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Il s’agit d’un droit qui peut s’apparenter au droit des biens. Mais c’est une discipline
tout à fait émancipée, ce dont témoigne l’existence d’un Code spécifique. Il arrive qu’il faille
aller chercher un mécanisme général dans le droit civil, mais c’est rare. Ce droit touche à des
biens incorporels, immatériels. Un roman peut être imprimé sous forme de livre, mais c’est le
roman qui fait l’objet de notre droit, non le livre. Le droit de la propriété intellectuelle se
trouve partout. La cafetière de mon café a sûrement fait l’objet de brevets, de certificats
d’obtention etc.… Cet ordinateur fonctionne grâce à la topographie des semi-conducteurs, qui
a fait l’objet d’une protection de propriété intellectuelle. C’est un droit qui porte sur des objets
hétérogènes, mais c’est aussi un droit hétérogène, il diffère selon l’objet considéré. La
protection n’est pas identique selon la matière et le domaine.
2 ou 3 branches ce semestre : Droit des brevets d’invention, droit des marques et
éventuellement droit des dessins et modèles.
Les droits de propriété intellectuelle (y compris industrielle) sont récents, nés avec la
Révolution Française. Les systèmes antérieurs n’ont rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Et il
n’y a pas de droits précurseurs antiques.
La justification des droits sur les biens immatériels a varié avec le temps et continue
d’être discutée. Si on regarde ce qui se passait avant, on voit que sous l’Ancien Régime, les
inventions ou les œuvres n’étaient protégées que par une technique particulière : par les
privilèges (ou lettres patentes) accordés par le Prince, seul juge de les accorder ou non.
Il n’y avait à l’époque aucune règle, c’était le bon vouloir du Prince. On est loin d’un DROIT
de propriété.
La propriété industrielle et artistique n’apparaît vraiment au sens moderne qu’avec la
Révolution. Le législateur révolutionnaire met en avant la notion de PI et de droit naturel pour
accorder un droit exclusif à l’auteur ou à l’inventeur. Il s’agit d’une propriété individuelle, ce
qui est important. On fait alors une distinction entre la propriété sur l’objet matériel et la
propriété sur l’objet intellectuel. On a enfin l’idée que la propriété n’est pas simplement
corporelle, mais peut aussi exister sur l’incorporel. Lorsqu’un écrivain cède le manuscrit d’un
roman, il cède le bien matériel mais pas le droit de publier le roman. Celui qui a inventé ou a
créé a un droit naturel à s’approprier son œuvre ou son invention. Car cela n’existerait pas
sans lui. Ce n’est donc plus la faveur du Prince.
Cela doit donc faire l’objet de conditions objectives qui permettent de s’approprier le
droit. En ce qui concerne les marques, c’est un peu différent. Avant la Révolution, les seules
marques sont celles des corporations. Avec la Révolution, la corporation et les privilèges étant
balayés, le système est remis à plat. Le droit sur la marque est d’abord un droit d’occupation
active : le premier à exploiter un signe en devient propriétaire.
Comment la doctrine justifie-t-elle la propriété intellectuelle ? La doctrine de la
récompense, qui consiste à accorder un droit d’exploiter (PI) comme la récompense de l’effort
inventif ou créateur. On accorde ce droit pour encourager la création ou l’innovation. Cette
récompense s’arrête dès que l’on considère qu’il a été assez encouragé. Le législateur peut
donc restreindre ce droit. Le droit est ici conçu comme une exception temporaire, limitée : dès
que la récompense sociale a été usée, on revient à la libre utilisation. Seuls les besoins de la
société justifient donc ce droit, limité. Cette doctrine a inspiré le droit communautaire et
américain ; cela rappelle le système des privilèges. 2e conception : Le Jus naturalisme. On
met ici en avant les intérêts du créateur, de l’inventeur ou du titulaire de la marque. Le droit
est naturel, la loi ne fait que l’organiser. Autrement dit, c’est parce que je suis le créateur,
inventeur ou le premier à utiliser un signe distinctif que je suis le titulaire du droit. Les objets
étant immatériels, c’est normal que le droit l’organise. C’est l’esprit du droit d’auteur
français, qui se mélange avec la théorie de la récompense dans le droit des brevets. En matière
de signes distinctifs, cela ne s’explique pas par ces 2 théories. 3e conception : Protection et
Défense de l’investissement. Si quelque chose a coûté de l’argent, cette chose a de la valeur,
susceptible d’être copiée, il faut donc la protéger. Ici, l’idée est de protéger l’investissement.
Cette doctrine présente de gros inconvénients, car tout investissement naturel présenterait
alors un droit de propriété. Cela aboutit aussi à éroder le domaine public. La propriété
intellectuelle doit donc constituer une exception, le principe devant rester la liberté du
commerce et de l’industrie. De plus, si la PI est fondée sur l’investissement ou la récompense,
alors il est facile de critiquer, car le fondement avancé est uniquement économique, donc
favorise seulement les plus riches.
Dans tous les cas, même dans le jus naturalisme, on a besoin du législateur pour
organiser ce droit. Le bien étant immatériel, il faut en définir les contours. Tous ces droits ont
en commun de participer à la politique de la concurrence ; tous participent à l’idée
d’encourager le commerce, la création et le progrès et tous se basent sur la justice et l’équité.
C’est une controverse vieille, commencée au 19e siècle, qui n’est pas que théorique
étant donné les enjeux pratiques. Cette propriété est-elle assimilable à celle du Code Civil ou
est-elle sui generis ? Si Code Civil, on va pouvoir transposer des mécanismes de ce dernier au
droit de la PI. L’accession mobilière peut-elle s’appliquer ? Le droit de propriété bénéficie de
garanties constitutionnelles et CESDH, en est-il de même avec le droit de la propriété
intellectuelle ? La doctrine est hésitante de même que le législateur. Ce dernier fait tantôt
référence au mot propriété tantôt non. Le mot propriété n’a sûrement pas la même
signification que propriété au sens général du terme.
Les premières lois parlent de propriété (PLA ou invention) : c’est une révolution en
tant que telle, la propriété étant le droit le plus absolu, le plus éminent. Malgré cela, on établit
un régime qui est loin de celui se trouvant dans le Code Civil de 1804. Ce droit de propriété
est, en effet, très limité dans le temps au moment de la Révolution (+ pas de possession
acquisitive). Dans le droit d’auteur, il y a en plus un élément incongru, ce droit d’auteur
n’étant pas purement patrimonial. Jusque dans les années 1980, la doctrine majoritaire
considérait qu’il s’agissait d’un droit entièrement nouveau et sui generis, et se prononçait
contre la qualification du droit de propriété. Il s’agissait seulement d’un monopole
d’exploitation temporaire d’un objet immatériel. Roubier a établi une théorie sur les droits de
la PI, droits de clientèle. Tous ces droits avaient pour objet une exploitation (inverse de la
propriété oisive) et avaient comme objectif commun d’attirer la clientèle. L’objet de tous ces
droits est donc la clientèle, qui constitue véritablement la valeur ou le bien. Le droit de
clientèle est une 3e catégorie de droit après les droits immobiliers et mobiliers. Ce qui est
contestable est que cela consiste à catégoriser la nature du droit par son effet. De plus, ce droit
de clientèle n’assure pas en réalité une appropriation de la clientèle. Mais droit sui generis
car :
- aspect patrimonial au sens de la propriété en général ;
- composante extrapatrimoniale conduit à ce que cela ne fasse pas entièrement partie du
droit de propriété en général.
Mousseron et une grande partie de la doctrine est revenue à l’idée de propriété pure et simple :
même si le droit n’est pas perpétuel (ce qui ne définit pas forcément la propriété), il n’en
demeure pas moins que la propriété peut être conditionnée par l’exploitation de son objet.
De plus, le législateur pourrait exproprier et limiter cette propriété pour l’intérêt général.
D’autant plus que le droit des marques est renouvelable tous les 10 ans (= propriété). D’autre
part, la maîtrise d’un objet intellectuel ne peut être qu’intellectuelle elle-même. Le détenteur
du droit a le droit d’en jouir absolument (542 CC). Aussi, dans le droit de la PI, il y 2 sortes
d’actions en revendication, comme pour la propriété en général, qui permettent de récupérer le
droit sur une invention ou une marque qui a été déposée par un tiers en fraude. Récupération
de la propriété du titre obtenu par le tiers en fraude. L’action en contrefaçon sanctionne aussi
la violation et l’usurpation d’un droit de PI. Cette action sert à défendre le droit de propriété :
non seulement elle donne lieu à des D&I, mais il y a aussi récupération de l’intégralité du
droit. Revendication comme pour le droit de propriété en général donc. On entend par
qualification de propriété, le fait que la définition de l’article 544 puisse s’appliquer (Droit
absolu et opposable à tous). Si l’on retient uniquement « l’énergie » que donne l’article 544 au
droit de propriété, il n’y a alors pas d’obstacle à l’utiliser pour PI. Mais si l’on regarde le reste
du régime, force est de constater que ce régime n’est créé que pour les biens corporels. Donc
le Code Civil est en réalité inapplicable. C’est bien un droit spécial dont il s’agit. D’où la
création du Code de la PI en 1992. Accentuation de l’autonomie de ce droit. Il existe, par
ailleurs, des droits de PI qui n’ont pas de titulaire ; il s’agit, par exemple, des appellations
d’origine contrôlée (les appellations d'origines ne sont ni des marques commerciales, ni des modèles
déposés, mais des certifications officielles de qualité délivrées par un organisme dépendant d'un ministère et
sanctionnée par un service de répression des fraudes. Les AOC (appellations d'origine contrôlée) identifient un
produit, l'authenticité et la typicité de son origine géographique. Elles sont garantes de ses qualités et de ses
caractéristiques, de son terroir d'origine, du savoir-faire du producteur (vins, cidres, fromages, fruits et légumes,
produits laitiers, miels, etc.), de l'antériorité et de la notoriété d'un procédé et de son nom qui sont trop ancien
pour faire l'objet d'un brevet). Ceux qui s’en servent ne sont, en effet, pas propriétaires de ces
appellations, ni l’Etat etc. ; ils peuvent seulement s’en servir et les faire valoir. Il s’agirait
alors d’une propriété sans titulaire, qui ne serait pas cessible.
L’idée d’un droit sui generis est donc sûrement plus adaptée. Ou alors faudrait-il parler
de propriété sui generis. L’avantage de parler de propriété est de pouvoir bénéficier de
l’article 17 de la DDHC et de l’article 4 de la CESDH, qui permettent d’invoquer une
protection importante de ces droits. Cela a été confirmé récemment, d’une part par la CEDH,
qui a considéré que, sur le terrain de la Convention, la qualification de biens s’applique aussi
aux biens immatériels et ce, quoi que puisse prévoir la législation nationale. Donc un nom
commercial peut être qualifié de « bien » et protégée comme tel, alors même qu’en France, il
y a débat sur les noms commerciaux. Au niveau national, le Conseil Constitutionnel a rendu
un arrêt, le 27 juillet 2006, où il dit que l’évolution du droit de propriété se caractérise par son
application à de nouveaux domaines, parmi lesquels figurent les droits de PI « et notamment
le droit d'auteur et les droits voisins ». Ces derniers sont donc protégés par la DDHC et
CESDH ; suppression de dispositions qui portaient atteinte aux DPI.
A. La diversité (hétérogénéité)
Tous ces droits sont des droits exclusifs, c’est-à-dire que l’auteur peut empêcher sa
diffusion aux tiers (pas d’exploitation de l’oeuvre) = monopole. Tous ces droits représentent
donc aussi des restrictions à la liberté du commerce et de l’industrie ; ils en sont l’exception.
Tous ces droits sont des éléments du fonds de commerce (sauf cas particulier des AOC), lui-
même qualifié de bien meuble incorporel. Parmi les droits de propriété industrielle qui font partie du
fonds de commerce, le nom commercial est original. Tous ces droits sont aussi spécifiques, car ils
remplissent l’action en contrefaçon, qui est une action aussi bien civile (commerciale) que
pénale. Une technique de preuve de la contrefaçon est la saisie-contrefaçon, moyen spécifique
de preuve des actes de contrefaçon (Procédure qui permet à l'auteur d'une œuvre de l'esprit, au titulaire
d'un droit de propriété incorporelle sur un brevet, dessin, modèle, marque, secret commercial ou de fabrique
ou logiciel de conserver les traces d'une contrefaçon portant atteinte à son monopole d'exploitation ou
constituant un acte de parasitisme ou de concurrence déloyale).
Puisqu’il s’agit de droits exclusifs et territoriaux, ils soulèvent des difficultés relatives
au principe de liberté de circulation et de concurrence posé par le droit communautaire.
Il y a ce que l’on appelle le domaine public, considéré comme un fonds commun dans lequel
tout le monde peut puiser indéfiniment. C’est notamment le cas des œuvres « tombées dans le
domaine public » : n’importe qui peut les reproduire et les exploiter. On y trouve aussi les
objets intellectuels qui auraient pu faire l’objet d’une protection mais qui ne l’ont pas été ; des
objets qui ne peuvent pas être protégés parce qu’ils doivent appartenir à tous. Ex : Idées,
théories, principes mathématiques, physiques etc.
En ce qui concerne la propriété industrielle, par opposition au droit d’auteur qui pose
l’originalité comme condition, c’est la nouveauté ici qui est le critère objectif. Cette invention
fait-elle partie déjà de ce qui existe ? Ce critère reçoit une qualification différente selon la
chose inventée. Autre règle commune : l’obligation d’exploiter. Risque d’obtention par le
juge pour un tiers d’une licence forcée. Si pas d’exploitation, il y a déchéance en matière de
marques, c’est-à-dire perte pure et simple du droit de Propriété industrielle. En matière de
Propriété industrielle, il y a une certaine spécialisation des métiers, due au fait que ce sont des
matières complexes, qu’il faut pouvoir comprendre telle ou telle invention, etc. Ce qui fait
qu’il existe différents Conseils suivant les différentes Spécialités industrielles (marque,
dessins et modèles, végétaux etc.) Il existe aussi un Institut National de la Propriété
Industrielle (INPI) qui procède à l’examen et à l’enregistrement des droits.
