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Travail du Compagnon

Vénérable Maitre
Chers Frères,

Introduction
Au travers de ce morceau d’architecture je voudrais partager Mes
expériences de Compagnon Franc Maçon.
Quels sont les évènements qui m’ont marqués au cours de mon parcours,
comment les ai-je ressenti, comment les ai-je compris au travers des outils et
symboles du compagnon mais aussi inversement comment l’analyse de ces
symboles et outils m’ont il aide à comprendre le sens de ma démarche ?

Mon cheminement initiatique n’est pas encore accompli, loin de là, et il m’est
impossible de mettre le degré de compagnon en perspective comme
pourraient le faire mes frères déjà élevés au degré de maitre.
Cela ne m’empêche pas d’analyser mon ressenti en utilisant les acquis
glanés jusqu’à présent.
Le Début
Pour cette mise en perspective commençons par le début.
Après le bruit et la fureur de l’initiation, l’apprenti se remet du choc de sa
‘naissance’.
Il commence son cheminement, taille sa Pierre brute, cherche à acquérir les
vertus maçonniques mais comme le nouveau né, la lumière l’éblouit trop pour
qu’il puisse distinguer ce qu’il l’entoure, Il ne saisit pas le sens des paroles et
rites. Il n’a qu’un usage limité de ses 5 sens et ce n’est que petit à petit en
parcourant le chemin initiatique, en taillant sa pierre brute que ses sens
s’affinent et ce faisant qu’il acquiert une connaissance de soi, il devient un
meilleur ouvrier maçon

Arrive le moment du passage au degré de compagnon.

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Il y a une continuité, la Tâche reste la même, tailler-affiner sa Pierre, mais un
cap est franchi, La cérémonie d’augmentation de salaire, me semble t’il tend
vers cela.
Les changements sont nettement perceptibles, la cérémonie (et je reviendrai
sur quelques éléments qui m’ont marqués plus tard) est moins dramatique,
plus sereine, il n’y a pas de bandeau ni de voyage sous le tonnerre et la
tempête. La lumière est sereine, on connaît un peu plus, on maitrise un peu
mieux, on pressent que la route reste longue mais qu’on a les outils pour aller
de l’avant.

Le Jura

Je décris cela comme l’arrivée sur le plateau du Jura.


Je me permets là de faire une digression vers le monde profane.
Une de mes activités profanes favorites est la pratique du vélo.
L’un de mes parcours favoris consiste à partir du lac Léman pour monter dans
le Jura.
Un voyage d’une centaine de kilomètres.
En repensant à la toute première fois que j’ai fait ce parcours j’y ai retrouvée
des impressions qui m’ont aidé à comprendre mon chemin initiatique.
Il y a d’abord la partie plate le long du Lac – le monde profane, avec son bruit,
une intense activité, des gens allant en tout les sens. L’esprit est en alerte,
vigilant, à l’affut de tout danger – ensuite viens la montée dans la forêt,
l’activité fébrile que l’on a connu le long du Lac a disparue, On est seul : le
chemin de l’apprenti, le voyage dans l’inconnu - Le cœur bat fort, la pente
est raide, c’est le moment de l’introspection, toute son énergie et son attention
sont dédiée à la montée, on taille sa pierre brute.
La route serpente. Tel un escalier en colimaçon on ne voit ni l’échelon suivant
ni ce que cache la courbe. Rien n’est clair, on se demande ce qu’on fait là
mais on continue, on se concentre.
Puis, après avoir eu le sentiment de ne jamais voir la fin, de rester dans la
confusion, la pente s’atténue la forêt disparaît et apparaît le plateau au
sommet de la montagne, on voit au loin et on se sent envahi d’une grande
sérénité. On perçoit l’étoile flamboyante.

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Tout de suite, j’ai associé mon arrivé sur le plateau au stade du compagnon.
..
Le cœur et les sens se sont adaptés à l’environnement, on continue son
chemin mais désormais on a atteint un autre degré de connaissance, de
maitrise de soi. Dès lors, là ou la route dans la forêt marquait un moment
d’introspection, de repli sur soi maintenant on saisit avec une plus grande
acuité les éléments rencontrés le long de son chemin.
Toutefois, il est clair que ce cheminement sur le plateau n’est qu’un passage,
une étape. Au loin se profilent se profilent les routes des Alpes qui annoncent
dors et déjà une autre partie du chemin initiatique.
En parcourant ce plateau d’une grande beauté on est envahi par le côté
magique, spirituel de l’endroit. Chaque fois que j’y retourne je suis interpellé
de là même manière. Je ressens la même chose : Le plateau du Jura comme
allégorie du stade du compagnon.

