You are on page 1of 115

CENTRAFRIQUE le président sortant favori de la présidentielle

N°1 janvier 2011 www.lepanafricain.com

CÔTE D’IVOIRE
Face a la Guerre.
Retour sur un hold
up électoral

France
Discriminations
raciales massives
Bénin:
Un bilan élogieux
Suisse pour Boni Yayi
XIIIe Sommet de
la Francophonie
à Montreux
France : 3.5 E- Zone CFA : 2000 F CFA - USA 5$ - ISSN 1664-7025

Le grand bilan
à onze mois
des élections
Interview exclusive
du Pasteur Ngoy Daniel Mulunda
KRYSTALL Une solution Clé en main…
pour répondre au problème mondial
croissant et critique de l’accès à
l’eau potable.

SWISSINSO SA
EPFL - PSE (Parc Scientifique)
Bâtiment D-3e étage
Avenue J.-D. Colladon
1015 Lausanne / Switzerland
T. +41 21 693 86 40
F- +41 21 693 86 45
info@swissinso.com
www.swissinso.com
Editorial
Par Grégory Baer

Des travaux pharaoniques


B
âtir la République démocratique du Congo (RDC), la au lancement simultané de l’éclairage public à Goma et à
reconstruire dans toute sa grandeur, la moderniser Kinshasa.
pour qu’elle occupe la place de locomotive du dé- Après l’étape du Nord et Sud-Kivu, il a sillonné, toujours
veloppement qui lui revient dans la sous-région et dans le par route, les deux provinces du Kasaï en partant de la pro-
continent africain tout entier; telle est la principale tâche vince cuprifère du Katanga. Il a, par la suite, mis le cap sur
que s’est donné Joseph Kabila, que certains de ses compa- la ville de Kikwit, deuxième ville importante de la province
triotes appellent le bâtisseur, à l’image de ceux de la Rome de Bandundu, effectuant au volant de sa jeep depuis la
antique. ville diamantifère de Tshikapa dans la province du Kasaï
En effet, le pays de Kabila est devenu un vaste chantier de- Occidental, 360 kilomètres.
puis le démarrage des travaux de Cinq chantiers, au lende- C’est à cette occasion que Joseph Kabila a procédé à l’inau-
main du 6 décembre 2006, date de l’investiture de Joseph guration du pont jeté sur la rivière Loange, un pont de 440
Kabila à la Magistrature suprême de la RDC. Le ronron- mètres construit par les Chinois et qui relie désormais la
nement d’engins lourds et le bourdonnement des poids province de Bandundu à celle du Kasaï Occidental.
lourds rythment, au quotidien, le train-train de la capitale Dans la ville de Kikwit, le premier citoyen congolais a visité
Kinshasa et des provinces où se déroulent les travaux. le stade de Kikwit en construction et le mini–barrage de
Il ne se passe un trimestre sans que Joseph Kabila, initiateur captage d’eau potable de la source de Loange, qui permet
de Cinq chantiers, n’effectue une tournée d’inspection à de desservir en eau potable tout un quartier, avec une ca-
l’intérieur du pays ou une visite dans les grands chantiers de pacité de 3m3 d’eau par heure.
Kinshasa pour se rendre compte de l’évolution des travaux. Le réseau routier, que reconstruit le Président de la RDC
Lorsqu’il avait visité la route Kisangani-Niania dans la Pro- à l’intérieur du territoire national, est un atout majeur qui
vince Orientale en février 2007, il n’est arrivé que près du PK assure la réunification du pays dont les anciens territoires
(Point Kilométrique) 200. Une autre fois, il est allé au-delà coupés et enclavés pendant la rébellion peuvent à nou-
du PK 200 et tout récemment, lors de son dernier périple veau rentrer en contact avec les autres.
à l’Est, il a effectué toute la route depuis Kisangani jusqu’à Kinshasa, la capitale, n’est pas oubliée. Des travaux pha-
Beni, en passant par Bafwasende, Niania, Mambasa, Ko- raoniques sont effectués dans cette mégapole de 10 mil-
manda… Soit en une seule journée, alors qu’il fallait des lions d’habitants. Pour doter Kinshasa d’un vrai boulevard
semaines dans le passé pour faire cette route. C’est donc la au cœur d’une capitale moderne d’un grand pays en plein
preuve qu’il y a effectivement des travaux qui s’exécutent 21e siècle, le boulevard du 30 juin a été totalement mo-
sur le terrain, et ce, dans toutes les provinces. dernisé et comprend 2 bandes de 4 voies chacune, avec
Au mois de septembre 2010, Kabila a pu s’émerveiller, au l’éclairage public, le trottoir pavé, une réplique africaine
volant de sa jeep, des réalités de Cinq chantiers sur le vo- toute proportion gardée des Champs Elysées.
let infrastructures. Il a visité par route la Province Orientale Le boulevard Lumumba est un vaste chantier en pleine ré-
et a rejoint par le tronçon Kisangani-Beni la Province du habilitation. Le boulevard Triomphal qui longe le stade des
Nord-Kivu où, toujours dans le cadre de Cinq chantiers, il Martyrs et le Palais du peuple a été refait à neuf. L’avenue
avait procédé lors des festivi- du Tourisme a fait peau neuve avec la construction de deux
tés du 49e anniversaire d’in- ponts au niveau de Kinsuka à l’autre extrémité de la capitale.
dépendance, On peut en dire autant de l’avenue de la Libération et des
le 30 juin principales artères de Kinshasa qui connaissent une véri-
2009, table métamorphose.
L’Hôpital du Cinquantenaire, un édifice moderne dont l’en-
treprise chinoise Sino-Hydro assure la construction, pourra
bientôt accueillir ses premiers malades. Il est prévu près de
trois milles consultations ambulatoires et disposera d’un
centre d’énergie et d’un héliport.
Faut-il le rappeler, en 2006, lorsque Joseph Kabila s’est pré-
senté à sa propre succession, il a proposé un programme,
une vision à la population congolaise, qui l’a accepté, en
portant Kabila à la tête du pays pour un mandat de cinq
ans. Cette vision a servi de fondement pour l’élaboration
du programme gouvernemental, lequel a été adopté au
Parlement. Ce programme, dont l’objectif est de bâtir au
cœur du continent africain un Etat moderne, fort et pros-
père, s’articule autour de 5 axes: les infrastructures, la
santé, l’emploi, l’énergie (eau et électricité) et l’éducation.■
Photo / Jean-Pierre Maie

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 3


Directeur de Publication
Baer Grégory
Sommaire
Rédaction générale
Directeur des rédactions
Baer Grégory
Rédacteur en chef
62
pages
Théodore Ngangu
Rédaction : Marcel Kpogodo,
Bernado Houenoussi, Thierry
Glimman,Théodore Ngangu,
Bona Tsona, Jean-Pierre
Mwanza, Benoit Akili Mali
Joel Grandjean, Florian
Dacheux
Rédaction technique
Création Maquette / Gravure :
Studio41 Sàrl
Julio Mendez
j.mendez@studio41.ch
Crédits photo:François Ferrand
Tel. :+ 41 79 817 64 09
Relecteurs:stéphanie moretti

28
Direction Générale
Directeur Général :
Grégory Baer DOSSIER RDC
baer@lepanafricain.com A onze mois des élections présidentielles
Conseillers spéciaux :
Joel Grandjean en RD Congo, «Le Panafricain» revient sur le
Représentation en France
Représentant: Florian Dacheux mandat du président Joseph Kabila
Tél. : +33 6 87 97 62 38
fdacheux@lepanafricain.com
Bureau régional de l’Afrique
de l’ouest au Bénin:
INTERNATIONAL
Représentant: Marcel Kpogodo 7 Suisse : XIIIe Sommet de la Francophonie
Tel. :+229 21.05.04.17 à Montreux
04 B.P. 1367 Cotonou
10 France : Discriminations raciales
4
kpogodo@lepanafricain.com pages
Assistant:Bernado Houenoussi massives
Assistant:Thierry Glimman 13 Le Tchad : Le Tchad remet en cause la
Bureau régional de Afrique présence militaire française
centrale en Rd Congo
Directeur : Théodore Ngangu 14 CPI : El-Béchir nargue toujours la justice
Tél +243 99 99 36 373 internationale
ngangu@lepanafricain.com 16
22
Nigeria : Trois mois après le double
Assistant:Jean-Pierre Mwanza attentat d’Abuja, L’enquête continue
Assistant: Bona Tsona
Assistant: Benoit Akili Mali 18 Guinée conakry : Le pays repart sur
Régie publicitaire de nouvelles bases Côte d’Ivoire
konsept sàrl 2, place Bel-Air, Face à la Guerre
1003 Lausanne 19 Gabon : Ali Bongo rompt avec son père Le porte parole de la Commission
Electorale Indépendante, Monsieur
Tél.: +41 21 311 33 77 21 Centrafrique : le président sortant part Bamba Yacouba revient sur le pro-
ISSNI 1664-7025 favori de la présidentielle du 23 janvier 2011. cessus électoral. alors que le pays
est au bord de la guerre civile.

4 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


INTERNATIONAL
85 Bénin : Un sous-sol d’une richesse insoupçonnée 11
pages
86 Bénin : Un bilan élogieux pour Boni Yayi
88 Bénin : Les eaux et forêts, un secteur en pleine réussite
90 Bénin : Un bilan sous perfusion de la crise mondiale
92 Bénin : Boni Yayi concrétise sa révolution du secteur de
l’éducation
94 Bénin: Une frange sociale sous le jet des jalons
96 Sénégal: Abdoulaye Wade veut rempiler, malgré tout

DOSSIER RDC

86
30 PPRD : Grandes manoeuvres dans les états-majors DOSSIER BENIN
politiques En avril 2006, Boni Yayi a lancé
un vaste programme de grands
32 MLC : Veillées d’armes au MLC de Jean-Pierre Bemba travaux publics pour le Bénin.
33 UDPS : Etienne Tshisekedi se porte candidat à la présiden- Il en a fait l’un des axes majeurs
tielle de son ambition pour un «Bénin
émergent».
34 La Haye: J.-P. Bemba entend laver son nom des atrocités
dont il est accusé
36 Chebeya: Le gouvernement et la VSV se

46
livrent une guerre des communiqués
38 Kivu Avec la chute de Laurent Nkunda, 10
pages
la RDC tourne l’une des pages les plus
sombres de son histoire
SUR LE CHEMIN
DEVELOPEMENT DE LA PAIX AU
101 ISCAM: La Première école de com- KIVU
merce de Madagascar L’ONG PAREC du
Pasteur Daniel Ngoy
108 SWISSINSO: La solution verte en Mulunda Nyanga, est
matière d’eau potable un instrument efficace
Santé pour la pacification du
Congo (RDC).
104 Cameroun : Epidémie de cholera, ca-
tastrophe naturelle ou catastrophe sanitaire ?

CULTURE
6
pages
98 110 Musique: Koffi Olomidé,
ses ennuis judiciaires en France le
clouent à Kinshasa
111 Musique: Ngiama Wer-
Madagascar rason casse la baraque à Mbanza
Andry Rajoelina, a pris Kongo en Angola
le pouvoir en mars
2009, tente, depuis 112 Musique : Le phénomène
quelques mois, de de la dédicace: la colère d’un
valider une autre carte ministre contre Papa Wemba
personnelle pour mettre 114 Photographie : Rencontre
fin à la situation avec le maître de l’autoportrait
actuelle. «Je m’amuse avec l’histoire»

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 5


13e Sommet de la Francophonie de Montreux, Suisse, octobre 2010
Un sommet pour passer politiques mondiales, a déclaré la mi-
nistre helvétique des Affaires étrangères

de la parole aux actes


Micheline Calmy-Rey. Cette réunion est
importante dans sa substance, subs-
tance qui se retrouve en conséquence
dans l’agenda avec les questions de sé-
Des appels pour une plus grande place de l’Afrique dans curité alimentaire, de changements cli-
matiques, de gouvernance mondiale et
les instances internationales. bien sûr, de promotion et de la pluralité
Par Florian Dacheux linguistique». Pour Madame Calmy-Rey,

N
la francophonie est une enceinte essen-
euf résolutions adoptées et phonie et le développement durable, et tielle dans un monde globalisé et incarne
une déclaration finale souli- la question de l’enseignement de la lan- un «pluralisme de langue, de culture, de
gnant la volonté de l’Organisa- gue française, qui souffre d’une désaffec- manières de penser». «C’est très impor-
tion Internationale de la Fran- tion en Europe. tant dans le monde d’aujourd’hui, dans
cophonie (OIF) de devenir un un monde globalisé de ne pas avoir un
acteur majeur sur la scène internationale. Devenir un acteur majeur seul standard, un seul mode de pensée,
C’est ce qu’on retiendra du 13e Sommet Les 70 pays de l’OIF ont adopté un texte un seul mode de parler», a-t-elle insisté.
de la Francophonie d’octobre dernier. prenant l’engagement de conforter la so- Dans son discours d’ouverture, la prési-
Réunies pendant deux jours à Montreux lidarité économique au sein de la Franco- dente de la confédération helvétique,
sous la présidence de Madame Doris phonie et sa place dans la gouvernance Doris Leuthard, a quant à elle affirmé que
Leuthard, Présidente de la Confédéra- mondiale. La déclaration finale du som- «la Francophonie et les coups d’Etat sont
tion, les délégations, dont quelque 40 met de Montreux a repris les principaux devenus incompatibles».
étaient représentées par des chefs d’Etat points évoqués par les différents chefs
et de gouvernement, ne se sont pas mis d’Etat, à commencer par la réforme de la Fonds de solidarité
d’accord sur tous les points mais ont ce- gouvernance mondiale. « Nous appelons Le président du Cameroun, Paul Biya, a
pendant reconnu qu’il est fondamental à une réforme de la gouvernance écono- fait une proposition importante. Si elle
de renforcer l’influence du français dans mique mondiale par le renforcement de est adoptée, cela devrait résoudre le pro-
le monde. La Déclaration de Montreux la coopération et de la complémentarité blème de solidarité dans le monde fran-
concrétise les discussions qui ont porté entre l’Organisation des Nations unies, cophone. Selon lui, il est grand temps
sur les «Défis et visions d’avenir pour la coeur de la gouvernance mondiale, d’envisager la création d’un fonds de soli-
Francophonie», déclinées en trois thé- et les enceintes économiques, dont le darité d’urgence au sein de l’OIF. Ce fonds
matiques: la Francophonie acteur des G20», peut-on lire dans la déclaration. permettrait de faire face aux éventuelles
relations internationales et sa place dans «Le sommet de la Francophonie a la ca- catastrophes qui ne manqueraient pas
la gouvernance mondiale, la Franco- pacité d’influer sur les grandes questions de survenir dans l’espace francophone,

6 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Photo: Cyril Bailleul - OIF
Photo de famille, Montreux, 23 octobre 2010

un espace qui couvre tout de même les Le chef de l’Etat a annoncé que les Came- respect des processus électoraux (ex:
cinq continents et concerne 220 millions rounais seraient les premiers à participer Guinée). «Nous les invitons à se mobiliser
de personnes. Ce dernier souhaite que le à la création de ce fonds de solidarité en 2011 sur les mesures à prendre dans
monde francophone tire les enseigne- d’urgence au sein de l’OIF. les domaines vitaux pour les pays de
ments de la catastrophe qui a ravagé Le premier ministre du Canada, Stephen l’espace francophone: la sécurité alimen-
Haïti, en mettant sur pied un mécanisme Harper, a également lancé un appel à la taire, les réformes de la régulation finan-
spécifique d’intervention d’urgence ca- solidarité en faveur d’Haïti, en dévoilant cière et du système monétaire interna-
pable de faire face à ces phénomènes un projet de 20 millions de dollars pour tional, et la promotion d’une croissance
exceptionnels, souvent imprévisibles, et financer des cantines dans les écoles économique mondiale forte, soutenue,
particulièrement meurtriers, qui peuvent d’Haïti, par l’entremise de l’Agence cana- durable et inclusive», explique l’OIF.
survenir partout dans le monde. Au cours dienne de développement international.
des cinquante dernières années, trois fois Abdou Diouf réélu
plus de catastrophes naturelles ont été L’OIF s’affirme politiquement L’ex-président sénégalais, Abdou Diouf,
enregistrées que par le passé, avec une Montreux aura été le sommet de la poli- 75 ans, a été réélu à la tête de l’OIF, au
prépondérance, entre 2000 et 2010, des tisation affirmée de l’Organisation Inter- sein de laquelle il promeut depuis huit
catastrophes dites climatiques, qui repré- nationale de la Francophonie. Cette Fran- ans une «magistrature d’influence»
sentent au cours de la dernière décennie cophonie politique passe d’abord par le et défend l’héritage de son mentor,
plus de deux-tiers des catastrophes na- développement du rôle de médiateur de Léopold Sédar Senghor. Le poète et
turelles, soit deux fois plus qu’en 1990. l’organisation, notamment pour le bon premier président du Sénégal avait été

La Suisse a pris soin de ses invités


L es 40 chefs d’Etat et de gouvernements et leurs conjoints ont étés choyés par
la Suisse qui leur a préparé une montre unique ainsi que des soins dans une
DFAE/Nicolas Spuhler

prestigieuse clinique. Rompant avec la tradition des sommets de la francophonie,


les autorités helvétiques n’ont pas hésité à faire appel à des sponsors pour com-
pléter leur budget de 30 millions de francs suisses devant financer la rencontre
sous haute surveillance. Si c’est une première pour la francophonie, le recours à
des partenaires privés pour ce genre d’évènement est une pratique courante dans
la Confédération helvétique, explique Johannes Matyassy, directeur général du 13e sommet. «C’est quelque chose que l’on
fait toujours, une collaboration considérée comme normale en Suisse», ajoute-t-il faisant valoir que Berne voulait rendre
l’événement plus ouvert en associant non seulement la population mais aussi l’économie. Parmi les entreprises qui ont
répondu à l’appel, l’horloger Hublot a confectionné spécialement 80 montres pour le sommet.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 7


Internationale

Les acteurs
La présidente de la Confédéra-
tion Doris Leuthard a présidé le
13e Sommet de la Francophonie
à Montreux les 23 et 24 octobre
2010.
Ce sommet a réuni quelque 40
chefs d’Etat et de gouvernement
et les délégations de 70 pays des
cinq continents. La cheffe du Dé-

Photo: Cyril Bailleul


partement fédéral de l’économie
a eu à cette occasion une dizaine
d’entretiens bilatéraux au plus
Conférence de presse finale haut niveau.
( de g. à dr.: Bernard Kouchner, Doris Leuthard, Abdou Diouf, Jospeph Kabila) La présidente de la Confédération
a rencontré en particulier le prési-
lui-même un des pères fondateurs, à national au sujet de laquelle il a souhaité dent français, Nicolas Sarkozy et a
l’aube des années 1970, de la Francopho- que s’engage un débat «sans tabou», eu des entretiens avec le président
nie mondiale, qui regroupe désormais et la lutte contre «la volatilité extrava- du Bénin, Thomas Yayi Boni, le pré-
56 membres et 14 (bientôt 19) observa- gante» des prix des matières premières. sident de la République du Tchad
teurs. «C’est le pouvoir de convaincre et Idriss, Déby Itno, le président du
non pas de contraindre, d’ailleurs je n’ai Initiatives scientifiques Conseil de la Nation algérien, Ab-
pas les moyens de contraindre», com- Un programme unique de coopération delkader Bensalah, le chef du gou-
mente-t-il. Né le 7 septembre 1935 à Lou- rassemblant les meilleures universités vernement de la Principauté d’An-
ga (nord) dans une famille modeste, Ab- technologiques de langue française dorre, Jaume Bartumeu Cassany,
dou Diouf a étudié le droit à Dakar, avant est en cours de création sous l’égide de le premier ministre belge, Yves Le-
de faire l’Ecole nationale de la France l’Ecole polytechnique fédérale de Lau- terme, la ministre égyptienne de la
d’outre-mer, creuset de l’administration sanne (EPFL) et de ses partenaires sous Coopération internationale, Faiza
coloniale française, dont il est sorti major. le nom de RESCIF – Réseau d’excellence Abul Naga et le premier ministre
Au fil des années, Abdou Diouf s’est im- des sciences de l’ingénieur de la Franco- de la province du Québec, Jean
pliqué dans de nombreuses médiations, phonie. L’enjeu: apporter des réponses Charest.
notamment quand il fut président de concrètes aux problèmes d’eau, de nutri-
l’Organisation de l’unité africaine (OUA) tion et d’énergie. Des secteurs cruciaux,
et de la Conférence islamique. Gestion- plus spécialement pour certains pays du déterminés à faire bloc. Les franco-
naire mais aussi fin politicien capable Sud, soumis à des conditions climatiques phones tentent de faire front commun.
de composer avec ses pires ennemis, et à des problèmes de sécurité alimen- Ils sont conscients de leur poids, en rai-
il a toujours donné de lui l’image d’un taire extrêmement difficiles. Le RESCIF son notamment du bassin du Congo, le
homme calme, voire timide, rejetant les est l’une des trois initiatives principales deuxième massif forestier de la planète.
effets oratoires. lancées par la Confédération suisse à Les francophones d’Afrique, et en par-
l’occasion du Sommet. ticulier ceux des deux Congo, ont donc
Nicolas Sarkozy en campagne lancé des appels à l’union. Joseph Ka-
Le président français a cherché le sou- Cinq nouveaux observateurs bila a regretté dans son discours, que
tien des pays francophones pour sa Le Sommet a admis en son sein cinq l’Afrique qui ne produit que 4% des gaz
présidence du G20 qui a débuté mi-no- nouveaux membres observateurs: la à effet de serre, soit la région du monde
vembre. Nicolas Sarkozy a jugé anormale Bosnie-Herzégovine, les Emirats Arabes la plus affectée par le réchauffement cli-
l’absence comme membres permanents Unis, l’Estonie, le Monténégro et la Répu- matique. «Faisons cause commune, pour
au Conseil de sécurité de pays du conti- blique Dominicaine. Les cinq pays sont peser dans ces négociations», a lancé le
nent sud-américain, de l’Inde, «bientôt attirés «précisément par cette capacité président de la République démocra-
le pays le plus peuplé du monde», du d’agir et de réfléchir dans un espace très tique du Congo.
Japon et de l’Allemagne, «qui pèsent divers qui réunit des acteurs très diffé-
dans l’économie du monde» et absents rents», a souligné la ministre helvétique Défendre la langue française
«parce que leurs dirigeants avaient fait le Micheline Calmy-Rey. L’OIF compte dé- L’OIF se pose toujours en défenseur de la
mauvais choix au moment de la seconde sormais 75 États et gouvernements dont langue française, mais sans adopter une
guerre mondiale». La réforme de la gou- 56 membres et 19 observateurs. position défensive vis-à-vis de l’anglais.
vernance mondiale est l’une des priorités Le premier ministre du Québec a plaidé
que s’est fixée le président français pour Réchauffement climatique pour une Francophonie plus prompte
sa présidence des G20 et G8. Autres prio- Le réchauffement climatique constituait à défendre sa langue. Le «combat»
rités qu’il est venu exposer à Montreux: l’un des points essentiels de ce Som- en faveur de la langue française reste
la réforme du système monétaire inter- met et les pays francophones semblent une «mission fondamentale» de l’OIF,

8 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

mandat de lisser toutes les différences


mais elle a pour mandat d’unifier les pays
membres autour d’un système de valeur,
et parmi ces valeurs il y a les respect des
droits de l’homme, la bonne gouver-
nance, le respect des libertés fondamen-
tales. Savoir que le Vietnam, la Tunisie, le
Rwanda, l’Egypte sont accueillis comme
les autres, ça pose problème.»

Rendez-vous en 2012 en RDC


Le président de la République Démo-
cratique du Congo, Joseph Kabila, a af-

Photo: OIF/Cyril Bailleul


firmé sa «détermination» à lutter contre
l’impunité, notamment dans l’est de
son pays, au dernier jour du sommet
Micheline Calmy-Rey, Cheffe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE),
Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, Pierre Salvi, Syndic de Montreux. de la Francophonie dont la prochaine
édition aura lieu à Kinshasa en 2012.
a affirmé Jean Charest. «Si ce n’est pas 2009 à décembre 2011. Cette mission «Ca a toujours été le souhait et la volonté
nous, de la Francophonie, qui défendons relève de la cheffe du Département fé- du peuple congolais», a déclaré, satis-
la place de la langue française, aucune déral des affaires étrangères Micheline fait Joseph Kabila. «Surtout que la RDC
autre institution ne le fera à notre place», Calmy-Rey. est sur la voie de la consolidation de la
a-t-il déclaré. Il faisait ainsi écho à un rap- paix et de la sécurité, en particulier sur la
port inquiétant de l’OIF qui indiquait, Le coup de gueule frontière Est», a-t-il ajouté. Le président
récemment, un recul du français, particu- de Reporters Sans Frontières congolais a annoncé que son pays as-
lièrement en Europe. Il a par ailleurs ex- Ambroise Pierre, responsable de l’Afrique socierait les autres pays de la région des
primé son désir de tenir un nouveau fo- pour Reporters Sans Frontières, n’a pas Grands lacs à l’organisation de ce som-
rum international sur la langue française hésité à monter au créneau: «Tous ces met. Abdou Diouf, secrétaire général de
au Québec en 2012. pays ont le français en commun mais la Francophonie s’est félicité du choix de
n’ont certainement pas la liberté de la la RDC, premier pays d’Afrique centrale à
Le rôle de la Suisse presse en commun. Ce que nous espé- accueillir cet événement. Il a rappelé que
Outre l’accueil du Sommet pour lequel rons c’est que les pays les plus modèles le sommet de Kinshasa de 1991 avait été
la Suisse s’est fortement mobilisée aux au sein de la francophonie tels que la annulé pour cause
niveaux fédéral, cantonal et communal, Suisse, le Canada, le Mali, progressive- d’instabilité
la Suisse est chargée d’assurer la prési- ment le Burkina Faso vont dire les choses politique.
dence du Sommet de la Francophonie aux autres pays. Nous sommes ici pour  ■
d’octobre 2010 à octobre 2012 ainsi que attirer l’attention sur les dictatures fran-
la présidence de la Conférence ministé- cophones les plus intransigeantes. Evi-
rielle de la Francophonie de décembre dement la francophonie n’a pas pour

La Francophonie en bref et en chiffres


On estime à 220 millions le nombre de francophones dans le monde, dont
72 millions de locuteurs partiels.
Le français est la 9e langue la plus parlée sur la planète et la seule, avec
l’anglais, à l’être sur les cinq continents.
Le français est la 3e langue de la Toile, avec 5% des pages Internet, après
l’anglais (45%) et l’allemand (7%) et devant l’espagnol (4.5%).
Dans 32 Etats et gouvernements membres ou observateurs de l’OIF, le
français est langue officielle, seul ou avec d’autres langues.
Les 75 Etats et gouvernements de l’Organisation internationale de la Francophonie représen-
tent plus du tiers des membres des Nations unies.
Photo: DFAE/Nicolas Spuhler

L’Afrique est le continent où l’on recense le plus grand nombre de francophones, avec
96,2 millions dans les pays membres de l’OIF.
Dans l’Union européenne, le français est la 2e langue maternelle la plus parlée (16%), Nicolas Sarkozy
après l’allemand (23%) et devant l’anglais (15,9%). Président de la République française


N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 9


Internationale

Expulsions des Roms

France «discriminations
Des familles entières de Roms
reconduites en Roumanie ou
en Bulgarie en avion dans
des vols spéciaux. Leurs
campements de fortune en
France démolis par les forces
de l’ordre.
Par Florian Dacheux

C
es images choquantes se mul-
tiplient depuis des mois à la
télévision. Depuis le début
de l’année, plus de 8000 Rou-
mains et Bulgares ont ainsi été
«reconduits à la frontière». En échange
d’une enveloppe de 300 euros pour
se réinstaller dans leur pays, ces Roms
étrangers ont «accepté» de quitter le ter-
ritoire français. La France est montrée du
doigt pour la manière dont elle traite ces
Européens.

La France expulse ouvertement


La France est un des seuls pays d’Eu-
rope de l’Ouest à mener une politique
de reconduite massive en Roumanie
et en Bulgarie des Roms présents sur
son territoire. Une politique vivement
condamnée par le Parlement européen
qui a voté, le 9 septembre dernier, une
résolution qui demande de «suspendre
immédiatement» les expulsions. Avec
plus de 8’000 reconduites à la frontière
de Roumains et Bulgares depuis le 1er jan-
vier 2010, «aucun autre pays n’a renvoyé
autant de Roms que la France», selon
le Centre européen pour les droits des
Roms, basé à Budapest.
La France et l’Italie sont les deux pays
qui pratiquent le plus les reconduites à
la frontière. Le gouvernement français
Expulsion de masse
a ainsi assuré avoir reconduit 979 res-
Maria, 10 ans, jeune Rom pose devant son campement
sortissants roumains et bulgares entre à Lyon. « Dis, ils vont venir quand la police?», demande
le 28 juillet et le 17 août, dont 151 «de Maria, élève de primaire qui fera bientôt sa rentrée
manière contrainte» et 828 «de manière alors que plane la menace d’une expulsion sur son
volontaire». Les personnes reconduites campement de fortune et son retour en Roumanie, un
de «manière volontaire» ont accepté 300 pays que ses parents ont fui il y a déjà sept ans.
euros pour rentrer chez elles.

10 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

raciales massives»
Multiples démantèlements
de camps illégaux
Les ONG de défense des Roms dénon-
cent les multiples démantèlements de
camps illégaux qui ne laisseraient pas
d’autres possibilités aux Roms que d’ac-
cepter l’aide au retour, relativisant leur
côté «volontaire». La France, comme
l’Italie, se heurte au droit européen qui
interdit l’expulsion de citoyens commu-
nautaires. Paris utilise des moyens de
contournement plus ou moins efficaces.
Sept arrêtés d’expulsion qui avaient été
pris sur la base «d’un trouble à l’ordre
public» ont ainsi été annulés par le tribu-
nal administratif de Lille le 7 septembre
dernier. L’occupation illégale d’un terrain
communal ou privé «ne suffit pas à carac-
tériser l’existence d’une menace à l’ordre
public», a estimé le tribunal.

De la précarité à la clandestinité
Les dispositifs d’expulsion engendrent
la peur dans les familles roms, qui fuient
parfois les camps pour se cacher. La plu-
part passe de l’extrême précarité à la
clandestinité. Cet état d’instabilité accrue
a pour conséquence de déscolariser les
enfants qui avaient la chance de l’être,
et perturbe le travail des associations.
Les invitations à quitter le pays se suc-
cèdent depuis 2007. Une étude sur la
non-scolarisation en France des enfants
roms migrants a été rendue publique par
le Collectif Romeurope en février 2010,
à l’occasion de la présence de membres
de la communauté à l’Assemblée Natio-
nale, réclamant «le droit à l’éducation
pour tous». Ce compte rendu alerte sur
la situation de 7’000 enfants roms privés
d’enseignement. Les obligations de la
France envers ces citoyens européens ne
sont pas toujours remplies: sur les 15’000
personnes résidant en France, moins de
10% des enfants sont scolarisés.

Boucs-émissaires
Les Roms restent des boucs émissaires
et sont l’objet de persécutions transna-
tionales. Le motif de l’illégalité de pré-
sence s’est rapidement effacé au profit
Photo: AFP

de celui de la criminalité et pose les Roms


comme une population extrêmement

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 11


Internationale

problématique, nourrissant le débat confrontés à la barrière de la langue. gramme d’intégration des Roms». Le 28
sécuritaire qui se développe en France Aujourd’hui, les expulsions accentuent octobre, Madame Reding avait déclaré
depuis les années  2000. Le 28 juillet des conditions de vie déjà pénibles. Les que «la France reste sous surveillance.
dernier, Nicolas Sarkozy organisait une déplacements de camps ont des consé- Nous continuons d’examiner les dossiers
réunion spéciale à l’Elysée sur «les Roms quences directes sur la scolarisation. Les que nous ont transmis les autorités fran-
et les Gens du Voyage», soulevant une enfants roms sont trop souvent assimilés çaises.»
forte indignation dans les associations à de petits délinquants potentiels.
et les communautés visées. En 2006, le L’appel d’Amnesty International
parti politique bulgare Ataka n’a pas hé- Le 93 montre la voie Amnesty International appelle les gou-
sité à faire campagne sur les Roms et en Le département de la Seine-Saint-De- vernements d’Europe à mettre fin à la
appeler à «transformer les Tziganes en nis compte environ 2’500 Roms, dont ségrégation et aux inégalités subies
700 répartis sur la ville de Montreuil. La dans l’éducation par les enfants roms.
moitié d’entre eux, avec une centaine Amnesty International constate avec in-
d’enfants, a été prise en charge par la quiétude que les gouvernements de la
Maîtrise d’Oeuvre Urbaine et Sociale mise République tchèque, de la Croatie et de
en place par la mairie. Ce dispositif d’in- la Grèce, dont les pratiques éducatives
sertion sociale et professionnelle prend discriminatoires ont été identifiées par la
le relais du terrain pour faire en sorte que Cour européenne des droits de l’homme,
les demandes des associations soient ef- n’ont pas encore adopté de mesures effi-
fectives. Environ 40 enfants ont ainsi été caces pour y remédier. Au cours de la se-
scolarisés cette année. Malgré tout, les maine débutant le 29 novembre 2010, le
Roms restent généralement tributaires Comité des ministres du Conseil de l’Eu-
Des Roms expulsés par avion de Lille. des bons soins des associations et des rope examinera les progrès réalisés par
comités de soutien. En Seine-Saint-De- les gouvernements croate, tchèque et
savon». L’anti-tziganisme gagne peu à nis comme dans les principaux départe- grec dans la mise en œuvre d’arrêts ren-
peu du terrain eu Europe, comme en té- ments concernés, les membres de l’Aide dus respectivement à leur encontre par la
moignent les expéditions punitives dans à la Scolarisation des Enfants Tsiganes ont Cour européenne des droits de l’homme,
les bidonvilles de Naples et de Rome en une démarche palliative efficace. Les dont chacun a abouti à la conclusion que
2008. En Italie, les actes racistes sont quo- enfants des camps les plus stables bé- l’État en question bafouait le droit des
tidiens: un tract appelait, en mai 2008, au néficient d’un camion-école pour quatre enfants roms à l’éducation sans discrimi-
«lancement de la saison de la chasse aux heures de cours hebdomadaires. nation. Ces jugements sont importants
animaux sauvages migrateurs comme les non seulement pour ces trois pays, mais
Roumains, les Albanais, les Kosovars, les Viviane Reding s’insurge également pour les autres gouverne-
Musulmans, les Afghans, les Tziganes et La commissaire européenne à la jus- ments d’Europe qui tolèrent et acceptent
les extra-communautaires en général». tice, Viviane Reding, a estimé vendredi des mesures discriminatoires dans l’édu-
12 novembre que la situation dans la- cation des enfants roms.
Clichés, désinformation et amalgame quelle vivent les Roms en Europe était
La question du lieu de vie est un frein «une question scandaleuse pour tous Les Roms et Sarkozy
majeur. Migrants économiques venus les Européens. Nous avons en Europe Interrogé le 16 novembre sur le discours
en grande partie d’Europe centrale et la plus grande minorité, 10 millions de de Grenoble de juillet 2010, stigmatisant
des Balkans, les Roms se distinguent des personnes, qui vit dans une pauvreté les Roms, Nicolas Sarkozy soutient qu’«il
gens du voyage par leur sédentarité et absolue, qui n’a pas accès au logement, n’y a pas eu stigmatisation». «Vous créez
leur besoin de se reconstruire. Le regrou- qui souvent n’a pas accès à la santé», a- vous-mêmes, vous les médias, une situa-
pement hasardeux de ces deux popula- t-elle relevé au cours d’une conférence tion de stigmatisation. Dans le discours
tions dans les politiques publiques ren- de presse sur l’avenir des relations entre de Grenoble, il n’y a pas eu outrance. Je
force les amalgames. Les gens du voyage la Suisse et l’Union européenne. La ne regrette rien de ce discours, pas un
semblent confrontés au problème ma- vice-présidente de la Commission euro- mot.» Dans ce discours, qu’il avait tenu à
jeur de la différence au sein des sociétés péenne avait déclenché en septembre la suite des faits divers qui avait entraîné
sédentaires, tandis que les Roms s’inscri- une dispute avec le gouvernement des émeutes, le chef de l’Etat liait expli-
vent dans une problématique d’immigra- français, soupçonné de discrimination citement délinquance et immigration et
tion et de circulation au sein de l’Union à l’égard de Roms vivant en France. Re- frisait avec le cliché de l’immigré frau-
européenne, fuyant la discrimination et venant sur cet épisode, Viviane Reding deur. Par ailleurs, en 2002, alors qu’il était
la misère qu’ils subissent dans leur pays a exprimé l’espoir que «cette excitation ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy
d’origine. «La technique la plus courante aura servi à rendre évident que nous avait déclaré ceci: «Comment se fait-il
des mairies consiste à prétexter que les sommes dans un Etat de droit et que les que l’on voie dans certains de ces campe-
classes spéciales pour enfants étrangers citoyens quels qu’ils soient ont des droits. ments tant de si belles voitures, alors qu’il
sont complètes», explique Hors La Rue, Nous avons l’obligation de résoudre l’ex- y a si peu de gens qui travaillent?» Suite
une association de soutien aux mineurs trême pauvreté et la non-scolarisation à ces déclarations, de nombreux camps
étrangers en danger, basée à Montreuil. des enfants roms», a-t-elle insisté, en pré- roms ont été démantelés, sous prétexte
Contrairement aux manouches, qui maî- cisant qu’elle avait demandé à chaque de l’illégalité de leur présence sur le terri-
trisent le français, les enfants roms sont Etat membre de lui présenter «son pro- toire français.  ■

12 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

Présence militaire française au Tchad

Idriss Déby veut s’émanciper


des ailes de l’« Epervier»
Le 11 août dernier, jour de la célébration des 50 ans d’accession du Tchad à l’indépendance,
Idriss Déby Itno a choisi de marquer les esprits à sa manière. Le millier de militaires français
devra peut-être bientôt plier bagages et ce, malgré le fait d’avoir sauvé deux fois son régime,
dans un passé récent.
Par Bernardo Houenoussi

Photo: AFP
Q
uelle mouche a piqué Idriss Déby
Itno, le 11 août dernier quand il
annonçait la remise en cause de
l’opération Epervier? Toujours
est-il que sa poussée de fièvre émanci-
patrice a fait réagir l’ancienne puissance
colonisatrice qui a fait part de sa volonté
de garder une position forte dans le Sa-
hel. En effet, le Tchad, de par sa position
géographique, s’y prête mais, tout cela
dépend des prétentions financières des
autorités du pays et de son premier re-
présentant qu’est le président Déby.
L’opération «Epervier» a été déclenchée
en 1986, après le franchissement du 16e
parallèle par les forces armées libyennes
soutenant Goukouni Weddeye, renversé Idriss Déby accueilli par le président Nicolas Sarkozy lors de son dernier passage à Paris
par Hussein Habré. Et, plus de deux dé-
cennies après, les militaires français sont tion de défense avec ses anciennes colo- était susurré à cause des difficultés bud-
toujours présents. Ils ont une base à nies. Il affirmera, en 2010, que son pays gétaires de l’ancienne puissance coloni-
l’aéroport de N’djaména et une autre à n’a pas vocation à s’éterniser sur le conti- satrice. En faisant monter les enchères, il
celui d’Abéché, dans l’est du pays. Mais, nent africain; la France dispose de bases rassure ses voisins libyens et soudanais;
les deux Etats sont liés, depuis le 6 mars militaires dans d’autres pays africains tels le président Kadhafi n’a jamais supporté
1976, par un simple accord de coopéra- que le Sénégal et Djibouti. Dans le pre- la présence des militaires français dans
tion militaire, logistique et technique. En mier pays, la base militaire française a été cette zone qu’il considère comme étant
avril 1990, sous Hussein Habré, fut signé fermée en avril dernier sur la demande sienne d’influence. Réconcilié depuis
un protocole additionnel concernant le des autorités sénégalaises. A Djibouti, 2010 avec Omar el-Béchir, le Président
stationnement des troupes françaises. dont la position géographique offre un soudanais, Idriss Deby estime qu’il n’a
L’accord fut complété en 1998.«Eper- tour de guet imparable sur la région du plus besoin du parapluie français qui lui
vier» a toutefois sauvé deux fois la mise golfe, la France paie pour maintenir ses permettait de faire barrage efficacement
à Déby, sinon il aurait été renversé, soit soldats. Elle n’a pas hésité à augmenter la contre les attaques rebelles qu’instru-
en 2006, soit en 2008. La première fois, cagnotte financière, afin de garder sa po- mentalisait son nouvel allié soudanais el-
les mirages français avaient stoppé la co- sition. Jusqu’à maintenant, la présence Béchir. Le référendum prévu pour janvier
lonne du chef rebelle, Mahamat Nour. En militaire française ne profite pas finan- 2011, devant décider de l’indépendance
2008, «Epervier» s’est montré de nouveau cièrement au Tchad, car la France ne paie ou non du Sud-Soudan, n’a pas non plus
décisif en donnant des renseignements rien. Comme il l’a dit, Déby est bien déci- les faveurs du président tchadien. Un avis
clés à l’armée tchadienne, puis en proté- dé à jouer à fond les intérêts de son pays qui plaît aux autorités de Khartoum qui,
geant l’aéroport de N’djaména contre les tout en gardant intacte sa bonne amitié malgré les déclarations officielles, sou-
troupes de Timane Erdimi et de Mahamat avec la France. Mais, la prise de position haitent toujours garder cette partie de


Nour. Mais, en 2008, Nicolas Sarkozy an- d’Idriss Déby est aussi opportuniste, car leur pays dans leur giron.
nonce que la France doit rénover sa rela- un départ éventuel des militaires français  ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 13


Soudan / Crise à la CPI

El-Béchir nargue toujours


la justice internationale Photo: AFP / STR

Le président soudanais, Omar el-Béchir, est poursuivi, l’un des avatars de la crainte de ces chefs
d’Etats du continent d’avoir un jour à
depuis mars 2009, par la Cour pénale internationale (CPI). rendre des comptes à cette cour interna-
Il est accusé de génocide, de crimes de guerre, ainsi que de tionale. Cette coopération est également
à géométrie variable. Si ce sont des chefs
crime contre l’humanité au Darfour, une province de l’ouest de guerre rebelles qui sont dans le viseur
du Soudan. Pourtant, depuis deux ans, la CPI n’a pas encore de la CPI, les chefs de l’Etat ne se font pas
prier pour les arrêter et les renvoyer au-
réussi à mettre le grappin sur l’homme fort de Khartoum. tomatiquement à la Cour. Néanmoins,
le réflexe de solidarité est remis au goût
Par Bernardo Houenoussi du jour, dès que l’un des leurs est visé.
Selon l’UA, ces poursuites contre Omar
el-Béchir nuisent à la recherche de la

