You are on page 1of 8

Rohrbacher, René François (1789-1856).

Lettre sur les principes et les monuments de constitution politique qui se trouvent inconnus et méconnus dans l'histoire de France. [Signé
: Rohrbacher.]. (1851).

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.

Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.


LETTRE SUR LES PRINCIPES

ETLES

MONUMENTS DE CONSTITUTION POLITIQUE

QUI SE TROUVENT INCONNU ET MÉCONNUS,

DANS L'HISTOIRE DE FRANCE.

Dans la discussion qui vient d'avoir lieu sur la révision de la consti-


tution écrite de 1848, on a cité l'histoire de France, mais d'une ma-
nière vague et même peu exacte. Cependant il y a dans les monu -
ments authentiques de cette histoire des faits et des principes qui,
bien connus, auraient pu éclaircir beaucoup la discussion, peut-être
même concilier beaucoup d'idées et d'esprits. J'ai cru devoir vous les
exposer sommairement, non par la voie des journaux, mais directe-
ment, et cela par respect pour l'assemblée législative de mon pays.
La difficulté principale paraît être la conciliation, la coexistence
du principe monarchique avec le principe républicain ou électif. Or,
la coexistence de ces deux principes se trouve dans toute l'histoire
de France et sous toutes les dynasties : elle s'y trouve non-seulement
quant aux faits, mais encore quant aux lois et aux chartes constitu-
tionnelles mûrement délibérées. C'est particulièrement sur l'alliance
de ces deux principes-que repose la légitimité de la troisième dynas-
tie. Nous avons à cet égard une histoire contemporaine, celle de
Richer, retrouvée depuis peu et publiée dans les Monument a Germanin
de Pertz, et résumée dans l' Histoire universelle de l'Eglise catholi-
que, t. 13, 2e édition.
L'an 987, au déclin de la seconde dynastie, celle de Charlemagne,
il restait encore un héritier légitime, le prince Charles, frère du roi
Lothaire et oncle du roi Louis, mais qui avait accepté du roi de Ger-
manie la Basse-Lorraine, et s'était ainsi fait son vassal. Il disait :
Tout le monde sait que je dois succéder par droit héréditaire à mon
frère et à mon neveu. Omnibus notum est, jure haereditario debere fra-
tri et nepoti me succedere. Mais le président de l'assemblé nationale
pour l'élection d'un nouveau roi, l'archevêque Adalbéron de Reims,
rappela en principe tout contraire. « Nous n'ignorons pas, dit-il, que
Charles a ses fauteurs, qui le prétendent digne du royaume par la
collation de ses parents. Mais s'il est question de cela, ni le royaume
ne s'acquiert par droit héréditaire, nec regnum jure haereditario acqui-
ritur, ni l'on ne doit promouvoir à la royauté, sinon celui que rend
illustre non-seulement la noblesse du corps, mais encore la sagesse
de l'âme, celui que munit la foi et qu'affermit la magnanimité. » Et
c'est sur ces principes, rappelés par son président, que l'assemblée
électorale de France choisit Hugues Capet, duc de France.
Ce principe électif, rappelé en 987 par le premier pair du royaume,
ne s'appliquait pas seulement à la tin et au commencement des
dynasties, mais à la mort de chaque roi. Nous en avons pour témoin
un autre archevêque dé Reims, Hincmar, qui vécut presque tout le
temps de la seconde dynastie, et fut le principal conseiller de tous
les rois contemporains. Jamais Hincmair ne parle de succession à la
royauté par droit héréditaire, mais de constitution dans la royauté
par le consentement des grands du royaume. « Ainsi, dit-il à Louis
le Bègue, Pépin, votre trisaïeul, étant malade, convoqua au monas-
tère de Saint-Denis les principaux de son royaume, et de leur conseil
disposa comment après lui ses fils Carloman et Charles, qui étaient
présents, gouverneraient pacifiquement son royaume.» Cette consti-
tution anticipée des rois futurs s'exécuta sans trouble après la mort
de Pépin et celle de Gharlemagne ; mais il n' en a pas été de même
parmi les fils de Louis le Débonnaire, et depuis, à cause de la division
parmi les princes. « Hincmar conseille donc à Louis le Bègue de main-
tenir avec soin la concorde parmi les sgrands du royaume, « Vous
savez, lui dit-il, que votre père a d'abord disposé à Reims, avec les
grands, de votre constitution après lui dans le gouvernement du
royaume : autant que je me souviens, tous y étaient présents, excepté
le vénérable abbé Hugues et Bernard, comte d'Auvergne : et tous,
selon la disposition de votre père, consentirent à votre constitution
royale, etc. » Hincmar conseille au roi de faire en sorte qu'il y ait
unanimité dans son élection. (Hist. universelle de l'Eglise catholique,
t. 12, p. 335 et seqq.)
Cette coexistence du principe héréditaire et du principe électif se