Augmentation de salaire > Miroir> Bon Voyage

Mais revenons un moment à la cérémonie de l’augmentation de salaire.


Un moment plus serein que l’initiation donc. Il n’y a pas de bandeau car
désormais L’Orient n’éblouit xxx plus.
Il n’empêche qu’ mais à l’instar de l’initiation, le souvenir est vague et il faut
assister à l’augmentation d’autres frères compagnons pour en prendre la
pleine mesure.
Deux éléments toutefois me restent à l’esprit.
A un moment donné apparaît soudainement devant le compagnon un miroir.
Surprise et interpellation.
Voilà qui tu es.
Ce miroir est le symbole de l’examen de conscience : non pas de la vanité
mais celui de la connaissance de soi. Le regard jeté dans ce miroir doit faire
apparaître au Maçon sa propre image morale, dénuée de tout fard. Cette
connaissance de soi doit nous permettre d’être juste dans l’appréciation de
notre prochain, elle doit nous protéger des tentations de l’orgueil.

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Le regard jeté dans ce miroir nous rappelle aussi que sans cesse nous
observons puis jugeons. Nous sommes sans cesse entrainés par ce
système. Pourquoi juger ?
Que savons-nous de la vie pour nous permettre de juger ? Bien peu de
choses si l’on réalise que notre espace de connaissance sont le fruit limité de
nos expériences. Alors souvenons-nous qu’il faut d’abor observer. Observer
permet d’apprécier la réalité de la vie qu’elle soit positive ou négative.
(Observer est la matière première du domaine infini que représente la
connaissance.)

‘Bon Voyage’ !

Autre moment marquant, à la fin de la cérémonie, un de nos frères plus


anciens me prend dans ses bras, me regarde et me souhaite ‘Bon Voyage’.
Bon Voyage.
Dans son regard il y avait la bienveillance du maîtres envers le plus jeune
frère mais il y avait aussi l’intensité de celui qui se souvient de son passage
en tant que compagnon.
Il transmettait non seulement son souhait mais c’est comme s’il espérait que
je fasse les mêmes découvertes que celles qui lui a faite au cours de son
chemin initiatique.
Quelles étaient elles ?
Je n’en sais rien. Avait-l lui aussi maitrisé petit à petit les outils pour tailler sa
pierre ? Avait-il lui aussi été confronté au doute et au découragement avant
de reprendre espoir.
Etait-ce le regard de celui qui non seulement avait vu l’étoile flamboyante
mais était devenu lui-même cette étoile flamboyante.
Au moment même ce bref instant m’a interpellé et il reste à ce jour vivement
présent dans ma mémoire. J’y repense souvent.
Ce n’est que plus tard, au cours de mon cheminement et mon travail que cet
instant m’a aidé à mettre un sens à la symbolique maçonnique et inversement
que la symbolique m’a aidé à comprendre la signification de ce moment
D’une certaine manière en me souhaitant ‘ bon voyage’ c’est comme ci il avait
planté une graine-on dira un épi qui a germé au cours de mon parcours de

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compagnon. En hébreux épi se dit SCH…. C’est comme si en me souhaitant
bon voyage ce frère m’avait donné le mot de passe pour la suite de mon
voyage initiatique.

Etoile flamboyante Mezzogiorno voyage


Je rattache trois éléments à cet instant furtif, le voyage, l’étoile flamboyante et
le Mezzogiorno.

