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Lacroix Julie M2C Français Fin de semaine

lacroix.julie@wanadoo.fr ESC Toulouse


Tuteur : M. Barbazanges

CONTRIBUTION DE RECHERCHE

L’identité de marque
Quelle vision du sport sera triomphante ?

Le match :

1
Introduction
Le secteur de l’équipement et de l’habillement sportif est un marché qui se porte
bien puisqu’il a engendré en 2006 un chiffre d’affaires de 27.2 milliards d’euros1. Nike, avec un CA
de 12 milliards d’euros en est le leader incontesté. Mais il est talonné de près par Adidas,
notamment dans le secteur de l’habillement.

Cette bonne santé du marché s’explique entre autre par le fait que ces deux marques ont réussi à
établir des identités de marque très spécifiques, dans lesquelles les consommateurs se retrouvent.
En effet Nike et Adidas ont tous deux créé un univers, un territoire. Ils transmettent une
philosophie du sport, et métonymiquement une philosophie de la vie, axée sur le thème de la
victoire. Cependant, ce thème central est appréhendé de deux façons différentes. En effet, deux
positionnements, basés sur des valeurs divergentes, sont en jeu. Ces différences de point de vue
sont notamment visibles grâce à une analyse comparative des affiches publicitaires.

I) Les valeurs représentées dans les affiches publicitaires

Les affiches publicitaires, en tant que visuels travaillés à priori, présentent des éléments
fortement iconisés et symboliques qui permettent aux consommateurs de comprendre (de façon
consciente ou inconsciente) les valeurs fondatrices de l’identité de la marque.

Dans la publicité suivante, pour la marque Nike, nous trouvons de nombreux signes porteurs de
sens :

Etudions tout d’abord la position du personnage : il se tient droit, il a les bras croisés, il ne sourit
pas ; il semble donc sûr de lui, résigné. On ne peut apercevoir que son buste : il pose et s’impose.
Cette attitude démontre une certaine philosophie du sport. Il s’agit de foncer, de ne pas ressentir de
peur, de ne pas avoir d’hésitation. Il faut même avoir une certaine « rage de vaincre ». Cette
expression appartient au champ sémantique de la guerre. Cet aspect belliqueux se retrouve dans la
publicité. Cela n’est en effet pas un hasard si le slogan comporte le mot « arme » et que les pointes
des chaussures sont parfaitement visibles. Nous pouvons même voir dans le prolongement des

1
Xerfi 700, Groupes d’habillement et d’équipements sportifs dans le monde, septembre 2006.

2
chaussures avec le bras du champion la forme d’une flèche. Dans tous les cas les lignes sont droites,
il n’y a pas de rondeurs ce qui donne une impression d’agressivité.

Enfin nous pouvons remarquer que nous n’apercevons qu’une seule personne. De plus, celle-ci est
connue puisqu’il s’agit d’un champion. C’est donc en tant qu’individu, que personnalité à part
qu’il est représenté. Cet aspect permet de comprendre que Nike conçoit la victoire comme un acte
personnel. La réussite est avant tout individuelle, il fait faire preuve d’un travail sur soi.

Au contraire, Adidas opte pour une communication fondée sur des valeurs collectives.

Dans ce visuel les individus (et donc les individualités) sont peu visibles et l’on aperçoit surtout une
forme homogène. L’homme est donc considéré en tant qu’entité d’un tout, d’un groupe. De plus le
temps historique est représenté. En effet les Blacks, par le Haka, implorent les anciens et les
Dieux. Il y a un retour aux sources puisque les joueurs puisent leur force dans leurs racines. Le lien
avec les anciens est primordial. Il y a donc toujours une relation avec les autres, contrairement à
Nike où le temps n’est pas représenté jusqu’à même devenir une marque mythique, c’est-à-dire
hors du temps.

Nike a aussi utilisé les signes tribaux des néo-zélandais mais dans un sens différent.

