu-
dcrepos,et defpouillédelibertc .dontlefuis repérant, defdy etreuoquetoutes
tes.Puisaucunesfotsquemapacienceefloitalteree, ieVous blafmoye,& teles rotures & péCees, comme parcy deuant ie les ay plufieurs foys defdiftes
donnoye la coulpe de-non mal,comme fr ieufl è effé offencc par vous , qui
& rcuoquees pour double qu'il tienne traiétaft encores plus rigoreufement
elles nronfeul bien,& le foulenement demavie . Quand fouy ce propos comme ingrat & indigne de Ces benefices .Neantmoins parla rudeffe que le
(o Nyntplaes)ie lu plus irritee que deuant, etpat defprt tue leuay de maplace : le puifè obtenir de luy aucune
trouuayhieren vous, te ne voy pas que
d'au te party fort couroucee, fans le daigner aucunement regarder, tant f'en gracc.Helas ft par fouffrir & endurerait la peint aucunement defferuir, elle
falloitque t'eufFe volunté de luy reCpondre,car ie tenoye Ces paroles pour fot .
m'eft certainement bien deue,& la penfe auoir affez meritee. Poutquoy nteft
tes,& lesprenoyeadefplaifir .Lelendemain quelenepenfoyepl us al« y,auffl ildouques fi felon?Pottrquoydecoit il partclesatnorfesles fimples amans
toit que ie fu arriuee au temple,le voicy reuenir aucc v u vifage trifte comme
de legiere creance,& qui loyaument Ce fient en luy? Odieux tout puiflans, il
l'image de la mort,auec lequel il recomntëcea aine troubler en la incline ma-
prefente du miel, & leur donne de la poyfon .ll leur fait vil gracieux racceuil,
mere que le ion r p recedét,& a dire en voix humble & baffe : Helas Madame,
& pais les meyne a l'efcorclaerie,telenrent que tout fort art nef: que famEbCe
fouueraine de toutes les belies,auez vous point penfe de mettre fin aux dures
& fimulation :tantfes cffeftz font dtfferens &contraires.Etie quine me gar-
peines qui nuid et tour me preflènt et contraignent de venirvers vous?adoul-
doye de Iuy,Cuis nimbé en les embuches & attrapes,ou iay elle par luy voilé
ctd'ez quelque peu Ia durte de voffre cueur : modelez fobftination de voffre
& deflroufré de torr bien, plaifrr, & Iyeflè : dont ie ne fcay ou me pointeau-
fâtafte: car v nitre noble nature ne môllre point d'elle rebelle .n e fouillez pas focs a vous . Mais le ne voy en voffre vifage aucun ligne de pitiâ, donnant a
voz vernteufes conditions de cruaulté,gnl rit le propre des belles . conftderez
entendre que mon mal vous defplaife : qui me fait croire que vous efees con-
que mon mal procede de vous:& comblé que n'y ayez aucune coulpe, fi vous fentante al'outrage qu ïl me fait,& que la doulceur qui Ce monflre en vous,
demoitildefip laite gdaurruyendurequandvousypo ilez remedier . Ne me
e4 vue amertume cachee au detriment de ma vie,laquelle ne demeurera plus
rendez (Madame)le mal au lien du bien que le vous veuil . Ne perdez point
gueres aucc moy :& en cela ie me côforte .Helas le me puis bien dire malheu-
voffre lo table renommee pour vue fimple fantafie & contumace opiniaftre
rcux,puis que celle qui la deuoit foulenir, eft rude quelle prend fi toit fin .
mal feant a voffre noble fexe & cbdition . Helas fi vous peinez fentir la moin- HaPoliafecourezmoy :car(ans vous lenemepuis aider . Lorsenproferât
dre part de ma dolent,& fi le ferm r vous eft trop grict,au moins la compren- cesyaroles, il iefta en grand foufpir,& nimba comme mort a mes piedz, ayâc
drepar imagination,ilniefemblequeleferoyegrandement allegé:&fivous
perdu fvfage de tous les fens,fors de la langue,9ui luy femoit a faire de Joli-
n'y daignez penfer,atout le moins qu'il vous plcuft croire que mes paroles Sites lamentations angoiffetfes,trop plus pneuCemem que le ne vous ay fceu
faillent d'vn cueurnaurémortelemenudont ie maudy ma fortune mallreu-
racompter :& non obftant cela,ne trouua ongues en moy aucune elincel le de
reufe, & beny l'amour qui me confume pour la plus belle Nymphe du mb- doulceur,non,qui plus eft,vn feu[ femblant que fort enn uy me defpleuft : car
de,a l'occafton de laquelle long temps a que le fertile finé,fi sri menteur con- telle luy daignay reCpondrevn nrot,ny abbaifrer mon rend vers luy, crins de-
tentement que le fains en ma penCce,ne m'euil maintenu en vigueur,par ette mourayobftineglesoreilles clofesafes prieres, & pins lourde que la roche
garny de gracieu(es reCpôfes teles que le les defrre,& qui me font neceffaires folide,perfifiant enfeuerevolunté~parquoy(commeievous aydift)lecueur
pour le falut de ma vie . Mais cela ne dure guet es : carie me treuue incontinent luy crcua de deuil, & en mourut.
fruftré,& congnoys que ce ne l'ont que longes & fi&ions friuoles .En ces mu .
tatiâs & diverfttez mes tours le paffcnt,& vy vnevie afpre & lâgoreufe,cher-
chant toufiours le moyen de nie deCcharger de ce pelant fardeau,delmrer de
celle dure Cubieftion & femitude,& fuyr ce lyen trop doulxanais autant que
ic le cherche euader,d'autant me trouuay ieplus rudement cncheueflré :& tâc
plus ic nien cuyde arraclt er, plus me voys le engluant & plongeât en erreurs
indiffolubles.Parquoyïeftitnequebrieuemort meferoit plus ville que trop
long
LIVRE SECOND DE PO LIPHILE.
courage,&luy dyentremblant quelques paroles confi fes,mal affemblees,
et fans otdrexar iefloye a demy mortifé :a l'occafô dequoy mô propos fut :
Madanie, il y a plufseura iours que ie vous ay facrifié mon tueur, & dedié Comment Polia recite la grand
mon aune a vous aymer, honorer, & ferait, comme fa feule & vnique mai- CRVAVLTE DONT ELLE VSA ENVERS POLIPH1LE,
flrel%.Ce neantmoinsvous m'aueztraifté commefievous euffe faid cul-
trage,me rendant le mal pour bien,& hayne pour dilcftion . Helas, en quoy E7 comme enfeufuyant ellefut rauye c enleuee dan tourbillon,u port, en
le puis ie auoir merité?Sur ce poinâ là ma voix m e defaillit,& ne me fut pot- uneforet obf ure,au elle ueitfairela iufice de deux dmoyfller,dent
ftl>Icpaffèr oultre,combien que ïcuffe propofé de luy faire entérite pluicurs ellefiergrandnuent eouentec : puisf retrouua au lieu cou elle
autres chofes,pour cuider amollir la durté de ion courage,et la mouuoir a mi- efoitpartic .Etcomme aptes enf n dormant luy apparurent
fcricorde:maiselleneftcomptedemondire,demeslarmes,nydemesira- deuxbourreaux urnuzpour laprrndre :parquoy elle
uaux,non plus que fi c'eufi efté vne chanfon,ou quelque fablexn quoy elle fe fefcilla enfurfult:dontf norrice qui efloit
moufta bien degenerante a ion fexe, qui de fa nature cftpitoyable & doux: coucbeeauec elle,luy demanda la cauf
car elle demeura endurcye,fans monftrer aucun figue que mon tourment defapeur:ty aptes (auoir en-
luy de(pleuft,conmie fi elle cuit elle nec entre les Lyons ou Tigms d'Hyrca- tendue, luy donna conf il de
nie.qui fntcaufede mefaire fou(pirerdegrande angoyffe,voyant quepour ce qu'elle deuoitfaire.
tuant ie l'auoye aymee,efiniee, & adoree lut toutes autres,voire inutilement
emploie mô temps & .ma peine,& qu'en mon faid n'y auoir plus de remede, Enât Po lia fon propos iufques a ce pafrage,ongues
gins eftoye defclicu de mon entreprife,pource quelle perfrftoit en ion opiniô nefepeut contenirquellenefeiflvnpetit fou(pir :
cruele, & fr veoit empirer ma maladie,& affoyblir ce mien corps léguiffant, & aucunesfoys en parlant les larmes luy couloient
lequel tomba fur les genoux,& en luy cuydant crier mercy, mourut a grand le long du vifage :qui ciment a compaf iora toutes
douleur deuant fa face. Le lendemain deslematin elle reuint au temple ou les Nymphes efcoutantes celle piteufc auaniure
nid corps gifoit al'enuers,admoneftee(commeil eftacroire)pari'infpiration caufee par trop vehemente aniour :lefquelles tour-
des dieux,quiaimient curede mon falot & dufren,& la vouloient appeller nans leurs yeux ftir moy,blafmoient Polia en leur
ai epentance. Quand elle fut venue au lieu funebre,elle m appella pluieurs penfees,a raifon de ion exceffue cruaulté .Mais
fois,manyant mes mains &mon vifage,gtielle trouva dellituez de chaleur def rapt entérite la fin de celle hifloire,apres auoir
naturele :car l'an)e en efloit departic :laquelle afon yffu e auoit eflé por- quelque peu attédu,lafolliciterent de pourfuiure
tee deuantle thronc de la dceffe Venus . Mais pluûoft nefé &acheuerfcndire . Adoncclic prenant valinge delyequiluypendoitfur
fentitappcllerparcelledamoiCelle,gtiellenefeuflfor- les efpaules, en effuya doulceinét fort vifage :pnis ayét apeuré fa voix, côtinua
eeederetourneren (on domicde,pourobeyr fonparler encefleforte : Vous auezouy(0 Nymphes bienheureufes)vne
ala voix qui auoit fur elle toute puiffan- cruaultétanteffrange,qu'il n'ef coeur,pourgracieux qu'il fois, qui la peuft
ee.& alors elle me compta entiere- nullement comporter . Et m'efbalty comme les dieux ni edaignerenteftre f
ment ce que luy efloit auc- mifericors detolerermonobfinecingratitude, & que fur le champ ne pu-
nu en l'autre ficcle, nirétl'iniquité de mon courage .Si efl ce qu'il ne pafra gueres que ie cogneu &
cirant: fenty manifefl<mét le courroux de la deeffe que i'auoye offenfee qui Ce mon-
Comment Itroit apparcillee commua en faire la Ne ngeance,fi u n 'cuire amendé mon
default, & retiré mon coeur de fa folle perfuafon, & fantafie deprauee . En
m'en fuyétdonc(commeievonsaydift)toufours perfiftante en nia Ceuerité
rebelle,plus gelee q le Cryflal des môtaignes Riphees, ennemye de l'amour
& de fa mcre,defpri(ant toute leur puiffance, laquelle alrubieétit & maiftrife
les plus Cors,defpiteufemencenclinearebellion&contumace,defnuee d'hu-
minitérequife,conimefrfeuffebannypitiehorsdemoncoeur,&uns rifon-
né mifericorde,inliabile a receuoir amour,qui le £eufi lors moins attaché a nia
poiftrine,que la cire cône vue pierre humide:voire(qui plus ef)fans vue feu-
le effincelle ou figue de regret d'auoir veu mourir en ma pref<nce celluy qui
pourmaymermoitvouluabandônerfaNie : mesyeux n'colleurpeu diffifer
LIVRE SECOND DE POL1PHILE.
tueur exprimer le commencement d'un moin- & crimes, dont elles choient efcorchees &deffycees depuis les piedz iufquet
vne goutte de 'ai naes,nv ni on
dreloufpir :& nepenCoyea autre chofefinonagaigncrmon logis. Ainf ba- a la tefle.Brief le Cang leur plouuoit de tous collez, fi que la terre par ou el-
les paflùiengen deuenoit toute vermeille .Helas elles trroimt ce chariot rit &
flant nies pas,& quafi voulant prendre la courfe,ic n'efloyc gracies loing du
tenaple,quc te nie trouuay entteloppec & rauye d'un eflourbtllon de v ent :lc- la,ranton d'une parc,tanmn d'autre,(ans «nir voye ny Centicr :& a venir IeuY
quel en moins de rien naeporta au profond d'une fotell obfcure,Cans me faire poure chat nure,tcla iugeoye cuytte & creuaffee comme vit cuyr ais & paire
mal ny douleur :& me pofaen vu lieu defuoyé,encombrc de buylCon,s,ron- parle Tan . uantaleursgorgesellesefloientfieflrainâes,&leursvoixr an g
ces & efpines,fans apparence de chemin laid par crcantres humaines . II ne cafres & enrouees,qu'elles ne primaient qu'a bien grand peine refpirer.
fault pas demander (O belles Nymplres)h le rire trouuay bien esbahie,et en-
uironneedetoute frayeur :carincontinent commeuceay aenrendre cequcie
vouloye cryer,afauoir,Las naalheureufe infortunée. ce cry procédant d'une
balaie voix feminineaccompagneededolentes latnAations . Bien toflapres
te vey venir deux damoyielles miferables,nues & defclacuelees,f que c'efloit
grandhorreur,lefquellesbronchaient & trebuchoient fouuenypar fe heurter
aux ratines ou elocz des acbres .Ces pouces femmes efloient prteufcmét en- ïl lin
chaineesachaines de ferardant,&riroientvnchariot tout efprisdefeu,dont
leur chair tendre & délicate enoit cruelement arfe & griller . Leurs mains
noient lyres fur leurs doz , qui lu moicnt & brefilloiét comme vit fer chault
iedé en l'eau,grinfant les dentz,& laiffànt plouttoir de gratis ruyfrcanx de lao-
mes fur les chaines dont elles efloientattachera .