L
e 4 mars 2009, date de l’annonce à Doha au Qatar. Au pouvoir depuis plus paix au Darfour, une province du Soudan
officielle par la Cour pénale in- de 20 ans, le Président soudanais, qui en guerre civile. Et, le refus de coopéra-
ternationale (CPI) des poursuites faisait preuve, jusque-là, d’une certaine tion de l’UA a été accompagné par celui
contre Omar el-Béchir, est consi- discrétion a été, selon certains observa- du rejet de la demande de l’ouverture
déré par les organisations de défense teurs, requinqué par l’annonce de ces d’un bureau de liaison en Afrique que la
des droits de l’homme comme un jour poursuites. Il a ainsi trouvé une nouvelle Cour lui a adressée. La solution africaine
historique. Mais, depuis, un bras-de-fer motivation politique et provoque depuis aux crimes d’Etats contre l’humanité,
s’est engagé entre Omar el-Béchir et ses la CPI. Il a effectué, de mars 2009 à au- est le refus de coopération, selon des
soutiens, d’une part, et Luis Moreno- jourd’hui, des visites en Egypte, en Ara- analystes; le cas d’el-Béchir est un précé-
Ocampo, le Procureur de la CPI. El-Bé- bie Saoudite, en Libye, en Erythrée, au dent dangereux pour les chefs d’Etats,
chir, premier Chef d’Etat en exercice à Tchad et au Kenya, entre autres. Même car le fait de ne pas être membre de la
être poursuivi par la CPI, a réactivé ses des pays signataires du Traité de Rome CPI ne protège en rien. Enquêtant aussi
nombreux relais au sein de l’Union afri- qui a institué la CPI l’ont accueilli sur leur au Kenya, dans le cadre des violences
caine (UA), à la Ligue arabe et auprès de sol. C’était le cas au Tchad à la fin du mois post-électorales de 2007-2008, la CPI
la Chine et de la Russie. L’UA a fait savoir, de juillet dernier et en septembre au Ke- pourrait également demander l’arres-
dès juillet 2009, que ses Etats membres nya, lors des cérémonies entrant dans le tation des Kenyans impliqués dans
refusaient de coopérer avec la juridiction cadre de la promulgation de la nouvelle ces violences qui ont fait plus d’un mil-
internationale. Mieux encore, à la fin du constitution du pays. Mais, le refus de lier de morts. En invitant el-Béchir, les
mois de mars 2009, c’est la Ligue arabe coopération des Etats africains se justifie dirigeants kenyans assurent leurs
qui déroulait un tapis rouge à Omar el- notamment par la peur bleue qu’ont cer- arrières et attendent un retour d’ascen-
Béchir lors de son sommet qui se tenait tains dirigeants africains de la CPI. Il est seur au moment opportun. La justice

14 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

Omar el-Béchir a assisté à Nairobi à la cérémonie de promulgation de la nouvelle


constitution du Kenya, un pays qui a ratifié le statut de Rome, traité fondateur de la CPI. Manifestation de soutien à Omar el-Béchir à Khartoum.

internationale est donc tributaire de la 2010, les juges de cette institution ont par les Arabes contre les autres commu-
bonne volonté des Etats. autorisé les poursuites pour génocide nautés ne contribuera pas à faciliter, se-
contre Omar el-Béchir. Cela vient com- lon des observateurs, le retour à la paix.
Un passé noir pléter les autres accusations de crime de Car, selon eux, la justice internationale
Les faits reprochés à Omar el-Béchir re- guerres et de crimes contre l’humanité prive les acteurs locaux des moyens
montent à 2003. A cette époque là, il qui pèsent sur le Président soudanais. En traditionnels de règlement de la justice,
avait lancé ses milices djandjawids sur ajoutant le génocide, la CPI a accentué c’est-à-dire le pardon contre des aveux
des centaines de villages du Darfour la pression pour qu’il soit arrêté. Cette et des compensations. La Conférence de
avec pour mission de tuer, de violer et demande de poursuite du Président, de révision de la CPI s’est tenue du 31 mai
de piller. Selon l’Organisation des Na- la part du Procureur Luis Moreno-Ocam- au 11 juin dernier à Kampala (Ouganda)
tions Unies (ONU), 300’000 personnes po, pour génocide, avait été rejetée, pour faire le bilan des cinq années d’ac-
auraient péri lors de ces attaques. Le dans un premier tivités de la Cour.
gouvernement soudanais ne reconnaît temps, par les ma- Selon l’Organisation Quarante pays sur
que 10’000 victimes. Mais, au-delà du gistrats de la Cour les 111 signataires
soutien dont il se prévaut à l’extérieur, le internationale. Le des Nations Unies (ONU), ont adapté leur
risque, à l’intérieur, pour el-Béchir, pour- Procureur avait fait 300’000 personnes auraient droit national et
rait se situer au niveau de sa garde rap- appel le 6 juillet six mandats d’ar-
prochée. Il pourrait être renversé par ses 2009. Mais, accep- péri lors des attaques. rêt sur treize ont
compagnons et se voir embarqué dans tant de faire peser Le gouvernement été exécutés. La
un avion pour La Haye. C’est pour cela une telle charge résolution 1593
que l’homme discret qu’il a toujours été contre Omar el- soudanais ne reconnaît de mars 2005,
verse dans le culte de la personnalité. Le Béchir, la CPI ac- que 10’000 victimes. est celle qui avait
groupe qui l’entoure est solide et lui est croît le nombre confié à la CPI la
loyal. Avec le numéro 2 du régime, Ali des pays qui sont situation au Dar-
Osmane Taha, avocat de formation, les tenus de coopérer avec elle. Les Etats- four, région de l’ouest du Soudan, en
liens sont anciens et très forts. Les deux Unis, par exemple, qui ne sont pas si- guerre civile, depuis 2003. Le Statut de
hommes se sont unis pour prendre le gnataires du Statut de Rome, fondateur Rome, qui fonde cette Cour interna-
pouvoir en 1989. Mais, Slobodan Milo- de la CPI, ont signé et ratifié la Conven- tionale, permet une telle décision. La
sevic, ancien Président yougoslave, avait tion de l’ONU contre le génocide, depuis compétence juridictionnelle de la CPI
été inculpé en 1999, renversé en 2000 et 1948. C’est d’ailleurs pourquoi, ils ont peut s’étendre à un Etat qui n’est pas si-
livré en 2001 à la justice internationale. déclaré, dans la foulée, qu’Omar el-Bé- gnataire du Traité, comme le Soudan et,
Malgré son activisme, Omar el-Béchir chir doit rendre des comptes à la justice. ce, si le Conseil de sécurité de l’ONU l’en
n’est pas à l’abri d’un change- Mais, la thèse d’un génocide perpétré charge. Elu président en avril dernier,
ment des clés internes de son à la suite d’un scrutin contesté,
pays. Et, à l’extérieur aussi, il Omar el-Béchir et la communauté
ne fait pas de longs voyages, internationale ont les yeux rivés
la crainte de voir son avion in- sur le référendum qui décidera
tercepté dans l’espace aérien de l’indépendance de la région
international préoccupant du Sud-Soudan. L’organisation de
son esprit. ce référendum est l’un des prin-
cipaux points de l’accord de paix
La question du génocide signé en 2005, entre le régime de
La CPI est le premier tribu- Khartoum et l’ancienne rébellion
nal international permanent du sud dont la figure majeure,
chargé de juger les auteurs Salva Kiir, après la mort de John
de crimes de guerre, de Garang, la figure historique, est le
crimes contre l’humanité et Le président soudanais Omar el-Béchir reçu au Tchad par Idriss Déby Vice-président du pays. ■
de génocides. Depuis février malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 15


Nigéria / Trois mois après le double attentat d’Abuja

L’enquête continue
Retour sur le double attentat d’Abudja, perpétré par le mouve- clament sa relaxe et estiment que son
arrestation est illégale. Sa demande de
ment de l’émancipation du Delta du Niger (Mend), mouvement libération sous caution a été rejetée le
rebelle opérant dans la région pétrolifère du Nigéria. 19 novembre dernier par un tribunal
sud-africain. Son frère, Charles Okah,
est également dans le collimateur des
Par Bernardo Houenoussi services de renseignements nigérians.

L
e Mouvement de l’émancipation A partir de cette période, les principaux Ils le suspectent d’être le Porte-parole
du Delta du Niger (Mend), mou- faits d’armes étaient le sabotage d’oléo- du Mend et, en outre, d’être l’auteur des
vement rebelle opérant dans la ducs et l’enlèvement des employés des communiqués de presse envoyés sous
région pétrolifère du Nigéria, compagnies pétrolières étrangères. Le le couvert de Jomo Gbomo. Mais, ce-
n’aurait pas trouvé meilleur symbole Mend s’est toujours limité à la région lui-ci, qui n’a jamais caché sa proximité
pour rappeler aux autorités fédérales en question. Son incursion meurtrière, avec le mouvement rebelle, n’a pas été
nigérianes l’étendue de son pouvoir de par le canal de ce double attentat, est inquiété auparavant pour de présumées
nuisance. En perpétrant un double at- une première dans la capitale fédérale relations avec le groupe armé; il s’est il-
tentat le 1er octobre dernier, à Abuja, la nigériane. Depuis, l’enquête de la police lustré pour la première fois en 2008 en
capitale fédérale et, ce, le jour même de nigériane s’oriente vers la piste d’Henry faisant campagne pour la libération de
la célébration du cinquantenaire de l’in- Okah, ancien chef du mouvement re- son frère, Henry Okah, qui était en pri-
dépendance du pays, il a mis en branle belle, exilé depuis 2009 en Afrique du son; selon des observateurs, il serait le
la machine policière du pays. Celle-ci, Sud. En effet, neuf suspects ont été arrê- coupable idéal afin de montrer à l’opi-
depuis, remue ciel et terre pour trouver tés le 4 octobre à Abuja. Et, selon les ser- nion publique des résultats palpables
les coupables. vices de police, ces personnes seraient de l’activisme des forces de sécurité.
Douze personnes ont trouvé la mort dans liées à Henry Okah, élargi en 2009, dans La politique se mêle aussi à l’enquête.
ces deux attaques qui ont été revendi- le cadre du processus d’amnistie lancé Raymond Dokpesi, le Directeur de cam-
quées par le Mouvement de l’émancipa- par le défunt président Umaru Yar’Adua. pagne du Général Ibrahim Babangida, a
tion du Delta du Niger (Mend). Ce mou- Henry Okah, arrêté au surlendemain été interrogé les 4 et 5 octobre derniers
vement lutte depuis 2006 pour obtenir des attaques et, accusé de terrorisme par les Services de sécurité et de sûreté
« une meilleure répartition des revenus par la justice sud-africaine, a été for- de l’Etat (SSS). Ces interrogatoires sont
pétroliers » dans le sud du pays. mellement inculpé, dans la foulée. Mais justifiés par une complicité présumée
lui nie les faits. Ses avocats ré- de l’homme avec les neufs suspects ar-
rêtés, juste après les attentats d’Abuja.
Et, pour étayer cette accusation, ils se
fondent sur des sms qui au-
raient été retrouvés dans le
portable de l’un des neufs

Le personnel de sécurité et d’urgence se tient près d’une


voiture endommagée suite à une explosion lors de la
cérémonie du 50e Anniversaire de l’Indépendance à
Abuja,
16 | LEau Nigeria, le 1er octobre 2010.
PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1 Photo: AFP / Pius Utomi Ekpei
Internationale

détenus. Cependant, les proches de cain le plus peuplé et il est miné par des mort de celui-ci. Ce que certains appel-
Raymond Dokpesi affirment qu’il s’agit maux tels que la corruption, la mauvaise lent la malédiction du pétrole se justifie
d’une tentative d’intimidation, les ques- gouvernance et l’absence d’une vision pleinement pour le Nigéria. En outre, la
tions des enquêteurs ayant rapidement politique de ses élites. Malgré les fortes question sécuritaire est un problème
déviées vers des sujets politiques. Selon tensions sociales entre ses 250 ethnies, récurrent dans le pays. A la fin du mois
eux, Goodluck Jonathan, le Président ni- le pays est uni en dépit des violences d’octobre dernier, soit quelques se-
gérian, tire les ficelles dans l’ombre pour religieuses entre le Nord musulman et maines seulement après les attaques du
mélanger le problème sécuritaire actuel le sud chrétien. Les coups d’Etats mili- 1er octobre, treize conteneurs d’armes
avec les enjeux politiques au sein du
People’s Democratic Party (PDP) auquel
il appartient, au même titre qu’Ibra-
hima Babangida. Les primaires au sein
de cette formation politique de poids,
qui doivent désigner son candidat aux
élections présidentielles, prévues pour
le début de l’année 2011, verront s’af-
fronter les deux hommes. Mais, en rai-
son d’une règle non écrite d’alternance
Nord/Sud, Goodluck Jonathan n’est
pas le candidat naturel du parti, celui-
ci étant un chrétien originaire du Sud
et, Babangida, un musulman du Nord.
Pourtant, selon des observateurs poli-
tiques, ces attentats ont probablement
été perpétrés par la frange la plus dure
du Mend. En effet, cette frange du Mou-
vement n’a pas adhéré au processus
d’amnistie engagé par Yar’Adua. Et, dans
Le personnel de sécurité et d’urgence se tient près d’une voiture endommagée suite à une explosion lors de la cérémo-
ce cadre, les rebelles devaient déposer
nie du 50e Anniversaire de l’Indépendance à Abuja, au Nigeria, le 1er octobre 2010.
les armes contre de l’argent et une réin-
sertion. Ces faucons ont dévoyé, selon taires, depuis l’indépendance interve- ont été déchargés d’un navire au Port
les mêmes observateurs, les revendica- nue le 1er octobre 1960, ont ponctué la de Lagos. Cette cargaison était consti-
tions de base du Mend; ils sont devenus vie de ce pays. Mais, ce cycle du push a tuée de lance-roquettes, d’obus de mor-
un groupe de mercenaires à la solde des été enrayé avec le processus démocra- tier, de grenades, d’explosifs et de muni-
politiciens qui, quant à eux, sont prêts tique en cours depuis 1999. La preuve tions. Reconnaissant la lenteur dont ils
à troubler, par tous les moyens, le jeu en est que les institutions nigérianes ont fait preuve pour vérifier le contenu
politique, les élections étant en ligne ont tenu bon, malgré la maladie de de ces conteneurs, les douaniers se
de mire. Le mouvement rebelle affirme Yar’Adua qui a finalement conduit ce- dépêchent de la mettre sur le compte
aussi que ce double attentat est un acte lui-ci à passer de vie de l’activité intense
ponctuel qui ne présage pas d’une po- à trépas en mai 2010. Le Mend lutte depuis qui prévaut au Port.
tentielle vague de violences. Depuis le début de L’enquête en cours a
cette décennie, des 2006 pour obtenir « une entrainé l’arrestation
Le Nigéria, 50 ans conflits liés à la terre, meilleure répartition des de deux douaniers.
après le 1er octobre 1960 mais, sur fond de Mais, les respon-
Malgré les douze dernières années de rivalités politiques revenus pétroliers » dans sables militaires is-
démocratie, le Nigéria demeure un pays ou religieuses, ont le sud du pays. raéliens ont affirmé
fragile. Les hommes en uniforme sont fait des centaines de officieusement que
toujours dans les coulisses politiques. morts dans le pays. La situation reste les armes provenaient de l’Iran et que
Les deux principaux candidats aux tendue dans l’Etat pétrolifère du Delta la bande de Gaza était leur destination
primaires du PDP sont tous d’anciens où la population réclame sa part des finale. Avec les élections prévues pour
militaires. Le Nigéria est un pays de pa- revenus pétroliers. Et le Mend s’y est le mois de janvier 2011, le Nigéria est
radoxes. Il est la deuxième puissance greffé, compliquant davantage la si- à la croisée des chemins. Ainsi, qui de
économique du continent africain, juste tuation politique que le gouvernement Goodluck Jonathan ou d’Ibrahima Ba-
après l’Afrique du Sud, mais sa popula- fédéral doit gérer, avec l’adoption, par bangida sera à même d’être adoubé
tion est en majorité miséreuse. Premier douze Etats du Nord du pays, de la cha- par le PDP du fait d’une vision convain-
producteur africain de pétrole, onzième ria, la loi islamique. Les réformes enga- cante en rapport avec l’assurance d’une
sur le plan mondial, l’Etat nigérian est gées par feu Umaru Yar’Adua, tel que sécurité sans failles au Nigeria, ce parti
incapable de fournir de l’électricité à ses le Petroleum Industry Bill (PIB) destiné dont Olusegun Obasandjo, Président
citoyens. Comble de l’ironie, il importe à transformer le secteur pétrolier, et le élu démocratiquement en 1999 et en
le carburant, à cause du mauvais entre- programme d’amnistie dans le Delta 2003, a réussi à en faire une machine de
tien de ses raffineries. C’est le pays afri- du Niger sont en souffrance depuis la guerre? ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 17


Guinée-Conakry

Le pays repart sur


de nouvelles bases

Alpha Conde face à ses supporters le 22 octobre 2010 sur la Place du Peuple à Conakry. Photo: AFP / Issouf Sanogo

Cinquante-deux ans après son accession à l’indépendance, Les autres réformes politiques
et économiques
la Guinée-Conakry vient de désigner, pour la première fois, La restauration des institutions est l’autre
au terme d’une élection régulière et libre, son Président de la chantier qui attend le tout nouveau pré-
sident. En effet, plusieurs situations se
République. trouvent en suspens: le mandat des élus
du Parlement est arrivé à expiration de-
Par Bernado Houenoussi puis mai 2007, le Ministère de la Justice
a toujours son siège dans les locaux de la

D
’abord, vingt-six ans de pouvoir malinkés et, le second, des peuls. Sur ce Cour d’appel de Conakry. Une anecdote,
de Sékou Touré, ensuite vingt- point, le choix du Premier ministre sera symptomatique pour un pays, que les dé-
quatre, pour Lansana Conté, capital, vu qu’il sert à consoler, d’une cer- fenseurs des droits de l’Homme estiment
enfin, un an pour Dadis Camara taine manière, la communauté dont le être marqués du sceau de l’impunité. Au
et, quelques mois pour Sékouba Konaté. candidat n’a pas été élu. plan économique, le pays étant pourvu
C’est ainsi que se résument les cinquante- Et, avec la nouvelle constitution adoptée d’énormes richesses minières, détenant,
deux dernières années de la vie politique par décret présidentiel en avril dernier, par exemple, 2/3 des réserves mondiales
de la Guinée-Conakry. Les deux premiers l’institutionnalisation d’un poste de Pre- en bauxite, cela n’empêche pas son
Chefs d’Etat ont subi un coup d’arrêt au- mier ministre, réduit de facto les pouvoirs économie d’être sinistrée; la croissance
tant prévisible que brutal de la vie. Le 3e du Chef de l’Etat. Chef suprême des ar- est négative, elle est de moins de 0,3%.
a failli y laissé sa peau. Le 4e larron s’est mées, le président guinéen doit attaquer Et, pour alourdir ce tableau, le revenu
fait longtemps désirer avant d’assumer la réforme de l’armée du pays. Celle-ci, moyen d’un Guinéen est encore plus bas
ses responsabilités de Chef d’Etat de composée de 45’000 hommes, engrange que celui d’un habitant du Sénégal ou de
fait. Aujourd’hui, avec l’élection du nou- 30% du budget de l’Etat. Mais, elle est la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, le potentiel
veau Président de la République, tout gangrénée par des problèmes d’indis- agricole dont dispose le pays est énorme
le monde, dans le pays, espère qu’une cipline des soldats vis-à-vis de leurs su- et inexploité. Avec ces différents travaux,
nouvelle ère plus reluisante s’ouvre. Le périeurs hiérarchiques. Cette armée qui qui ressemblent à ceux d’Hercule, après
nouveau premier magistrat se doit de re- a démontré maintes fois combien elle les errements des dernières décennies
lever plusieurs challenges. Les défis sont avait la main assez lourde contre la po- des hommes politiques guinéens, il fau-
tout autant politique, économique que pulation qu’elle est censée défendre. En dra beaucoup de courage, d’abnégation
social. En politique, il s’agira d’apaiser les témoigne le massacre du 28 septembre et de sens du compromis au nouveau
tensions communautaires nées entre les 2009, dans le stade de Conakry. Concer- Président, qui n’a plus d’autre choix que
malinkés et les peuls (qui détiennent le nant cette situation précise, la mise en de relever le puissant objectif de la re-
pouvoir économique). Alpha Condé et place d’une commission «Vérité et Ré- lance du développement du pays. Aura-
Celou Dalein Diallo, les deux candidats conciliation» permettra de mettre sur la t-il la force de cultiver cette ambition, de
qui se sont affrontés lors du second tour table le dossier brûlant des crimes com- la maintenir et de la faire partager à son
étant issus, le premier, de l’ethnie des mis par les militaires. entourage politique? ■

18 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

Gabon / Lutte contre la corruption

Ali Bongo rompt avec son père


Après son élection à la tête du Gabon, à la fin du mois d’août 2009 et,
depuis sa prise de fonction, il y a un peu plus d’un an, Ali Bongo Ondimba

Photo: DFAE / Thierry Parel


tente une rupture avec son père qu’il a remplacé. Il s’est attaqué à
plusieurs chantiers dont celui de la chasse aux pilleurs de l’économie
du Gabon.
Par Bernado Houenoussi

A
li Ben Bongo, en prenant les naires et de personnalités de la société
rênes du Gabon, a dû faire face civile. Et, selon Vincent Lebondo-Mali,
à la recomposition du paysage Magistrat de son état, et Président de
politique gabonais, autrefois cette Commission, plusieurs personna-
monolithique et porté à bout de bras lités sont impliquées dans ces dossiers
par la figure de son feu père, Omar actuellement examinés par lui et Ses
Bongo Ondimba. Du Gabon émergent, pairs. Mais, l’environnement gabonais
en passant par le changement de mé- n’est pas habitué à voir sanctionner les
thodes de gouvernance qui s’est impo- faits de détournements de deniers pu-
sé, la lutte contre la corruption est l’un blics. Et, même si elle a l’onction prési-
des chevaux de bataille que s’est fixé le dentielle, les détracteurs de la CNLCEI
nouveau président gabonais. C’est ainsi mettent l’accent sur la discrétion de
que la Commission nationale de lutte cette structure, qui n’augure rien de
contre l’enrichissement illicite (CNLCEI), bon, malgré tout ce qui est dit publique-
créée en 2003, a été réactivée et s’est ment. Toutefois, tout reste à faire pour
vu assigner une toute nouvelle tâche, la CNLCEI; elle doit forger sa réputation,
celle de faire feu de tout bois pour réus- une chose qui dépend des armes qu’elle
sir l’amenuisement de la corruption et, fourbit en dénonçant tel ou tel corrom-
ce, avec l’onction du palais présidentiel, pu et ceci, après avoir fait une enquête
comme le confiait, il y a quelques mois, minutieuse et sans parti pris. Dans son
à la presse, son locataire. C’est ainsi que travail, la Commission de lutte contre
cinquante dossiers sont en cours de l’enrichissement illicite doit notamment
traitement, par cette Commission com- travailler avec une cour criminelle spé-
posée de magistrats, de hauts fonction- ciale. C’est à elle qu’elle doit renvoyer

La nouvelle donne politique

L es poulains politiques d’Omar Bongo, à la mort de celui-ci, avaient cru leur


heure venue pour jouir de la place au soleil qu’offre le pouvoir, chacun
d’eux voulant s’accaparer le fauteuil laissé vide par le vieux. Mais, Ali Bongo
s’était appuyé sur la machine du Parti démocratique gabonais (PDG) et sur un
mode de scrutin qui prévoit que l’élection du Président de la République ne se
fait qu’à un tour, pour tirer son épingle du jeu. Depuis, les ex-proches collabo-
rateurs de son père, parmi lesquels on compte des anciens ministres de haut
rang, ont rejoint les troupes de l’opposition. Les élections législatives, prévues
en cette année 2011, constituent donc le grand test pour les deux camps. Le
président gabonais est surveillé comme du lait sur le feu par ses ennemis po-
litiques qui lui promettent une cohabitation, dans le cas où ils seraient dotés
d’un score confortable à l’Assemblée. Cependant, Ali Bongo, lancé dans sa vi-
sion du Gabon émergent, compte bien garnir son tableau de chasse de points
Ali Bongo Ondimba, Président
de réussite à mettre à l’actif de son bilan. Et, cela est, notamment, l’un des de la République gabonaise
enjeux majeurs des élections législatives qui s’annoncent.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 19


Internationale

les cas susceptibles de poursuites judi-


ciaires. Pourtant cette cour criminelle
Togo
ne s’est pas réunie en session depuis
plus d’un an. Vincent Lebondo-Mali am-
Exclusion des députés ANC
bitionnait de lui transmettre quelques de l’Assemblée Nationale
dossiers avant le terme de l’année 2010.
Jean-Pierre Fabre, ancien Vice-président de
En attendant de donner des résultats
l’Union des forces du changement (UFC), parti
tangibles concernant ce point, la CNL-
qui s’est rallié au Rassemblement du peuple to-
CEI veille avec plus d’allant au respect
golais (RPT) au pouvoir, a créé, le 10 novembre
de l’obligation de déclaration des biens,
dernier, son parti dénommé Alliance nationale
demandée aux membres du Gouver-
pour le changement (ANC). Le nouveau parti a
nement, entre autres. Elle a donc enre-
été reconnu par les autorités togolaises. Mais,
gistré la déclaration des biens des mi-
Jean-Pierre Fabre et huit autres membres de l’ANC
nistres et assimilés, avant leur entrée en
vont perdre leur mandat de député à l’Assemblée
fonction. Il en est de même des autres
nationale, suite à une décision de la Cour consti-
personnalités chargées de la gestion de
tutionnelle. Celle-ci se fonde sur des lettres de
la fortune publique, qui sont tenus de
démission desdits élus, lesquels auraient décidé
rendre publique la liste de leurs biens,
de quitter le Parlement pour «convenance politique». Selon un proche du Président
dans un délai de trois mois après leur
du nouveau parti, qui réfute de telles lettres, leur tort serait d’avoir signé, peu avant
prise de fonction.
les législatives de 2007, un «acte» selon lequel ils perdraient leur mandat de député
Algérie s’ils démissionnaient de l’UFC. Bona Tsona

partenariat Egypte
gagnant-gagnant Gamal Moubarak
succédera-t-il à son père
Enquête «Je n’ai pas d’ambitions person-
nelles» a déclaré Gamal Moubarak, le fils du
Président égyptien. Ces propos ont été rap-
portés par la presse locale en novembre der-
nier. Gamal Moubarak fait partie des princi-
paux nouveaux dirigeants du Parti national
démocrate (PND). Des rumeurs circulent de-
puis plusieurs mois sur son éventuelle succes-
sion à son père à la tête du pays. Ce dernier est
âgé de 82 ans et dirige l’Egypte depuis 1982.
L’élection présidentielle est prévue pour cette
année 2011. Bona Tsona
Economie L’ancien Premier ministre
français, Jean-Pierre Raffarin, s’est rendu
le 24 novembre dernier en Algérie, en
tant qu’émissaire de Nicolas Sarkozy, le Libye
Président français. Selon Jean-Pierre Raf-
farin, les deux pays s’engagent vers une Journalistes arrêtés
relation sereine et un partenariat écono- Enquête Vingt journalistes libyens, égyp-
mique réfléchi. C’est donc le temps du tiens et tunisiens, travaillant pour le groupe
dégel entre eux. Des accords avaient été de presse de Seif el-Islam Kadhafi, le fils du
signés, dans un passé récent, entre les dirigeant libyen, ont été arrêtés par les autori-
deux pays, concernant trois projets d’in- tés libyennes, au début du mois de novembre
vestissement. C’est ainsi que la société dernier. Le groupe de presse en question
française Alstom va monter et assembler comprend, entre autres, l’agence d’infor-
des tramways, en partenariat avec Ferro- mation Libyapress et l’hebdomadaire Oéa.
vial et Metro d’Alger. Les deux autres ac- Des observateurs de la vie politique du pays
cords concernent la construction d’une affirment que ces journalistes feraient les
raffinerie de sucre et le développement frais d’une rude bataille au sommet de l’Etat
d’une usine pharmaceutique en Algérie. libyen.
Plusieurs ministres français se sont ren-
dus en visite, ces derniers mois, dans le Bona Tsona
pays. Bona Tsona

20 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

Centrafrique

François Bozizé
en roue libre pour rempiler
Les élections présidentielles et législatives sont prévues en Centrafrique pour le 23 janvier
2011. Cette date a été fixée après deux reports successifs qui ont nécessité la prolongation du
mandat de l’actuel Chef de l’Etat, ceci ayant pris fin en juin dernier.
Par Bernado Houenoussi Contraint, quant à lui, à un exil politique ture de la période du dépôt des candida-
à Lomé au Togo durant plusieurs années, tures a été avancée au 27 octobre, tandis

F
rançois Bozizé, après la clôture de Ange Félix Patassé est revenu depuis plu- que la clôture est intervenue le 8 no-
la période du dépôt des candida- sieurs mois en Centrafrique. Il se présente vembre dernier. Face à cela, les membres
tures, Il fera face, entre autres, à aux présidentielles en tant que candidat du front de l’opposition ont menacé de
Ange Félix Patassé et à l’ancien mi- indépendant, n’ayant pas été désigné boycotter les élections présidentielles
nistre de la défense, Jean-Jacques Dema- par son parti, le Mouvement pour la Li- et législatives, prévues pour le mois de
fouth, chef de file des ex-rebelles de l’Ar- bération du Peuple Centrafricain (MLPC). janvier. Ils ont également décidé de ne
mée Populaire pour la Restauration de C’est une occasion pour lui de prendre déposer leurs dossiers que durant la pé-
la Démocratie (APRD). Des candidatures sa revanche vis-à-vis de celui qui l’a riode initialement retenue. Et, malgré les
qui ne devraient pas contrarier l’ambition évincé du pouvoir, et qui été, pendant différentes négociations engagées par
du Président de se maintenir à son poste. un certain temps, son Chef d’Etat-major. Mgr Paulin Pomodimo, la CEI est restée
Le dernier affrontement en date entre Quant à son ancien parti, le MLPC, il est ferme. Après le 8 novembre, elle déclare
François Bozizé et Ange Félix Patassé s’est membre du Collectif des Forces du Chan- n’avoir enregistré que six candidatures à
fait par les armes. Il s’est gement (CNC) qui regroupe tous les par- l’élection présidentielle. Au final, Bozizé,
soldé, le 15 mars 2003, tis de l’opposition et les ex-rebelles. Ce candidat du parti Kwa Na Kwa (KNK), se
par le renversement conglomérat se trouve à couteaux traduisant par «le travail rien que le tra-
du second à la suite tirés avec Bozizé et le président de vail», fera face, notamment, à Ange Félix
d’un coup d’Etat du la Commission Electorale Indépen- Patassé et à Jean-Jacques Demafouth de
premier. Depuis, ce- dante (CEI), le pasteur Binguimalè. l’Aprd. D’autres candidatures dont celle
lui-ci s’est fait élire, en Le Collectif reproche au second son de Justin Innocent Wilité du Congrès
2005, Président de la incompétence et des faits de dé- Centrafricain de la Renaissance (CCR),
République et souhaite tournements de fonds, qui n’ont pas un parti en création, celle de Kouet Fodé
renouveler un autre encore été prouvés. L’autre pomme Lambert, un opérateur économique
bail de cinq ans à la de discorde entre le CNC et la Com- et candidat indépendant, sont à noter.
tête du pays. mission électorale est relative Cléophas Azouroute, membre du KNK, le
à la période au cours de parti de Bozizé, est également candidat.
laquelle seront dé- Représentant des jeunes diplômés sans
posés les dossiers emploi, sa candidature et celle de Wilité
de candidature et d’Azouroute ne servent qu’à faire de la
aux différentes figuration. Bien que partant favori, Bozizé
élections. Celle- doit réussir le pari de capter une partie de
ci devait initiale- l’électorat du CNC dont les composantes,
ment courir du à moins d’un retournement de dernière
8 novembre au heure, ne seront pas en lice. Mais, ce
10 décembre scrutin est un vrai test pour la consolida-
2010. Mais, tion de la démocratie dans ce pays qui a
après une connu neuf putschs, depuis son acces-
rencontre sion à l’indépendance. Tout cela, en te-
entre le nant compte des attaques rebelles dans
président le sud-est à la frontière avec la RDC, et
Photo: DFAE / Thierry Parel

Bozizé, les dans le nord-est, aux alentours de Birao


acteurs po- qui sont toujours à noter. François Bozizé,
François Bozizé Yangouvonda litiques et la vu la posture lui étant favorable de dé-
Président de la République centrafricaine société ci- tenteur du pouvoir, prend une longueur
vile, l’ouver- d’avance sur ses adversaires.  ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 21


Côte d’Ivoire
Face à la Guerre
Le porte parole de la Commission Electorale Indépendante,
Monsieur Bamba Yacouba revient sur le processus électoral.
alors que le pays est au bord de la guerre civile.

Yacouba Bamba de procéder à l’élection du Président de suffrages exprimés.

A
la République (Premier tour) et du dé- A la fin des opérations de vote, chaque
cret n°2010-301, du 9 novembre 2010, Président de bureau de vote a pro-
près plusieurs reports suc-
convoquant le collège électoral en vue cédé au dépouillement des bulletins,
cessifs et conformément
de procéder à un second tour fixé à date en présence des représentants des can-
à sa volonté de n’aller aux
du 28 novembre 2010. didats et des observateurs nationaux et
élections que lorsqu’il aura
internationaux. Le dépouillement est
constaté la sécurisation et
Au terme du premier tour du scrutin, sanctionné par la rédaction d’un pro-
la réunification effective du pays à tra-
n’ayant pu obtenir la majorité abso- cès-verbal de dépouillement des votes
vers des visites d’état dans les zones CNO
lue au profit d’un des 14 candidats, les en sept exemplaires dûment signés
(Centre, Nord et Ouest), le Président
deux candidats arrivés en tête, les can- par les représentants des candidats
sortant, Laurent Gbagbo, a signé deux
didats Laurent GbaBO et OUATTARA présents et les membres du Bureau de
importants décrets: il s’agit du décret n°
Alassane, se sont retrouvés au second Vote. Ces exemplaires sont destinés :
2010-207, du 5 août 2010, convoquant
le collège électoral de la République de tour avec respectivement 1’756’504
voix, soit 38,04% des suffrages expri- - au Représentant du candidat présent,
Côte d’Ivoire le 31 octobre 2010 en vue
més et 1’481’091 voix, soit 32,07% des - à la Commission Electorale Locale,

22 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars
Janvier/Mars2011
2011--NN11
- à la Commission Centrale, Les membres des Bureaux de vote ont par circonscription administrative en
- au Conseil Constitutionnel, immédiatement transmis, sous couvre- présence des représentants présents
- au Représentant Spécial du Secrétaire feu, les procès verbaux accompagnés des candidats.
Général de l’ONU, des pièces qui doivent y être annexées
- au Représentant Spécial du Facilita- aux 415 Commissions Electorales Après la proclamation des résultats
teur de l’APO. Locales (CEL) réparties sur toute l’éten- provisoires du scrutin au niveau de la
due du territoire national et à l’étranger. circonscription administrative, les pro-
Le Président de chaque Bureau de vote Le travail des CEL a été sanctionné par cès-verbaux, accompagnés des pièces
a procédé à la proclamation des résul- des procès-verbaux de recensement justificatives, ont été transmis à la CEI
tats provisoires obtenus et à leur affi- général des votes, dûment signés éga- par les Superviseurs, qui ont alors pro-
chage. Il est à noter que les Présidents lement par les délégués des candidats cédé aux opérations de collecte au
des bureaux de vote et les secrétaires présents, par les Présidents des CEL et niveau national et à la consolidation
ont été pour la plupart recrutés sur une leurs Vice-présidents, tous de sensibi- des résultats proclamés en région. Le
liste des fonctionnaires et agents de lités différentes. Le Président de la CEL processus de consolidation n’est rien
l’état mise à la disposition de la CEI par procède a une proclamation des résul- d’autre qu’un recomptage.
le Corps Préfectoral. tats provisoire, au niveau national et

NN11--Janvier/Mars
Janvier/Mars2011
2011 LE PANAFRICAIN | 23
Yacouba Bamba, porte parole de la CEI (Commission Electorale Indépendante de Côte d’Ivoire)
Les Procès Verbaux présentés à certains Le travail du Conseil Constitutionnel ne Topka Vei Etienne, tous deux membres
Chefs d’Etat Africains et à certaines per- commence que lorsque la CEI a procla- de la LMP et proches du candidat Lau-
sonnalités par l’ex clan présidentiel ne mé les résultats provisoires et pas avant. rent Gbagbo avec pour objectif d’empê-
sont autre que des documents falsifiés, Quand on parle de respect des institu- cher par tous les moyens l’annonce des
copie de l’exemplaire remis aux délé- tions, le bon sens voudrait que l’on res- résultats par la CEI.
gués des candidats et provenant du pecte d’abord celle en charge des élec- Cette situation sans précédent, pilotée
stock restant mis à la disposition du can- tions en Cote d’Ivoire qui est la CEI. depuis la Présidence de la république,
didat Gbagbo par le Directeur Général était précédée par une sortie musclée
de l’Imprimerie Nationale, Monsieur Bui- La CEI a reçu un courrier d’une requête sur les médias du porte-parole du can-
kalo Bi Thierry, par ailleurs membre du du camp présidentiel aux fin d’invalida- didat Gbagbo, Monsieur Pascal Affi
FPI et Directeur de Campagne à Bouaflé tion des résultats dans cinq (5) régions, N’Guessan, du départ de la Télévision
du candidat Laurent Gbagbo. à savoir la région de la Vallée du Banda- nationale qui a démonté sans raison
ma, des Savanes, du Worodougou, du valable ses installations techniques de
La CEI a, au fur et à mesure de la récep- Denguélé et du Bafing. la CEI. Les autres organes de presse na-
tion, communiqué au Conseil Consti- tionale et internationale ont quant à eux
tutionnel, au Représentant Spécial du La Commission Centrale, après débats, a été purement et simplement chassés
Secrétaire Général des Nations Unies en opposé une fin de non recevoir car, ne des lieux sans aucune forme de procès
Côte d’Ivoire et au Représentant Spécial relevant pas de ses compétences, à l’exa- par des éléments de la Garde Républi-
du Facilitateur, un exemplaire des pro- men de cette requête tout comme elle caine, du CECOS et des miliciens identi-
cès-verbaux, accompagnés des pièces l’a fait lors du premier tour lorsqu’elle fiables avec des casquettes rouges.
justificatives, dans les trois jours qui sui- a reçu les requêtes preuves à l’appuie,
vent le scrutin conformément aux dis- du PDCI-RDA et du RDR à des fins d’in- Ces hommes, conduits par le Capitaine
positions de la loi électorale. validation des résultats dans les régions Blé, sont venus spontanément dans des
forestières, du Sud, du Sud-ouest et du cargos militaires, armes aux poings et
Ce sont ces procès-verbaux de dé- District d’Abidjan. ont pris le contrôle de la CEI au grand
pouillement des votes que le Conseil étonnement des Commissaires Cen-
Constitutionnel devait recevoir de la CEI Porte-Parole de la CEI, faisant suite à un traux.
dans les trois jours à compter du scrutin refus de tentative de corruption après
et non les résultats issus des opérations la proclamation des premiers résultats Devant l’impossibilité constatée de pro-
de collecte comme elle a essayé de le de la Diaspora, j’ai personnellement été clamer les résultats dans les locaux de
faire croire. Aucune disposition de la loi victime devant les caméras du monde la CEI, des menaces qui pesaient sur les
électorale ne prescrit de délai à la CEI entier, d’une agression commise par les responsables de la CEI et de la transfor-
pour proclamer les résultats provisoires. Commissaires Damana Adia Pickas et mation de la CEI en un véritable camp

24 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

militaire, le Président de la CEI, Monsieur


Youssouf Bakayoko n’a eu d’autre choix
que de proclamer les résultats validés
par la Commission Centrale, dans les lo-
caux de l’hôtel du GOLF, seul endroit à
Abidjan, placé sous la sécurité des forces
impartiales depuis 2003. Il est important
de souligner que la loi ne fait aucune
obligation à la CEI ni d’annoncer les
résultats en un lieu quelconque ni en
présence d’un collège donné.