Il y a débat sur le rôle de la Propriété industrielle. Puisque ces droits créent des
monopoles, on pourrait imaginer qu’ils sont restrictifs à la liberté du commerce. C’est vrai.
Mais ils ont aussi une fonction d’aiguillon et d’incitation à la concurrence. Ces droits
encouragent et récompensent l’innovation, ils permettent donc aux compétiteurs et agents
économiques de se distinguer par rapport aux concurrents et ainsi de développer leur activité
sans craindre des perturbations que causeraient des confusions volontaires ou involontaires.
D’autre part, la concurrence va être incitée à chercher un autre produit, une autre technique
nouvelle plus compétitive, plus efficace et plus innovante afin de dépasser les produits
couverts par le droit (émulation). C’est la concurrence par l’innovation.
Les signes distinctifs - comme les marques - constituent également un aiguillon, car ils
servent pour la clientèle à distinguer et à sélectionner les meilleurs producteurs, les meilleurs
prestataires de services. La marque ou le signe distinctif renforce donc également la
concurrence, car s’il n’y a aucun moyen de distinguer les produits, on entre dans un marché
non concurrencé. Comme ils ont de la valeur, on va rechercher un concessionnaire qui
exploitera au mieux la marque etc., ce qui permettra d’engranger plus de bénéfices (la
"concession" est le contrat commercial conclu intuitu personae par lequel un commerçant indépendant dit
"concessionnaire" se procure auprès d'un autre commerçant, fabriquant ou grossiste, dit le "concédant" des
marchandises qu'il s'engage à commercialiser sous la marque du concédant, lequel lui confère une exclusivité
pour un temps et dans une ère géographique délimitée).
Par ailleurs, même quand l’on possède un brevet, cela ne veut pas forcément dire que
l’on se trouve en position dominante. Ceci est vrai a fortiori pour la marque en elle-même. De
plus, il arrive rarement que les produits ne soient pas substituables ; donc ce n’est pas parce
qu’il y a brevet qu’il y a abus de position dominante ou simplement position dominante.
L’idée selon laquelle il y a un conflit naturel entre la Propriété industrielle et la concurrence
n’est donc pas tout a fait exacte. OCDE 89 : Les droits de Propriété industrielle sont
indispensables au fonctionnement d’une économie de marché concurrentielle. Il est préférable
de permettre à un innovateur de s’approprier la rente inhérente à une innovation parce que
cela apparaît être la garantie la plus sûre pour assurer la croissance à long terme. S’agissant
des marques, dessins, modèles ou signes distinctifs, la concurrence n’a pas vraiment à souffrir
des droits de Propriété industrielle, car elle est assurée par la substituabilité. Concernant le
droit d’auteur, le monopole ne limite pas le droit de concurrence non plus (selon le marché
pertinent, pris en considération), car le marché pertinent ne peut pas être conçu de manière si
étroite que simplement l’œuvre en elle-même. Il y a donc toujours de la concurrence.
Il existe a priori une contradiction apparente entre le DCC et les droits de Propriété
industrielle, qui sont constitutifs d’un droit exclusif au monopole d’exploitation et d’un
caractère territorial (la protection se limite à un territoire déterminé), ce qui veut dire que
l’exclusivité permet d’interdire la production au gré du détenteur, de même que l’importation
peut être limitée par le détenteur. Ceci paraît donc s’opposer à la libre circulation du droit
communautaire. Il y a aussi une contradiction entre le monopole et la libre concurrence.
Opposition manifeste mais pas forcément irréductible. L’UE a aussi intérêt à encourager les
inventions, bénéfiques au commerce, aux progrès techniques et à l’économie en général. Par
conséquent, on a besoin de trouver des règles de conciliation.
Pour préserver les droits de Propriété industrielle et empêcher les effets néfastes sur le
marché européen, la CJCE et les autorités communautaires ont élaboré des principes de
conciliation. Art 30. du TCE : « les dispositions du traité en matière de libre circulation et
libre concurrence ne font pas obstacle à certaines restrictions à ces principes justifiées par
des raisons tirées de la propriété industrielle et commerciale et des droits d’auteur ». L’art.
30 écarte ces restrictions quand elles apparaissent exclusivement comme un moyen de
restriction du commerce en général ou de discrimination. Les autorités ont dû relever ce qui,
dans la Propriété industrielle, relève du juge national et ce qui relève du droit communautaire.
Distinction entre l’existence et l’exercice du droit de propriété intellectuelle. Son existence
(détermination des objets couverts…) relève de la loi nationale, tandis que son exercice peut
être restreint par le droit communautaire et ses grands principes.
Cela étant, pour y arriver, la CJCE a mis en lumière le concept d’ « objet spécifique »
ou substance de droits, complétée par une autre notion, celle de « fonction essentielle ».
Objet spécifique : Pour la CJCE, les restrictions de l’article 30 en faveur de la Propriété
intellectuelle ne vont jouer que si elles sont justifiées par la sauvegarde de ces droits. Cela sert
à distinguer parmi les prérogatives, celles qui peuvent justifier des exceptions à la libre
circulation et concurrence. La distinction entre l'existence et l'exercice du droit est apparue à propos de
l'application des règles de concurrence du traité à l'exploitation des droits de propriété industrielle. Evoquée dans
l'arrêt Consten-Grundig (1966), à propos d'une cession de marque, elle a été ensuite reprise, en matière de
brevets, dans l'important arrêt Parke Davis (1968). Il s'agissait de distinguer ce qui relevait de l'"existence" des
droits de propriété industrielle, qui était couvert par la réserve de l'article 30, de ce qui se rapportait à l'"exercice"
de ces droits, qui ne pouvait échapper au principe de libre circulation. L'"existence" d'un droit est toutefois une
notion imprécise et trop dépendante de la volonté des législateurs nationaux. C'est la notion d'" objet spécifique"
qui a permis de préciser ce qui pouvait relever du statut légal de chaque droit de propriété industrielle ou
intellectuelle sans heurter le principe de libre circulation. En matière de brevets, l'"objet spécifique" consiste,
selon la Cour de justice, dans le "droit exclusif d'utiliser une invention en vue de la fabrication et de la première
mise en circulation de produits industriels ... ainsi que (dans) le droit de s'opposer à toute contrefaçon" (arrêt
Centrafarm c. Sterling Drug de 1974). La définition de l'"objet spécifique" de la marque de fabrique a été plus
longue à s'affirmer. Dans l'arrêt Terrapin (1976), la Cour a déclaré que la « fonction essentielle » de la marque
consiste à "garantir aux consommateurs l'identité d'origine du produit", définition qu'elle a ainsi complétée
ultérieurement dans l'arrêt Hoffmann-Laroche: "en leur permettant de distinguer sans confusion possible ce
produit de ceux qui ont une autre provenance" (1978). Fonction essentielle : Elle sert à interpréter les
directives relatives à la Propriété industrielle. On se réfère ainsi à la finalité de ces droits.
Qu’est-ce qui justifie l’existence de ces droits ? Ex : En matière de brevet, la CJCE considère
que la fonction essentielle est la récompense de l’auteur de l’invention. Donc lorsque la
récompense est assurée, le droit cesse. La fonction essentielle de la marque est de garantir au
client final (consommateur) l’identité d’origine du produit qui porte la marque. C’est-à-dire
que l’on peut attribuer la responsabilité du produit au propriétaire de la marque. Pour le droit
d’auteur, la fonction essentielle est de préserver les droits moraux et patrimoniaux de l’auteur
dans son œuvre et d’assurer la récompense de son auteur.
Cet article prohibe les accords qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre EM
et qui ont pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence dans le marché commun.
Or, il y a dans les accords de licence d’exploitation, dans les accords de cession de droits, etc.
des clauses dans lesquelles le donneur de licence impose les prix etc. et c’est anti-
concurrentiel. Des clauses également par lesquelles le donneur de licence subordonne l’accord
à des conditions qui n’ont rien à voir avec le produit proposé ou destinées à empêcher les
importations parallèles + accords anti-concurrentiels en soi (licences de différents produits
groupés etc.). Dans l’article 81§3, on autorise par exception des accords restrictifs justifiés
par le progrès technique ou économique et laissant une part du profit au consommateur
(exemption individuelle). Cf. Arrêt « Semence de Maïs » 1982, CJCE : La CJCE a fait une distinction
fondamentale entre les licences exclusives ouvertes, admissibles au regard de l’art. 81, et licences exclusives
fermées « anticoncurrentielles ». Il y a pourtant exclusivité dans les 2 cas, mais la licence ouverte ne vise que
les rapports entre les parties (donneur et preneur de licence). Le donneur s’engage à ne pas concurrencer son
licencié et s’engage à ne pas vendre d’autres licences à des concurrents. Mais cela n’empêchera pas qu’on
importe les produits d’un autre territoire. Est en revanche incompatible avec l’article 81 la licence fermée,
celle qui comporte une protection territoriale absolue, où les 2 parties se sont entendues pour éliminer
complètement la concurrence : empêcher les importations parallèles, empêcher que les clients sur les autres
territoires soient fournis etc.
Ceci étant, par la suite, les autorités communautaires ont essayé de régler les
problèmes que posent les accords de transfert de technologie, de savoir-faire, etc. par une
autre méthode qui est celle du règlement communautaire. Il y a ainsi depuis une vingtaine
d’années des règlements concernant les accords de licence de brevet et de savoir-faire. Ces
règlements constituaient des règlements d’exemption par catégorie, c’est-à-dire que si on les
respectait, on était tranquille du coté de la concurrence. Règlement du 27 avril 2004 :
règlement complètement différent (méthode ET contenu). Les accords de transfert de technologie
sont soumis au droit européen de la concurrence et peuvent à ce titre constituer des ententes anticoncurrentielles
lorsqu’ils prévoient notamment des exclusivités, des obligations de non-concurrence ou des limitations d’usage.
Ils peuvent alors encourir la nullité et les entreprises concernées peuvent se voir infliger une sanction pécuniaire
ou des dommages et intérêts qui peuvent être conséquents. Le droit européen de la concurrence prévoit toutefois
des exemptions catégorielles ou individuelles lorsque l’effet de tels accords sur la concurrence est positif. Les
accords de transfert de technologie bénéficient d’une telle exemption dès lors qu’ils répondent aux conditions
prévues par le règlement adopté le 27 avril 2004. Il s’agit des accords de licence de brevet, de licence de savoir-
faire, de licence de droits d’auteur sur des logiciels et des accords mixtes de licence de brevet, de savoir-faire ou
de droits d’auteur sur des logiciels.
C’est la question la plus discutée. Les droits de propriété industrielle sont ici les plus
menacés par le droit communautaire. Le fait d’obtenir un droit exclusif doit-il être en soi
considéré comme un abus de position dominante ? Bien sûr que non, sinon il n’existerait plus
de propriété industrielle. Le seul fait de bénéficier d’un droit exclusif n’implique nullement
une position dominante ; il faut rechercher le marché pertinent et voir si, sur ce marché, il
existe ou non des produits substituables qui peuvent remplir les mêmes besoins. Cf. TPI :
Microsoft, Septembre 2007 : Microsoft a une position dominante écrasante sur le marché des
systèmes d’exploitation des PC, mais il n’est pas en monopole absolu.
Lorsque le titulaire du droit de propriété intellectuelle refuse à un tiers une licence
demandée, ce refus peut-il être considéré comme un exercice abusif de la position
dominante ? La CJCE avait considéré dans un arrêt VOLVO de 1988 que le fait de refuser de
donner une licence d’exploitation ne constitue pas en soi un abus de position dominante. C’est
au contraire la substance même de son droit « sauf circonstances exceptionnelles ». En 1995,
la CJCE et le TPI ont introduit une sévère brèche dans la propriété industrielle. Arrêt Magill,
6 avril 1995 : « L’exercice du droit exclusif, refus d’accorder une licence sur le copyright,
pouvait être abusif lorsque :
- l’objet du droit en question est indispensable pour celui qui demande la licence, et qu’il n’y
a pas d’alternative,
- qu’il existe un risque d’élimination de la concurrence sur un marché voisin (ou dérivé) où le
titulaire du droit essaie de se réserver de facto ce marché,
- que ce refus de licence empêche l’apparition d’un produit nouveau,
- et que ce refus n’est pas justifié ».
La CJCE a jugé que le refus opposé par les chaînes de télévisions irlandaises de
communiquer leurs grilles de programmes à la société Magill, laquelle souhaitait éditer un
guide hebdomadaire regroupant les programmes des six chaînes nationales, constituait un
abus de position dominante au sens de l’article 82 du Traité. En l’espèce, les chaînes
considéraient qu’elles étaient propriétaires des informations relatives à leurs grilles de
programmation et à ce titre qu’elles n’avaient pas à transmettre ces dernières à un tiers. Le
juge a considéré que l’information protégée constituait une facilité essentielle en ce sens
qu’elle était indispensable à la société Magill TV Guide Ltd. pour mettre sur le marché un
produit différencié (un guide généraliste) susceptible d’apporter une plus-value aux
consommateurs. Pour la CJCE, les chaînes de télévision avaient abusé de leur position
dominante sur un marché amont pour entraver l’apparition d’une nouvelle offre, non
directement concurrente des leurs sur un marché aval. En d’autres termes, le refus d’une
entreprise titulaire d’un droit d’auteur de donner accès à un produit ou à un service
indispensable pour exercer une activité déterminée constitue un abus de position dominante
dès lors que ce refus est à la fois injustifié, de nature à exclure toute concurrence sur des
marchés dérivés et empêche l’apparition d’un produit nouveau pour lequel il existe une
demande potentielle. Cet exemple est cependant faussé, car aucune législation actuelle
n’autoriserait des droits de propriété industrielle sur de tels objets.