3
Le tatouage maori n’est pas ici appréhendé en tant que coutume. En effet Cantonna est français, il
n’y a donc pas d’idée de retour aux sources ou d’appel aux Dieux. C’est plus un état d’esprit qui
est représenté. Il s’agit de rage et même d’agressivité, accentuée par l’expression du visage du
joueur. De plus, le plan serré s’oppose à la vue d’ensemble du groupe dans la publicité d’Adidas. En
effet pour Nike il faut être unique, se différencier pour gagner. Au contraire, dans l’affiche d’Adidas
tous les hommes ont quasiment la même posture et se ressemblent. Il s’agit donc d’individus qui,
pour être victorieux, se rassemblent et ont le même objectif.

Nous avons donc vu que la dichotomie individu / collectivité était très forte entre les deux
marques. Les affiches pour Nike représentent des hommes (souvent des stars) seuls contrairement à
Adidas.

Cependant nous pouvons aussi trouver des publicités d’Adidas mettant en scène des sportifs connus
et seuls. Mais le traitement de l’image est ici aussi différent. Prenons l’exemple suivant :

Nadal est la seule personne présente sur ce visuel. Cependant on ressent une sorte d’humilité de la
part de ce joueur (en effet, il est placé en bas et ne prend pas tout l’espace). De plus, les croix
représentent des adversaires à affronter. Il y a donc encore une idée d’altruisme. On se bat ou on
joue toujours contre quelqu’un.

Les croix peuvent aussi représenter les épreuves personnelles à affronter. En effet, dans la
campagne « Impossible is Nothing » le but consistait à faire raconter à des professionnels les
difficultés rencontrées et surmontées au cours de leur carrière. Pour Adidas, la victoire n’est pas
donnée, il faut fournir du travail pour y arriver ; contrairement à Nike qui ne s’attarde pas sur les
souffrances que l’on peut ressentir. Adidas montre le cheminement (visible dans l’affiche par le
tracé qui représente un chemin) alors que Nike ne montre que l’aboutissement (seule la victoire
compte).

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Les publicités pour Adidas ont donc un coté plus humain puisque les « stars » acceptent de se
dévoiler. De plus, Nadal est en train d’écrire « Impossible is nothing ». C’est donc un précepte qui
est en cours de construction, que les sportifs acquièrent au fur et à mesure. Au contraire pour Nike
la victoire est un précepte donné, imposé comme une règle. L’aspect très injonctif du slogan « Just
Do It » apparaît presque comme une loi divine. A ce propos, les connotations religieuses sont
fortement visibles dans certaines publicités de Nike.

Comment ne pas penser, avec ce blanc immaculé et la position de contemplation, à une


mystification du joueur. Nike a même « poussé le vice » jusqu’à représenter Rooney crucifié. Les
joueurs apparaissent comme des élus et Nike comme une marque sacrée. On est donc très loin du
coté « humain » et de l’idée de sportifs pouvant avoir des failles défendue par Adidas.

Même quand Adidas se détache de son credo et propose une vision plus agressive, certains éléments
rappellent des valeurs plus « douces », moins brutales que celles de Nike :

Dans cette affiche le sportif est certes seul mais il est dans l’effort et est entouré d’une forme
circulaire. Cette forme ronde peut être considérée comme une cible, c’est-à-dire comme l’objectif à
atteindre. Cependant elle apporte, visuellement, un peu de douceur puisque d’un point de vue
symbolique « le rond est féminin (évocation de la douceur, de la perfection, de la maternité2))»

2
Propos recueillis auprès de Rodolphe Grisey, Directeur de l’agence Démoniak , agence de création de noms de
marque, Paris.

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Cette dernière constatation nous mène à une idée maîtresse : Adidas a un côté sensible et
« féminin » et Nike apparaît comme une marque agressive, brutale et « masculine ». En effet,
de par les valeurs défendues, Nike propose quasiment l’image agressive d’un surhomme (un contre
tous, sans peur, animé d’une rage de vaincre et toujours victorieux). Cependant cette image est
fantasmée puisqu’elle représente le stéréotype actuel de l’image masculine, c’est-à-dire l’image du
mâle. Au contraire, l’homme d’Adidas est plus faillible. De par cette fragilité avouée, Adidas
rajoute un aspect féminin que n’a pas Nike. Mais il a aussi bien plus d’humanité et apparaît plus
réel.