Etoile flamboyante (juger-connaître-compendre)

Commençons par l’étoile flamboyante : A la question Etes-vous franc maçon


le Compagnon réponds ‘j’ai vu l’étoilé flamboyante. Il l’a vu mais il ne l’est pas
(encore).
Le compagnon a atteint un degré de développement qui l’a amené –
symboliquement à s’approcher de la lumière mais cela ne veut pas dire qu’il
soit parvenu à s’identifier à celle-ci. En cela il faut comprendre qu’au stade de
compagnon, le maçon n’a pas encore atteint un degré de perfectionnement
que préfigure le degré de Maître, celui du maçon resplendissant de lumière
parmi les ténèbres.
Il voit l’étoile flamboyante mais il ne l’est pas.
Si’ il ne l’est pas elle est son guide, son but.
Son guide car elle est la somme de toutes les lumières qui éclaire la vie
spirituelle du maçon, la lumière qui perce les ténèbres les plus épaisses (que
ce soit la superstition, l’erreur ou l’ignorance).
Elle est aussi le symbole de l’ardeur et l’enthousiasme au travail. Elle est
guide et but, incarne des valeurs et un objectif à atteindre, elle montre le
chemin.
En revoyant ce frère me souhaitant ‘Bon voyage’ je me dis que pour moi, à
ce moment là, il incarnait l’étoile flamboyante.

Voyager

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Voyager, ne s’agit-il pas là d’un des devoirs premiers du compagnon ?
Voyager ?
Celui qui voyage quitte les siens.
Dieu sait si depuis mon augmentation de salaire j’ai été absent de notre
atelier.
J’ai voyagé et visité d’autres ateliers, ce qui a valu son lot de belles
rencontres, mais pas autant que je ne l’aurais souhaité
Dans un premier temps la vie professionnelle a absorbé tout mon attention,
me laissant que peu de temps de répit, encore moins pour mon travail
maçonnique. Toutefois rétrospectivement, j’en retiens le besoin de
persévérance et de concentration, le sentiment de gravir un escalier en
colimaçon, dont on ne voit pas l’horizon.
Ensuite j’ai été absent car au détour de cet escalier en colimaçon j’ai
rencontré l’amour et cet amour m’a amené vers d’autres rives.

Partir-Revenir
Etre absent, voyager ont ça de commun qu’ils permettent de revenir. Et si à
ce stade de cette planche je pourrai partager ici quelque compte rendu de
mes voyages, je préfère m’attarder sur ce qui m’a le plus marque : le bonheur
de retrouver son atelier !
Quel que soit la durée de l’absence, l’accueil chaleureux de ses frères donne
son plein sens au mot reliance. Le lien entre des frères qui n’est pas de
l’amitié (même s’il ne l’empêche pas), qui va au delà des affinités électives,
qui fut la dès le premier moment d’entrée en loge.
Ressentir cette reliance a été ma première expérience maçonnique et reste à
ce jour celle qui a le plus de valeur à mes yeux.
Il y a un énorme bonheur à revenir et rétrospectivement on se rend compte
que les longues absences ne sont pas des interruptions dans sa démarche
maçonnique, elle en font partie. Elles ont un rôle de décantateur et m’ont
aidée à comprendre la pleine mesure de la démarche initiatique.
Partir implique de revenir et les retrouvailles rapprochent l’homme de lui-
même ( et l’enrichissent par l’apport du voyage ou de l’absence)

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Partir implique donc de revenir et de confronter nos expériences de l’extérieur
avec nos expériences de l’intérieur. Cela nous permet de mieux comprendre
les mille et une façons d’être un homme.
Voyager-partir- revenir : on peut le faire dans l’espace. On peut aussi le faire
dans le temps et au sein de son atelier.

Ecouter ses frères apprentis


Assister à une initiation ou un travail d’augmentation de salaire en sont le
meilleur exemple.
Ecouter en cet atelier les planches de frères apprentis en vue de leur
augmentation de salaire constitue assurément un des plus beau voyages
( dans le temps) que j’eus l’occasion de faire.
Trois frères apprentis nous présentèrent successivement leur travail.
Trois frères, trois styles. L’un habile de ses mots, l’autre érudit, expriment
avec talent leurs expériences. Chaque planche est une mise en miroir, pour
eux, pour moi, pour nous tous sans doute.
Leur expérience renvoie à la mienne quand bien même elle s’exprime de
manière différente. Elle permet de voyager dans ses propres perceptions de
la démarche maçonnique et de les mettre en perspective. Un voyage
immobile mais Ô combien enrichissant.
Arrive le tour du troisième frère apprenti. Son style n’a pas la dextérité des
premiers. Sa maitrise des symboles ne lui permet pas de faire de figure de
style, alors il fait parler ses tripes et ce faisant il montre son cœur et touche le
notre.
Une des leçons de ces trois planches pourrait être que la beauté du travail
n’est pas déterminée par le don ou le talent mais par le cœur qui est mis au
travail, par cette volonté de se mettre à nu, de se libérer de ses métaux,
d’accepter la difficulté et de l’importance de persévérer sur le chemin que l’on
s’est tracé.