Introduction :
Il faut situer historiquement le droit actuel des brevets. Un brevet sur la roue n’aurait
certainement pas été avantageux (la voiture ne s’est pas inventée en 20 ans). 7e/6e av. JC :
Premier brevet dans l’ancienne cité grecque de Sivaris : c’est un droit qui protégeait les
cuisiniers qui arrivaient à créer un met original. Personne n’avait alors le droit de le
reproduire pendant un an, exception faite de l’auteur pour qu’il en tire profit, et ceci pour
inciter les autres cuisiniers à inventer des mets nouveaux. Tous les éléments du brevet
d’aujourd’hui sont réunis !
Par la suite, au contraire, l’idée du droit sur la propriété n’était pas très répandue.
Les corporations n’ont pas vraiment incité à l’innovation non plus sous le Moyen-âge.
L’exemple de Venise du 15e siècle, société commerçante et ouverte, apporte le premier
système de brevets, avec des conditions et règles modernes. En France, à partir du 16e siècle,
un système sous Colbert notamment, fonctionne à travers les privilèges et lettres patentes qui
récompensent les industriels. Mais ce n’est pas un droit de propriété obtenue
automatiquement, c’est un privilège qui va être exclusivement donné par le Monarque. Ex :
Privilège que Mme de Maintnon, maîtresse du roi, avait obtenu sur l’invention des fours et
cheminées, alors qu’elle n’exploitait pas l’invention et qu’elle ne l’avait même pas inventée.
C’est une faveur aléatoire conditionnée par le bon vouloir du Roi. Par ailleurs, les
corporations ont freiné ce mouvement.
Par conséquent, le système de brevet ne peut naître que si certaines conditions sont
réunies : Révolution industrielle et mentalité prête à accepter de tels droits. Philosophie
individualiste et libérale des Lumières ; début de la Révolution industrielle en France. Idée de
droit naturel apparaît à ce moment-là : Propriété intellectuelle n’est plus une faveur du Roi,
c’est un droit naturel appartenant à celui qui a inventé. Dès 1791, le législateur va consacrer
les droits des brevets comme un droit de propriété. Il précise que ces propriétés sont les plus
dignes de respect chez l’individu, car elles ne doivent rien à l’héritage, à la spéculation etc.
Autre idée : Brevet = Contrat social passé entre l’inventeur et la société. En contrepartie des
droits que lui accorde la société, l’inventeur accepte de partager ses idées avec elle. Le breveté
a alors l’obligation d’exploiter, de divulguer l’invention complètement et limitation
temporaire de la protection du brevet (au-delà de laquelle, l’invention tombe dans le domaine
public).
Les lois ont évolué, même si elles ont eu une grande longévité. Les brevets étaient à
l’origine très simples, on ne faisait que décrire l’invention, sans vérifier sur le moment que
l’objet était bien brevetable. Cela n’était vérifié que lors des procès. Cette législation de 1791
a duré 120 ans. Aujourd’hui et depuis 1978, on a un système plus développé, notamment
grâce à des conventions internationales. Il y a à coté du système national, un système de
brevets européen. Fondé sur la Convention de Munich : Convention sur les Brevets
Européens (Convention internationale et pas communautaire). Il s’agit d’un Office Européen
des Brevets. Dépôt unique = brevet européen qui sera valable dans tous les pays signataires de
la convention. Une fois délivré, ce brevet est valable dans chaque pays signataire, mais
soumis dans chaque pays à la loi nationale. Pour une même question, il peut donc y avoir 2
interprétations possibles : celle de l’office et celle de la juridiction nationale. Le droit français
s’est aligné sur ce régime en 1978. Par la suite, Codification en 1992 avec le Code de la
Propriété Intellectuelle. Il faut signaler 2 directives importantes :
- Directive sur les inventions biotechnologiques de 1998, transposée en 2004 ;
- Transposition en 2007 d’une directive de 2004 relative à la défense de droits de
propriété intellectuelle.
Il est logique que l’on réclame un certain nombre de conditions de fond. L’idée est que
le produit doit apporter quelque chose à l’état de la technique ; que l’état de la technique ne
soit plus le même après l’invention. Il faut une invention qui soit nouvelle, qui témoigne
d’une activité inventive et qui puisse être appliquée au niveau industriel. Il s’agit d’une série
de conditions permettant de « tamiser » pour ne garder que les pépites d’or.
A. L’invention
La législation européenne exige que le brevet porte sur une invention. On considère
donc que l’invention est une condition de brevetabilité, et sa définition est difficile à établir.
Sens plurivoques. Latin : In-venire : Tomber sur quelque chose. En droit des brevets, compte
tenu de l’intérêt social qui s’y attache et de la restriction à la libre concurrence que cela
implique, on rétrécit la définition. C’est la solution technique à un problème technique par
des moyens techniques, susceptibles d’être reproduits. Ceci permet d’écarter toute création
de forme artistique, théorie scientifique ou mathématique etc. car il ne s’agit pas de technique
dans le sens matériel du terme. On écarte donc l’abstraction.
Le droit des brevets fait référence à « l’état de la technique », c’est-à-dire l’état des
connaissances dans la matière de la technique. L’invention brevetable n’est pas celle qui
enrichit les valeurs économiques, mais celle qui modifie l’état de la technique. L’invention a
donc un caractère concret, utilitaire, utilisable dans le sens matérialiste du terme. Mais si l’on
exige que l’invention modifie l’état de la technique, on n’exige pas que cette invention
présente une qualité particulière, qu’elle ait de la valeur sur le plan économique, qu’elle
produise un résultat parfait, etc. La valeur de l’invention n’a aucune importance : il suffit
qu’elle soit nouvelle sur le plan technique. Le mérite de l’inventeur est indifférent. La seule
limite est qu’il faut que l’invention apporte une réponse technique au problème posé.
Art. L 611-10 al2 CPI : « Ne constituent pas des inventions : les découvertes, les
théories scientifiques et les méthodes mathématiques, les créations esthétiques, les plans,
principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le
domaine des activités économiques ainsi que les programmes d’ordinateurs et enfin, les
présentations d’informations. » L’alinéa 3 pose une règle importante selon laquelle ce n’est
que lorsque l’on demande un brevet sur l’un des objets faisant partie de la liste que le brevet
va être refusé. Mais si l’objet est un élément d’une invention brevetable, alors on peut obtenir
le brevet même si l’objet n’est pas en lui-même une invention. Ex : Si l’on demande un brevet
sur un logiciel, on dira que ce n’est pas brevetable, mais si un procédé industriel brevetable
utilise un logiciel, on ne vas pas refuser à l’ensemble du procédé le brevet sous prétexte qu’il
y a un logiciel ; on va autoriser le brevet mais pas spécifiquement pour le fragment que le
logiciel constitue. Autrement dit, si la demande de brevet concerne l’un de ces éléments en
tant que tel, c’est exclu, sinon, pour le tout, c’est brevetable.
Les plans, principes et méthodes sont exclus de la brevetabilité parce que, comme leur
nom l’indique, ils ont un caractère abstrait, il leur manque la caractéristique de l’invention,
fondamentalement technique. Attention : Il ne faut pas confondre la méthode avec le procédé.
La méthode intellectuelle est abstraite et conduit à un résultat abstrait. La liberté du commerce
impose que l’on ne puisse pas protéger la méthode, car cela gênerait les concurrents qui
voudraient utiliser la même méthode de réflexion. Donc le législateur a exclu les méthodes
comptables, financières, de gestion, en somme les méthodes économiques ainsi que les règles
de jeux de société (pas protégeables non plus par le droit d’auteur), les méthodes de gestion
du temps ou du personnel, pédagogiques, de solfège, d’enseignement en général… Tout ceci
ne peut pas être protégé ni par le brevet ni par le droit d’auteur, alors même que ces méthodes
peuvent avoir une véritable valeur intellectuelle et peuvent donner de bons résultats
économiques. Sur ce point, les droits européens se différencient du droit des brevets américain
ou japonais, puisque dans ces pays, on peut obtenir des brevets sur des méthodes
commerciales. L’Europe devrait-elle s’aligner ? C’est un point qui sépare les 2 systèmes de
manière profonde, puisqu’il faudrait renoncer au caractère technique dans la définition de
l’invention. Cela changerait tout le système.
A coté des méthodes purement intellectuelles, le texte exclut aussi les logiciels et
programmes, car l’on considère que le logiciel est assez proche d’une méthode intellectuelle
abstraite fonctionnant sur des algorithmes abstraits semblables à ceux d’une réflexion
humaine. On pouvait imaginer créer un droit sui generis pour les logiciels ou on pouvait
choisir de protéger le logiciel avec un brevet, ou encore on pouvait décider de recourir au
droit d’auteur, car celui-ci protège des créations qui ont la particularité d’être des créations de
forme exprimées dans un langage particulier. L’instauration d’un droit sui generis présentait
des inconvénients pour l’industrie, car pour obtenir que le législateur institue un nouveau
droit, il faut du temps et une protection internationale. Donc il aurait tout bonnement fallu que
tous les Etats du monde adoptent un même droit sui generis pour que cela soit efficace. Reste
alors le droit d’auteur ou le droit des brevets. Le droit des brevets a été écarté, car l’on a
considéré qu’il n’était pas adapté au cas des programmes d’ordinateurs, pour des raisons
d’ordre juridique - les critères de protection du brevet auraient empêché la protection des
logiciels - et les améliorations de logiciels existants, peu innovantes mais nécessaires,
n’auraient pas été brevetables. De plus, le code source est rigoureusement tenu caché, car il
permet de contrefaire le logiciel et si l’on demande un brevet et que celui-ci est accepté, on est
obligé de dévoiler toute l’invention, ce qui inclurait le code source ! Ce n’était donc pas la
meilleure idée. On a, pour ces différentes raisons, fermé la voie du brevet aux programmes
d’ordinateur en 1973. La protection des logiciels se fait donc par les droits d’auteur. Le
logiciel est un langage créatif ; la différence entre le langage utilisé pour un logiciel et le
langage utilisé dans une œuvre artistique est que dans l’un, on s’adresse à l’intelligence de
l’homme, dans l’autre à l’intelligence de l’ordinateur. Mais cette protection est assez
avantageuse, du fait de la convention internationale existante, que l’œuvre est protégée dès sa
création etc. Ce sont les Etats-Unis qui ont ouvert la voie par la loi et le juge français a déclaré
que le logiciel est une œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur, à condition qu’elle
soit originale. Cette exclusion du champ des brevets doit être nuancée :
- Possibilité d’obtenir un brevet non pas sur le logiciel mais sur un procédé qui utilise ce
logiciel. Arrêt SCHLUMBERGER (société de service parapétrolier) : demande de brevet
pour un procédé consistant à mesurer les caractéristiques physiques d’un terrain afin de
déterminer si ce terrain contient ou non du pétrole, la nature de celui-ci etc. Un ordinateur
intervenait pour analyser les nappes pétrolifères éventuellement présentes. L 610-al3 : « ce
que je veux protéger, ce n’est pas le logiciel mais le procédé utilisant ce logiciel » / CA
PARIS : « Oui, on peut breveter le procédé technique, le seul prétexte de l’utilisation de
l’ordinateur ne devant pas empêcher la brevetabilité de l’ensemble du procédé ». La Cour
d’Appel d’Ottawa a rendu sur les mêmes faits la décision rigoureusement inverse.
- L’Office européen des brevets (équivalent de l’INPI français) applique la CBE (convention
de Munich sur le brevet européen) et admet couramment des brevets qui portent sur des
logiciels, mais qui sont présentés par une astuce de rédaction du brevet de manière à avoir
l’air de ne pas porter directement sur le logiciel même. L’OEB a ainsi admis des demandes
portant sur un ordinateur, alors que l’ordinateur est parfaitement banal et que la seule chose
qui change est le logiciel.
Il y a eu une tentative des autorités communautaires, quelques années de cela,
d’édicter une directive admettant la brevetabilité de certaines inventions touchant à
l’informatique, et notamment sur le traitement de texte. Cette tentative, pourtant soutenue par
beaucoup d’Etats Européens, a échoué devant le Parlement Européen en 2005. Actuellement
en suspens.
L’article L 611-10 exclut aussi les présentations d’informations, formule qui est peu
parlante, mais il s’agit de viser des demandes qui porteraient sur des objets caractérisés
uniquement par l’information qu’ils contiennent ou par une méthode de présentation. Ex : un
calendrier qui serait destiné à une profession particulière et qui serait caractérisé uniquement
par les événements et dates intéressant cette profession (salons, défilés etc.) Non brevetable.
On peut, au contraire, tout a fait breveter un calendrier électronique, qui se caractérise par un
dispositif technique inventé, mais pas simplement une méthode d’information sans
invention.
d. Les créations esthétiques
B. L’application industrielle
Il faut donc que l’objet se situe dans un domaine que la loi n’a pas exclu de la
brevetabilité. L 611-17 -18 et -19 CPI : Susceptible d’application industrielle, mais non
brevetable au nom de l’intérêt général. Cf. Inventions contraires aux Bonnes Mœurs et à
l’ordre public, brevetabilité du vivant, exclusion des variétés végétales (COV).
C’est tout le domaine biologique qui est ouvert - de la science à la technique - et donc
la question de la brevetabilité entre en jeu. Quel que soit le type ou l’origine de la matière
biologique vivante, le brevet est concevable dans une certaine mesure (corps humain,
séquences de gène, corps animal etc.). La matière biologique est une matière qui contient des
informations génétiques et donc autoreproductibles dans un système biologique ou par elles-
mêmes. Ce n’est donc plus seulement le procédé qui est brevetable (reproduction artificielle,
extraction, etc.), c’est aussi le produit lui même ! Un être vivant tel qu’un animal ou un
végétal peut donc être brevetable. On a commencé avec des bactéries brevetées (utilisées pour
dégrader les nappes de pétrole en cas de pollution) et on a breveté ensuite des souris
génétiquement manipulées, puis étendus à des animaux supérieurs (moutons, etc.).
On peut donc obtenir un brevet aussi bien sur la matière que sur des procédés. Mais le
CPI exclut certains produits biologiques. Cf. Les races animales, les variétés végétales et
certains procédés.