Les chiffres officiels du second tour, sont


les suivants:

- Nombre d’inscrits : 5’725’721


- Nombre de votants : 4’689’366
- Bulletins nuls : 99’147
- Suffrages exprimés: 4’590’219
- Taux de Participation : 81,12%

Ont obtenus :
- Laurent Gbagbo: 2’107’055, soit
45,90%
- Alassane Ouattara: 2’483’164, soit Bamba Yacouba (C), qui vient d’être physiquement empêché d’anoncer les résultats par Damana Adia Pickass (G),
54,10%
Laurent Gbagbo et le Premier Ministre ter pour le candidat Ouattara et autres
Dans sa décision lue à la Télévision na- Guillaume Soro. ralliements; ce qui fait que même en
tionale, le 3 décembre 2010, le Conseil annulant les résultats des départements
Constitutionnel a entériné les résultats Les rapports des Préfets adressés au visés par le clan présidentiel, le Candi-
de la CEI, puis a pris l’initiative malheu- Ministre de l’intérieur et au Premier Mi- dat Alassane Ouattara arrive toujours en
reuse d’annuler les résultats relatifs à nistre, ceux du Centre de commande- tête. Cela a également été confirmé par
treize départements et non sept comme ment intégré (CCI), des Observateurs Na- le Représentant Spécial du Secrétaire
annoncé par lui. Il a manifestement ou- tionaux et Internationaux, notamment Général des Nations Unies.
trepassé ses pouvoirs. l’Union Européenne, l’Union Africaine, la
Communauté Economique des Etats de Il convient de répondre à certaines
Au total ce sont les départements de l’Afrique de l’Ouest, l’Organisation Inter- personnes qui indiquent que l’une des
Bouaké, Korhogo, Ferkessédougou, Ka- nationale de la Francophonie, La Fonda- preuves de la supposée fraude soit le
tiola, Boundiali, Dabakala, Séguéla, Bo- tion Carter, du Japon, tous présents sur fait que le candidat Gbagbo n’ait pas
tro, Niakaramandougou, Kouto, Ouan- le terrain des opérations, ont fait état pu obtenir même une voix dans cer-
golodougou, Sinématiali et Kani qui ont d’un scrutin organisé de manière satis- tains Bureaux de vote alors qu’il avait
vu leur vote annulé. faisante dans les régions (CNO) contrai- deux représentants. Notons à cet
rement à certaines régions de la partie effet que la plupart des représentants
Les résultats de la CEI sont iden- gouvernementale de l’ouest où l’on a du candidat Gbagbo, en zone CNO,
tiques à ceux trouvés par Monsieur Jin enregistré des morts d’hommes, des n’étaient pas inscrits sur la liste électo-
Choi Young, Représentant Spécial du urnes emportées, des empêchements rale donc n’étaient pas électeurs et, sont
Secrétaire Général de l’ONU en Côte- de vote précisément à Gboguhé et Go- venus d’Abidjan. Nous avions une liste
d’Ivoire, et Monsieur Badini, Représen- naté dans le département de Daloa pour des personnels d’astreinte qui eux, pou-
tant du Facilitateur du dialogue direct ne citer que ces localités. vaient voter là où ils se trouvaient. Les
en Côte d’Ivoire, eux aussi destinataires représentants des candidats ne figurent
des procès-verbaux de dépouillement. Au titre de l’article 64 du code électoral, pas sur la liste de personnels d’astreinte.
le Conseil Constitutionnel n’avait pas à
La certification de Monsieur Young inverser les résultats proclamés par la Enfin, il faut tout mettre en œuvre pour
a été sollicitée et acceptée par les CEI, comme il l’a fait. Il devrait, entériner que la volonté du peuple soit respectée
Parties Ivoiriennes en 2005 dans le ces résultats ou, tout au plus, annuler le face à ce holp up électoral qui n’honore
cadre de l’accord de Pretoria sous la scrutin dans son entièreté afin que la CEI ni leur auteur ni la Côte d’Ivoire encore
Présidence du Président Thabo Mbeki, le reprenne dans quarante cinq jours. moins l’Afrique.
entériné par une Résolution de l’ONU
en 2007 puis réaffirmé dans le cadre Le second tour a montré une hausse de Yacouba Bamba
de l’Accord Politique de Ouagadou- participation dans les régions CNO du Porte parole de la CEI
gou signé par le Président sortant fait de l’appel du candidat Bedié à vo-

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 25


Internationale

Ahmadou Toumani Touré, alias Att,


Mali prendra fin en 2012. Au sein de la Zimbabwé
Lutte de succession mouvance présidentielle, c’est le
branle-bas de combat car Att semble
Eléction en vue
L e vouloir peser de tout son poids
deu- dans sa succession. Son ministre de
xième l’Équipement et des transports, Ha-
et der- med Diané Séméga, a officiellement
nier transformé, le 17 juillet dernier, le
man- dat du Mouvement citoyen (MC), organi-
prési- sation des comités de soutien à l’ac-
tion présidentielle, en Parti pour le
développement économique et so-
cial (PDES). Autrefois réticent face à Enquête Robert Mugabe et le Premier
ce changement de cap politique, le ministre, Morgan Tsvangirai ont émis, en
président actuel a finalement donné
septembre dernier, le vœu que des élec-
son aval. Concertation, réflexion et
analyse pouvant aider les parties en tions consensuelles se tiennent en cette
dent année 2011, dans leur pays. Mais, cette
conflit à bien négocier. Bona Tsona
fois-ci, le perdant devra laisser le gagnant
seul gouverner. L’accord à l’amiable conclu
Guinée-Bissau entre les deux hommes, après les élec-
tions de 2008 qui ont conduit à la défaite
Distension politique sur la présence du camp de Robert Mugabe aux législa-
d’une force de stabilisation étrangère tives, n’aura donc plus droit de citer dans
quelques mois. Bona Tsona

Enquête Bacai Sanha, Président de


la Guinée-Bissau, a été victime, en
octobre dernier, d’un malaise qui a Mauritanie
nécessité son évacuation à Dakar
(Sénégal). Le malaise présidentiel est
Grâce présidentielle
intervenu alors que l’armée du pays pour l’Aïd el-Kébir
et l’opposition se méfient du projet
d’une mission de stabilisation, évo-
qué en août dernier. Souhaité par le
gouvernement, l’armée bissau-gui-
néenne craint de voir menacer la po-
sition qu’elle occupe dans la vie politique du pays. Quant à l’opposition, elle
ne voit pas «l’utilité» d’une telle force étrangère.
Bona Tsona

Afrique du sud
Sortie du livre de Nelson Mandela
«Conversations avec moi-même» Lundi 15 novembre, Mohamed Ould
Abdel Aziz a gracié 124 prisonniers dont
Enquête Nelson Mandela,
17djihadistes de plus, pour l’Aïd el-Kébir,
icône planétaire, a publié,
en octobre dernier, «Conver- une des plus importantes fêtes musul-
sations avec moi-même» qui manes, célébrée en novembre dernier.
rassemble des conversations Ces 17 djihadistes étaient «poursuivis ou
enregistrées et des lettres et condamnés dans le cadre des dossiers liés
notes rédigées par lui-même. au terrorisme». La libération de ces 17 per-
Il appelle le monde à ne pas sonnes porte à 52 le nombre des combat-
le voir comme «un saint». tants libérés entre octobre et novembre
Il évoque également, entre 2010. Le Président mauritanien entend
autres, sa séparation d’avec poursuivre sa politique visant à encoura-
Winnie Mandela et la douleur ger le repentir des extrémistes musulmans
de l’emprisonnement qu’il a liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique
connu pendant 27 années. (AQMI). Bona Tsona
Bona Tsona

26 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

rapprochés. Et cela s’est notam-


Somalie Gambie - Iran ment concrétisé par une visite
Trève au nord Lutte de succession du Président iranien à Banjul. A
la base de cette rupture surprise,
une cargaison d’armes intercep-
tée par les autorités nigérianes
sur le port de Lagos, à la fin du
mois d’octobre dernier. Le na-
vire transportant cette cargaison
était en provenance d’Iran. Les
autorités de ce pays ont indiqué
que la cargaison appartenait à
une société privée et qu’elle était
L a Gambie a annoncé, le 22
novembre dernier, la rupture
totale de ses relations diploma-
destinée à un pays de l’Afrique
de l’Ouest. Et le pays de Yahya
Jammeh, le président gambien,
tiques avec l’Iran. Ces dernières se croit indexé.
années, les deux pays s’étaient Bona Tsona

Union africaine - Somalie


Nomination bienvenue

L e Puntland et le Somaliland, deux


provinces du nord de la Somalie, ont
L e Président de la Commis-
sion de l’Union africaine
(UA), Jean Ping, a désigné Jerry
décidé de mettre en veilleuse leurs diffé- Rawlings pour être son envoyé
rends frontaliers et diplomatiques depuis spécial. Cette annonce de Jean
la fin du mois de septembre dernier, pour Ping suit la demande de cer-
mieux faire face à la menace des shebab tains dirigeants africains qui
qui menacent de les déstabiliser. Cette lui avaient demandé de nom-
nouvelle réjouit les Etats-Unis. «Nous pen- mer une «personnalité de haut
sons que ces deux parties de la Somalie rang» à ce poste. L’ancien Pré-
seront un rempart contre l’extrémisme», a sident ghanéen, selon le com-
déclaré Johnny Carson, le Secrétaire d’État muniqué de l’UA, annonçant sa
adjoint aux Affaires africaines. nomination, devra «mobiliser
Bona Tsona le continent et le reste de la communauté internationale pour qu’ils as-
sument toutes leurs responsabilités et contribuent plus activement à la
recherche de la paix, de la sécurité et de la réconciliation».
Bona Tsona

Kenya
Démission du Chef de la diplomatie kényane
A ccusé de corruption, Moses Wetangula, le Chef de
la diplomatie kenyane, a donné sa démission, à
la fin du mois d’octobre 2010. Bien que clamant son
innocence, il dit préférer se retirer de la vie politique,
le temps que tous les soupçons de corruption qui pè-
sent sur lui soient dissipés. A la tête du Ministère des
affaires étrangères depuis janvier 2008, l’ancien Mi-
nistre fait les frais du renforcement de la lutte contre
la corruption dans le pays. Du plus bas niveau et
jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat, le pays
est gangréné par des abus et des fraudes qui sont lé-
gion depuis plusieurs années. Dans le dernier classe-
ment de Transparency International, le pays est classé
154e sur 178 pays. Bona Tsona

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 27


Spécial RD Congo
POLITIQUE
30 PPRD: Grandes manoeuvres dans les états-majors politiques
32 MLC: Veillées d’armes au MLC de Jean-Pierre Bemba
33 UDPS: Etienne Tshisekedi se porte candidat à la présidentielle
34 La Haye : J.-P. Bemba entend laver son nom des atrocités dont
il est accusé
36 Chebeya: Le gouvernement et la VSV se livrent une guerre des
communiqués
38 Kivu: Avec la chute de Laurent Nkunda,la RDC tourne l’une des
pages les plus sombres de son histoire
42 Viols massifs au Nord-Kivu: La Monusco «accusée d’immo-
bilisme»
46 PAREC: RDC «SUR LE CHEMIN DE LA PAIX AU KIVU»
50 PAREC: L’ONG s’internationalise et s’implante en Suisse
54 Interview: Pasteur Daniel Mulunda Nyanga, artisan de paix en
RDC
58 Interview: interview de Fernandez Murhola du Renadhoc La
RDC a encore du chemin à parcourir pour promouvoir les Droits

CAP
de l’Homme
60 Lutte contre la corruption: Le ministre congolais de la
Justice, Luzolo Bambi, présente les quatre axes de la stratégie
du gouvernement
62 ACP-UE: La démocratie parlementaire célébrée à Kinshasa

ECONOMIE

64 Réformes: Les grandes réformes économique


66 Le secteur minier: Un acteur incontournable du developpe-
ment de la RDC
72 Economie maritime : Matadi La grande porte du Congo
42 Elections 2011 : la RDC jette son dévolu sur Zetes pour
garantir la transparence du processus électoral

SOCIAL
80 Droits de la femme: Initiative Plus Olive Lembe Kabange
Réalisé par : Théodore Ngangu, Jean-Pierre, Mwanza, Bona Tsona, Benoit Akili Mali
Sous la coordination de : Baer Grégory

28 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


SUR
2011 N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 29
Spécial RDC

Enjeu électoral 2011

Grandes manœuvres dans


les états-majors politiques
Le plan du secrétaire général du PPRD, Evariste Boshab,
pour faire élire Joseph Kabila au premier tour.
Par Théodore Ngangu

L
’année 2011 est une période politique pour les militants de grandes feuille de route pour l’avenir.
électorale en République dé- villes, toutes les recettes sont bonnes Pour la circonstance, le siège du parti
mocratique du Congo (RDC). pourvu qu’elles maintiennent le parti au avait été déplacé à Kisangani, chef-lieu
En effet, au mois de novembre devant de la scène politique. de la Province Orientale, qui passe pour
prochain, les Congolais de- le grand réservoir des voix qui ont fait
vront élire leur président, conformé- Pour se préparer à l’échéance électo- élire Joseph Kabila en 2006. Cadres fé-
ment au calendrier rendu public par rale de 2011, le Parti présiden- déraux, territoriaux et sympathisants
la défunte Commission élec- tiel a fait le rappel de ses de la famille politique de Joseph Kabila,
torale indépendante (CEI) troupes en organisant, au venus de tous les coins du pays, avaient
à laquelle la Commission mois d’août 2010, une fait le déplacement de Kisangani-Boyo-
électorale nationale indé- université d’été dite du ma.
pendante a succédé. «cinquantenaire». Il La principale recommandation de cette
Depuis le dernier tri- s’agissait pour le parti université du cinquantenaire est l’op-
mestre de l’année écou- cher à Evariste Boshab tion, levée par le PPRD, de présenter
lée, les formations poli- - son secrétaire géné- Joseph Kabila comme leur unique can-
tiques, ayant pignon sur ral - de faire un état didat à l’élection présidentielle de 2011
rue, rivalisent d’ardeur des lieux de la santé et de le faire élire au premier tour.
dans la mobilisation de du parti, d’évaluer Cette option a valu à Evariste Boshab
leurs militants pour les la marche du PPRD une diabolisation à outrance de la part
sensibiliser sur les enjeux depuis les dernières de certains ténors de l’Alliance de la Ma-
de ce scrutin. Conclave par élections, de renfor- jorité présidentielle, qui vont interpré-
ici, congrès par là, sémi- cer les capacités ter cette démarche comme une astuce
naire pour les cadres des cadres et pour les écarter. Les réactions vont fuser
de l’intérieur du d ’é l a b o - de partout, les uns accusant le PPRD
pays, matinée rer une de vouloir «privatiser» Joseph Kabila
et d’autres faisant remarquer qu’aucun
parti ne peut à lui seul faire élire un can-
didat au premier tour.
Faisant fi de ce procès d’intention,
Evariste Boshab va procéder à la
restructuration du parti pour
l’enraciner dans la masse.
Parmi les nominés, Léonnard
S h e Okitundu se voit
confié l’idéologie
et la formation,

Evariste Boshab
Secrétaire général du PPRD

30 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Théophile Mbemba, l’un des cadres de tion présidentielle. Ces stratégies se-
la première heure est chargé des ques- ront gardées secrètes pour éviter de
tions de développement en vue de l’au- donner des armes aux formations
to-prise en charge, Katumba Mwanke politiques d’autres prétendants à
est aux Relations extérieures et la Mamu la magistrature suprême.
national Tshala Mwana est hissée à la  ■
tête de la ligue des Femmes.

Les options du PPRD


triomphent à Kingakati
Pour mettre fin à la guéguerre au sein
de l’Alliance de la Majorité Présidentielle
(AMP), l’Autorité Morale de ce regrou-
pement politique, Joseph Kabila, a or-
ganisé du 8 au 10 octobre 2010, dans
sa ferme de Kingakati, située sur la
Nationale n°1 qui mène vers la pro-
vince de Bandundu, une conclave
de clarification.
C’est le PPRD qui sortira ragaillardi
de cette messe politique. En effet,
les recommandations issues de
cette rencontre se recoupent pour
l’essentiel avec celles de l’universi-
té d’été du PPRD tenue à Kisanga-
ni : l’unicité, sans équivoque, de la
candidature de Joseph Kabila et
son élection dès le premier tour.
Les observateurs avisés de la
scène politique notent qu’en le-
vant cette option de la candida-
ture unique de Kabila, Evariste
Boshab, secrétaire général du
PPRD, a fait preuve de ses talents
de tacticien politique. Connais-
sant les ambitions cachées de
certains ténors de l’AMP qui pou-
vaient, à tout moment, concur-
rencer la candidature de Joseph
Kabila, il fait de la surenchère en
présentant Kabila comme le can-
didat de son parti pour inciter les
autres à se prononcer. Cette stratégie
aura eu le mérite de couper l’herbe
sous les pieds de traîtres invétérés,
toujours prompts à tourner casaque,
qui écument les rangs de la Majorité.
Désormais, le PPRD, le MSR, l’ARC, l’UNA-
FEC, le CCU pour ne citer que ces partis
membres de l’AMP regardent dans la
même direction et ont affirmé leur dé-
termination de faire gagner le candidat
Kabila au premier tour.
Toujours en prévision des joutes élec-
torales de 2011, le PPRD va convier ses
cadres et militants à un séminaire d’im-
mersion à Lubumbashi dans la province
cuprifère du Katanga du 15 au 17 oc-
tobre 2010 pour adopter des stratégies
dans le dessein de faire gagner au pre-
mier tour son candidat unique à l’élec-

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 31


Echéances électorales de 2011

Veillées d’armes au MLC


de Jean-Pierre Bemba
Le Mouvement de la libération du Congo (MLC) range ses à Bangui par le viol, pillage, exaction et
crime. Jean-Pierre Bemba est détenu à
troupes en ordre de bataille pour écraser ses adversaires La Haye pour répondre des actes délic-
politiques. Cependant, la mascotte de ce parti étant une fourmi, tueux qu’auraient commis les troupes
dont il était le commandant suprême.
le MLC a toujours fait l’objet de moquerie de la part de ses Pour revenir au MLC, qui a endossé de-
oncurrents, notamment, le PPRD, qui a toujours ironisé que puis le 5 avril 2005, à la faveur des accords
de Sun City, le «costume» d’un parti poli-
«les fourmis feront face aux pangolins». tique, l’heure est à la mobilisation de ses
nombreux militants éparpillés à travers
Par Théodore Ngangu le pays. Ce parti, la deuxième force po-

A
litique du pays au regard de son poids à
cette métaphore, le MLC a partie Nord et Orientale de la RDC. C’est l’Assemblée nationale, où il compte un
toujours répliqué qu’il assu- aux troupes du MLC que Félix-Ange Pa- grand nombre de députés, se veut une
mait l’appellation de «four- tassé, confronté à la rébellion conduite alternative valable au pouvoir en place.
mi» et reconnaissait que la par François Bozizé, fera appel pour sau- Deux moments forts ont marqué les ac-
symbolique de pangolin ver son régime. Les militaires portant tivités du MLC au dernier trimestre de
convenait bien au PPRD. Dans le règne l’uniforme du MLC se seraient illustrés 2010: son épreuve de force à la Foire de
animal, la fourmi, souligne-t-on au MLC, Kinshasa (Fikin) lors de la célébration du
est travailleuse, ce qui n’est pas le cas 12e anniversaire de son existence et la
pour le pangolin connu pour sa paresse cérémonie solennelle, le 4 novembre, du
légendaire. 48e anniversaire de son leader.
Manifestement, les militants de ce parti Du 30 au 31 octobre derniers, le MLC a
gardent la morale et croient mordicus à cassé la baraque en drainant une foule
leur victoire malgré la détention prolon- nombreuse de ses militants dans le
gée de leur «chairman» dans les geôles magnifique cadre historique de la Fikin
de la Cour pénale internationale, où à l’occasion du 12e anniversaire de son
il est poursuivi pour crimes de guerre existence. Cette manifestation a per-
et crimes contre l’humanité, que ses mis au secrétaire général de ce parti,
troupes auraient commis en 2002 à Ban- François Mwamba, de jauger l’ancrage
gui en République centrafricaine. du MLC dans la population, d’orienter
A l’époque, faut-il le rappeler, le MLC l’opinion sur les grands débats et de
alors mouvement rebelle contre le ré- Vital Kamerhe ancien président Assemblée sensibiliser la base sur les enjeux élec-
gime établit à Kinshasa était maître de la nationale et François Mwamba secrétaire général MLC toraux.

32 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Le MLC continue à contester le calen- ce qu’il n’organise pas les élections lo- teaux politiques à l’occasion du 48e an-
drier électoral publié par la Commission cales, tel que prévu par la Constitution». niversaire de Jean-Pierre Bemba. Cette
électorale indépendante en ce qu’il est Par ailleurs, François Mwamba relève fois-ci, le cadre choisi était le siège de
inconstitutionnel et conduira inévitable- que dans l’hypothèse d’un second tour, la fédération de Kinshasa. Changement
ment, s’il était appliqué, à une crise poli- le calendrier de Malu Malu conduirait du décor mais aussi de l’orateur, car c’est
tique et institutionnelle. inévitablement à une crise politique: la sénateur, Madame Nkoy Mafuta, qui
Pour le Secrétaire général du MLC, Fran- «Car le mandat que les Congolais ont a harangué la foule. Comme dans un
çois Mwamba: «Le calendrier que veut confié à l’actuel chef de l’Etat s’achève le oracle, elle a prophétisé que Jean-Pierre
imposer Monsieur. l’abbé Malu Malu, 6 décembre 2011, alors que la CEI fixe le Bemba sortira un jour de sa prison et de-
alors qu’il n’en a pas qualité, stoppe le second tour en mars 2012». viendra président de la République.
processus électoral entamé en 2005 en Le MLC est également monté sur les tré-
 ■

L’opposant emblématique

Etienne Tshisekedi se porte


candidat à la présidentielle
L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, UDPS, le parti de Monsieur Etienne
Tshisekedi connaît actuellement des déchirements internes occasionnés par la lutte pour le
leadership auquel se livrent certains cadres afin de se positionner sur la scène politique.

Par Théodore Ngangu comme leur président sans doute pour


profiter de son aura.

L
es trois dernières années ont été Bien qu’il affirme avoir repris les af-
extrêmement pénibles pour son faires en main, Etienne Tshisekedi a du
leader charismatique, Etienne pain sur la planche pour concilier ces
Tshisekedi, contraint en exil mé- deux ailes qui se regardent en chien de
dical d’abord en Afrique du Sud et en- faïence.
suite en Belgique. C’est dans ce contexte de déchirement
Plusieurs fois, Tshisekedi a été donné de son parti et de l’insubordination de
pour mort, plusieurs fois sa famille bio- quelques responsables que le leader de
logique a démenti la rumeur. l’UDPS a annoncé sa candidature à la
Ses proches collaborateurs même les Magistrature suprême à l’élection prési-
fidèles d’entre les fidèles ont profité de dentielle de 2011.
ces trois années de maladie et d’absence Le lider maximo comme aiment l’ap-
pour faire leur propre lit. L’organisation peler ses ouailles est déterminé d’aller
du 1er congrès du parti était l’occasion jusqu’au bout et croit à sa victoire. Ses
pour les uns et les autres d’affirmer leurs adversaires, qui le rangent parmi les re-
ambitions longtemps étouffées. Ils se liques du passé, ne voient pas Tshisekedi
sont même donnés le luxe d’ignorer à 78 ans, affaibli par la maladie, fragilisé
le président du parti s’abstenant de lui par les dissensions internes dans son
faire leur rapport. parti, mener une bonne campagne et
De Bruxelles, Tshisekedi avait réagit gagner les élections. A cela s’ajoute le
avec fermeté en prenant la décision de manque des moyens financiers, le can-
dissoudre la commission préparatoire didat de l’UDPS ne disposant pas d’un
du congrès. Cinq responsables ont été compte fourni à la Banque. La cam-
exclus du parti. L’UDPS a éclaté en deux pagne de Tshisekedi, selon ses proches,
ailes, l’une voltigeant avec Monsieur sera financée par quelques hommes de
Belchika, et l’autre qui se dit légaliste se bonne volonté, les militants du parti et
trouve sous la conduite du secrétaire gé- quelques entrepreneurs, ce qui paraît
néral, Alexis Mutamba. Curieusement, bien aléatoire. 
Etienne Tschisekedi
les deux ailes reconnaissent Tshisekedi  ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 33


Procès à La Haye

J.-P. Bemba entend laver


son nom des atrocités
dont il est accusé
Impassible, détaché, distant…on ne sait laquelle de ces dernier, selon l’accusation, n’avait pas le
contrôle sur les éléments du MLC dépê-
expressions convient mieux pour exprimer l’attitude affichée chés à sa rescousse. Cette position a in-
par le président national du Mouvement de Libération du cité certains observateurs à accuser Mo-
reno O’Campo de double langage.
Congo, le sénateur Jean-Pierre Bemba, au cours de la
première audience de son procès, lundi 22 novembre 2010, J.-P. Bemba ne mourra pas seul
Certains analystes qui suivent de près le
à la Cour pénale internationale (CPI). déroulement de ce procès s’accordent
pour affirmer que Jean-Pierre Bemba
Par Théodore Ngangu n’acceptera pas de mourir seul. Félix-
Ange Patassé figure parmi les person-

P
endant la présentation liminaire Conséquence: les soldats n’étaient pas nalités que Jean-Pierre Bemba pourrait
des faits par l’accusation, Jean- en mesure de faire la différence entre mi- entraîner dans sa descente aux enfers. Il
Pierre Bemba n’a pas bronché, litaires et civils. Ils auraient pillé les biens y a également le ministre de la Défense
il n’a manifesté aucune émotion des civils emportés comme butin de nationale centrafricain à l’époque des
donnant l’impression d’être absent - du guerre. Les membres de famille étaient faits, soit entre la période 2002 et 2003,
moins en esprit - de la salle d’audience. obligés d’assister aux scènes des viols de mais aussi le chef d’état-major.
Son sort est-il scellé d’avance? Quoi qu’il leurs épouses et filles. La défense de Bemba a toujours quali-
en soit, la bataille s’annonce rude, l’accu- fié de surprenant et d’inconcevable sur
sation comme la défense étant détermi- A en croire l’accusation, Bemba étaient le plan de la morale, que Jean-Pierre
née chacune en ce qui la concerne à faire au courant des exactions commises par Bemba, qui se trouvait à des milliers de
triompher ses thèses. ses troupes. Le viol était une arme de kilomètres du champ de bataille soit
L’accusation et les avocats de la partie guerre utilisée pour humilier les parents écroué à la CPI, pendant que Félix-Ange
civile ont pratiquement acculé le pré- devant leurs enfants. Jean-Pierre Bemba Patassé, qui avait la responsabilité des
venu présenté par la procureur adjointe, recevait les rapports des activités de ses troupes mises à sa disposition, continue
Fatouma Bansouda, comme un seigneur éléments sur le sol centrafricain où, par à humer l’air frais en toute liberté.
de guerre, un général autoproclamé, un ailleurs, il effectuait régulièrement des Du côté de la République démocratique
chef rebelle. visites pour s’entretenir avec Félix-Ange du Congo, il y a les anciens proches col-
Le bureau du procureur a soutenu que Patassé ainsi que ses lieutenants sur la laborateurs de Jean-Pierre Bemba dont
Jean-Pierre Bemba aurait donné des conduite de la guerre pour étouffer la certains sont devenus les alliés poli-
instructions à ses troupes de considé- rébellion de François Bozizé. tiques de Joseph Kabila. Dans l’actuel
rer tout individu rencontré en Répu- Cependant, le bureau du procureur gouvernement, en effet, trois ministres
blique centrafricaine comme un ennemi. n’a pas chargé le président Patassé. Ce et pas les moindres, étaient au MLC

34 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

à Gbadolite, fief de la rébellion bembiste, de la résolution d’Alger interdisant les La Haye, Jean-Pierre Bemba ne joue pas
avant de passer corps et biens à l’autre coups d’Etat. seulement l’avenir de sa carrière poli-
bord. Me Nkuebe en est arrivé à trouver des si- tique mais aussi son honneur.
militudes avec l’intervention de l’EUFOR, «Je veux être jugé, non seulement pour
Bemba plaide non coupable Force de l’Union européenne, à Djamena prouver mon innocence, mais aussi pour
Pour revenir à l’ouverture du procès, au Tchad. Et d’ajouter, les actes posés par laver mon nom devant le monde entier,
la défense représentée par Me Liriss un Etat qui a été appelé à la rescousse envers ma femme, mes enfants et mon
Nkwebe a affirmé en forme de souhait sont à imputer à l’Etat demandeur. père», avait-il laissé entendre la seule fois
qu’un seul impératif s’imposera à la CPI, Pour bon nombre d’observateurs, à où il a fait des déclarations. ■
acquitter Bemba. Il a, auparavant, dé-
noncé une enquête partiale et bâclée,
sans preuves pour laquelle Moreno
O’Campo a englouti la faramineuse
somme de 42 millions d’euros.
Selon Me Nkuebe, qui a rappelé le poids
politique de Jean-Pierre Bemba à l’élec-
tion présidentielle de 2006: 42% de suf-
frages exprimés, le procureur Moreno
fait le jeu des adversaires politiques de
Jean-Pierre Bemba qui tiennent à s’en
débarrasser sur la scène politique en
prévision des échéances électorales de
2011.
La défense a révélé que le Mouvement
de Libération du Congo (MLC) n’était pas
une milice moins encore une rébellion.
Me Nkuebe a déclaré que le MLC était
une administration que l’ONU ainsi que
l’Union africaine reconnaissaient comme
telle. L’envoi des troupes du MLC à Ban-
gui, à l’en croire, est intervenu en rapport
à une résolution de l’Union africaine, et Panneau à l’entrée de l’immeuble de la CPI

JP n’acceptera pas de mourir seul


B ANGUI (AFP) - mardi 23 novembre 2010 - 11h29 - Le Congolais Jean-Pierre Bemba, jugé depuis lundi à La Haye par
la Cour pénale internationale (CPI) pour des atrocités commises par ses hommes en Centrafrique, «n’acceptera pas de
mourir seul», estime mardi un journal centrafricain. «Tel que c’est parti, Jean-Pierre Bemba n’acceptera pas de mourir seul. Il
va accuser l’ex-président (centrafricain Ange Félix) Patassé», écrit le journal privé Le Citoyen, l’un des huit quotidiens parais-
sant régulièrement à Bangui à commenter le procès de Jean-Pierre Bemba.
Pour Le Citoyen, lors de son procès prévu pour durer plusieurs mois, Jean-Pierre Bemba accusera l’ex-président Patassé qui,
«à son tour, se retournera contre son ministre de la Défense nationale» de l’époque, Pierre Angoa, «et son chef d’état-major»
d’alors, François Bozizé. «Mais que pouvaient faire ces deux-là quand l’ordre venait directement du président de la Répu-
blique, chef suprême des armées? (...) Au lieu de faire appel à un Etat, Patassé s’est fait offrir les services d’un groupe rebelle,
se passant (ainsi) d’une armée régulière en tout état de cause», ajoute le journal. La population centrafricaine «attend l’issue
de ce procès avec beaucoup d’espoir», déclare de son côté Le Confi-
dent. La plupart des autres parutions publient des communiqués de
la CPI ou des dépêches d’agence. Quelques-uns passent le procès
sous silence.

Ancien vice-président de la République démocratique du Congo,


Jean-Pierre Bemba est accusé de crimes de guerre et de crimes
contre l’humanité - viols, pillages et meurtres - commis en 2002
et 2003 par sa milice du Mouvement de Libération du Congo
(MLC) en Centrafrique, où elle soutenait les troupes du président
Patassé alors confronté à une tentative de coup d’Etat du géné-
ral François Bozizé. Ce dernier a finalement renversé Ange-Félix
L’ex-président centrafricain Ange-Félix Patassé, Patassé en mars 2003 et dirige depuis le pays. Les deux hommes
candidat à la présidentielle prévue le 23 janvier 2011. sont candidats à l’élection présidentielle fixée en janvier 2011.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 35


Procès Chebeya
Le gouvernement et la VSV
se livrent une guerre des communiqués

Photo: AFP
La salle d’audience de la Cour militaire de la Gombe était pleine comme un œuf,
le 12 novembre dernier, lors de l’ouverture de la toute première audience dans le procès
Chebeya, le Directeur exécutif de l’ONG de défense des droits de l’homme, la Voix des Sans Voix
VSV, dont le corps avait été trouvé, le 2 juin 2010, abandonné sans vie dans sa voiture dans la
périphérie de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo.
Par Théodore Ngangu

Photo: AFP
M
ilitants des droits de
l’Homme, sympathisants,
membres des familles, amis
et connaissances de l’il-
lustre défunt avaient pris d’assaut, dès
le matin, les installations de la Cour. La
salle à peine d’une capacité de 100 per-
sonnes était insuffisante pour contenir
toute l’assistance et il fallait user de ses
muscles pour se faire une place. Les pré-
venus, sous bonne escorte, ont rejoint la
salle en procession sous les vociférations
de l’assistance.
C’est en principe le 3 décembre qu’inter- Cinq des huit prévenus, parmi lesquels figurent le chef des services spéciaux le colonel Daniel Mukalay, le major Georges
viendra la deuxième audience du procès. Kitungwa et le lieutenant François Ngoy, et quatre autres policiers assistent à leur procès à Kinshasa le 12 Novembre 2010.
Les avocats des deux parties ont émis le
vœu de voir la prochaine audience se ture de la première audience sous la pré- L’audience avait essentiellement été
dérouler dans une salle beaucoup plus sidence du Colonel Masungi Muna, on a consacrée à l’identification des prévenus.
spacieuse, par exemple au Centre péni- noté la présence du côté de la partie ci- Par ailleurs, la Cour a rendu public les
tencier et de rééducation de Kinshasa vile constituée des familles Chebeya, Ba- charges reprochées aux huit prévenus
(CPRK), ex-prison de Makala. zana et la VSV toute une armada d’avo- dont trois sont à ce jour en fuite. Il s’agit
L’affaire Chebeya oppose le ministère cats conduit par le bâtonnier national de Christian Ngoy, Paul Mwilambwe,
public contre le prévenu Daniel Mukalay Maître Joseph Mukendi, un habitué de Jacques Mugabo, tous des éléments de
wa Mateso et consort. Lors de l’ouver- ce genre de dossier. la police nationale congolaise.

36 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

la disqualification des faits d’une cause

Photo: AFP
et la décision de poursuivre ou non telle
personne en cause dans un dossier judi-
ciaire, en la faisant passer de la qualité de
«suspect» à celle d’accusé ou prévenu,
relèvent de la compétence et de l’ap-
préciation exclusives des magistrats et
non des particuliers, quel que soit leur
statut».
Par ailleurs, le gouvernement de la RDC
s’insurge contre la manipulation organi-
sée, selon Lambert Mende, par certaines
organisations non gouvernementales
autour du procès en instance à la Cour
militaire de la Gombe.
Le gouvernement congolais fait allu-
sion à un communiqué diffusé dans la
presse kinoise de l’Observatoire pour la
protection des défenseurs des droits de
L’épouse et les deux enfants de Floribert Chebeya, aux funérailles de ce dernier, le 26 juin à Kinshasa. l’Homme, un programme conjoint de la
Fédération Internationale des ligues des
Parmi les prévenus présents, qui ont été chef John Numbi comme témoin dans le Droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisa-
dûment identifiés, figurent l’inspecteur dossier ne peut que choquer davantage tion Mondiale Contre la Torture (OMCT),
principal de la police, Daniel Mukalay les familles biologiques, la VSV, la famille qui déplore, d’une part, l’absence d’un
et son adjoint Georges Kitungwa. Il est mondiale des défenseurs des droits de suspect dans le box des accusés et,
reproché aux prévenus six infractions, à l’Homme ainsi que les personnes phy- d’autres part, les actes d’intimidations
savoir: association de malfaiteurs, enlè- siques ou morales éprises de l’esprit de et des pressions importantes auxquelles
vement, assassinat, terrorisme, désertion paix, d’équité et de justice à travers le seraient soumises les familles Chebeya
simple et détournement des armes et monde». Dans une déclaration faite par et Bazana depuis la mort et la disparition
munitions de guerre. le ministre de la Communication et des de deux activistes.
Maître Mukendi a sollicité, à la Cour, la Médias, le gouvernement attire l’atten-  ■
délocalisation du procès dans la salle tion sur le fait que la «qualification ou
d’audience de la Cour d’Appel de la
Gombe et la remise du procès au 10 dé-
cembre pour bien décortiquer le dossier
de 1’600 pages.
En ce qui concerne la défense, les avo-
cats ont demandé de délocaliser le pro-
cès à l’ex-prison de Makala et ont sollicité
le renvoi à deux semaines, au regard du
fait que leurs clients sont en détention.
Pour départager les deux parties, la Cour
a renvoyé l’affaire le 3 décembre à l’ex-
prison de Makala.
Indexé par les ONG de défense des
droits de l’Homme comme suspect nu-
méro un, le général John Numbi, justi-
Signature photo ?

fiable devant la Haute Cour militaire, a


été identifié comme témoin.
La VSV a réitéré, dans un communiqué
rendu public après l’ouverture du procès,
son exigence de voir le dossier transféré
à la Haute cour militaire ou à l’Auditorat
général militaire, seules juridictions ha-
bilitées à juger l’inspecteur divisionnaire
en chef John Numbi, premier suspect
dans l’assassinat de Floribert Chebeya
et la disparition de son chauffeur, Fidèle
Bazana.
Pour cette organisation, «présenter ac- Militant respecté et connu, président-fondateur de l’ONG la Voix des sans voix (VSV), Floribert Chebeya, 47 ans, a été
retrouvé mort le 2 juin dans sa voiture, les mains liées dans le dos, sur une route en périphérie de Kinshasa.
tuellement l’inspecteur divisionnaire en

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 37


Kivu
Avec la chute
de Laurent Nkunda,
la RDC tourne l’une
des pages les plus
sombres de son
histoire
38 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1
Spécial RDC

études de psychologie au Rwanda. Il


La situation qui prévaut participe, par la suite, entre 1996-1998
actuellement à l’Est à la conquête du pouvoir au Congo par
l’AFDL (Alliance des forces démocra-
de la République démocra- tiques pour la libération du Congo) de
tique du Congo (RDC), plus Laurent Désiré Kabila, le tombeur du
dictateur Mobutu, puis à la rébellion
précisément dans le Kivu, contre celui-ci avec le RCD-Goma (1998-
relance le débat dans 2001) et son fils Joseph Kabila qui lui
l’opinion sur l’opportunité des succède (2001-2003).

démarches entreprises tant au Après la paix signée en 2003 entre


niveau interne qu’externe pour Kinshasa et les factions rebelles dans
le cadre du Dialogue de Sun city et de
instaurer une paix durable l’Accord politique global et inclusif dont
dans cette partie de la RDC. l’opposition non armée avait aussi été
signataire, Laurent Nkunda fait partie
Par Théodore Ngangu du quota d’officiers présentés par le

S
RCD (Rassemblement congolais pour la
ur le plan interne, on peut démocratie)/Goma pour être comman-
noter que le président de la dants de région militaire dans l’armée
RDC, Joseph Kabila, a fait du nationale. Kinshasa rejette la candida-
retour à la paix au Kivu l’une ture de Nkunda et le convoque dans la
des priorités de son mandat. capitale. Ce dernier refuse.
Lors de la campagne pour l’élection
présidentielle de 2006, il avait promis à En juin 2004, Nkunda fait parler de lui en
ses compatriotes de cette partie du ter- appuyant militairement la rébellion de
ritoire congolais, qu’une fois élu, il allait Jules Mutebusi au Sud-Kivu, qui se plaint
s’atteler à la restauration de la paix et à d’exaction contre les Tutsi à Bukavu. En
la pacification du Kivu. 2005, la justice congolaise le dégrade
et émet contre lui un mandat d’arrêt
L’accord de Goma, négocié en janvier pour crimes de guerre dans la capitale
2008 dans la capitale de la province de la province du Sud-Kivu. A l’instar de
du Nord-Kivu entre le gouvernement Kinshasa, l’ONU décrète un gel de ses
congolais et les principaux groupes ar- avoirs bancaires et des visas de voyage.
més qui infestent l’Est de la RDC, parmi
lequel le Congrès national pour la dé- C’est dans ce contexte qu’en 2006, il
fense du peuple (CNDP), procède de la reprend le combat sous le label du CNDP
volonté politique de J. Kabila de mettre (Congrès national pour la défense du
un terme à la guerre et ses corollaires, les peuple). Son arrestation en janvier 2009
déplacés de guerre, les viols, les pillages, au Rwanda, bien que dans des circons-
bref à l’insécurité à l’Est. tances controversées, sera vivement
saluée par Kinshasa qui s’empressera
En 2006, en effet, le Nord-Kivu était de demander son extradition. L’homme
de nouveau le théâtre d’une flambée fort de la plaine de Masisi sera éjecté
de violence. Laurent Nkunda, géné- du CNDP par son chef d’état-major,
ral déchu des Forces armées de la RDC Bosco Ntaganda, devenu tout d’un coup
(FARDC) était reparti au combat au nom conciliant avec Kinshasa. Pour certains
de la protection de la minorité tutsie observateurs, l’espoir venait de renaître
contre les exactions des FDLR. au Kivu, l’une des pages sombres de
Photo: Uriel Sinai

L’homme a été de toutes les rébellions. son histoire venait d’être tournée avec
D’abord au Front patriotique rwandais la fin de l’aventure criminelle de Laurent
(FPR), où il s’engage en 1991, après ses Nkunda.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 39


Spécial RDC

Près d’une année après la chement avec le Rwanda»


neutralisation de Laurent de l’ONG internationale Cri-
Nkunda, force est de recon- sis Group, les opérations
naître, hélas, que la pacifica- conjointes menées par les
tion du Kivu demeure une armées de la RDC et du
gageure. La paix au Kivu est Rwanda dont celle sous le
toujours hypothétique. code «Umoja Wetu», pour tra-
quer les FDLR, détruire leurs
Le limogeage de Laurent bases militaires et éradiquer
Nkunda du CNDP n’a, ma- des poches de résistance se
nifestement pas, produit le seront avérées inadaptées.
résultat attendu. Ayant inté-
gré l’armée congolaise par le Deux ans après le lance-
«mixage» comme l’exigeait ment de ces opérations, l’ar-
Nkunda en 2007, contraire- mée congolaise est toujours
ment au principe en applica- aux prises avec les rebelles
tion qui était le «brassage» rwandais des FDLR, affirme
des troupes de différentes ce rapport de Crisis Group.
factions armées, les éléments la secrétaire d’Etat américain, Hillary Ni l’armée congolaise, ni les
du CNDP ne se sont en réalité pas déta- Clinton, adressera des félicitations au FDLR, aucune de ces forces n’a les ca-
chés de leur organisation politico mili- président congolais pour avoir tendu la pacités de prendre un ascendant défi-
taire initiale. Ils répondent de seul Bosco main au Rwanda. nitif sur l’autre et chacune dispose des
Ntaganda. ressources suffisantes pour prolonger
Un chroniqueur politique proche du la lutte. Conséquence: les populations
Actuellement, deux factions rivales du pouvoir de Kinshasa avait soutenu civiles continuent à en payer le prix en
CNDP se regardent en chien de faïence: au sujet du rapprochement Kabila- terme de violences extrêmes.
le groupe resté fidèle à Nkunda et les Kagame que c’était un signe «d’espoirs
phalanges de Bosco Ntaganda. Il suffit de quiétude permanente pour nos com- Les agendas cachés de certains acteurs
de peu pour que les uns et les autres se patriotes vivant dans les provinces du locaux, les intérêts financiers de puis-
rentrent dedans comme dans un film Nord-Kivu et du Sud-Kivu, trop souvent sance de l’argent opérant à partir des
du Far west. Le CNDP comme l’affirmait jetés sur les chemins de l’exil interne ou somptueux bureaux dans les capitales
son porte- parole, Mahamba Kasiwa, est externe par les seigneurs de guerre na- occidentales constituent autant de pe-
un serpent à plusieurs têtes. Un hydre tionaux à la solde des puissances étran- santeurs qui apparaissent comme un
dont une tête pousse chaque fois qu’on gères». sérieux handicap pour le processus de
coupe une autre. A en croire un rapport intitulé: «Pas pacification amorcé depuis un lustre
de stabilité au Kivu malgré le rappro- dans cette région riche en minerais. ■
Sur le plan externe, le rapprochement
entre Kinshasa et Kigali pour réduire la
nuisance des FDLR était également per-
çu comme un signe d’espoir. Le Rwanda,
en effet, a souvent été perçu par les ob-
servateurs de la scène politique dans la
sous-région des Grands Lacs, comme le
tireur des ficelles, lui-même agissant au
gré des intérêts de grandes puissances
mondiales dans la région.