Ces pouces Iâgoreufes venues a l'endroit du lieu ou r efloye,ie vey arrimer a


(entour du chariot plufieurs brocs cruclles,cénac Lyons,Loups, Chiés affa-
mez,Aigles,Corbeaux,Millans,Vaultours,& autres,que ce bourreau arrefla
lâ,bourreau dy le, non pas enfant, comme il en môf roit l'apparence : & aptes
tire defcédu de Con chai ioyrl delya ces deux pontes martyres : puis d'une ef-
pcetremblote leur percealescorps tout atraucrsdu coeur .A ce carnage ac-
coucoient toutes les Cufdi&es belles raui(fàntes appreflees a la panure, & 1 en-
fantcouppa les deux damoyfelles chacuneen deux pieces,defquelles il tira
les tueurs,& les ie9 i aux oyfeaux de rapine,& pareillemét toutes les entrail-
les :puis demembr . & meit en quartiers le demourant du corps. alors ces be-
nesaffameesacc-ururét incontinent pour deuorercelle tendre chairfemini-
ne,& la deffyrer aux ongles & aux dentz. Hclas ie regardoye ces miferables
membres,quitrcmbloientencoresentreleursgenfiues,&entendoyerom-
Dedans le chariot y auoit vit enfant de feu,herriblement furieux & cour- pre&froid-erlesoz,Gquei'enauoyclaplusgrandepitiédumonde .lamais
ton cé,quileschafroit&battoitfans relie atout vueerreurgce fade de nerfz, ne fut plus ourle boucherie,ny vil fpeftacleplus piteux . Ol'enrége manierc
naonfirant vu viCage efpouentable &terrible fur toutes clrofcs . Parquoy les de fepulture. Pour certain la mémoire feule me fan prefque mourir chipent.
poules dam oyfelles allaient courant & ie&ant maintes voix plainftiues, fi Penfez,ie vous prie .en quel enat ie pouoye ente, cachet dedâs ce buif%n, ef-
tresfort penetrantesqu'elles enperceoient Iecicl .Ceneantmomstouftours perdue de frayeur :& vous iugerez que ieme deuoye trounerplus morte quci
leur falloir fuyr atrauers la forera, & trébucher a chacun pas entre les ronces vine.
& efpines, Yia
LIVRE SECOND DE POLIPHILE . 140
' maniera ic me pouoie eflie efgaree de mon chemin,& tranfportee en vu lieu
incogoeu.a la fin tout cela nie feit preftimer que c efloic vu prefage de quel-
. queimortuneamoyappareillee pour l'avenir : chute qui nie troubla de di-
uerfesimaginations & fantaies,tant que ie pafray le reffe de ce ion r en gran-
demelancholie,&toutepaoureufe,fansfauoirdequoy telenientqueien'o-
fay couclier feule,doubtont que la nuift ie feuffe moleflee de quelgues vili~s
ou fantofnies,ainfi gué ïauoye eflé le four precedent . A cefie caufe iappellay
maNorricepetit metenir compagnie, carie nie fioye grandement en elle.
Ainfi donc nous nous retirames & entrantes enfemb le dedbs mon hfl,ou le
tueur me trembloit toufiours,& ne Ce pouoit afreurer : toutesfois a quelque
peine quecefeufl,ieniendormy,&fafruit entreueilleeparde .sfon~esefpo "
uentables,fpecialemét en mon premier fournie, auquel mon corps las & ira-
uaillefut furpris d'en profond dormir, & me fut aduis que ibuy rompre
l'huys de ma chambre,& y vey furieufement entrer deux gris bourreaux (a-
les & mal veflnz,rudes,crnelz,& defplaifans a veoir,les iones enflees,les yeux
louches etécauez,Icsfourcilzgrosetnoirs,labarbe lôgue meflec et pleine de
aailà,lcs lentes pendantes grofres et eCpoiffes,les deus longues,rares,iaulnes,
rouilleeserbaueuCes,lacoleurmortifiee,lavoix érouee,le regarddefpiteux et
difforme,la peau rude cbmc bazâne, les cheveux hcriflèz, gras,a demy cha-
Aucunesfois ic difoie en tremblant :Helas auroys ie point elle cy apportée nuz,& refemblans l'efcorce d'vn viel Orme, les mains grandes raboteufes &
parla voltitedesdieux pour yeflreoccifeparfacrificé?Ayie met itépunitiôfi Canglantes,les doigtz courbes,les ongles roux & mal vniz,les nez cimuz &
cruele? Quel pays tant faunagepeut produire & norrir des belles fi fnrieufes pleins de morue. Brief ilzfembloiét bien gens maudittz,mefchans,mallaeu-
& redoubtables? Quele inhumanité fe peut côparer a ceffe cy?lamais de télé reux et infames .Leurs corps efloiét enuirônez de cordes en efchaipe,et autres
rien fut veut: ny ouye.0 vifion horrible . 0 cas parti op hideux, ni iferable a outilz de leur meflier,pour môflter de quoy ilz fauoient Ternir . Ces grans vi-
penfer,& piteux a entendre . Hclas ou fuis te maintenant venue? Voicy ma lains en fronccant les fourcilz, & me regardans de travers, conimencerent a
derniereiournee. En celle forte côplaignoisledoloreufement,&fondoye brayreou aboyer: car ilz n'auoient point parole humaine :& me direnthectans
toute en larmes,attendant de moment a autre que ces belles nie veinfent de- les mains fmmoycommepourmeprendte)Vicn fuperbe& inefchâte crea-
uorer.Toutesfois le me gardoie le plus qu'il taieffort pofhble, d'effre apper- ture,vien rebellc,vien ennernye des dieux, vien folle & infenCee pucelle, qui
ceue decefl enfant nieurdrier,& baiffoye mes yeulxfur ma poiftrine,qui defprifes les graces & benedù4ions diuines.tantofl fera faifte de toy vue pu-
efloittoute baignée de pleurs,difant tout basa voix debile &paroles brife es: nition cruele comme d'vuemauuaiCefenimequetues,&télé quetulaveiz
O iournee niallieuretife.0 heure maudi&e & deteflable .0 ponte fille in- faire liyer de deux autres peruerfes danioyfelles orgueilleufes, et femblables
forrunee .Aquelecalamitepeux tueffrepiuenue? Qui veyronquesdefiineeft a toy . le vous laifre a penfer,o Nyinplies,quel effroy ce me fut quand le Centy
pemerfe?O faine Dianea qui le fuis vouée, efl cecy le point qui doibt termi aupres de nioy deux telz monflres,qui me defcoifferent & empoignerent par
net mavie en la fleur de mb aage?Suis le donc née pour faouler les belles fiu- les cheveux, nie voulans trayner le ne fcay ou,dont te me deffendoye felon
uages?Ainfimedouloufoys iepleurantanieremét,arrachant mes cheucux, inô petit pouoir,cuidât refifler a leur effârt :mais c'efloit en vain,carilz efloiét
& efgratignant mon vifage : & ce qui plus faifoitcroiflre nia peine celloit que trop rudes : parquoy lecôméceayacriera haultevoix : Hélas, pour dieu mer-
ien'ofoyemeplaindre,non pas fenlenient foufpirer,ou tant fort peu ouvrir cy .en demandant fecours .mais ilz n'en faifoient compte, & me tircient plus
ma bouche pour donner air a mon tueur fuffaqué de trifleffe . Et qui pis cil, i e oultrageu(enient pour me mettre hors de mon lift, avec iniures & nienafles
neveoye aucun moyen d'cuiter ce per il manifefle . Me trouvant donc en tell oulerageufes .EtainfiquilzCefforceoiétdecefaiie,de Ieurscorps& veiemés
extreme defefpoir, &comme vue cliofe perdue,ie ne fcay côment ny en que- Corrois vue puisent fi grâde,qu ï( n éff tueur qui la peuff endurer,ioinft l'lior-
le maniéré le tu reportée au lien ou ïauoye eflé prife,faine fauue,et fans aucun ieut de leurs vifages difformes & défigurez. le fu Ibgueniét trauaillee & mo-
mal, fors que ic pleuroye,& efloye toute ternye de larmes. Le Soleil f'appro- leflee decelle altercation defplaifante,pédât laquelle te me debatoie & côtor-
choit iadu vefpre,& ieme fentoye fort laflè&trauaillee delipeine & tri- noie trop rudement dedans mon lift,tant que i efueillay ma norrice qui efloie
fleffé que iauoye enduré tout celluy iour,penfant zparmoy pour quel delta fort endonnye . Ce neantmoins elle fentir, & parmanture ouyt,quelques
cespoures damoyflles aucient elle avili cruelemcnt traiftees, & en quele parolles mal formées & imperfedes : parquoy me voyant en ce pointa
maniera Aa ij
LIVRE SECOND DE P0 L1PHlLE. rqt
toril nie ferra entre fers braz,& in clip ella bien lin ultemér,diCanr Qu'avez par <ludqueobiecgqu'on luy met audeuant,& lablacheur maculced'aucune
vous niafiIle? u'elcegLievousfeurez?Adonciem'e(ucillaycn(urfail[,&lu nchenoire, cela ne procede du default de leur maticre & Cobflance, mais
long tempscari slilyre(pondre,foufpirant&riteplaiguâtenaufligraride ni- dvnealierationaccidentale :parquoyonnedoyt blafn,er ny moins eftinier
goif%quelefeyentour demavie,tâtmoultic& laffeequefeliepouoyeleuc, icellesluniiere&coleurblanche .Conunedonquesièullevoué & dedié nia
les braz,moncueorbattantenmapoi trineoulucniclurc,&inacherniiecant tdrginitéaladce(3cDianc,&mefeu(feparprofe0ionaarainfte &obl,gec a
mouillee de larmes, qu'elle me tenoit par Tout au corps . Mes chcueux en la(eniii toute n,avic, le leurre deVenus nie Cembloie grief & intolernble,
choient tous moya<s & mellez,m es poulx eGneu-z & alrerez,conime li ï eu(- comme du toutdifferenc &courir aire a rira prerinere inliturion, veut turc-
fe effé en groffe fleure . A lave rite' le fil grâd e(pace en ceft efhat,& ta n t,que nia
nvrrice par doulces paroles & renionfiraiices me remit quelque peu eu c(prit, le vouloyeprendrefou par ,y,ilefloitdenecefliteeffacer & abolir tous autres
t enquerâr & demandât quele clioCe ni'auoit caufévuc li union elle ta-
toit Ciours fermens,v¢uz & promelles in faiFtes,oubbee & mc¢re hors de ma fantafie
con de ante : & neantmoins fe douloit grandeni eut de ce qui ni eftait advenu, toutes voluntez&opinion, contrairei .Ceque co
a raifort de quoy in ecenoitambraflec, & lauientoicquanr &duaunoy .Enm- craign a nt (connu celle
' difoit) que pis ne me
blcmentaptes plufieursprunes quiniefrirentfaic'tes de fi part, fitoftqueLeu furuinrpouryreniedier a (on pouuoir,v(a enuers n,oy de celte harengoc :
repris vit petit de vigueugieme ntey a luy conter dcmot a Inot mon fou- 1\Q.ihIIe,c'eltvndificonunun,&le voit on par expenence,que celluy qui
ge, fans luy celer la nterucilleufeauantuic qui iii'eloicaduenuele iourprece- prend con(cil d'unruy en Ces af .iires,ne peultfiillir tour(eul . A celle taule le
dent .Vray Aqueleluyteula mort dePoliphile,dont le iioCay aucunement vousluic,prenez garde avons,&aduifezqueparaucuncliniplicitc,inconfi-
parier, mais blé luy declaray eu paroles genetales que f e m'effoye mal portée deratib,ine(pris,ou remet itéde COL] rage,vous n'ayez offenleles cieux . Certes
entiers amours . uantleluyeurecitétoutescesdictes,elletômefige&ex- il nefil, lt pomtdoubterquecculx qui nyentleurpuiffance,ou lent delobe,f-
perimenteeaumoyendugrandaagequélleauoir,iiieconforta,dieantque fi fennfout a la fin aigrement chafliez, & eft lapunnion d'autant plus grande,
le la vouloye croyre, elle metiroit bonne peine d'iflèurer mon ctictir,doii lier qu'elleeRlonguementretardee .Pargmoy nelefaultcfbahh li leues ruaidtez
fin a ces miennes langueurs,etClin ieratous autres inconueniensquipour rai- Iccouroucenttontrem,cunesd'enrrevousieunesdan,oy(elles,quibien Cou .
fonde cela nie pourrof eut aducnir . Alors le luy ptomy d'enfuy" ure fan cüfcil, ucncpariniprudence& legiereté,ou parvne forte & luperf5cieufe opinion
pourneu que te laeuflè eftre deliure des gras troubles & memeilleuxdangiers que vous auez,encourezeninfinitéd'erieurs . uiafai&queplu(Leursenfont
aufquelz ic craignoyc encourir . vennesapitcu(c &jouer ablefin, conime ic pourroyc prouuar par Illicites