1. Le corps humain
Ce qui a changé le champ de la brevetabilité est le fait que les techniques biologiques
se sont couplées avec les techniques informatiques. Cela a donc considérablement accéléré les
recherches. La structure génétique du corps humain, ses éléments et ses produits sont entrés
dans le champ technique et commercial. Marchandisation du vivant ? Désacralisation du corps
humain ? Loi de bioéthique de 1994 : Question du brevet sur le corps humain ; remplacée en
2004 par une nouvelle loi de bioéthique. On parle du corps humain, de ses éléments et de ses
produits en général qui entrent dans le champ du brevet. Mais pas sans restrictions bien
entendu.
Certains inventions se heurtent à une interdiction de brevetabilité comme on l’a vu
plus haut (modification des cellules germinales…). La simple découverte d’un élément du
corps humain n’est pas brevetable. Mais on peut breveter des inventions techniques qui
utilisent ces éléments dans des procédés. La directive de 98 admet la brevetabilité d’un
élément du corps humain, isolé ou produit par un procédé technique, même si sa structure
est identique à celle qui est à son état naturel. Ex : l’insuline : Produit du corps humain, dont
l’insuffisance est impliquée dans diverses maladies. L’isolation de l’insuline par son
extraction + la production de l’insuline artificielle, qui est une reproduction à l’identique.
Dans les 2 cas, on peut breveter, car le procédé est particulier. Mais on ne pourrait pas
breveter le produit à l’intérieur du corps humain dans son état naturel. L’isolation est-elle
vraiment distincte de la simple découverte ? Ne va-t-on pas trop loin ?
L 611-18 : Le corps humain aux différents stades de sa constitution et de son
développement, ainsi que la simple découverte de l’un de ses éléments, y compris la
séquence totale ou partielle d'un gène, ne peuvent pas constituer des inventions
brevetables. Seule une invention constituant l’application technique d’une fonction d’un
élément du corps humain peut être protégée par brevet. Le texte ajoute que cette
protection ne couvre l’élément du corps humain que dans la mesure nécessaire à la
réalisation et à l’exploitation de cette application particulière. Celle-ci doit être
concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet. Lorsqu’on a une
invention de produits, en droit des brevets, le brevet donne un monopole sur ce produit dans
tous les domaines où ce produit s’applique. Or, dans le cas du corps humain - l’article L611-
18 - le brevet ne couvrira que l’application particulière et spécifiquement définie par
l’inventeur. Donc on restreint la portée du brevet ; exception aux règles générales au droit du
brevet.
Pour les brevets en matière de séquences de gêne, la protection n’est possible que pour
l’action technique particulière d’une fonction de la séquence revendiquée. Donc : Je découvre
une séquence, je ne peux pas la breveter. Je découvre à quoi elle sert (rare) et j’ai l’idée
d’élaborer un médicament génique ou un produit diagnostique à partir de ma découverte : le
brevet ne protègera que l’application diagnostique que j’ai découvert. La même séquence de
gênes dans la même fonction ou dans une autre pourra être utilisée dans un produit différent,
sans passer par l’autorisation du détenteur du brevet.
3. Les animaux
L 611-19 du CPI : Pas de brevet pour les races animales, ainsi que les procédés
essentiellement biologiques pour l’obtention des animaux.
Cela ressemble à l’obtention des végétaux, et la règle est la même. Il s’agit d’éliminer
la brevetabilité des procédés où la nature tient une place plus importante que celle de
l’homme. Directive du 6 juillet 1998 précise qu’un procédé d’obtention d’animaux est
essentiellement biologique quand il consiste intégralement dans les phénomènes naturels tels
que le croisement ou la sélection. En revanche, chaque fois qu’il y a manipulation, le procédé
n’est plus essentiellement biologique mais technique et donc brevetable. Donc essentiellement
est synonyme d’exclusivement.
La question est de savoir si l’on peut obtenir un brevet sur un être vivant, qui est un
animal supérieur (pas microbiologique). L’article exclut les races animales et non les
animaux. L’intention du législateur était loin d’être claire il y a 40 ans. Exclusion des brevets
sur les animaux ou sur les races ? En zoologie, la race est une subdivision de l’espèce et donc
si l’on retient cette définition, l’exclusion du brevet n’a pas de signification (exclure un brevet
sur toute une race ?). Donc on pense que le législateur a voulu exclure les brevets sur tous les
animaux. Ces arguments ont été soulevés devant l’OEB dans une affaire importante : « Souris
Harvard » ou « MYC Mouse » ou « Souris Oncogène (MYC) ». Il s’agit d’une souris
manipulée génétiquement pour qu’elle développe un cancer afin de pouvoir travailler dessus.
Le brevet portait sur cette souris. Saisie de cette demande, l’OEB a eu à se prononcer. La
division d’examen de l’OEB a d’abord considéré qu’une telle invention n’était pas brevetable
mais un recours ayant été fait par le déposant, la chambre des recours techniques a considéré
que l’exception à la brevetabilité vise certaines catégories d’animaux et pas les animaux en
tant que tel. Or, la souris n’est pas une race mais un animal, donc brevetable. La chambre de
recours apporte, par ailleurs, dans les années 90 une restriction, tirée de l’ordre public et des
bonnes mœurs : « Il faut prendre en compte la souffrance des animaux et les risques (si
les animaux se répandent dans la nature) pour l’environnement et les mettre en balance
avec l’intérêt présenté par l’expérience. » Ici, dans l’affaire de la souris MYC Mouse,
l’intérêt valait l’expérience. Mais dans d’autres affaires, la balance a penché dans le sens
inverse.
Ce raisonnement a inspiré les auteurs de la directive de 1998 : « Les inventions sur les
animaux sont brevetables à condition que la faisabilité technique de l'invention ne soit pas
limitée à une race animale ». La race animale est « caractérisée par la totalité de son génome
de même que la variété végétale ». On retrouve en plus les réserves tirées de l’ordre public et
des bonnes mœurs (intérêt, souffrance mis en balance). En pratique, l’exclusion de la race
animale est très rare et ne joue pratiquement jamais.
Ce sont les premières. Le CPI exclut les brevets sur des procédés essentiellement
biologiques etc. L’article L 611-19 ajoute que ces exclusions ne s’appliquent pas aux
procédés microbiologiques et aux produits que l’on obtient par ces procédés. On peut donc
breveter des êtres microscopiques, à condition qu’ils soient obtenus et non seulement
découverts.
4 conditions de fond pour que les inventions soient brevetables. Les 2 premières
conditions sont faciles à remplir et il en reste 2 : nouveauté et activité inventive. Mais avant
cela, il faut présenter une typologie : dans d’autres systèmes de droits, il faut absolument que
l’invention rentre dans une catégorie pour être brevetée. Dans le CPI, il n’y a pas de
typologie. La jurisprudence et la doctrine considèrent que les inventions rentrent dans l’une
des catégories suivantes :
- Inventions portant sur un produit ;
- Inventions portant sur un procédé ou un moyen ;
- Inventions d’Application (application nouvelle à un moyen que l’on connaît déjà) ;
- Combinaison de moyens (moteur nouveau etc.) ;
- Inventions de sélection (invention qui consiste à identifier une nouvelle molécule ou
produit chimique ayant des caractéristiques inconnues).
Ces catégories servent à rechercher où se situe l’activité inventive et à savoir quelle est la
portée, l’étendue du brevet. Le brevet de moyen par exemple, ne va porter que sur le moyen,
pas sur la molécule. Enfin, il y a une distinction à faire entre l’invention et le résultat procuré.
Le résultat est un avantage - effet immatériel, abstrait - qui n’est jamais brevetable. Le résultat
est le but final poursuivi. Ex : Nouveau procédé de débrayage : le débrayage est le résultat. Il
faut quand même que d’autres inventeurs puissent tendre vers ce résultat s’ils veulent breveter
un autre moyen pour y arriver. Le résultat final ne doit pas être brevetable, seulement la
manière d’y arriver. Le brevet de résultat bloquerait la recherche et la concurrence.
A. Invention de produit
Le produit est un corps certain qui se distingue des autres par sa composition ou par sa
structure. On le décrit soit par cette composition ou structure, soit par le moyen qui permet de
l’obtenir. Quand le brevet porte sur le produit, le breveté a un monopole d’exploitation sur le
produit quel que soit le procédé utilisé, même s’il n’est pas de lui. Ce produit est en principe
industriel. Quand il s’agit d’une matière biologique, encore faut-il qu’il soit reproduit. Le
produit peut être un objet simple ou complexe.
Le procédé (ou moyen) permet d’obtenir soit un produit, soit un résultat immatériel.
Ex : procédé pour imperméabiliser les vêtements, résultat immatériel. Si le produit est
nouveau, l’inventeur peut obtenir un brevet sur le produit en plus de l’obtenir sur le procédé.
Le moyen a une fonction technique qui doit être distinguée du résultat. La fonction du moyen
est le rapport entre ce moyen et le résultat. C’est l’effet technique rempli par le moyen ou le
procédé pour aboutir au résultat ou à l’obtention du produit. Comment mon procédé
d’imperméabilisation agit sur les fibres du tissu pour le rendre imperméable ? Très souvent,
l’activité inventive se situe dans la fonction. Ex : Canon rayé : Obus à charge creuse. S’il
tombe sur la partie pointue, il explose. Le problème est que les canons de l’époque propulsent
les obus n’importe comment. Comment faire pour que l’obus à charge creuse tombe toujours
sur la pointe ? Tel est le résultat recherché. Comment y arriver ? Graver dans le canon des
rainures hélicoïdales pour que l’obus, projeté à l’intérieur du canon, se voit imprimer un
mouvement pour tomber sur la pointe. Les moyens sont donc les rainures ainsi que les
correspondances sur l’obus. Fonction technique : Imprimer le mouvement de rotation à
l’obus à l’intérieur du canon afin qu’il tombe dans le bon sens. Utilisation du moyen dans
cette fonction particulière = activité inventive.
On connaît un moyen, mais un inventeur trouve un résultat tout à fait différent avec le
même moyen. Pour qu’il puisse aboutir à cette nouvelle application, il faut que l’inventeur ait
changé la fonction du moyen. C’est alors dans la fonction nouvelle donnée au moyen que se
situe l’activité inventive. On a un moyen connu, le résultat ou le produit obtenu peut être ou
non nouveau, mais ce qui est brevetable est que l’on a obtenu CE résultat par CE moyen. Ex :
Sulfamides : Connues comme des colorants ; puis on leur a découvert des propriétés
médicales - comme antibiotiques. De même, pour le DDT, d’abord comme un colorant, puis
application nouvelle comme insecticide.
Ici aussi, on oppose l’emploi nouveau de moyens connus, qui n’est pas brevetable, à
l’application nouvelle qui elle est brevetable. On parle alors d’emploi nouveau quand il n’y a
pas d’activité inventive, l’emploi nouveau étant évident pour un technicien moyen. Ex :
Fourneau à roulette. Peut-on obtenir un brevet sur une invention qui consiste à placer des
roulettes sous le fourneau ? Dans l’état de la technique, on connaît déjà la technique de
placer des roulettes sous différents meubles, donc il s’agit simplement d’un emploi nouveau.
Une question se présente : la nouvelle application est celle d’un procédé connu ; or, ce
moyen connu est soit dans le domaine public (pas de problème), soit toujours protégé par un
brevet qui appartient à une tierce personne. Il faut donc dans ce cas-là obtenir l’autorisation
du breveté. Ex : DDT, brevet colorant détenu par X, et utilisation par Y pour obtenir
l’insecticide. Y doit demander à X. Si l’autorisation n’est pas obtenue, et que l’on met tout de
même en œuvre l’invention, on est alors contrefacteur.
B. L’application thérapeutique
En principe, la nouvelle application d’un moyen connu est brevetable, même s’il existe
un brevet sur la première application. Toutefois, cette règle subit une exception dans le
domaine des médicaments. Dans le domaine pharmaceutique, les nouvelles molécules sont
moins fréquentes que leur nouvelle utilisation. Il est, en effet, fréquent qu’une même molécule
révèle de nouvelles propriétés. Ex : On sait que l’acétyle acyclique a bien d’autres
applications que celle de l’ « Aspirine ® ». L 611-11 CPI : « Exclue de la brevetabilité la
deuxième application thérapeutique d’une substance ou d’une composition ». On ne peut
donc pas breveter une molécule, substance etc. déjà connue dans une première application
thérapeutique, lorsque le brevet porte sur une nouvelle application. Brevet possible pour
trouver une application thérapeutique à un produit utilisé à l’origine comme insecticide ou
colorant etc. mais si le produit utilisé a déjà une application thérapeutique, brevet refusé.
L’opportunité d’une telle exception est controversée.
L’OEB contourne cette interdiction, appliquant la convention pour admettre des brevets
sur une deuxième application thérapeutique. Il suffit d’une astuce de rédaction : « au lieu de
revendiquer l’application thérapeutique nouvelle d’un médicament connu, il suffit de
revendiquer l’application d’une substance pour obtenir un médicament ». Autrement dit,
demander brevet pour un produit nouveau. Tentative en France pour écarter la règle du CPI ;
1991 : Cour de cassation : il s’agit d’une molécule chimique (alfuzozine ou zatral) développée
par Synthélabo pour une application cardiovasculaire dans un premier temps, puis dans un
deuxième temps pour les affections urinaires. La CA de Paris avait cru pouvoir s’affranchir
de l’exclusion légale de la 2e application thérapeutique. Plaideur : « idée : le principe actif et
le produit (molécule) en lui-même sont 2 choses différentes. Un médicament, pour être
breveté, doit indiquer la maladie ainsi que les modalités d’application (posologie, voie
d’administration etc.). Par conséquent, si l’on modifie la présentation, la posologie etc. il ne
s’agit plus du même médicament, donc plus d’interdiction ». Idée intéressante mais cassée
par la Cour de Cassation, 26 octobre 1993, en considérant que la formule adoptée par la CA
allait à l’encontre du texte de la loi, et la Cour expliquait que les astuces de rédaction de
l’OEB rendaient le contenu trop flou et permettraient des abus en matière de médicaments.