trouve formellement reconnue et posée pour règle dans la charte
constitutionnelle de 817, délibérée à Aix-la-Chapelle, où Louis le Dé-
bonnaire avait convoqué la généralité de son peuple, generalitatem
populi nostri. De ses trois fils, Lothaire y fut déclaré empereur, Pé-
pin roi d'Aquitaine, et Louis roi de Bavière, en sorte, toutefois, que
le tout ne fit qu'un empire, et non pas trois. A cette fin, on régla les
rapports des trois princes par une charte en dix-huit articles. Le
dixième,surtout est remarquable. Il y est dit : « Si quelqu'un d'entre
eux, ce qu'à Dieu ne plaise, devenait oppresseur des églises et des
pauvres, ou exerçant la tyrannie, qui renferme toute cruauté, ses
deux frères, suivant le précepte du Seigneur, l'avertiront secrète-
ment jusqu'à trois fois de se corriger. S'il résiste, ils le feront venir
en leur présence, et le réprimanderont avec un amour paternel et
fraternel. Que, s'il méprise absolument cette salutaire admonition, la
sentence commune de tous décernera ce qu'il faut faire de lui, afin
que, si une admonition salutaire n'a pu le rappeler de ses excès, il
soit réprimé par la puissance impériale et la commune sentence de
tous. »
Le quatorzième article ne mérite pas moins d'attention, que le
dixième. « Si l'un d'eux laisse en mourant des enfants légitimes, la
puissance ne sera point divisée entre eux ; mais le peuple assemblé en
choisira celui qu'il plaira au Seigneur; et l'empereur le traitera
comme son frère et son fils ; et, l'ayant élevé à la dignité de son père,
il observera en tout point cette constitution à son égard. Quant aux
autres enfants, on les traitera avec une tendre affection, suivant la
coutume de nos parents. »
Le dix-huitième et dernier article porte : « Si celui de nos fils qui,
par la volonté divine, doit nous succéder, meurt sans enfants légi-
times, nous recommandons à notre peuple fidèle, pour le salut de
tous, pour la tranquillité de l'Église et pour l'unité de l'empire, de
choisir l'un de nos fils survivants, en la même manière que nous
avons choisi le premier, afin qu'il soit constitué, non par la volonté
humaine, mais par la volonté divine. »
L'empereur Louis fit jurer cette constitution à tous ses sujets, qui
prêtèrent volontiers ce serment, comme légitime et utile à la paix de
l'empire. Il l'envoya de plus à Rome, avec son fils Lothaire, afin que
le Pape l'approuvât et la confirmât. Ce sont les paroles des auteurs
du temps, (Hist. univ. de l'Eglise cath., t. 11, p. 407 et seqq.)
Ce qui nous paraît plus curieux que les articles de cette charte,
ainsi délibérée, consentie, adoptée, souscrite et jurée par l'empereur,
par ses trois fils, par tous les ordres de l'empire, et de plus approuvée
et confirmée par le chef de l'Église universelle ; ce qui nous paraît
plus curieux que tous ces curieux articles, c'est que nous ne les avons
vu citer dans aucune histoire de France écrite en français, ni dans la
fastidieuse compilation de celui-ci, ni dans la prétentieuse carica-
ture de celui-là. Voici tout ce qu'en dit l'abbé Véli : « Ce fut aussi
dans cette assemblée que le monarque associa Lothaire à l'empire,
le déclarant son unique héritier, en lui assujettissant Pépin et Louis,
qui tous cependant furent déclarés rois. Daniel ne voit non plus
dans tout cela qu'un acte de partage. De nos jours, le Genevois Sis-
mondi, dans son Histoire des Français, n'y voit pas plus que Daniel.
Michelet y voit encore moins que les précédents ; car il n'en parle
même pas ni dans son Histoire de France, ni dans ses Origines du
Droit français; où c'était pourtant le cas d'en parler.
Cependant, et la charte de Charlemagne et la charte de Louis le Dé-
bonnaire sont des monuments authentiques, qui se trouvent 1° parmi
les capitulaires des rois de France, publiés par Baluze ; 2° dans le
deuxième volume des Écrivains de l'histoire de France, par André
Duchesne; 3° dans les volumes cinq et six de dom Bouquet. Cepen-
dant, ces mêmes articles, suivant qu'ils sont appréciés ou méconnus,
donnent un sens tout différent à toute l'ancienne histoire de France,
et même à toute l'histoire du moyen âge.
Par exemple, Louis le Débonnaire déclare dans cette charte que
son fils Lothaire a été élevé à l'empire non par la volonté humaine,
mais par la volonté divine ; et la preuve qu'il en donne, c'est qu'a-
près avoir consulté Dieu par la prière, le jeûne et l'aumône, tous
les suffrages se sont réunis sur Lothaire. Ainsi, dans l'idée de Louis
et de son époque, la volonté divine se manifestait par la volonté
calme et chrétiennement réfléchie de la nation : le droit divin et le
— 5 —