Comme Polia recite en quele


liilloires, qui feraient trop longues a miter . Davantage devez confiderer
qti Amourdlcri tyrantcrud,douécfvnetele puillance, quil bielle, bmle, &
col] luire fans aucun efgaidon niitericorde,non feuleraient les honmicsmor-
MANIERE SA NORRICE PAR DIVERS EXEMPLES telz,mais(quipluseft)IesDieux muuerains, nic(uicment le grand lupiter
fadmonela deuctorl'ire U les mrna,~es des dieux . Etliy confcilla de fez aller qui tait la plu)e & lebeauteu,ps : carqueledifficulté ail trouué(ma fille)en
deuert laprieufe du teoeple de Venuf,poir c~re inpruifie de toi testes cuit epitics amourcu(es? 11 n'effilera fi vrayquïIne (eft peu exem-
ce qu'elle auroitafaire . prerdeteRcfubieftion(eruilc,ainspour parvenir a les entcntes,a eflé con .
Ymphes diuines,a grand peine & difficulté fe trainEtde tetiansfiginer iulqucscri forme debelt .O i ]aillons les autres det-
peut retirer vn cueurdela cliofea quoy il efl cri- tez,& parlons Ceulementde Mars,qui cil fansdefiflerarméde toutes pieces:
clin& affeftionnc,rneGnement quand il fy. cil il tieutoncques pouou de refiffer a [autour, non tellement de (e defendre.
hdiéetnddonnépardeliberationdctermince,ou râtfcnfauhelieveuilledire,rebellee :dtotecpe ftlayuelquefoisintétédefai-
bien duift& accoufont épar lbguefrsceflion de ic,inconiinenrf'en ettrouto nieutdry& deiranchédc playes . Croyez(ina
temps,& detantplus, quand il cri recoit plaifir, fillejquefa vertu eftgrande . Etfil peutouhxager les dieux, que peliez vous
contentemi bon (alaire . II me fenible (a la qu il puulefaire contre les huniains,qui font tendres & fragiles, ipec,alemenr
verité)goe de l'en vouloir diucrdr, Leu aire, deC- cculselutiltreuucidoinesa fort (eruice:lefquelzencore, gdilzfoientimpuiC-
n,ouuoir,ou aliciter par prit eces & renififinit ces, faus & debiles,onc l'audace & preCumption deluy repugner?Sanspoint de
feroit tre(nialaiCc' & difficile . Parquoy n'efl de double ]z leucuuh"tplus furieux&inhumainelles autres qui ]uy obtéperét
merveille fileCensdepraué&corroniplitrou veles Iiu(es,uauuailcsquide par humilité: &cela me fait dire que ce ne feroit fagement falfta vous de
leur nature font bonnes : & moins faub: a efmerueiller fi aux yeux altcrez vousen n,y" derexempter :car luyIncline felau de ion In radon pour amour
d'aucune maladie, ou obfcurciz & troublez par abondance & groffes fru- de la belle Pfyché.CZcle e(perance pouez vous avoir qu'il vous recoyue a
meurs,les choies femblentnoires ; carencoies que la lun,icre foie oblèurcie Aa ni
par
LIVRE SECOND DE P0LIPHILE. 141
miCcricorde? N'aucz vous pas ouy di rc qu'il a deux ficdies diffe rc nies, l'vue voyant la malice de celle icun e folle,luy vanter vu tel coup de fa l ec]ie d'or,
ferret d'or, & l'autre de plomb, la premiere cicCquclles induit & attire [es gtfelleentraiufques aux empennons dedans fort eflomacli farouche : & In,
clients des perfonnesaardamment aymer,&l'autre au contraire engendre fut la plaie tant guerre & fi perilleufe qu'il effort impoffible y remédier. Alors
hayne & deCdaingentre elles?Ue ces deux vCi ce paillant dieu a fcncontre elle commécea de forliaider cu vain les doulces prieres & requeftes que ce
dl Apollo,quil navra profondetnent de fi premiere,& de l'autre toutes les icune danioyCear auoit perdues en luy ferlant l'amour, mais il n èloit plus
dames qu'il propofa oncques d'aynicr, pointe que luy qui voir toutes les poffible d'en finer. Ce neantmoins la rigueur & violence d'amour citait fi
eliofes,reuela indifcrctonient les amours de la deelTe V enus (a ment : do nt d c- grau de en Ion endroiû,qu'elle cuit cn ce poindaccepté non feuleniét le beau
puis iln'eutquetefiiz,contennemens & nimuaifes chcres de les aniyes :puis gemilliornme fil le feuff prefenté,mais vu tout tel qu'elle feuil peu allait : &
pour le comble de fan mal,defplaifante fin de Ces amours, en quoy ne fcetit fut(onmallieurfttrefgrand,quellecritenu pour grâce (peciale,fiquelclue
iamaisauoirbonne auanture .Helas(ma fille) non feulement celiApollo, rongneux varlet d'elable coq daigné la fecourir a fort befoing. Quiconques
mais infiniz autres de toutes qualitez &conditions font en tourins en pareil (certes) fetiffvenu,iamais n'euff elle refizé . Einablenientla pouredamoy-
inconuenient,pourcequilzontvoulu teinter al'enconirela puiflànce de ce fclle preffec d'vue chaleur iutolcrable,mmba en vue fleure extreine,& en lan-
elle
grand fcigneui, par lequel (ainfi que icitrine) ces vifrons vous ont mon- gueuriniques pres de mourir . Mais le médecin qui fut appelle pôurlavifrter,
Itrees pouraduertiffemétdtunalquivousdoyt avenir . ECcourcz donc, ma fage & bien expert en fi practique,cogneur au mouvement de fou ponlx,que
mieux aymee, & vous arrellez a mon confcil . Ne vous veuillez oppofcz fa maladie neprocedoiifilon d'vuechaleur defmefuree :parquoy ordonna
a plus fort que vous,ny fuyr a ce que neporez euitcr:car eflant belle de corps, qu'il n'y mort autre remede pour luy fauner la vie,que de la marier inclxinér.
difi rete d'entendement, bien moriginee de condition.s,fagc & accomplie en CZoy entendu,les parons ne tarderont gueres a fie mettre en peine pour ceft
tontes valeurs, voire (pour le dire en peu de paroles) Ia nompareille entre les effc&,& trouuerent vu gentilhomme de bonne race,& fort rmhe,niais dclia
ieunesdamoyfellesdecepays,telementquefemblezelire le vray cliefd'mu- vie],&quafifurfort dei-nieraage,beaucoup plus caduc qu'il ne monffooit en
nieduperfeâouurierquiadonrréeffenceatoutescliofes,d'autznt qu'il vous apparence,parce qu'il citait maigre &foc.
a decoree de fingulitre & extreme beauté : il df a prefumer que la fainde II mort les roues auallces,Ies loures pendantes,les yeux roi ges,efcorchez, &
deeffè Venus vous veult . retirer en fan téple,& par telz admonel emés Cecret z larmoyans,Ies mains tremblantes,& parle dclrus femblables a vire caillette
montrer que deuez entrer en loir ferrure : menines que la difpofition clarine de mouton,le nez camuz,morucux,& plein de moulre,la voix enrouee,le col
laquelle afoing&curede voltre récite ieuneflè,vous a deffinee a telz my- ridé comme la trôgne d'en marmot,les genftues greffes et palles,ou n'y aroic
lleres, & de ce aduertie en (onges,donnant a congnoiflre par reuelations c e- que les racines de deux dens créai par enliaulr, & autant par embas, fur le
cnltes,ledangerqui vous peult aucnir,comme'il a fard a plufieurs voir leur- deuant longues,branlantes,& rongées de chancre, qui leur mentionné vue
blables qui (e font oppofees a fou immuable decrer car celluy (e naonff re coleuriaunecachée denoir.Ilportoitvnecoiffe furfatefle, ourautantquelle
declaire ennemy des chéri defprife les offices de la n ature,ou efl n egligét élime taigneufc,& fembloit a l'cfchine d'vu chien galleux .fâ robbe effort tou-
de les exercer. Et cela vous fcrayie prefentcment entendre par l'hifloire d'vue te baueufc fur l'eftomacla courbé comme cherchant la follè,la barbe rude c6-
belle damoyCelleque i'ayveue & congneue,gentilfemme comme vous,de nie le poil des oreilles d'vu afne.Le telle du corps penrry,& tourné en fien : &
race grande,noble,&ancienne,douecdetoutes les vermz & bonnes grâces au rem ver defes veffemens fortuit vue odeur de pillât, télé qu'homme vinât
requdesavueperfonnedefaquabté.Celle damoyCellcetoitgente,ioycufc, n'en portait approcher .iamais ce vieillart ne péfoit a autre cholequ 'a l'avarice.
dueillee,& toufmurs pompeufenrét veftue :aulfi elle Peu môffroit fongneafe, le croy que le matin de Ces nopces les Corbeaux Iuy fonnerent Ics aubades:
comme ordinairem eni nome en comble de richeffes, plaifirs, & pro(peritez tant il (enroit fort la charongne.Lc triomphe fut grand,& les efpoufailles fo-
de formne .Quand elle fut en la fleur de fort aagc, elle ré treuil maintes fois lennifees en toute pompe & magnificence . Finablement celle faincie muet
requi(e en mariage depluGeursieunes gentilzlaonimes,& Cpecialement d'vn vintquelabonne damoyfelle auoit tant defirec,e(perantque lors Ces delirs
entre lesautres,egataelle d'cage,delignage,dericheffè,debeauté, & bonne feraient affouuiz,non confrderant la qualité du marié:car elle effort aueuglec
gracgprenx,fage,& v ertneux le potlible .Toutesfois elle ne fy daigna ramais de les affections, &nepenfoitaautre choie que acucuillir le froid de celle
aucunetnét côdefcédre,glques prieres ou promeffes qri il luy Cceuft faire, lins gcacieufe affemblec, totalement enclinee&abandonnera fafenfualité . Elle
perfeuaant en celle folle oultrecuydance,pafra la meilleure partie de (ou fe coudra en la malle heure entre les branché ce viellart, qui efloit plus froid &
temps,qui cil brief & efcliars a menieilles,fans confiderer(nia fille) qu'il n'y a plus gelé que le moys de lamier : mais elle n'en peut tirer autre choie frnon
en ce monde choie plus agréable que la corrcfpondence d'amour égal &
tnutfevifageCnuillédetaCaliue&ctachatduviellartefposx yui~aavoitcé-
reciproque .En celte manicrc demeura la damoylelle endureye en fort obff i-
nie vu chien courant,de forte que fematin d'âpres vous enfliez dict qu'un
natid detefiable & pcruer(e iuCques a paffer les vingt & Intift ans.Or Cupide lymaffon fcitait pourmené fur fa belle face. Et ne luy fut croques polfible
qui n oublieiamais les rouvres qui luy unicité faiCtes par vn cucur f ipci be, nyparbaifegnyparclierir,ny par paroles amoureufcs,de l'efnionuoir au
voyant
Aa iiij
LIVRE SECOND DE POLIPHILE . 144
fault eftre vertuettfe, & refiller a ce premier afrault. Penfe vu' petit a qui tu t'es
Comme Polio par le bon ton%il dônee :& a quel feruice tes aftrainCie de ton bon gré . Ainfh demouroy .s je cb-
fufe & incertainc,penfant a mille diffinhltez qui fe prefentoiaat a raton efprit,
ET ADMONESTEMENT DE SA NORRICE CHANGEA fi que te fia quafi en deliberation de Pei feutrer en mon premier propos : ou-
dopinion,cfmallatrouucrPolipbilequigfiitmonautemple de Diane,ouelle tesfois j'en fit en moins dorien divertie par Cupido: lequel voyant que mon
fauoitlay~é:pT comme il reffcita entrer braz :parquoy lesNympbes tueur varioit,l'ébraza d'vue dâme plus ardâte q la premiere,qui fefpâdit par
de Diane qui lafuruindrcnt,fy Icrfisrprindrenten omble, let tout mon corps,comme feit le venin mortel dans les entrailles du preux Her-
cba~rent dufmffuaire .Puisparle d'une ui tan qui cules parla clremife tain&e au fang du Centaure N efHu, quand il !approcha
luy apparut enfa cbambre . Etcomme elle du feu pour faire facrifice .Tous nus feux fureur Cubornez & defmeuz de leur
`en alla au temple de Venus intention Ceuerea la fuggeftiond'amour,quichaffa demoy toutesdoubtes
ou effoitfonany & penCeesvariables,retirantafoy mon ame & toute mon affeftion . Adonc
Polipbile. mon tueur Ce tourna deuers mon Poliphile, & conhméceay a le defirer tref.
ardamméc, fort defplaibante de ce que luy effoit advenu . Puis aptes plufieurs
Presque ma norrice, qui eftoit fage &experte en doubtes,peurs,difhcultez,&fantafms druerfes,ie mâuanturay d'aller venir
telz affaires,m'eutainfi dedui&& cnfieigné tour
fit efloit encores ou ie l'auoye laiff~,afin de contempler(pour le moins) mort,
ce quelleponoitprefnmer de mes fouges & vi-
celluy que te n'auoye daigné regarder en vie .Las ce tri elloit v n grand regret
iôs, voire donné conCeil fur ce qu'il luy fembloit
d'auoitporté rancuneaqui me vouloir tant debien .l'eufrevoulu (certe) le
que je deuoye làire,el le Cen alla aux negoces de la
trouver en Con premier eltat,ceft a dire,vif fain,& de bonnevolunté . D'autre
utaifon,pource qu'il ef oit deia grand jour : & ce
pendant me trouvant feule je connnéceay a pen- partie craignoye d'offre fuprife feule avec vu' homme mort :car ( peult efire)
ferafesparoles,&congneu qu'elle auoit touché on m'en cuit imputé la coulpe, scia mefmement gdvn malCaicteur Cefpouen-
te d'vnpeu de bntyt,& ne peult difrimulerfan malefice,dont il Caccufe cie le "
les poinftz en quoy ïauoye delinqué :parquoy
delhberay me deliurer de tel fcrupule, craignant gienie fia long temps en celte perplexité faclteufé :mais amour vainquit la
que pis ne m'en aduint,comme icelle ma norrice m âuoit amplement remon- crainte,& me fitfuymel'importunité de[non defir,fique iememeyacourir
Rré,& faict entendre par exemples . En ces entrefaiffes Amour trouva vue feuleautentplcoumonPoliphileeftoitdemouré .&fitoftque ieytuentree,
petite voyepour entrer enmoncueur,quiiufques alors luy auoiteflé inter- je ne m'allay pas agenouiller deuant l'autel comme i'auoye decouftume,ains
djfte et defendue .Par Ia pafra ce petit dieu iufques au fous de ma poitirine,oha couru droia au lieu ou il auoit eflé par moy traine, auquel le trouuay coco-
il fe norrit de confentemés,& fuit en peu d'heure fi grand,quil ne fut plus en tes mort & terny,plusfroid que naarbre,d'autant qu'il suce ainft demouré
ntoyderefifterafapuifiànce .Toutesfois encepenfementplufieurs doubtes toute lanuift paffee. En le voyantfh fort change,iedeujns toute blefnae de
mefuruenoienr& confideroye les merueillcufes infortunes en quoy eftoit peur & de pitié,qui m'efmeurét incdtinét a pleurer, & fouhaitter que ie peuf~
encouru grand nombre de ceulx qui anoient fuyuy le train d'Amour : & fpe- fa tâte participante en la mort auecluy,pourluyfaire compagnie encoder-
cialementmereuenoiéteamemoirelaRoyneDido,gni Cemapour .9encas nierpafiàge.Tantcontinuay madoleur,que laforce m'abandonna, &tum-
voyant qu'il l'auoit abandonnee. Semblablement ladoleme Phyllis,qui par bay fur ce corps pafmee:mais aptes eftre reuenue,ie me prisa dire : Ha mort
l'impatience du retour de Con amy Demoplaoon,excedant le terme qu'il l uy qui acheues tous biens,& tous maulx,coutes ioyes,& toutes trileffes, vicn a
suait promis,deCefperant de fa venut,elle mefime fe pendit.& efirangla de les moy te te prie,pour me joindre suce ceftuy cy que ma cruauté & rud elfe ont
deux mains .l'auoyeauffien fouuenance le piteux accidentauenu a la pohue ]juré entre tes mains,tant feulement par trop aymer celle chetiue, voire plus
Thisbé,& a Pyram' fa partie: & fi ne laiffoie en derriere la malheureufe mort que fa propre anre,ainft comme il l'a bien mon ftréLas c'aft celluy qui me ce .
de la goure B yblis,gni fut meurdriere de ton corps. Non fiiloys ic pas celle putoir Con bien & contentement perfeft.Ne fuis je pas donc la plus malheu-
de la Nymphe Eclao,& d'autres innumerables goures dames qui en efloicnt reufeperfonne du môde,de ne pouoir mainte nât trouuer la fin de celle vie?
eruelementfinees : &encores pour engreger le compte,alloye pendant aux Hela s pourquoy eft ce qu'elle dure tant?Mon ame eft elle fi enfermce dedans
troubles,rapjnes,violences,& dellru&ions que caufa l'amour de labelle He- mon coi ps,gtfelle n'en puiflè trouver fyffue? Ha mes y eulx,vous me faiéles
Iaine .pujsdtfoyeaparmoy :Helasfepourroitilfajrecjie m'expofafFe a fena- veoir mort,celluy 9 ne daignalles regarder en fa vie . Ou es tu mort, qui fuys
blables dangers?off il poffible q ï entre en paffage fi dâgereux fans guide,feu- ceulxquitedefireny&prensceulxquitecuydentfnyr?Oresfay te bien ex-
rete,fupport,& fans aucune experiéce? N ay je pas duché mb corps a la charte perience de ta condition croule . Hale mauldift tour que ie Nuisait m ondea c
deefreDiane? Certes fiay,jene le puis dedire.Etpourtant conques Poliailte
fu(fans point dedoubte)nueamauvaidehtitre . Qui cftcelluycluiponrroit
faulc dire lequel de nous deux eh plus mai fortuné,ou ce mien amy Poliphile tref-
LIVRE SECOND DE POLI PH1 LE. 145
pafré,ott moy qui Cuis encores viue,pleine de deuil & de douleur pl us angoi(C
feue qne la mort?Halas venez donques regretz,plainaes,gena iffèmés & lar-
naes,puis faiâes lamétablement les fimerai[les de mon corps, lequel par (on
orgacuil & obtlinatiô a fai& finer les ionrs a ce pouce gétillaôme malfortuné,
qui n'efl pery pour autre caufe,que pour manoir trop ardamnaent ayntec .