La cour de cassation explique, par ailleurs, pourquoi la 2e application ne doit pas être
brevetable : l’invention thérapeutique induit toutes les indications faites par la suite et la 2e
application n’est qu’un résultat nouveau sans activité inventive. La convention sur le brevet
européen a été modifiée, une réforme sera peut être opérée.
L’article L 611-18 CPI permet d’obtenir un brevet sur l’application technique d’une
fonction d’un élément du corps humain, mais ce que l’on peut breveter est seulement la
séquence prise dans une fonction particulière d’un élément du corps humain. L 613-2-1 : les
droits qui résultent d’un brevet incluant une séquence de gêne ne peuvent pas être invoqués
contre une demande de brevet ultérieure qui porte sur la même séquence de gêne si cette
dernière (la demande) expose une autre application de cette séquence. Cela veut dire
concrètement que non seulement, on peut breveter une 2e application mais, en plus, il n’y a
pas de relation de dépendance entre les 2 applications. Il n’y aura donc pas besoin de verser
des royalties au premier inventeur de la première application.
Il se peut que l’on connaisse dans l’état de la technique une vaste catégorie de moyens,
mais définie de manière plus ou moins imprécise, essentiellement des familles de composés
chimiques explorés de manière plus ou moins précise. On peut ainsi avoir des familles de
corps qui peuvent recouvrir des milliers de composés dont on ne connaît pas les
caractéristiques exactes. On connaît donc globalement la famille, mais il peut être intéressant
de définir plus précisément une caractéristique précise, pour prouver que cela procure un tout
autre résultat auquel on n’avait pas songé. Le moyen apparaîtrait nouveau dans la famille, par
une sélection, on ferait apparaître des qualités, des propriétés inattendues pour un composé
déjà connu. Encore faut-il que cette révélation ne soit pas évidente au regard de ce que l’on
sait de la famille, pour le technicien moyen. Il faut démontrer que la sélection est nouvelle,
pas évidente et qu’elle témoigne donc d’une activité inventive. On va, par exemple, démontrer
en quoi le moyen présente une efficacité exceptionnelle, en quoi il n’est pas équivalent aux
autres composés de la même famille. Ou alors, le moyen n’était pas connu et il a donc fallu
entreprendre des recherches pour le découvrir et l’isoler dans la famille. Ex : 1967 : Composé
chimique « Thiolactate de strontium » faisant partie de la famille chimique des
« thiolactate ». On connaissait 2 composés très voisins : « Thiolactate de calcium » et
« thioglicolathe de strontium ». Les 3 sont très proches. Thiolactate de Strontium est
cependant nouveau, car jamais synthétisé. L’invention consistait à la fois en la synthèse du
produit et à utiliser ce composé pour en faire un produit dépilatoire. L’activité inventive est
certaine puisque les composés voisins connus présentent des caractéristiques qui ne
permettent pas d’obtenir ce résultat et auraient donc dû décourager l’inventeur de rechercher
dans ce sens-là. En effet, le thiolactate de calcium est toxique, même si effectivement
dépilatoire. L’autre est non toxique mais aussi non dépilatoire. L’activité est donc inventive
en ce sens que l’inventeur a surmonté les préjugés techniques qui auraient dû le conduire à
ne pas rechercher dans cette voie. Il y a donc invention de sélection.
Sous-section 1 : La nouveauté
L’article L 611-11 dispose qu’une invention est considérée comme nouvelle si elle
n’est pas comprise dans l’état de la technique. On ne doit donc pas trouver la même invention.
L’état de la technique est tout ce qui est rendu accessible au public avant le dépôt de la
demande. Un brevet, pour être valable, doit couvrir une invention nouvelle, qui implique une activité
inventive. Condition de nouveauté. Le préalable le plus important à la brevetabilité d'une invention est que
celle-ci soit nouvelle, c'est-à-dire qu'on ne la retrouve pas toute entière dans l'état de la technique. L'état de la
technique comporte tout enseignement technique qui a été rendu disponible au public avant la date de dépôt du
brevet examiné dans n'importe quelle partie du monde, par description écrite ou orale, par utilisation,
commercialisation ou de n'importe quelle autre manière. L'état de la technique aux fins de déterminer la
nouveauté comporte également la matière contenue dans une demande de brevet déposée antérieurement, mais
non encore publiée à la date de dépôt du brevet examiné. Maintenez le secret avant de déposer. En raison de
l’exigence de nouveauté énoncée ci-dessus, l'inventeur, ses collègues et ses partenaires doivent s'assurer que
l'invention est maintenue secrète jusqu'au moment où une demande de brevet pour l'invention a été déposée. Si,
avant qu'une demande de brevet soit déposée, il est nécessaire de révéler l'invention à d'autres personnes, par
exemple afin de préparer des schémas ou d'obtenir une assistance technique ou une aide financière, une telle
divulgation devrait être faite sous un engagement de confidentialité écrit. Une divulgation non-confidentielle de
l'invention avant que la demande de brevet soit déposée peut détruire la nouveauté de l'invention et, de ce fait,
invalider toute demande de brevet ultérieurement déposée sur l'invention.
A. L’antériorité
L’invention est privée de nouveauté lorsqu’elle existe déjà de toute pièce, soit parce
qu’il existe une antériorité, soit parce que l’inventeur lui-même a divulgué son invention par
imprudence, ce qui détruit la nouveauté. Dans la mesure où l’invention est déjà dans le
domaine de la technique, si l’on admettait le brevet, on porterait atteinte à un monopole
déjà détenu ou alors on restreindrait abusivement le domaine public.
1. Etat de la technique
Pour détruire la nouveauté, il faut trouver dans l’état de la technique des informations,
une antériorité qui présente certaines caractéristiques. La nouveauté n’est pas une condition
très sévère : en effet, il faut que l’antériorité soit de toute pièce et qu’elle soit suffisante pour
que l’homme de métier puisse y penser.
Il faut que l’on retrouve l’invention de toute pièce dans une seule antériorité. Donc si
mon invention est ABC, il faut que l’on retrouve ABC dans une autre invention. Mais si l’on
retrouve seulement ABCD dans l’état de la technique, il n’y a pas antériorité de toute pièce.
Elle doit être certaine, c’est-à-dire que celui qui s’en prévaut doit la prouver et que le
doute profite au breveté. Quand on a obtenu le brevet, tant que l’on n’a pas démontré que ce
brevet n’est pas valable, il reste valable. Présomption simple de validité. Celui qui conteste la
nouveauté doit prouver l’existence antérieure avec la date de l’antériorité.
Il faut que la publication de l’antériorité ait été de nature à permettre au public de prendre
connaissance de l’invention. Peu importe le public, le nombre ou même le fait que personne
ne savait dès lors que l’antériorité existait. On parle de personnes non tenues au secret.
4. Il faut que l’antériorité soit suffisante
L’inventeur divulgue par nécessité pour procéder à des essais techniques avec des
tiers, dans le cadre de tractations pour financer le dépôt, pour le perfectionnement de
l’invention ou dans le cadre de recherche d’une entreprise qui exploiterait l’invention, etc. Il
n’y a alors aucune raison de lui tenir rigueur de cette divulgation. La clause de confidentialité
n’est pas nécessairement écrite, peut-être implicite, mais elle est importante. La
communication de l’invention faite pour des essais aux personnes qui sont des agents
nécessaires de cette nouveauté ne détruit donc pas la nouveauté. Mais même dans le cadre
d’expérimentations, la communication de l’invention détruit la nouveauté s’il ne s’agit pas
d’agents nécessaires. Il faut que la divulgation soit prouvée de façon certaine dans sa date et
dans son contenu.
L611-13 institue sous des conditions précises une immunité lorsque l’invention a été
présentée dans des expositions officielles à condition que la demande de brevet soit faite dans
les 6 mois et que l’on précise que l’on a fait cette présentation au moment du dépôt. Par
ailleurs, il s’agit uniquement des expositions répertoriées dans la liste de la convention
internationale de 1928.
c. Les délais de priorité
En principe, le droit de brevet appartient au premier déposant. Les droits de priorité
prennent en compte un problème pratique qui se pose au déposant : si la protection est
demandée dans plusieurs pays, puisque le brevet est seulement territorial, il faut autant de
demandes de brevet qu’il y a de pays où l’on souhaite être protégé. De plus, on ne sait pas si
l’invention vaut la peine d’être déposée dans plusieurs pays, car cela coûte cher. Le problème
qui se pose est que l’invention publiée en France est accessible partout dans le monde. Les
droits de priorité sont donc destinés à permettre pendant un certain temps de réfléchir et de
faire des démarches sans avoir besoin de faire des dépôts simultanés dans tous les pays. On va
disposer de délais pendant lesquels la deuxième demande remontera à la date de la première
demande et qui n’aura pas pu être antériorisée. Si un tiers dépose pendant ce délai, il sera
donc primé par l’inventeur.
Il existe quand même des systèmes par lesquels on peut faire une demande unique à un
organisme, qui transmettra à l’international. Cf. Traité de coopération en matière de brevet,
qui permet avec l’aide de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI)
de déposer internationalement. A coté du délai de priorité international, il existe aussi un droit
de priorité interne, qui a la même fonction mais uniquement dans le cadre national.
L’idée est que pour éviter le risque de perte de nouveauté, on a intérêt à déposer la
demande rapidement, alors qu’on n’est pas particulièrement au point. L’idée est donc de
permettre un dépôt rapide tout en laissant un délai d’amélioration, sans pour autant qu’il y ait
une « auto-antériorisation ». 612-3 : Quand 2 demandes sont déposées successivement par le
même inventeur dans un délai de 12 mois au maximum, le déposant peut demander que la
seconde demande de brevet bénéficie de la date de dépôt de la première demande pour les
éléments communs aux 2 demandes. A l’arrivée, on ne gardera que le 2e brevet (brevets
réflexes).
Une invention peut être nouvelle, ne pas se heurter à une antériorité de toute pièce,
sans pour autant qu’elle enrichisse et apporte quelque chose à l’état de la technique. Elle
n’enrichit l’état de la technique que si elle lui apporte une information qui ne découle pas de
façon évidente pour l’homme du métier de cet état de la technique. Si au contraire,
l’invention n’est que le résultat d’opérations courantes que l’homme du métier moyen pourrait
faire sans faire preuve d’activité, alors il n’y a pas d’activité inventive.
Encore faut-il dégager une définition de l’activité inventive. L’activité inventive ne se
situe pas dans le mérite ou la valeur de l’invention, qui ne sont pas des critères (donc même si
l’invention reste mineure, « qu’il suffisait d’y penser » ou coup de chance…brevetable). C’est
l’élément d’imprévu, d’inattendu que l’on peut retrouver, et l’article L611-14 va dans ce
sens : « Il y a activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière
évidente de l’état de la technique ». Cette définition à l’avantage d’éliminer les appréciations
subjectives, de jugement de valeur etc. Le progrès, la valeur serviront uniquement d’indices.
Activité inventive : fait défaut lorsque l’homme du métier peut réaliser l’invention à partir de la synthèse des
connaissances comprises dans l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été
rendu accessible au public, avant la date de dépôt par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre
moyen. Le contenu des demandes de brevet ayant une date de dépôt antérieure mais non encore publiées détruit
la nouveauté mais ne porte pas atteinte à l’activité inventive.
1. Etat de la technique
C’est par rapport à l’état de la technique que l’on apprécie si l’invention en découlait
de manière évidente ou non. L’état de la technique est constitué par toutes les informations
accessibles au public avant le dépôt de la demande ou la date de priorité. Mais il y a 2
différences avec celui pris en compte pour la nouveauté. D’abord, on n’intégrera pas ici les
demandes déposées mais non publiées. Ce qui avait justifié cet élargissement fictif pour la
nouveauté était le risque d’attribution de 2 brevets pour la même invention. Ce risque est
éliminé par l’examen de la nouveauté, donc l’élargissement n’est plus nécessaire. Aussi, ces
demandes déposées mais non publiées ne peuvent pas être prises en compte pour savoir si
c’était évident pour l’homme du métier, dès lors que ce dernier n’a pas accès à ces demandes.
Donc on fait appel au vrai état de la technique. Ensuite - pour la nouveauté - on ne recherche
dans l’état de la technique que les antériorités de toutes pièces, identiques à l’invention, et
l’on n’admet pas de découper une invention pour la combiner et dire qu’il n’y avait pas
nouveauté. Cette fois-ci, on prend en compte toutes les antériorités pour rechercher s’il y a
activité inventive. Donc même si dans l’état de la technique il y a une antériorité proche mais
pas identique de toutes pièces, on la prendra quand même en compte.
2. L’homme du métier
3. La non évidence
Quelle aurait été la démarche de l’homme du métier pour résoudre le problème avec la
même solution ? Quel est le problème posé ? Sélection des informations dans l’état de la
technique évidente ? Solution évidente ? D’abord, il faut poser le problème. Il arrive que le
simple fait de poser le problème nouveau fait preuve d’activité inventive. Sinon, le problème
est évident, auquel cas on passe à l’étape suivante. L’homme du métier va rechercher les
éléments dans l’état de la technique qui lui permettraient de résoudre ce problème, grâce aux
antériorités les plus proches. Si les antériorités sont très éloignées du métier de l’homme de
métier, alors il y a preuve d’activité inventive ici aussi. Si les éléments les plus proches ne
posent pas de problèmes à déceler pour l’homme du métier, on passe à la dernière étape, celle
de donner une solution au problème avec les éléments utiles ainsi décelés. La solution est-elle
évidente ou pas ? Si les moyens utilisés dans les fonctions utilisées représentent des
opérations courantes pour l’homme du métier, alors il n’y a pas d’activité inventive.
