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xv
REPRESENTATION ET SOUVERAINETE
CIIEZ LES ENRAGES (1792-1794)
<<Pour tout être qui raisonne, gouvernement
et revolution sont incompatibles>>
Par
David GILLES
ATER a la Faculté de Droit de la Rochelle
Abréviation de référence
AFNIP XV
- 2003-
REPRESENTATION ET SOUVERAINETE
CHEZ LES ENRAGES (1792-1794)
<<Pour tout être qui raisonne, gouvernement
et revolution sont incompatibles >>1:
Par
David GILLES
A TER a Jo Faculté de Droit de Jo Rochelle
l
Jean-François Varlet, Gare l’Explosion, (s.l.), 15 vendémiaire de i’an TEE de Ia République
francaise, BN 8-Lb41-1330 ott NUMM- 41206, p. 8.
2
Marat, Lepubliciste de Ia Républiquefrancaise, par Marat, lAmi du Peuple, Paris. n° 233, 4
.uil1et 1793.
S’ajoute a ces trois personnages, une garde rapprochCe, composée essentiellement de
Pauline Leon et de Claire Lacombe, toutes deux membres des Républicaines Révolutionnaires,
ainsi que les séides de ces différents personnages sit sein de leurs sections, W. Markov, Les
Jacquesroutins >>, Annales Historiques de Ia Revolution Francaise, 1960, n° 32, pp. 163-182.
Georges Lefebvre et Albert Mathiez ont rapproché de ce mouvement Taboureau, <l’enragé
orléanais>>; A. Mathiez, Un enrage inconnu. Taboureau de Montigny v, Annales Historiques
de Ia Revolution Francaise, 1930, n° 7, pp. 209-230; Lefebvre Georges, <<Quelques notes sur
Taboureau, “i’enragé” d’Orléans >>, Annales Historiques de Ia Revolution Francaise, 1931,
n° 8, pp. 140-148.
Mouvement méconnu fort longtemps, les Enrages apparaissent le plus souvent a titre
individuel dans les ouvrages traitant de Ia Revolution. Voir notanunent Jean Jaurès, Histoire
socialiste de la Revolution francaise, reed. Messidor, Editions Sociales, 1986, T.V, et VI
essentiellement; Albert Mathiez, La vie chère et le mouvement social sons to Terreur, Paris,
Bibliothhque Payot, 1973 ; RB. Rose, The Enrages : socialist of the French Revolution?,
Melbourne, 1965 ; C. Guillon, Dens Enrages de Ia Revolution : Leclerc de Lyon et Pauline
Leon, ed. La Digitale, 1993, Le Guiilou Jean-Marc, Jacques Roux, l’annoncefaite a to gauche,
Paris, hd. des Ecrivains, 2000. Les historiens <<marxistes >>, pour des raisons de proximité
idéologique, s’inthressèrent notamnient a ces personnages en tant que mouvement social et
politique: M. Donimanget, Enrages et cures rouges en 1793: Jacques Roux, Pierre Dolivier,
Paris, Les arnis de Spartacus, 1993 ; id., Les Enrages dans to Revolution francaise, Paris,
Spartacus, 1987 ; D. Guhrin, La lutte des classes sour Ia premiere République, Gallisnard, coil.
la suite des tenips, 2 tomes, 1968, W. Markov, Scripta et ada, Berlin, éd. Akademie-Verlag,
1969 ; Exkurse zu Jacques Roux, Berlin, éd. Akademie-Verlag, 1970, 37lp. ; id., Die
Freiheiten des Priesters Roux, Berlin, éd. Akademie-Verlag, 1967, 430 p.; Zakher Iakov
254 Le concept de representation dans la pensée politique
Mikhailovitch, Les Enrages, éd. originale en russe, tra<L partielle, (s.Ln.d.), 2lp., doe. polytype,
BN 4- LB4I- 5636.
Pour cerner l’ensemble de cette pensée, ii convient d’étudier les différents pamphlets,
discours ci journaux publiés et rédigés par les principaux meneurs de cc mouvement (cf. note
22-24). Voir notamment les deux journaux publiês par Roux et Leclerc a la mort de Marat,
L ‘Ami du peuple écrit par T. Leclerc, Paris, n° I du 20 juilet 1793 au n° XXJV, du 15
septembre 1793, BN 8Lc2 704, (reed, par Claude Guillon, Deux Enrages de Ia Revolution,
op. cit., pp. 137-238), et Ic Publicisle de Ia Républiquefrancaise a l’ombre de Marat, écrit par
3. Roux, et rééd. par W. Markov dana Scripta et Acta, op. cit..
6
Jacques Roux fit des etudes chez les Lazanstes dii séminaire d’Angoulême avant d’être
tonsuré a 15 ans ci d’enseigner la philosophic, puis la physique expénrnentale a partir de 1772,
Dommanget, Enrages ci cures rouges en 1793 : Jacques Roar, Pierre Dolivier, op. cit., p.21;
Varlet. liii, bénéficia d’études au college d’Harcourt de l’Université de Paris, LB. Rose,
op. cit.. p. 10. Leclerc, quant a lui rapporte que: <<l’étude des belles lettres m’a occupé jusqu’i
l’âge de dix-huit ans chez mon pére, qui sacrifiant a noire education Ic peu de bien que ma
mere liii avait apporte en dot, cut le hon esprit de penser que les connaissances étaient au
dessus de Ia fortune >, T. Leclere, Extraction, profession avant er depuis la Revolution;
carriere politique ci Révolutionnaire es état present des affaires de Thiophile Leclerc, Paris,
1794, AN 9 4774
7
F
.
Voir l’ouvrage de Jean Massin, qui tend a un rapprochement quasi systematique des idées de
Marat et de celles des Enrages, Marat, Edition Alinêa, 1988.
Ainsi Marat pane des Enrages en ces termes peu flatteurs: <Varlet ne peut Ctre qu’un
intnigant sans cervelle. mais le petit Leclerc parait un fripon tres adroit. Je l’ai vu dans Ia même
semaine changer trois fois de costume pour Se travestir, ci mieux en imposer. On assure (...)
qu’il a fait quelques mois de noviciat a Coblentz, et qu’il eat un des pnincipaux auteurs des
désordres qui ont éclaté a Lyon depuis plusieurs mois >>, Le publicisre de Ia République
francaise, par Marar, l’Ami du Peuple, n 233, 4juillet 1793.
Cette virulence, Ic cbté sanguinaire de leurs propos, bien dans l’air dii temps, est toutefois
parfois plus suppose que vrai. fl en est certainement ainsi de l’anecdote de la presence de
Jacques Roux a l’exécution de Louis XVI. Cehui-ci aurait refuse, a in monarque mené vera Ia
mont, de prendre son testament, et aurait déclaré : <<3e ne suis chargé que de vous conduire a
l’échafaud >> a quoi Louis XVI répondit simplement: < C’est juste >>, Jean James, Histoire
socialisre de Ia Revolution francaise, T.V, op. cit., p. 210. Jacques Roux va même jusqu’à
revendiquer cet aspect sanguinaire. violent de ses pnises de positions. II s’enorgueillit de son
caractére extrémiste, ci combat Ic modérantisme : <<des modérés, dont l’âme est glacee par Ia
noirceur de leurs crimes, allument dana toutes les parties de I’empire, Ic flambeau des furies
>>, J. Roux, Discours sur le.s moyens de sauver la France. op. cit., p. 4.
David GLLES 255
F
hommes <<precipites >> dans I univers pohtique’° par Ia Revolution” Elle a
le merite d avancer certains elements origmaux si on la confronte notamment
avec celle des Jacobins. Cherchant a assouvir leurs revendications essentielle
ment economiques et sociales, us developperent une critique radicale de la
representation nationale et des représentants du peuple. Ces revendications en
matiere de democratie directe vont se trouver confrontees a Ia realute
politique sans jamais parvenir a une amorce de realisation pratique Pour les
Enrages, l’idée que des délégués nantis d’un mandat représentatif, élus ou
non au suffrage universel souent aptes a expnmer authentiquement la volonte
du Souverain, était inconcevable. Indvitablement la question de la
compatibilité entre mouvements extrémistes révolutionnaires et l’idée méme
de representation est posée par Ia xgeste>> enragée. us ont, par leurs propos
et par leur action politique, a résoudre une contradiction flagrante dont us ne
semblent pas toujours conscients. En effet, au nom de la souveraineté du
peuple, us critiquent l’idée de representation nationale développée par Sieyès.
Critiquant les représentants, leur déniant toute légitimité a parler au nom du
peuple, ils se posent en porte-parole de celui-ci. Or, si la légitimité de la
representation nationale est peut étre critiquable aux yeux des sans-culottes,
que dire de celle de Roux, Varlet et Leclerc, qui représentent au mieux leurs
sections, au pire eux-mêmes? Ce paradoxe criant, les Enrages feignent de
l’ignorer, leur absence de legitimité pour parler au nom du peuple ne les
empéchant aucunement d’attaquer les conventionnels. Ils se sentent investis
d’une mission quasi-mystique, défendre ce qu’ils considèrent comme les
revendications du peuple envers et contre tous”.