;OMMMMB.~g,
~IWIIIMIIIIICIIIIIIIIIVIpI~IIIIIIIMI=~

II ne tarda gueresque le pente corps revint entieremenren fon premier


ellat,& la coleur luy remonta au vifage .Mais fur «s entrefait2es Ia Pneu(e du
temyIe,qui(peuteflre)anoitefcoutémesplaindes,vintauecvnegrëdtroup-
pe e Ces religieufes,lefgnelles voyésnoz priuautez illicires & interdiélcs en
lieu fain&,furét grienemét irritées, de maniere que a coups de ballon, accô-
pagnez d'injures & reproches, elles defmeflercnt & troublerent nez gra-
Difant cela,les grofles larmes me couloient au long du vifage, fi abondâ- cieux ambraf emens .Cho(c qui me fait auoir peur qu'il ne niaueinll aine
mengque ce corps rran(y,& moy,elions tous baignez de l'ean qui Cortoir de comme a Medafe quand ellefut craignent, de Neptune au tem-
mes yeux . Et cependant aduint qu'en trébuchant fur luy,iappuiay ma main ple de Minerue,ou comme a Hippomanes & a famye
droitte fnr fon eflomach,& fenty vn poulx fourd & profond,tant clebile que Atalanta :le(quelz pour vit pareil cas furét tranf-
rien plus .Ce neantmoins il me fembla que (on tueur (entant aupres de lu y ce muezcn Lyons . A peine peufmés nous e(
qu'il aymoit,reprint vn petit de vigueur, celemenc que mon cher amy Poli- chapper de leurs mainszanc elles de-
phile feu cfueilla,& en ouvrant les yeux,iefta vit fotdpir de plainte :dont je fa firoient a nous malfaire.
toute efbahie & furprife, ciment: de ce foubdain retour que je n'auoye aucu- Hb
nement e(peré ny attendu:parquoy ie pris incontinent (es deux mains,& ap-
prochayfon vifage de ma poiftrine,ou il (e renforcea quelque peu, &tourna
fcs yeux deuers moy,proferane ces motz avec vne voix foible &tremblante :
Madame,pourquoyme trai&ez vous ainfi a tort? Alors te (enty vne ioye
melleed'vnedoulceuramoureufe,qui me fit frémir tout lecneur,& m'ofla
l'vfage de la langue, fi qu'en lieu de luy refpondre,ie m enclinay pour le
bai(er.
II ne
LIVRE SECOND DE P0LIPH1LE . rqs
'talesdautantplu, perte&emétfigttrees,quelevainqueur des dicuxqui efloit
la preCent,regiffoit nia main, & conduiloit mon muure .Puis ie fey vu cordon
defoycverde,mefee ariec denses claeueux en figue deperfe&e amytié, & le
luy enuoiay,lepriant de le portera fort col pour fouuenance de moy, voulant
parla frgnifier que fort tueur & le mien elloient enlaffez & conioinftz infe-
.parablentent d'vn rien induroluble &ferme pour tout iamais,d'autant que ie
l'auoyeefleu&choifyfurtous pour monCeulfeigneugmaiflre & pofreffeur
de ma perfonneen amytiéperpetuele,merendant feme de doux penfer,re-
folue & deliberee de mettre en arriere toute rigueur,laiffer les fafcheufes ma-
nitres que ie Couloye auoir,adoulcir mon rude courage,abandonner mes opi-
nions folles,&changer mescouflumesfortes &Cauuages,enconditions gra-
cieufes & humaines :de craintiuc & honteufe,deuenir gaye & hardie amàn-
te :muer mes defdaings en affeftions acointables : &mon vouloir qui fouloir
ehre inconllant,rendre ferme et inuariable :defrrant ce dont ie ti auoye enco-
res aucune experience :totalement affubieftie auxloix d'amour, &pleine de
contentement pour auoir acquis mon amy Poliphile, duquel mon ante ne fe
diftrairenyfcparer :parquoyiouylfoitenpenfieedubien qui luyeftoit
abCent.Ceiour lamefme eftantfeule en ma chambre, ïenveyCortir par les
'mien
fenelaesquilors elloientounertes,vnchariot deglace, tirépar deux Cerfz
blancs,artaclrez achaines de plonrb,Curlequel elloit alfife vne dame coron-
nce dvu chapelet de Saulx,portant vu arc defbendé & vu carquois tout clef
Si eft ce qu'a la fin elles nous chaffèrent du temple,mepriuant,debouttant,
garnydetraiCtz,quibiéfcnabloitcourroucee&marrye,meregardït de ira-
& banniffantdeleur compagnie,commeirreguliere&apoflate,engr a nde
tiers comme hie Peuffe offenfeecdont ï eu frayeur :tant elle me monftra mari-
ignominie & vitupere.lefalon g uement traynee parles dreueux, &foule,
nais vifage . Mais tout fondant ïapperceuvn autrechariot de feu qui Ia fuy-
aupiedzparl'vned'entreelles, quiau Paranant auoit eflé ma plus familier,
noit & chaffoit,tiréa cordons d'or,par deux belles Colombes .Cur icelluy feotc
~.1+ côpagne au fer uice de la deefre Diane,appelice A ]gerce, qui me
dit plufieurs
blafmes : & ne me peu onques fi bien defaire d'elle, que mon cmuurechef ne vne puilrante dame, portant en fa celte vn beau chapeau de Rotes,& deuant
demourat entre tes mains,apres auoir elté biébatme, &recru plufieurs coups elle vuieuneenfautvolant,quitenoitvubrédonalluméaueclequelilpour-
orbes . En celte manier, nous fumes tous deux dechafez & forcloz hors fuyoit fi longuententcefte dame froide & gelee,que fort chariot de glace fort-
du temple,a noftre grâd honte & vergongn e .Touresfois nous en feintes peu dira la chaleur du feu:& a moins de rien fvn &l'autre Cefuanouirent en l'air.
decompte,&nenous enfouciames gueres,nypareillementdespein es &tra- Quand celle vifion fut paffee, ie trouuay mon gyron & tout le pané d e ma
uauxparnous fouffertz&endurez le tépspaffé :ainsveimmesdeuifanc en- châbrefemédeRofesvermeilles,&derameaux deMyrre :quimehr chaffer
fembleiufquesaupresde Incité,oupreinrmesconge'l'undel'autre,auecgréd toute crainte,& prendre vue forte affeurance,quecelte dame aux Colombes
regret,& plufreurspromefes deviureenfemble eu loiaulté& fcrmeamytie, &Conenfant auoientdefenduma querele :dont ie fu conduide iucques au
non fans extreme contentement & fatisfaâion de chacune des parties.Apres dernier poinâ d'amour,determinee & totalement recoure de pourfuyure mô
donc que nous fumes depnrtyz,ie cheminay monpetit pas,penCant a plufieurs entreprife.
choies touchant les effeaz & courages d'amour,iufques a ce que iarriuay en Bb ii
mon pallais .L'effigie & reprefentation de la deefiè Diane tfefloit plus en mô
entendement :car la figure de Poliphile l'y efloit introduiéle de forte en lieu
d'elle,qu'il ne me Couuenoit plus d'aune choie,& le Centoye enuerement
do-
miner furtoutes lesparties demon cueur,tant que ie n'auoye autre bien que
depenfer en Iuy .Qand ie fi attife en ma chambre, ie commenceay a faire vu
perse tueur en broderie de foye cramoyfte,exprimant au mieux qu'il m eftoit
pofr ble,ce que Cupido auoit pcindt dis le mien : & au mylieu fey les
premie-
res lettres de nez noms entrelatfces l'enta l'autre toutes de fines perles cricn
tales
LIVRE SECOND DE POLIPHILE. 147
filz,refufer ny contredire a aucune requefte de mon cher amy Poliphile,
Promettant luy chrede la en allant,benigne,doulce,gracieuft,obci(Tanre,fans
luy de(plaire en nulle maniere du monde,& me récite touliours fubiefte a Ces
amoumufesvoluatez . Au(ütoit qucïeufaiétcelle promeffe,laPrieufefit
appeller Poliphile en fa prefcnce.