Il existe donc deux visions : une plus « féminine » et une plus « masculine ». Cette dualité se
retrouve même dans les éléments sensoriels de la marque, c’est-à-dire dans le nom de la marque et
dans le logotype.

II) Les valeurs représentées dans les noms et logos des marques

En ce qui concerne la sémantisation de ces marques, Adidas ne présente pas de dénotation.


En effet, le nom de la marque provient de l’association du diminutif du prénom du fondateur et du
début de son nom. Mais ce mot-valise n’a pas un sens particulier. Au contraire, Nike a une
signification puisque Nikê signifie « victorieux » en grec. Cependant, la majorité des gens ne
connaît pas cette particularité étymologique.

Pourtant, bien que ces marques soient non sémantisées, elles possèdent toutes deux un pouvoir
d’évocation qui réside notamment dans le logotype car celui-ci, en tant que mot-image, permet au
visuel d’exprimer le sens du mot.

Les valeurs d’Adidas sont tout d’abord présentes dans la typographie du nom. En effet le mot «
adidas » est toujours écrit en bas de casse (aspect qui doit être spécifié dans la charte graphique). La
première lettre est en minuscule, ce qui renforce les rondeurs réparties autour du i. Cette rondeur,
symbole de la féminité, est signe de la sensibilité de la marque. Cette impression est d’autant plus
présente qu’elle est renforcée par la phonétique du mot. En effet, le mot commence par un son doux
(le « a »).

La solidarité collective est aussi une valeur primordiale pour Adidas. Dans le logotype les trois
bandes « bien que rigides (ou du moins droites), s'appuient et se renforcent réciproquement.3 » De
plus, nous pouvons voir un mouvement d’élévation. C’est grâce à l’esprit d’équipe que chacune des
3
Idem.

6
individualités s’améliore et se trouve grandie. Ces trois bandes, ainsi que les trois syllabes du nom,
apparaissent aussi comme « une course ou un élan en plusieurs pas4 », ce qui symbolise le
cheminement que le sportif doit effectuer avant de triompher.

En ce qui concerne Nike, l’agressivité qui le caractérise se retrouve sur plusieurs points :
typographiquement le nom est composé de lettres bâtons. De plus, phonétiquement, la lettre centrale
K est une lettre dure et le mot, en une syllabe, sonne comme un clash. Enfin, pour ce qui est du
logotype, « le swoosh est l'image d'un geste, d'un départ, d'un envoi. Mais, bien que présentant un
arrondi, la "crosse " du swoosh est pointue aux deux bouts, presque agressive 5».

Nous nous risquerons même à aller plus loin en affirmant que les lettres du nom « Nike » verticales
et droites ont un coté phallique qui représente l’aspect très masculin des valeurs véhiculées. Enfin
de par sa forme, la lettre K est une « lettre qui marche ». Nike est donc une marque qui sous-
entend : il faut avancer, foncer, ne pas avoir peur.

Conclusion

Dans le contexte actuel où le statut des hommes évolue (la part féminine est acceptée et
même valorisée) et où il existe désormais un scepticisme des consommateurs envers les stéréotypes
et icônes véhiculés dans les publicités, l’identité de marque d’Adidas colle plus aux besoins des
prospects. En effet cette marque offre un univers et territoire dans lequel les consommateurs
peuvent plus facilement se retrouver. L’homme actuel (ni femme, ni mâle) peut plus aisément
s’identifier à l’image du sportif d’Adidas qu’à celui de Nike. Nous pensons donc intimement
qu’Adidas possède une marge d’évolution supérieure à celle de Nike qui sera certainement dépassé
par son coté agressif (déjà fortement ressenti par l’impression d’impérialisme américain). Il y a
donc, selon nous, de grandes chances pour que Nike modifie légèrement à l’avenir les axes de sa
communication.

4
Idem.
5
Idem.

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