Le Cœur
Y aller avec son cœur donc, persévérer. C’est en persévérant que l’on
avance, qu’on développe son intelligence ; toutefois cela ne suffit pas pour
aller au delà des connaissances rationnelles. Pour aller au delà du savoir il

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faut ouvrir la chambre du cœur, c’est à dire le point symbolique que toutes les
traditions, y compris la tradition grecque désignent comme le siège de
l’intelligence universelle.

Le cœur donc dont l’importance pour le degré de compagnon ma frappé et


que l’on retrouve dans la symbolique mais également dans les devoirs du
grade.
C’est en mettant sa main sur son cœur que le compagnon se met à l’ordre.
Dans la vie profane cette position de la main équivaut à une affirmation de la
sincérité, à un engagement intime.
Le moins qu’on puisse dire est nous somme la dans une symbolique moins
dramatique que celle que nous connaissons pour le grade d’apprenti.
Contrairement à l’apprenti, qui tel un enfant se voit imposé des interdits avec
une sanction très claire avant même d’avoir pris la pleine mesure de son
engagement, le compagnon lui a atteint l’âge adulte il est passé des ténèbres
à la lumière.
Certes il doit respecter son engagement mais on lui demande d’avoir du cœur
à l’ouvrage, de cultiver son cœur, de poursuivre l’ennoblissement de ses
sentiments. Il doit être capable de pitié et de compassion pour celui qui est
dans la détresse morale, physique ou matérielle, il doit cultiver en son cœur le
généreux désir d’aider son semblable dans la mesure de ses forces.
C’est ainsi est-il dit, qu’il affinera son caractère et la pierre cubique
harmonisée dans ses lignes qu’il symbolise, pourra dès lors prendre place
dans la construction idéale du Temple.

Conclusion
Je suis monté dans le Jura et j’y ai découvert l’étoile flamboyante, je me suis
retrouvé devant un miroir qui m’a fait comprendre qu’il ne fallait jamais oublier
la différence entre comprendre et juger.
J’ai beaucoup voyagé certes mais les plus beaux voyages je les ait fait au
sein de cet atelier. J’y ai découvert l’importance du cœur et un de vous a
planté un épi, cet épi a germé et m’a éclairé mon chemin.

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En faisant la route hier de Suisse pour venir ici, je repensais aux expériences
que je viens de partager avec vous.
Certains évènements vous marquent, vous touchent.
L’émotion est immédiate, la raison de cette émotion et le sens de cet
événement n’apparaissent que plus tard après un processus décantatoire qui
prend parfois des tournures surprenantes.
E faisant le voyage hier, je me suis souvenu de la période précédent mon
initiation.
Pourquoi voulez-vous devenir Franc Maçon ?
A chacun ses raison. Comme d’autres frères sans doute je cherchais à avoir,
à côté d’une vie profane déjà bien remplie, une autre dimension. Une
dimension qui m’incite à réfléchir et a appréhender de manière différente,
d’autres sujets que ceux du quotidien.
Le voyage n’est pas terminé mais je me rends compte que cela je l’ai trouvé.
C’est en me réalisant cela que je me dis qu’aujourd’hui je suis un maçon
heureux.
En conclusion, si l’apprenti a reçu le premier rayon de la lumière, de nouvelles
clartés sont apparues à l’apprenti que je suis.
Si l’apprenti a pour tâche la connaissance de soi et le compagnon la maitrise
de soi, je ne puis affirmer que je sois arrivé à cette maitrise de soi, cependant
je sens que la démarche de compagnon et les symboles qui y sont rattachés
en fait germer en moi une sorte de paix intérieure.

J’ai dit Vénérable Maître.

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