Comment apres que Polia fe fut


ACCVSEE DEVANT LA PRIEVSE DV TEMPLE DE
V enus,des inbumanitez ey rudeffes dont elle auoit uflrnuers Polipbite, rT dedairé
qu'elle eftoit totalement dcleberec de luy effre rourtoyf 0, graneufr pour
fadfir,la Prieufe lefit comparoir deuant elle : eadonc ilre~uit
qne fin plufr feuff confermn & af urerlaboonruoluné
qu41zportoirntfun a !autre. Puis Comme Polia par
impatience d amour interrompit le
dfoursdefon
arny .

Mais allant toutes choies conclu de mettre en efFeft le bon confeil de ma Oliphile obeiffant au mandement de la dame, fe
motrice, &aller au templedeladeoffe Venus,comme ie luy auoyepromis : prefentadeuantelle auccvnereuerencetre(hum-
h .W
& lâ me confeffer a la Prieufe + luYr amaieIrantmafaul« &arc ufant ma t ble : & moYqui eftoie encoreslà me prisa le rc-
coulpe, pour defchargerra confucnce,&aile er a grand remors q in me r. . . . y. garder ententiuement, (ou(pirant a la fois par
tenait enpeine. Etiadtoil'heure venue que meuoyeali<nerdemoymon k1 a le doulcenr d'amytié,& di(ant cil moymefme,que
aille, pour la foubzmettre a l'arbitre et volait te d'a utruy,quand i'entrayen ce ic le faifoye feigneur & maigre de mon tueur,
fainfttemple ou il Poliphile eltoit arrivé : & n allay point me prefenter ny I pomeniouyr&lepof(edertontefavie,& d'icel-
agenouiller deuât l'autel, comme iauoie de couftume,ains ieâant mon celui 1 luydifpofera ion bon plaifir .Ie mefentoye no-
fur ce a quoy mon eu eu rtiroit,mallayoffrira la Prieufe, de laquelle ï efperoie C urec iufques a l'cxtreme degre' d'amour.Parquoy
fecoursenmonaffaire,luydeclairâtbien aulongtoutesmes.folles manieres, mon ocuil ne pouoit regarder ailleurs, ny mon
& lacruaulté donc ianoye vfé parle pafré*enaprestoutes les vifions qui client penfer a autre choie* nie fembloit qu'il n'y auoit incommodité foubz
meftoientapparues tant deiourquedenuifi,parce que l'ormaie vu lôge(pace ni tant mepeut donner de peine, que fort abfenée, ne qui tét me fuit
de temps vefcu fans pitié, fourde,ingrate,& rebelle a l'amour donc le crai- infuportable .Et cela faifoit que te le cotemploye fans me mouuoir,toute ra-
le-11;q
noye d'eftre encourue en findignaton de luy & de fa merc,auoic prouogné uye de plaiCance amoureufc .Mcs yeux eftoient fi efgarez & afrubicchz a Icur
f ur ire a l'encontre de moy,& ineftre rendue inhabile de leur niercy . Def- plaifir,quc ie ne les pouoye tenir en leur deuoir. Mais quant efl de ce Gen-
quellesoffenfcs &erreurs amfr par moy perpetrecs & commodes, la Prieufe tilhomme,il fupportoir plus di(cretement le faix d'amour,que le n'cuire fceu
inclina fort esbahie,& m'en reprint bien aigremécNeantmoins ie pen(oye faire .Ce neantmoins il tendon touliours de peruenira l'elfe& de ion defir, &
en moymefme que c'eloitpour nefit de plus penferaux choies paffees, ayant pource "'c«0" toute la peine a luy poffible d'obtenir que la Prieufe nous
touliours l'celui la ou mb tueur l'auoit attiré, qui efoit tout e(pris de l'amour conioignift tous deux d'via lien ferme folide & perpetuel. Parquoy laiffant a
dePoliphile :lequdauffiteftafonregarddefCusmoy :dontilmeperceal'efto- me regardegcommencea de bonne grace a dire ce que f enfuyr
mach,tourainftqueficccuiteRévueflechedefcocheeg vil fort bras. l'elloie Bb iij
humblement enclmcedeuantlaPrieufe,requerantpardon demon meffai&,
dont ïeffoie repentante,a ce qu'il luy pleuft confermer mon bon propos
de ferait pour l'advenir la dedfe de ce temple en vraye foy & loyauté,fàns
aurais rencheoir, defobeyr,nyrebeller a aucun commidemét d'elle ou de fou
filz,
LIVRE SECOND DE P0LIPHILE . 148
qui fera tout afrouuy de fes defirs : car en mon mal n'y a autre remede fors /a
pitiedecelle danaoyCelle,qui momire en fou virage certaine apparence de
doulceur,&vfed'enorlnecruaultéfrngulierementennersmoy ;qui la defrre
feulementtele,quelle femble élire enfon maintien,qui promet efperance
d'allégement, & i'y treuuc tout le contraire : choie quitte fait congnoifire
que le bien par moyprcrendu, ne mepeult aduenlr linon par égaler fon
vouloir au mien . A la vérité il me fembleplus que raifonnable,gu elle fe
declaire ma bïme maidreffc,puis que ie fuis fou loyal feruiceur:& ne luy fera
pas ho ancle de mal trai&cr celluy qui détour fou tueur la reuere & adore.
lecroyMadame quevous cognorflèzmacaufeeffrefiiuffe,que voflre Cage
difcrerion dira que Ion m'a fatft grand tory& que celle damoyfelle fe doye
YImiIIIIIINYIIYINIINNIIIIpYIIIRIIWI
confentir a mes humbles prieres, confideré mefmement que fi elle en veule
dire la veritéCa conCcience la remord,& la condamne a me tenir pour rien.
W"
o

Madame,fi les h66les & deuotz feruiteurs de la de effe mere d'Amour me-
ritét d'eflre ouyz en leurs req ueftes, ie vous fupply qu'il vous plaiCe recevoir
celle queprefentementieveuilfaire,d'autantqu'elle efifondée furvne perfe-
fteconfiance d'obtenir ce que iuflement & abonne raifon iepourfuy pour
mon avantage : c'efl detrouuer en ce temple remede a tons les maulx q uc i'ay
fouffers .Or avez vous cité cômife en ce famâ lieu, minilire fouuerainc pour
dôner ordre a ceux qui en fyncerite de tueur invoquent le recours de la deef-
le :&fuisaffeurégtrevofircpouoirefttel,que(moyennâtfagrace)tous vou-
loirs difcordansfont parvous recôciliez & reduiâz en vnionperfefte . Sur
celle affeurance(Madame)ic fuis venu pardeuers vous, afin d'avoir al legeméc
des peines que iufqurs a prefent i'ay endurées, & raifonnable recôpenfe du
mauvais trarftemét qui m'a efié faift fans fauoir mérité. A celte caufe ie vous
requierleplusaffeftueufementquilm'cilpoffrble,qucvoftreplaifirfou mi.
petrer de la fainfte deeffe, qu'elle commande a fon filz a mon aducu,dc tirer
vn coup de fleche bien affiz,dedans le tueur de pierre que porte la damoy-
fellequil'aefi. Ce faifanyieferayentierementfatrffaiétde tons les maux, en-
nuyz,trilef%s,& langueurs que iay a fon occafron impies aumurd'huy fou-
ftenues, & encores n'enfuis dehors.Toutesfois combien quelles foicnt Brie. En« ftendroidfinaPoliphilefaharéguenlaquellei'auoyeprisfingulier
ues & intollerables,fi me fembleroiét elles plus ayfces a endureyfi elle pouoic plaifiy&fur tout ara contenance,qui me fcmbloit gracieufe & hématite .
aucunement fentir quelechofec'eflque fort aymeq & combien doulce eft Pargvoy luyauoye ia en mô fecret accordé toutes fies requeftes,et me tardoit
l'vniondedeux cueursaffemblezparamytie. Certes Madame fi vous fanez beaucoup que l'heure venait propice a luy faire congnoiftre combien ie
accorder celle differ&e de voluntez qui efl entre cl le & moy, ie me tiendray defiroiefairepourluy :ccqueiene peu lors diffimuler,ains fans attendre la
pour bien heureux,& ne demanderay plus rien en ce monde, comme celluy refponfe que la Prieufe luy deuoit faire, anticipay, commenceant a Iuy dire
qui en celte forte:
Bb iiij
LIVRE SECOND DE P0LIPH1LE. tqy

Comment apres que Poliphile defcendreacequiPlaihacegrand dieu, ciperant al'aduenir,me porter er.-
uers vous detelefortc,quemettrez enoublytoutes les triffellês paffees : en
ligne etpour arresdequoyvous accepterez cebaifer. Alors ce gentilhôme
EVT ACHEVE SON PROPOS, POLIA EN nfambraffa, &nous entrebefanies fort amoureufement.
laprefracearia Prieufeluydrclairaqu'elle criait ardammente rf
def n amour, o- totalement deofce a luy complaire :
pourarres dequoy luy donna un bayer:
c des paroles quela
Prieuf,leu,
dit.