C’est ici que la simple juxtaposition de moyens connus est évidente, banale, sans
inventivité pour l’homme du métier, à l’inverse de la combinaison. De même, l’emploi
nouveau est évident, alors que l’application nouvelle n’est pas évidente. Prendre une solution
dans une industrie et la déplacer dans un autre problème, c’est évident pour l’homme du
métier. Mais modifier la fonction d’un moyen connu n’est pas évident. Très souvent,
l’inventivité réside dans le changement donné à la fonction ; l’antériorité qui n’est pas
identique, mais dans laquelle il y a un moyen rigoureusement équivalent à l’invention. Si on a
ABC et qu’on connaît ABD ou D=C : du point de vue de la nouveauté, il n’y a pas antériorité
de toute pièce, mais du point de vue de l’activité inventive, remplacer un moyen par un
moyen équivalent connu, c’est évident pour l’homme du métier. Il sait que C remplit la même
fonction que D, il n’a donc aucune difficulté à remplacer et trouver la même solution. C’est la
doctrine des équivalents. Cette doctrine sert aussi en matière de contrefaçon. Le
contrefacteur qui ne reproduit pas ABC mais qui fait ABD sera condamné pour contrefaçon.
Cette démarche objective est imposée par la Cour de Cassation.
CHAPITRE 2
L’OBTENTION DU TITRE DE PROPRIETE INDUSTRIELLE : (BREVET)
Il faut accomplir des formalités, qui déboucheront sur l’obtention si tout va bien. La
question est de savoir qui va demander un brevet et comment l’obtenir ? Le droit de la
propriété industrielle présente, en général, comme particularité par rapport au droit d’auteur
d’être subordonnée à des formalités. Ce droit ne sera reconnu que si des formalités sont, en
effet, accomplies. Alors qu’en matière de droit d’auteur, le seul fait de la création suffit. On
peut préférer faire un dépôt à l’OEB en désignant la France pour obtenir un brevet européen
valable en France, ou même devant l’OMPI pour obtenir un brevet international. Mais nous
allons étudier la question nationalement.
Si 2 personnes ont fait l’invention en même temps, on ne pourra pas empêcher que le
brevet soit délivré au premier déposant. Cette faveur faite au prix de la course n’est pas très
équitable. Néanmoins, il y aurait injustice à ce que le premier inventeur - 2e déposant ne
puisse pas utiliser son invention sans payer des royalties à l’autre. L613-7 pose le droit de
possession personnelle antérieure : « Toute personne qui de bonne foi à la date de dépôt de
priorité du brevet était en possession de l’invention objet du brevet sur le territoire du brevet,
lui donne le droit d’exploiter personnellement l’invention malgré l’existence du monopole du
brevet. » C’est une exception d’interprétation stricte. La personne qui veut exploiter va devoir
prouver qu’elle possédait l’invention avant le dépôt de la demande du brevet, et qu’elle la
possédait de bonne foi. Preuve par tout moyen; difficile, car il faut prouver soit qu’elle avait
fait elle-même cette invention soit qu’elle tenait cette invention de quelqu’un qui lui aurait
communiquée de façon légitime.
Ce droit de possession est personnel. Il ne bénéficie qu’à la personne en question, qui
ne peut ni le céder ni le donner en licence. Quant au terme de possession, il s’agit de
démontrer qu’on avait la maîtrise intellectuelle complète de l’invention avant le dépôt de la
demande.
C. L’action en revendication
Elle permet de réclamer la propriété du brevet lorsqu’il a été délivré ou même de
réclamer la propriété de la demande de brevet lorsque cette demande a été déposée de façon
indue et frauduleuse. Le siège de cette action est L611-8.
1. Conditions de l’action
Ce sont les inventions les plus courantes. Au moins 90% des inventions sont le fait de
salariés. Le lien de subordination et l’importance que l’invention revêt pour l’entreprise
rendraient le pur jeu de la liberté contractuelle dangereux. En France, jusqu’en 1978, c’est la
jurisprudence qui a élaboré ces règles sans l’appui d’aucun texte, si ce n’est quelques
conventions collectives. En outre, le contrat de travail comporte parfois des dispositions. Il y
avait 3 catégories d’inventions de salariés :
- Inventions de services, allant de plein droit à l’employeur, car exécutées en application
du contrat de travail;
- Inventions libres : restaient propriété du salarié, car il les avait réalisées sans rapport
avec son contrat de travail, de façon indépendante;
- Inventions mixtes : Pas de rapport avec le contrat de travail, mais réalisées avec le
concours matériel ou intellectuel de son employeur. Ex: en utilisant le laboratoire, les
données de l’entreprise, etc.
Pour les inventions mixtes, puisqu’il y a concours, comment les gérer ? Elles devaient, selon
la jurisprudence, faire l’objet d’une copropriété. Cette solution soulevait des problèmes très
importants, car le statut de la copropriété ou de l’indivision est fondé sur le statut d’égalité.
Or, le salarié est subordonné à l’employeur, donc cela suscitait des conflits potentiels. 1978 :
Statut plus satisfaisant : le législateur modifie les catégories et instaure en plus un système de
résolution des conflits en instituant un système de conciliation au niveau national à travers
une commission paritaire de conciliation. Donc, même s’il y a de la jurisprudence, une grande
partie du contentieux n’arrive pas devant les juridictions. En outre, ce système a supprimé la
catégorie des inventions mixtes qui étaient sources de difficultés et en 1990, le législateur est
intervenu pour rendre obligatoire une rémunération aux salariés inventeurs d’inventions de
services. Prime obligatoire. Cela s’applique à tous les salariés du secteur privé, mais aussi à
ceux du secteur public. C’est donc le même régime. Ce régime ne s’applique pas aux
inventeurs indépendants, évidemment (contrat d’entreprise), ainsi qu’aux dirigeants de
société, alors même qu’il y a des contentieux.
Ces dispositions ont un caractère supplétif, car le contrat individuel de travail ou la
convention collective peut aller plus loin et prévoir des dispositions plus favorables.
Avant de savoir quel régime va être applicable, il faut la classer dans une catégorie. A
qui appartient le droit sur l’invention ? Quel va être le régime ?
a. Invention de mission
Exécution du contrat de travail comportant une mission inventive à condition que cela
corresponde aux fonctions effectives de l’employé. Ou exécution de recherches explicitement
confiées à l’employé même si ce ne sont pas les fonctions que lui assigne son contrat en
général. Cette invention se prouve par tout moyen. Le titre de l’employé, son grade, sa
rémunération etc. n’ont aucune importance. Inventions réalisées par le salarié dans l’exécution : - d’un
contrat de travail comportant une mission inventive permanente qui correspond aux fonctions effectives du
salarié ou - d’études ou de recherches qui lui sont confiées explicitement, soit une mission inventive
occasionnelle. Ex : un ingénieur de recherche. Propriété de l’employeur, et lui seul, dès la conception de
l’invention. L’inventeur salarié a le droit d’être cité comme tel, sauf s’il s’y oppose. Droit du salarié à une
rémunération supplémentaire fixée par la convention collective, l’accord d’entreprise ou le contrat de travail
Ce sont des inventions qui ne rentrent ni dans le contrat de travail, ni dans une mission
demandée par l’employeur. Ces inventions appartiennent donc en principe à l’employé. Mais
certaines de ces inventions font l’objet d’un droit de préemption par l’employeur pour
s’attribuer la propriété sous certaines conditions. Soit parce que l’invention intéresse l’activité
de l’entreprise (il ne faut pas que l’inventivité du salarié profite au concurrent !), soit parce
que l’employé a bénéficié de son emploi pour réaliser cette invention (moyens, techniques et
connaissances mis à sa disposition par l’entreprise). Autrement dit, les cas où l’entreprise a
une certaine part dans l’invention. L611-7 : « Si l’invention faite par un salarié relève du
domaine de l’entreprise ou a été réalisée par l’utilisation de moyens spécifiques à
l’entreprise, l’employeur a le droit de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout
ou partie de l’invention en question, mais moyennant le paiement du juste prix. » Attention, si
les moyens ne sont pas « spécifiquement propres à l’entreprise » et que le salarié aurait pu les
trouver ailleurs, la règle ne joue pas. L’employeur doit payer le “juste prix”au salarié si
l’employeur exerce son droit d’attribution (somme forfaitaire globale et définitive ou
proportionnelle au chiffre d’affaires ou cumul des deux).
Pour les inventions hors missions non attribuables à l’employeur (réalisées en dehors
de toute mission confiée par l’employeur ou ne présentant aucun lien avec l’entreprise) : ces
inventions sont la propriété exclusive de l’employé. Dans l’hypothèse où l’employeur
voudrait l’acheter, il faudrait donc qu’il le fasse dans les mêmes conditions qu’un acheteur
normal.
Quel intérêt de distinguer ? Déterminer qui est propriétaire de l’invention d’une part,
et ensuite savoir si le salarié a droit à une rémunération supplémentaire, prime ou paiement
d’un juste prix si préemption, ou s’il n’a droit à rien. Selon les hypothèses concrètes, il n’est
pas dit que l’employé préfère systématiquement garder l’invention pour lui. Parfois, mieux
vaut, en effet, obtenir la prime ou le paiement ; le salarié a parfois intérêt à ce qu’une
invention hors mission soit déterminée comme attribuable à l’employeur, car elle coûte chère,
n’est pas très rémunératrice, etc.
Les inventions de mission : elles sont ab initio la propriété de l’employeur. Le droit
de demander un brevet appartient dès l’origine à l’employeur. Les droits naissent sur la tête de
l’employeur. Depuis une loi de 1990, l’employeur est toutefois obligé de verser à son salarié
une rémunération supplémentaire (pour encourager l’inventivité des salariés). La règle qui
prévoit l’obligation de rémunération supplémentaire est d’ordre public. En général, c’est la
convention collective, l’accord d’entreprise ou le contrat de travail qui fixe la prime. De
même, le fait que l’entreprise n’exploite pas l’invention ne justifie pas que la prime ne soit pas
versée. Cette prime emporte des conséquences fiscales et également par rapport aux délais de
prescription, qui va être de 5 ans pour demander la prime. Comment déterminer le montant de
la prime ? Concernant l’évaluation, on considère qu’on ne peut pas se borner à en faire un
multiple ou une fraction du salaire. La prime doit tenir compte de l’importance économique,
des difficultés, de la part de l’entreprise et du salarié dans l’invention etc.
Les inventions hors missions attribuables à l’employeur : elles intéressent
l’entreprise ou ont été faites grâce aux moyens de l’entreprise. L’employeur n’est pas obligé
de préempter le droit (droit d’attribution), qui est une forme d’expropriation pour cause
d’utilité privée. S’il ne préempte pas, cela reste la pleine propriété de l’inventeur. Lorsque
l’employeur exerce son droit, on voit apparaître le 2e enjeu, celui de la rémunération. Quand il
exproprie le salarié, il doit, en effet, lui payer le juste prix de son invention L’employeur ne
verse pas une prime, mais un prix de cession s’il se fait attribuer la propriété. Cela relève
fiscalement de la plus-value et non des traitements et salaires. On est ici probablement dans la
période où l’invention vient tout juste de faire l’objet d’une demande de brevet, et il est
difficile de mesurer sa valeur. Pourtant, on demande le paiement d’un JUSTE prix. Comment
l’évaluer ? Assez fréquemment, on fixe d’abord une provision et le reste est liquidé dans un
délai allant de quelques mois à quelques années. On peut aussi fixer le prix sous forme de
royalties. Le juste prix sera soit forfaitaire soit proportionnel au chiffre d’affaires (royalties).
Le juste prix n’équivaut pas exactement au prix de l’invention; en pratique, on fait appel à des
experts, on prend en compte les apports de l’employé et ceux de l’employeur, etc. On tient
compte, en effet, de la part non payable par l’employeur, car effectuée grâce à lui. Les suites
de l’attribution : si le prix de cession prend la forme d’une rémunération proportionnelle, cela
implique pour l’employeur l’obligation d’exploiter (sinon condition potestative de payer le
salarié (la condition est "potestative" lorsque la naissance ou l'exécution de l'obligation dépend de la seule
volonté d'un seul des contractants. Il s'agit alors d'une condition dite "purement potestative". La condition
purement potestative est nulle.). S’il n’exploite pas, l’employé va pouvoir demander des
dommages et intérêts. Et si l’employeur ne paie pas le juste prix, le salarié va obtenir la
résiliation de l’attribution et va récupérer la propriété du brevet.
On peut enfin se demander ce qui se passe quand le brevet vient ensuite à être annulé ?
L’employeur peut-il demander l’annulation de la préemption et la restitution du juste prix (on
rappelle qu’il y a annulation rétroactive) ? Si l’option de l’employeur porte sur l’invention, le
risque de la nullité pèse sur lui. La cession est une cession forcée, il y a eu expropriation. Or,
le cédant, s’il doit normalement des garanties au cessionnaire (notamment garantie d’éviction
et vices cachés), lorsque la cession est forcée, le cédant ne doit aucune garantie. Donc le
salarié non consentant ne doit aucune garantie à l’employeur, tout simplement parce qu’il a
été exproprié. Le risque pèsera donc sur l’employeur. Quant aux inventions hors missions non
attribuables, elles appartiennent à l’employé qui peut exploiter l’invention comme il veut,
mais l’employeur n’a rien à lui payer non plus.
B. Régime
1. La procédure de classement
2. Le contentieux
Pour obtenir un droit privatif sur l’invention, on opère un dépôt de demande de brevet
auprès de l’INPI, soit auprès du siège - à Paris - soit en Province. Il n’y a pas de délai, même
s’il vaut mieux se dépêcher. Pour bénéficier en revanche du délai de priorité unioniste, on doit
faire le deuxième dépôt dans les 12 mois qui suivent le premier. La demande doit obéir à des
formalités très précises, ce qui permet d’assurer la sécurité du brevet et des tiers. La demande
est le futur texte du brevet lui-même, et ce texte doit permettre d’apprécier la brevetabilité de
l’invention d’une part et d’autre part doit permettre de réaliser la finalité du brevet tout en
préservant la sécurité des tiers. Rappel : Toute divulgation de l'invention préalable au dépôt, même
provenant de l'inventeur, entraîne la nullité du brevet. Les présentations préalables, parfois nécessaires, ne
peuvent être faites qu'à un nombre très limité de personnes dans le cadre d'un accord de confidentialité.