droit national ne s'excluaient pas, comme on l'a supposé de nos


jours, mais ils rentraient l'un dans l'autre. Les théologiens du moyen
âge ont pensé de même; ils ont généralement regardé Dieu comme
la source de la souveraineté, et le peuple comme le canal ordinaire.
On peut en voir les preuves dans le jésuite Suarèz.
Nous avons nommé la charte de Charlemagne : c'est ce qu'on ap-
pelle son testament, fait en 806 dans l'assemblée nationale de Thion-
ville. Il y partage l'empire entre ses trois fils : Louis, Pépin et
Charles. Il règle ensuite les nouveaux partages à faire, en cas que
Pépin ou Charles vinssent à mourir. Il ajoute l'article suivant : « Si
l'un des trois frères laisse un fils que le peuple veuille élire pour suc-
céder à son père dans l'héritage du royaume, nous voulons que les
oncles de l'enfant y consentent, et qu'ils laissent régner le fils de leur
frère dans la portion du royaume qu'a eue leur frère, son père. »
(Ibid., p. 359.) Cet article est, comme on voit, une preuve authen-
tique qu'au temps et dans l'esprit de Charlemagne, les fils d'un roi
ne succédaient point de droit à leur père, ni par ordre de primogé-
niture, mais qu'il dépendait du peuple d'en choisir un. II ne faut
pas oublier que cet article, si libéral et si populaire, est de la main
de Charlemagne, qui pourtant s'entendait à régner.
Tel fut le testament de Charlemagne. Les évêques et les seigneurs
le confirmèrent par leurs serments et leurs souscriptions. Il l'envoya,
de plus, au pape saint Léon III, par Éginhard, son secrétaire. Le
Pape, l'ayant lu, y donna son approbation et y souscrivit de sa main.
Quant à la translation de la royauté de la première dynastie à la
seconde en la personne de Pépin, elle se fit du conseil et du consen-
tement de tous les Francs et avec l'autorisation du Siège apostolique.
Tel est le langage commun des annales contemporaines. Voici comme
Bossuet résume ce fait: « En un mot, le Pontife est consulté, comme
dans une question importante et douteuse, s'il est permis de donner
le titre de roi à celui qui a déjà la puissance royale. Il répond que
cela est permis. Cette réponse, partie de l'autorité la plus grande
qui soit au monde, est regardée comme une décision juste et légi-
time. En vertu de cette autorité, la nation même ôte le royaume à
Childéric et le transporte à Pepin. Car on ne s'adressa point au Pon-
tife pour qu'il ôtât ou qu'il donnât le royaume, mais qu'il déclarât
que le royaume devait être ôté ou donné par ceux qu'il jugeait en
avoir le droit. » (Ibid., t. n. p. 43 et 44.)
— 6 —