Ntoute mavie ne me fcroitpolrible(Poliphile


mon cher amy)derecongnoiftre & recompenfcr
fuffifammentcc que vous auezfaiQ pour tory,
nyreparerlagrande ingratitude quetA yc5nuCe
en voflre endroii,finoci par pure foy,& amytié
perfefte . Las ce cognoys & fcay certainement
que la rigueur que le vous ay tenue,eff occafion
de la peine que fi long temps avez fouffertc :& fi
pour m'en defplaire,ie le pouuoye amédeq Coy ez
leur que vous en devriez tenir pour fatisfiiLt.
Or ieconfeffeauoirfaillyeftantdeccueparvne erreur mau iaife,qui m'aplus
que ic ne vouldroye,tenue en vue vie pleine de chagrin & amertume . Mais
maintenant ïay pris exemple a la grandeur de vofdre noble courage,orné de
l'excellente vertu d'anrouri,ioinftea perfeftion de conflâce : pat laquelle vous
peruiendrez a ce qu âuez tant & tant attendu.Certaiuemét vollre pei feuerer
vous rendra ioyeux & contenu . le ne me fauroie plus celer : dont foule encre
Aptes quelaPrieufeeutouyvert &aPprounétout ce qui f'efloit foi& &
vous dye que se fuis entieremét voffrc, & fonbzmetz moy & ma volonté a la
dift entre nous,elle fe point a larmoyer de ioye,côme aulli hrét toutes les da .
difcretion de voire bon plailir.Sacli ez amy que Cupido a tant pourfuyui mô
rires de fa côpagnic:puis tiens dit en finguliere doulceur: V offre alliîce amou-
enon,,qdilellcontrain&lèretliera vous commeafonrefuge &frâtlufe,de-
reufe(mes enfans) ris fenible fi bien accordee,quil n'eft befoing de m'en
liberévousdrnnerallegeancede toutes peines & dolcursJe fcay bien que
maintes ieuoes dames pou r anoir efté rebelles a lem s anrans, ont eu trop mi- entremettreplusauanncaracequeiecongnoy,vofire dilefhoneft mutuele,
tant quemonauthorité nymcs pricresn'y feruiroient plus de rien : & off a
ferable fin .Er fl ceci colt ell:é cela,Daplrne tant renommee n cuffpas elle con-
croyic qu Amoui(parlequeltoutes accoinftances font coniommces) vous a
uertie en vn Laurier.Parcillement Arethufe ne feoftdevenue fontainc,Ci elle
n euff re£nfë les ambraffemens du dieu A Iplicus .Mais par colis offcnfes plu- conioin&z par equalitédevoluntez.Toutevfoisievouldroyefauoir de vous
(SeigneuiPoliphile)comment&parg ri ef moyen vous deeeintesamoureux
ficursautres ontexperiurenté que c'eûdecourroucerAmnuy&de luy con-
tredire ou deCplaire.Sans point de double fa puiflànce off fi grande,due nulle de celle belle damoyfelle : car a mon iugement l'hifloire si en peuft efire que
force ne luy peult refifter.Dcuant luy ne vault le fuyr, fo y cacher,ou vouloir planante . AcemotPoliphilepour fatisfaireacelle venerabledame,lènieir
defendre .Rien du monde ne luy reGfte,non pas Ics armes fu rieuCes encores a luy compter ce difcours comme f 'enfuit :
qubllcsfuflèncfaees .Et n'y acueurft dur,afpre,léuuzgc,rebelle, ouobffiné, q
fis Arches ne percét de part en part..parquoy (nô fans boire taifon) Le qui fins
foible &fans defenfe,doy craindre Ca fureur:car aptes le coup peu nie franc-
roi" le gemigcbfideré q ic ne feroye pas ouye,nôplus q Narcifl us qui defpriCa
£amye Eclto :nyque Syiinguequifurmueecnrolèaupoui auoir effé iigou-
reufe au dieu Pan . A celle carafe (O amy Poliphile) ie recul maintenant con-
dcfccndrc
LIVRE SECOND DE POLIPHILE . rp
téple de Diane,ou Ion lai Coit quelque lu 1ensiité,& c'efiuit a l'heure du matin 9
les religieufes d'icelluy celebroiét le divin office.l'entteuy d'auanmre parmy
Comme Poliphile obeiffant au elles, celle cy :& suffi tofi qu e leu affz mon suuil fur elle, il ni aduinr comme
a su tifon elaid& :lequel fi Ion le c 'approche du feu, incontinent fe r'aume &
allume.D'autre partie nie fenty reformer fan image dans mon tueur, ne plus
COMMANDEMENT DE LA PRIEVSE,SVR LE
ne moins comme fur sur cire effacee laquelle on remetdans Ion moule . Mon
eommencemmt de fer amours loue la perfeuerance, c puis recite cela[ (adire vray)nele pouoit retirer de fi plailante amorfe,ainsla contera,
comme un iour de fef e il ueit Polia en un temple, ploitattentiucinentcomme vnedee(leentre fesnymphes :& adoneme fem-
ou ilfutekrisdefonamour:py uoyant bla que des yeux efclairoient tout le temple d'vue lumiere qui embraza mon
quilnepouoitparler a elle, cueur :parquoyie deuinsconmic vnlaommede pierre, & tenoiefans varier
luy cfcriuit une lettre mon regard fiché deff us elle,ellant efmerueillé de fa beaultéfpecialement de
l
dontla teneureft es yeux,ed eftoiét gras & bruns,couuers de deux petiz fourcilz noirs, vouliez
deciareeen en forme de la quarte partie diva cercle, & dehez comme vu filet de foye .
jon nar- Son taina reflembloit a Rofes vermeilles medees once vnepongnee de Lyz :
ré. &fesleuresaCorallocal nat :entrelefquellesrefpiroitvuealaire plus fceue
Euerente dame,iay touliours entendu que l'vue que toutes les compofitionsdesPerfumeurs . uimefeitdire taifiblemenr
des principales vertuzdôtl'homme puifFe eftre U dieux,filepouoyeacgperir l'amour de celle damoyfelle,ieneferoye feu-
decoré,eff de fefauoir contenir & gouverner aux lement farisfaict,ains m'eflimeroye le plus heureux homme du monde : & fi
tiendroye a grand felicité d'auanturer mavie pour Con Ceruice,pourueu tou-
grandes aduerfitez occurrentes, & ceparmode-
rerfespaf ons, & refrener l'ardeur de Con cou- tesfois qu'elle peuls congnoiftre I'affeâion que ie luy porte.Ce pendant, Ma-
rage,fans Ce laifler tranfportera l'imbecillité par danie,ie iouyfloie (comme il nt'eftoit aduis)d'vne vifion entierement divine .
inconideration & faulte de patience, confidere Et fi en fan chanter, parler,ouautres cerimonies elle tournois par fois Ces
que tout bien vient de Couffrir Ioubz efperance, yeux vers moy,encores qu ilz feuflènt empennez d honneftete et bon ne gra-
cefr mesblouifroient il z cotante vu rayon de Soleil, tel ement que ie feu roye
en perfeuerant iufques a la fin . Niais cela eft vue
centavo feu de doulceur pal my toutes mes veines, qu nie caufoir vn mer-
ch ofe veritablemét haute & difficile, laquelle ad
ueilleuxacces defieure .Puisquadelle fajfoitaIon tour li office diuin,fa voix
nient apeudegens .Toutesfoisquand aucunsyattaignent,ilz en acquittent
efueilloit mon ame a demy endormye, & la femonnoit a la fuyure . Ce
lux &renom de Cages,mefmes en font par tout di6tz conflans, venueux, &
qu clle fefforceoit de faire, defprifant Ion domicile naturel, pour ellre a la-
attrempez .Or eft il que pourperuenir a tell honneur, le des le commence-
mais vnye a vu bien tant excellent & perfeft .Or nonobltant queie con-
ment de mon entreprifepropofay de fouffrir & endurer tout ce qtiAmour
gneuffè quecefte alterationprocedoitdela regarder,finen pouoys ie reti-
vouldroitfaire demoy,elhmantque c'eflvne grande follie d'entrer en va
rer mes yeux, car ilzeloientinfatiables, & firenttant que le mâccorday a
combat tuner peur & pufillanimité:ou an côtraire il n'y arien plus invincible
leur deir, difant,Ie fuis refolutiuement a celle damoyfelle:tay mis tourillon
que la fermeté de l'homme, lequel en rien quiCeprefente,ne doytperdrele
efpoir en fa bonté . C'eft tout mon bien, & celle feule que le seuil perpe-
tueur, ny abandonner fion efpoir. Et de la vient que Ion dit cômunemCr' que
ruelement ferais & bouturer fur toutes les dames qui vinent : & ne pende
celluy ne peuls eftre eftimé vertueux, qui n'a elle' efprouué en quelque diff -
cultéd'importance : car la perfeâion de la choie le cognoift aupres de Con na'en repentincaril rieft amour, hayne,plaifir,ny ennuy,tant loir grief,
qui men fceuft defmouuoir . C'eft ma mailtreffe,c'eft madame : a qui le
eontraire.Si ïeuffe donc fans mal ou peine acquis l'amour de celle damoyfel-
tafche hunrblementobeyr.Iamaisau templeciemon coeurn'yaura autre i-
le,ielapourroyedelaifferfans regreumaisauxgiansbiens Ion peruiét a mal
niage adoree,poumequ'il eft dedié selle feule.C'elnia gloire,c'el usa riclieC-
ayfe : & qui furmonte fan ennemy fans trouver en I uy refiftence, amoindrit
fe,nton contentemenyrefuge,aide,& fecours,par lequel t'cfpere parvenir a la
& diminue l'honneur de favifloire.Alnfi labeur donne le bien, & perfeue-
rance le perfait .A tant madame,puis qu'il vousplaift entendre les califes & beatimde des loyaux amoureux .l'eftoye quali noyé en ces abyfmes, content
de ce qui me nuyfoit,& confentam au mal 9un autre mâuc ir pourchaffé : car
commencemétdemonamour, aueclesmaulx,peines,trauaux,dangiers &
Cupido ayat vfurpé iurifdiâion fur moy,me tenait Coubmiz a fa tyrannie,ou
variables accidens que ïay paffez en la pourfuitte :pour obeyr a voftre com-
mandement,ïenreciteray vnepartie :carle tout croit impoffible . ïeloie fi eflroi&mment l y é, que feulemét me relient le pouoir de nie plaindre,
difant,Helas,fi ie luy pouoye atout le moins defcouurir mon vouloir,& faire
Vu iourdefeftequei'eloyehors d'efperance deiamaisplus semoir celle
entendre le mal que ie fuppotte,ou bien luy courir ma poidrine,afin qu'elle
damoyfelle,vne Ceule fois parauât de moy apRceue a fa feneftre,ie m'en allay
autéple
LIVRE SECOND DE POLIPHILE . xçt
peint lire en md tueur ce q(parauâture)elle ne vouldroitcroire a ma lâgue . el-
leverroit la plaie dbt ie meurs,gtielle fente a pouline de guérir . Ainfi elloit mô
étédanét defuoié,aucu nesfois toieu x,Couuét marrysâtofi en repos, et puis in- voix communiquer mon faiâ,ie luy efcriuy vile lettre, de celle teneur,
ebtinét en p<ine:vne foys afiàné,fautte en deCefpoir,et prefque a fouhaiter la oupeufen fallait.
mort .En ces fantafies & côtrarietez dmcrlès le paffay toute celle iournee,q le
trouuay plus courre q nulle minute d'Iieure.Mais pour revenir a niô difcours,
aptes q les dames eurét aclicué leur office, elles (en partirent du temple,ou le
demourayfeul,comme cigare, fans falloir bouger dela,nytrouuerlechemin
pour m'en i etourner:et ne Cauoye faire ny dire autre choie finô,Adieu maria .
nie, Adieu.&fins ceflèrrtmrmuroitAdieu,commevu quivarefu(itparelre
trdfporté
t de f6 e(prit.13ié la Cuiuyie de l'o=uil,tât qu'il me fur poffrble:mai.s quart
'eu perdu fa preféce,ic nie trouuay en tcncbres,a raifon q" ma luudere m' auoit
II
lailë,& ne fauoye ou plus la retrouuer.Toutesfois le defir m'en croifhoit d'au- ~1%
tât plus,q i'auoye moins de moyen de la reuoir :& lors côgneu par vraye ex- EN '\
III - `â
F114.
periéce,q le regret qu'on a d'effre privé de la choie aymec, eft fans cdparaifon
plus grand que le plaifir de Parloir a fouliaift,d'autant quela nature ne Pet. I1111 II iI I, n

rouytpasffort enlaperception desdélices > qu'elleadeulifteffe quandelle


,ictus .perdre . le neflimoye (certes) rien le fouffrirpour vue fr belle da-
moyfelle :& ne m'euft efté la mort grieue,fi ïeu(re pcnfé qu'elle nien eull fèeu
gré .Ceneantmoinsïauoyequelque efperance,qui me promettoirqueicla
raterroyevniour,&que nies doleurs cil auroientallegement .mais cela ne
femoit que d'augmenter ma forte paffion,laquelle tue fiaient dire entre mes
dens :Hélas elle a grand tort de moy :elle deuroir bien c6gnoilrece que i en-
dure pour ion amour:& il femble qu'elle me fuye . Maudifte fort l'infortune
ui m'a adreffé en lieu ou pour bonne amitiélon nie rend grieue Iiayne.Si ne
Z uroys le pourtant croire que cruaulté fe loge en f perfefte créature, vert que
fa beaultéfounerainedoyttitre accôpagneedeperfeéte bénignité
lie :&ne te- Comme Poliphile naiant