Deux faits sont édifiants: il avait suffi


d’un réchauffement des relations entre
Kinshasa et Kigali pour que Nkunda soit
retiré in petto de la scène. Par ailleurs,
ce n’est un secret pour personne que
la normalisation des relations entre le
Rwanda et la RDC, consacrée par la ren-
contre le 11 juillet 2009 à Goma entre
Kabila et Kagame, est le fruit de la di-
plomatie secrète de l’administration
Obama dont un émissaire de haut rang
avait séjourné tour à tour à Kinshasa et
à Kigali. Ce n’est donc pas un hasard, Le général rebelle a été arrêté le 22 Janvier 2009 par les troupes du Rwanda.
si en août 2009, en séjour à Goma, La mise hors jeu de Nkunda fut un moment important pour l’Est du Congo.

40 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 41
Spécial RDC

Viols massifs au Nord-Kivu

La Monusco « accusée
La Mission de l’Organisation
des Nations Unies pour la
Stabilisation en République
démocratique du Congo
(MONUSCO) est loin d’obtenir
le satisfecit du peuple
congolais depuis qu’elle a
succèdé à la défunte MONUC
le 1er juillet 2010.
Par Théodore Ngangu

E
n effet, par sa résolution 1925,
consacrant la métamorphose
de la MONUC en MONUSCO,
le Conseil de sécurité de l’ONU
avait reconfiguré le mandat
en insistant sur la priorité à donner à la
sécurisation des populations civiles vic-
times des violations massives des droits
humains.

L’ONU exigera aux rebelles rwandais


des FDLR (Forces démocratiques de li-
bération du Rwanda), leurs pendant ou-
gandais la LRA (Armée de résistance du
Seigneur) et d’autres groupes armés qui
infestent la partie Est de la RDC, de ces-
ser de commettre des exactions, surtout
les violences sexuelles.

La résolution 1925 avait suscité, à juste


titre, de l’espoir et bon nombre d’obser-
vateurs étaient près à parier que l’Est de
la RDC allait sortir du cycle infernal de la
violence.

Cet espoir va fondre comme beurre au


soleil un mois à peine après que la MO-
NUSCO ait été portée sur les fonts bap-
tismaux. En effet, entre le 30 juillet et le
2 août, 242 personnes, dont 28 mineurs,
ont été violés dans 13 villages situés
dans le triangle de Bunyakiri, Kibua et
Mpofi dans la province du Nord-Kivu.
Où étaient, à ce moment-là, les troupes La Monusco en patrouille
de la MONUSCO, dont l’essentiel de l’ef- Un bataillon indien de la Monusco à Kiwanja, située à
fectif a pris ces quartiers à l’Est? A en 75 km de Goma, district de Rutshuru, dans la province
du Nord-Kivu.
croire le New York Times, l’ONU savait

42 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

d’immobilisme » que les rebelles rwandais occupaient


des villages aux dates où les viols y ont
été commis.
Lorsque l’on se rappelle le discours pro-
noncé par Ban Ki-moon, dévoilant au
cours d’une cérémonie à Kinshasa la
plaque de la MONUSCO, discours où il
avait souligné haut et fort que le man-
dat de la MONUSCO continuera d’accor-
der la priorité à la protection des popu-
lations civiles, en particulier les femmes
sur lesquelles pèse un fardeau dispro-
portionné, on peut se demander ce qui
a fait défaut pour que les auteurs de
ce viol massif puissent opérer en toute
quiétude sous le nez des Casques bleus.
Une chose est évidente. Scandalisé par
cet acte barbare d’un autre temps, l’ONU
a dépêché sur le lieu du drame le sous-
secrétaire général des Nations unies aux
opérations de maintien de la paix, Atul
Khare, qui a séjourné en RDC du 28 août
au 2 septembre 2010 pour faire toute la
lumière sur cette question.

Le haut fonctionnaire de cette institu-


tion planétaire a reconnu, mardi 7 sep-
tembre, la défaillance des forces de la
MONUSCO lors de l’occurrence des viols
massifs à l’Est de la RDC. C’était à l’occa-
sion de la présentation de son rapport
sur ces viols devant le Conseil de sécu-
rité à New York.

L’ambassadeur de Russie, Vitaly Tchour-


kine, au nom du Conseil qu’il présidait
en août, avait fait savoir que le senti-
ment général au sein du Conseil était
que certaines choses n’ont pas fonc-
tionné comme elles auraient dû. « Nous
avons d’ores et déjà entamé une revue
de nos actions et de nos procédures afin
de déterminer ce que nous aurions pu
faire mieux et plus vite pour protéger et
assister les victimes de ces viols abomi-
nables», renseigne un communiqué du
AFP/ Gwenn Dubourthoumieu

patron de la MONUSCO, Roger Meece.


Avec un budget annuel de 1,35 milliard
de dollars et un effectif de 18’000‘000
soldats de la paix aguerris, la MONUSCO
devrait constituer une force de dis-
suasion pour tous les pêcheurs en eau
Photo:AFP

trouble.
Photo:

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 43


Spécial RDC

Tel ne semble malheureusement pas Pour atteindre cet objectif, il faudrait


être le cas. Dans son exposé le 15 oc- un niveau de forces nettement supé-
tobre dernier, devant le Conseil de rieures ainsi que des ressources sup-
sécurité, Roger Meece avait laissé plémentaires. Dans ce contexte, les
entendre que la capacité globale de forces de sécurité gouvernementales
transport par hélicoptère ainsi que les ont, bien entendu, la responsabi-
contraintes budgétaires constituent lité première d’assurer la sécurité du
des facteurs essentiels. peuple congolais.

La MONUSCO, a-t-il relevé, est Plusieurs analystes s’accordent pour


confrontée à d’immenses problèmes. dire que si la MONUSCO, avec les
Par exemple, les meilleures données moyens colossaux dont elle dispose et
disponibles font état de plus de 15’000 les effectifs opérationnels n’arrive pas
viols commis l’an dernier dans l’Est de à s’acquitter de sa mission de sécuriser
la RDC. Les groupes armés opèrent la population, comment les Forces Ar-
dans de nombreuses régions très dis- mées de la République démocratique
persées, et non pas seulement à proxi- du Congo (FARDC), en pleine refon-
mité des villes et villages mais aussi au dation avec des moyens limités, peut
milieu même de la population. atteindre sa mission constitution-
nelle de veiller à la sécurité du peuple
Pour Monsieur Roger Meece, dans une congolais.  ■
zone plus étendue que l’Afghanistan,
il n’est pas possible pour la MONUSCO
Session ordinaire Assemblée:
de protéger pleinement les civils.
Roger Meece, chef de la Monusco

44 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 45


Spécial RDC

Pacification de la RDC

RDC «SUR LE CHEMIN


L’ONG PAREC (Programme
Œcuménique de Paix,
Transformation des Conflits
et Réconciliation), du Pasteur
Daniel Ngoy Mulunda Nyanga,
est un instrument efficace
pour la pacification de la
République démocratique du
Congo (RDC).
Par Théodore Ngangu

D
epuis sa création le 29 juin
2001, l’Organisation non
gouvernementale PAREC
(Programme Oecuménique
de Paix, Transformation des
Conflits et Réconciliation), que préside
le Pasteur Daniel Ngoy Mulunda Nyan-
ga, s’est forgée dans l’opinion publique
l’image d’un instrument efficace pour
la pacification de la République démo-
cratique du Congo (RDC), confrontée
pendant plus de deux décennies à de
graves crises qui remontent à la date du
24 avril 1990 qui consacre le pluralisme
politique.
La RDC a connu des guerres à répétition,
celle de la libération contre le régime
de Mobutu en 1996, et par la suite celle
d’agressions perpétrées par les anciens
alliés de l’Alliance des forces démo-
cratiques pour la libération du Congo
(AFDL) de Laurent-Désiré Kabila et des
rébellions soutenues par ces mêmes
pays, en l’occurrence le Rwanda et
l’Ouganda (1998-2003).
C’est dans ce contexte que le PAREC en-
treprendra d’utiliser son statut afin de
travailler pour la paix, la justice, l’équité
et la réconciliation. Son rêve d’amener la
paix au Nord–Katanga, impossible aux
yeux de la communauté nationale et
internationale, en échangeant les armes
à feu contre les vélos est une réalité pal-
pable à ce jour. En janvier 2005, le PAREC
avait récupéré dans la province minière

46 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

DE LA PAIX AU KIVU»
du Katanga 21’916 armes, un succès in-
déniable pour cette ONG lorsque l’on
sait que le pronostic ne lui était pas fa-
vorable.
Cette organisation, après analyse de
la situation qu’a traversée la RDC, a
conclu que le Congo/Kinshasa ne se re-
lèverait que si elle trouvait des réponses
concrètes aux questions de la paix et de
la réconciliation.
Après plusieurs rencontres, qui ont mis
autour d’une même table les différents
acteurs tant de la société civile que de
la scène politique, le PAREC en est arrivé
à une évidence: il fallait sortir des salles
de réunions et confronter les démons
de la guerre sur le terrain en vue de les
anéantir.

L’ONG du pasteur Daniel Ngoy Mulunda


Nyanga a concocté un programme ar-
ticulé autour de trois axes: la pacifica-
tion, l’éducation et la théologie. Dans
le premier volet, le PAREC mène des
actions de désarmement. Cette opé-
ration consiste à enlever les armes
des mains des irresponsables pour les
détruire.
Grâce à cette approche, à Kinshasa où
fut menée le 22 septembre 2008 l’opé-
ration «arme à feu contre 100 dollars »,
le PAREC avait récolté 12’090 armes de
guerre et munitions. Depuis le mois de
mars 2010, cette ONG a entrepris une
croisade de paix au Nord-Kivu sous le
patronage du président de la RDC, Jo-
seph Kabila. En peu de temps, 8’000
armes ont pu être récupérées dans une
contrée où chaque communauté croit
qu’en détenant un arsenal d’arme, elle
garantit la sécurité de ses membres.
Rendre une arme contre un billet de
dollar signifie pour eux se priver d’un
moyen de défense. Cependant, grâce
à la sensibilisation entreprise par le
PAREC, chacun avait fini par comprendre
la nécessité d’une cohabitation paci-
fique entre différentes communautés.
Le programme du PAREC prévoit de me-
ner des actions similaires, notamment
au Sud-Kivu, dans la Province Orientale,
à l’Equateur etc.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 47


Spécial RDC

Pour revenir au programme concocté par le PAREC,


dans le volet pacification, il y a également l’intégra-
tion. Il avait été constaté, en effet, que la plupart
des combattants qui ont servi dans les différentes
milices ou autres groupes armés affichaient une
résistance pour rejoindre les rangs des Forces ar-
mées de la RDC ou de la police. Le président de l’ensemble provinciale de Nord-Kivu, le Coordinateur adjoint du Parec
En vue de les insérer dans la société et éviter que Suisse Patrick Diassouka, le ministre honoraire, Coordinateur du Parec Suisse André

Photo: DR
l’oisiveté les conduisent à des actes de violences Grossmann, le Pasteur Mulunda, le Ministre Kamberhe, le Vice-Premier Ministre
et autres abus, le PAREC a initié une série de pro- Lumanu, le Gouverneur Julien Paluku, le ministre Mbuyu.
grammes qui comprend l’intégration scolaire, le
travail de cantonage manuel, l’intégration agricole,
etc.
Convaincu que la paix durable est la paix du cœur,
le PAREC, fait de la formation un programme de
base pour la réussite et la consolidation de la paix.
Ainsi, dans le souci d’atteindre un grand nombre
de personnes, le PAREC dispose des radios com-
munautaires Amani (Paix). Ces radios permettent
également de faire passer des messages de paix,
de cultiver l’esprit du pardon, de promouvoir le ci-
visme, la démocratie.
S’agissant du dernier axe de son programme qui A Rutshuru, les gens venaient avec des Tshikudu remplis d’armes pour les échanger

Photo: DR
est la théologie, le PAREC croit que toute personne contre 50 dollars par arme. Un Tshikudu est une trotinette avec comme guidon des
quelque soit sa race, sa tribu, ses origines est créée cornes de vaches.
à l’image de Dieu et par conséquent a droit à la vie.
L’ONG du Pasteur Daniel Ngoy Mulunda Nyanga
entend donc apporter sa contribution, avec l’aide
des partenaires, à l’avènement d’un Congo nou-
veau où les différentes ethnies cohabitent pacifi-
quement dans l’union de cœur. Cette organisation
est convaincue qu’avec l’aide de Dieu les criminels
peuvent devenir de bons citoyens, des écoliers.
Quant à la réconciliation, vocable qui est repris
dans la dénomination de l’ONG, le PAREC croit à
la vertu du dialogue. L’Opposition, dans l’enten-
dement de cette organisation, ne veut pas dire
confrontation. Le Pouvoir et l’Opposition

Photo: DR
peuvent œuvrer ensemble et se compléter Opération Armes contre 50 dollars à Rutshuru
pour bâtir une Nation forte, moderne et
prospère. ■

Le Pasteur Mulunda à Goma


?????????
N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 49
PAREC
L’ONG s’internationalise
et s’implante en Suisse
50 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1
Spécial RDC

Le PAREC s’internationalise arriver, le Révérend Daniel Ngoy


Mulunda s’en remet à Dieu.
et s’implante en Suisse, pays
neutre, siège de plus de 600 André Grossmann est alors touché
par la grande foi de ce ministre de
Organisations non gouverne- Dieu et son profond amour pour
mentales (ONG), centre de sa patrie. Les deux hommes sym-
pathisent. Au mois de mars 2010,
négociations multilatérales le lors d’une des ses visites à Kinshasa,
plus actif au monde et un lieu André Grossmann décide de
rejoindre le pasteur Ngoy
incontournable de promotion Mulunda dans la province du Nord-
de la paix, de résolution des Kivu pour le soutenir par sa pré-
sence physique. Le président du
conflits et d’arbitrage interna- PAREC venait de lancer l’opération
tional. «Arme contre 50 dollars» dans cette
partie de la RDC connue pour être
Par Théodore Ngangu une poudrière. Il n’est pas seul.

L
M. Patrick Diassouka, qui a éga-
a lutte que mène le Révé- lement été fasciné par l’idéal
rend Daniel Ngoy Mulunda qui sous-tend le pasteur Ngoy
à travers l’ONG PAREC (Pro- Mulunda, est aussi du voyage.
gramme Oecuménique de
Paix, Transformation des Défiant les moustiques, les intem-
Conflits et Réconciliation) pour péries et les dangers de tout genre,
la pacification de la République ils se rendront à 127 km de Goma
démocratique du Congo n’a pas à Kitshanga, bastion de la rébellion
laissé indifférentes certaines âmes de Laurent Nkunda, où l’opération
éprises de paix en dehors des «Arme contre 50 dollars» démarre.
frontières de la RDC. C’est le cas Ils éprouveront la joie d’échanger
de le dire au regard de l’adhésion 50 dollars contre une arme qui peut
remarquable depuis l’année der- mettre fin à toute une vie.
nière de M. André Grossmann, C’est à Kitsanga que le pasteur Ngoy
un Suisse, ainsi que de celle de Mulunda annoncera à la foule nom-
M. Patrick Diassouka, un Congo- breuse que le PAREC venait de
lais de la diaspora établit en Suisse s’équiper d’une antenne en Suisse.
depuis plus d’un quart de siècle. Monsieur André Grossmann en est le
coordinateur et Monsieur Diassouka,
C’est lors de son premier voyage à le coordinateur adjoint. Le PAREC-Suisse
Kinshasa que Monsieur Grossmann se rendra, par la suite, à Rutshuru.
rencontre le pasteur Daniel Ngoy
Mulunda Nyanga. Ce dernier lui Au mois d’octobre dernier, en marge
raconte comment depuis quelques du 13 e Sommet de la Francophonie
années, il sillonne le Congo pro- à Montreux, le PAREC-Suisse avait
fond et quelques villes urbaines organisé une conférence de presse
pour récupérer les armes, munitions animée par le pasteur Daniel Ngoy
et autres effets de guerre moyen- Mulunda.
nant soit l’argent, le vélo ou autres Cette conférence avait drainé une
biens. Parfois, il passe des nuits en- foule nombreuse de Congolais ve-
tières dans des territoires infestés nus de différents pays d’Europe.
de groupes armés hostiles au pou-
Photo: DR

voir établit à Kinshasa. Dans des cir- Le numéro un du PAREC avait à ses
constances pareilles où tout peut lui côtés le Coordonnateur de Parec-

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 51


Spécial RDC

Suisse, André Grossmann et son


adjoint, Patrick Diassouka. Cadre
choisi pour cette importante
rencontre: le luxueux Palace de
Lausanne. C’est au cours de cette
conférence qu’à l’unanimité, au re-
gard de leurs efforts pour procurer
la paix à la RDC, l’assistance cosmo-
polite mais dominée par la présence
des Congolais résidant en Suisse
ont réclamé que le Président Joseph
Kabila et l’homme de Dieu, le pas-
teur Mulunda soient honoré du Prix
Nobel de la paix.

«Soutenu personnellement par


Joseph Kabila, Président de la RDC,
le Pasteur Daniel Mulumba Nyanga,
homme de terrain et de conviction,
A sont arrivée à Genève, le numéro un du Parec chaleureusement accueilli par son adjoint, Patrick Diassouka .
s’est lancé dans une vaste entre-
prise d’intérêt national, la pacifica-
tion de la RDC, pays post-conflit», sans tenter de la photographier ni cification générait les sarcasmes.
avait confié au Magazine Le Pana- de l’identifier, précisera-t-il. D’autant que, dans cette zone, la
fricain un des participants à cette possession d’arsenaux de guerre est
conférence qui avait suggéré cette Environ 32’000 armes ont ainsi été censée garantir la sécurité des com-
idée du Prix Nobel avant que les soustraites de la circulation; un suc- munautés. Il aura fallu convaincre
autres le soutiennent. cès indéniable et particulièrement sur place, prêcher, en appeler aux
remarquable dans la Province trou- valeurs humaines et spirituelles.
Dressant le bilan de ses actions blée du Nord Kivu. Armé de sa croix et de sa foi, le pas-
concrètes de pacification et de dé- teur Mulunda, déjà remarqué pour
sarmement, Daniel Mulunda avait A Kinshasa, une opération simi- ses talents de médiateur et person-
annoncé au passage la poursuite de laire dénommée «Arme contre 100 nellement encouragé dans ses dé-
son programme «arme à feu contre dollars» avait récolté en sept mois placements par le président Joseph
50 dollars» dans la quasi-totalité de 12’000 armes. Pourtant lancée en Kabila Kabange, n’a ménagé ni les
l’Est de la RDC. Sa lutte contre la mars 2010 à Kitshanga, l’ancien efforts ni les prises de risque.
prolifération des outils de la mort, bastion de Laurent Nkunda du
consiste à remettre 50 USD, ou des mouvement insurrectionnel CNDP A Goma, chef-lieu du Nord-Kivu
biens de première nécessité, à toute (Congrès National pour la Défense comme à Rutshuru, même suc-
personne qui apporte une arme, du Peuple), cette entreprise de pa- cès: «Les gens venaient, parfois de
nuit par souci de discrétion, avec
des trottinettes remplis d’armes»,
soutiendra-t-il.

N’hésitant pas à s’aventurer dans


les forêts où se cachent les groupes
armés rebelles, le Révérend
Daniel Mulumba Nyanga compte de
nombreux soutiens dans son pays
comme à l’Etranger. Il obtient des
résultats concrets avec de modestes
moyens. En RDC, son nom circule
dans les médias et auprès des ob-
servateurs comme potentiel futur
président de la CENI, la Commission
Electorale Nationale Indépendante.
Les élections approchent, jamais
œuvre pacificatrice n’aura été au
centre de pareils enjeux.

André Grossmann coordinateur Suisse de Parec, le 12 mars à Kichanga au


lancement officielle de l’opération Parec au Nord-Kivu .

52 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

André Grossmann coordinateur Suisse de Parec, le 12 mars à Kichanga au lancement officielle de l’opération Parec au Nord-Kivu .

le Pasteur Daniel Mulunda Nyanga à Lausanne lors d’une conférence de presse entouré de ses deux coordinateurs Suisses (André Grossmann et Patrick Diassouka)

A son arrivée à Genève, le numéro un du Parec est accueilli par ses supporters

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 53


Spécial RDC

Pasteur Daniel Mulunda Nyanga, artisan de paix en RDC


Un espoir, une lumière dans la lutte pour
la pacification de la RDC.
De passage à Genève, en
Suisse, dans le cadre des
activités de la cellule de son
ONG, le PAREC, dans le pays,
le Pasteur Daniel Mulunda
a accepté de se prêter aux
questions de la Rédaction. Il
se prononce sur les tenants
et les aboutissants du double
miracle du désarmement et
de la paix, dans son pays
INTERVIEW

d’origine.
Propos recueillis par
Joel Grandjean et Grégory Baer

Vous venez d’avoir le titre de «Docteur


Honoris causa» de l’Université de Kins-
hasa. Lorsque vous êtes arrivé, on es-
pérait que vous ayez également le Prix
Nobel. Est-ce que vous avez été nominé?
Franchement parlant, ma grande préoc-
cupation est celle de contribuer à la paix
Photo / François Ferrand
qui doit revenir dans mon pays. Quant à
ce que les gens pensent de mon titre, ce
n’est pas ma préoccupation, ça doit être
la réponse des gens. Aujourd’hui, je ne
m’attendais pas à ce que les universités
du Congo, à travers le Ministère de l’En- Président du PAREC, le Pasteur Mulunda à Genève.
seignement supérieur, puissent se réu-
Votre nom circule abondamment dans le problème aujourd’hui? Beaucoup de
nir et me donner ce titre honorifique; je
la presse kinoise par rapport à la Pré- pays africains sombrent dans la guerre
ne l’ai jamais demandé …
sidence de la CENI (Ndlr: Commission quand les élections sont truquées,
électorale nationale indépendante). quand les élections sont mal organi-
C’est un encouragement?
Est-ce que si l’on vous propose le poste, sées. J’ai passé, depuis ma jeunesse,
Oui, c’est un encouragement. Je trouve
allez-vous l’accepter? Comment ça va se tout mon temps à me battre pour la
que le monde scientifique congolais, la
passer? paix. Il serait contradictoire que j’aille
population congolaise sont en train de bousiller les élections et que le pays
Si le pays trouve que je peux être utile,
renaître et de voir le résultat du travail tombe à nouveau dans la guerre. J’au-
je ne refuserai pas. Mais, pour l’instant,
que j’ai fourni en le récompensant, en rais ainsi détruit tout mon travail, mon
je peux vous dire que personne ne m’a
le reconnaissant.. Ce serait le souhait idéal. C’est pour cela que je pourrais ac-
sollicité, je n’ai pas eu de demande of-
des gens que je reçoive le Prix Nobel, ce cepter ce poste à la Présidence du CENI,
ficielle. Mais comme vous, je lis dans la
n’est pas mon objectif. dans le cadre de la consolidation de la
presse, que «le Pasteur Mulunda par-ci,
le Pasteur Mulunda par-là … » Quel est démocratie et de la paix.

54 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

nauté internationale; il y avait des am-


bassadeurs basés à Kinshasa qui ont
critiqué, disant que le Pasteur favorisait
le commerce d’armes.

Finalement, j’ai rencontré l’Ambassa-


deur britannique et je lui ai dit: «Moi,
j’amène la paix, pourquoi vous me cri-
tiquez?» Il m’a répondu: «Pasteur, ren-
seigne-toi, une arme neuve ne coûte
pas ce prix-là; à Brazzaville, dans les
faubourgs, on ramasse des armes à 30,
40 dollars, et sont ensuite revendues
chez vous, à 100 dollars… Je me suis

Photo / Grégory Baer


donc renseigné et on m’a dit qu’une
arme neuve coûtait 80 dollars à l’usine
chez les fabricants et, moi, je récupérais
des armes vieilles à 100 dollars; je me
suis dit: «Non, ils ont raison!» Parce que,
Président du PAREC, le Pasteur Mulunda et Patrick Diassouka, de passage en Suisse à Lausanne lors d’une conférence quand vous êtes critiqués, il faut vous
de presse. (En marge du Sommet de la Francophonie à Montreux). arrêter et écouter, il ne faut pas dire:
«Je vois les résultats et je m’en fous!» Il
fleuve Congo, on leur donne des filets; faut écouter les gens, pourquoi? Quand
Une question un peu personnelle par en plus d’un vélo et on leur dit: «Va pê- Jésus partait et que la femme a tiré son
rapport à la foi: comment est-ce que l’on cher du poisson, tu le sèches, tu le mets manteau, il s’est arrêté. Je me suis dit:
concilie les fonctions politiques avec la sur ton vélo et tu pars» les gens peuvent «Il faut que je m’arrête!»
foi? ainsi leur commerce.
Je donne à chaque fois l’exemple sui-

INTERVIEW
Et, c’est quand je me suis renseigné, que
vant: quand on donne à manger à Ainsi, les gens ont découvert qu’ils pou- je me suis documenté, que j’ai compris
quelqu’un, on dit que c’est bon mais, vaient survivre avec leur vélo sans pas- que cela coûtait moins cher que ça et
quand on envoie quelqu’un dans la rue, ser nécessairement par les armes. On a c’est pour ça que j’ai décidé de dimi-
on dit que c’est politique; ça marche donc répondu à un besoin de transport, nuer à 50 dollars. Et, nous sommes allés
ensemble. Quand la Bible demande de communication. C’est la première à Goma; c’était plus dur: les gens ont
d’être la lumière du monde, nous de- expérience. dit qu’ils donnaient leurs vaches contre
vons intervenir car Jésus a dit: «Je suis des armes pour se protéger, qu’ils ont
venu pour que les gens aient la vie et A Kinshasa, je pensais qu’on pouvait acheté les armes à 300 dollars et que,
qu’ils l’aient en abondance». La vie en donner un frigo mais, j’ai compris que nous, on voulait diminuer les prix chez
abondance veut dire avoir à manger, ça allait coûter trop cher; j’ai décidé de nous. Je leur ai dit: «Je ne suis pas un
avoir une éducation, avoir sa maison. donner 100 dollars par armes. J’ai fait de acheteur d’armes! Je voudrais enlever
Et, quand, maintenant, on commence à la sensibilisation par l’intermédiaire de les instruments de la mort et, ce que je
réclamer ses droits alors qu’on y a droit, la télévision et j’ai expliqué qu’il fallait vous donne, c’est une reconnaissance,
on dit que c’est politique. Pour moi, ça qu’ils abandonnent leurs armes et qu’ils c’est un remerciement.»
va de pair. acceptent les 100 dollars pour créer leur
propre petit commerce au lieu de tuer Quand les gens ont voulu hausser le ton,
Au mois de mars dernier, PAREC a lancé des gens. Cette campagne a duré pen- je leur ai dit: «Ecoutez, vous me donnez
l’opération «Arme contre 50 dollars», à dant une à deux semaines, le message votre facture d’achat, votre reçu et je
l’Est. Pouvez-vous nous l’expliquer plus n’a pas été facile à faire passer, mais, les vous rembourse cet argent de l’usine.»
concrètement ? gens ont compris et ceux qui avaient 20 Et, les armes venaient de très loin. Donc,
Au PAREC, nous estimons qu’à partir armes ont obtenu 2000 dollars, ceux qui nous devons pacifier notre pays.
du moment où quelqu’un a une arme, en avaient 50, 5000 dollars pour lancer
il peut tuer, il peut violer, il peut tout leur propre commerce. Aujourd’hui, il y Mon deuxième message était que nous
avoir. Donc, il a décision de vie ou de a des gens qui font du commerce, alors avons gardé les armes pendant long-
mort sur une personne. Et, nous, nous que hier encore ils étaient des bandits. temps à l’Est, pour nous protéger, pro-
disons: qu’est-ce qui peut amener la C’est comme ça que j’ai procédé. Mais, téger nos fermes, nos familles et nous
personne à abandonner son arme ? On j’ai eu des critiques, entre temps … sommes morts, ce qui veut dire que les
a commencé à répondre aux besoins armes ne nous ont pas protégés, que
des gens en leur proposant de leur Oui, vos opposants disent: «Les armes nous nous sommes au contraire tués, et
donner de l’argent contre leur arme, un arrivent en masse et, après, que devien- qu’aujourd’hui, l’Etat vise autre chose.
vélo pour leur permettre de se dépla- nent-elles?» Cela a marché.
cer ou pour transporter de l’huile, par Ce n’est pas seulement ça, les princi-
exemple. A ceux qui vivent au bord du pales critiques venaient de la commu-

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 55


Spécial RDC

Quel est votre message aux armureries? cette bonne relation entre le Rwanda et en RDC; il y a des endroits où on ne peut
Qu’est-ce que vous dites à l’Occident, la Congo va pacifier notre pays. pas communiquer. Le français nous y
aux Chinois, aux Russes, aux Améri- aide, le lingala est aussi en train d’entrer
cains qui, en quelque sorte, continuent Il y a des rebelles Maï-maï qui sont en- partout. Au départ, il était seulement à
à vendre des armes? core dans la brousse; je reviens de Bo- l’Ouest, avec la musique, les mutations.
D’abord, c’est un débat très difficile. J’ai tembo, où j’ai commencé à parler avec Mais, franchement, nous avons le fran-
étudié aux Etats-Unis dans ce cadre; eux; je leur dis: «Ecoutez, ça ne sert çais qui est important pour nous, nous
mon message ne passe pas du tout. Ils à rien! Dieu a créé les forêts pour les avons plus de gens qui parlent fran-
ont leurs magasins d’armes et en font animaux et les serpents; il est temps çais que n’importe qui dans le monde.
la vente. Jusque-là, c’est difficile. Mais, de quitter les forêts pour venir cultiver Donc, pour nous, la Francophonie a un
je pense qu’il revient à nos gouverne- dans les villages.» J’ai des promesses sens elle nous aide à communiquer, à
ments de réglementer leur conservation d’avoir beaucoup d’armes et ils sont partager, mais, durant la période la plus
d’armes; chez nous, on doit les recon- prêts. Aujourd’hui, je suis venu honorer dure, à savoir la guerre, la Francophonie
naître! Pendant la période d’agression, Monsieur André Grossmann, ainsi que a un peu abandonné le Congo. Cela, je
le Gouvernement a distribué des armes le PAREC-Suisse. le dis, et ça n’engage que moi on n’a
aux civils pour l’auto-défense, encou- pas vu cette solidarité-là, les gens nous
rageant ainsi la prolifération d’armes. A ce propos, le PAREC a une branche ac- ont un peu abandonnés. Mais, grâce
Il est ensuite difficile de les récupérer. tive ici, à Genève. Quels sont vos repré- au Chef de l’Etat, à son effort de paci-
Nous demandons aujourd’hui de ne pas sentants? Quels sont les animateurs? fication du pays, nous sommes rentrés
fournir d’armes au Congo, mais de la Font-ils du bon travail? dans la Francophonie et, nous serons
nourriture, de l’argent pour construire Notre Coordonnateur suisse, Monsieur heureux d’accueillir le monde franco-
nos routes, pour soutenir la démocratie André Grossmann, fait du très bon tra- phone chez nous, qu’il vienne découvrir
dans le pays; les armes ne nous aide- vail, même au niveau du pays, parce ce que notre Chef de l’Etat fait, ce que
ront pas! Si les gens sont bien payés, si que le PAREC-Suisse, c’est l’unique les Rwandais font, en terme de pacifi-
on résout leurs problèmes, les mécon- branche qui a contribué à enlever les cation et de reconstruction. Donc, pour
tentements civiques, si les gens vont à armes financièrement au Congo. Nous nous, la Francophonie est importante et
l’école, on n’aura pas de rébellion il faut avons très peu de sponsors qui nous sa solidarité d’autant plus.
INTERVIEW

qu’on nous donne les moyens pour re- donnent de l’argent. Au Katanga, ce
construire le pays! sont des hommes d’affaires intérieurs Vous êtes le Conseiller spirituel du Pré-
qui nous ont aidés. A Kinshasa, c’était sident Kabila. Est-ce qu’il vous écoute?
En ce qui concerne le terrain du côté de uniquement le Gouvernement. A l’est, Est-ce qu’on écoute la voix d’un pasteur,
Kivu que vous connaissez bien, com- avec l’arrivée de Monsieur Grossmann, aujourd’hui?
ment cela se passe-t-il là-bas? Est-ce c’est la première fois que nous avons A mes débuts, tout le monde me prenait
qu’il y a des espoirs que, par exemple, une contribution financière importante pour un fou et pour un escroc. Le Prési-
les Rwandais rentrent au pays pacifié? qui est venue au Congo. Donc, c’est déjà dent, quand tu lui parles, il t’écoute; il ne
Moi, je pense que, étant sur le terrain, la important; avec l’aide du PAREC suisse parle pas beaucoup mais, il réfléchit. Il
grande solution chez nous, c’est d’avoir aujourd’hui, la communauté congolaise m’a dit «Moi, je crois en vous si le PAREC,
de très bonnes relations entre le Rwan- est en train de relayer notre travail. Sans est devenu ce qu’il est aujourd’hui.» Ma
da et la République démocratique du le PAREC-Suisse, elle ne saurait pas ce main droite que vous voyez ici, c’est la
Congo; la transparence et la commu- que nous faisons aujourd’hui. Le PA- main qui a touché le plus d’armes pos-
nication qui règnent aujourd’hui nous REC-Suisse est en train d’éduquer les sible au Congo, j’ai récolté plus de 32
aident à pacifier les choses, parce que Congolais, de leur dire que chez eux ce mille armes dans le pays depuis 2005,
les Tutsis congolais s’appuient sur le n’est pas seulement l’enfer, il y a aussi 32 mille! Il y a beaucoup d’opposants
Rwanda. Quand les Hutus faisaient des le paradis; les ossements desséchés du qui sont rentrés au pays, et je lui ai dit:
infiltrations au Rwanda, déstabilisaient Congo sont en train, maintenant, de «Monsieur le Président, il faut qu’on
le Rwanda, ce dernier n’avait que le prendre de la chair, la vie est en train de fasse ça!» S’il ne m’avait pas écouté, on
choix de venir nous déstabiliser pour revenir et, ça, c’est le travail du PAREC- n’en serait pas là.
que lui soit en paix. Aujourd’hui, avec Suisse avec André Grossmann, Patrick
l’aide du Chef de l’Etat, nous sommes diassouka Comment dit-on «Que Dieu bénisse le
en train de déplacer les rebelles Hutus Congo?»
du FDLR (Forces démocratiques de libé- Nzam bé apa bélé Congo.
ration du Rwanda), pour les emmener Vous avez écouté le message de la
loin au Katanga,de ramasser les armes. Francophonie, par rapport à la mul-
Nous sommes transparents et on com- tiplicité des langues qu’il y a en RDC.
munique avec eux. Tous ceux qui vou- Est-ce qu’elle a encore une raison d’être?
laient faire la rébellion chez nous sont Aujourd’hui, elle n’est plus seulement
désarmés, ils n’ont plus d’arguments à un enjeu linguistique, mais également
présenter. Au moment où je vous parle, culturelle. Comment se situe la RDC,
les Ministère de la Défense du Rwanda dans ce contexte ?
et du Congo sont ensemble en réunion Le français est pour nous très impor-
à Kinshasa. Donc, cette transparence, tant. Nous avons plus de 500 dialectes

56 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 57


Spécial RDC

interview de Fernandez Murhola du Renadhoc


La RDC a encore du chemin à parcourir
pour promouvoir les Droits de l’Homme
fin à l’impunité, notamment pour
Le secrétaire exécutif a.i. du Réseau national des ONGs des extirper les présumés auteurs de graves
Droits de l’Homme en République Démocratique du Congo violations des Droits de l’Homme et du
Droit international humanitaire au sein
(RENADHOC), Fernandez Murhola, a brossé des institutions publiques notamment
l’évolution des Droits de l’Homme en RDC, dans une au sein de l’armée, de la police nationale
ainsi qu’au sein des services de sécurité.
interview qu’il a bien voulu accordée au magazine Cela pose un sérieux problème. De ma-
«Le Panafricain». Il a dépeint un tableau peu reluisant de la nière globale, la situation des Droits de
l’Homme n’est pas bonne.
situation des Droits de l’Homme en RDC.
On ne sent pas la présence des organi-
Entretien avec Fernandez Murhola sations des Droits de l’Homme sur le ter-
rain. Comment cela s’explique-t-il ?

M
onsieur Murhola, pouvez- effort pour mettre en œuvre tous les ins- On ne sent en effet pas la présence des
vous vous présenter à nos truments juridiques internationaux re- ONGs sur le terrain. Primo, c’est par la
INTERVIEW

lecteurs ? latifs aux Droits de l’Homme ratifiés par modicité des moyens. Les ONGs de dé-
Je m’appelle Fernandez Mu- Kinshasa. Le pays est encore dépourvu fense des Droits de l’Homme n’ont pas
rhola. Je suis Secrétaire exécutif a.i. du d’une politique nationale de promotion les moyens de leur politique. Ce pays
Réseau national des ONGs des Droits de de protection des Droits de l’Homme. Un peut compter environ 600 ONGs des
l’Homme de la République Démocra- plan d’action nationale de promotion de Droits de l’Homme, parmi lesquelles
tique du Congo (RENADHOC). protection des Droits de l’Homme a été le réseau thématique, le réseau géo-
adopté mais il n’a pas été promulgué graphique des ONGs des Droits de
Pouvez-vous, en quelques mots, nous formellement et officiellement. La RDC l’Homme ainsi que des initiatives locales
faire un état des lieux des Droits de connait de graves difficultés liées à l’ins- des Droits de l’Homme. Dans cette struc-
l’Homme en RDC ? titutionnalisation de l’impunité et à la sa- turation, on se rend compte que la plus
La situation globale des Droits de cralisation des crimes imprescriptibles. part n’ont pas de moyens fonctionnels,
l’Homme en République Démocratique Si vous prenez connaissance du rapport il y a un déficit de coordination de leur
du Congo demeure sombre, tout sim- Mapping qui a été publié par l’ONU il y action et une absence de subside.
plement parce qu’il y a eu plusieurs pré- a quelques mois, vous allez vous rendre
occupations qui n’ont pas trouvé de ré- compte que l’impunité est une réalité. Et L’Etat congolais avait promis de subven-
ponses. La RDC ne fournit pas un grand notre pays ne fournit aucun effort pour tionner les ONGs des Droits de l’Homme
au regard de l’article 37 de la Constitu-
tion, mais il ne le fait pas. L’Etat congo-
lais n’applique pas comme il se doit la loi
n° 004/2001 qui régit les ASBL (Associa-
mettre tions sans but lucratif ) ainsi que les éta-
blissements d’utilité publique de la RDC.
Il appartient à l’Etat de mettre sur pied
une politique de nature à subventionner
les ONGs. Quand vous voyez les ONGs
telles que Human Rights Watch (HRW)
ou Reporters Sans Frontières, elles sont
subventionnées par leurs gouverne-
ments respectifs.

Notre gouvernement, au lieu de nous


subventionner, s’attaque à nous à lon-
gueur de journée par l’entremise de son
ministre de la Communication et de la

58 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Presse, Lambert Mende Omalanga, qui radiques. Nous avons mis sur pied, avec pas nous présenter un procès bidon, un
parfois nous accuse à tort et à travers. le gouvernement, ce que nous appe- procès qui ne répond pas aux normes
lons une entité nationale de liaison des internationales, pour que les présumés
Mobilisation des ONGs pour dénoncer Droits de l’Homme. Malheureusement, auteurs de son assassinat ainsi que de
tous ces faits comme les arrestations ar- c’est une entité qui manque de moyens Fidèle Bazana, son compagnon, puis-
bitraires dont sont victimes notamment pour sa politique et qui ne fonctionne sent répondre de leur ignominie.
les journalistes, les acteurs politiques, les pas comme il se doit. C’est plutôt ce
cas de violences sexuelles, les mauvaises cadre indiqué qui devrait mettre en re- Au regard de ce tableau quasi-sombre,
conditions des détenus dans les prisons. lation les ONGs des Droits de l’Homme quelle est la place des Droits de l’Homme
On n’a pas l’impression que les ONGs et le gouvernement. Nous sommes en en RDC?
tirent la sonnette d’alarme comme cela train de nous battre pour avoir des mé- La Constitution de notre pays garantit
se fait sous d’autres cieux? canismes de dialogue participatif entre les Droits de l’Homme, mais la difficulté
Les ONGs dénoncent les violations, les ONGs des Droits de l’Homme et le se situe au niveau de la mise en œuvre
comme la plupart des médias qui sont gouvernement sur des questions spéci- de ce sacro-saint principe consacré par
à 100 % pro gouvernemental, c’est ce fiques des Droits de l’Homme. Les ONGs la Constitution et consacré par plusieurs
qui fait que les dénonciations ne se font des Droits de l’Homme sont des parte- instruments juridiques internationaux
pas sentir. Il suffit de faire des dénoncia- naires du gouvernement, mais elles ne qui ont force de loi en RDC. Notre pays a
tions dans des médias internationaux sont pas amies du gouvernement, c’est un sérieux problème; souvent ceux qui
pour voir le gouvernement réagir, mais là toute la différence. On est partenaire nous dirigent oublient que le pays n’est
nous dénonçons cela à travers des rap- du gouvernement mais pas amis. pas seulement régi par la Constitution
ports, des déclarations, des communi- ou par la loi interne, mais par des lois su-
qués. Nous avons regretté le fait que Apparemment les ONGs sont devenues pra constitutionnelles qui ont force de
nos autorités soient indifférentes à nos orphelines après l’assassinat de Che- loi et pour lesquelles le gouvernement
revendications et dénonciations. Elles beya. Comment les ONGs s’y prennent- doit répondre le cas échéant. C’est pour-
attendent que ce soit les ONGs inter- elles actuellement? quoi les ONGs des Droits de l’Homme,
nationales qui dénoncent pour qu’elles Floribert Chebeya était le secrétaire lorsqu’elles n’arrivent pas à trouver gain
réagissent, mais quand les ONGs locales exécutif du RENADHOC et c’est lui qui de cause dans une situation bien don-

INTERVIEW
dénoncent, elles ne réagissent pas. l’a créé. Il a dirigé RENHADOC depuis le née au niveau des instances locales, re-
26 août 2000 jusqu’à la date de son as- courent aux mécanismes régionaux au
Quelles relaltions les ONGs des Droits de sassinat, le 1er juin 2010. RENHADOC est niveau de l’Union africaine, au niveau
l’Homme entretiennent-t-elles actuel- orphelin de la disparition de Floribert de la commission africaine des Droits de
lement avec le gouvernement, en dépit Chebeya. C’est pourquoi nous sommes l’Homme et du peuple ou au niveau des
de l’assassinat de Foribert Chebeya et en train de nous battre, de militer pour Nations unies. Les Droits de l’Homme
de la disparition de son chauffeur Fidèle qu’il y ait un procès juste et équitable est un idéal à poursuivre mais c’est aussi
Bazana ? ou qu’il y ait une juridiction compétente un combat perpétuel, de générations en
Nous avons toujours des relations spo- qui traite son cas et pour qu’on ne puisse générations.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 59


Spécial RDC

Lutte contre la corruption

Le ministre congolais de la
présente les quatre axes de la
pendant la période de transition poli-
Le ministre congolais de la Justice, Luzolo Bambi, est tique, la lutte contre la corruption est
convaincu que la corruption est tout aussi grave que les crimes devenue une sorte de chanson de Ro-
land. «Ce ne sont pas de politiques pu-
de guerre, les violences diverses, les crimes contre bliques de lutte contre la corruption qui
l’humanité. C’est l’idée qui se dégage de son intervention lors ont manqué dans notre pays. Ce n’est
pas la volonté politique qui a aussi man-
d’un échange organisé par la Nouvelle société civile du Congo qué», insiste Luzolo Bambi.
(NSCC). Il rappelle, par exemple, que quelques
mois seulement après l’avènement au
Par Théodore Ngangu pouvoir de Joseph Kabila le 26 janvier
2001, ce dernier met en place une Com-

C
e fléau qu’est la corruption, agent chargé de régler la circulation mission de lutte contre la corruption qui
Luzolo Bambi le définit comme qui dans l’exercice de sa fonction subor- sera dirigée par le professeur Bula Bula.
« une pratique qui consiste à donne son devoir public au payement Plus tard, lors de la transition démocra-
agréer les biens en nature ou en d’un montant et se fait remettre de l’ar- tique (2003-2006), la Commission de
espèce pour poser un acte qui relève de gent par un usager de la route. l’Ethique et de la Lutte contre la Corrup-
son devoir ». Cependant, sous l’éclairage Bref, pour le ministre congolais de la Jus- tion (CELC) sera constituée dans le cadre
de l’article 147 bis de la loi, le concept tice, la corruption est partout et touche des institutions d’accompagnement de
de la corruption peut être perçu au sens plusieurs secteurs de la vie nationale la démocratie. La CELC évolue alors au
strict et au sens large. Ainsi, dans la per- congolaise: l’éducation, la santé, l’ar- côté de quelques services publics clas-
ception la plus étendue, la corruption mée, la police, la justice etc. C’est une siques qui existent jusqu’à aujourd’hui
comprend les délits d’initiés, le détour- gangrène générale, un pro- et datent de la 1ère République, notam-
nement des deniers publics, la concus- blème collectif. ment l’Inspection générale des Finances
sion qui est le fait pour un agent public Le ministre congolais de (IGF), les multiples services de contrôle,
de l’Etat d’exiger le paiement de l’argent la Justice, Luzolo Bambi, les Brigades anti-fraude.
avant qu’il accomplisse le devoir. constate que depuis la Un autre fait que Luzolo Bambi met
C’est par exemple, le 1ère République, la à l’actif du chef de l’Etat congolais,
cas d’un 2e, la 3e et même Joseph Kabila, c’est qu’après son élec-
tion démocratique en 2006, il tire
la sonnette d’alarme en 2008.

