Hakim Bey
Hakim Bey
Hakim Bey
Hakim Bey (Monsieur le Juge,
en turc) est le pseudonyme
de Peter Lamborn Wilson,
écrivain politique et poète
américain, se qualifiant
d’«  anarchiste ontologique ».
Né en 1945, il a étudié à l’uni-
versité Columbia (New York)
puis voyagé en Afghanistan,
au Pakistan, en Inde et au
Népal. A partir de 1974, il a
travaillé comme directeur des
publications de langue an-
glaise au sein de l’Académie
Impériale de Philosophie, en
Iran, un pays qu’il a été obligé
de quitter à la suite de la ré-
volution islamique de 1979.
Influencé par le soufisme mais
aussi par le situationnisme, il
a commencé à développer sa
propre pensée critique dans
les années 1980. Il est surtout
connu pour ses théories sur
la TAZ (la Zone d’Autonomie
Temporaire) et les utopies
pirates, qui ont inspiré le
mouvement des squats et des
rave-parties dans les années
1990. Il est l’une des icônes
et des références incontour-
nables de la contre-culture.
Hakim Bey Collection dirigée par
Laurence Tacou
Zone interdite Carnets
Babylone se fait haine devant quiconque prend Michel Bakounine
Zone
réellement plaisir à la vie, au lieu de seule- Catéchisme révolutionnaire
ment dépenser de l’argent en quelque vaine Zygmunt Bauman
tentative pour acheter l’illusion du plaisir. Identité
Si vous ne vous dilapidez pas dans la vacui-
té de la marchandise, c’est évidemment que Noam Chomsky
interdite
Pour une éducation humaniste
vous êtes un tordu et vous devez, par défini-
tion, être en train d’enfreindre une loi. Dans N. Chomsky et J. Bricmont
cette société, le vrai plaisir est plus dange- Raison contre pouvoir, le pari de
Pascal
reux qu’un braquage de banque. Au moins,
les braqueurs de banque partagent le respect N. Chomsky et M. Foucault
des masses pour l’argent des masses. Mais De la nature humaine : justice contre
vous  ! Vous les pervers, vous méritez claire- pouvoir
Zone interdite
ment de mourir sur le bûcher. […] Soudain Gerald A. Cohen
les flics pullulent et débarquent par légions
Pourquoi pas le socialisme ?
de tous les côtés. Vos papiers sont en ordre  ?
Jean-Marie Guyau
Avez-vous votre permis d’exister ? Contre l’idée de sanction
H. B.
Paul Lafargue
Le droit à la paresse
Traduction de l’anglais par Sandra Guigonis Edgar Morin
Ou va le monde ?
La série des Carnets anticapitalistes est dirigée par Vers l’abîme ?
Alexandre Lacroix et Laurence Tacou
Pierre-Joseph Proudhon
La célébration du dimanche
Carnets
La pornocratie
Michael Walzer
9,50 € La soif du gain
L’Herne
9 782851 979292
ISBN 978-2-85197-929-2 L’Herne
 ZONE
INTERDITE

Carnets
 La série des Carnets anticapitalistes est dirigée
par Alexandre Lacroix et Laurence Tacou

Titre original : The No-Go Zone

© Hakim Bey, 1991
© Sandra Guigonis pour la traduction
© Éditions de L’Herne, 2010
22, rue Mazarine 75006 Paris
lherne@lherne.com
www.@lherne.com
 Hakim Bey

Zone
INTERDITE

Traduit de l’anglais et annoté par Sandra Guigonis

L’Herne
 PRÉSENTATION

Comment finira le capitalisme ? Il ne sera pro-

bablement pas renversé par une révolution, mais
son système mondial de création de richesses et de
valeurs va lentement se déchirer, abandonnant des
régions et des populations entières à elles-mêmes
– ce processus est d’ailleurs entamé. Ainsi, le capi-
talisme mondialisé sera lentement mité par l’ex-
pansion d’une «  zone interdite  » englobant les
laissés-pour-compte, les banlieues, le « Sud », les
pauvres…
Comment concilier l’esprit de l’utopie et les
obligations de la vie de salarié  ? Peut-être en re-
mettant au goût du jour la « transhumance » des
anciens Irlandais, c’est-à-dire en quittant les villes
durant un ou deux mois à la belle saison pour aller
vivre en pleine nature.
Pourquoi sommes-nous, hommes du xxe et du
xxie siècle, émus par les peintures de Lascaux  ?