L’existence d’un veritable mouvement enrage, et l’utilisation de c
terme est contestée a juste titre par Michel Pertué’
3 ; ii faut convenir que cc
mouvement est une creation d’historiens, et qu’à aucun moment les
contemporains ne désignent Roux, Varlet, Leclerc et leurs consccurs des
Républicaines Révolutionnaires sous le vocable d’Enragés. Néanmoins,
comme les propos de Marat, et de Robespierre le démontre, us étaient
appréhendés par leurs contemporains comme un groupe, une mouvance qui
14
Les rapprochements menés dans cette étude montre la très forte proximith des écrits des
différents protagonistes de ce mouvement.
II
provient selon Albert Mathiez, d’un terme utilisé pour des chevaux de louage qui aurait
d’abord englobé tous les patriotes et aurait été employé par les aristocrates pour designer
ceux-ci. Si le terme désigne des painotes, les Enrages pourraient s’en enorgueillir, mais cette
origme donnée par Mathiez est contestée par RB. Rose et Claude Guillon. eL’emplacement
de lx salle ois l’assemblée s’ótablit a Paris. aprés avoir quitté celle de l’archevêché, était
auparavant un manege. C’est ce qui donne l’idCe de dénommation d’Enragés que les
aristocrates donnérent aux patriotes [...). C’est ainsi qu’on nommait a Paris des chevaux de
louage dont on se servait communément pour les voyages de Versailles, afln d’éviter les frais
de la poste royale >>, A. Mathiez <Noirs et enrages. Origins de ces denominations >>, Annales
Historiques deta Revolution Française, 1929, p 501.
16
Ce terme est d’ailleurs utilisé dans un pamphlet révolutionnaire anonyme, Les enrages, ou le
rapprochement des ertrêmes, dialogue relatif aux circonstances entre un jacobin, un royaliste
et Un pair ote, (s.d.), Paris, BN P45/7890.
A litre d’exemple, voir Ic Pamphlet de 3.-F. Varlet, Pot Pourri National, 1791, 1791, BN YE-
53552 ou MFICHE YE- 53552, 8 p., p. 8. <<Des Rois liguCs les projets, sont bhtis sur des sables,
Nous repondxons par boulets, sabres, piques et mousquets Aux diables Aux diables Aux
diables!>>
18
Jacques Roux emploie le terme a plusieurs reprises, soit pour qualifier le camp réactionnaire
et aristocratique, ce qui Cclaire peut-Ctre certaines accusations portées par les Jacobins au
moment de l’hallali du mouvement, soit dans un sens positif et allCgorique. C’est Ic cas
positivement dans Le Triomphe des braves Parisiens sur les ennemis du bien public: eim
peuple tyrannisd [...] se reveille subitement d’un sommeil profond, ci rompe en enrage les fers
qu’il mordait en frémissant >>. Négativement, ii qualifie d’<< enrages >> les contre
révolutionnaires dans son Discours sur les movens de sauver to France : << Avoir de la douceur
pour des enrages, de Ia génerosite envers des rebelles, c’est partager leurs forfaits. >>, Claude
Guillon, Deux Enrages de Ia Revolution : Leclerc de Lyon er Pauline Leon, op. cit.,
p. 15. Dans
son Discours sur les moyens de sauver la France, ii utilise le terme negativement pour designer
les ministres du culte <<11 me semble voir les suppots orgueilleux de la tiare, des ministres
enrages, sonnant Ic tocsin de la mort, deployant l’étendard du carnage, portant Ic fer, Ia
flarnme, Ia desolation de toute part, et faisant couler des ruisseaux de sang jusque sur Ia
marche des autels. u, op. cit., p. 6.
19
Les femmes mémes ne trouvent pas grace aux yeux des Jacobins. Atm de pousser a Ia
dissolution de la Société des Républicaines Révolutionnaires, qui soutenait objectivement les
actions des Enrages, on attaque conjointement Leclere et Lacombe devant les Jacobins le 16
septenibre 1794. On critique Lacombe, car << elle est dangereuse en ce qu’elIe est fort
eloquente ; cUe pane bien d’abord, et attaque ensuite les autorités constituees. , cite par
paniel Guénin, La lutte des classes soar la premiere République, op. cit., tome 1, pp. 269-273.
-°
Jean Jaurés, Histoire socialiste de la Révolutionfrançazse, TV, Paris, Editions sociales 1986,
p. 209. II rend également ce jugement définitif sur l’action des Enrages. Selon liii, ils
développent << des erreurs, bien des tendances dangereuses, un arrière fond de perfldie et de
venin que La contre-révolution pouvait aisément exploiter >>, ibid., tome VIII, 158.
21 p.
Cite par Théophile Leclerc, L ‘Ami du peuple, (s.1.), n° XXI, 8 septembre 1793, B.N 8°Lc2
704.
David GILLES 257
22
A. Soboul, < Classes populaires et rousseauisme sous la revolution >>, Annales Hisroriques de
la Revolution Française, 1962, p. 425.
23
II en est par exemple ainsi, scion Lucien Jaume, des Jacobins, pour qui << metire Ia Tetreur a
l’ordre du jour>> se révêlent être une réponse, imprévue, aux circonstances.>> U ajoute que
ce n’est qu’aprés coup que les tétes les plus théoriciennes, comme Robespierre ou Billaud
Varenne, tentent de rationaliser la politique ainsi engagée, pour montrer qu’elle répond a Ia
vision morale que le jacobmisrne radical avait défendue thus les premiers temps.>> Le discours
jacobin er Ia démocratie, Fayard, 1989, p. 112 ;c’est de ces tCtes théoriciennes que manquèrent
vraisemblablement les Enrages pour pousser plus avant leur réflexion, étant plus prolixes en
<têtes chaudes >> qu’en têtes réfléchies.
24
Ccci malgré le satLsfecit publiC par Jacques Roux an Iendemarn de Ia chute de la Gironde,
eAussi Ia Montague de Ia Convention qui a écrasé de sa chute Ia tête du Tyran, et qui a
expulsé de son sein les scClérats, las hommes d’etat, qui voulaient nous donner Un roi et des
fers a-t-elle des droits Cternels ala reconnaissance des français (...). Ah La conduite que
tient Ia Convention, depuis qu’elle eat purgCe des chefs de la faction scélérate des hommes
d’etat, las mesures vigoureuses qu’elle a adoptees pour le salut de la République, attestent
qu’elle a voulu des sa premiere sCance, mais qu’elle n’a Pu operer Ic bien qui était dans son
creur. >>, Le Publiciste de Ia République Francaise, n° 243, 6 aoüt 1793, Pp. 3-5.
A Ia difference de Marat qui lui, décidera de mettre sous Ic boisseau ses aspirations
égalitaires pour ne pas affaiblir Ia Revolution en proic a tous les dangers. Ii preférera Ia
poursuite d’un objectif lointain C Ia satisfaction de revendications immédiates mais
dangereuses L. Giani, << Le réalisme politique de Jean-Paul Marat, dCputé C Ia Convention ,>,
Annales Hisroriques de Ia Revolution Française, oct-dec. 1996, n 306, pp. 675-692.
26
M. PertuC, Aux origines du gouvernemen: revolutionnaire. février-mars 1793: démocratie et
dictarure en Revolution, These d’Histoire du Droit, ParisH, 1976, 527 p.
258 Le concept de representation dans la pensée politique
z’ Jean-Francois
Varlet, Projet d’une caissepatriotique etparisienne, (sLn.d.), 1789, 12 p., BN
MFICHE LB39- 11657; L ‘Apôtre de Ia liberté, prisonnier, a ses concitovens libres, (s.1.n.d.),
19p., BN 8-LN27-20065 ; Aux mulnes de Marat (aux manes de Pelletier), (s.d.). Paris, impr. De
Vezard et Le Normant, 6p., BN P89/1521 ou YE-53551 ; Vouixformés par des Francais libres,
ou Petition manifeste d’unepartie du souverain a sex délégués pour être signée sur l’autel de la
paine erprésenté [sic] lejour oz lepeuple se lèvera en masse pour resister a l’oppression avec
let sezdes armes de Ia raison (s.Ln.d), 8 p., BN NUMM- 40901 ; Projet d’un mandat special et
impérat([ aux mandataires du peuple, a Ia Convention nationale, Paris, chez les directeurs de
l’imp. du cercie social, 1792, BN LB 41-109 ou [Document electronique], BN NUMM 40138;
Declaration solennelle des droits de I’homme dans l’état social. impr. Didot, (s.L), 1793, 24 p.,
BN 8-LB41-2979 ou numerisO NUMM 6699, rééd. EDH1S, 1967; Du Plessis: le maiheur,
queue Ecole ! Ce quej ‘écnis Ia nuit, a Ia lueur obscure d’une lampe de prison en est peut-étre
une preuve. Tyrans et ambitieux, lisez..., (s.1.), 1794, óp., BN 8-LN27-20066; L ‘Explosion,
(s.1.), L’an ifi de Ia ROpublique francaise, iSp., BN 8-LB41-4090, Gore l’Explosion, (s.1.),
L’an ifi de Ia ROpublique francaise, op. cit.; A ses chers concitoyens des tribunes et des
Jacobins, impr. de Ia sociétO typographique, 7p., BN 16-LN27-20067; Mesures suprémes de
salut public proposées aux citoyens du département de Paris, (s.Ln.d.), 7p., BN P89/1520.