Le brevet est accordé en échange du monopole temporaire à condition que l’inventeur
accepte de divulguer, à terme, l’invention. Donc il faut pouvoir trouver dans la demande de
brevet, tous les éléments qui permettent de comprendre et de reproduire l’invention et de la
situer dans l’état de la technique. Quand le brevet sera accordé, on pourra agir en contrefaçon
contre les contrefacteurs, mais il faut que les tiers puissent connaître la limite du monopole
accordé, sans qu’ils empiètent sur le droit. Donc le texte doit permettre de mesurer les limites,
de voir ce qui est protégé et ce qui ne l’est pas. C’est à ces 2 effets que sert le formalisme.
A. Structure de la demande
Le formalisme est tellement poussé que c’est un métier de conseil à part entière. C’est
une profession spécialisée dont c’est le gros de l’activité que de rédiger les demandes de
brevet. Il faut bien sûr des compétences scientifiques plus que juristes pour la rédaction.
Cette règle tend à exclure que l’on puisse couvrir plusieurs inventions différentes et
distinctes par un seul et même brevet. L612-4 : « la demande de brevet ne peut concerner
qu’une invention ou bien une pluralité d’inventions liées entre elles, de telle sorte qu’elles ne
forment qu’un seul concept inventif général ». Pourquoi le législateur ne veut pas un seul
brevet pour plusieurs inventions ?
-Raison triviale : raison fiscale : Dépôt de la demande et maintien du brevet pendant 20 ans
imposent des annuités fiscales… Donc le fisc serait floué si on pouvait réunir plusieurs
inventions sous un seul brevet.
-Cela permet aussi de faciliter l’examen de la demande si on a une unité; on n’aura pas besoin
de disséquer le brevet pour l’analyser.
-Enfin, et surtout, il existe une classification d’inventions par catégories de métier et
d’industrie, qui est extrêmement utile pour faire des recherches d’antériorité. La classification
simplifie le travail.
Pour autant, aucune de ces raisons n’est vraiment fondamentale. La portée de ce
principe doit cependant être mesurée, car le texte est relativisé : Inventions liées entre elles
par un concept inventif. Donc un même concept inventif général peut engendrer et recouvrir
plusieurs inventions, et on peut alors déposer une seule demande. Ex : invention d’un
nouveau produit, mais on peut aussi avoir inventé un procédé spécifique pour obtenir ce
produit. On peut même revendiquer une application particulière de ce produit. Donc 3
inventions différentes, mais toutes liées par le même concept inventif général. Pour cela, on
recherche si les différentes revendications relèvent du même domaine. Dans l’hypothèse où il
y a défaut d’unité d’invention, la sanction est que l’INPI - s’il s’aperçoit de ce défaut -
rejettera la demande. Mais l’INPI est assez secourable et va avertir l’inventeur qu’il faut
diviser sa demande en plusieurs dépôts dans un délai imparti. On peut alors faire plusieurs
demandes, une pour chaque invention différente. Si l’INPI délivre, en revanche, le brevet,
l’acceptation de l’INPI purge le vice, et on ne pourra pas invoquer la nullité du brevet sur ce
fondement non fondamental ultérieurement.
a. Requête
Elle précise quel titre on demande (brevet ou certificat d’utilité (6 ans = mini-brevet),
quel intitulé (titre et désignation technique de l’invention), l’identification du demandeur et la
désignation de l’inventeur.
b. Description
Plus importante. C’est grâce à elle que l’on va comprendre en quoi consiste
l’invention. Elle expose l’invention de façon complète, la situe dans l’état de la technique
(notamment par rapport à l’état antérieur) et donne à l’homme du métier les moyens de la
réaliser. On va trouver le titre, l’indication du domaine technique auquel elle se rattache, l’état
de la technique antérieur s’il existe (pas pour les technologies nouvelles), un exposé de
l’invention, exposé détaillé d’au moins un mode de réalisation (dire et décrire au moins un
mode permettant de réaliser l’invention). On doit aussi trouver l’indication de la manière dont
cette invention est susceptible d’être appliquée au niveau industriel (si ce n’est pas évident).
Si l’invention porte sur des microorganismes, on doit opérer un dépôt de culture auprès d’un
organisme habilité et préciser l’existence de ce dépôt de culture. Car la simple description
n’est pas suffisante.
L612-5 : L’invention doit être décrite dans la demande de façon suffisamment claire
pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter. L’exposé de l’invention doit permettre de
comprendre le problème technique et la solution qui lui a été apportée. L’homme du métier
doit être capable de tout reproduire avec le brevet. Cette exigence de clarté n’est pas
seulement destinée à faciliter l’examen de la demande, mais elle est liée à la fonction même
du brevet, qui est d’enrichir l’état de la technique, et quand l’invention sera divulguée, elle
doit permettre d’enrichir au bout de 20 ans l’état de la technique. La sanction de ce défaut de
clarté est la nullité du brevet. Elle est très souvent invoquée, notamment par le contrefacteur.
De même, un brevet insuffisant ne peut pas constituer une antériorité opposable à une autre
demande portant sur la même invention. Donc la description qui ne contient pas les éléments
essentiels, qui est ambiguë ou contradictoire, qui est lacunaire ou qui ne correspond pas aux
revendications est insuffisante et donc NULLE. Mais s’il y a imprécision ou erreur matérielle
« de plume » et que l’homme du métier peut pallier l’imperfection par ses connaissances de
base normales, alors la description sera considérée comme suffisante. De même,
l’imperfection de résultat - comme on l’a vu - n’est pas une cause de nullité. A la différence
de l’insuffisance de description.
c. L’abrégé
L’abrégé est un résumé de l’invention.
d. Dessins et schémas
Ils représentent l’invention et ne sont que facultatifs. Leur rôle n’est que
l’interprétation et une meilleure compréhension de l’invention. Les dessins ne peuvent pas
remplacer la description.
e. Revendications
C’est l’autre élément important. Toute demande de brevet doit comporter au moins
une revendication. Elle précise ce sur quoi on souhaite que l’on vous accorde un droit
exclusif; on précise l’étendue de la protection demandée. Les revendications définissent
l’invention objet du brevet et l’étendue du monopole. Tout ce qui ne fait pas l’objet d’une
revendication n’est pas protégé, même si on les trouve dans la description, quand bien même
ce serait des éléments nouveaux inventifs etc. Les revendications : L612-6 : elles doivent être
claires et concises, à la différence de la description, et les revendications doivent se fonder sur
la description; on ne peut protéger, en effet, que ce qui est décrit. La revendication s’interprète
d’ailleurs à la lumière de la description.
Il faut que la revendication soit claire et concise, ce qui n’empêche pas que l’on doive
parfois interpréter la revendication avec la description et les dessins. Mais on ne peut pas
ajouter - sous prétexte d’interprétation - quelque chose qui n’est pas décrit, des éléments non
compris dans la description etc. Ceci étant dit, la structure de la revendication est prévue par
la loi. Structure : R 612-17 : toute revendication doit être divisée en 2 : Préambule et « partie
caractérisante ». L’intérêt de cette division est la distinction de l’objet avec l’invention elle-
même. Le préambule indique l’objet de l’invention et les caractéristiques techniques
nécessaires mais qui ne sont pas protégées. Cela permet de mettre en lumière des éléments
déjà connus, mais indispensables pour définir et apprécier la portée de l’invention. C’est dans
la partie caractérisante que se trouve le siège de l’invention. Donc la partie caractérisante
indique les caractéristiques techniques. Un élément qui se trouve dans le préambule mais pas
dans la partie caractérisante ne bénéficiera pas du monopole.
Revendications multiples : Dans les demandes de brevet, il faut au moins une
revendication, mais la plupart du temps, il y en a plusieurs parce que l’invention présente en
réalité plusieurs aspects, éléments distincts ayant un rapport entre eux (concept inventif
général) que l’on pourra revendiquer séparément. La validité sera appréciée séparément. Ex:
Invention du produit; Invention du procédé pour l’obtenir; Invention pour l’application de ce
produit. On appréciera la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle
séparément pour chaque revendication. Et si l’invention ne peut être protégée, peut être que le
procédé, lui, sera valable. Autrement dit, le fait qu’une revendication tombe n’empêche pas
l’autre d’être maintenue. Il peut arriver aussi que l’on souhaite revendiquer plusieurs éléments
dépendants d’une revendication principale. Les sous-revendications consistent à reprendre la
revendication principale en y ajoutant des caractéristiques supplémentaires; il s’agit de modes
particuliers de réalisation de la revendication. Quand la revendication est dépendante, doit-on
l’apprécier comme la revendication principale ? Lorsque la revendication principale est nulle,
la revendication dépendante est-elle nulle aussi ? Puisque la revendication dépendante est un
mode de réalisation particulier de la revendication principale - pour y ajouter des éléments
plus ou moins importants - la validité de cette revendication paraît être liée à celle de la
revendication principale; elle en tire pour partie sa brevetabilité. Pour autant, si la
revendication principale est nulle, il n’est pas certain que la revendication dépendante soit
nécessairement nulle. Peut-être que les caractéristiques sont brevetables. Ex : Le choix
d’utiliser du tungstène n’est peut être pas connu, il y a peut être ici une nouveauté et activité
inventive. Il se peut donc que la revendication dépendante soit brevetable. DONC : Même si
la revendication principale est nulle, il va falloir faire comme si les revendications qui en
dépendent sont indépendantes. Apprécier si chaque revendication prise indépendamment est
valable en elle-même. En revanche, si la revendication principale est valable, la revendication
dépendante intègre les caractéristiques de cette revendication valable. Par conséquent, elle est
elle-même nécessairement valable; les conditions sont remplies. La condition d’activité
inventive est, en effet, nécessairement remplie, puisque la revendication principale n’était pas
dans l’état de la technique.
Examen de la recherche : Avant que l'INPI n'examine la demande de brevet, les services de la
défense nationale examinent s'il y a lieu de mettre l'invention au secret. Une telle décision est rare, mais cet
examen est rendu obligatoire par la loi ; cette étape vise à identifier les inventions présentant une dimension
stratégique et dont la divulgation doit en conséquence être retardée ou empêchée. Si le Ministère de la
Défense la trouve intéressante, il peut demander une expropriation ou une Licence forcée.
Que fait l’INPI ? Il se livre à un examen technique que l’on pourrait imaginer de plusieurs
sortes :
- Dépôt et enregistrement : Délivrance SGDG (sans garantie du gouvernement) et pas
d’examen au fond, de sorte que la validité du brevet ne pourrait être remise en cause que
devant les tribunaux.
- Examen complet : cf. OEB : Examen des conditions de forme et de fond.
Le système français occupe une position intermédiaire : il est moins lent et moins
coûteux que celui de l’OEB. Il y a un examen de forme et un examen de fond, mais pas aussi
complet que celui de l’OEB. De toute façon, il y a toujours possibilité, après délivrance, de
contestation devant les tribunaux. L’examen est incomplet en ce sens que l’INPI ne vérifie
que certains des critères de la brevetabilité et ne rejette la demande que si les critères sont
« manifestement absents ». En outre, l’INPI ne vérifie pas du tout « l’activité inventive » à la
différence de l’OEB. Par conséquent, cette vérification est faite devant les tribunaux. Donc il
n’y aura rejet de la demande que dans certains cas : L612-12 : Cas dans lesquels l’INPI peut
rejeter la demande, parfois que partiellement. Si l’INPI décèle une cause de rejet, le déposant
en est averti et si possible il pourra y avoir régularisation. FORME : le fait de ne pas payer les
taxes ; Absence d’unité d’invention ; Non-respect des formes. FOND : Objet exclu de la
brevetabilité ; invention manifestement contraire à l’OP ou aux BM ; obtention d’un brevet
sur une race, gêne humain ; méthode mathématique ou traitement chirurgical etc. ; Défaut
manifeste de nouveauté (rapport de recherches révèle une antériorité) ou d’application
industrielle ; Insuffisance de la description (ici condition de fond car fonction du brevet
remise en cause). Mais le défaut d’activité inventive, même repéré par l’INPI, n’est pas
permis par le CPI pour prononcer le rejet. Quand une condition fait manifestement défaut,
l’INPI en informe le déposant et celui-ci doit alors la régulariser. En l’absence de
régularisation, la demande est définitivement rejetée. Cette décision peut faire l’objet d’un
recours, porté devant la cour d’appel compétente. Si le dossier est conforme, il est publié et
fait l’objet d’un rapport de recherche.
Publication de la demande : A compter du délai de 18 mois après le dépôt ou de
la date de priorité, ou plus tôt si le demandeur le requiert, l’INPI publie la demande dans un
organe officiel (Bulletins Officiels de la Propriété Industrielle) et cette publication indique au
tiers qu’il peut prendre connaissance du dossier et du contenu de la demande.
Etablissement du rapport de recherche : Rassemblement des éléments de l’état
de la technique. Quel est l’état de la technique ? S’il y a des antériorités, le déposant doit faire
valoir des observations. Ensuite, le rapport de recherche va être publié. Utilisé souvent lors
des procès en contrefaçon par le contrefacteur pour démontrer l’antériorité et demander la
nullité. Quelques mois plus tard, 2 ou 3 ans au plus, on fait payer une redevance au déposant,
et le brevet est ensuite délivré avec tous les documents de la demande et le rapport de
recherche. Le brevet est alors présumé valable, et c’est le contestataire qui doit apporter la
preuve de la nullité. Avantage procédural du breveté. Ensuite, publication de la délivrance du
brevet au BOPI et l’INPI tient un Registre National des Brevets, sur lequel - pour chaque
brevet - devra être inscrit tous les actes juridiques concernant ce brevet. Tous les actes
juridiques affectant le brevet ne deviendront opposables que s’ils sont inscrits au RNB
(ressemble aux registres de conservation des hypothèques, mais ici pour la cession des
brevets : date d’inscription importante, etc.). Enfin, l’INPI peut, après la fin de la procédure et
généralement lors d’un procès en contrefaçon, délivrer un avis documentaire, document qui
peut être très utile, établi sur la base du rapport de recherches, qui retient les antériorités
pertinentes, et où l’INPI donne son avis sur l’invention par rapport à l’état de la technique.
