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I. Dialogues poétiques
Edgar Allan Poe - Sur le principe de Poésie
« Pour récapituler, je définirais donc en peu de mots la poésie du langage: une Création rythmique de la Beauté.
Son seul arbitre est le Gout. Le Gout n’a avec l’Intellect ou la Conscience que des relations collatérales. Il ne
peut qu’accidentellement avoir quelque chose de commun soit avec le Devoir soit avec la Vérité.
Quelques mots d’explication, cependant. Ce plaisir, qui est a la fois le plus pur, le plus élevé et le plus intense
des plaisirs, vient, je le soutiens, de la contemplation du Beau. Ce n’est que dans la contemplation de la Beauté
qu’il nous est possible d’atteindre cette élévation enivrante, cette émotion de l’âme, que nous reconnaissons
comme le sentiment poétique, et qui se distingue si facilement de la Vérité, qui est la satisfaction de la Raison, et
de la Passion, qui est l’émotion du cœur. C’est donc la Beauté — en comprenant dans ce mot le sublime — qui
est l’objet du poème, en vertu de cette simple règle de l’Art, que les effets doivent jaillir aussi directement que
possible de leurs causes: — personne du moins n’a osé nier que l’élévation particulière dont nous parlons soit un
but plus facilement atteint dans un poème. Il ne s’ensuit nullement, toutefois, que les excitations de la Passion,
ou les préceptes du Devoir ou même les leçons de la Vérité ne puissent trouver place dans un poème et avec
avantage; tout cela peut, accidentellement, servir de différentes façons le dessein général de l’ouvrage; — mais
le véritable artiste trouvera toujours le moyen de les subordonner à cette Beauté qui est l’atmosphère et l’essence
réelle du Poème. »
Spleen - Verlaine
Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas!
O mon Bien ! O mon Beau ! Fanfare atroce où je ne trébuche point ! Chevalet féerique ! Hourra pour l'oeuvre
inouïe et pour le corps merveilleux, pour la première fois ! Cela commença sous les rires des enfants, cela finira
par eux. Ce poison va rester dans toutes nos veines même quand, la fanfare tournant, nous serons rendus à
l'ancienne inharmonie. O maintenant, nous si digne de ces tortures ! rassemblons fervemment cette promesse
surhumaine faite à notre corps et à notre âme créés: cette promesse, cette démence ! L'élégance, la science, la
violence ! On nous a promis d'enterrer dans l'ombre l'arbre du bien et du mal, de déporter les honnêtetés
tyranniques, afin que nous amenions notre très pur amour. Cela commença par quelques dégoûts et cela finit, -
ne pouvant nous saisir sur-le-champ de cette éternité, - cela finit par une débandade de parfums.
Rire des enfants, discrétion des esclaves, austérité des vierges, horreur des figures et des objets d'ici, sacrés
soyez-vous par le souvenir de cette veille. Cela commençait par toute la rustrerie, voici que cela finit par des
anges de flamme et de glace.
Petite veille d'ivresse, sainte ! quand ce ne serait que pour le masque dont tu as gratifié. Nous t'affirmons,
méthode ! Nous n'oublions pas que tu as glorifié hier chacun de nos âges. Nous avons foi au poison. Nous
savons donner notre vie tout entière tous les jours.
Angoisse - Mallarmé