n
Jacques Roux, L ‘Apôtre. martyr de Ia Revolution ou Discours d’un curé patriote qui vient
d’être assassiné par 18 aristocrate.s, Paris, Imprimene Henri W, 1793, 24 p., BN 8-LB39-
5568 ; Discours prononcé thins I ‘Eglise des Cordeliers, le 19 avril dernier, par M. Jacques
Roux, gui went d’être assassiné.,., Pans, Veuve Petit. 1793, BN 8-LN27-18058 ; Discours sur
lejugement de Louis-le-Dernier, sur la poursuite des agioreurs, des accapareurs et des traitres,
prononcé par Jacques Roux, (s.1.), 1792, 16 p., BN 8-Lb40-2014; Discours sur les moyens de
sauver Ia France et Ia liberré prononcé par Jacques Roux, Paris, (s.d.), 48p., BN 8-LB39-
10782 ; reed, par les editions d’Histoire sociale, Paris, 1967 ; Jacques Roux a Marat, Paris,
Impr. de La SociCté typographique, 1795, 16 p., BN 8-LN27-18057 ; Le Triomphe des braves
parisiens, sur let ennemis du Bien Public...par Jacques Roux, (s.1.n.cL), BN 8-Lb39-8638;
<POtition prOsentOe devant Ia Convention nationale, 25 juin 1793 >>, Archives parlementaires de
1787 d 1860: recueil compler des débats législatzfs et politiques des Chambres francaises.
PremiOre sOrie, 1787 a 1799. Tome LXVII, Du 20 juin 1793 au 30 jurn 1793, BN-Gallica
N049582, Reprod. de l’éd. de Paris, P. Dupont, 1905, ‘792p., pp. 457-458, rééd. (extmits), (ss.
dir.) Antoine de Baecque, < Vous n’avez pas tout fait pour Ic bonheur du peuple >>, Pour ou
conrre Ia Revolution, Paris, Bayard Compact, 2002, pp. 20-22; Projet de Discours sur les
causes des malheurs de la République Francaise, publiO par W. Markov, Scri,ta et Ada,
on. cit. pp. 102-160, r&d. du manuscnt des Archives Nationales, AN W20 d. 1073
29
T. Leclerc. (rCfOrencé sous le nom de Le Clere d’Oze pour cc discours). Discours
prononcé aux Jacobins, séance du if awil 1792, Paris, imp. Henri IV, ‘7p., BN LB 40-2260 ou
BN 8- LB4O- 2260, rééd. C. Guillon, Deux Enrages de la Revolution: Leclerc de Lyon et
Pauline Leon, op. cit., pp. 131-135 ; Extraction, profession avant et depuis la Revolution;
carrierepoliz’ique et révolutionnaire, et état present des affaines de Theophile Leclerc, Archives
Nationales, fonds Comité de süretC générale, F 7 47749, r&d. C. Guillon, Deux Enrages de Ia F
Revolution : Lederc de Lyon et Pauline Leon, op. cit., pp. 240-242.
30
Sur les Républicaines Révolutionnaires, voir notamment D. Godineau, Citoyennes
F
tnicoteuses, Paris. Alinéa, 1988; M. Cerati, Le club des ciroyennes révolutionnaires, Paris, éd.
Sociales, 1966.
Claire Lacombe, Discours prononcO a la barre de 1’Assemblée nationale par Mme F
Lacombe, Ic 25juillet 1792, l’an 4 de la libertd, (s.1.n.d.), 3 p.’ BN P92/1099 ou BN MFICHE
Le33-3 (X,63), Rapport fair par la citoyenne Lacombe a ia société des républicaines
F
David GILLES 259
. Ce faisant, ii tente
au peuple souverain l’exercice plein de sa souveraineté
42
d’apporter, des 1792, un autre système propre a être oppose a la
representation nationale. Dans cet Etat social qu’il appelle de ses vcnux, non
seulement le pouvoir législatif appartient pleinement et directement au peuple
rnais aussi le pouvoir constituant, le peuple pouvant remettre en cause le
contrat social sans passer par la representation nationale. Varlet ne reconnait
comme loi qu’un texte qui aurait obtenu la sanction du peuple, ne réservant
l’idée de representation que lorsque les députés agissent par décret. Ii va
jusqu’à contester tout processus législatif dans les mains des mandataires,
rejetant les débats parlementaires comme processus de redaction des lois .
43
Possédant sans interrnédiaire s le monopole législatif, le peuple tout puissant
choisit ses fonctionnaires, les contrôle sans cesse, veille a Ia bonne marche &
l’administration mais aussi a Ia fixation et au recouvrernent des impôts. Un
tel système, pour permettre un bon fonctionnement de l’Etat et tin respect de
la souveraineté, doit ndanmoins accepter tine certaine dose de representation
politique, mais celle-ci reste juridiquement limitée, la souveraineté restant
directement exercée par le peuple. Cette vision s’oppose totalement a celle de
Sieyès qui prone quant a lui tine representation reposant sur un <<mandat
général a tine fin spécialisée >>, selon I’expression de Jean Roels. Alors que
pour Sieyès, la representation est un signe de progrès, pour les Enrages, elle
n’est qu’un pis-aller, justiflé uniquement en raison d’une trop grande étendue
du territoire et devant être étroitement encadrée. La representation ne
s’entend, pour les Enrages, que limitée juridiquement par un mandat special
et imperatif, rejetant par là même les systèmes politiques initiés par la
Revolution. Les Enrages ne sont pourtant pas touj ours cohérents dans leur
rejet de la representation nationale. Confrontés a la réalité politique, us se
trouvent bien obliges d’accepter une representation limitée de la volonté
42
<<L’exercice de Ia souveraineté des Nations se divise en 8 parties égaleinent distinctes les
une des autres; c’est le droit qu’ont les hommes dans l’Etat social: 1 d’élire sans intermèdiaire
a toutes les fonctions publiques ; 2 de discuter des intérêts de Ia société ; 3 d’exprimer
partiellement des vreux des intentions, collectivement des volontés, aux mandataires cornxnis
pour proposer des lois, et concourir ainsi personnellement a leur formation; 4 de rappeler et
faire punir des délégués qui trahissent les intéréts de leurs commettans 5 de constater Ia
nécessité des contributions publiques, de les consentir librement, d’en suivre l’emploi, d’en
determiner Ia quotité, l’assiette, le recouvrement et Ia durée; 6 de demander compte i tout
fonctionnaire public, administrateur, agent, dépositaire des deniers nationaux de leur gestion; 7
d’examiner, refuser ou sanctionner les décrets que proposent lea mandataires pour leur donner
force de lois, et lea rendre exécutables ; 8 le droit des citoyens pris en masse dans un Etat, de
revoir, refondre, modifier changer le contrat social quand ii leur plait >; Jean-Francois Varlet,
Declaration solennelle des droits de 1 ‘homme dans I ‘Etat social, op. cit., art. 10, pp. 14-15.
<<Lea loix ne doivent point être le résuhat des impressions que produisent des orateurs
comrnunément plus capneux que sincéres, mais butt le recensement des ordres intimés par lea
assemblées primaires. >>, 1.-F. Varlet, Projet dun mandat special et iznperatzX op. cit., p. 6.
Sieyès, via-i-via des doctrines démocratiques, exprimait un mépris profond pour ceux qui
opposaieat representation et democratic << Dana leur ignorance crasse, ils croyaient le
système représentatif incompatible avec la démocratie, comme si un edifice était incompatible
avec sa base naturelle ; ou bien ils voulaient s’en tenir a sa base, imaginant sans doute que
l’Ctat social doit condamner les hommes i bivouaquer toute leur vie. Je voulais prouver qu’il y
a tout a gagner pour Ic peuple a mettre en representation toutes les natures de pouvoir dont se
compose l’établissenient public, en se réservant le seul pouvoir de commettre tous lea ans des
hommes senses et inunédiatement con.nus de lui pour renouveler Ia portion sortante de ses
représentants >, Sieyès, Convention nationale. Opinion de Sieyds, sur piusieurs articles des
titres IV et Vdu projet de constitution, prononcée ci la Convention le 2 thermidor de l’an IlIe de
Ia République..., Paris, impr. Nationale, An ifi, 23 p., BN P89/508.
262 Le concept de representation dans Ia pensée politique
Jean-Francois Varlet, Declaration solennelle des droits de 1 ‘homme dans I ‘Liar social, I ‘an
premier de la vériié, op. Cii, p. 5. <<Tout bien examine, je ne vois pas qu’iI soit désormais
possible au souverain de conserver parmi nous l’exercice de ses droits si Ia cite n’est très
>>, J.-J. Rousseau, Du contrat social, op. cit., Iivre UI, chapine XV,
rtte
6 p. 136.
