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[334] La poésie veut instruire ou plaire; [335] parfois son objet est de plaire et d'instruire en même temps. Pour
instruire, sois concis; l'esprit reçoit avec docilité et retient fidèlement un court précepte; s'il est trop plein, il
laisse échapper tout ce qu'il a reçu de trop. La fiction, imaginée pour amuser, doit, le plus possible, se rapprocher
de la vérité; elle n'a pourtant pas le droit de nous entraîner partout où il lui plaît, [340] par exemple devant une
Lamie qui retirerait de ses entrailles un enfant vivant qu'elle vient de dévorer. Les vieillards ne veulent pas d'un
poème sans enseignement moral; les chevaliers dédaigneux ne vont pas voir un drame trop austère; mais il
obtient tous les suffrages celui qui unit l'utile à l'agréable, et plaît et instruit en même temps; [345] son livre
enrichit Sosie le libraire, va même au delà des mers, et donne au poète une notoriété durable.
Baudelaire - La Beauté
Mallarmé - Salut
« Tout genre littéraire naissant de quelque usage particulier du discours, le roman sait abuser du
pouvoir immédiat et significatif de la parole, pour nous communiquer une ou plusieurs « vies » imaginaires
dont il institue les personnages, fixe le temps et le lieu, énonce les incidents, qu’il enchaîne par une ombre de
causalité plus ou moins suffisante »
« Tandis que le poème met en jeu directement notre organisme, et a pour limite le chant, qui est un
exercice de liaison exacte et suivie entre l’ouïe, la forme de la voix, et l’expression articulée, - le roman veut
exciter et soutenir en nous cette attente générale et irrégulière, qui est notre attente des évènements réels : l’art
du conteur imite leur bizarre déduction, ou leurs séquences ordinaires. »
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Suivant les éléments de poétique vus dans ce cours, on notera ici deux ouvertures vers l’écriture poétique
tirées des œuvres romanesque et théâtrale au programme cette année. Dans des registres différents,
Chrétien de Troyes et Racine utilisent ici le langage poétique - nous allons voir pourquoi.
Il la heurta, la bouscula en la faisant tomber à terre. Mais dans sa précipitation, il dut s’en éloigner et renonça à
la saisir et à l’étreindre. Alors Perceval lança son cheval dans la direction où il avait aperçu le vol. L’oie avait été
blessée au cou et elle avait perdu trois gouttes de sang qui se répandirent sur la neige blanche, avec l’apparence
d’une couleur naturelle. L’oie, qui n’avait pas été mise à mal au point d’être clouée au sol jusqu’à l’arrivée de
Perceval, s’était envolée, et Perceval ne vit que la trace de la neige foulée là où l’oie s’était abattue, et le sang
qui était encore apparent. Il s’appuya sur sa lance pour contempler cette image, car le sang et la neige formaient
une composition qui ressemblait pour lui aux fraîches couleurs qu’avaient le visage de son amie ; et il s’absorba
dans cette pensée. Il comparait le vermeil sur le fond blanc de son visage avec les gouttes de sang qui lui
apparaissaient sur la neige. Tout à cette contemplation il s’imaginait, dans son ravissement, voir les fraîches
couleurs du visage de sa belle amie.
Texte original
UNE AUTRE
Il commande au soleil d’animer la nature,
Et la lumière est un don de ses mains ;
Mais sa loi sainte, sa loi pure
Est le plus riche don qu’il ait fait aux humains.