60 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Justice, Luzolo Bambi,


stratégie du gouvernement
En effet, s’étant rendu du monde à Paris, Bruxelles,
compte à mi-parcours Londres, Washington pour
de son mandat que la faire pression. Curieuse-
situation n’évolue pas de ment, Transparency Interna-
manière optimale, il met tional très prompt à dénon-
en place un gouverne- cer la corruption était pour
ment de mission qui ne le cas de ces expatriés aux
devra pas avoir droit à abonnés absents.
l’erreur. Commence alors
en 2009 l’opération Tolé- Il est cependant surprenant
rance zéro. Pour Luzolo de constater qu’aucun mi-
Bambi, c’est la preuve nistre, aucun député n’a
de l’existence d’une été jusqu’ici jeté en prison
constance dans l’action dans le cadre de l’opération
de Joseph Kabila contre Tolérance zéro, ce qui met
l’impunité, le détourne- de l’eau au moulin de ceux
ment de deniers publics, congolais de la justice signale que le qui disent que la RDC a sa
la corruption. gouvernement a organisé beaucoup de classe des intouchables. Luzolo Bambi
forum pour sensibiliser l’opinion. Des s’en défend et pointe du doigt l’Assem-
Plus de 165 magistrats mis à la porte pagnes imprimés avec mention: «Lut- blée nationale. «La Constitution de 2006
Selon le ministre congolais de la Justice, tez contre la corruption» on été mis en fait que pour arrêter un ministre, il faut
la stratégie institutionnelle de la lutte circulation et il existe des pagnes Tolé- un vote majoritaire de 2/3 de l’Assem-
contre la corruption s’articule autour de rance zéro. blée nationale. Ce n’est pas un problème
quatre axes : la réforme, la sensibilisa- Quant au partenariat, des ONGs ont été du ministre de la Justice», affirme t-il,
tion, le partenariat et la répression. En ce associées dans la lutte contre la corrup- en soulignant que ministres et députés
qui concerne la réforme, Luzolo Bambi tion. Cependant, Luzolo Bambi fait re- sont sous le régime de l’immunité. En
soutient que le mot d’ordre de Joseph marquer que la presse congolaise est le d’autres termes, si jusqu’ici aucun mi-
Kabila « Tolérance zéro» en fait partie. grand absent dans ce partenariat. Ceux nistre ne se trouve en prison, la faute
« Il n’y a pas de solutions demain si nous qui détournent l’argent de l’Etat sont incombe à l’Assemblée nationale qui n’a
n’y croyons pas », souligne-t-il. Et de forts dans la presse. Parce qu’ils ont la pas convenu d’un vote majoritaire met-
rappeler que le 30 juin 2009, lors des puissance financière, ils achètent cette tant les gens en accusation.
festivités marquant le 49e anniversaire presse pour défendre leur cause et tirer La responsabilité est collective, car il y
de l’indépendance de la RDC organi- à boulet rouge sur le ministère de la Jus- a aussi la part des magistrats. Luzolo
sées à partir de Goma, capital du Nord tice. Bambi fait observer, en effet, qu’à ce jour
– Kivu, Joseph Kabila dans son message conformément au pouvoir réduit qui a
adressé à la Nation avait fustigé la cor- Ni Joseph Kabila, ni le Premier mi- été conféré au ministre de la Justice, il
ruption et constaté que l’un des organes nistre et encore moins le ministre de a signé 120 injonctions pour poursuivre
chargés de redresser la corruption était la Justice n’a le droit d’arrêter un vo- en justice ceux sur qui pèse le soupçon
défaillant. Il demandera aux magistrats leur de détournement. Aucune information
de choisir s’ils sont du côté du peuple ou Enfin dans le volet répression, le ministre judiciaire n’a été ouverte au niveau du
s’ils veulent le martyriser. Le Magistrat congolais de la Justice rappelle l’opéra- Procureur général de la République. Et
suprême en tirera les conséquences et tion «Coup de poing» initiée en 2009. Luzolo Bambi de souligner: « Selon les
mettra plus de 165 magistrats à la porte. Huit expatriés entrepreneurs ayant géré textes, ni le président de la République,
Le gouvernement de la RDC se voit alors 40 millions de dollars dans le cadre des ni le Premier ministre, moins encore le
chargé d’effectuer un nouveau recrute- travaux publics tombent dans le filet de ministre de la Justice n’a le pouvoir d’ar-
ment de manière à renforcer le disposi- la justice et sont jetés dans la prison de rêter ou d’appréhender physiquement
tif, particulièrement de la lutte contre la Makala. Aujourd’hui, constate Luzolo un voleur s’il le voit. Cela va à l’encontre
corruption et les antivaleurs. Bambi, certains circulent librement. des droits de l’homme. Ce pouvoir est
S’agissant du volet sensibilisation dans Lors de leur arrestation, se plaint-il, le dévolu au seul magistrat.»
la lutte contre la corruption, le ministre téléphone a sonné dans les quatre coins  ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 61


20e session parlementaire paritaire ACP-UE
La démocratie parlementaire célébrée à
Kinshasa
Kinshasa a abrité au mois de décembre dernier la 20e session de l’Assemblée parlementaire
paritaire ACP-UE. La cérémonie d’ouverture s’est déroulée dans la salle de banquets du Palais
du peuple, siège du Parlement, sous la présidence de Joseph Kabila. Près de 450 délégués ve-
nus de cinq continents ont pris part à cette session co-présidée par David Matongo pour les ACP
(Afrique Caraïbe et Pacifique) et par Louis Michel pour l’Union européenne (UE).
Par Benoît Akili Mali

D
ans son allocution, le prési- Le chef de l’Etat congolais a profité de rôle des élus du peuple. Ainsi, l’Assem-
dent congolais, Joseph Kabila, cette occasion pour inviter les parti- blée parlementaire paritaire peut ap-
a salué l’apport de l’UE dans cipants à cette session de Kinshasa à porter sa contribution en vue de rendre
la transformation que connaît promouvoir un partenariat pour la paix, efficace et plus pertinent le partenariat
la République démocratique du Congo le progrès social et le développement. nord-sud.
(RDC). Le succès enregistré par la RDC Pour Joseph Kabila, le Parlement, éma-
au cours de cette dernière décennie re- nation du souverain primaire, a un rôle Louis Michel: «Une information libre et
vient, selon lui, au peuple congolais qui de premier ordre à jouer dans ce parte- professionnelle est toujours préférable
a su faire face aux épreuves de toutes nariat étant donné qu’il a les préroga- à la rumeur qui se substitue souvent à
sortes, entre autres, la guerre. Le Congo tives d’investir et de sanctionner. la presse lorsque celle-ci est muselée. »
a traversé des zones de fortes tempêtes.
Cependant, comme le roseau, il s’est Par ailleurs, la session parlementaire pa- Le député européen, Louis Michel, qui
plié sans se rompre et les Congolais ont ritaire comme celle qu’a abrité la capi- n’était plus revenu à Kinshasa depuis
montré leur aspiration pour la paix. tale congolaise est un lieu d’excellence longtemps, n’a pas caché sa satisfaction
d’échange d’expériences, des connais- de voir que la capitale de la RDC était
Joseph Kabila a noté que son pays a sances. D’où la nécessité, a estimé le complètement transformée et portait
réalisé des résultats louables dans le do- Président congolais, d’agir ensemble désormais une belle robe. Il a soutenu
maine économique. La croissance, jadis pour faire face avec efficacité aux pro- que ce nouveau visage traduit les ef-
négative, est passée à 6%; l’inflation est blèmes communs. forts déployés par le gouvernement
partie de quatre chiffres pour tomber à pour moderniser la RDC.
un seul chiffre. Dans le secteur des in- Joseph Kabila s’est réjoui de la révision
frastructures, des kilomètres de routes quinquennale de l’Accord de Cotonou L’homme d’Etat européen a plaidé pour
ont été soit réhabilités soit reconstruits. au Bénin qui a permis de renforcer le «que l’Union européenne se dote d’un

62 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

instrument de contrôle du marché in-


ternational des ressources naturelles»
car, selon lui, « il est toujours incompré-
hensible que les pays les plus riches en
ressources soient ceux dont les popula-
tions sont les plus misérables».

Louis Michel a émis le souhait de voir l’UE


s’inspirer de la loi Dodd-Frank, adoptée
par le Congrès américain et qui fait obli-
gation aux sociétés cotées à Wall Street,
notamment les entreprises minières, de
rendre public leurs revenus ainsi que les
redevances fiscales qu’elles payent. Cela
aurait un effet dissuasif sur la corrup-
tion et les flux illicites de capitaux qui
« se traduisent dans de nombreux pays
pourtant riches en ressources naturelles
par des pertes énormes de ressources, Le président Joseph Kabila lors de la 20e session parlementaire paritaire ACP-UE à Kinshasa
par l’aggravation des conflits et une pro-
fonde pauvreté ».
D’où son appel lancé aux sociétés qui
opèrent dans les pays en voie de dé-
veloppement d’adopter un «code
d’éthique ».
S’agissant de la liberté des médias, dont
un projet de résolution de la session
parlementaire dénonce la dégradation
des conditions de la liberté de la presse,
Louis Michel a soutenu qu’une «infor-
mation libre et professionnelle est tou-
jours préférable à la rumeur qui se subs-
titue souvent à la presse lorsque celle-ci
est muselée ».
Le Zambien David Matongo, qui copré-
sidait également la session pour l’ACP,
a souligné pour sa part que seule une
presse responsable devrait faire partie
du processus de démocratisation des
pays africains. Le président Joseph Kabila lors de la 20e session parlementaire paritaire ACP-UE à Kinshasa

Il s’est appesanti, auparavant, sur la pré-


occupation des pays ACP au sujet des
Accords de partenariat économique
dont l’objectif est de créer une zone de
libre échange entre l’Union européenne
et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique.

L’ordre de la session prévoyait un débat


sur la réduction de la mortalité mater-
nelle et les complications liées à la ges-
tation et la naissance, qui figurent parmi
les OMD (Objectifs du millénaire pour le
développement).

La session parlementaire paritaire ACP-


UE devait se pencher également sur
l’insécurité dans le sahel où opèrent des
bandes pro Ben Laden. Louis Michel représentant l’Union européenne (UE)
 ■ lors de la 20e session parlementaire paritaire ACP-UE à Kinshasa

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 63


Spécial RDC

Volet économique

Les grandes réformes économique


A l’occasion d’une matinée d’information sur les lois relatives à la réforme des entreprises
publiques, le 14 août 2007, la ministre du Portefeuille, Jeanine Mabunda Lioko indiquait que
«depuis les élections (Ndlr : 2006), à la fois le Président de la République et le Premier ministre
ont souligné l’importance de la bonne gouvernance». Et elle ajoutait que le programme du gou-
vernement présenté au Parlement en février 2007 a comporté un contrat de gouvernance entre
les autorités et la population.
Par Jean-Pierre Mwanza

A
en croire la patronne du Por-
tefeuille de l’Etat, le contrat
de gouvernance s’articule
autour de la mise en œuvre
des réformes dans les do-
maines clés de la sécurité, de la trans-
parence, de la gestion des finances pu-
bliques et des ressources naturelles, de
l’administration publique, de la décen-
tralisation, du climat des affaires et des
entreprises publiques.

On rappelle qu’après le constat d’une


économie en mal de redressement, le
gouvernement de la RDC, sous l’impul-
sion du chef de l’Etat, Joseph Kabila,
s’est résolu de réformer dans presque
tous les domaines de la vie nationale.
D’ailleurs, ici et là, les réformes ont tou-
jours été l’un des fils conducteurs de
l’action gouvernementale.

Scandale, la RDC l’est en tous points de


vue et en tous domaines: minier, fores-
tier et agricole pour ne citer que ces
quelques fondamentaux de l’écono-
mie. Sa superficie, sa population et la
diversité de ses ressources sont autant
d’atouts susceptibles de mobilisation en Jeannine Mabunda Lioko, Ministre du Portefeuille de l’État.
vue d’un développement socio-écono-
mique et durable. en voie de l’être. Dans la plus part des suspendue; la désoxydation obligatoire
cas, ces réformes ont été matérialisées des diamants bruts avant exportation
Cette superstructure a bien justifié sous forme de lois ou d’arrêtés ministé- ordonnée depuis le 1er août 2010.
le souci d’initier des réformes écono- riels et interministériels.
miques afin de disposer des textes juri- A tout prendre, le Code minier qui re-
diques, mieux des cadres institutionnels Plus d’investisseurs prend la législation minière est aussi en
et ainsi pouvoir assainir les milieux et Dans le code minier, le gouvernement a pleine révision.
mobiliser plus de ressources financières joué sur plusieurs fronts pour non seule- Un autre code sous examen de renou-
pour le bien-être des Congolais. ment améliorer l’image du secteur, mais vellement, c’est celui des douanes mis
aussi générer plus d’argent au bénéfice sur pied en vue de l’insérer dans le cadre
Dans les lignes qui suivent, le Magazine de l’Etat. Ainsi, des contrats miniers de la facilitation et de la simplification
Le Panafricain a choisi de présenter les autrefois contestés ont été revisités; des procédures afin de stimuler la crois-
réformes économiques déjà opérées et l’exploitation minière à l’Est de la RDC sance économique.

64 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Pour ce faire, il faut créer un environne- quences négatives au niveau des in- des produits particuliers. C’est le fonde-
ment douanier favorable au développe- vestissements et de la consommation ment du projet de loi portant mesures
ment des investissements. Le nouveau ainsi que le foisonnement des régimes de sauvegarde de l’industrie nationale.
Code douanier projeté par l’Assemblée d’exception sous forme d’exonération
nationale a été inspiré par la Convention diverses, totales ou partielles contenues L’objet de cette loi est de fixer les avan-
internationale pour la simplification et dans le Code des investissements, le tages douaniers, fiscaux, parafiscaux, ta-
l’harmonisation des régimes douaniers, Code minier,… rifaires, les facilités administratives et les
convention révisée en juin 1999 et appe- interventions financières de l’Etat.
lée « Convention de Kyoto révisée». Il faut également indiquer ici que des
arrêtés interministériels pris en 2009 ont Un climat d’affaires amélioré
Entre autres innovations apportées par porté fixation des taux des droits, taxes L’économie en général et le commerce
le Code de la 3e Législature, on peut ci- et redevances à percevoir à l’initiative (communément appelé «Affaires ») ont
ter la consécration du droit pour toute des ministères. Les cas des ministères de besoin d’un environnement sain pour
personne d’accomplir par soi-même la Justice, de l’Urbanisme et Habitat et leur épanouissement. Voilà qui explique,
les actes et les formalités prévus par la des Affaires foncières. depuis 2009, l’existence d’un recueil des
législation douanière; le renforcement textes sur l’amélioration du climat des
des pouvoirs des agents des douanes Le secteur des entreprises publiques n’a affaires en République démocratique du
dans la recherche et la poursuite des pas été oublié. Car, le besoin d’assainir Congo.
infractions ; l’introduction des mesures et d’organiser ces entreprises de l’Etat
de lutte contre la corruption; le renfor- afin d’en faire des vecteurs de dévelop- Voici les dénominations
cement des pouvoirs de la douane en pement économique et social de la RDC d’une demi-douzaine de ces textes :
matière de protection de la propriété s’est avéré une priorité. Quatre lois liées • Loi n° 10/002 du 1er février 2010 auto-
intellectuelle ; la possibilité de création à la réforme de ces unités de production risant l’adhésion de la RDC au Traité du
des zones franches et des zones écono- ont été votées et promulguées en 2008 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation
miques spéciales dans le territoire doua- par le Président de la République. du droit des affaires en Afrique ;
nier. • Loi n°10/007 du 27 février 2010 modi-
Ces lois ont porté sur la transformation fiant et complétant l’Ordonnance-Loi n°
On explique le souci de révision de la lé- des entreprises publiques; l’organisa- 68-400 du 23 octobre 1968 relative à la
gislature douanière par l’évolution consi- tion et le fonctionnement des établis- publication et à la notification des actes
dérable de l’environnement commercial sements publics; le désengagement officiels;
international ; un environnement dont de l’Etat des entreprises du Portefeuille • Loi n° 10/008 du 27 février 2010 mo-
le contexte actuel est caractérisé par la ainsi que l’organisation et la gestion du difiant et complétant le Décret du Roi
mondialisation des échanges, la mise en Portefeuille de l’Etat. Souverain du 27 février 1887 sur les So-
œuvre des engagements internationaux ciétés commerciales tel que modifié et
(notamment en matières de procédures Une nouvelle nomenclature complété à ce jour;
et régime douaniers, de nomenclature Sur le plan des finances publiques, un • Loi n°10/009 du 27 février 2010 modi-
et de codification des marchandises, projet de loi organique qui s’applique fiant et complétant le Décret du 6 mars
d’évaluation en douane et de regrou- aux finances de l’Etat telles que définies 1951 instituant le Registre de com-
pements régionaux) et de recours à de par la Constitution a été initié. Cette loi merce;
nouvelles technologies de l’information s’applique également aux finances des • Loi n°010/002 du 26 janvier 2010 por-
et de la communication. Entités territoriales décentralisées (ETD). tant création des Offices Notariaux ;
• Loi n° 208/Cab/Min/J/2009 du 5 dé-
Bienvenue à la TVA Dans l’esprit et la lettre de cette loi, les cembre 2009 portant mesures d’exé-
Dans le même fil des réformes liées au finances du pouvoir central sont dis- cution de l’Ordonnance n°79-025 du 7
fisc se trouve la loi portant institution tinctes des finances des provinces et ces février 1979 relative à l’ouverture d’un
de la « Taxe sur la Valeur ajoutée» (TVA). dernières différentes de celles des ETD. Nouveau Registre de commerce.
A l’origine, le constat des distorsions Les termes «Loi organique sur les fi-
dans les opérations de commerce exté- nances publiques» est utilisé en lieu et Tout compte fait, force est d’affirmer, au
rieur de la République démocratique du place de la «Loi financière». Les «Lois regard de la panoplie des lois arrêtées et
Congo. Ces distorsions, reconnaît-on au des finances» est le terme utilisé en autres mesures relevées ci-haut (la liste
Parlement congolais, sont le fait de l’im- lieu et place de «lois budgétaires». Le n’est pas exhaustive) que la volonté po-
pact négatif sur la compétitivité des pro- terme «Edits budgétaires» se rapporte litique d’aboutir à des résultats probants
duits de fabrication locale destinés aussi aux provinces; tandis que les «décisions existe bel et bien.
bien à la consommation qu’à l’exporta- budgétaires» concernent les Entités Ter-
tion. Cet impact négatif est, lui-même, ritoriales Décentralisées (ETD). Reste à qui sont censés faire appliquer
l’œuvre de l’impôt sur le chiffre d’affaires les textes des lois et réglementaires de
(ICA). L’industrie nationale congolaise est ma- s’appliquer pour que le peuple trouve
lade et en péril. C’est de «notoriété éco- son compte et que les budgets de l’Etat
D’autres motifs qui ont poussé à réfor- nomique». D’où, la prise des mesures de à venir connaissent des accroissements
mer cette forme d’impôt au profit de sauvegarde; mesures d’urgences repo- sensibles.
l’économie nationale sont les consé- sant essentiellement sur l’importation  ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 65


Le secteur minier

Un acteur incontournable du
developpement de la RDC
Après l’effondrement de la mine de Kamoto et la faillite de la (coltan), l’or, le tungstène, le niobium,
l’étain, le manganèse, la cassitérite,
Gécamines (Générale des carrières et des mines), l’industrie l’uranium, le sable asphaltique, l’ar-
minière congolaise sort péniblement du bourbier, grâce à un gent, le nickel, le fer et tant d’autres
substances précieuses, tout y est ou
assortiment de joint-ventures initiées par le gouvernement. presque. Selon certains experts, il y a
encore beaucoup à y découvrir.
Edouard Balenda On signale, par exemple, que le dia-

A
mant est disponible dans 7 provinces
Après l’effondrement de par le gouvernement. sur les 11 que compte le pays. Il s’agit
la mine de Kamoto et la Avec sa cinquantaine de minerais du Bandundu, du Bas-Congo, des
faillite subséquente de la de tout genre déjà bien inventoriés, deux Kasai (oriental et occidental), de
Gécamines (Générale des la RD Congo, 2.345.000 km2 de su- l’Equateur, du Maniema et de la pro-
carrières et des mines), perficie, est considérée comme un vince Orientale. Quant à l’or, il est pré-
l’industrie minière congolaise sort scandale géologique. Du diamant au sent dans toutes les provinces, sauf à
péniblement du bourbier, grâce à un cadmium en passant par le cuivre, le Kinshasa, la capitale.
assortiment de joint-ventures initiées cobalt, le zinc, le colombo-tentalite Il se trouve que ces énormes poten-

66||LE
66 LEPANAFRICAIN
PANAFRICAIN Janvier/Mars2011
Janvier/Mars 2011 - N 1
tialités n’ont pas mis la RDC à l’abri des des exportations frauduleuses es- Devant ce sombre tableau, le gou-
ennuis. La production du cuivre qui a timées à quelque 200 millions USD vernement de Joseph Kabila se lance
pu atteindre des cimes de l’ordre de par an. dans la bataille pour relancer le sec-
475’000 tonnes en 1986 et de 422’000 En 2004, à la suite de la suspension teur minier en promulguant la loi
tonnes en 1989, s’est littéralement du Congo/Brazzaville du processus n° 007/2002 du 11 juillet 2002 et ses
effondrée pour s’établir autour de de Kimberley, la Rdc a exporté 2,4 mesures d’application.
30’000 tonnes en 2005. millions de carats au mois de juillet
Suite à la baisse drastique de la pro- pour une valeur de 81,4 millions USD Revisitation des contrats miniers
duction du cuivre, l’apport de l’indus- contre un chiffre habituel allant de 27 Dans le même mois de juillet 2007,
trie minière au Pib a considérable- à 35 millions USD par mois. le ministère des Mines lance les tra-
ment diminué. De 13% en 1986, elle Dans l’entre-temps, la production de vaux de revisitation des contrats
est tombée à 5,9% en 1995. Du coup, l’or est tombée à son niveau le plus miniers. L’objectif, selon le ministre
le diamant devient le premier produit bas. Motif, la guerre qui a sévi de fa- des Mines, est de rechercher avec tous
minier d’exportation. En 2003, la RDC çon pratiquement ininterrompue de les partenaires, l’équilibre des avan-
exporte 23 millions de carats de dia- 1996 à 2002 à l’Est du pays où sont tages liés aux contrats et de mettre un
mant pour près de 700 millions USD. concentrés les plus importants gise- terme au gel tant décrié des ressources
Ces chiffres ne tiennent pas compte ments de ce minerai. minières nationales.

NN 11 -- Janvier/Mars 2011 LE
Janvier/Mars 2011 LEPANAFRICAIN
PANAFRICAIN||67
67
Des ouvriers travaillent dans les mines de diamants en République démocratique du Congo

Les chiffres sont, à cet égard, effa-


rants. Sur 60 contrats miniers passés
Le nouveau code minier: innovations et objectifs
au peigne fin, cinq seulement sont en
phase de production et six, en études Prenant en compte les exigences de l’industrie minière internationale, les
de faisabilité. Pour la plupart, les titres préoccupations des investisseurs et les intérêts de la communauté nationale, le
couvrant les 49 autres contrats font, nouveau code minier a apporté plusieurs innovations à savoir :
pendant tout ce temps (10 ans), d’un
trafic éhonté dans diverses bourses 1) Suppression du régime minier conventionnel au profit du seul régime de droit
étrangères. commun qui soumet tous les opérateurs aux mêmes conditions.
2) Limitation du rôle de l’Etat essentiellement à la régulation et à la rpomotion du
Quant aux titres miniers et de car- secteur minier.
rières, leur répartition à travers les 3) Mise en place des conditions claires et objectives dans les procédures d’octroi,
provinces se présente de la manière
suivante : de renouvellement et de déchéance des droits miniers garantissant ainsi la célérité
et la transparence dans le traitement des demandes des droits miniers et de car-
Bandundu : 181 rières par un service public doté de la personnalité juridique dénommé Cadastre
Bas-Congo : 291 minier.
Equateur : 114 4) Institution d’un régime fiscal, douanier et de change spécifique au secteur mi-
Kasai occidental : 643 nier, régime non seulement exhaustif et exclusif mais aussi compétitif et attractif
Kasai oriental : 405 ; 5) Exonération totale de tous droits de sortie à l’exportation des produits issus des
Katanga : 1644 exploitations couvertes par un titre minier, l’application des taux préférentiels pour
Maniema : 214 les importations des biens destinés à l’exploitation minière et le rabattement des
Nord-Kivu : 130 taux des contributions liées à l’activité minière.
Sud-Kivu : 141 6) Institution des sûretés minières afin de sécuriser les créanciers hypothécaires.
Province Orientale : 762 7) Garantie pour les titulaires des droits miniers ou de carrières de transférer libre-
ment à l’étranger le profit de leurs activités.
8) Insertion des dispositions environnementales permettant de réduire les effets
Au total 4’542 titres miniers et de
carrières ont été octroyés dans l’en- néfastes de l’activité minière sur l’environnement.
semble du territoire national. Martin 9) Mise en place des dispositions régissant les rejets miniers et les petites mines.
Kabwelulu constate que les conces- Selon le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, toutes ces innovations, opérées
sions couvertes par ces titres repré- tant en faveur de l’Etat, des investisseurs que des populations locales visent no-
sentent 33,8% de la superficie du pays tamment.
mais pourtant, depuis leur octroi, les 10) L’attrait du secteur minier par l’amélioration des conditions d’obtention, de re-
contrées locales demeurent toujours nouvellement des droits miniers et de leurs mutations, avec comme conséquence
pauvres, sans la moindre contrepartie l’accroissement et la diversification de la production minière:
de ces exploitations minières.
- l’amélioration du bien-être socio-économique des populations locales;
Contribution du secteur minier à la - l’amélioration des infrastructures;
richesse nationale - la réduction du gel des concessions minières;
L’époque où la Gécamines pro- - la suppression du régime conventionnel;
duisait près de 70% des recettes

68 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars
Janvier/Mars 2011
2011 --NN11
Spécial RDC

d’exportation de la RDC est déjà


révolue. Aujourd’hui, elle est réduite
à sa plus simple expression même si
l’on assiste à une profusion d’opéra-
teurs miniers dans le Katanga, sur des
concessions lui appartenant ou lui
ayant appartenues.
Chez les autres opérateurs publics
ou semi-publics (Miba, Okimo et les
autres), la situation n’est pas plus
reluisante. A la base, des problèmes
liés à la vétusté de l’outil de produc-
tion, à la mauvaise gestion et à une
mauvaise politique de prélèvement
des dividendes par l’Etat.
A l’inverse, les activités d’exploitation Des ouvriers travaillent dans les mines de diamants en République démocratique du Congo
artisanale connaissent un dévelop-
pement prodigieux. Qu’elles soient
cuprifères (Katanga), aurifères (Pro- Des mesures d’accompagnement
vince Orientale) ou diamantaires (les
deux Kasai), avec des conséquences En vue d’une bonne application du nouveau code minier, le législateur congo-
néfastes sur l’environnement mais lais a prévu une batterie de mesures d’accompagnement à savoir :
sans impact économique et social 1) La mise sur pied d’une commission de validation des droits miniers.
dans les zones où elles se dévelop- 2) La délimitation des aires protégées, des zones de restriction ou interdites.
pent. Il est, du reste, patent que les 3) La délimitation des zones d’exploitation artisanale.
exploitants artisanaux demeurent, 4) La délimitation des gisements à soumettre à l’appel d’offres.

PRIMUS
dans une très large majorité, pauvres 5) L’installation d’un cadastre minier informatisé dans toutes les provinces.
et sous-équipés.
Alors que le potentiel minier reste Selon un ancien ministre des Finances, l’on a assisté à un regain d’activités dans
considérable, le secteur connaît beau- le secteur minier grâce au nouveau code minier. «Le nombre de titres miniers
coup d’anarchie et accuse une faible délivrés à ce jour en est l’expression. De même, les régies financières comme
contribution au développement éco- la Dgrad et Dgi font état de recettes plus importantes que pendant la période
nomique du pays, au motif que la
antérieure caractérisée par des exonérations généralisées résultant du régime
fraude y est massive.
En 2002, dans un contexte de crois- conventionnel».
sance économique négative, le sec-
teur minier a contribué à hauteur de En tout état de cause, le nouveau code minier accorde aux investisseurs des
30,33% dans le Pib. En 2007, avec un avantages incontestables. En effet, au ministère des Finances, on signale qu’à
taux de croissance de 6,3%, l’apport partir du régime tarifaire de 2003, les bien d’équipement ne sont plus imposés
du secteur minier est descendu à 6%. qu’à 5% des droits de douane et à 3% d’impôt sur le chiffre d’affaires à l’importa-
La hausse de la demande et la flambée tion; tandis que les importations exonérées légalement payent néanmoins une
des cours observées sur le marché in- redevance administrative de 5%. On signale aussi le taux unique de 2% retenu
ternational n’ont pas profité à l’indus- en phase de recherche et de 5% en phase d’exploitation pour les importations
trie minière congolaise. D’où la déter- (notamment des équipements) dans le secteur minier, la suppression totale des
mination du gouvernement congolais droits de sortie et une période d’intangibilité de 10 ans.
à:
- créer ou aider à créer des Après la promulgation du code minier, le ministère des Mines a entrepris de le
structures de transformation des pro- vulgariser à travers les provinces. La première phase de cette campagne a eu lieu
duits miniers localement pour per-
mettre au pays d’en tirer le maximum de 2004 à 2005.
de profit, grâce à la valeur ajoutée; Du 27 au 30 mars 2006, le ministère des Mines organise un séminaire de présen-
- créer ou aider à créer une tation et de consolidation des termes de référence du Plan minier congolais.
taillerie de diamant en RdCongo, à
Kinshasa ou à Mbuji-Mayi; En juillet 2007, le ministère des Finances organise, sur instruction du Président de
- mieux contrôler tous les pé- la République, une réflexion assez large pour une mobilisation plus significative
rimètres et concessions miniers déjà des recettes des secteurs jugés stratégiques, mais dont l’apport au budget de
attribués; l’Etat n’est pas encore à la hauteur des attentes de la nation. Il s’agit des mines,
- renforcer les outils de des hydrocarbures, de la forêt et des télécommunications.
contrôle et de répression de la fraude,
par une application rigoureuse des En ce qui concerne les mines, l’objectif est de proposer des stratégies suscep-
procédures de l’Itie ainsi que la forma- tibles de booster le secteur en termes de sa productivité en recettes budgétaires
tion et l’équipement de la police des et publiques, de façon à conjurer le paradoxe entre l’immensité des ressources
mines; minérales dont dispose le pays et la pauvreté endémique qui lui colle à la peau.
- poursuivre l’installation du
cadastre minier en provinces.

NN 11 -- Janvier/Mars 2011 LE
Janvier/Mars 2011 LEPANAFRICAIN
PANAFRICAIN | 69
Spécial RDC

Etats généraux des mines


Le ministre des Mines convoque, du 12 au 15 mars 2008, les cinquièmes journées minières ou états généraux des
mines sous le thème: «Evaluation de l’exécution du nouveau code minier et ses mesures d’application».

Dans son discours de bienvenue à l’ouverture de ces assises, Martin Kabwelulu en justifie la tenue en 8 points :
1) La nécessité de faire un état des lieux du secteur minier et d’évaluer l’exécution du code minier et ses mesures d’ap-
plication six ans après sa promulgation à l’effet de constater et de déceler les lacunes ainsi que les faiblesses éventuelles
en vue de proposer des mesures correctives avec le concours de tous les acteurs et intervenants du secteur.
2) L’examen des préoccupations soulevées lors de la première phase de la campagne de vulgarisation du code minier et
ses mesures d’application, menée en 2004 et 2005 dans les provinces.
3) Le souci de trouver des réponses aux interrogations soulevées par les participants aux travaux du séminaire de pré-
sentation et de consolidation des termes de référence du Plan minier congolais tenu à Kinshasa du 27 au 30 mars 2006.
4) L’analyse de la perception d’une partie de l’opinion selon laquelle le code minier constitue, dans certaines de ses
dispositions, le soubassement du pillage des substances minérales du pays.
5) La nécessité, dans le cadre de la bonne gouvernance, de faire le point sur l’application des principes et critères de
l’Initiative pour la transparence dans la gestion des industries extractives «Itie», en l’occurrence l’industrie minière
congolaise.
6) L’assertion suivant laquelle l’application du nouveau code minier n’a pas contribué à la réduction de la pauvreté au
pays en général et dans les zones minières en particulier.
7) Le souci d’impliquer davantage les opérateurs miniers dans l’exécution des prescrits du nouveau code minier et ses
mesures d’application.
8) La redynamisation de la Chambre des mines.

D’ores et déjà, l’exportation de l’hé- tique des ressources naturelles d’un des sociétés minières. Les autres me-
térogénite brute est interdite. Des Etat souverain. Le cas de Laurent sures d’ordre public tenant à l’hygiène
unités de traitement de ce minerai Nkundabatware constitue à cet égard publique, alimentaire, hydrique et en-
ont été mises en place dans les zones un exemple concret. vironnementale font partie du paquet
d’exploitation pour la transformation La mission du gouvernement, en l’es- de mesures de la police administrative
des produits miniers localement. Dans pèce, est la sécurisation des personnes exercée à travers le pays les autorités
le même ordre d’idée, une unité de et des biens à travers son instrument politico-administratives compétentes.
traitement de diamant a été installée constitutionnel qu’est la police na-
à Kinshasa. tionale. D’où le déploiement des bri-
gades minières mises à la disposition
Insécurité et violences meurtrières
dans les zones minières
De par sa configuration géologique,
la RDC s’expose aux appétits des
prédateurs de tout bord. Cela ex-
plique l’afflux massif observé dans les
zones minières d’exploitants miniers
parmi lesquels se trouvent aussi des
hommes sans foi ni loi, nationaux et
étrangers, tous mus par le goût du
lucre procuré par l’exploitation et la
commercialisation des matières pré-
cieuses.
Les personnes de cet acabit n’hésitent
pas à se livrer, souvent de façon anar-
chique voire frauduleuse, à l’exploi-
tation des richesses minières tout en
commettant des actes de vandalisme
en tous genres. Cela justifie, dans une
large mesure, le climat d’insécurité
qui prévaut dans les zones minières.
Au Congo démocratique, on a en-
registré des où les fauteurs des
troubles agissaient pour le compte
de certaines puissances étrangères
engagées dans le pillage systéma-
Mine de diamant dans le territoire de Manono, district de Tanganyika dans la province du Katanga.