Jean-Francois Varlet, Declaration solennelle des droits de l’homme dans l’Etat social, l’an
premier de Ia vérité, op. cit., p. 5.
<<ii est des circonstances, oü l’on dolt tout dire, sans méme craindre d’ouvrir les playes
encore saignantes une main audacleuse a violé Ia souveraineté du peuple, le sang d’un
représentant, le sang de Le Pelletier a coulé par le fer assassin des esciaves des roys.>>
Jacques Roux, Projet de Discours sur les causes des maiheurs de la République Francaise,
op. cit., p. 109.
La representation nationale est d’ailleurs consciente de cette menace constante des
mouvements populaires, appuyés, voire instrumentalisées par Ia Montagne durant le printemps
1793. Ainsi Isnard n’hésite pas a menacer les séditieux dont les Enrages font partie: <<Si par
des insurrections toujours renaissantes, ii arrivait qu’on portât atteinte a Ia representation
nationale, je vous declare au norn de Ia France entière [Les Montagnards: non! non! Les
Girondins: oui ! oui !J, Paris serait anéanti ; et bientôt on chercherait en vain sur les rives de la
Seine s’iI a existé. >> A. Agostini, La Penséepolitique de Jacques-René Hébert, op. cit., p. 111.
<
Jacques Roux, Projet de Discours sur les causes des maiheurs de la République Fran caise,
op. cit., p. 122.
David GILLES 263
°°
Marcel David, <Les atiributs de Ia souveraineté du peuple avant Ct après 1793 >>, op. cit.,
p. 108.
°‘ T. Leclerc, L ‘Ami du peuple, n VII, 4 aoüt, I’an 2 de is République, op. cit.
52
Jean Francois Varlet, Gare I’explosion !, op. cit. p. 8.
<< Celui qui fait les lois ne doit pas les faire executer, parce que l’exécution exige une
obéissance passive, aveugle, de la part de ceux a qui elle est confiée, aux ordres des homrnes
que le peuple a charges de veiller a son salut; >> T. Leclerc, L ‘Ami du peuple, n VIII, 6 aoüt,
I’an 2 de Is République, op. cit.
<<S’il est une mesure dangereuse, impolitiqie et subversive de tout ordre social, c’est sans
doute celle qui a etC proposée a la Convention nationale d’eriger le Comité de salut public en
ComitC de gouvernement. (....) peut-être tous les membres qui le composent sont-ils puss et
inaccessibles a la corruption (...) [mais] c’est un capet a neuf têtes qu’on crCe a la place de
celui qui n’est plus. >>, T. Leclere, L ‘Ami du peuple, n VII, 4 aoüt, I’an 2 de la République,
op. cit.
264 Le concept de representation dans la pensée politique
d’une vertu antique, si les representants ne sont des << Brutus >>, ii ne doit pas
y avoir de representation de la souveraineté sans mandat.
Lamartine, en parlant de Brissot, écrit << ii méritait l’injure d’homme d’Etat que lui jetait ses
ennemis, >> Roux, cornme Marat et lea Montagnards, utilisait cc terme pour designer les
Giroadins. Marat, face a in Tribune de la Convention, s’adressaut aux Girondins s’exclame:
<lln’y a id ni justice ni pudeur ! (...) Oui Décrétezmoi d’accusation, mais en méme temps
décrétez de dCmence ces hommes d’Etat. >>, A. de Lamartine, Histoire des Girondins, Paris,
Fume et Cie-W. Coquebert, 1868, tome V, p. 329 et tome W p. 498.
56
Jacques Roux, Le Publiciste de Ia Republiquefrançaise, a° 247,25 juillet 1793, p. 4.
“
Robesvierre lui-même rejetait Ic terme de representant au nom d’une libation rousseauiste.
Pour lui, < Ic mot de representant ne peut &e appliqué a aucun mandataire du peuple parce
que la volonté ne peut pas se représenter. Les membres de la legislature sont les mandataires a
qui le peuple a donnC Ia premiere puissance ; mais dans le vrai sens, on ne peut pas dire qu’ils
le représentent. >>, Archives Parlementaires, tome LXVI, p. 578, cite par Lucien Jaume, Le
dtscoursjacobin et la démocratie, op. cit., p. 333.
‘
Christine Peyrard, << Carabots et Jacobins a La conquete de I’opinion >>, La Revolution
francoise et les processus de socialisation de I’homme moderne, Colloque International de
Rouen (octobre 1988), IRED/Université de Rouen, editions Messidor, 1989, pp. 123-131.
David GILLES 265
Jacques Roux, Projet de Discours sw- les causes des maiheurs de la République Francaise,
cit. p 106.
6
La critique du représentant se trouve d’ailleurs étre l’uri des themes fondateurs de
l’extrémisme, qu’il soit de droite ou de gauche. Sur les permanences des mythes fondateurs
communs aux extréniismes de droite et de gauche, voir notaininent Ia these de M. Crapez, La
gauche réactionnaire : mythes de la plèbe et de la race dans le sillage des Lumiêres, These
d’histoire du droit, Berg International, 1997.
61
Ainsi Leclerc, clans son numéro du 25 aoüt de l’An II declare: <<II existe un paso dans le
sein de Ia Convention, parmi les montagnards mémes, qui veut nous rendre nos anciens fers ou
nous en donner d’autres, en se perpétuant a Ia tête du gouvernement. >, T. Leclerc, L ‘Ami du
Peuple,n°XV,p. 1.
62
[Peupie !) Sous le règne de la liberté, tu dois avoir sans cesse les yeux fixes sur tes
magistrats. Combien n’as-tu pas été trahi par des municipaux sans pudeur, par des
commandants sans vertu? Combien ne le seras-tu pas encore si tu ne jettes tin regard vraiment
républicain stir tes mandataires... si tu ne fais éclater la foudre de Is loi sir les hypocrites Ct les
friporis qui t’entourent. s, Jacques Roux, Le Publiciste de Ia République Francaise, n 247, 25
juillet 1793.
6
<<Après avoir franchi l’intervalle immense de l’esclave a l’homme, vous ne souffrirez pas
que vos mandataires portent la moindre atteinte i Ia Iegitimité de vos droits; qu’ils s’écartent
de I’opinion publique, qui seule dicte des lois et qui est toujours droite et toute puissante >,
Jacques Roux, cite par A. Mathiez, La Vie chê.re et le Mouvement Social sous Ia Terreur, Paris,
Payot, 1973, p. 135.
“Jacques Roux, Projet de Discours stir les Causes des Maiheurs de Ia République Francaise,
op. cit., p.1l5.
266 Le concept de representation dans la pensée politique
M. Dornmanget, Enrages et curé.s rouges en 1793: Jacques Roux, Pierre Dolivier, op. cit.,
p.
.
41
76
<< Le mouvement est hostile a tous les partis il est antiparlementaire, orienté contre Ia
bourgeoisie, sa domination sociale, Ic régime juridique qui Ia permet et Ic personnel politique
qui l’incarne. > M. Peruse, << Les lutes de classe et la question de la dictature an debut de
1793 >, A.H.R.F, op. cit., p. 456.
Ce fàisant, ii adopte une théorie qui est Ia théorie de Ia representation qui <<fonde Ic droit
public francais celui qui fait la loi est présumé exprimer Ia volonté générale. >>, Michel
Troper, <<Débats >, La Constitution du 24juin 1793 : 1 ‘uropie dans le droit public francais?,
oe. cit., pp. 90-95, p. 91.
Ce culte du représetitant vertueux, entretenu par les Jacobins, accompagne celui des héros
révolutionnaires qui s’implante puis triomphe durant les années 1793 et 1794. D’abord culte
des << martyrs de Ia République >>, dans lequel s’inscrivent les écrits de Roux et Leclerc
concernant Michel Le Peletier de Saint Fargeau et Marat., il va se transformer en culte
institutiormalisé du héros révolutionnaire sous la férule de Robespierre (panthéonisant ainsi
Chalier et Bars, notamment). M.Ganzin, << Le hCros révolutionnaire : 1789-1794 >>, Revue
historique de droitfrancais et étranger, Sirey, 1983, vol. 61, pp. 371-392, p. 378-381.
J. Roux, Discours sur les moyens de sauver Ia France et Ia liberté prononcé par Jacques
Roux, op. cit.
<<Si Ic petit nombre d’hommes vertueux qui reste dana Ic scm de Ia Convention Nationale ne
vientpas a bout de faire restituer aux autres comités les fonctions que celui dit d.c Salut Public a
usurpCes sur eux, nous verrons, comme je l’ai dit, Robespierre et deux ou trois hornmes purs
encore qui en Sont membres, remplacés au premier renouvellement [...J >>, Leclerc, L ‘Ami du
Peuple,nXV,p. 1.
268 Le concept de representation dans Ia pensée politique
rej oint le theme essentiel des Enrages, la lutte contre les agioteurs, les
accapareurs, les riches darts leur ensemble.