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Les hommes des Lumières n’auraient pas salué le
génie de l’art préhistorique. Mais nous sommes
sortis de la modernité, et l’archaïque a refait sur-
face dans notre univers mental.
Qu’est-ce qui est vraiment révolutionnaire  ?
Le militantisme encadré par les partis officiels
semble une option périmée. Mieux vaut essayer
d’arracher du temps à notre vie quotidienne,
pour le vivre pleinement avec des personnes qui
ne sont pas des collègues ni des membres de la fa-
mille. L’enjeu est de revitaliser le lien d’homme
à homme, d’en préserver la gratuité pour faire
échec au culte de la productivité.
Contre l’amour-possession, toujours suscep-
tible d’être rabaissé à l’état de marchandise, il
est urgent de défendre l’amour-obsession, un
leitmotiv que l’Orient a transmis aux trouba-
dours du Moyen Âge européen, et qui inspire
souterrainement notre civilisation.
Voici les cinq thèmes – cinq hypothèses hété-
rodoxes, cinq pistes de résistance – que proposent
les textes rassemblés dans ce recueil, «  La Zone
interdite », « La Zone autonome périodique »,
« Lascaux », « Immédiatisme vs capitalisme »,
« L’amour obsession ».

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 Leur auteur est un homme étrange et se-
cret, Hakim Bey. Sorte de Guy Debord amé-
ricain, le penseur politique et poète qui se
cache derrière ce pseudonyme (Monsieur le
juge, en turc) est né en 1945 à New York. Ses
textes sont diffusés par des éditeurs alterna-
tifs, circulent sous le manteau ou sur le net. Il
est devenu une référence obligée de la contre-
culture, en inventant un concept qui a fait
le tour du monde, la «  Zone d’Autonomie
Temporaire  ». Partant du constat de l’échec
des tentatives de vie en communauté des an-
nées 1970, les TAZ (Temporary Autonomous
Zones), comme on les appelle, proposent de
rassembler des êtres dans des lieux réels ou
virtuels, où les lois et les règles de la société
sont momentanément suspendues, autour
d’un projet politique ou créatif. Les commu-
nautés hippies ont échoué à durer. Les TAZ
n’ont pas une telle ambition, éphémères par
définition et par choix. Ce concept a fait
florès et a inspiré de nombreux mouvements
dans les dernières décennies, des squats aux
raves-parties ou au Forum social mondial de
Porto Alegre.

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 Mais cette brève présentation ne fait pas
pleinement justice à l’esprit d’Hakim Bey : car
celui-ci ne procède pas par argumentation ra-
tionnelle, il est très loin de la dialectique néo-
marxiste et refuse les concepts trop nettement
définis, figés. En effet, comme Guy Debord,
Hakim Bey est d’abord et avant tout un poète.
Contrairement au père spirituel du situation-
nisme, son style ne s’inspire pas des grands
auteurs «  classiques  » français, de Bossuet à
La Rochefoucauld, mais plutôt des écrivains
de la «  beat generation  » américaine, de Jack
Kerouac à Allen Ginsberg. C’est pourquoi
il vaut mieux mettre en garde le lecteur  : ces
pages vont le dérouter. S’il est vrai que «  les
beaux livres sont écrits dans une sorte de lan-
gue étrangère  » (Marcel Proust), alors les
textes de Bey, truffés de références érudites
– il est capable de citer des poètes orientaux
comme Iraqi ou Auhadeddin Kermani, peu
traduits, voire pas du tout – mais qui sem-
blent négligés, bourrés de fautes et d’ellipses,
ainsi que d’expressions orales ou grossières,
ont un évident parfum d’étrangeté. Oui, Bey
est hermétique et le lire est une aventure  :

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à chacun de s’y risquer, d’aller se perdre dans
ces petits labyrinthes de prose psychédélique,
pour y trouver son miel. Car les divagations de
Bey, inspirées, mal jointées, recèlent nombre
de pensées neuves.

Alexandre Lacroix

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 La zone autonome périodique

Je serais prêt à parier que la manière dont

on transhumait dans l’ancien temps s’est tou-
jours montrée tant agréable que pratique,
du moins dans des économies de petite
échelle. Deux fois par an, vous vous levez et
vous partez, vous voyagez, vous changez de
vie et même de régime  : voilà de quoi don-
ner un goût de liberté nomade. Mais vos
pas vous portent toujours vers les mêmes
deux endroits. L’un des deux est de type plus
heimlich 1 que l’autre : le village, l’âtre ; tandis
que l’autre est de type plus sauvage que le pre-
mier  : ce dernier pourrait être appelé le lieu
du Désir, de l’Été.
Dans les histoires de Finn mac Cumail et
de ses compagnons les Fianna, cette bande de

1. Heimlich, intime, en allemand dans le texte.

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