frnon qu'elle entende mon piteux eftat. Lon tank bien par nonchallanc<,
a plufreurs intentions :mefmes le prouerbe commun diâ, qu'onques amou- MOYEN DE PARLER A SA DAME, LVY
reuxcouard n'eutbelleamye . uicherche gueri(on,doytdéclarer t'onmal . efcriuit pour luyfaire entmdr%n martyre :c lecontmu de
la lettre q8d luy envoya.
Incontinent ces choies mâts, te reu<noye ablafphemer nia foi tune,pour
m âuoir induift a aynier celle qui tien fauon rien, & a qui le tiauoye moyen
Vous (Madame) iene puispluscelerlegrief&
de lepouoirtaire entendre :&quand ores ie l'emte eu, fi elois le incertain
tde fou vouloir, parce que Ion tient toufours moins alterné ce que plus on
intolérable martyre queiéndnre,caufé par le re-
gard de vozyeux,lefquelz fontfaiaz fur le pa-
defire . Auffi veois ie apertement que le refuz eftoit ma mort : & y anoit p lus
tronde la beaultécelelte:& cela me contrainft
d'apparence que ledeuffecillé efconduygque d'acquiefremenide Con collé,
vous faire ceft cfcrit,aufri lourd & confrtz gtleff
obftant que ie n'effoye en rien égal a vile damoyfellc tant excellente, accom-
a refile heure mon entendement abandonné du
pfiede toutes les vertue rÉesqualitez requifes en vue gentil femmede mai-
fonillufire. Lelanguirfans de(couurir mon courage,mefloit inconuenient lia tueur & démon ame,qui le fontretirez deuer :
vous pour demander mifericorde, on a tout le
pirequelamort:parquoydeliberay (quoygilil en deuftlaits avenir) l'avertir de
il moins allégeance du mai quime confume.le ne
ma mifere, e(timant qu n'y a clroIL fi fauuage en c< monde, n y fi rebelle
de nature, que le temps & (amour nc pui(fent apriuoiCer:& qu ne boule ron- fay pas quele audience ilz pourront obtenir : tou-
tesfois fi mes prieres font de quelque efficace en voftre endroityievous voul-
de qui eft faiftepouetouler,li on lalai(te repoCer mouuo rgcIleParre-
fte & demeure terme mais qui la Poul(o,elle fait (office de Ca forme & na- droyebienfupplier(Madame)quil vouspleuftauoir mefdiftz tueur toren-
Cote .Cenonobltanr,pourcequïl dement &allie pour recommandez ;enfemble mon piteux eftat,auquel vous
m'efloitimpoffibledeluypouoirpar vive
feule pouezmettreremedeauecvnefmpleparole,qui fans porter preiudice
voix Cc
LIVRE SECOND DE POLIPHILE.
a voftre relit, mince,mefera le plus content homme du mon d e. C'efi qu 'il decoree det.uitde per fecti ons , mefines formée a fi femblancc, & qui fait
vous plaife m'accepter pour amy, ou (fi ie ne fuis digne de ce tiltre) atout le apparoir en vous partie debeautezfipematureles,aytoublié demettre en
moins me tenir pour voftre feruiteur . Ce faifant Madaniè,ienie reputeray vofb c corps quelque eflincelle de mifericorde, confideré qu'il vous a farce
plus que recompenfé de la perte de mon cueur,qui m'a lai ffé pour vous fuy- Pour vue fouueraine demonfiration de fa puiffance,telement qua bon droit
ure . & ne feray plus compte des tratraux que iay en vous adorant fupportez: panez eftre difte l'oultrepaffe de toutes les damoyfelles de la terre : clrofe qui
lefquelz,certes,tevous cuire longtemps â fa] Q entendre, fi ma fortune l'euft méfait efpercr d'avoir quelque fois allégeance . Orme ]adonnez donc (Ma-
permis, ou donné lieu, temps & moyen de le faire . Parquoy voyant quel e dame)parvnfculbon fcniblant de voftre vifage:& ietiendray d'orenauant
n'y pouoye donner il rdre,& que mes doleurs alloyent toufiours engregeant tri &mafelicité devons .
de mal en pis, le voulu bien vous efcrire la prefeme, non par audace ou pré-
ru niptiontenreraire,urais par grandeimpottuniré d'aincite, a laquelle le ne
puis refilter :ioina que les, ou-, eftinie fi pmdente, que vous excuferez mon Comment Poliphilepouriuit %n
erreur fi l'en ayconimisaucun par trop aI%ftueufement aymer.A la verité
(iMadame)~e ne prefumepas tant dé moy,quc ie penfe meritervoflre bonne HISTOIRE, DISANT QVE POLIA NE FEIT COMPTE
glace . Si eft ce quetozebiendire,quefil'amour lepaye devol[interei ro- defes deux lettrer:parquoy lits enuoya la tiercc,quiproffîta aufpeu queles
que,iemeritecluevous mevcuillezbien:choie dontnevous fauriez efcon- autresualafin retira netselle,qùiltrouua~uleautemplede
duirefans vous charger d'ingratitude* nepeult entrer en ma fantafigqu'ne Diane,ou elle efoit en arafn : e en luyÏa~anadfours de
da,noyCell e tant bien nee,accomplie de pei feéle beaulté,& de toutes condi- fon languir,mourut de deuil enfin prefence:puis quel-
tions louables,fou defpourueue de pitié :car fans cela toutes antres vertuz ne que temps apres refufcita .
reluy,Cent point en la per(onne . La glace que ie vous requier (Madame) eft
de fi petite imporiance,qu'cn nie la iefufant,vous feriez tore & iniure a vo- Ais que mon parler ne vous en nuye,O vénérable
Ilre bonté, conf deré que ie nepreten autre clrofe, finon que me veuillez te- & reuétende Prieufe,facheueray mon pro pos,qui
nirpour vollrc, &croire que ie feray tel de tueur & af%ftion pure,tant que la eft pies de la fin, & diray ce qui allient le phis des
vie me dure ra . V nus fiippliant au furplus,adioufterfoy au contenu de la pre- foys a ceux qui aymétirare, nfideremét,& f'affubie-
fente,& péfer qu'il en eft cét foys plus que ie nevous puis ne dire ny efcrire. ftiffentaautruytrop de legier.Mais allant paffer
le penfoye bien gdapres auoir leu celle lettre, madamoy(clle fer deuroit ombre, ic leur confeille d'eltrefermes,a raifort que
an cuneniét efmouumr, &monIller quelque femb]atir d'ami mais ie pet- la p et feuerance eft en amours merueilleulenient
dy nion temps mon labeur, & mon efcriture,ne plus ne moins que fi le l'euf-- ville & necefaire . Celle damoyfelle ne fefnreut
fe adreflèe a vue pierre : car autant en eulfay le eu de gré . Ce mantmoins cb- orques pour mes lettres, non plus que font les
fiderât~jmelon nabbatpasl'arbre dupremier coup dehache,quelques tours grof%smaffes des montaignes aux foufflemens
aptes ie, uy en fey tenir vue autre, dont la teneur eloit quaft femblable : des petitz venez . Parquoy ie niaduifay qu'il efoit befoing de répliquer
S 1 mon tourment(Madanie)elloitmoindre que voRre cruauté, ie con- pour la iroyfrenie foys,afin de falloir fi fo n tueur efloit vue pierre de marbre,
feilleroye anion tueur de prendre patience. Mais pins que voflre inlmmani- ouvnepiccede chair humaine,veuque iefloye entré fi allant en celle em-
té excede nion v»rtyre,ie me délibéré abandonner ma vie a tout ce que luy ffat-
priCc, qti il neftoitplus poffible de ;n'en retirer : ioind qùne efperance
peuls auenir.Toutesfois cependant ie vous 41,l y me dire,dequoy me fert folicitoit de pourfuynre ma quefte pour pemenir a m6
tenCe uientretenait,&
de vous aymen,puis que n'en faiftes compté, & me tenez en nonchalloir? le entente .Ma tierce lettre donc fut fmblable en fublIance:
fats bien qu'il n éft en ma puiflànce de rompre le lyen par lequel le fuis retenir. I L n eft pas en mots (Madame)devous pouoir efcrire la moindre partie de
& que d'autant plus ie niefForceroie de foitir du filé ou le fuis enveloppé, mes doleurs,qui en lien de ccIFer,croifIpent & multipliés a toute heure, pource le
plus me mettrais ie en grand defiroiâ,& n'en pourtoye tantinet l'yffue, non
que ne me femblez encores aflbuuye de ce que m'allez lai& fouffrir. Si fais
plus que le poiffonqui eft entré dansvne Naffè . A celte caufeMadame ie mourirpar extreme rigueur,le principal dômage en fera voRre:
donc deffiné a
fuiscontrainft me flecliir &enclinerdeuant vous,en qui confifle ma liberté
car ie demourray quitte envers la mort, & vous prince d'vit feruiteur autant
& nionfalnt. Neme denyez donques voflre faneur : car fi par faulte d'elle
affeftionué que lamais en fautiez recouurer.Helas Madamc,quel proffa vous
ievenoyea uiourigconmieilpourroitlegieremétefcheoir,mon trefpasvous pourra il avenir de ma mort,finô que vous en acquerrez le tiltre &liomicide?
ferait imputé agrâdcrime . Prenez donc(filvous plaift)quclquepcudecoin,
Certainement ce vous fera perpcmel reproche. & dauantage de quoy vous
paffion de celluyqui vous aynieplus que foy propre hélas Madame article croy fcruirontcelle grande beauté, la bonne glace, & le gentil efprit dont dieu
qu'il néftpof$blequece grandouurierde lamachineduinonde, quivous a
vous a fi richement ponrueugh vous les gardez pour vous feule?Croyez que
décorée Cc i)
LIVRE SECOND DE P0 L1PHILE . rs3
Ion pour la bien dire,& abonne occafron,quecela cl, aufli trial employé en Tele ou fernblable fut la troyfieme lettre que ie luy ennoiayigtii proffita au-
vous qu'il direfor caché en terre, qui n'eR vrile a perfonne viuante .lamais morgue les premiercs :carie n'en peu auoir reCponfe,parole,indice,ny demô-
homme ne (aura parler de VOUS,COnlidelé que tele partirez de ce monde,que firation, en quoy ie deuffe fonder quelque efperïce,nb plus que fil mon efcri-
vous y veintes,& non autrementN c Ceroit il doriques meilleur,& plus Ho- ture feuR tumbee en la mer.Toutesfois ie m'efloye refolu a pourCuyure ilion
norableenuerslapofteüté,guelaifflRczvileReuuflànte reneniee pour du- entreprife,& mourir (on feruitcur trefaffcdionné,patce que le ne pouoye pé-
rer perpcmdement aptes vous,ainfi qu'ont faid pluGeurs nobles dames dont feren autre cliofe,&bien fouuent parloye a elle par imagination, faignant
les liifloires felyfententous lieux,& lefguelles font & feront eftiniees bien en moy me(me que nous deuiftons familiercment enfenible,& qu'entre au-
heureufes parle moyé de leurs amys,quj les fontviure fa ils crainte de mourir? tres chofes ie luy difoyc : Helas madame vous suez le cueurbien endurcy.ll
Pour vray Madame il n'en fcroit mémoire, h elles ne fe feuffent rendues efttropdifferentdevoffreface,tantdoulce,benigne,&gracieufe .Vousfe-
amyables&gracieufesaceuixquilesrequirent . Quant eftavous,iozebien riezode degrande charité,(il vous venoit a plaif r de me fauuer la vie, car a
dire qti onques le Ciel n'en feu de plus belle, ny de plus accomplie, fi vous ma mort nepouez rien gagner. Ce nieR affez que mon feruice vous plane,
auiez laiflë celte rudeffé &rebelle maniere dont vous vfez, plus par opinion &n endemandepoint d'autreguerdon . Ainf faifois ie ma complainte par
legiere,queparl'inffinâdevoltre nature,qui efl doulce & humaine de foy eucur,changeantmespropozenmille manieres,compofantdes refponfes &
mefnie.ll eft vray que la coulpe eit miéne de vous auoir ef eue pour deltiuire promeffes enI'air,alreureesfurl'apparencedefondoux maintien:dontleme
nia vie:& le pis elf, qu'en y pétant le m'endurcy a vous aym et. Hélas i'ay trop trouuay deceu : car le tueur n'eftoit pas de niefme,ains abrruué de ie ne fcay
legierement creu an raport de mes yeux, lesquelz ne coldei erent pas fi bien queles faulCes opinions, enquoy Ion a ordinairemét accoullumé d'inffmire
voltre cueui,que voffre belleperfonne .O dieu,giii cult ianiais penfégué tele les jeunes pucelles,chofes qui font puis aptes digteiles a leur ofter de Ia fanta-
beautéfeintainfiarméederigueur? Hélasiel'ayplustoifentyequepretieu fie. Ainfr je fil pris en ce pic ge,comme lui pourucu,mal aduifé,& confequem-
lemalquini
^. en pouoitauenir .NepcrnieteczpourtâtMadanieque ie pedlfè ment affubiedya ceftetyrfinieouferuitude m,Cerable famour,pour obfer-
par ce faulte, veu que vous y potinez
remedier:car les dieux qui pli njlfènt uer les loix torcionnieres,ayniant fans cltre aymé, fermant fans gré, ny alleu -
plus aigrement la cruaulté gtre tous autres vices, feu pourroient courroucer ne cCperance d'en auoir recompenfe,& tout par vil défît caufé d'vn attrayant
contre vous,coinme de chofe repngnante a nature, qui eft fride pour ay mer regard,qui me fort effimer qu'en l'empire de Cupido toutes voletez effoient
fonfemblable. Aceffe caufé Madame, & puis que mon bien & mon mal égales,& qti ainfr commue ie mcftoye Iiberalement donné a ton feruice,ie de-
gifent foubz voltre arbitre,prenez pitié de nia languein, qu'autre que vous lie uoye encas pareil y eltre bien traidé & recueilly .
tailloir alléger: & vous ferez choie qui vous fera remunerec des dieux tant en Sur cela (madame) le faifoye vil protes fans juge &fans partie,& condam-
ce monde com me en l'autre . noye Amour auec ma Polia,comnae confentans & coulpables de ma mort,
ennemys capitaux de tout bien,& dignes d'enreceuoir punition. Puis joli:
II;)IIIIIIIIII41111111ppfll 9 h ;,ffl!iif aptes reuognoye nia fentence,& leur en requeroye mercy . Le plus fouuent
ic compofoye en moymefme vil foulas faind & abuff iouyffant en ma pen-
fec dece donc l'effeft oieltoit interdid, & ledefirtrop inutile : confumant
ainfi ma vieenregretz& lamentations,cherchancpar tout ce qu'en l'ayant
trouué,cmpiroit de plus en plus ma peine. Finablement aptes pluGeurs pas
perduz,la fortune me fut f profpere,que ie trouuay celte damoyfelle au tem-
ple de Diane,vn jour gttelle ne fe doubtoit de moy :car elle auoit accoutumé
d'y aller en fecren& le bon fut qu'elle eftoit feule: dont je fil fi Curpris, qti én
m'approchant de fa perfonne,ie perdy fens,contenance & memoircAc forte
epemalangue oublia fonoffice,& ne fceu clue dire,ains demouray bonne
efpace de temps ainfi comme efperdu .Toutesfois a la finie repris vil peu de
Cc iij

Tel .
LIVRE SECOND DE P0LIPH1LF .