Jacques Roux, Projet de Discours sur les Causes des Malheurs de la République Francaise,
cit.
8
Leclerc pane notamment clans son Ami du peuple, d’un Crussus, alors qu’il semble vouloir
dbsigné Crassus, le maiheureux triumvir, T. Leclerc. L ‘Ami du peuple, n° IX, 8 aoüt de l’an II
de la République, commenté par Claude Guillon, Deux enrages de la Revolution, op. cit.,
P. 171.
<<Nos nueurs sont encore plus dépravbes que celles des Romains au temps oO ils avaient des
Marius, des Sylla, des Césars et des Pompée; défions-nous de nous mémes, surveillons et
n’idolâtrons pas les gens en place, mais surtout tie les y perpbtuons pas x’, T. Leclerc, L ‘Ami du
Peuple, n° XX, 6 septembre de l’an IL Sun Ia reminiscence de l’antiquité dunant Ia revolution,
voir notamment Jacques Bouineau, Lea Toges au pouvoir, 1789-1 799 ou la Revolution de droit
antique, Toulouse. Association des publications de l’Université Toulouse-Le Mirail, 1986, 544
Jean-François Varlet, Declaration solennelle des droits de l’homme dans l’Etat social. l’an
remier de Ia vérité, O. Cit., p. 4.
<<Depuis quatre sos, toujours sur laplace publique clans les groupes du peuple, clans Ia sans
culottenie, dana la guenille que j’aime, j’appnis naivement et sans contrainte; les pauvres
diables raisonnaient plus stirs, plus hardiment que les beaux messieurs, les grands parleurs, les
savants tatonneux >, Jean François Varlet, I.e malheur, quelle Ecole! Ce que j ‘écris Ia nuit, a
la lueur obscure d’une lampe de prison en est peut-étre une preuve. Tyrans et ambitieux,
lisez..., O. Cit ; << Trois heures de temps passé a la porte d’un boulanger formerait plus d’un
législateur que quatre annCes tie residence sun les bancs de Ia Convention. >>, T. Leclerc, L ‘Ami
dupeuple, n° XVII, 30 aoüt 1793.
David GILLES 269
I’appât du gain l’un des vices trop frequent des représentants du peuple:
<<Trois fois nos députés ne se pénétrérent point assez de leur grande mission,
l’insouciance, les prétentions a I’esprit, le gout de la domination, et par
dessus tout Ia soif de l’or, les obsédérent. us commencèrent par être
patriotiques, enraés, et finirent par se montrer traltres et réfractaires a Ia
cause du peuple>> Les Enrages passent ainsi, durant les années 1791-1793,
.
J.-F. Varlet, Déclaration solennelle des droits de l’homme dons 1 ‘Etat social, op. cit., p. 4.
<<C’est de Ce parti là (la Montagne), qu’est sorti [sic] l’inlâme proposition d’eriger Ic
Comité de Salut Public en comité de gouvernement (ii vise alors les dantonistes) ; (...) c’est par
ce parti là qu’adroitement et pour la forme exclue du Comité de salut public, Danton et Lacroix
ont eu la facilité de lui faire accorder 50 millions, bien sürs d’y Ctre reportés au premier
renouvellement. >>, T. Leclerc, L ‘Ami du Peuple, n XV, 25 aolit de l’an II.
n <<Députés
de Ia Montagne, que n’êtes-vous montés depuis le troisième jusqu’au neuvième
étage des maisons de cette yule révolutionnaire, vous auriez été attendris par les larmes et les
gémissements d’un peuple immense sans pain et sans vétements, réduit a cet état de ddtresse et
de maiheur par l’agiotage et les accaparements, parce que les lois ont été cruelles a l’égard du
pauvre, parce qu’elles n’ont été faites que par les riches et pour les riches >>, Jacques Roux,
Petition devant la Convention, du 25 juin 1793, in Dommanget, Enrages et cures rouges en
1793 : Jacques Rou.x. Pierre Dolivier, op. cit., p. 21.
09
A l’automne 1793, éclate Ic scandale de cette Compagnie, auquel sont mélés plusieurs
députés dantonistes ( Delaunay, Chabot, Basire...) et certains hébertistes. Ce scandale va
servir a i ‘aile robespierriste pour faire chuter successivement leurs rivaux dantonistes a Ia
Convention et hébertistes dans les milieux populaires. Cette lutte sera engagée au nom d’un
suppose complot entre étrangers de Paris (Anacharsis Cloots, Guzman...) et les campagnes
hébertistes. F. Furet et D. Richet, La Revolution francaise, coil. Pluriel, Paris, Hachette, 1973,
pp. 241-243.
90
Denis Richet, art. <<Enrages >, F.Furet et M.OzouI Dictionnaire critique de la Revolution
francaise, op. cit., p. 360.
91
Amo J. Meyer, Leo Furies (1 789-1917), Violence. Vengeance, Terreur, Paris, Fayard, 2002,
pp. 171-174.
270 Le concept de representation dans la pensée politique
Les Enrages, dont la lutte s’oriente dans l’été 1793 vers des questions
plus politiques, vont insister sur la nécessité pour le peuple, afin de conserver
une souveraineté pleine et entière, de contrôler la démocratie et la
representation nationale. Ce n’est pas pour autant qu’ils abandonnent les
themes économiques et sociaux qui ont fait leur popularité dans le milieu
sans-culotte. Mais les réponses apportées par les Jacobins, et la reprise d’une
partie du programme social commun aux Enrages et aux sans-culottes, va
couper l’herbe sous le pied de Roux, Leclerc et Varlet. Le système jacobin,
après les avoir prives d’une partie de leurs revendications sociales, va les
priver de leurs tribunes habituelles, en expulsant notamment Roux et Varlet
des Cordeliers, et enfin les priver de leurs soutiens sectionnaires en
pourchassant leurs séides a travers leurs différentes sections. En réponse, les
Enrages, vont se dresser en contempteurs du système jacobin. Mais Ia
critique du representant ne suffit plus. Les Jacobins, <<l’incorruptible>> en
tête, prétent moms le flanc aux accusations d’agioteurs et d’accapareurs que
les Girondins. Les Enrages critiquent alors plus volontiers les faiblesses de Ia
Montagne, sa tiédeur a l’égard des < tyrans du dedans >> et renforcent leur
appel a une Terreur aux mains des sans-culottes. Les Enrages appellent
également de leurs vux l’application pleine et entière de Ia Constitution de
1 79395, Afin de contrer les Jacobins, us vont reprendre avec force le theme
déjà ancien du mandat impératif, ceci afin d’obliger les représentants a
protéger le peuple de la < tyrannie legislative >>. Dans leurs diatribes acides
contre les Jacobins, us vont répondre a la prise de contrôle de la Revolution
par un appel incessant au peuple, par des petitions a la Convention (dont ils
seront les rédacteurs plus ou moms avoués) et par l’appel a l’insurrection et
aux assemblées primaires, seules institutions aptes selon eux a aboutir a une
representation fidèle du peuple. Aprés avoir été les plus fervents terroristes,
les Enrages refusent alors de voir dans Ia Terreur, selon les termes de Lucien
Jaume, une nouvelle forme de representation du peuple
.
96
92 171
17id.,p.
L. Jaume, Le discoursfacobin et la démocratie, op. ciL, p. 282.
<
<<Puisque vous avez le droit de faire massacrer les hotnmes, pourquoi ne leur assurez-vous
pas le droit a Ia vie? Puisque vous déclarez la guen’e aux tyrans du dehors, pourquoi laissez
vous en paix les tyrans du dedans ? >>, Jacques Roux, Discours a la Convention du 25 juin 1793,
A.P., op. cit., p. 458.
Varlet va même jusqu’a parodier les propos du marquis de La Fayette, dont il avait été l’un
des plus farouche opposant, en r&lamant << La Constitution, toute Ia Constitution, rien que la
Constitution. >> Voir également J.-M. Zacher, <<Jacques Roux et la Constitution de 1793 >>,
Conference universitaire sur I’histoire de la dictature jacobine, Odessa, 1958, pp. 43-46.
96
<< Representation qui s’exerce a distance des gouvernCs, puisque c’est la Convention qui
donne l’impulsion (a travers le Comité de salut public) ; mais representation qui fait aussi corps
avec eux puisqu’elle répond a leur deinande, qu’elle exerce lx <<vengeance nationale>> (selon
I’expression frCquetnment employee), queue traduit dans Ic cerveau du colosse les nécessitCs
David GILLES 271
vécues par les cellules de l’organisme. >>, Lucien Jaunoe, Le discours jacobin et Ia démocratie,
o. Cit., p. 114.
Jean-François Varlet, Projet d ‘Un mandat special et impéranf op. cit., p. 7.
98
Sur les ambiguités de Ia pensCe du edivin Jean-Jacques >>, voir Ernst Cassirer, Le problèrne
Jean-Jacques Rousseau, Paris, Hachette, 1987.