70 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars
Janvier/Mars 2011
2011 --NN11
Spécial RDC

Economie maritime

Matadi la grande porte du Congo

Situé à quelque 200 km de


de fer, des ports de Kinshasa et celui des cadre de l’entreprise, l’ONATRA avait
l’océan Atlantique (Banana), ports maritimes. acheté sur fonds propres une trentaine
le port international de Ma- Il s’en suit que le port de Matadi est tri- d’élévateurs en une seule commande. A
butaire, par rapport à son équipement cette époque, le département du chemin
tadi est enclavé. Cela pose un (outil de production), de la trésorerie de de fer avait totalisé 12 locomotives de
certain nombre de problèmes. l’office, qui prend aussi en compte les be- ligne, ce qui lui permettait de transporter
soins des autres départements. 100’000 tonnes par mois sur les 130’000
Aujourd’hui, avec le projet de qui transitaient à Matadi à l’import et à
construction d’un pont sur le Des chiffres l’export. Le chemin de fer Matadi-Kinsha-
Le port de Matadi produit 6 millions USD sa (CFMK) produisait alors 6 millions USD
fleuve Congo entre Kinshasa par mois tandis que celui de Boma, entre par mois. Les transporteurs routiers de
et Brazzaville. 2 et 3 millions. La contribution du dé- la Fédération des Entreprises du Congo
partement des ports maritimes dans le (FEC) se chargeaient du reste, soit 30’000
Par Edouardo Balenda

L
chiffre d’affaires mensuel de l’ONATRA tonnes.
e port de Matadi et celui de est de plus de 8 millions USD par mois.
Boma, situé à 120 km en aval, Les salaires, pour l’ensemble du person- «L’Office avait pris un bel élan, mais
constituent ce qu’on appelle à nel de l’Office, soit 13’834 agents, ne c’était sans compter avec l’instabilité des
l’Office national des transports consomment pas plus de 4 millions USD. mandataires à la tête des entreprises pu-
(ONATRA), le département des L’ONATRA devrait donc pouvoir résoudre bliques», marmonne notre interlocuteur.
ports maritimes. L’Office compte dix sur fonds propres certains problèmes Alors que d’année en année, les impor-
autres départements mais dans l’en- d’équipements qui se posent au port de tations augmentent en fonction des
semble, cinq seulement sont opération- Matadi, étant donné qu’un élévateur, par besoins sans cesse croissants d’un pays
nels à savoir, les départements des voies exemple, ne coûte que 15 mille USD. vivant essentiellement des importations,
fluviales, du chantier naval, du chemin Au milieu des années 90, confie un haut à l’ONATRA l’outil de production va de-

72 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Les véhicules qui entrent au port pour enlever des mar-


chandises utilisent la porte de Nkala-Nkala tandis que ceux
qui viennent à l’export prennent la sortie de Venise, du côté
de l’Office des routes. Une autre porte, utilisée par tous les
usagers, reçoit les voitures et toutes les personnes autori-
sées à accéder aux installations portuaires.
Les aires de stockage ont été déployées le long pu port. Il y
en a de deux sortes: les entrepôts avec abris et les entrepôts
avec abris ou à ciel ouvert. Le magasin B, par exemple, fait
pour recevoir les véhicules contenant des biens à convoi-
tise, a une capacité de 400 à 450 véhicules. Le magasinier
note, cependant, que les cas de vol ne sont pour autant pas
finis, suite aux ouvertures pratiquées pendant les pillages
des années 90. Depuis quelques années, les parcs à véhi-
Carte postale d’un port historique cules ont été transférés au port de Boma pour cause de tra-
vaux de réfection du port de Matadi.
Site touristique par excellence, le port international de Le terminal à conteneurs de Matadi (TCM) a une capacité de
Matadi aligne 10 piers ou quais qui sont, dans l’ensemble, 3’500 boîtes de 20 pieds. En s’en approchant, on a l’impres-
divisés en trois parties. Du pier 1 au pier 4, on parle du sion d’avoir à faire à une chaîne de montagnes. Un portique
quai de Matadi. Du pier 5 au pier 7, on se trouve au quai de 40 tonnes se meut d’un bout à l’autre pour manipuler
Fuka-Fuka tandis que les piers 8, 9 et 10 forment le quai de les conteneurs. Selon les experts en la matière, deux engins
Nkala-Nkala. de la même capacité suffiraient pour mettre fin à tous les
On raconte que la première section du port avait été problèmes de manutention à ce niveau.
construite de 1890 à 1926 pour recevoir les marchandises Juste à côté, se tient un dispositif d’accueil de conteneurs
qui venaient par la route des caravanes. La deuxième sec- frigorifiques. Ici, les techniciens frigoristes actionnent direc-
tion a été aménagée de 1926 à 1940. Ces travaux, arrêtés tement des boîtes réceptionnées au fur et à mesure qu’elles
suite à la deuxième guerre mondiale, ont permis la récu- arrivent en vue d’assurer la fraîcheur des produits importés.
pération de 100 mètres sur le fleuve pour rendre les cours Le département des ports maritimes dispose d’un centre
plus spacieux. L’Office des transports coloniaux (OTRACO) de formation polyvalent. Il comprend trois sections à savoir
devenu aujourd’hui Office national des transports la section d’exploitation, la section technique et la section
(ONATRA), n’avait pris la gestion du port qu’en 1935. administrative et financière.
Le port de Matadi est directement accessible par le che- Le port de Matadi est membre de l’Association des ges-
min de fer Matadi-Kinshasa et communique par rails avec tionnaires des ports de l’Afrique de l’Ouest et de Centre
la station de pompage de produits pétroliers d’Ango-Ango. (AGPAOC).

crescendo. A l’heure qu’il est, l’entreprise des moteurs tout neufs de marque Gene- vités de plusieurs segments de l’Office à
n’a plus que deux locomotives de ligne, ral Electric au Canada et Gec Aliston en Kinshasa et dans l’hinterland. L’ONATRA
ne tractant mensuellement que 15’000 France pour reconditionner des locomo- s’étend sur 7 provinces sur les 11 que
tonnes sur les 230’000 tonnes de mar- tives dans les ateliers mécaniques de l’Of- compte la RDC.
chandises passant actuellement par le fice à Mbanza-Ngungu. Nos techniciens
port de Mata chaque mois. Du coup, les sont très bien outillés pour ce faire». Port de transit
recettes mensuelles du CFMK tombent à Port de transit et non de stockage,
900’000 USD. Selon cet expert qui, par ailleurs, avait Matadi devait fonctionner comme un
déjà eu à exercer les fonctions de direc- véritable terminal ferroviaire. Ce ne sont
Un expert de l’ONATRA certifie qu’il suf- teur administratif et financier aux dépar- pas les atouts qui lui manquent. D’abord,
fit que le CFMK soit réhabilité pour que tements des ports maritimes, des voies les chiffres ci-dessus parlent d’eux-
l’Office retrouve son équilibre financier fluviales, du chemin de fer et du chan- mêmes. Ensuite, selon une étude de la
et que le port de Matadi n’ait plus besoin tier naval, l’ONATRA, avec son chiffre Banque mondiale, les chemins de fer de
de prêt extérieur pour son financement. d’affaires de 12 millions USD par mois plus de 500 km ne sont pas compétitifs.
Quant à la manière d’atteindre cet équi- peut parvenir à retaper 15 locomotives Tel n’est pourtant pas le cas du CFMK qui
libre, Eugène Molisho Asumani, ancien de ligne. Les recettes mensuelles du n’a que 365 km de longueur.
Administrateur-délégué général adjoint, CFMK pourraient alors passer à plus de
explique: «Quand nous étions aux af- 7 millions USD. En effet, une locomotive Et pourtant, sur le terrain, personne s’y
faires, nous avons mené une étude sur la peut tracter une rame de 750 tonnes par intéresse. De 100’000 tonnes par mois
réhabilitation de quelques départements convoi tandis que le transport est facturé à l’époque où Jacques Mbelolo était à
de l’Office. Il se trouve que concernant le à 60 USD la tonne. la tête de l’entreprise, la part de trafic
CFMK, il ne nous semble pas indispen- du CFMK est tombée à 15’000 tonnes.
sable de commander des locomotives Matadi, qui est un terminal ferroviaire, Les transporteurs routiers étant parfai-
de ligne à l’étranger. Il suffit d’acheter pourrait ainsi redynamiser les acti- tement incapables d’évacuer les 215’000

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 73


Spécial RDC

tonnes de différence entre le tonnage pont avec pour effet d’accéder à un Un port très mouvementé
disponible et le tonnage transporté par marché potentiel de 60 millions d’habi- Aucun lieu n’est aussi mouvementé dans
la voie ferroviaire, d’énormes quantités tants. Gestionnaire du port de Pointe- la ville portuaire que le port international
de marchandises traînent dans les ins- Noire, le groupe Bolloré se contente des de Matadi. Toujours bondé de monde,
tallations portuaires. D’où les avaries 3 millions d’âmes qui vivent au Congo/ ses installations connaissent chaque jour
tant décriées des produits par le port de Brazzaville, alors que la ville de Kinshasa une intense activité.
Matadi. compte déjà environ 10 millions d’habi- Tôt le matin, le bâtiment abritant les ser-
tants. D’où les pressions exercées sur le vices de douanes est pris d’assaut par des
Un port enclavé pouvoir de Kinshasa par certaines puis- centaines de visiteurs. Il en est de même
Le port de Matadi étant enclavé, cer- sances étrangères pour hâter la concré- pour les bureaux du département des
tains bâtiments, à l’exemple des grands tisation de ce projet. ports maritimes. Tout le monde a une
pétroliers, ne peuvent pas y accoster. De l’avis de la plupart des experts contac- préoccupation. Les agents maritimes et
Les navires de haute mer qui arrivent à tés à ce sujet, la réalisation de ce projet autres intermédiaires de douanes ont
Matadi sont obligés de mouiller l’encre ne devrait pas se faire sans préalables. toujours des dossiers à suivre. Les tou-
à l’embouchure (à Banana) pour céder le «Construire ce pont aujourd’hui revien- ristes admirent la splendeur du fleuve
commandement aux pilotes de la Régie drait à faire le lit du groupe Bolloré tout Congo et observent les mouvements
des voies maritimes (RVM) qui maîtrisent en sacrifiant l’économie de la province des personnes et des engins. Les candi-
le chenal menant au port de destination du Bas-Congo et, par ricochet, du pays dats journaliers sont en quête d’un job
et dont le balisage est parfois sujet à cau- tout entier», lance un cadre ayant requis et accourent au moindre signe. De leur
tion. l’anonymat. Pour s’en convaincre, il suffit côté, les voleurs ne sont pas en reste.
On signale, par exemple, que sur le bief de tenir compte du fait que le Bas-Congo Ils patrouillent en petits groupes et, à la
maritime Banana-Matadi, le balisage de est au troisième rang, après Kinshasa et moindre distraction, on est désagréable-
nuit fait cruellement défaut. Un bateau la province du Katanga, en matière de ment surpris. Parmi les endroits les plus
qui arrive à Banana à 14 heures à desti- contribution au budget de l’Etat. dangereux, on cite l’entrée des machines
nation de Matadi est obligé d’attendre en provenance de Kinshasa, la sortie me-
le jour suivant pour affronter le chenal. Un grand nombre d’analystes estiment nant vers Ango-Ango et les alentours du
Tout cela n’est pas fait pour raccourcir qu’accepter la réalisation de cet ouvrage dépôt de bois de Siforco.
le timing de ces navires qui doivent, par d’art dans l’état actuel des choses serait Entre-temps, une autre catégorie de
ailleurs, rémunérer les prestations de la suicidaire de la part de l’autorité poli- voleurs opèrent dans l’eau. Chez eux,
RVM. Qui plus est, au port de Matadi, le tique du pays au motif que cela revien- on assiste souvent à des coups spec-
déchargement et le chargement d’un drait à asphyxier l’économie du pays. taculaires. Aussi n’est-il pas rare de voir
bateau ne sont pas une affaire de tout Le port autonome de Pointe-Noire est un gaillard filant dans l’eau avec… un
repos. Motif, l’outil de production pose un port en Haute mer ouvert 24 heures congélateur sur la tête. On les appelle
problème. sur 24. Par contre, le port international «Bana mayi», littéralement «enfants de
Par conséquent, les navires restent à de Matadi est d’un accès limité dans le l’eau». Ils fonctionnent sur les navires et
quai pendant plusieurs semaines occa- temps par manque de balisage lumineux n’hésitent pas à se jeter dans le fleuve
sionnant ainsi un chômage qui grève les sur le bief maritime. «La RDC n’a aucun dès qu’ils s’emparent d’un butin.
charges d’exploitation qui, à leur tour, intérêt à faire de ses ports des ports se- Dans les magasins et autres aires, ma-
affectent les prix à la consommation. condaires par rapport à ceux des pays nutentionnaires, grutiers, mécanos,
Lorsqu’on y ajoute les taxes fiscales et voisins», tranche notre source. soudeurs, électriciens, frigoristes et
parafiscales, on est pas loin de croire que Quoi qu’il en soit, les défenseurs du autres commis s’affairent autour de
le port de Matadi n’est pas compétitif. Et port de Matadi ne manquent pas d’ar- quelque chose. Autrefois, les opérations
c’est sur ces entrefaites que s’annonce guments. Selon les informations dispo- de décapotage se faisaient en plein air,
pompeusement le projet de construc- nibles, les fonds destinés au balisage en présence des agents de l’ONATRA
tion d’un pont sur le fleuve Congo entre lumineux du bief maritime sont déjà dis- et de l’Office des douanes et Accises
Kinshasa et Brazzaville. ponibles. Ce n’est plus qu’une question (OFIDA). Mais cette activité a été transfé-
de temps. D’autre part, ils affirment que rée au port de Boma.
Le spectre de la concurrence des deux terminaux ferroviaires (Matadi Lors de notre séjour dans la ville por-
Le projet du pont à jeter sur le fleuve et Pointe-Noire), seul Matadi répond au tuaire, la tendance était à la disparition
entre les deux capitales les plus rappro- critère de compétitivité de la Banque de certains corps de métiers au sein
chées du monde s’insère dans le cadre mondiale avec ses 365 km de voie fer- du département des ports maritimes.
de l’intégration économique de la sous- rée. Le chemin de fer Congo-Océan «Cela résulte de la suspension des en-
région de l’Afrique centrale. Cependant, (Cfco), long de 530 km, est disqualifié. gagements depuis des lustres par l’au-
derrière ce dossier, on ne peut s’empê- C’est peut-être pour cette raison que torité de tutelle», confie un responsable
cher de percevoir la silhouette du Fran- chaque jour ouvrable, au beach Ngo- qui ajoute qu’«à ce jour, il n’y a plus de
çais Bolloré qui ne cesse de convoiter bila, d’énormes quantités de produits sondeur spécialisé au port de Matadi».
l’imposant marché de la RDC. alimentaires importés via Matadi traver- Il s’agit-là, semble-t-il, d’une situation
Après avoir essayé de mettre la main sent le fleuve Congo à destination de générale dans les entreprises publiques
sur le port international de Matadi sans Brazzaville. A l’inverse, Kinshasa ne reçoit où les agents retraités ou décédés ne
succès jusqu’alors, le groupe français pratiquement que des tissus imprimés. sont pas systématiquement remplacés. ■
veut atteindre Kinshasa via le fameux Le débat ne vient que de commencer.

74 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 75
Spécial RDC

Réforme de la PNC

La réforme de la Police Nationale


Congolaise est en marche

Depuis la mise en place des institutions légitimes issues


Pour se doter d’une Police moderne,
des élections libres, démocratiques et transparentes, équipée, formée et disciplinée, le gou-
la République démocratique du Congo (RDC) s’est engagée vernement a mis en place par le décret
du 18 septembre 2007, un instrument
dans une mutation profonde de la police quant à sa nature, de sa politique de réforme: le Comité de
ses missions, son organisation, l’unification de ses services, Suivi de la Réforme de la Police (CSRP)
que préside le ministre en charge de
ses ressources financières et budgétaires, etc. l’Intérieur. Ce comité est composé des
Par Théodore Ngangu délégués des ministères, notamment
la Défense, la Justice, le Plan, etc, des

L
’actuelle police créée le 22 avril protection des personnes et de leurs experts de la Police, des experts de la
1997, en effet, présente une biens. La formation de ses éléments MONUSCO, la mission Eupol (Police de
mosaïque constituée d’anciens s’impose comme exigence. Conscient l’Union européenne) et la Société civile.
éléments, notamment, de de cette réalité, le gouvernement dans
l’ex-Gendarmerie nationale et sa vision de la nouvelle police voudrait Le CSRP a pour mission de conceptua-
Gardes civiles, d’anciennes factions bel- qu’elle devienne un service public régi liser un plan d’action pour la réforme
ligérantes et des policiers de récentes par les principes de transparence et de de la Police nationale Congolaise, de
dates. la bonne gouvernance, une police apo- suivre et d’évaluer sa mise en œuvre, de
litique et républicaine, c’est-à-dire au coordonner les actions et les dialogues
Selon le Général, Michel Elesse, secré- service de la Nation et non une force entre le gouvernement, les partenaires
taire exécutif du Comité de Suivi de appendice de l’armée. nationaux et intervenants extérieurs.
la Réforme de la Police (CSRP), dans C’est un cadre commun de compréhen-
sa forme actuelle, la Police Nationale La PNC ne devrait plus être une dé- sion et de discussion, un cadre de travail
Congolaise (PNC) est porteuse des li- charge de «rebuts» de la société mais pour concrétiser la volonté politique du
mites quant à son efficacité et, par bien un métier que l’on choisi d’exercer gouvernement de mettre en place une
conséquent, ne peut assurer sa mis- avec fierté parce que l’on possède les police qui se veut moderne, républi-
sion traditionnelle, celle d’assurer la qualités requises. caine et professionnelle.
Police en train de défiler.

76 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

Cette structure a produit deux docu-


ments fondamentaux: le Plan d’action
triennal de la réforme et le Cadre straté-
gique à long terme. Le premier décline
les objectifs stratégiques à atteindre en
l’espace de 3 ans ainsi qu’une sélection
d’activités jugées indispensables pour
débuter la réforme, notamment dans
les domaines de la maîtrise des effectifs,
la réorganisation des structures, la mise
en place des unités pilotes, la formation,
la recevabilité et la stratégie de commu-
nication.

Ce second document, qui couvre une


période de 15 ans, se fonde sur la vision
de la nouvelle police telle que consa-
crée par les travaux du Groupe Mixte de Des recrues de la Police Nationale Congolaise (PNC) au centre
Réflexion sur la Réforme et la Restruc- d’instruction de Kapalata, située au nord de Kisangani
turation de la PNC. Il énumère douze
orientations stratégiques de la nouvelle mandations. Un avant-projet de décret tivités marquant le cinquantenaire de
police, y compris la réorganisation des portant sur le code de déontologie de l’indépendance de la RDC et auquel les
directions et services, la transparence policier a été élaboré. Celui-ci déter- éléments de la PNC ont pris une part ac-
de la gestion financière, le rapproche- mine les normes de conduite et favorise tive a permis de se rendre compte qu’ef-
ment entre police et population et la l’éthique dans le corps de la police. fectivement la police congolaise renaît
coopération avec les autres acteurs du de ses cendres. Le processus de sa re-
secteur de la sécurité. La Police Nationale Congolaise a éga- fondation sera certes long tant beau-
lement procédé à l’identification et au coup reste à faire. Cependant comme
L’état des lieux de la réforme recensement de son personnel pour l’exprime bien un proverbe bantou,
Quelques objectifs, en particulier les pouvoir disposer des données fiables et «on ose pas parce que c’est difficile,
préalables, ont été réalisés. Il a été pro- permanentes dans le cadre de l’objectif mais c’est difficile parce qu’on ose pas ».
cédé à un état des lieux de la police visant la maîtrise des effectifs. La réforme de la police congolaise est
actuelle qui a aboutit à des recom- L’imposant défilé organisé lors des fes- en marche.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 77


Spécial RDC

Elections 2011

La RDC jette son dévolu sur Zetes


pour garantir la transparence
du processus électoral
La République démocratique du Congo (RDC) a conclu un contrat d’une valeur de plus de
30 millions USD avec Zetes (Euronext Brussels: ZTS), leader incontesté sur le marché européen
des solutions et services d’identification automatique des biens et des personnes.
Par Théodore Ngangu

Photo: Zetes
A
u terme de ce contrat, Zetes
devra livrer 9’500 kits biomé-
triques mobiles dans le cadre
des élections présidentielles
que la RDC organise à la fin de
cette année 2011. Des sources proches
du gouvernement congolais ont fait
savoir au Magazine Le Panafricain que
ces kits serviront à la mise à jour des
fichiers électoraux de 2005, qui avaient
été établis à l’occasion des présiden-
tielles de 2006.

Bon nombre d’observateurs avisés, qui


connaissent le sérieux et la qualité des
services que propose cette entreprise,
perçoivent le choix porté par les au-
torités congolaises à Zetes, à travers
la CEI, la Commission électorale indé-
pendante, qui devra passer la main à la
CENI (Commission électorale nationale
indépendante), comme une volonté
politique de garantir la transparence du
processus électoral.

Point n’est besoin, en effet, de démon-


trer l’utilité des solutions biométriques
dans de nombreux pays africains où le
recensement administratif de la popu- Photo prise lors d’une opération d’enrôlement avec la technologie Zetes au Cap-Vert.
lation est une exception qui confirme la
règle générale selon laquelle, de nom- retenus dans le cadre d’un processus prise de droit belge apparaît égale-
breux pays sont dépourvus de registre très rigoureux de sélection   respectant ment comme un partenaire de premier
national. Dans ces conditions, l’identifi- les critères de la Banque Mondiale. choix pour le pays qui veut obtenir une
cation et l’enrôlement des électeurs ont Zetes se mobilisera pour accompagner meilleure gestion de ses ressources
souvent été le premier obstacle dans le la République démocratique du Congo humaines grâce à une meilleure visibi-
parcours du processus électoral. dans le processus d’enrôlement de ses lité sur ses effectifs.
électeurs afin de lui permettre d’organi-
Alain Wirtz, CEO de Zetes, n’a pas ca- ser les élections en 2011», a-t-il indiqué. Selon nos sources, pour aider la Police
ché sa satisfaction au sujet de ce mar- Outre le gage de transparence qu’ap- Nationale Congolaise (PNC) à optimiser
ché obtenu au Congo/Kinshasa: «Nous porte Zetes dans le déroulement des la gestion de ses effectifs, l’Organisation
sommes extrêmement fiers d’avoir été opérations électorales, cette entre- internationale pour les migrations (OIM)

78 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

La RDC a donc été le premier pays à

Photo: Zetes
confier l’identification de sa population
à Zetes, dans le cadre d’élections natio-
nales. Ce projet a été et reste pour Zetes
une formidable référence sur le conti-
nent africain et ailleurs dans le monde.
Le recours à la biométrie donne en effet
l’assurance que chaque personne ne
figure qu’une fois sur les listes électo-
rales.
Zetes Industries SA est une entreprise
paneuropéenne de premier plan dans le
secteur des solutions et services à valeur
ajoutée pour l’identification automa-
tique de biens et de personnes (Goods
ID et People ID).
Première installation opérationnelle BioDev II à l’ambassade de Belgique à Kinshasa.
Ces solutions utilisent des technologies
a fait appel à Zetes afin de livrer 80 kits est le meilleur moyen d’identifier une matures et émergentes (code à barres,
d’enrôlement biométrique, qui serviront personne de façon univoque. Cette reconnaissance vocale, RFID, cartes
enregistrer les policiers aux quatre coins technique est donc utilisée de plus à puce, biométrie) et développe des
de la RDC. en plus fréquemment afin de contrer «Solution Architecture Frameworks»
Ces Kits, signale-t-on, permettent de l’usurpation d’identité. Pour les pays et pour optimiser les performances des
prélever un certain nombre de données les institutions soucieux d’une bonne activités de ses clients privés et publics
personnelles, telles que les renseigne- gouvernance mais parfois dépourvu dans de nombreux segments de mar-
ments biographiques, les empreintes d’une base de données fiable, des ou- ché. Les solutions de Zetes sont mises
digitales et la photographie de la per- tils tels que ceux
sonne. Les informations sont ensuite proposés par
centralisées à Kinshasa et couplées à Zetes sont de-
un formulaire complété préalablement venus indispen-
pour chaque policier et qui contient des sables.  «Nous
informations personnelles, familiales et sommes très
Photo: Zetes

professionnelles. heureux de la
confiance que
Zetes livre également l’application per- nous accorde
mettant la saisie centralisée des don- l’OIM pour ce
nées des formulaires et l’établissement projet, qui est le
d’un lien entre ces informations et une quatrième que
base de données des formulaires et nous réalisons
certificats digitalisés. Dès lors, les infor- en République
mations biographiques et biométriques démocratique
seront couplées aux documents digita- du Congo», a fait
lisés. Par ailleurs, Zetes est également savoir Monsieur
chargée de la formation des opérateurs Wirtz.
ainsi que de l’assistance technique. En effet, en jan-
Photo prise lors d’une opération d’enrolement avec la technologie Zetes au Burundi.
«La PNC étant confrontée à la préoccu- vier 2009, Zetes,
pation de gérer efficacement ses effec- spécialiste de
tifs, notamment du point de vue de la solutions d’identification automatique en œuvre dans divers secteurs d’activité:
connaissance du nombre de personnes des biens et des personnes avait signé production, transport, logistique, distri-
en fonction, de l’affectation des salaires, avec les Nations Unies un contrat pour bution, soins de santé, finance, télécom-
etc., nous étions à la recherche d’une la mise à jour de 6000 kits d’enrôlement. munications et services publics.
solution fiable permettant d’identifier Ces derniers devraient permettre à l’ins- Le Groupe Zetes, dont le siège social est
chaque policier individuellement. La titution chargée d’organiser les élections établi à Bruxelles, possède des filiales en
proposition de Zetes, basée sur l’utili- en RDC de procéder à l’actualisation des Belgique, en Allemagne, au Danemark,
sation de kits biométriques facilement listes électorales de la République dé- en France, en Grèce, en Irlande, en Israël,
transportables, répondait parfaitement mocratique du Congo. en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal, en
à nos besoins» affirme Eugène François, Espagne, en Suisse et au Royaume-Uni.
le chef de projet de l’OIM. On rappelle qu’en 2005, la RDC avait Zetes emploie actuellement plus de 800
déjà fait appel à Zetes pour recenser sa collaborateurs et a réalisé un chiffre d’af-
Selon Monsieur Alain Wirtz, la recon- population à l’occasion des élections na- faire consolidé de 167 millions d’euros
naissance des empreintes digitales tionales. en 2009.  ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 79


Politique

Une première dame d’exception

Initiative Plus Olive Lembe Kabange


Première avocate des droits de la femme, Marie Olive Aucun Congolais n’oubliera de sitôt
les trois journées de prière et de jeûne
Lembe Kabila s’en va-t-en guerre contre les violences qu’elle avait initiées du 26 au 29 juin
La 1ère Dame,
2010 pour implorer Marie Olive
la faveur Lembe
divine surKabila, a présidé la
faites aux femmes internationale de la femme au cœur de la ville de Buk
la RDC. A la cérémonie de clôture de ces
journées de prière et de jeûne, la 1ère
Benoit Akili Mali

L
dame de la RDC fera cette déclaration
prophétique : «Le mur de Jéricho de
’année 2010 n’a pas été de enfants dans le système scolaire en fa- la RDC est tombé». Hasard ou simple
tout repos pour la première veur du processus de lutte contre les coïncidence, le 30 juin soit un jour après
dame de la République dé- violences ainsi que pour l’arrestation cette déclaration, la République dé-
mocratique du Congo (RDC), des auteurs de ces actes. Outre son mocratique du Congo sera admise au
Marie Olive Lembe Kabila. En combat contre les violences sexuelles Point d’achèvement de l’initiative pays
effet, au regard de son statut particu- dont sont victimes les femmes, Olive pauvres très endettés (PPTE). Sa lourde
lier, elle a été de tous les combats et sur Lembe Kabila a accompli des actions dette extérieure, qui pendant plus
tous les fronts. On l’a vu au chevet des sociales de haute portée qui ont fait re- d’une décennie lui avait fait courber
victimes des violences sexuelles à l’Est naître l’espoir. l’échine, sera annulée à hauteur de 90%
de la RDC pour leurs apporter aide et
réconfort.
Marie Olive Lembe a fait de la lutte
contre les violences sexuelles envers
les femmes et les jeunes filles son che-
val de bataille. Des observateurs avi-
sés rappellent que lors de la journée
«les femmes brisent le silence» orga-
nisée sous son patronage par l’Unicef
et l’ONG «V-Day», Marie Olive Lembe
Kabila dans un message fait en son nom
par Madame Louise Mayuma, directeur
adjoint du cabinet du Président de la
RDC, avait appelé à cette occasion à la
Photo / Jean-Pierre Maie

volonté politique pour mettre fin aux


violences sexuelles envers les femmes
et les jeunes filles.
Elle avait également plaidé pour l’in- La 1ère Dame, Marie Olive Lembe Kabila, a présidé la cérémonie d’ouverture de cette manifestation
tégration de l’éducation civique des internationale de la femme au cœur de la ville de Bukavu

80 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

La 1ère Dame au chevet des nouveaux-nés La 1ère Dame au chevet des nouveaux-nés La 1ère Dame, Marie Olive Lembe Kabila

par les institutions de Bretton Woods, la congolais. Elle avait salué la solidarité terminer à la Place de l’Indépendance.
Banque mondiale et le Fonds monétaire des femmes du monde entier envers les C’est là que Madame Nana Aïcha-Aïcha,
international. Congolaises habitant l’Est de la RDC et présidente de la Coordination Afrique,
Au regard de ses multiples actions en qui sont victimes des violences occa- va procéder à la lecture du Manifeste
faveur de ses compatriotes : assistance sionnées par l’insécurité qu’entretien- des femmes pour la paix. Ce Manifeste
aux personnes en détresse et acciden- nent les groupes armés étrangers. Elle s’articulait autour de 4 piliers : l’autono-
tées, promotion de la planification fami- lancera un appel pathétique à la com- mie économique de la femme, le bien
liale, construction des écoles à travers munauté internationale qu’elle invitera commun et l’accès aux ressources et
la RDC, etc beaucoup d’observateurs à recréer les conditions de retour de ces aux services publics, les violences en-
affirment
a cérémonie d’ouverture de cette qu’à travers Olive Lembe
manifestation combattants dans leur pays. vers les femmes ainsi que la paix et la
kavu Kabila le cinquantenaire de la RDC aura Olive Lembe Kabila se saisira de cette démilitarisation.
révélé une dame d’une grandeur d’âme opportunité pour sensibiliser la femme. Recevant ce Manifeste des mains de la
exceptionnelle, une dame qui est une Elle fera remarquer que sans la solida- ministre du Genre, Famille et Enfant,
bénédiction pour la Nation congolaise. rité, il est difficile d’obtenir des résultats la 1ère dame Marie Olive Lembe Kabila
Pour revenir à la bataille qu’elle mène positifs. La 1ère dame de la RDC avait s’engagera à être l’avocate principale
contre les violences envers les femmes, planté le Morringa, un arbre connu des femmes et promettra de la remettre
plusieurs chroniqueurs soulignent l’im- pour ses capacités curatives et nutri- au Président de la République Joseph
plication personnelle de la première tives exceptionnelles qui symbolise la Kabila Kabange.
dame de la RDC à la marche mondiale femme en tant que mère protectrice et A la clôture de la marche, les femmes
des femmes organisée du 13 au 17 oc- nourricière. ont remis au gouverneur du Sud-Kivu
tobre 2010 à Bukavu, capitale de la Pro- La marche partira de la Place Rond Marcellin Cishambo le flambeau de la
vince du Sud-Kivu. point Triangle Nguba pour se pour- paix destiné au chef de l’Etat Joseph
La 1ère dame, Marie Olive Lembe Kabila suivre sur un parcours de 7 km avant de Kabila.
avait présidé la cérémonie d’ouverture
de cette marche à laquelle des femmes
de différents horizons avaient pris part.
Toute la planète, en effet, était repré-
sentée à cette marche mondiale placée
sous le thème «Paix et Démilitarisation».
Parmi les personnalités présentes à
cette cérémonie, on notera la présence
de la présidente du Comité de pilotage,
Adèle Kagarabe, de la secrétaire exé-
cutive du comité international, Mariam
Nobre, du gouverneur de la Province du
Sud-Kivu, Marcellin Cishambo et la mi-
nistre du Genre, Famille et Enfant, Marie
Ange Lukiana.
Dans son allocution de circonstance, la
1ère dame de la RDC avait tenu à rendre
grâce à Dieu le Tout Puissant pour avoir
rendu possible l’organisation de cette
manifestation internationale sur le sol La 1ère Dame, Marie Olive Lembe Kabila rencontrant des femmes de Bukavu

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 81


Spécial RDC

Photo / AFP: RAPHAEL CARDINAEL


Opinion: Les réalisations d’une mandature réussie
Le contrat social conclu entre le peuple congolais et Joseph Kabi- Sur le plan économique, malgré les impondérables liés à l’envi-
la lors des élections présidentielles de 2006 s’articulait autour de ronnement international fort préoccupant, la situation macro-
cinq axes majeurs à savoir, le rétablissement et la consolidation économique en RDC a été bonne. Quelques indicateurs sont édi-
de la paix, la réhabilitation de l’Etat dans ses prérogatives réga- fiants à ce sujet, par exemple, le taux de croissance qui était de
liennes ; l’amélioration de la gouvernance politique, économique 2,9% en 2009 devrait atteindre 6,1%; le taux d’inflation annualisé
et sociale ; la relance économique et la reconstruction du pays. a été ramené à 8,99% contre une prévision de 9 ,9%; le taux de
C’est au pied du mur que l’on juge le maçon. Quatre ans après son change oscille autour de 910 Francs congolais le dollar américain.
investiture à la tête de la République démocratique du Congo, à Grâce à la discipline budgétaire observé par le gouvernement
12 mois de la fin de son mandat, comment se présente le bilan de de la RDC, ainsi qu’à la mise en œuvre des reformes structurelles,
Joseph Kabila par rapport aux promesses électorales faites aux Ce pays a pu accéder au Point d’achèvement de l’initiative Pays
Congolais ? Pauvres Très Endettés (PPTE) et sa lourde dette a été effacée à
Lors de son discours sur l’état de la Nation en décembre dernier 90%. Le Club de Paris a également emboîté le pas aux institutions
devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès, le de Bretton Woods en annulant 80% de la dette.
chef de l’Etat congolais avait lâché une phrase qui a fait la Une des Dans le secteur minier, la RDC est en train de retrouver sa place
journaux de Kinshasa : «Si vous ne croyez pas à mes paroles, mais dans pré carré de pays producteurs du cuivre et du cobalt.
croyez au moins à mes œuvres». Bientôt, la production de l’or va reprendre ses lettres de noblesse
En effet, sur le plan sécuritaire force est de reconnaître que la dans la Province Orientale et au Sud-Kivu.
paix est de retour dans l’ensemble du territoire congolais. Certes, Dans le secteur agricole, des excédents de production de maïs
quelques foyers de tension attisée par la présence des éléments ont été enregistrés dans les provinces du Katanga et les deux
des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (Fdlr), Kasaï. Cette augmentation devrait avoir une incidence non seule-
des groupes armes et des rebelles ougandais incrustés en RDC ment sur la création des emplois mais aussi sur la baisse de prix
continuent à semer l’insécurité ici et là. Cependant, tous les de produits agricoles.
observateurs sérieux de la vie politique congolaise peuvent Dans le domaine des infrastructures, au terme de quatre ans de
attester que par rapport à la situation qui prévalait, il y a 4 ans, travail acharné, des réalisations remarquables ont enregistrées.
d’énormes progrès ont été engrangés sur le plan sécuritaire. Dans la foulée, on peut citer la réhabilitation de la Route Natio-
Il reste encore beaucoup à faire pour consolider la paix raison nale n°1 du plateau de Batékés à la limite du Kasaï Occidental, du
pour laquelle Joseph Kabila en a appelle à l’effort de chaque pont Ponzo dans le Bas- Congo ainsi que du pont Loange dans le
Congolais. Bandundu ; le bitumage de la Nationale n°1 de Moanda à Boma
Dans le domaine de la Justice où le Président congolais s’est en- (Bas- Congo) ; l’asphaltage de la route Beni- Kisangani, déjà ef-
gagé à redresser et à assainir le secteur, à valoriser la fonction fectif jusqu’au niveau d’Erengeti ; le bitumage des routes Lubum-
de dire le droit incarné par le magistrat et de promouvoir l’indé- bashi- Kasomeno- Likasi- Kolwezi et Bukavu- Kavumu.
pendance de l’appareil judiciaire, des grandes reformes ont été Par delà la réhabilitation des infrastructures, dans le secteur de
engagées et d’autres sont en cours. On peut noter l’adoption au l’éducation, on peut noter la mécanisation de nouvelles écoles et
Parlement du Code de l’organisation et des compétences des unités de l’enseignement primaire et secondaire, la distribution
juridictions de l’ordre judiciaire ainsi que la loi relative à la Cour des manuels scolaires, la normalisation des années scolaires et
constitutionnelle. académiques etc.
Par ailleurs, des magistrats coupables de manquements graves Dans le domaine de la santé, plusieurs dizaines d’hôpitaux gé-
ont été mis à la porte. Il a été procédé au recrutement de néraux de référence et des centres de santé ont été réhabilités.
nouveaux magistrats dont mille sont déjà déployés dans les Bientôt la ville de Kinshasa sera dotée d’un hôpital ultra moderne,
officines judiciaires pour rapprocher le juge du justiciable. l’hôpital du Cinquantenaire dont les travaux sont au stade final.

82 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Spécial RDC

14e Ligue des champions de la CAF

Le TP Mazembe, champion d’Afrique


2010 pour la 2e fois consécutive
La date du 13 novembre 2010 sera marquée en lettre d’or dans
les annales de l’histoire du football congolais. En effet, après
avoir battu à l’aller Espérance de Tunis par le lourd score
de 5-0, le TP Mazembe de la République Démocratique du
Congo va remporter une victoire historique en obligeant
son adversaire à un match nul 1-1 devant son public à
Radès à Tunis.
Théodore Ngangu

L
’équipe congolaise a arraché
haut la main le double titre
de champion d’Afrique de
la prestigieuse compétition
inter-clubs de la Confédéra-
tion africaine de football, Caf.

Cette victoire a été fêtée avec liesse


sur l’ensemble du territoire de la RDC,
particulièrement à Lubumbashi, dans
la province du Katanga, où l’équipe
a ses racines. Par un heureux hasard,
le président de la République démo-
cratique du Congo, Joseph Kabila,
séjournait dans cette province cupri-
fère. C’est ce qui a donné une autre
dimension à la fête car le 2e doublé
de TP Mazembe est aussi une réalisa-
tion à inscrire dans la politique Parmi les équipes qui vont entrer en
de Cinq chantiers de la RDC, compétition figurent Al Wahda d’Abou
qui veut redorer son image Dhabi (pays hôte), Sc Internacional
dans tous les domaines. La (Brésil/Amérique du Sud), Fc Interna-
bonne prestation de TP zionale (Italie/Europe), Hekari United
Mazembe n’aura pas été Fc (Océanie), Seongnam lithwa Chun-
possible sans la foi d’un ma Fc (Corée du Sud/Asie), Pachuca
homme, Moïse Katumbi, Cf. (Mexique/Amérique du centre,
le gouverneur du Ka- du Nord et des Caraïbes) et bien en-
tanga, qui en est le prési- tendu le TP Mazembe RDC/Afrique.
dent et le sponsor.
L’équipe congolaise, dont c’est
Cette victoire fait entrer la deuxième participation va se
la RDC dans l’édition mesurer, en quarts de finale ven-
2010 de la Coupe du dredi 10 décembre avec le repré-
monde des clubs de la sentant mexicain de Pachuca Cf.
FIFA (Fédération interna-
tionale de football asso-
ciation) qui sera organisée
du 8 au 18 décembre à Abou
Dhabi aux Emirats Arabes Unis.
Moïse Katumbi
Président du TP Mazembe N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 83
Internationale

84 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

Ressources minières et pétrolières au Bénin

Un sous-sol d’une richesse insoupçonnée


Le potentiel du sous-sol béninois constituant un atout majeur D’autres explorations minières
En plus du coltan et de ces différents
pour le développement économique du pays. La découverte sables récemment découverts, le sous-
récente de quelques matières premières stratégiques, sous le sol béninois regorge d’autres minerais
tels que le feldspath, le  marbre qui sert
régime du Président Thomas Boni Yayi, vient montrer que le au revêtement du sous-sol et les dessous
sous-sol du Bénin n’est pas si déshérité. des comptoirs de grandes dimensions,
la pegmatite servant à la fabrication des
fours, découverte à Abomey, à Aplahoué
Par Thierry Glimman noter que, juste après cette découverte, et à Kétou. Il faut remarquer aussi la mise
des exploitants européens et américains à jour des pierres ornementales, qui sont

L
ont commencé à se bousculer aux portes des roches qui, une fois travaillées, pré-
e colombo tantalithe, connu sous du Bénin. sentent un beau poli et peuvent être uti-
le nom de coltan sur le marché, Il suffit donc de songer à la masse des lisées pour le revêtement des sols et des
constitue la dernière découverte devises   que ce minerai peut permettre murs.
en passe de révolutionner la ren- d’engranger pour se faire une idée sur
trée des devises au Bénin. A en croire les son impact dans l’amélioration des Par ailleurs, le Bénin, dans les formations
explications de Cyriaque Tossa, Direc- conditions de vie de la population et du du socle cristallin, dispose d’une gamme
teur général de l’Office béninois des de renforcement du panier de la ménagère. variée de pierres aussi esthétiques les
recherches géologiques et pétrolières unes que les autres et en grande quan-
minières (ObrgmOBRGM), des traces de Face à la question de l’érosion côtière. tité. Parmi celles-ci, on peut citer les gra-
ce minerai auraient été repérées, déjà en Après le coltan, l’Etat béninois a diligenté nites, les syéno-monzonites de la région
1985. Mais, avec le régime du Président une autre équipe de recherches vers de Bétérou, les jaspes et les serpenyini-
Boni Yayi, les recherches se sont accen- l’exploitation des sables autres que ceux tesserpentinites, les granulites et bien
tuées en 2009, confirmant cette hypo- marins, conscient du fait que le cordon d’autres encore. A tout ceci, s’ajoutent le
thèse antérieure. Il montre que cette littoral marin actuel constitue la plus im- fer, le diamant, l’or et le pétrole dont des
découverte a été faite, non seulement à portante réserve de sable exploitée au traces existeraient dans le Département
Ouèssè, à Bétéou et à Idadjo, des locali- Bénin. En vue donc de freiner ce type du Littoral, si on s’en tient aux déclara-
tés du centre du pays, mais également d’exploitation qui met en péril le pays, tions des experts. Avec ses ressources
à Tchaourou, la Commune d’origine du le Gouvernement a très tôt fait de mettre minières doncdont, notamment le coltan
chef de l’Etat. en évidence d’autres gisements de sable très recherché, le Bénin effacera de l’his-
dans les plaines alluviales, les plans et les toire, le mythe d’un  pays sans richesses
Le coltan, une richesse minière cours d’eau. minières.   ■
Le coltan, selon les déclarations du Ces nouveaux gisements, localisés
Directeur de l’Obrgml’OBRGM, est une dans les départements côtiers de l’At-
matière première qui entre dans la fa- lantique, de l’Ouémé, et du Mono,
brication des téléphones portables et et dans un autre du nord du pays,
des micro-ordinateurs. C’est   donc un le Borgou-Alibori, vise à mettre un terme
outil de développement très important à l’exploitation massive du sable marin,
aujourd’hui. A l’heure où la téléphonie Le coltan
exploitation entretenant dangereuse-
mobile connaît une véritable révolu- ment l’érosion côtière. C’est d’ailleurs
tion, où avoir un téléphone portable ou ce qui explique la prise d’une ordon-
un ordinateur, surtout portatif, se révèle nance par le Chef de l’Etat, pour
d’une grande utilité, on peut  se réjouir et la construction des épis, pour une
déclarer, sans risque de se tromper, que valeur de plus de 30 milliards de
le Bénin entre par la grande porte sur le francs Cfa.
marché international de commerciali- Quant au sable siliceux ou de ver-
sation d’une matière première, non des rerie, son existence est une réalité
moindres. Seulement, ce rêve du gou- dans la région de Sèmè, départe-
vernement béninois et de son peuple, ment de l’Ouémé, au sud côtier,
a-t-il rappelé, ne sera concrétisé que si ce avec 1’200’000 tonnes et dans
gisement est  bien exploité, d’une part, et la région de Houéyogbé, dans le
que soit bien menée sa promotion sur le Mono, avec 700’000 tonnes, fa-
marché international, aussi concurrentiel ciles à décupler.
qu’il soit, d’autre part. A ce propos, il faut

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 85


Internationale

Infrastructures routières et des transports

Un bilan élogieux pour Boni Yayi


En avril 2006, Boni Yayi a lancé un vaste programme de grands travaux publics pour le Bénin.
Il en a fait l’un des axes majeurs de son ambition pour un «Bénin émergent». A quelques mois
de l’échéance présidentielle de mars 2011, un bref aperçu des réalisations montre une grande
réussite du Président béninois.
Par Bernado Houenoussi
fut le cas avec la place de l’Etoile Rouge

D
pour le régime du Parti populaire de la
ans tous les gouvernements de plusieurs infrastructures, grâce à l’in-
révolution du Bénin (PRPB) de Mathieu
qu’il a nommés, depuis qu’il a jection des fonds du budget national et
Kérékou dans les années 1970-1980.
pris les rênes de l’Exécutif au des partenaires extérieurs du Bénin. Les
La mise sur pied de ces ouvrages spéci-
Bénin, Boni Yayi a toujours transports ferroviaires se sont vus insuf-
fiques a coûté environ 40,5 milliards de
donné au Ministère chargé des travaux fler un second souffle. C’est ainsi que le
Fcfa. La modernisation du réseau routier
publics et des transports, les préroga- gouvernement a relancé les activités de
s’est, quant à elle, concrétisée par l’amé-
tives d’un ministère délégué auprès du l’Organisation commune Bénin-Niger
nagement, à Cotonou et dans plusieurs
Président de la République. Un signal fort (OCBN). Du matériel a été acquis et les
autres départements, de routes qui sont
de l’importance qu’il accorde à ce sec- voies ferrées sont en cours de réhabi-
indispensables au déplacement des ha-
teur. En plus de quatre ans de gestion du litation. Au niveau de la construction
bitants et au transport des marchandises
pouvoir, plusieurs chantiers ont été en- d’ouvrages spécifiques, deux postes de
en provenance du Port autonome de Co-
gagés. Entre autres, la modernisation du péage-pesage ont été construits, dont
tonou, pour les pays tels que le Nigéria et
réseau routier a été poursuivie, des ou- l’un à Ahozon sur la route menant à
le Niger, à titre d’exemples. Il a fallu l’injec-
vrages spécifiques ont été construits et Ouidah, une ville située à un peu moins
tion d’un peu moins de 200 milliards de
des localités ont été désenclavées, grâce d’une vingtaine de km de Cotonou, la
Fcfa pour voir concrétiser cette moder-
à la construction et à la réhabilitation capitale économique du pays. Deux pas-
nisation. Quant au désenclavement de
de pistes, afin de réduire durablement sages supérieurs ont pris place dans le
certaines localités, il aura coûté environ
la pauvreté dans ces paysage de la ville de Cotonou. Et,
54 milliards de Fcfa.
zones. Et, aucun c’est l’une des réalisations que
des douze dépar- te - le régime de
ments du pays n’a Boni Yayi a
été laissé pour déjà léguée
compte. Tous, à à la postérité,
des degrés divers, comme ce
ont bénéficié

Le président Boni Yayi, en visite sur le chantier de


l’ échangeur de Godomey

86 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

Des travaux d’un autre type


Au niveau des transports aériens, il est
à noter une extension du parking gros
porteur de l’aéroport de Cotonou et la
construction en cours de l’aéroport de
Tourou. Au-delà de ces différentes réa-
lisations, plusieurs autres travaux sont
également en cours de réalisation. C’est
ainsi qu’un échangeur est en construc-
tion dans la localité de Godomey, un ar-
rondissement de la Commune de Calavi,
dans le cadre du volet relatif à la construc-
tion d’ouvrages spécifiques. Les routes
utilisées pour le transport des marchan-
dises vers les pays de l’hinterland doivent
également bénéficier de fonds néces-
saires afin de permettre de ranger aux Le Ministre des Transports Terrestres, Nicaise Fagnon
calendes grecques, les désagréments avec le Président de la République Boni Yayi
qu’elles créent aux usagers nationaux et
internationaux. Et, sur ce point, les diffé-
rents financements nécessaires sont en
passe d’être bouclés, afin de permettre
le début effectif de ces travaux. Au-delà
de ces plusieurs centaines de milliards
qui ont été dépensés, ces différentes
constructions ont permis également à
plusieurs milliers de Béninois, engagés
en tant ouvriers sur ces projets, et dont
bon nombre étaient au chômage, d’avoir,
ne serait-ce que, pour un laps de temps,
un revenu permanent. Une manière de
leur donner du pouvoir d’achat afin de
les inciter à consommer et de permettre,
par extension, une relance de l’économie
nationale. Par la concrétisation de ses
grandes ambitions dans le domaine des
Transports au Bénin, Boni Yayi a mis plus
que jamais en vue ses qualités de déve-
loppeur, qu’on lui connaissait, étant Pré-
sident de la Banque ouest-africaine de
développement (BOAD), de 1994 à 2006. Le passage à niveau de Houéyiho a Cotonou

L’axe Godomey Abomey Calavi

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 87


Internationale

Environnement et protection de la nature au Bénin

Les eaux et forêts, un secteur


en pleine réussite
La Direction des Eaux et forêts, au Bénin, dépend du Ministère de l’Environnement.
Si ce domaine réussit sa vie aujourd’hui, il a fallu le génie d’un homme imprégné des
spécificités qui régissent ce secteur.
Par Bernado Houenoussi

L
de la réorganisation du service forestier. dans la gestion de ces ressources s’est
e domaine forestier de l’Etat
Ces orientations, telles que déterminées, notamment matérialisée au niveau des
béninois comprend deux parcs
ont induit l’implication des populations forêts classées et des parcs nationaux
nationaux : le Parc national W
dans la gestion des ressources fores- qui font partie du domaine forestier de
et le Parc national de la Pen-
tières, car elles en constituent un acteur l’Etat béninois. Pour ce qui concerne les
jari, trois zones cynégétiques, 58 forêts
clé. Cela a pour avantage de prendre en forêts, c’est avec l’appui du Projet de ges-
classées et périmètres de reboisement.
compte certaines de leurs préoccupa- tion des ressources naturelles (PGRN)
Cet ensemble couvre une superficie
tions, celles-ci étant relatives à la mise que cela a été concrétisé. Il a permis, en
de 2’699’500 ha. Depuis une vingtaine
en place d’activités rémunératrices, à la guise de première expérience, l’élabo-
d’années, des réformes profondes ont
lutte contre la pauvreté et à la mise en ration du Plan de gestion participative
été engagées dans le secteur. Un fait
valeur du rôle des femmes. des forêts (PAPF), qui a pris en compte
rendu indispensable par la dégradation
La volonté d’impliquer les populations celles classées de Tchaourou et de Toui
des forêts. C’est ainsi qu’une
Kilibo. Cette expérience ayant
refonte du cadre législatif a été
été concluante et donc positive
amorcée dans les années 1990.
dès 1996, le PAPF a été étendu
Depuis lors, deux lois portant
aux autres forêts classées du
sur le régime des forêts, d’une
pays. Et, jusqu’à aujourd’hui,
part, et sur celui de la faune,
il est toujours une réalité
d’autre part, en République
concrète. Avec la mise en place
du Bénin, ont été adoptées et
du PAPF, plusieurs avancées
promulguées. Mais, mis à part
positives, telles que définies
le fait que ces deux lois devai-
avec les orientations, ont dès
ent répondre au problème de
lors été possibles. L’apiculture,
la dégradation des forêts, le
l’aulacodiculture, la cuniculture,
législateur s’est fixé un objectif
toutes des activités génératrices
qui coiffe les grandes orienta-
de revenus, ont été créées pour
tions et les priorités du secteur
les populations riveraines. Aussi,
forestier. Il s’agissait, notam-
pour maintenir constante leur
ment, de  contribuer à l’amé-
mobilisation autour de ces acti-
lioration des conditions de
vités, des organisations locales
vie des populations du Bénin,
sont impliquées dans l’aména-
tout en impulsant la priorité
gement des forêts. Cet aména-
d’une gestion efficace des res-
gement permet, entre autres,
sources naturelles, entre autres.
de protéger la forêt, de lutter
contre les feux, contre l’exploi-
Il a été ainsi décidé de promou-
tation frauduleuse et contre
voir l’adhésion des populations
la transhumance.
à la gestion des ressources
forestières au développement
Grâce à la gestion participa-
des communautés à la base.
tive, des infrastructures socio-
En outre, la pérennisation et
Ministre de l’Environnement et de la Protection de la Nature(MEPN), communautaires telles que des
la conservation du patrimoine
modules de classes et des pistes
forestier ont été accompagnées Monsieur Justin Sossou ADANMAYI.