A ce mot il benda fon arc,& print en fa troutfe vue fleclte ferme d'or, eni-
Quand la deetre eut ouf ma clameur, elle appel la con fil z, & luy demanda
pennee d'efpines de diuerfes coleurs,& tira droit au mylieu de lapoiftrine de
qui l'a uoitmen a me faire tel excesunais ce icone dieu n'en feitque foubzrire,
l'image qu'il mamait ntonflree : mais ia plustofl ne fut le coup donné, que la
comme fi tous les maux dont il nous a noir affligez, n'entrent eflé que paffe-
pucelle fe rendit a fon obeifrance,enclinant humblement la tefle,qui fut figue
temps:&toit aptes Ce printadire : Madame,il ne paffera gueres que ce flc
quelle feroit déformais traicfable, doulce, benignc, & gracieulé, autrement
difcorde fera reduide en amytié,par le commun confentemene des parties .
Puis fe tourna deuers moy,& me monflra l'effigie de Polia exprimée au na- qu ellen'moit elle . Auffi ( certes) elle confeffa ion crrenr, affeurant qu'elle
efloit vaincue, de forte que plus ne pouoit contrevenir aux commandentens
turel,tne difant:Contemple bien celle fignre,puis iuge combien il y a de grâs
d'amour.
Peigneurs qui Ce repumroienr bien foi tunez C'ilz pouoient, ie ne dy pas eflre
Cela vey ie(Corpsmonamy) Mais citant en la prefence de ces troys
aymezdclaperfonneaquielle refentble,maislaseoir feulement vue foisen
perfonnes,dont les deux efloient divines, & la tierce non gucres moindre que
leur vie .11 fault,Ame,que tu confeflcs que telz dons ne fe font pas toufrours a
celefle, ien la finition des vifrons & nayfleres anfquelz les yeux ntaterielz ne
tous ceux qui les défient : car ce font graces particulieres des dieux,lefquelles
pettentpenctrer,fi ne font pas que bien peu de fpirituelz .Tontesfois il méfia:
ilz octroient a ceulx qui les meritér. Ainft ie vend que tu faclaes que ie te dône
premierementla fleur de toutes les vermz & beaultez corporeles . Cela faift,il ottroyé par grace f nguliere de les contempler face a face.Bien efl vray que ie
di6t a fa mere : Madame,voicy celle % eft caufe du mal de quoy feplainfi celle regardoye plus ententiuement que tout, le beau prefent qu'amour m'auoit
pouce bannye . fachez que ie la rendray en brief contenté, & feray que fou donné,& efioyetoute efbahie comment en vu fi petit corps de pucclle,ily
deuil fera mué en ioye.Ne te foucie(me didt il lors)ie fcay que mas vouloir de pouoir avoir tant de vertuz & de bcauté,que les dieux mefmes la eflans ne fe
retourner au lieu duquel tu es partie :a quoy ie confetts de ma part, ,z te veui I pouoient tenir de feu efmerueiller : & par efpecial contemploye fes yeux tant
davantage conioindre par affeftion réciproque aucc ton aduerfaire, ofiant clairs & fi luifans qu'ilz faifoient efblouir les miens, confideré que les rayons
toutes les occaflons des différées qui ont influes icy retardé voflne concorde. qui cri partoient,mefembloicnt des fagetres agues,aufquelles ie femoye de
A ce bute.
LIVRE SECOND DE
PO LIPHILE. ijc

Tu foys la tre(bien retournee chere amye & compagne,dame de mon en-


tendement,& ma mcilleurepartie raifonable: reioingz toy a moy quand il te
plaira,pour oédre grâces aux dieux dc leurs benefices innumerables .

Comme Poliphile dit que quand


SON AME EVT ACHEVE DE PARLER, ILS E
trouuauiuant entre les bran def mieux ay,nee Polia.Et requiert la
Prieulé quelle ueuilleconfcrmn leur aniitie.PuisPoha met
fin au compte qu'elle auoit ronnnmcé devant
ICSNympbes .

Ous pourrez trouver eftrange(madame)le dif-


cours que ïay faift de noz infortunes, & (parle
eftrc)vous feinblcra cliofe incroyable . Toutef-
fois ilneftrien impoffible alafouuerainemaie-
ftédes dieux . Et afin d'en venir a la conclufion,
le vous affeme que quand mon aime eut achevé
de dire,ie me rrouuay vif entre les braz de ceff e
damoifelle :&de lâen allant noflre amitié feft
toufioursaugmentee iufquesa l'heure prefen-
V eritablenient,Corps mon allyé,ieftoye lors en paradis,& vouIoycfaire te,enlaquelle nous fonmies rencontrez déliant
fipplication aux dieux que iamais n'en deufrepartir:mau la deeffe nie dift voflre fainâecé,que nous fuppliôs,puis que noftre deflinee nous y a heu i eu-
aucunes paroles touchant mon faift, & m'alléluia du bon fucces de mes fement conduiftz,& que a vous comme prefideme de ce lieu deuot, appar-
amours,defquelles in eftoir neceiirc cueuillir le fruift, a ce que tu en firfiès tientdediuertirlemal,&procurerlebien,releuerlestrebuchez,appuyei les
participant pour recompenCe de tes labeurs. Puis fiibioignit qtiaptes terrai a foybles,entretenir lcs choies bonnes,& corriger les defeftueufes, qu'il vous
téps nous retournerions en fort royaumepour y suaire perpetuelemét allée les plarfe nous donner vu lyen indifoluble pour coupler noz deux cueu rs en vue
amoureux bien fortunez.Sur ce peina elle ieâa vit doulx riz a ion filz,luy incurie affeftion,& confermer noflre amitié tât que puiffons tout le démoli-
difant: V eulxm erre plege pour la pucelle qu'elle obcyra dorenauant armés tant de noz vies puremét & loyaument feruira nofire excelléte deefre . Acoc
loix et recepres?Aquoy il feit refpô(e,qu elle n'en feroit iamais plus de rcfiftl-
la Prieufeayant ouy noftrerequefte,nousfit entrebaifer l'vu l'autre,difint :
ce . Donques,o Corps mô défilé côpagnô,recoy moy a celle heure que le fuis Soit faift feltï le b6 plaifir des dieux immortelz,et nô autremét . V ous foyez
faine& nette,purifieede tous les defanltz dont ïay eflé par cy démarre cou-
beniftz de ma puifance,& vivez en perpetuele concoi de,vifitans fouuent ce
taminee, veu nrefmemét gaie ie porte engravé en moy ce nom precieu x pour
fainft temple pour vofite confolation &grand bien.Mais celluy de vous qui
lequel ic t'abandonnay, qui ne fera nouais deffai&, ains y demouren la
fera calife de troubler celle alliance, fort an athematizé, & encoure l'indigna-
marque emprainfte perpetuelement & a toufiours .Mais afin de te donner
tion de noflre maiftreffe .
guerifon de tes bleffnres,faclies qne ïay pafré par tant d'eaux depleurs,tant de Vous allez ouy (Nymphes trefgracieufes) le commencement & le filetés
feux d'amour,& autres perilz eftranges,quc finablement ie fu dente en lieu
de noz amours,cliofe qui (patauéime) vous aura faift cri nuy, pour avoir eflé
ou tes femblablesnepeunent aller,&lâ obteinsde la bonté fupremela roc-
mon propos trop lon~,ainficomme lecuyde .mais cela rieflvenu quedel'o-
decine par toy fi longuement anetrdue . A cela le luy re(pondy :
beifCance que ïay preflcc a voz commandemens, qui d cura excufer mon de-
Tu foys
fault,& impétrer pardon de voz bénignes glaces.
Aini dift, Polia le leur.
LIVRE SECOND P0 L1PHILE.
DE 157
cueunce que potier avoir côgneu par ceunre erpar effeél,côfideré mefntemèt
qu'en la pi efence de tant de Nymphes ie me fuis iufques au mourir alliée &
Comme Polio tout en vn mer donnée avous :voirefi eftroiftementobligee,que nul autren'yaura part*
ainfiilvous ell es lepremiegainfrferez vous ledernier. Cedift,elletetlafes
ME TEMPS ACHEVA SON COMPTE ET LE CHA- deux brai zal'entour demon col, mâmbraffant&battant fi amoureufement
que le cuiday trancir de ioye . Et de mapart te n'cri faifoye pas moins, ellant
peler defeurs,qu ellemeit fur la telle de Polipbile.Puis comme les Nym-
phes qui l'allaient efoutce,retoumerenta leursesbatz prenant furpris de fi extreme plaifir, que ie ne fauoye fi t'eftoye en cnel,ou en terre : te-
congédcs deuxamans,lefguelz demeurermtf ulz,de- letnét que ie meRongnoifroye quafi & moymefme & ma Polia,a laquelle par
u+fa'usenfemble de leurs amours . Sur quoy fine force d'amouryne coleur vermeille efloit montée au virage, meflee aller
Polipbile fcfucilla . fa blancheur naturele,quiluy donnait frbeau lulire,que céfloitpour faire
mourir vitcoeurnonfubieftalamort. Encesentrefat&es,&toutenvn in-
ilant les larmes luy forment des yeux en guyfe de cryftal,ou petites perles rô-
E croyala vérité que les Nymplies qui auoient
des,h que vous euffiez di& que c eftoient gouttes de rofee fur les Feuilles d'v-
bien amplement ouy toute ihifloire de nez
nerofeincarnateefpârtyeauletierduSolerlenlafaifondumoysdeM ay. Et
amours, en eurent plaifir & merueille,pour les
comme i'efloie en ce comble de lyeffe, celle digne figure fefuanouyt, tétant
effranges accidens qui nous y eftoient fumeriez .
en l'ait ainfc qtinepedte filmée de Beniouyn : & laiffa vue odeur tant exquife
Mais Coudain elles te leuerent,côgnoiffans le diC-
que toutes les terreurs de (Arabie heureufe ne fy fauroient acomparer . qui
cours achevé : pendant lequel Polio feftoit cc-
fut caf re que ie m efueillay,& mc fembla qui iouy dire comme en pafram,
cupec en parlanga me faire on chapelet de fleurs,
Adieu Adieu monamy Poliphile.
qui le trouva pet feà allée (on compte : & eflant
encores furfes genoulx,me le pofa fut la telle,
désertes NymplaespriCerentgrandenaétla Cocon:
tuais fur tout eftinterent [on beau parlegfon maintien gracieux,& fa beaulté
plus q admirable,prenant frngulieremétplaifir d'entédre la noble Iourte de fa
race,enfemble le pro(pere fucces de Ces amours qu'elle auoit récité P fi boue Comment Poliphile fait fin a Con
eloquéce,qu il efloit impoffrble de plu s .Bié toftapres vouloir leur pnnt de re- HYPNEROTOMACHIE, SE COMPLAI-
tournera leurs paffetentpsordinaires :pargtsoyrecommencerenta fonnerde
leurs inftrumens,& a danfer autour de Ia fontaine : a quoy elles nous appel- gnant du lùuge qui fut f brief Qy de relue lesoleilf louaf tolf
lerent,monftrantvuefamiliaritébiengrande,&cordialepriuaulté . Puisles pour&yrompre fnfmme,comme fil
danles finies,elles prindrét congé, & no as baiferent toutes l'vue aptes l'autre, cuf fté erruyeux
fort contentes de radie compagnie . Or eflant ces Nymphes départies, & de f féli-
nous trouvant Polia & moy feulz en ce lien plein de félicité, vous pétiez cité .
péfer q nous cuintes affez que dire:car notais n'alliés eu libers loifir de decla-
rerlesaffeftiôs denozcourages .Toutesfoisiecôméceayaluydire ; Out auffr roll que tell efprit angélique fe fut
Madame,vous allez (ce croy le) affez côgneu l'amour q le vous pone,et ce- di(paru de ma fantafie, ic m éCucillay,las & cafre
me ie vous ay choifie pour maiftrefl'e de mon cueur,ainfi q la nô pareille en par les efiroiâz ambraffemens dont il m'auoit
vertuz & beautc,de toutes celles q le vey orques en ma vie : & Ccauez q pour eflrainélamon aduis:& demourayplein d'amcr-
acquérir vaftre bône grace,ïay palpé par toutes les conférés q'un poupe amant ume, voyant abfenter de moy celle par qui le
Pétrit endurcr :tantquedepuis leleur que prcmicrement le vous vey,icn'ay deuoyeviure,laquelle m'aconduift &efleue a fi
pas eu vue heure de rrpos :ntais maintenant que l'infpiration des dieux vous haches perlées . Aine donqucs abandonné de
a rédue plus traiâablq& que voftre tueur qui loulou effre garny de cruau- toutes mes félicitez fupernatureles,excepté du
té,feft efmm a doulce mifericorde,i'en remercye Ia bôté Couueraine, & vous fouuenir,icnefceu de qui me dcuoye plaindre,
fupply que toutes doubles & fufpicions oftecs, noftre amour foitinuariable, fi ce n'eftoit du Solcil,qui(parauâmrc)pour cille
& nez voituriez contiennent côformes . A quoy elle me refpondia enuyeux de mon bien, abbregea celle nuiét bienhcureuCe, non obllant qu'il
Polipltile mô feignent & a my,ic vous prie q ne v euilicz lamais raméteuoir feuft Cn luy de tarder encores quelque pen,ainCi que lacis il a faift pour plu-
les chofespatrees,& cenirpour certain que vous elles le fret gardien de mon fieursautres.0 quei'euffeeftébientenn a celluyqui mcufl envoyé le fom-
tueur meilque labelle PCyché portait clos en fa boefte!Mais(hclas)au plus fort de
ce fouhaiâ ïouy la doulce Philomele, ou Roffrgnol, fe lamenter du defoyal
Tereus, difant en fon chant ramage :Tereus Tercuse me ebiafato .
C'efladire,Tereus,Tereusm'aviolee . Erainfrmelaif-
ferentle ronge & le fommcil,parce que icm'en
efueillay comme en furfaulr,difant,
Or Adieu donc ma mieux aimer Polia .

A Treuiz, lorsque Poliphile efloit detenu es beaux lyens de (amour


de Polia, L'an Mil quatre cens foixante fept, leptemier
iour du MoysdeMay .

FIN DE L'HYPNEROTOMACHIE,AVTREMENT
difcoursduronge dePoliphile,enquoyeflamplement deduiftcom-
me Amour fa combatu a l'occafion de Polia :& ou il monfb c
que toutes chofes terreftres ne font que vanité :mais ce
pendant il traiâe de plufieurs matieres profi-
tables &dignes de memoite.

IMPRIME' POVR IAQVES KERVER MARCHANT


libraire iuré en fvniuerfice de Paris,par Loys Cyaneus,
Le X X . iourd'Aoufl,L'an M . D . X L V 1 .

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