Jean-Francois Varlet, Declaration solennelle des droits de 1 ‘homme da,zs 1 ‘Etat social, 1 ‘an
?mier de la vérité, op. cit., p. 6.
Sur les relectures de l’héritage rousseauiste, et plus prCcisbrnent les critiques faites a Ia
00
Jean-Jacques Rousseau, Paris, Les belles lettres, 1964, p. 405 et svt. M. Revault d’Allonnes, <<
Rousseau et le jacobinisme, pedagogic et politique a, A.H.R.F., 1978, p. 584 et svt.
102
Courvoisier, << Rousseau en 1793 un modèle détnocratique clans la tourmente a, (ss.
dir.) J. Ban, J.-J. Clére, Cl. Courvoisier, M. Verpeaux, La Constitution du 24juin 1793: 1 ‘utopie
dans le droit publicfrancais , op. cit., pp. 49-65, p. 49.
Dei:us Richet, art <<Enrages a, Dictionnaire critique de Ia Revolution francaise, op. cit,
103
360-365, p. 360.
<<Jadis, sons uric monarchic, on pouvait reconnaitre des représentants investis de pouvoirs
illiutités, substituant sans cesse leurs systbrnes, leurs volontés particulieres a Ia volonté generale
et infaillible cela n’Ctoime pus ; sons un roi Ic people est Sujet a, Jean Francois Varlet,
272 Le concept de representation dans la pensée politique
Declaration solennelle des droils de I ‘homme dans I ‘Etat social, I ‘an premier de Ia vérité,
0?. cit., p. 5.
Jean Francois Varlet, Declaration solennelle des droits de I ‘homme dans 1 ‘Etat social, 1 ‘an
?remier de Ia vérité, op. cit., p. 5.
06
<<Le souverain, qui n’est qu’un he collectif, roe peut être reprhsenté que par lui-même
(...). La souveraineth roe peut étre représentée pour la onéme raison qu’elle roe peut être
aliénhe a, J.-J. Rousseau, Consideration sur le gouvernement de Ia Pologne, cite par Robert
Dérathé, J-JRousseau ella science politique de son temps, Paris, PUF, 1950, p. 269.
Lucien Jaume. Le discours Jacobin et la Démocratie. O. Cit., p. 287.
loS
Partout oü Ic peuple n’exerce pas son autorité, et roe manifeste pas Ia volonté par lui
méme, mais par des représentants, si Ic corps lCgislatif n’est pas pur et presque identiflé avec
le peuple, Ia liberté est anéantie. a. Robespierre, Discours du 18 mai 1791, Archives
Parlementaires, tome XXVI, du 12 mai au 5 juin 1791, pp. 203-207.
ISO
< Quand [vos concitoyens] renoncent momentanément a l’exercice de leur souveraineté
pour en laisser l’usufruit a leurs mandataires, us entendent désormais que ce soit a des
conditions prescrites vous ne serez plus nos représentants, vous serez nos mandataires, nos
organes : vous verrez tracCe devant vous. Ia ligne que vous devrez suivre.a Jean-Francois
Varlet, Projet d’un mandat special er impérat4f op. cit., p. 5.
110
Ibid., p.6.
Ill
Ibid. p. 9.
112
<< Les députCs du peuple roe sont que ses commis (et) donc tie peuvent être ses
representants, us ne sont que ses ccnnmissaires ; us ne peuvent nero conclure définitivement.
Toute loi que le peuple n’a pas ratiflée est nulle; ce n’est point une loi a, J.-J. Rousseau, Du
Contrat Social, op. cit., Livre Ill, Chapitre XV.
<sDans la Constitution de 1793, Ic peuple souverain, en tant qu’universalitC des citoyens,
délibére sun les lois (article 7 et 10). Mais déjà, ii n’est habilité lui, a le faire qu’au second
degré. C’est nutialement le Corps lCgislatif qui propose les lois << en tarot qu’elles émanent de
David GJLLES 273
1w u. le Peuple n’intervient effectivement sur la due proposition que si Ic 1/10 des Assemblées
primaires de Ia moitié des départements le rdclament. >>, Marcel, David, Les Attributs de Ia
souveraineté du peuple avant et aprés 1793 >>, op. cit., p. 101.
“
3.-P.. Hébert, Le Père Duchesne, Septernbre 1792, cite par A. Agostini, O. cit., p. 106.
<<Ainsi, Ic district des Prémontrés écrit le 18 novembre 1789 : << le mandat impératif est [...]
15
un principe de droit naturel qui assujettit le mandataire a son commettant, selon la teneur et la
Iettre du pouvoir que le premier a recu du souverain.>> (...) Saint-Nicolas du Chardonnet
affirme le 4 septembre <<Chaque reprCsentant appartenant i son district avant d’appartenir a
Ia Commune, oU ii n’est que son constitué, sera revocable a la volonth du district. >>, Lucien
Jaume, Le discoursjacobin et la démocratie, op. cit., p. 289.
116
A. Agostini, La penséepolitique de Jacques-René Hébert, op. cit., p. 106.
274 Le concept de representation dans Ia pensee politique
‘‘
Jean-Francois Varlet, Declaration solennelle des droits de I ‘homme dans I ‘Etat social, Ian
de Ia vdrité, op. cit., p. 14.
IS
Jean-François Varlet, Projci d ‘un mandat special et impératij op. cit., p. 17.
‘
Théophile Leclerc, L ‘Ami dii peuple, op. cit., n° XX.
120
Hébert de Ia même facon incite la peuple a demander des comptes a Ia Constituante pins a
Ia Convention : << Demandez-Iui surtout de queue tnaniére elle entend que le peuple
sanctionnera ses décrets et comment nous pourrons rappeler les deputes qui ne marcheront pas
droit >>, Jacques-René Hébert, Le Père Duchesne, n° 181, cite par A. Agostini, La pensée
olitique de Jacques-René ifébert, op. cit., p. 105.
21
Theophile Leclerc, L ‘Ami du peuple, O. cit., n° XI.
David GILLES 275
<Délégués du peuple français, cent fois cette enceinte sacrée a retenti des
crimes des égoIstes et des fripons ; toujours vous nous avez promis de
frapper les sangsues du peuple. L’acte constitutionnel va être présenté a la
sanction du souverain ; y avez vous proscrit l’agiotage? NON ! [...j Eh
bien ! Nous vous déclarons que vous n’avez pas tout fait pour le bonheur du
peuple ! >>122 Quand Roux conjure ainsi les mandataires, ces mots résonnent
comme des coups de fouet aux oreilles des représentants de la Nation, et
surtout des montagnards, qui se voient reprocher de ne pas être assez proches
du peuple, et donc de détourner la Revolution a leur profit. Ce que veulent
alors les Enrages, c’est constater Ia rupture du contrat entre les mandataires et
le peuple, et légitimer ainsi la reprise en main de la démocratie par le peuple.
22
Jacques Roux, Pétition présentbe devant la Convention nationale, 25 join 1793 >, Archives
op. cit., p. 458.
“
Jean-Francois Varlet, Declaration solennelle des droits de 1 ‘homme dans I ‘état social,
OO. Cit., p. 6.
Jean-Francois Varlet, Gare I ‘explosion!, Op. Cit., p. 7.
R.R. Palmer rernarque que << les idbes empruntbes a Rousseau n’étaient pas non pius
121
membres [de la Convention] traitres a Ia cause du peuple. >>, D. Guérin, La lutte des classes
sour lapremière République, op. cit., p. 43.
< Article 33. - La résistance a loppression est Ia consequence des autres Droits de l’homme.
129
Article 34. - II y a oppression conire le coips social lorsqu’un seul de ses xnetnbres est opprimé.
II y a oppression conire chaque membre lorsque le corps social est opprimé.>> Constitution du
24juin 1793, op. Cit.
‘° T.Leclerc, ‘Ami du peuple, N9X,
L 8 aoüt An II.
131
Voir M. Morabito, e La résistance a l’oppression en 1793 , Revue d’Histoire du Droit, vol.
72, a° 2, avril-juin 1994.
132
Marat, dans L ‘Ami du Peuple du 12 juin 1791 dénonce a Ia foi l’interdiction des petitions
collectives et celle des coalitions par Ia Loi Ic Chapelier: < N’osant les dissoudre (les sociétés
fraternelles ou clubs), us (les députés) ont pals le parti de les rendre nulles en interdisant toute
délibération ou plutôt toute petition faite par une association quelconque, sons pretexte que le
droit de se plaindre est Un droit individuel (...) ils out enlevé a la classe innornbrable des
mamauvres et des ouvriers le droit de s’assembler pour délibérer en régle sur leurs mtérêts,
sons prétextes que ces asseniblées pourraient ressusciter les corporations qui cm été abolies. Us
ne voulaient qu’isoler les citoyens et les empCcher de s’occuper en comxnun de Ia chose
publique. >, Marat, L ‘Ami du Peuple, 18 juin 1791, <<Usurpation des droits de Ia souveraineté
du peuple par ses représentants >, cite par Jean Bart, <<Le prolétaire, present/absent >>, La
Revolution francaise et les processus de socialisation de I ‘homme moderne, Colloque
International de Rouen (octobre 1988), IRED! Université de Rouen, editions Messidor, 1989,
pp. 397-407.