88 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

rurales ont vu le jour. Mais, surtout,


cette approche a permis, en associant
les riverains, de freiner la dégradation
des ressources forestières. La nouvelle
approche, au niveau de la gestion par-
ticipative, concerne également les parcs
nationaux. Ici, le Centre National de Ges-
tion des réserves de Faune (CENAGREF),
un Office d’Etat à caractère social, cultu-
rel et scientifique, créé en 1990, a pour
mission de conserver et de gérer les
aires protégées du Bénin. Il joue un rôle
clé auprès de ces deux parcs nationaux.
Ainsi, les réformes dans le domaine des
Eaux et forêts au Bénin ont pu, au fil des
années, connaître un grand succès, du
fait de la proximité de l’homme avec
les règles intrinsèques de fonctionne-
ment des milieux naturels concernés, en
symbiose avec la communauté humaine
dont la survie dépend de ces richesses
environnementales. ■ Parc National de la Pendjari (PNP) est situé à l’extrême Nord-Ouest du Bénin

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 89


Internationale

Economie au Bénin

Un bilan sous perfusion de la


crise mondiale CFA. A la fin de cette même année 2007,
A l’arrivée du Président Boni Yayi à la Magistrature suprême du la croissance du PIB béninois devait at-
Bénin, l’économie n’était pas en grande forme. Plus de quatre teindre un taux de 7%. Mais c’était comp-
ter sans la crise économique internatio-
années de pouvoir du Changement après, la croissance écono- nale dont les retombées profondément
mique se trouve pratiquement an même niveau mais, sans que négatives sont venues plomber cette pé-
riode prospère. Sinon, le Chef de l’Etat bé-
l’économie présente les mêmes composantes. ninois, au cours de son discours sur l’Etat
de la Nation, devant les Députés, le 27
Par Marcel Kpogodo décembre 2007, annonçait une crois-
sance de 7%, pour 2008, expliquant

Q
uelques semaines après sa prise que cet essor avait été provoqué par
de pouvoir le 6 avril 2006, le ré- l’abondance des récoltes, par un raffer-
gime du Changement, par le missement de la demande intérieure des
biais de Pascal Irénée Koupaki, biens d’équipements et de construction,
Ministre du Développement, de l’Econo- impulsés par les grands travaux d’infras-
mie et des Finances, de l’époque, situait tructures et des revenus des travailleurs
la croissance économique du Bénin à et par les financements mis en place par
2,9%. Depuis, beaucoup d’eau a coulé les Banques, soit plus de 8%, entre 2006
sous les ponts et le Bénin envisage de et 2007. Ainsi, à en croire les propos du
se retrouver à un niveau de 3,5% en n° 1 des Béninois, à cette époque, les
cette année 2011, avec un taux d’infla- dépôts collectés par ces établissements
tion contenue dans les limites de 3%, de crédits ont connu une augmentation
prescrites par l’Union économique et de 44%, favorisant ainsi le climat des
monétaire oust-africaine (UEMOA), à en investissements.
croire les déclarations du Ministre béni-
nois de l’Economie et des Finances, Idriss Des réponses à la crise
Daouda, à l’Agence de Presse Africaine Lorsque la crise internationale est surve-
(APA), au début du mois de novembre nue, le Gouvernement béninois avait pris
2010. Selon la même personnalité, cette Idriss Daouda, Ministre de l’Economie et des Finances plusieurs mesures d’exonérations fiscales
croissance était de 2,7% en 2009 et de pour soutenir les entreprises béninoises,
2, 8% en 2010. de l’Etat, avait laissé une situation budgé- les poussant ainsi à ne pas augmenter de
taire se matérialisant par une augmenta- façon prohibitive le coût des produits de
D’une époque de gouvernance à l’autre, tion plus rapide des dépenses publiques première nécessité. Aussi, en 2008, plu-
le Bénin a connu des moments d’embel- que des recettes de l’Etat, ce qui a contri- sieurs réformes ont été conduites dans le
lie et des périodes de réelles difficultés. bué à alourdir le déficit, déjà trop élevé. but d’assurer la compétitivité de l’écono-
L’insuffisance de la croissance écono- mie nationale et de réunir les conditions
mique, en ce début du mandat du Prési- Face à un tel diagnostic peu reluisant, de l’émergence économique. Elles ont
dent Boni Yayi, était liée à la lenteur dans les réformes structurelles ont été mises consisté en la réforme globale de la filière
la mise en œuvre des réformes structu- en œuvre par la nouvelle équipe exécu- coton, au désengagement de l’Etat de la
relles et budgétaires dans les secteurs de tive. Comme résultats, il a fallu assister à Continental Bank-Bénin, en la cession des
l’énergie électrique, des transports et de une remontée de la croissance de 2,9% à hôtels de la Plage et Croix du Sud, en la
la télécommunication. En outre, à cette 3,8% en 2006 et à 5,3% en 2007. Les per- mise en concession de deux nouveaux
période, il était difficile pour les Béninois formances des services douaniers ont été quais à construire au Port de Cotonou,
de s’approvisionner en produits pétro- pour beaucoup dans cette hausse du PIB. en vue d’améliorer les performances de
liers dans les stations d’essence du pays. En 2007, en effet, les recettes douanières toute la plate-forme portuaire, et en l’ou-
Ce sont autant d’éléments qui avaient ont enregistré un taux de réalisation de verture du capital de Bénin Télécoms S.A.,
contribué au ralentissement de la crois- 105%, atteignant le chiffre appréciable dans le cadre de la politique de libéralisa-
sance du Bénin. Par ailleurs, le Président de 252 milliards de Franc CFA pour une tion du secteur des télécommunications.
Kérékou, prédécesseur de l’actuel Chef prévision de 232,6 milliards de Franc A part ces différents secteurs straté-

90 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

giques, l’Etat s’était intéressé à bien tant ainsi la consommation intérieure.


d’autres: il s’est désengagé de la Société Par ailleurs, depuis le 14 juin 2010,
des Ciments d’Onigbolo (SCO), a conduit le Bénin se trouve sous le coup
la réforme de la Société Béninoise d’En- d’un programme d’ajustement
ergie Electrique (SBEE) et a préparé structurel, ceci se traduisant
l’amélioration du climat des affaires à tra- par la mise en œuvre de me-
vers une fiscalité de développement. Se sures préalables conte-
rapportant à ce dernier facteur, le Gou- nues parmi les grandes
vernement a pris un certain nombre de réformes indiquées
dispositions d’allègement fiscal à partir précédemment et par
de la Loi des finances 2009, afin de pro- l’information men-
mouvoir l’initiative privée, moteur de la suelle du FMI de l’évo-
création de richesses et des emplois. lution de l’économie
Plusieurs autres actions ont été menées, béninoise et de ces ré-
notamment, la poursuite de la mise en formes. Pour un Président qui
œuvre du Projet de la Zone Franche In- rêvait pour son pays d’une
dustrielle de Sèmè-Podji et le démarrage croissance à deux chiffres, le
du programme de restructuration et de voilà contraint de mettre à pro-
mise à niveau des entreprises. fit, pour gérer une crise interna-
tionale dans ses effets lointains
Il s’agit d’une batterie de réformes qui et impitoyables, son génie d’ini-
n’ont pas réussi à relancer l’économie tiatives, sans lequel le Bénin aurait
béninoise. C’est ce que constate une mis- revêtu un état économique pire. ■
sion du Fonds monétaire international
(FMI), dirigée par Johannes Mongardini,
qui a séjourné au Bénin du 11 au 26 mars
2010. Il ressort de son rapport que le
taux de croissance du PIB réel est tombé
à 2,7%, en 2009, contre 5,0%, en 2008,
avec une inflation qui est descendue à un
taux moyen de 2,2%, à cause de la baisse
des prix des carburants et des produits
alimentaires. Selon toujours ce Rapport,
on a assisté à une stagnation des recettes
publiques, étant donné, entre autres, la
baisse de l’activité commerciale. Fina-
lement, en fin d’année 2010, le Bénin,
qui était attendu par la Banque afri-
caine de développement (BAD) à
5,2%, n’a pu se porter qu’à 3,2%,
ce qui montre que les chocs
conjugués de la crise mon-
diale n’ont fait que frapper ce
pays et, mesure aggravante,
les sociétés illégales de pla-
cement d’argent sont ve-
nues délester bon nombre
de foyers béninois de
leurs économies, com-
promet-

Le Président de la République du Bénin, le Docteur Boni YAYI

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 91


Internationale

Enseignement au Bénin

Boni Yayi concrétise sa révolution


du secteur de l’éducation

Jusqu’à une époque récente, l’une des franges considérées,


au Bénin, comme le parent pauvre de l’emploi, est celle des
enseignants. Mais, depuis l’avènement démocratique, en avril
2006, du régime du Président Boni Yayi, c’est un grand et pro-
fond bouleversement positif dont est l’objet la corporation des
enseignants béninois, de l’enseignement primaire au supérieur,
en passant par le secondaire.
Par Marcel Kpogodo

T
out le monde le reconnaît vo- ment. Ils sont à peu près six, en pleine
lontiers au Bénin : la frange pause de récréation. Dès que la ques-
des enseignants est l’une de tion est lancée, cherchant à savoir si
celles que le pouvoir du Pré- quelque chose a changé dans leur vie,
sident Boni Yayi a portée à un niveau un certain enthousiasme se lit sur les
élevé d’amélioration des conditions de visages : « C’est vrai, quelque chose a
vie de ses membres. Dans le Collège changé ; moi, par exemple, avant Yayi
d’enseignement général de Houèyiho, Boni, j’étais encore enseignant vaca- Monsieur Natondé AKE, Ministre de l’Enseignement Secon-
à l’ouest de Cotonou, nous nous por- taire de l’enseignement secondaire daire, de la Formation Technique et Professionnelle
tons vers un groupe de professeurs que mais, aujourd’hui, je suis contractuel de
nous avons interrogés sur leurs condi- l’Etat, sans avoir passé un concours », se tuels de l’enseignement secondaire
tions d’existence et de travail, depuis lance Serge Fadonougbo, Représentant général, technique et professionnel
l’avènement du régime du Change- local du Syndicat national des contrac- (Synaces-gtp). « Il est vrai qu’autant que

92 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

nous sommes, nous nous trouvons des instituteurs et des professeurs,


maintenant reversés dans la fonction tous corps confondus, a été augmen-
publique béninoise avec un statut té de 25 %. Et, ce n’est pas fini ! Dans
de contractuel de l’Etat, nous avons le monde des universitaires, beau-
un salaire fixe et régulier tous les coup d’avantages ont été acquis sous
mois ainsi qu’une fiche de paie, nous le régime du Président Boni Yayi. Les
cotisons à la Sécurité sociale. Nous derniers en date sont devenus réalité
sommes sortis de la précarité d’une depuis la dernière semaine du mois
carrière sans boussole et ceci grâce à de novembre 2010. Ainsi, un commu-
la lutte féroce des syndicalistes ! Sans niqué de la Fédération des syndicats
eux, Yayi Boni n’aurait rien fait ! », réa- de l’éducation nationale de la Confé-
git Raymond Aïmontché. « Mais non ! dération syndicale des travailleurs
Il ne peut pas dire ça ! Il y a eu des du Bénin (Fésen/Cstb), daté du
grèves plus féroces sous le Président 24 novembre 2010, laisse entendre
Kérékou, souvenez-vous en ! », s’in- que, depuis la fin du mois d’octobre
digne Modeste Takpé. «La dernière 2010, sur leur fiche de paie, les pro-
a duré d’octobre 2004 à février 2005 fesseurs de l’Enseignement supérieur,
et le Président de la République, en selon les différentes catégories, ont
ce temps-là, n’avait concédé que constaté plusieurs augmentations :
sept mille francs (Ndlr : Cfa) d’ajout les professeurs titulaires, les maîtres
sur le salaire des professeurs agents de conférence, les maîtres-assistants
permanents et contractuels de l’Etat et les enseignants du corps autonome
et, c’était tout ! Cela montre qu’il y a des professeurs, les enseignants
quand même une volonté politique, corps autonome des professeurs-as-
sous Yayi Boni, de satisfaire les en- sistants, et les assistants voient leur
seignants ! », finit-il, coupant. Quand Monsieur Félicien Chabi Zacharie, Ministre des Enseigne- salaire multiplié, respectivement, par
la fin des vingt minutes de récréa- ments Maternel et Primaire. 3 ; 2,8 ; 2,5 ; 2 et 1,5. Ensuite, le même
tion sonne, ce sont des enseignants communiqué précise que trois arrê-
surchauffés qui me quittent pour re- recrutement massif. Un énorme risque tés importants ont été pris le 13 sep-
joindre leurs élèves, chacun écartelé qu’il a donc pris pour les finances pu- tembre 2010, et appliqués : le n°390-C/
entre son bord politique favorable ou bliques afin de sécuriser la carrière de MENRS/MTFP/MEF/DC/DGM/DRH, por-
non au régime politique en place et la milliers d’enseignants béninois, par le tant indemnité de logement, le n°391-
nouvelle réalité tangible des meilleures reversement. C’est un processus qui a C/MENRS/MTFP/MEF/DC/DGM/DRH,
conditions de vie des professeurs. débuté en 2007 et qui s’achève par la portant indemnité d’expertise, et le n°
possession par ces maîtres, maîtresses 389-C/MENRS/MTFP/MEF/DC/DGM/
La force des preuves et professeurs de leur contrat de tra- DRH, portant indemnité de risque. Ce
Mais une réalité s’impose : il a fallu que vail administratif, prenant effet au 1er qui restera, en outre, à concrétiser sont
Boni Yayi arrive au pouvoir au Bénin janvier 2008. Les avantages de cette les décrets portant indemnité de biblio-
pour que pas moins de trente mille en- situation sont nombreux. A en croire thèque, d’une part, et portant prime
seignants de la maternelle, du primaire Serge Fadonougbo, non seulement les de bibliothèque, d’autre part. Mais,
et du secondaire passent du statut d’oc- concernés bénéficient de la batterie de ces deux textes ne peuvent être ren-
casionnels dont, selon leur bon vouloir, primes allouées à chaque début de ren- dus concrets sans un réaménagement
les autorités des écoles et des collèges trée scolaire aux enseignants béninois de la Loi portant Statut particulier des
renouvelaient le contrat annuellement mais, aussi, ils sont payés pendant les enseignants du Supérieur. Si Alphonse
et disposaient du sort social, à celui du vacances et peuvent avoir accès au prêt da Silva, Secrétaire général du Syndicat
corps plus sécurisant d’Agents contrac- bancaire. C’est donc la fin d’un grand national de l’enseignement supérieur
tuels de l’Etat. Une véritable révolution, calvaire social pour les enseignants (SNESup) reconnaît l’effectivité de ces
surtout que les recrutements dans la nouvellement titularisés des écoles de différents acquis, il relève qu’il s’agit
fonction publique, jusqu’en 2006, se la maternelle, du primaire, du collège d’une avancée manifeste dont il félicite
réalisaient de manière très parcimo- et du lycée. les différents bénéficiaires pour l’unité
nieuse et que le Fonds monétaire inter- d’action qu’ils ont montrée pour leur
national et la Banque mondiale avaient D’autres avantages généraux obtention; il fait sentir, par ailleurs, que
imposé des cadrages complètement Comme si le bonheur ne s’arrêtait pas à le défi des professeurs du Supérieur est
restrictifs. Ce recrutement massif ayant ce niveau, tous les enseignants agents de travailler beaucoup mieux pour mé-
fait passer la masse des fonctionnaires permanents et contractuels de l’Etat, riter les nouveaux avantages salariaux.
de l’Etat de 47’175 à 78’175, le Président comme tous les autres fonctionnaires, Finalement, en accordant une part non
de la République a dû effectuer une de façon globale, avaient bénéficié de négligeable de satisfaction aux ensei-
mission auprès du Fonds monétaire in- quelques augmentations salariales: le gnants, dans le bilan de son premier
ternational et de la Banque mondiale, point indiciaire a été revalorisé de 5%, quinquennat, Boni Yayi aura relevé un
du 29 novembre au 4 décembre 2009, respectivement, en 2007 et en 2008. défi de taille. ■
pour expliquer les motivations d’un tel Mais, spécifiquement, le salaire brut

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 93


Internationale

Jeunesse au Bénin

Une frange sociale prioritaire


Le pouvoir du Changement fait de la jeunesse béninoise le fondement de l’accession du Bénin
au statut très envié de pays émergent. De cet idéal à sa concrétisation, il faut des préalables
dont le Président Boni Yayi s’est donné, au cours de son premier quinquennat, les moyens
d’affermir les bases.
Par Marcel Kpogodo

L
’emploi constitue un volet majeur permet
dans les initiatives que je préco- q u e
nise pour la construction d’un
Bénin émergent.» Voilà le credo
de l’Agenda pour un Bénin émergent,
produit par le Chef d’Etat béninois, en
tant que Candidat à la Présidence, en
faveur d’une jeunesse très active et mo-
tivée pour se mouler dans les exigences
devant conduire le Bénin à poursuivre
une expérience démocratique enviée et
respectée à travers le monde mais, aussi,
à porter ce pays vers une économie qui
puisse épanouir la population.
C’est ce contexte de travail dans lequel
le Président Boni Yayi choisit d’inscrire
la jeunesse de son pays. Ainsi, à son ac-
cession au pouvoir, il a mis à son actif
plusieurs initiatives visant à pénétrer
cette frange de la population de cette
vision, contenue dans son projet de so-
ciété. Formellement, la première d’entre
elle s’est constituée sans tarder, du 8 au Le président de la république le docteur Boni YAYI avec Le ministre de la micro finance Réckya Madougou
10 mars 2007, avec le soutien du Pro-
gramme des Nations unies pour le dé- la jeunesse béninoise se lance dans des désenchantement liées à leur projet, et
veloppement (PNUD): le Forum national projets d’auto-emploi, afin de contri- s’investissant pour réussir le cahier des
sur l’emploi des jeunes. Ce dernier a dé- buer à la création de la richesse natio- charges soumis au FNPEEJ. C’est donc un
bouché sur un paquet de neuf recom- nale. Ainsi, à la fin de l’année 2008, pas risque que le pouvoir du Docteur Boni
mandations dont la grande partie s’ins- moins de 602 projets de jeunes ont été Yayi a pris, afin de laisser une chance aux
crivent dans trois grands domaines que financés, générant, par là, 3’500 emplois jeunes qui se plaignent à longueur de
le Président conçoit comme stratégiques indirects. Par ailleurs, courant octobre- journée, partout où ils peuvent le faire,
et incontournables pour la jeunesse, que novembre 2010, Reckyath Madougou, de l’absence d’assistance de l’Etat, en ce
sont la formation, l’auto-emploi et l’agri- Ministre de la Micro-finance et de l’em- qui concerne les projets d’auto-emploi.
culture. Prévu pour conduire à la réalisa- ploi des jeunes et des femmes (MFEJF), A travers cet acte qui ne portera pas ses
tion du vaste programme post-Forum, s’est donné comme mission de sillonner fruits aujourd’hui, Boni Yayi montre sa
un Comité de pilotage et de suivi de la les sites d’installation de jeunes financés foi en la jeunesse de son pays, elle qui
mise en œuvre des recommandations du par le FNPEEJ. A certains endroits, un n’a pas hésité à faire montre de ses ca-
Forum national sur l’emploi des jeunes a constat désolant d’abandon du projet, rences en matière de prise en charge
été mis sur pieds, sous la direction d’Eric après avoir bénéficié des millions du mais, aussi, de son degré d’assimilation
Adja, Conseiller technique à la Jeunesse Fonds, écoeure la délégation ministé- de la vision pour la jeunesse du Chef de
du Chef de l’Etat. Il débouche concrète- rielle, alors qu’à d’autres lieux, ce sont l’Etat béninois. En outre, les initiatives du
ment de la tenue de ses grandes assises: des esprits plus endurants et plus te- chantre du Changement ont matérialisé
c’est le Fonds national de promotion de naces qui continuent de suivre la ligne leur caractère tangible à travers un autre
l’entreprise et de l’emploi des jeunes entrepreneuriale de conduite qu’ils se projet de poids: le Service militaire d’in-
(FNPEEJ). Sans tarder, il bénéficie d’un sont imposés, faisant courageusement térêt national (Smin). Ce dernier a vu, de-
budget de six milliards de Francs Cfa et face aux difficultés et aux situations de puis 2007, enrôler des milliers de jeunes,

94 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

que les mesures de gratuité de l’école


maternelle et primaire vont au profit
d’une scolarisation plus abondante de
la frange enfantine et que la gratuité,
imposée aux collèges et lycées publics,
pour la rentrée scolaire 2010-2011, en
faveur des filles inscrites en 6e et en 5e, va
dans le sens de valoriser l’instruction de
la jeunesse féminine, toujours marginali-
sée par le passé, face à l’école.
Mais, depuis l’année 2008, la décision
de gratuité de l’inscription ouvre les
chances et les opportunités de la forma-
tion universitaire publique à des milliers
de jeunes titulaires du baccalauréat, non
boursiers, ni secourus par l’Etat. En fin de
compte, la jeunesse n’est pas le parent
pauvre du régime du Changement et,
tout ce qui se révèle à l’actif de ce pou-
voir constitue l’arbre qui cache la forêt,
pour peu que l’on choisisse de s’aventu-
rer dans le domaine sportif où la promo-
tion de la jeunesse est plus patente que
jamais.
Boni Yayi est donc un véritable pionnier
de la valorisation de la jeunesse de son
pays et, comme tout pionnier, les calculs
Le président de la république le docteur Boni YAYI avec Eric Adja, Conseiller technique à la Jeunesse du Chef de l’Etat et politiques aidant, il reste incompris et
Président du Comité de Suivi du Forum sur l’Emploi des Jeunes peu gratifié, le temps que les brumes de
d’une fourchette de 18 à 35 ans, dans Par ailleurs, de l’armement nationaliste à l’intoxication politique se dissipent et
une formation militaire à but patriotique l’octroi d’un emploi sûr, il n’y a qu’un pas, que les esprits touchent concrètement
aux fins de «transformer positivement ce qu’a vite franchi le n°1 des Béninois, du doigt la portée des initiatives coura-
et, de façon progressive, l’administra- en faisant reverser plus de trente mille geuses de cette personnalité qui aura
tion béninoise en donnant aux jeunes jeunes enseignants occasionnels dans aussi marqué la frange juvénile de son
fonctionnaires le goût, l’éthique du ser- la catégorie des Agents contractuels de empreinte incontestée de développeur
vice et du travail bien fait», rappellera l’Etat, avec tous les droits y afférant. Et, et d’homme créatif. ■
le Président Yayi, dans son discours face le bilan du Président en faveur de la jeu-
aux appelés du Smin, promotion 2008, à nesse ne cesse de s’enrichir, après plus de
Ouidah, le 25 novembre 2008. quatre années de pouvoir, quand on sait

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 95


Internationale

Sénégal

Abdoulaye Wade
veut rempiler, malgré tout
En février 2012 se tiendra la
prochaine élection présidentielle au
Sénégal. Mais, depuis septembre
2009, soit deux ans et demi avant
cette joute électorale, Abdoulaye
Wade, l’actuel Président de la
République, a annoncé qu’il sera
candidat à ce scrutin. Une décennie
après son accession à la présidence,
le chantre du «Sopi » tient toujours à
garder les rênes du pouvoir.
Par Bernado Houenoussi

L
orsque les Sénégalais iront voter en
2012, l’actuel Chef de l’Etat, candidat
à sa propre succession, aura plus de
86 ans. Malgré un âge avancé, qui aurait
poussé plus d’un à prendre une retraite
politique, Abdoulaye Wade se voit bien gagner
une troisième fois d’affilée le scrutin présidentiel.
L’opposition soulève l’inconstitutionnalité d’une
telle candidature, le nombre de renouvellement
du mandat étant de deux. Mais, rien n’y fait et
Wade avance tranquillement. Pour brouiller les
pistes, depuis mai 2009, Karim Wade, son fils,
à ses côtés en tant que Conseiller depuis 2001,
gravit à grandes enjambées les marches mi-
nistérielles devant lui permettre de se donner,
éventuellement, une carrure de présidentiable
dans le camp du Parti Démocratique Sénégalais
(PDS), au pouvoir. Ses prérogatives ministérielles,
qui vont de la Coopération internationale à
l’Energie, très récemment, en passant par les
Transports aériens et les Infrastructures, font
de lui un Super-ministre. Mais, au PDS, tout le
monde se tait, face à cette promotion du fils
du Président; c’est un parti divisé par les luttes
intestines entre Idrissa Seck, et Karim Wade,
entre autres, tous les deux étant des poulains
politiques d’Abdoulaye Wade, appelé Gorgui,
«le Vieux», en wolof. En annonçant donc sa
prochaine candidature, le Président sénégalais ??????????

calme provisoirement les ardeurs de ceux-ci. Le président sénégalais Abdoulaye Wade

96 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

La poisse énergie
Le contexte d’une telle volonté prési-
dentielle de s’accrocher à ses charges
reste que le Sénégal subit depuis plu-
sieurs mois une grave crise énergé-
tique qui a d’ailleurs coûté sa place de
Ministre de l’Energie à Samuel Sarr, en
octobre dernier. C’est une charge sen-
sible qui s’est vue confier à Karim Wade,
déjà Ministre d’Etat et Conseiller finan-

Photo: AFP
cier du Président de la République. Le
fils s’attaque donc à un dossier épineux
dont les conséquences tant sociales Moustapha Niasse, leader de l’Alliance des forces de progrès (Afp)
qu’économiques sont incommensu-
rables. Il s’agit d’un déficit énergétique faits. Selon eux, c’est l’utilisation d’un tion, en cas de désunion dans ses rangs,
qui bouleverse la vie des Sénégalais combustible de mauvaise qualité qui a est de voir Abdoulaye Wade, candidat
dont la grande majorité a toutes les induit la baisse de la production éner- déclaré à sa propre succession, pourvu
peines du monde à faire face à la crise gique dans le pays, cela ayant entraîné de chances de tirer son épingle du jeu,
économique. Ceux-ci ruent dans les les problèmes mécaniques des groupes comme cela fut le cas en 2002.
brancards en portant des brassards qui tournent au diesel, notamment au
rouges et en refusant de payer leurs fac- niveau de la partie «Injection» de ces Quoi après l’alternance «Sopi » ?
tures. générateurs. Mais, les politiques sont Il y a un peu plus de dix ans, Wade l’op-
Quant à la compagnie publique d’électri- aussi entrés dans la danse. L’opposition, posant renvoyait Abdou Diouf et le PS
cité, la Sénélec, des explications, livrées notamment le Parti socialiste, reconnaît du pouvoir, vers l’opposition. Depuis,
sporadiquement, pour expliquer le dé- que le problème existait avant l’élection bien qu’il y ait eu une politique des
lestage, ne semblent pas convaincre de Wade en 2000. Mais, elle affirme, dans grands travaux et des réformes dans
grand monde dans le pays. Les Sénéga- le même temps, que la situation actuelle l’agriculture, entre autres, le bilan est
lais en sont venus à ne bénéficier que est plus catastrophique. globalement mitigé. En effet, l’opposi-
d’une fourniture quotidienne de l’éner- tion reproche à l’Exécutif sénégalais, no-
gie électrique de quatre heures au maxi- Des défis pour l’opposition tamment, une confiscation du pouvoir,
mum. Les habitants racontent combien Les élections locales de mars 2009 qui ne sert les intérêts que d’un homme :
leur vie est rendue difficile par la chaleur étaient le dernier test électoral pour la Abdoulaye Wade. En témoignent, selon
de la nuit. Leur rythme de vie a changé, mouvance présidentielle et l’opposi- elle, les nombreuses modifications de la
et ils ne dorment le soir que lorsque le tion avant 2012. Ces consultations ont Constitution du pays. Des changements
courant revient en plein milieu de la permis aux adversaires de Wade de se qui ne servent, toujours à en croire les
nuit. Pendant ce temps, le délestage faire une bonne santé électorale, l’union opposants qu’un camp, celui du PDS au
fait augmenter le prix de certaines den- dans leurs rangs ayant beaucoup joué pouvoir. De son côté, les proches du pré-
rées dont la conservation est presque et leur ayant permis de reprendre du sident ont tôt fait de rappeler, face à ces
mission impossible. Les ateliers sont au poil de la bête. La parfaite illustration en attaques et, ce, principalement au PS, les
chômage technique. Les artisans, sur- est la Mairie de Dakar, qu’elle dirige ac- pratiques qui avaient cours lorsque ce
tout les tailleurs, sont dans l’incapacité tuellement. D’ailleurs, l’échec du camp parti était au pouvoir. Quoi qu’il en soit,
de livrer les différentes commandes de présidentiel a précipité, d’une certaine l’âge du capitaine Wade pose déjà, à lui
leurs clients. Les services publics tour- manière, l’entrée au Gouvernement de seul, toutes les questions sur la capacité
nent au ralenti. L’opposition, qui a récla- Karim Wade, candidat à ces élections, de l’homme à tenir la route. Lorsqu’il an-
mé des comptes à l’ancien Ministre de et qui n’a pas réussi à prendre la tête de nonçait sur la Voice of America, en sep-
l’Energie, a protesté également contre la capitale sénégalaise. Mais, la grande tembre 2009, sa candidature, ne l’a-t-il
la nomination de Karim Wade. Certains question reste de savoir si l’union au pas conditionné en ces termes : « Je suis
laissent entendre que son Président de sein de l’opposition tiendra jusqu’en candidat en 2012 Inch’Allah. Si Dieu me
père s’emploiera à jouer des pieds et des 2012. Plus cette échéance approche, laisse longue vie, me laisse mon cerveau
mains pour lui permettre de régler le plus elle décuplera les appétits poli- et ma santé, je serai candidat» ? A l’inter-
problème des délestages. Une façon de tiques de chacune de ses composantes: national, Abdoulaye Wade, l’un des pro-
conforter son image d’homme d’action l’Alliance des Forces du Progrès (AFP) et moteurs du Nouveau Partenariat pour
et de résultat, au sein de l’opinion pu- le Parti Socialiste (PS) sont respective- le Développement de l’Afrique (NEPAD),
blique, car la présidentielle de 2012 est ment dirigés par Moustapha Niasse et se bat pour donner une visibilité à son
bien évidemment dans tous les esprits. par Ousmane Tanor Dieng, deux grosses pays. En fin de compte, quelle que soit
En ce qui la concerne, la Sénélec, com- pointures qui ont bien envie de tenter, l’évolution de l’actualité dans les pro-
muniquant très peu autour des causes chacune, à nouveau leur chance dans le chains jours, avec la donne politique qui
de la crise énergique, ce sont les syndi- but de prendre la succession du Gorgui. peut changer à tout moment, Abdou-
cats de l’entreprise qui s’en donnent à Face au risque d’émiettement de ses laye Wade garde une certaine longueur
cœur joie, pour exposer leur version des voix, l’autre menace qui guette l’opposi- d’avance sur ses adversaires. ■

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 97


Madagascar

Andry Rajoelina, Photo: AFP / Alexander Joe

en marche forcée
Andry Rajoelina, ancien Maire d’Antananarivo, a pris le pou- ce pacte instaure un parlement de
transition qui a été installé en octobre
voir en mars 2009, suite à un soulèvement populaire, s’attirant dernier; il compte 346 membres et est
ainsi les foudres de la communauté internationale. Après avoir constitué d’un Conseil supérieur et
d’un Congrès. Le Conseil supérieur, qui
plusieurs fois joué la carte du dialogue, pour faire sortir le fait office de chambre haute, compte
pays de la crise, il tente, depuis quelques mois, de valider une 90 personnalités dont 25 sont jugées
proches de Rajoelina. Quant au Congrès,
autre carte personnelle pour mettre fin à la situation actuelle. qui représente la chambre basse, il en
compte 256. Le poids politique de ces
Par Bernado Houenoussi institutions est dû à la présence en leur

D
sein d’anciens proches des 3 adversaires
’un côté, il y a Andry Rajoelina malgaches d’accord. C’est donc fort de d’Andry Rajoelina. Ils sont ainsi 73 à être
et, de l’autre, les mouvances cela qu’Andry Rajoelina, Président de proche de Marc Ravalomanana et 18 de
proches des anciens prési- fait de la Grande île, depuis mars 2009, Didier Ratsiraka et d’Albert Zaffy. Mais,
dents, Didier Ratsiraka, Albert a décidé de proposer, depuis peu, sa pour les observateurs, c’est un parle-
Zaffy et Marc Ravalomanana. sortie de crise à lui, sans avoir l’aval de ment symbolique, même s’il sera chargé
Au milieu, il y a la communauté inter- ses adversaires et de la communauté de voter la loi de finances, de ratifier les
nationale, représentée par la Commu- internationale. C’est ainsi qu’il a signé à ordonnances et de superviser l’action
nauté économique des Etats d’Afrique Ivato, en août dernier, un accord poli- du gouvernement. Mais, son influence
australe (SADC) qui, malgré les accords tique avec plus d’une centaine de partis sur l’Exécutif est à relativiser, selon eux.
de Maputo qu’elle a parrainés, constate politiques du pays. Non reconnu par les L’installation du parlement a été précé-
son impuissance à mettre les acteurs leaders des trois autres bords politiques, dée par une Conférence nationale qui

98 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

s’est tenue durant le mois de septembre les dernières évo- lu-


dernier. Au cours de celle-ci, l’idée d’une
4e République a été validée, avec un Etat
unitaire, mais fortement décentralisé. Et,
toujours selon les analystes de la vie po-
litique malgache, cette Conférence était
plus importante sur la forme que sur le
fond. Un référendum constitutionnel va-
lidant cette nouvelle Loi fondamentale a
eu lieu le 17 novembre dernier. Le pro-
chain scrutin prévu est une élection lé-
gislative, qui a été fixée au 16 mars 2011.
Quant à l’élection du nouveau Président,
elle aura lieu le 4 mai 2011. En outre, la
Conférence a également décidé de dé-
mettre les Maires et les Présidents de
régions, issus majoritairement de l’ad-
ministration de Ravalomanana.

De mauvais signaux internationaux


Avec les actes qu’il pose depuis la si-
gnature de l’accord politique d’août
dernier, Andry Rajoelina, toujours au
banc de la communauté internationale, Le président Andry Rajoelina devant l’entrée de la presidence
joue sur des ressorts internes. Malgré
le fait que plusieurs partisans de ces tions de la situation dans le pays. Tou- dans le cadre du Fonds Européen de
rivaux l’ont rejoint, il a toujours besoin jours soumis aux sanctions de l’Union Développement (FED), qui finance, no-
de l’onction de celle-ci. Joao Honwana, Africaine (UA) et de celle de l’Union tamment, des routes, ces infrastructures
l’un des émissaires de l’Organisation Européenne (UE), le régime en place étant capitales pour le développement
des Nations Unies (ONU), était à Mada- a besoin de l’argent frais pour l’orga- du pays. L’autre coupure des vannes fi-
gascar, lors d’une visite, durant le mois nisation des différents scrutins. L’Etat nancières, intervenue en juin dernier,
d’octobre 2010. Il en a profité pour re- malgache, poussé dans ses derniers concerne l’aide au développement de
prendre langue avec les différentes retranchements, court le risque d’avoir l’UE. Elle s’ajoute ainsi à celle de l’aide
mouvances et la société civile. Quoi qu’il des problèmes de trésorerie et les pro- budgétaire décidée par l’UE pour des
en soit, l’idée d’un Groupe International jets de développement sont arrêtés. Le faits de mauvaise gouvernance, repro-
de Contact (GIC) est fortement soute- Président de la transition est donc déci- chés à Marc Ravalomanana.
nue par la France, l’ex puissance colo- dé à tenir bon. Ainsi, il fait l’impasse sur
nisatrice, le Quai d’Orsay estimant les 500 millions d’euros sur Le jeu des 3 mouvances politiques
que « les  lignes ont bougé» et 5 ans, dont pouvait bé- Depuis l’éviction du pouvoir de Marc
qu’il faut prendre en compte néficier le pays, Ravalomanana, les deux anciens prési-

Photo: AFP / Gregoire Pourtier

Andry Rajoelina, le Président de la Haute Autorité de


la Transition, parle à la presse après avoir voté dans un
bureau de vote à Antananarivo, le 17 novembre 2010.