Fénelon s'explique dans le même sens. Il reconnaît formellement


que la puissance temporelle vient de la nation : il suppose que la
nation a le droit d'élire et de déposer les rois; car il observe que,
dans le moyen âge, les évêques étaient devenus les premiers sei-
gneurs, les chefs du corps de chaque nation pour élire et déposer
les souverains. Il reconnaît que, pour agir en sûreté de conscience,
les nations chrétiennes consultaient dans ces cas le chef de l'Eglise,
et que le Pape était tenu de résoudre ces cas de conscience, par la
raison qu'il est le pasteur et le docteur suprême. Le pape Zacharie,
dit-il, répondit simplement à la consultation des Francs, comme le
principal docteur et pasteur, qui est tenu de résoudre les cas parti-
culiers de conscience pour mettre les âmes en sûreté. » (Ibid.,
p. 44).
A la suite de Fénelon et de Bossuet, écoutons Chateaubriand.
« Traiter d'usurpation l'avènement de Pepin à la couronne, c'est un
de ces vieux mensonges historiques qui deviennent des vérités à
force d'être redites. Il n'y a point d'usurpation là où la monarchie
est élective; c'est l'hérédité qui, dans ce cas, est une usurpation.
Pepin fut élu de l'avis et du consentement de tous les Francs : ce
sont les paroles du premier continuateur de Frédégaire. Le pape
Zacharie, consulté par Pepin, eut raison de répondre : Il me paraît
bon et utile que celui-là soit roi qui, sans en avoir le nom, en a la puis-
sance, de préférence à celui qui, portant le nom de roi, n'en garde
pas l'autorité. » (Ibid., p. 44.) Voilà ce que dit Chateaubriand à la
suite de Bossuet et de Fénelon. Certes, lorsque trois hommes de cette
sorte, et trois Français, se rencontrent en un point de cette nature,
on peut s'en tenir là.
D'ailleurs les principes qu'ils professent se trouvent à l'origine
même de la première dynastie. Voici en quels termes le plus ancien
historien des Francs parle de leurs premiers pas dans la Gaule : « Or,
Childéric, régnant sur la nation des Francs, abusait de leurs filles.
Indignés de cela, ils le chassèrent de la royauté, et prirent unani-
mement pour roi Égidius, maître de la milice pour les Romains,
qui régna huit ans sur eux. Childéric, qui s'était réfugié chez le roi
des Thuringiens, ayant appris que les Francs avaient oublié ses torts
et le regrettaient, s'en revint, et fut rétabli dans la royauté; mais
de telle sorte qu'il régna conjointement avec Égidius. » Quelque
temps après, Basine,. femme du roi des Thuringiens, quitta son
mari, et vint trouver Childéric, qui l'épousa, et en eut un fils qu'il
nomma Chlodvig ou Clovis.
Ainsi donc, au commencement de la première dynastie, la royauté
des Francs n'était ni héréditaire ni inamissible. Les Francs expulsent
du trône et du royaume Childéric, parce qu'il se conduit mal, et ils
élisent à sa place, non pas un homme de la nation, mais un étranger,
mais un Romain qui commandait dans ces quartiers les troupes
impériales; et quand, après huit ans de déposition et de bannisse-
ment, ils veulent bien rappeler Childéric, ils partagent la royauté
entre les deux :his ergo regnantibus simul.(Ibid., t. 8, p.456 et 457.)
D'après ces faits et monuments, dont on peut voir les détails et
les preuves dans notre Histoire universelle de l'Église catholique,
Le principe monarchique et le principe électif ont toujours existé
ensemble chez les Francs.
Cette constitution monarchique-républicaine est aussi ancienne
que la nation.
Et d'après cette charte perpétuelle, les électeurs français, dans le
dix-neuvième siècle, ont le droit de se choisir un chef temporaire
ou viager, comme ils l'avaient dans le dixième, dans le neuvième,
dans le huitième, et dans le cinquième.
C'est ce qu'à l'honneur de vous exposer, monsieur le président, et
messieurs les membres de l'Assemblée nationale,

Votre très-humble serviteur,

ROHRBACHER,
Auteurde I'HISTOIUR DEL'ÉGLISE
UNIVERSELLE CATHOLIQUE.

21 juillet1851.
PARIS,

—Typ.etstéréot.deCRÈTE.
CORBEIL.

You might also like