David GILLES 277
QueUe sera donc a jamais glorieuse l’Cpoque ou l’Cducation nationale élêvera les
citoyens français au niveau de Ia justice éternelle, oü us seront amenés a Ia libertC parla
conscience de leurs droits, le sentiment vertueux de l’amour du bien general >>, Jacques Roux,
Discours sur les Causes des Malkeurs de la République Francaise. op. ciL
134
J.-J. Rousseau, Du Contrat Social, op. cit. Titre II, Chapitre 3.
Jean-François Varlet, Declaration solennelle des droits de 1 ‘homme dans 1 état social,
op. cii, p. 8.
<<Vous poserez Ia base, juSqu’ici si negligee, du bonheur social; elle dolt se trouver darts
tin plan d’éducation nationale, calque en tout stir des principes de liberté, d’CgalitC, soigne darts
son execution. >> J.-F. Varlet, Projet d’un mandat special et imp&at op. cit., p. 15.
W. Markov, << Les Jacquesroutins >>, Annales Historiques de la Revolution Française,
137
principaux comités de Ia section des Gravilliers. L’un de ces comités, le 7 juillet, ouvrit tine
enqu&e contre Jacques Roux et interrogea sa compagne, Daniel Guérin, bs lutte des classes
sous Ia premiere République, op. cit., tome 1, p. 263.
142
W. Markov, 9<Les Jacquesroutins >>, op. cit., p. 168.
278 Le concept de representation dans la pensée politique
Jacques Roux surtout a de tout temps mené sa propagande a travers toute ‘la
yule hospitalière’ >>‘‘. C’est des les premieres atteintes portées aux sociétés
sectionnaires que les Enrages vont se porter au secours des patriotes des
sections afin de promouvoir le recrutement populaire au sein des sections.
Suite au décret du 9 septembre 1793 qui réduisait le pouvoir des sections
,
Varlet, par une petition rédigée le 17 septembre, accuse les députés de vouloir
ofermer I’ceil du peuple, attiédir sa surveillance. Et dans queue occasion?
Quand les dangers de la patrie l’obligent a remettre entre vos mains un
pouvoir immense qui exige une surveillance active >>145. Ii entrevoit pourtant
l’utilisation ii peut étre fake de certains comités, afin de museler le peuple
sans-culotte’
A Ia recherche de tribunes pour faire entendre leur voix, les Enrages,
avant de se muer en journalistes révolutionnaires en revendiquant I’héntage
de Marat, oat tenté de se faire une place au sein des organes multiples créés
dans le Paris révolutioimaire. En 1792, Roux tentera vainement de se faire
élire a la Convention et au Département, ce qui le privera d’une tribune
essentielle pour son action, mais aussi pour sa postérité. Néanmoins, Roux
s’appuiera stir la Commune de Paris’
’ oü, bien qu’en opposition constante
4
face a Chaumette, Pache et Hébert, ii sera élu au Conseil Général le 30
novembre 1792 aux côtés de ceux-ci’
. Ii y tiendra adrnirablement son role
48
de trublion révolutionnaire, en y étendant son influence jusqu’à sa chute.
Muni de ce strapontin institutionnel, Roux n’en cherchera pas moms a se
faire entendre de toutes les tribunes disponibles, se faisant élire délégué de sa
section chaque fois qu’il veut lancer un brülot au sein de la Convention,
comme son manifeste du 25 juin. Ii sera trés actif aux Cordeliers notamment
dont il sera membre jusqu’à son exclusion sons la pression des Jacobins’
.
49
Pour Jaurès qui est pourtant peu suspect de sympathie pour << le curé rouge >>,
Jacques Roux se montre, dans l’utiuisation des sections, sinon un habile
politique, du moms tin efficace meneur d’hoinme. 11 < s’était dit, sans doute,
que lorsqu’il aurait pénétré cette section (celle des Gravilliers) lentement,
obscurément, de son influence et de sa pensée, ii aurait, au cw méme de
Paris, une force decisive
‘
ibid., p. 167.
Pris a l’invitation de Danton, ce décret prévoyait une reduction des assemblées de section
ainsi qu’une rémunération de quarante sous. <Outre Ia rérnunération, qui flit jugée msultante
par les sections, le décret donnait I’impression de reprendre a Ia souveraineté du peuple ce que
ha avait reconnu Ia Legislative le 25 juillet 1792: Ia permanence des assemblées génerales.
Lucien Jaume, Le discoursjacobin et la démocratie, op. cit., 141.
p.
A. Soboul, Les sans-culottes parisiens en Ian II. Mouvement populaire et gouvernement
révolutionnaire, 2juin 1793-1799 thermidor an II, op. cit.,
146 p. 189.
<<Le despotisme a passé du palais des rois dans l’enceinte des Comités. >>, J.F. Varlet, Gare
L ‘explosion !, op. cit.
Selon Mathiez, l’influence de Jacques Roux ne faisalent que grandir a la Commune jusqu’à
l’insurrection du 31 mai. A cette date, ii sera méme nommé historiographe de Ia Revolution qui
s’opérait ; ii sera par ailleurs chargé Ic 1” juin de Ia redaction du Bulletin officiel de la
Commune A. Mathiez, La vie chére et le mouvement social sous Ia Terreur, op. cit., tome 2,
p.6.
148
Jacques Roux recevant 46 voix soit 15% des 300 votants aux Gravilliers. Nicole Bossut,
Chaumetteporteparole des sans-culottes, Paris, Editions CTHS, 1998, 171.
p.
Le 30 jum 1793 ime delegation des Jacobins menCe par Robespierre, Hébert et Collot
d’Herbois sera envoyée au club des Cordeliers pour en obtenir I’exclusion de Jacques Roux et
de Leclerc et la suspension de Varlet.
°
J. Jaurès, Histoire socialiste de Ia Revolution Française, op. cit., tome V, 209.
p.
David GLLES 279
c he became a member of the Jacobin club, the Cordeliers club, and the Fraternal Society
of both Sexes >>, R.B. Rose, The Enrages socialist ofthe French Revolution ?, op. cit., p. 11.
52
Lamartine classe Varlet parmi les agents secondaires de ce Comité avec, Maillard, Cerat,
Gonchon, Malard, Siret, Gibon..., A. de Lamartine, Histoire des Girondins, op. ci:., Tome V.
p. 332.
e elle suspendit de ses fonctions le monarque surpris en flagrant délit et qui, pour jouir avec
sa famille du plaisir barbare de marcher sur les cadavres, avoit pris asile parmi Jes
représentants du peuple qu’on devoit égorger... >,, Jacques Roux, Projet de Discours sur les
Causes des Maiheurs de la République Francaise, O. Cit.
5
‘4
mw.
<la souveraineté du Peuple a retournée a sa source, nous nous sommes ressaisis de toute
notre indépendance >>. 3.-F. Varlet, Projet d’un mandat special et impératzf O. ci:., p. 4.
156
Serge Aberdarn, e soumettre Ia constitution au peuple >>, (ss. dir.) 3. Bart, J.-3. Clére, Cl.
Courvoisier, M. Verpeaux, La Constitution du 24 juin 1793 : I ‘utopie dans le droit public
francais ?, O. cit., pp. 139-159, p. 143.
280 Le concept de representation dans la pensée politique
157
<<To Varlet the first principle of politics was that the fundamental sovereignty of the
General Assemblies could never be permanently delegated, even to a populary elected
parliamentary assembly >>, LB. Rose, The Enrages : socialist of the French Revolution?,
j. ciLp. 18.
5
o
I 8
<<Article 26. Aucune pothon du peuple ne petit exercer Ia puissance du peuple entier;
..
mais chaque section du souverain assemblée doitjouir du droit d’expruner as volonté avec une
entihre liberté. >> La Constitution du 24juin 1793, consultable sur le site internet du Conseil
Constitutionnel http ://www.conseil-constitutionnel.fr/constitutionfcl793.htm.
159
i-F. Varlet, Projet d’un mandat special el imperatif aux mandataires du peuple, a Ia
Convention nationale, op. cit., p. 3.
160
c• Riffaterre, << Les revendications hconomiques et sociales des assemblées primaires de
juillet 1793 >>, Bulletin d’histoire économique et sociale de Ia Revolution fran caise, 1906, n 4,
pp. 321-380.
S. Aberdam, << Soumettre la Constitution au peuple >>, (ss. dir.) 3. Bart, 3.-J. Clére, Cl.
Courvoisier, M. Verpeaux, La Constitution du 24 juin 1793 : 1 ‘utopie dans le droit public
francais ?, O. Cit., pp. 139-159, p. 140.
162
i-F. Varlet, Projet d’un mandat special et impératf aux mandataires du peuple, a la
Convention nationale, op. cit., p. 3.
163
c, Courvoisier, << Rousseau en 1793 un modèle démocratique dans la tourmente >>, op. cit.,
p.61.