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 99


dents, Didier Ratsiraka et Albert Zaffy, autre souci étant de sauvegarder ses noter, Andry Rajoelina joue aussi la
ont de nouveau fait leur entrée sur intérêts économiques dans son pays, carte de l’usure de la communauté in-
l’échiquier politique. Ils ont tous deux une chose que lui reprochait Rajoelina, ternationale dont les positions sont ac-
participé à toutes les négociations en l’accusant d’avoir mis l’appareil éta- tuellement fermes à son sujet. Son pré-
politiques parrainées par la SADEC. tique au service de ses différentes en- décesseur au poste de Président de la
Le premier en a profité pour sortir, un treprises. Aujourd’hui pèse sur lui éga- République, dont l’élection n’avait pas
tant soit peu, de son exil doré parisien. lement une condamnation aux travaux été reconnue en 2002, avait, sereine-
Il tente également de tirer au mieux forcés à perpétuité. ment, et, coup par coup, lézardé le mur
son épingle du jeu. Cela a également de défense des instances internatio-
permis à Andry Rajoelina de donner Andry Rajoelina, quel avenir? nales, qui se sont finalement résolues à
un nouveau développement à la crise. Lorsqu’il prenait le pouvoir en mars reconnaitre la légitimité de son pouvoir.
Ainsi, la tension politique, née en mars 2009, Andry Rajoelina annonçait qu’il Mais, le conflit politique à Madagascar
2009, est sortie du cadre d’une confron- ne voulait pas s’éterniser au pouvoir, court le risque d’une certaine « ivoiri-
tation entre Ravalomanana et lui. Les ti- mais conduire une transition qui allait sation», la crise politique dans ce pays
raillements se sont donc élargis à quatre amener le pays à l’élection d’un nouvel de l’Afrique de l’ouest ayant conduit à
mouvances. Même si cette carte a servi Exécutif. Près de deux ans après cela, plusieurs reports de l’élection présiden-
au début à Rajoelina, aujourd’hui, elle personne ne connaît et ne peut pré- tielle qui devait normalement avoir lieu
a montré ses limites, les trois anciens dire le destin politique auquel l’actuel en octobre 2005. Et, c’est finalement
présidents faisant désormais front com- homme fort de la Grande île aspire. Il a cinq années plus tard que les Ivoiriens
mun pour s’opposer aux velléités qu’il annoncé, en mai dernier, qu’il renonçait ont pu finalement se rendre aux urnes
prête à l’ancien disc-jockey, devenu pré- à se présenter à l’élection présidentielle pour le choix d’un nouveau Chef de
sident. Marc Ravalomanana conserve, si, notamment, Marc Ravalomanana en l’Etat. La situation malgache, avec les
quant à lui, un vrai pouvoir de nuisance faisait de même. Mais, depuis, la nou- nombreux accords signés et non res-
pour l’actuel homme fort de la Grande velle constitution de la 4e République pectés par les différentes mouvances
île. Réfugié en Afrique du Sud depuis abaisse à 35 ans l’âge minimal pour être politiques, induit que la crise politique
qu’il a été chassé du pouvoir, il utilise candidat au scrutin présidentiel. Andry s’éternise. En deux ans, la situation
ses nombreux relais dans la région pour Rajoelina, fort aujourd’hui de 36 ans et, économique de la population, qui est
imposer sa vision des choses. En 2009, il entre temps disqualifié par la loi fon- majoritairement rurale, s’est davantage
avait réussi à empêcher Rajoelina d’in- damentale de la 3e République, vient compliquée. Et, ce, d’autant plus qu’elle
tervenir à la tribune de l’ONU, lors de d’être remis en selle dans la course pour était loin d’être reluisante sous l’ancien
l’Assemblée générale annuelle de cette la présidentielle, prévue pour mai 2011. régime. Mais, malgré la suspension des
Organisation. De même, l’homme d’af- Avec ses efforts actuels pour mettre aides des différents bailleurs de fonds,
faires prospère qu’il est, utilise ses dif- fin à la crise, c’est une voie royale qu’il Madagascar bénéficie toujours des
férents médias au pays pour passer des se trace pour son maintien au pouvoir. aides humanitaires et d’urgence. Andry
messages à ses partisans afin de main- Fort du soutien de l’armée malgache, Rajoelina tient très fort la barre du pou-
tenir la mobilisation de ceux-ci, son malgré les quelques soubresauts à voir dans son pays.
 ■

100 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Internationale

ISCAM

La Première école de commerce de


Madagascar
L’ISCAM a été créé en juillet 1990 de la volonté de ses promo-
teurs, Michelle et Henri Ranaivoson.

Créé dans un contexte économique


délicat où personne ne croyait en l’ave-
nir ni à la nécessité d’un tel projet,
l’ISCAM a voulu être un pionnier dans
le milieu économique malgache.
L’objectif de l’ISCAM était alors de de-
venir une école de référence à Mada-
gascar et dans l’Océan Indien.
Depuis sa création, près de 5000 jeunes
ont pu être formés au métier du ma-
nagement et servent aujourd’hui l’éco-
nomie malgache et celle de la région
dans divers secteurs.

Formés en
• Management et développement
d’entreprises
• Marketing et communication
• Commerce international

ces jeunes occupent aujourd’hui des


postes de responsabilité dans divers
secteurs tels que la distribution, le TIC,
le transport, la négoce, la finance, le Photo prise devant devant l’ISCAM ou Institut Supérieur de la Communication, de l’Administration et du Management
tourisme, etc. 100 formateurs de haut
niveau, des partenaires internationaux,
220 matières, 2 bâtiments mis aux
normes internationales, 23 salles de
Iscam en chiffres
classes, 01 centre de documentation et
20 années de formation:
850.000 euros d’investissements ont fait
5000 formés et diplômés en Formation Initiale et en Formation Continue
que 90% des iscamiens trouvent un em-
ploi dans les 3 mois suivant l’obtention
25 formateurs permanents et 100 formateurs vacataires
de leur diplôme. 55 salariés
3 programmes de formation: Formation Continue, Formation Initiale,
Fort de ces 20 ans et de sa réussite au Anglais de Communication
niveau nationale, l’ISCAM veut agrandir 3 filières ou options : Marketing Communication, Management et Déve-
son champ d’action et se lance un nou- loppement d’Entreprises, Commerce International
veau défi: «Devenir la meilleure école
de management en Afrique». Volume horaire
Toujours fidèle à son esprit novateur, 2200 heures pour le Master, 1500 heures pour la Licence
l’ISCAM développe sa vision à travers 15 mois de stage en entreprise durant le cursus Master
4 axes de développement: 1670 entreprises partenaires (partenaires = recrutant les anciens, recrutant
• L’innovation les stagiaires, partenaires pour la formation continue ou en entreprise)
• La proximité avec les partenaires 10 nationalités différentes côtoient l’ISCAM
• La supériorité du niveau des sortants 90% des étudiants trouvent du travail dans les 6 mois suivant la sortie de
• L’excellence au niveau de l’organisa- promotion
tion

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 101


Internationale

Par rapport à l’innovation, l’ISCAM


compte dans les 4 prochaines années se
mettre aux normes des grandes écoles
européennes tant au niveau des infras-
tructures que du fonctionnement: nu-
mérisation et mise en ligne des cours,
rénovation des infrastructures, recrute-
ment de formateurs permanents, mise
en action de procédés pédagogiques
plus percutants font partie du pro-
gramme.

Pour ce faire, l’ISCAM développe le par-


tenariat pédagogique avec les écoles
de commerce de référence en France
comme l’ESC Grenoble, pour accroitre
le niveau des enseignants et des élèves.
L’ISCAM étant la seule école de manage-
ment membre de groupements d’entre-
prises bénéficie de l’appui pédagogique
des cadres de ces entreprises.

Le grand défi de toute école de com-


merce est de sortir des diplômés munis
de capacités techniques et émotion-
nellement mûrs. L’ISCAM mise sur les Photo d’étudiantes de l’ISCAM
voyages d’études et la Vie Associative
pour conjuguer les techniques aux pra-
tiques.
Le réseau des anciens fait également
partie des priorités de l’ISCAM car la
force d’une école réside dans la force du
réseau de ses anciens. La future associa-
tion des anciens élèves sera ainsi mise à
contribution pour fédérer les iscamiens
autour de l’école et de son développe-
ment.
«Former pour l’excellence», telle est la
mission de l’ISCAM mais «être iscamien
pour la vie» est la graine semée dans
le cœur des jeunes passant par l’école
pour leur inculquer une nouvelle façon
d’apprendre: se former tout au long de
la vie.

ISCAM B.P. 8224 - 101 Antananarivo -


MDAGASCAR Tél : +261 20 22 224 88
contact@iscam.mg
www.iscam-mada.com

Photo d’étudiantes de l’ISCAM

102 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 103
Cameroun

Épidémie
de choléra
Une catastrophe sanitaire ou naturelle ?

Par Florian Dacheux


Une maladie endémique

L
e choléra. Maladie de la misère.
Liée le plus souvent à l’eau. En Le choléra est une infection bactérienne responsable de vomissements et de
moins de deux heures, il peut diarrhées aqueuses abondantes. La maladie se développe principalement dans
facilement entraîner le décès des conditions de vie défavorables: fortes concentrations humaines, hygiène
d’un adulte qui était initiale- et assainissement de l’eau insuffisants. La contamination est orale, via l’eau
ment bien portant... ou les aliments souillés par des matières fécales. Le traitement est simple et
Alors qu’il a totalement disparu dans consiste à compenser la perte de liquides en réhydratant le patient avec une
les pays dits développés, le choléra au- solution à base de sels et de sucre, administrée oralement ou par perfusion,
rait fait près de 9’000 victimes dont plus pour les cas les plus sévères. «En provoquant une déshydratation rapide, le
de 550 morts, depuis la découverte du choléra peut être fatal en quelques heures seulement. La prise en charge doit
premier cas le 6 mai 2010 dans l’extrême donc être très rapide», explique Issiaka Abou, chef de mission MSF au Tchad.
nord du Cameroun. Des chiffres difficiles
à confirmer quand on sait qu’un grand Le choléra en quelques points
nombre de victimes décèdent égale-
ment en communauté et donc dans • Le choléra est une maladie diarrhéique aiguë, dont on peut mourir en
l’oubli, faute de moyens pour les trans- quelques heures en l’absence de traitement.
porter dans les centres sanitaires. • Selon les estimations, il y a chaque année 3 à 5 millions de cas de choléra,
Cette épidémie de choléra apparaît avec 100’000 à 120’000 décès.
comme la plus sévère de ces dix der-
nières années. Au Cameroun, il ne s’agit • On peut réussir à traiter jusqu’à 80% des cas avec les sels de réhydratation
ni de conflits armés ni d’exodes de po- orale.
pulation... L’épidémie de choléra qui • Les mesures de lutte efficaces s’appuient sur la prévention, la préparation et
sévit au Cameroun est davantage une la riposte.
catastrophe sanitaire que naturelle. • L’approvisionnement en eau sûre et l’assainissement sont essentiels pour
réduire l’impact du choléra et des autres maladies à transmission hydrique.
Le manque de structures sanitaires
Depuis le mois de mai, l’épidémie s’est • On considère que les vaccins anticholériques par voie orale sont un moyen
répandue du Nord à Yaoundé, et même complémentaire de lutte, mais ne doivent pas remplacer les mesures
Douala, la capitale économique du pays. classiques.
« Tous les quartiers, toutes les couches
de la population ne sont pas touchées, uns, épargnants les autres.» La pauvreté d’eau potable et seuls 15% des Came-
témoigne Kalliopi Ango Ela, professeur apparaît donc comme la cause majeure rounais disposent d’installations sani-
d’histoire-géographie au lycée Français des épidémies de choléra. Le principal taires adaptées pour l’élimination des
de Yaoundé. La réaction des pouvoirs moyen de prévention du choléra reste matières fécales et des eaux usées. « Les
publics semble assez limitée. Je dirais l’hygiène et l’assainissement des eaux conseils donnés par le gouvernement
que cette épidémie rappelle que nous mais le manque de structures sanitaires ne peuvent pas être suivis par tout le
sommes dans un pays du Sud où les rend difficile l’application des gestes monde, explique Mohamadou Houmfa,
inégalités de qualité de vie sont encore d’hygiène élémentaire. Seulement 30% blogueur à Yaoundé. Il y a des gens tel-
plus criantes qu’ailleurs, touchant les de la population a accès à une source lement pauvres qu’ils ne peuvent pas se

104 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Santé

payer du savon ou une bouteille d’eau teur du Cameroun a montré que sur des Etudiants Africains de l’Univer-
de javel. Ces personnes qui se lavent 50 puits prélevés à Yaoundé et Douala sité d’Avignon (France). C’est pourquoi,
avec une eau insalubre seront les pre- et sur 50 sachets d’eaux vendues dans selon le Dr Armand Nghemkap, méde-
mières infectées. Ce qui est insuppor- les marchés, aux abords des routes et cin d’urgence spécialiste en médecine
table, c’est que le gouvernement s’est dans les établissements scolaires, 100% et biologie du sport, «l’épidémie était
mobilisé dès qu’il y a eu un cas à Yaoun- des puits d’eau étaient impropres à la évitable tout comme le désastre sani-
dé alors que depuis le mois de mai, consommation du fait de leur contami- taire qui en découle était bien prévi-
rien n’est fait dans les régions du Nord nation fécale. «J’ai passé l’été dernier à sible. Le choléra peut être éradiqué par
qui sont les plus touchées. Ces régions Yaoundé dans ma famille et c’est effec- une véritable politique de prévention
pauvres ont été négligées et c’est ce qui tivement les eaux en sachet qui sont basée sur l’amélioration des conditions
explique aussi aujourd’hui la propaga- vendues dans la rue ou sur les marchés de vie des populations, par une poli-
tion du virus. » qui posent notamment problème» tique efficace de lutte contre la pauvre-
Une étude menée par le Centre Pas- confirme Pascaline de l’Association té et la misère ambiante».

Choléra et vaccination
C ’est une maladie facile à traiter. On peut guérir jusqu’à
80% des sujets atteints en leur administrant rapidement
les sels de réhydratation orale. En cas de déshydratation très
contre V. cholerae O1 et O139 chez les enfants de moins de
5 ans. Ces deux vaccins nécessitent l’administration de deux
doses à un intervalle allant de sept jours à six semaines. Le
sévère, la perfusion de liquide par voie intraveineuse s’im- vaccin avec la sous-unité B (Dukoral) doit être dilué dans
pose. Ces patients nécessitent également des antibiotiques 150 ml d’eau potable pour l’administrer.
adaptés pour raccourcir la durée de la diarrhée, diminuer les L’OMS recommande que la vaccination avec les vaccins ac-
quantités de liquide de réhydratation nécessaires et écour- tuellement disponibles s’accompagne des mesures de lutte
ter la durée de l’excrétion des bacilles. On ne recommande habituellement recommandées dans les zones où le cholé-
pas l’administration de masse des antibiotiques, car elle n’a ra est endémique, ainsi que dans celles où il y a un risque de
aucun effet sur la propagation de la maladie et contribue à flambées. Les vaccins assurent un effet sur le court terme,
renforcer les résistances. pendant que les activités efficaces à plus long terme, amé-
Pour garantir un accès rapide au traitement, il faut mettre lioration de l’approvisionnement en eau et de l’assainisse-
en place des Centres de traitement du choléra (CTC) dans ment, sont mises en place. Quand on utilise la vaccination,
les populations affectées. Avec une bonne prise en charge, elle doit cibler les populations vulnérables vivant dans des
le taux de létalité devrait se maintenir en dessous de 1%. zones à haut risque et ne pas perturber la mise en œuvre
Il existe deux types de vaccin sur le marché. Il s’agit dans les d’autres interventions visant à prévenir ou à endiguer les
deux cas de vaccins à germes entiers, l’un avec une sous- épidémies de choléra. L’outil de décision de l’OMS en trois
unité B recombinante, l’autre sans. Tous deux assurent une étapes a pour but d’aider les autorités sanitaires à décider
protection durable de 50%, se maintenant pendant deux si elles doivent utiliser les vaccins anticholériques dans les
ans en situation d’endémie. L’un des vaccins (le Dukoral) est situations d’urgence complexes. L’OMS n’a jamais recom-
présélectionné par l’OMS et homologué dans plus d’une mandé les vaccins anticholériques par voie parentérale, en
soixantaine de pays. On a montré qu’il conférait une protec- raison de leur faible efficacité protectrice et de la fréquence
tion de 85-90% sur le court terme contre V. cholerae O1 dans élevée des réactions indési-
toutes les tranches d’âges, pendant 4 à 6 mois après la vac- rables sévères.
cination. L’autre (le Shanchol) est en attente de présélection
par l’OMS et confère une protection plus longue

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 105


Les communautés surpeuplées qui vivent dans de mauvaises conditions d’assainissement et qui n’ont pas un approvisionne-
ment en eau de boisson saine sont celles qui sont le plus fréquemment touchées
Quelles solutions ? MSF a mis en place et dirige deux uni- quatre pays concernés envisagent de
Avec l’appui de l’OMS et de différents tés de traitement du choléra. À Kolofata renforcer la surveillance et de revoir les
partenaires notamment l’UNICEF, le et à Mogode, les équipes apportent plans de prévention et de réponse aux
HCR, l’UNFPA, la Croix-Rouge, Care Ca- leur aide aux unités existantes en assu- épidémies de choléra dans toutes les
meroun, Plan Cameroun, Médecins sans rant la gestion de l’hygiène et la prise localités qui entourent le lac Tchad. An-
frontières (MSF), des centres de contrôle en charge des cas. MSF a également dré Mama Fouda, ministre de la santé du
de l’évolution de la maladie ont été mis fait don de matériel médical et de wat- Cameroun, a annoncé que le plan de
en place dans différentes régions. Leur san-hygiène. «Selon nous, le pic épidé- lutte du gouvernement va s’atteler à
rôle est d’assurer la coordination tech- mique est passé au Cameroun, mais la la remise en état des forages en panne
nique entre les partenaires impliqués prudence reste de mise», explique le Dr dans ces zones. Le Cameroun est à sa
dans la surveillance épidémiologique, Phil Humphris. MSF poursuit donc ses troisième épidémie de choléra en moins
la prévention, le contrôle des infections missions d’évaluation dans les villes de de six ans: les deux précédentes avaient
et l’assainissement des eaux dans les la région de l’Extrême Nord. Face à cette fait officiellement 100 morts en 2004 et
centres de traitement. Le système doit situation, les ministères de la santé des 51 morts en 2009. ■
également fournir des alertes immé-
diates de nouveaux foyers. Depuis le dé-
but de l’épidémie, les pouvoirs publics
multiplient les réunions pour trouver
des solutions et tenter de stopper le
mal. En plus de la prise en charge gra-
tuite des malades, un accent est mis sur
la prise de conscience, c’est-à-dire l’im-
portance pour la population de respec-
ter les mesures d’hygiène.
Mais le Cameroun n’est pas le seul pays
touché. On retrouve l’épidémie dans
trois autres pays d’Afrique centrale à sa-
voir le Tchad, le Niger et le Nigéria. Plus
de 40’000 personnes ont été touchées
dans les quatre pays, pour près de 2’000
décès, des chiffres indiqués dans un
communiqué publié le 8 octobre der-
nier par l’OMS, qui explique cette flam-
bée par la saison des pluies, les inonda-
tions, les mouvements de population et
les conditions d’hygiène. Les communautés surpeuplées qui vivent dans de mauvaises conditions d’assai-
Dans les villes de Marua et de Mokolo, nissement et qui n’ont pas un approvisionnement en eau de boisson saine sont
celles qui sont le plus fréquemment touchées

106 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 107
Développement

Changement climatique

La solution verte en matière


d’eau potable
Fonctionnant entièrement à l’énergie solaire, la technologie SwissInso est capable de
convertir chaque jour 100’000 litres d’eau saumâtre et 50’000 litres d’eau de mer en eau
potable de haute qualité.
Par Florian Dacheux

E
laborer des solutions et des
technologies d’énergie so-
laire novatrices et écologiques
afin de répondre au problème
croissant des pénuries d’eau
potable dans le monde. Voici l’objec-
tif majeur de SwissInso, société basée
à Lausanne, en Suisse. L’enjeu: devenir
un leader mondial des solutions clés en
main utilisant les énergies renouvelables
pour la purification et le dessalement de
l’eau ainsi que le refroidissement par
air des bâtiments. Dans ce contexte, la

Photo / DR
société commercialise deux produits
principaux: Krystall™ et Klymaa™.
L’eau potable, le problème fondamental de l’Afrique
Le premier est un système unique au
monde de purification de hauts vo-
«Une technologie révolutionnaire» d’électricité sont soit inexistantes ou pas
lumes d’eau clé en main à être ali-
En plus d’être écologiques, les unités fiables comme c’est souvent le cas dans
menté à 100% par énergie solaire,
Krystall™sont indépendantes de tout de nombreux pays en voie de dévelop-
fourni dans deux conteneurs de 12
apport ou source d’énergie extérieure pement, dans les zones reculées, et les
m. Le second utilise la technologie
que ce soit électrique ou diesel pour îles. Le unités Krystall sont également
solaire de dispersion des nano-compo-
son fonctionnement. Cet aspect est es- particulièrement appropriées pour
sites pour chauffer et refroidir les bâti-
sentiel dans de nombreuses situations fournir de l’eau aux populations frap-
ments par l’intermédiaire de panneaux de
et régions du monde où les sources
façade en verre opaque qui collectent
les rayons solaires autant qu’un verre
transparent.

108 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Développement

Quelques jours après le tremblement de terre qui a ravagé Haïti en janvier dernier, des habitants de Port-au-Prince cherche désespérément de l’eau

pées par des catastrophes naturelles qui repose sur une série de plaques de bénéficier d’une logistique simplifiée,
ou autre crise humanitaire lesquels le membranes circulaires. Cette méthode d’un contrôle direct du cycle de pro-
manque d’eau ou la salubrité de l’eau propriétaire minimise de manière effi- duction, et de réductions des délais de
peut rapidement devenir une question cace la pression sur les pompes et les livraison. De plus, nous sommes en me-
de vie ou de mort. membranes, nécessitant ainsi moins sure d’agrandir très facilement ce site
d’énergie que les autres systèmes et per- de production lorsque nous aurons
«Notre produit solaire de purification de mettant à l’unité de fonctionner unique- atteint sa capacité maximale», ajoute
l’eau utilise une technologie révolution- ment à l’énergie solaire. «Nous sommes Yves Ducommun. Sur le même site, le
naire qui nous permet non seulement enthousiasmés de mettre cette solution laboratoire de recherche appliquée
de répondre au problème mondial crois-
sant et critique de l’accès à l’eau potable
tout en utilisant une source d’énergie
propre et renouvelable, l’énergie solaire,
mais aussi d’y parvenir avec la solution
technique la plus efficace et la plus du-
rable, assure Yves Ducommun, directeur
général de la société. Nous pensons qu’il
s’agit d’une proposition pertinente et
irrésistible dans le contexte de l’éner-
gie renouvelable et du développement
durable. Nos unités Krytall peuvent pro-
duire 100’000 litres d’eau pure a partir
de l’eau saumâtre et 50’000 litres d’eau
pure à partir de l’eau de mer (désalinisa-
tion). Nous travaillons également active-
Photo / DR

ment sur l’identification et l’expansion


de notre réseau de distributeurs à tra-
vers le monde».
sur le marché», confie Paul de Belay sur le solaire inclut une technologie de
Des performances et une durée de vie Vice-Président de SwissInso. pointe conçue pour le dépôt assisté
inégalées Actuellement à un tournant dans son par plasma de revêtements nanocom-
Produire de telles quantités d’eau par ascension fulgurante, SwissInso a ré- posites solaires, pour l’analyse couche
jour représente une performances iné- cemment ouvert une toute nouvelle mince et pour la caractérisation optique.
galée !. Il est important de savoir que ces usine de montage à Denges afin de ré- Cette configuration sera utilisée pour le
unités sont totalement autonomes dans pondre à une augmentation projetée développement et la production pilote
leur fonctionnement et sont construits de la demande et en même temps a de nouveaux traitements et couleurs de
pour durer 20 ans. Cette prouesse est ouvert ses bureaux dans le Parc Scienti- surface pour les panneaux solaires ther-
rendue possible par l’utilisation d’une fique de l’Ecole Polytechnique Fédérale miques opaques uniques de SwissInso.■
technologie de membrane brevetée de Lausanne. «Nous allons maintenant

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 109


Culturelle

Musique

Koffi Olomidé, ses ennuis judiciaires en


France le clouent à Kinshasa
H
abitué à des productions fond», Koffi Olomidé use de straté- puisque ses fans, parmi lesquels les
dans de grandes salles hors gies pour accrocher le public dans dames, prennent d’assaut les lieux où
du territoire congolais, en ses différentes sorties. il se produit même si c’est à de rares
Europe notamment, Koffi En effet, à Kinshasa où il réalise «Abra- occasions.
Olomidé est actuellement condamné kadabra», son prochain opus qui suc- Mais avec ces concerts à thèmes, Koffi
à se produire à Kinshasa et quelques cédera à «Album du patron» ou en- Olomidé continuera-t-il à accrocher ?
rares fois dans certaines villes core «Album sans nom», il anime des Certains observateurs pensent que
d’Afrique. concerts, qu’il baptise chacun par un non. Non seulement le public n’est
nom propre, pour éviter la monoto- pas naïf, mais surtout il n’a pas lancé
« Convoquée pour le 15 octobre 2010 nie amère qui n’est pas apprécié des de nouvel album sur le marché.
au Tribunal de grande instance de spectateurs exigeants.  Les mélomanes congolais peu en-
Nanterre (en banlieue parisienne), la Ainsi après «Koffi chante Tabu Ley», clins à la nostalgie préfèrent consom-
star de la musique congolaise n’avait dédié à Rochereau, Antoine Agpepa mer les nouveautés.
pas prévu d’honorer son rendez-vous a mis en exergue la cantatrice Cindy Et aussi, sans
avec la juge d’instruction Sylvie Dau- dans le cadre d’un concert qu’il a dé- une promotion
nis. Déjà convoqué en 2009, Koffi nommé «Cindy chante Koffi». Ici, au-delà des
Olomidé avait poussé la porte du il était question pour la jeune frontières
Palais de justice et rebroussé chemin, star féminine, révélée dans nationales,
redoutant la détention provisoire», son dernier album, d’inter- sa carrière
rapporte Marianne Meunier de Jeune préter notamment les vieilles n’est-elle pas
Afrique, citée par Afriqu’Echos gloires de son patron. en péril ?
Magazine. Koffi Olomidé a aussi joué pour Jusqu’où ira
« Antoine Agbepa Mumba, alias Koffi les jeunes papas. Peut-être mi- alors Koffi ?
Olomidé, 54 ans et cinq albums en or jote-t-il actuellement quelque  Bona Tsona
à son actif, fait l’objet d’une instruc- chose pour les enfants, les mi-
tion en France depuis 2007. Trois dan- litaires, les fonctionnaires… Et
seuses congolaises ont porté plaintes après.
contre lui notamment pour viol et Il faut toutefois reconnaître
séquestration », précise la consoeur que jusque-là cette
avant de rappeler  que: «Les faits se stratégie paie
seraient déroulés entre 2005 et 2006,
notamment à Asnières (en banlieue
parisienne) où l’artiste louait une
maison à l’époque et dans des hôtels
parisiens ».
En attendant une issue favorable à
ce dossier, surtout si l’on s’en tient
aux propos de son avocat Manuel
Aeschlimann qui déclare notam-
ment « les témoignages des plai-
gnantes sont très contradic-
toires et le dossier est tout
à fait défendable sur le

Koffi Olomidé

110 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Culturelle

Musique

Ngiama Werrason casse la baraque


à Mbanza Kongo en Angola
N
giama Werrason, le leader mune de Ngiri Ngiri à Kinshasa, sous concerts étaient prévus le 10 et le
de l’orchestre Wenge Musica le label de l’entreprise de télécom- 11 décembre 2010.
MM (Maison Mère), a une munication Tigo. Là encore, il y avait  Bona Tsona
fois de plus prouvé qu’il est de l’électricité dans l’air. Wenge
l’artiste musicien congolais le plus Musica a égayé également les
populaire du moment. Après son mélomanes de Brazzaville de-
triomphe au mois d’octobre 2010 vant le Palais des Congrès à
à l’Est de la RDC, notamment dans Brazzaville.
la ville de Goma, où il s’est produit
devant plus de 100’000 personnes, Sortie officielle de
il vient de réaliser un spectacle de «A nous le Congo»
haut niveau artistique dans la pro- Avant cette pro-
vince angolaise de Mbanza Kongo. duction de Braz-
Le patron de Wenge Musica MM a zaville, Werrason
été invité par le gouvernement de ce a présidé dans la
pays pour agrémenter les festivités, capitale congo-
marquant le 35e anniversaire de son laise, le samedi 13
accession à la souveraineté natio- novembre 2010, à
nale et internationale. la Place Ymca dans
A la tête de sa formation musicale, la commune de Ka-
celui que l’on appelle également le lamu, la cérémonie
Roi de la Forêt a livré deux produc- officielle de la sor-
tions, la première le mercredi 10 et la tie de son associa-
seconde le jeudi 11 novembre 2010. tion sans but lucra-
D’après les échos en provenance de tif (Asbl) dénommée
ce pays voisin de la RDC, Werrason a «A nous le Congo» qui
séduit les mélomanes de cette pro- poursuit comme objectifs
vince angolaise. Parmi eux, les auto- la lutte contre la pauvreté,
rités civiles et militaires. la délinquance juvénile, la
violence sexuelle faite aux
Comme un seul homme, des milliers femmes.
de mélomanes exécutaient toutes Après Brazzaville,
les chansons et les pas de danse en Werrason a conduit
symbiose avec les musiciens de ce son orchestre en
groupe au rythme de ses cris ma- Zambie où des
giques comme «Sima ekoli, Lelele-
lele », traduisez «ton arrière est bien
garni, lelelele ».
Un témoignage de sa célébrité in-
contestable dans cette partie du
continent où, à en croire certains té-
moignages, il reste encore sollicité à
cause des bons moments de détente
qu’il a offert aux habitants de cette
province.
A la fin des concerts, il a recueilli
des félicitations et encourage-
ments de la part des autorités civiles
et militaires, ainsi que de ses fans de
cette ville historique d’Angola.
Dès leur retour à Kinshasa, Werrason
et son groupe se sont produits dans
un concert populaire dans la com-
Ngiama Werrason

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 111


Culturelle

Musique

Le phénomène de la dédicace:
la colère d’un ministre contre Papa
Wemba

A
près les funérailles d’un de
ses cousins à Kinshasa, le
musicien Papa Wemba s’est
envolé pour l’Europe où il
est allé assurer la promotion de son
nouvel album, « Notre père», sorti il y
a bientôt 3 mois et qui le remet sur la
sellette puisqu’il occupe une bonne
place sur le hit parade de la musique
congolaise. Un des membres du
gouvernement congolais, en l’oc-
currence le ministre des Finances
Monsieur Matata Ponyo Mampon,
est monté au créneau, par le biais
d’un des membres de son cabinet,
pour fustiger le comportement de
Papa Wemba. En effet, ce dernier
l’a dédicacé (en kinoiserie offrir les
mabanga « pierres ») dans la chan-
son « Thérmomètre », contenue dans
ledit album, sans son consentement
préalable, enjoignant par la même
occasion « Le chef coutumier du vil-
lage Molokaï », d’extirper son nom
de cette œuvre.
Dans les milieux de Papa Wemba,
on affirme que c’est l’un des fils du
ministre concerné qui aurait pris des
contacts avec lui pour plaire à son
père. Parmi les questions que l’on se de lutte contre les antivaleurs dans Culture et des Arts, et de la Commu-
pose figure celle qui consiste à savoir la musique congolaise, initiée par nication et des Médias en interdisant
si le patron de Viva-la-Musica retour- le ministre de la Culture et des Arts, formellement aux musiciens congo-
nera au studio pour répondre aux de- les membres du gouvernement et lais de reprendre, dans leurs oeuvres,
siderata du ministre? d’autres personnalités officielles ont les noms de personnalités exerçant
Et même s’il effectue cette démarche, été invitées à s’opposer à la pratique des fonctions publiques.
cet album est déjà sur le marché par- consistant à se faire dédicacer. Mais, malheureusement, méprisant la
mi les plus consommés du moment Le ministre était appuyé par son col- loi, les musiciens qui disent que l’art
et se trouve dans plusieurs ménages. lègue de la Communication et des ne paye pas toujours bien, c’est dans
De même qu’il fait l’objet d’une large Médias, Lambert Mende, qui, en ce cette pratique qu’ils se retrouvent et
diffusion publique dans les bistrots, qui le concerne, est même allé loin ils n’entendent pas se passer de cette
les chaînes de radio et de télé. Peut- en signant un arrêté interdisant les méthode qui leur permet d’arrondir
être que le Ministre Matata Poyo sol- artistes musiciens de citer les noms leur cachet.
licitera la Commission Nationale de des autorités et autres personnalités Si parmis les différentes personnali-
Censure des Chansons et Spectacles dans leurs chansons. tés concernées, certaines sont contre
(CNCCS) afin de retirer de la circula- Tandis que le ministère de la Jus- cette pratique, d’autres par contre
tion cette œuvre ou sa diffusion. Ce tice, par le truchement du Parquet sont fières de voir leur noms cités
qui ne sera certes pas facile. Lors du général de la République, a lui aussi dans les œuvres musicales.
lancement de la campagne nationale emboîté le pas aux ministres de la  Bona Tsona

112 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Culturelle

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 113


Culturelle

Rencontre avec le maître de l’autoportrait

«Je m’amuse avec l’histoire »


SAMUEL FOSSO EXPRESS
Entretien
avec Samuel Fosso, à Bangui, Samuel Fosso est né à Kumba au Cameroun le 17 juillet
République Centrafricaine 1962. Il appartient à l’ethnie Ibo.

B
Il s’est fait connaître notamment à travers ses auto-
INTERVIEW

angui la coquette. Sep- portraits.


tembre 2010. J’attends Il fut remarqué lors des premières Rencontres africaines
avec impatience Samuel de la photographie de Bamako en 1994. Il a participé à
devant son studio. Il sur- l’exposition d’art contemporain Africa Remix qui s’est tenue au Centre Pompi-
git enfin. La poignée de main est dou à Paris en 2005 ainsi qu’aux 39ème Rencontres Photographiques d’Arles
franche, son sourire communica- en 2008.
tif. L’homme est joueur. L’homme Ses dernières réalisations rendent hommage aux grandes figures africaines et
est riche. Riche d’expériences. aux militants des droits civiques.
Son art ? La métamorphose. A la Il vit aujourd’hui à Bangui, en République Centrafricaine.
fois acteur et metteur en scène Sa devise publicitaire: «Vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître. »
de ses photographies.

Pouvez-vous commencer centre culturel américain. C’est comme baptêmes. Ce que je fais toujours un
par vous présenter ? ça que j’ai étudié. Mon oncle n’était alors peu aujourd’hui.
Je suis né à Kumba au Cameroun en plus là, il était rentré au Cameroun. J’ai
1962, puis j’ai vécu au Nigéria pen- surtout étudié les langues, le français et Décrivez-nous
dant la guerre du Biafra. Je suis ensuite l’anglais. votre quartier, votre quotidien...
revenu au Cameroun en 1971, avant Vivre à Bangui, c’est une question d’ha-
d’arriver en Centrafrique avec mon oncle Comment êtes-vous bitude. J’ai grandi ici, sans avoir l’inten-
en janvier 1972. J’avais dix ans. A cette venu à la photographie? tion un jour d’aller peut-être ailleurs,
époque, j’avais une maladie enfantine La photographie est arrivée très tôt. je n’ai jamais pensé à ça. Dans mon
et à cause de la guerre qui a commencé J’ai commencé en septembre 1975. Un quartier, le quartier Mustapha, c’est
en 1967, nous étions coincés avec mes compatriote du Nigéria avait un studio comme partout, il faut s’adapter. Quand
grands-parents. Nous avons vécu une en face de la cordonnerie, au kilomètre tu rentres chez autrui, tu t’adaptes au
guerre sauvage qui a duré trois ans. 5. Etre cordonnnier c’est très dur, tu tra- mode de vie. Je vis avec ma femme et
Après ma guérison, ma mère est morte. vailles jour et nuit. Je faisais également mes trois fils. J’adore Bangui car je m’y
Nous étions cinq enfants, trois filles, le marché avec la femme de mon oncle. suis adapté. L’intégration comme on dit
deux garçons, dont le dernier est mort Mais le studio photo d’en face m’a de en France (rires). Bangui, c’est comme
après le décès de ma mère. Aujourd’hui, suite attiré, j’y suis resté pendant cinq ma deuxieme deuxième patrie. C’est très
il ne reste que ma grande-soeur et moi- mois. J’y ai effectué un réel apprentis- différent du mode de vie occidental.
même. sage. J’ai appris la mise au point, la lu-
mière, la position De quelle différence parlez-vous?
Racontez-nous des projecteurs, le En Afrique, ce qui est intéressant, mal-
votre arrivée développement. gré tous ses les conflits, c’est le contact
à Bangui... J’ai ensuite ouvert humain. C’est pourquoi j’aime l’Afrique.
Quand je suis ar- mon propre studio En France, les gens remarquent automa-
rivé à Bangui, mon la même année. J’ai tiquement la couleur noire, on montre
oncle n’a pas pu trouvé un local dans du doigt. J’aime la France comme pays
me mettre à l’école, le quartier Musta- mais je n’aime pas du tout la mentalité
donc j’ai donc repris pha, mon oncle m’a française. Je n’aime pas ce qui m’ennui.
le son métier qu’il prêté de l’argent. J’ai L’image de l’homme de couleur comme
faisait avant, il était , monté et fabriqué ils disent. Là bas, il symbolise le vol, le
celui de cordonnier. des projecteurs. Au crime. Je ne peux pas vivre en France. Je
Nous fabriquions départ, ça m’a per- me sens plus proche du quartier d’Har-
beaucoup de chaus- mis de travailler pour lem à New-York où je suis allé plusieurs
sures, le plus souvent la population locale, fois. Comme moi, les Américains aiment
pour les dames. Je pour des photos parler, ils ne cherchent pas à savoir ceci
me suis inscrit dans d’identité, des ma- ou cela. Il n’y a pas cette notion de peur.
une école privée, un riages, des Moi j’aime m’amuser, j’aime taquiner,

114 | LE PANAFRICAIN Janvier/Mars 2011 - N 1


Culturelle

Je m’amuse avec l’histoire. J’emprunte


une identité en me plongeant dans un
état physique et mental approprié, tou-
jours remis en question. J’échappe à
moi-même.

Barack Obama vous intéresse-t-il ?

Florian Dacheux
Oui, il vient d’entrer dans l’histoire,
on fera certainement quelque chose.
J’ai une série sur les grands hommes
d’Afrique à terminer. Je vais voir si je
peux ajouter Obama. Même si c’est
j’aime être libre de marcher comme je si oui ou non j’étais toujours en vie. Je lui tout récent, il est entré dans l’histoire
veux, sans être inquiété. A mon arrivée envoyais ces photos, souvent à Noël. très rapidement. On n’a jamais pensé
en France, la première fois, la police de qu’il y aurait un jour un noir à la Maison
l’immigration m’a fouillé jusqu’à l’anus. Comment êtes-vous Blanche. Mais Obama, ce n’est pas aussi
J’aurais pu porter plainte. J’ai un peu entré dans la cour des grands? simple. Son allure, son style... C’est tou-
peur à Paris, je ne m’y sens pas bien. J’ai développé mon travail lorsque je suis jours au moment de produire que me
passé à la couleur. C’est le photographe viennent les idées. J’élabore et ensuite
Pourquoi vous êtes-vous français Bernard Descamps qui est venu j’interprète.
dirigé vers l’autoportrait? me chercher la première fois en février
Dans l’histoire africaine, depuis les an- 1994. Je lui ai présenté mes travaux et il
nées 1940, les familles font souvent a tout de suite trouvé ce qu’il souhaitait.
photographier leur bébé après trois Il est reparti à Paris avec 46 négatifs et
mois. A cause de ma maladie enfantine, on m’a ensuite contacté par courrier re-
je n’ai pas ce souvenir là. On ne m’a pas commandé pour savoir si je souhaitaias
pris en photo de peur que les autres fa- participer aux rencontres africaines de la
milles se moquent, c’est comme ça ici. photographie à Bamako. Ma toute pre-
C’est un peu cela qui m’a motivé à de- mière exposition s’est donc déroulée au
venir photographe. J’ai essayé de récu- Palais de la culture de Bamako en 1994.
pérer mon enfance en devenant photo-
graphe par le biais des autoportraits. Au Quels messages
départ c’était pour mon plaisir, pour mes souhaitez-vous faire passer?
proches. J’utilisais des pellicules 6 cm x Je raconte les histoires des autres, de-
6 cm (12 vues). On faisait tout à la main puis notamment la colonisation. J’ex-
pour nos clients. Et comme je ne voulais prime des thématiques identitaires, je
pas gaspiller, je finissais par faire des au- suis dans la revendication. Il faut que les
toportraits pour finir la pellicule, je prati- peuples sachent, connaissent ceux qui
quais cela la nuit, une fois les clients par- ont lutté pour les droits des Noirs. Pour
tis. Je ne voulais pas perdre une goutte. qu’ils ne soient pas dans l’oubli. J’utilise
C’est comme ça que j’ai commencé, je mon corps pour cela, pour dire la vérité,
me mettais en scène dans les poses et rendre hommage. C’est à travers moi.
les vêtements à la mode des «sapeurs» Ce n’est pas moi, mais c’est moi. Je me N’êtes-vous pas un rien narcissique ?
du Congo. Je les envoyais ensuite à ma comporte comme lui. Mais je ne me Je suis beau. J’ai profité de ma beauté
grand-mère qui, à l’époque, n’était pas déguise pas, je me travestis. La photo a pour faite de la photo. Je sais que je suis
sereine. Elle s’inquiétait pour moi, savoir ensuite mille façons d’être lue, comprise. beau. J’ai un petit pied bien taillé, je suis
très souriant (rires). Je continuerai à me
transformer jusqu’à ma mort.
SON ACTU
Quels sont vos projets en cours ?
- à l’Institut Français de Dakar au Sénégal, Je dois finir la série African spirit (Martin
la «Galerie le Manège», du 8 décembre 2010 Luther King, Haïlé Sélassié, Muhammad
au 30 janvier 2011 Ali,...). J’expose à l’Institut français de
- à Helsinki en Finlande au Museum of Dakar jusqu’au 30 janvier 2011, puis à
Contemporary Art Kiasma, en avril 2011 Helsinki et au Mexique en avril 2011. Je
veux continuer à voyager. Jusqu’ici, j’ai
- à Mexico au Mexique pour «Africa: eu la chance d’aller en Inde, à Buenos
Cartografia de una Utopia», au Muse Aires ou encore à Sydney. J’adore ça.
Universitario Arte Contemporaneo,
également en avril 2011  Propos recueillis par Florian Dacheux
 Photos : «Série Tati» et «Série African Spirits», par Samuel Fosso

N 1 - Janvier/Mars 2011 LE PANAFRICAIN | 115

You might also like