Le droit de petition avait été autrefois défendu par les Jacobins, et notamment le premier
d’entre eux, Robespierre. Dans on discours du 9-10 mai 1791, ii avait défendu avec vigueur Ic
droit de petition face aux constituants modérCs : << Le droit de petition est Ic droit
imprescriptible de tout botnme en société. Les francais en jouissaient avant que vous fussiez
assembles. (...) Et vous, législateurs d’un peuple libre, vous ne voudrez pas que des Français
vous adressent des observations, des demandes, des priéres comme vous les appeler. (...) Le
droit de petition n’est autre chose que Ia faculté accordèe a un homme, quel qu’il, soit,
démettre on vdu, de demander cc qui lui parait plus convenable, soft a son intérét particulier,
soit a l’intérCt général. II eat evident qu’il n’y a point là de droits politiques parce qu’en
adressant mae petition, en émettant tin vons, son desir particulier, on ne fait aucun acte
d’autorité, on exprinae a celui qui a l’autorité en main ce que l’on desire qu’il vous accorde. >>,
David GLLES 281
<< Discours de Robespierre a 1’Assemblée constituante, des 9 et 10 mai 1791 >>, Robespierre,
Pour le bonheur etpour Ia liberté, discours, réécL, La fabrique editions, 2000, pp. 101-104.
165
Petition des Citoyennes républicaines révolutionnaires du 26 ao6t, Paris, BN LB ° 2412.
4
66
T. Lecierc. L Ami du peuple, n XVII, 30 aoüt, l’an 2 de Ia Republique.
167
e Les femmes rCpublicaines révolutionnaires, dont vous vous rappelez sans doute les
services pendant Ic temps de I’insuxrection, demandent l’entrée de Ia barre, le président la leur
refuse. Une autre deputation, venue aprés dies, est admise avant dies. RCvoitées d’une
injustice aussi criante, cues parviennent cependant a Ia barre malgré i’opposition des huissiers,
et lisent leur petition; quel Ctait le but de cette petition ‘? De demander qu’un minisire rende ses
cotnptes. >, Petition des Citoyennes républicaines révolutionnaire.s du 26 aozit, Paris, op. cit.
168
Lucien Jaume, Le discoursjacobin et la démocratie, op. cit., p. 140.
169
En 1791, << le pCtitionnement est reconnu comme relevant du droit d’opinion, mais a
condition qu’il soit chaque fois le fait d’un signataire individuel, explicite. >> Cette question avait
essentiellement comme enjeu la reconnaissance des clubs comme instruments politiques, et
opposait lors d’un débat a I’Assemblée Ic 9 mai 1791 Pétion, Buzot et Robespierre a Le
Chapelier. Ce dernier agitait la figure de l’hydre corporationniste afin de restreindre Ic droit de
petition. Lucien Jaume, << Les Jacobins : une organisation clans le processus de Ia Revolution
1789-1794 u, op. cit., p. 245 et 246.
170
<<Article 31. Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais étre
-
impunis.Nul n’a ledroit de se prétendre plus inviolable que les autrescitoyens. >s, Constitution du
24juin 1793, op. cit.
282 Le concept de representation dans la pensée politique
‘
T. Leclerc, L ‘Ami dupeupie, n° VIII, 6 aoüt, l’an 2 de Ia république, op. cit.
172
<<Pour connoitre désormais de toutes les atteintes portées aux droits publics des citoyens,
pour appliquer la lol de responsabilité aux députés ou fonctionnaires inlidèles, vous créerez
une nouvelle institution composée àe patriotes d’élite, éprouvés dens les fonctions de
législateur ou d’officiers municipaux. Ces citoyens respectables seront nommés les magistrats
du souverain >>, 3.-F. Varlet, Projet d’un mandat special et imperat O. Cit., p. 19.
173
eLe salut de Ia République vous impose donc la tâche trés honorable de citer devant les
tribunaux les mandataires infldèles et ins conspirateurs. >>, 3. Roux, Projet de Dzscours sur les
Causes des maiheurs de Ia République Francaise, op. cit., p. 125.
174
<<A Rome, on ne créait des dictateurs que clans les circonstances extrêmetnent difficiles, et
cette institution ne flit jamais funeste a Ia libertb tant que les Romains, sans luxe, sans arts
inutiles, sans besoins superfius, fiirent les sectateurs de la vertu, et les enfants de Ia nature,
mais us n’en contractérent pas moms l’habitude de plier de temps en temps sous cette
magistrature eayante, et lorsque, charges des depouilles de leurs ennemis, ils héritCrent de
leur noblesse et de leurs vices. > T. Leclerc, L ‘Ami du peuple, n 8 VIII, 6 aoflt, l’an 2 de la
resublique, O. Cit.
17
<<Peuple, debout ou Is souveraineté n’est plus qu’un mot dont on t’abuse; si tu ne mets pas
Ia Constitution a sa place. et les préposés a Ia leur, sais-tu ce que peut une autorité provisoire
qui ne gouverne pas d’après les loix établies, mais d’après sa volonté >>, T. Leclerc, L ‘Ami du
Peuple, n XIX, 4 septembre de l’an II.
176
Robespierre, (févrierl794): <<Si le ressort du gouvernement populaire clans la paix est Ia
vertu, Ic ressort du gouvernement populaire en revolution est a Ia fois Is vertu et la terreur: la
vertu sans laquelle Ia terreur est funeste, Ia terreur sans laquelle Ia vertu est impuissante. La
terreur n’est autre que Ia justice prompte, sCvêre, inflexible ; cUe est donc une emanation de la
vertu, cue est moms un principe particulier qu’une consécuence du principe general de la
démocratie politique apoiiquée aux plus pressants besoins de La patrie >, S. Lazarus, << A propos
David GILLES 283
Jacques Roux, des Bourgouin, des Gonchons, etc. ils se sont servi des
femmes révolutionnaires, des Lacombe, des Colombe, des Champion, des
Ardoin, et tant d ‘autres républicaines, pour briser le sceptre du tyran
))186
[••]
Jacques Roux mort’
, Leclerc, Pauline Leon et Claire Lacombe retires
87
de la vie publique’
, seul Varlet va persévérer dans l’engagement
88
politique’. Ii continue d’uwer au scm du mouvement social’
, méme Si,
90
I
David GILLES 285
En tbmoigne les deux pamphlets rédigés pour partie en prison (depuis Ia prison Du Plessis,
06 se trouvèrent enfermés de nombreux vaincus de prairial) en 1794 et 1795 et qui font montre
d’une certaine incoherence rédactionnelle, Jean-Francois Varlet, Du Plessis Ie maiheur,
queue Ecole ! Ce quej ‘écris Ia nuit, a la Iueur obscure d ‘une lampe de prison en est peut-être
unepreuve. Tyrans et ambitieux, lisez..., op. cit., et Le Pantheon Françazs, Paris, impr. Laurens
eune, an ifi 1795, 8p., BN MFICHE LB41-1695.
<d’aime beaucoup le modérantisme qui me rend huntain, tolerant, réfléchi. He bien soit, je
suis un modéré >> J.-F. Varlet, Gare l’explosion !, op. cit.
197
Jean-Francois Varlet, Magnanimizé de l’Empereur des francais envers ses ennemis, a
l’occasion de Ia nouvelle declaration des Puissances.. ; Gazette de France, 5 janvier 1814,
impr. Chaigneaujeune, 8p. BN P89/889 ou MFICHE LB46- 116.
Jean-Francois Varlet, Nanres, I ‘an deux de I ‘héroisme parisien, Nantes, Septembre 1831,
BN P89/895 Lepater noster d’un librepenseur, Paris, 1830, BN P89/901 Le Phénix, le hibou
et les oiseaux de proie, Nantes, octobre 1831, BN P90/789.
199
Y. Blamer, Jean-Francois Varlet après la Revolution , Annales Historique.s de la
Revolution Francaise, n 284, avril-juin 1991, pp. 227-231.
200
S Lazarus, < A propos de Ia politique et de Ia terreur u, op. cit., p. 83.
286 Le concept de representation dans Ia pensée politique
201
<<La revolution &ancaise a fait germer des idées qui mènent au-deli des idées de tout
l’ancien itat du monde. Le mouvement rCvolutionnaire qui commença en 1789 au Cercie
social, qui. au milieu de sa carrière, eut pour representants principaux Leclerc et Roux, et finit
par succomber provisoirement avec Ia conspiration de Babeuf, avait fait germer l’idée
communiste que l’ami de Babeuf, Buonarroti, réintroduisit en France aprCs la revolution de
1830. Cette idée, développCe avec consequence, c’est l’idée du Nouvel Ctat du monde. >, K.
Marx et F. Eagels, La Sainte Famille, editions Sociales, Paris, 1972, p. 145.
202
St Just <<Un gouveruement republicarn a Ia vertu pour principe; sinon Ia terreur. Que
veulent ceux qui ne veulent on vertu ni terreur? >>, S. Lazarus, <<A propos de la politique et de
Ia terreur x., op. cit., p. 83.