Cet avis peut être requis par tout intéressé. Lors de son dépôt, toute demande de brevet fait l’objet d’une
recherche documentaire par l’Office des brevets concerné (par exemple, l’INPI pour un dépôt prioritaire en
France, l’OEB pour un dépôt prioritaire en Europe, etc.). Le déposant doit en faire la requête formelle et
acquitter la taxe correspondante, soit immédiatement lors du dépôt de la demande de brevet, soit en différé dans
les délais prévus par la législation du pays considéré. Cette recherche documentaire a pour objet de répertorier
les documents existants pouvant être considérés comme l’état de la technique à la date du dépôt prioritaire. Elle
donne lieu à la fourniture d’un rapport de recherche préliminaire environ 10 mois après sa requête. Le rapport
préliminaire cite les antériorités relevées susceptibles d’affecter la nouveauté ou l’activité inventive de la
demande de brevet, avec une évaluation codifiée de leur portée. Ce rapport est transmis au déposant qui pourra
présenter des observations sur la pertinence des documents cités et, le cas échéant, modifier les revendications
dans les limites de la description initiale. Le rapport de recherche préliminaire est publié en même temps que la
demande de brevet. Dans les 3 mois qui suivent cette publication, toute personne pourra présenter des
observations sur la brevetabilité de l'invention ; elles seront communiquées au déposant qui pourra y répondre. A
l'issue de ces 3 mois l'Office des brevets établira un rapport définitif qui sera joint au brevet délivré.
L611-1 : « Toute invention peut faire l’objet d’un titre de PI qui confère à son
titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d’exploitation ». Le brevet donne un
monopole d’exploitation et la loi donne au titulaire les moyens d’interdire les contrefaçons et
de reproduire l’objet protégé, c’est-à-dire empiéter sur la propriété du breveté en effectuant
des actes qui lui sont réservés. Ce monopole présente des particularités : l’existence de ce
monopole est conditionné par le respect de diverses obligations. D’abord, le breveté doit
payer des taxes chaque année pour maintenir le monopole en vigueur. D’autre part, il est
soumis à une obligation d’exploiter, qui certes ne lui fera pas perdre complètement son droit
de brevet s’il ne la respecte pas, mais le soumettra au risque de se voir imposer des licenciés
non choisis et des redevances non négociées.
Actes que les tiers peuvent faire sans autorisation. L613-5 CPI : Exclut un certain
nombre de types d’acte du champ du droit exclusif, utilisation de l’invention sans avoir besoin
de verser des royalties. Pour des raisons d’intérêt général : encouragement pour la recherche,
besoin de la Santé Publique, ne cause pas réellement de préjudice.
1. Actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales
Le monopole ne s’étend pas non plus aux actes accomplis à titre expérimental : on
va pouvoir utiliser l’invention à des fins expérimentales dans le cadre de la recherche
scientifique ou même technique pour vérifier l’intérêt technique de l’invention, envisager des
perfectionnements, etc. Ces expérimentations sont libres, mais le résultat de l’expérimentation
peut très bien tomber dans le champ du brevet. De même, si on a fait des actes
d’expérimentation pour lui trouver un perfectionnement, le perfectionnement lui-même ne
pourra pas être exploité sans l’autorisation du titulaire du brevet. Donc les suites de
l’expérimentation tombent la plupart du temps dans le champ du monopole.
Une des difficultés qui s’était présenté dans la jurisprudence récente tenait à la
volonté des pouvoirs publics de développer les médicaments génériques. Ils ne peuvent être
exploités que s’ils obtiennent une AMM. Le générique en général sort après la fin du brevet
sur un médicament. Le génériqueur en général a des coûts moindres, puisqu’il n’a pas à
amortir les coûts de l’invention. Mais le génériqueur ne pourra pas mettre en circulation le
générique avant que le brevet ne tombe dans le domaine public. Le génériqueur repère les
médicaments à succès et se prépare, dès la fin du brevet, à mettre en circulation le générique.
Il va donc préparer une AMM et faire des essais qui appuieront sa demande. Il doit donc faire
des essais avant la fin du brevet ; ces essais constituent-ils une atteinte au droit du breveté ?
Une partie de la jurisprudence a considéré que oui, car il ne s’agit pas de simples
expérimentations. Mais dans le but d’encourager les génériques, on a inséré dans L613-5 une
disposition qui précise que le droit exclusif ne s’étend pas aux essais pratiqués en vue d’une
AMM même avant la fin du brevet, qui ne portent donc pas atteinte au droit exclusif.
C’est une autre limitation au brevet. Un médicament peut être fabriqué en masse par
un laboratoire, mais peut aussi être fabriqué par le pharmacien à la demande. L’article L613-
5 exempte du champ d’application le fait de préparer des médicaments par unité et à la
demande dans les officines de pharmacie et sur ordonnance médicale. Si c’est un pharmacien
d’officine, le préjudice causé au titulaire du brevet est bien sur infinitésimal. Mais s’il s’agit
d’une pharmacie d’hôpital qui fabrique pour les autres hôpitaux, pas le droit de refaire le
médicament librement, sinon le préjudice serait ici significatif.
5. Inventions biotechnologiques
Les droits de propriété intellectuelle n’ont d’effet que dans les limites territoriales
de l’Etat qui les reconnaît. Il n’y a pas de protection universelle, il faut procéder à des dépôts
pour obtenir une protection du même objet dans plusieurs Etats. C’est le principe de
territorialité qui a pour corollaire 2 règles :
- Indépendance des droits : Puisque les droits sont territoriaux, ils sont donc indépendants les
uns des autres. Donc tout ce qui advient à un brevet dans un pays ne touche pas le brevet
correspondant dans les autres pays. Si un brevet expire ou est annulé en France, le brevet
réflexe (correspondant) reste valable dans les autres pays.
- La contrefaçon est donc limitée au territoire, mais réciproquement, puisque le droit est
territorial, si on a un brevet dans un pays, on peut utiliser ce brevet pour interdire
l’importation de l’invention dans le pays où on a un brevet. On contrôle ainsi l’organisation et
la circulation de l’invention.
Mais la règle de l’épuisement du droit a 2 aspects, et cette règle sert à restreindre
le contrôle du titulaire du droit sur la circulation du produit fabriqué :
- Epuisement interne : L613-6 CPI : lorsque le produit couvert par le brevet est fabriqué et
mis en circulation avec l’accord du titulaire du brevet en France, celui-ci ne peut plus
restreindre ou contrôler la circulation de ces produits en France. Son droit s’est épuisé en ce
qui concerne le territoire français. Mais en revanche, il n’y a pas en droit français
d’épuisement international, ce qui consisterait à considérer que le lot considéré (ex : 10 000
cafetières brevetées mises en circulation en Thaïlande) puisse circuler sans limitation partout
dans le monde. Cette règle n’existe pas en droit français ni en droit communautaire, car cela
mettrait en péril l’indépendance des droits et ferait aussi abstraction de la différence du niveau
d’effectivité de la protection dans différents pays.
- Epuisement communautaire : L’épuisement international est condamné par l’UE mais
celle-ci consacre l’épuisement intra-EEE (espace économique européen) qui se justifie par la
libre circulation et la mise en place du marché unique. On considère que, lorsque le titulaire
d’un droit de brevet a autorisé la fabrication de produits incorporant son droit et qu’il a lui-
même autorisé sa première mise en circulation à l’intérieur de l’EEE, son droit s’est épuisé A
PROPOS DE CE LOT DE PRODUIT uniquement. Ce lot peut circuler librement à l’intérieur
de l’EEE. Même s’il y a des conditions, puisque l’on refuse l’épuisement international, le lieu
de circulation doit être un Etat intégrant l’EEE et deuxièmement, le consentement du titulaire
du droit doit avoir été donné. Sans consentement, pas d’épuisement du droit, opposition
valable. Donc les produits fabriqués licitement dans un pays sous licence forcée ne peuvent
cependant circuler que dans ce pays, parce qu’il n’y a pas eu consentement du fabriquant.
Le brevet donne à son titulaire un monopole, mais ce droit exclusif est temporaire,
puisqu’il dure 20 ans à compter du dépôt de la demande (et non pas de la date de délivrance).
Les certificats d’utilité (mini-brevets) - avec le même point de départ - durent 6 ans. Ce délai
est trop long ou trop court, depending on the inventions. Dans le domaine de la pharmacie et
des produits phytosanitaires (engrais, insecticides), la durée de 20 ans à compter du dépôt
pose un problème de calcul particulier. En effet, comme pour les médicaments, les
phytosanitaires requièrent une AMM. Or, l’obtention d’AMM est elle-même très longue (5 à
7 ans), ce qui veut dire que si on invente un médicament, pour éviter d’être pris de court, il
faut déposer une demande de brevet aussi vite que possible. On ne va donc pas attendre
l’AMM pour faire la demande de brevet. Cela veut dire que, parallèlement, il faudra attendre
l’octroi de l’AMM pour exploiter réellement le produit, alors que le brevet est déjà en cours.
Le délai de 20 ans est alors largement amputé. Les législateurs communautaires ont pris en
compte ce problème. On aurait pu imaginer qu’il faille seulement ajouter le nombre exact
d’années écoulées entre le dépôt de la demande et l’AMM. Plutôt que d’allonger la durée de
protection d’autant, on a créé un certificat complémentaire, le Certificat Complémentaire de
Protection (CCP) qui est un titre distinct du brevet, et qui couvre le médicament à partir de la
fin de la protection du brevet. Ce certificat complémentaire de protection donne exactement
les mêmes droits que le brevet pour une durée égale à la période entre le dépôt de la demande
et la date d’AMM mais REDUITE DE 5 ANS. De surcroît, la durée de ce certificat ne peut
durer plus de 5 ans. Donc ce système est compliqué et, en plus, ne compense pas le véritable
manque à gagner.
Il y a interférence avec le droit des obtentions végétales. Procédé breveté qui aboutit
à l’obtention d’une variété végétale. Pour réaliser la variété nouvelle, on a besoin d’utiliser un
procédé breveté. Ou inversement, avec le procédé breveté, on atteint un COV. Un brevet peut
bloquer le COV et vice-versa. Si le brevet et le COV appartiennent à des personnes
différentes, on arrive au même problème que plus haut. L613-15-1 : cet article permet à un
obtenteur de variétés végétales d’obtenir une licence forcée sur un brevet dans la dépendance
duquel se trouve son droit d’obtention. Le titulaire du COV va ainsi pouvoir obtenir une
licence obligatoire. L623-22-1 : le titulaire d’un brevet qui ne peut pas exploiter son invention
biotechnologique sans autorisation du COV et sans empiéter sur lui va pouvoir obtenir une
licence forcée sur ce COV.
A coté de ces licences judicaires, le CPI a prévu une série de licences d’office
octroyées par l’autorité administrative.
Il s’agit du ministre de l’industrie et ces licences sont rares car moins précises dans
leurs conditions et vont plus loin. Le niveau de rémunération, en revanche, échappe au
ministre et tient au juge judiciaire.
Cette disposition se trouve dans le Code de la Santé Publique et non dans le CPI, et
est fondée sur l’intérêt de l’économie de l’élevage, qui justifie l’octroi de la licence.
Lors des dernières négociations de Doha de l’OMC, une résolution avait été prise
pour faire avancer la diffusion des médicaments dans les pays les plus pauvres. Modification
de l’accord ADPIC, avec adoption d’un règlement communautaire du 17 mai 2006 : il
organise de façon très détaillée un système d’octroi sur des brevets pharmaceutiques
concernant la fabrication et la vente de produits pharmaceutiques à condition qu’ils soient
destinés a être exportés dans certains types de pays (les plus pauvres) faisant face à des
problèmes de santé graves. L613-17-1 : Texte adopté le 29 octobre 2007 : Système détaillé de
licences forcées avec un taux de rémunération fixé par le règlement. Il s’agit de quantités
précises vers des pays précis avec une interdiction que ces médicaments aillent ailleurs que
dans les pays concernés. Il y a donc tout un système de contrôle douanier pour éviter les
trafics de médicaments et les contrefaçons.
SECTION I : LA CONTREFAÇON
Elle vise à défendre le droit privatif. Ce n’est pas la même chose que l’action en
concurrence déloyale - ou la responsabilité déloyale - ni que l’action en propriété en droit civil
même si cela y ressemble. Cette action vise à faire cesser un empiètement et grâce l’action en
contrefaçon, l’inventeur va récupérer la totalité de son droit privatif. Mais l’action en
contrefaçon a aussi une fonction réparatrice, car elle va réparer le préjudice issu de la
contrefaçon. Fonction indemnitaire mêlée à des fonctions de sanction et de dissuasion. Elle
joue aussi un rôle de moralisation de la concurrence. L’action en contrefaçon est une action
intentée sur le droit civil, mais c’est aussi une action pénale (Tribunal correctionnel).
L’article L615-1 CPI dispose que « toute atteinte portée au droit privatif du
breveté constitue une contrefaçon ». Ce texte renvoie à la définition négative du monopole du
breveté pour définir les actes interdits. Chaque fois qu’un acte réservé est accompli, il y a
contrefaçon.
Jusqu'à quand y a-t-il contrefaçon ? Tant que le droit au brevet est en vigueur,
l’exploitation non autorisée est une contrefaçon. L’acte accompli alors que le brevet est
annulé, que les 20 ans sont écoulés ou que le brevet est déchu pour défaut de paiement des
annuités est, en revanche, valable. Mais un acte commis avant la fin du monopole peut être
attaqué en justice. Plus délicate est la détermination du point de départ de la date à partir de
laquelle un acte non autorisé peut être qualifié de contrefaçon ? En principe, il ne peut y avoir
contrefaçon quand le tiers ignore l’existence du droit. Donc ce ne serait qu’à partir de la
publication que l’utilisation de l’invention devient une contrefaçon. Donc entre la date du
dépôt et de la publication, les tiers ignorent la demande et on ne peut le leur reprocher, SAUF
SI ON LEUR A NOTIFIE LA DEMANDE. Si l’on agit sur une simple demande de brevet, le
juge doit surseoir à statuer car si jamais l’invention n’est pas brevetable, pas de contrefaçon.
Il faut distinguer selon que l’on se place sur le terrain pénal ou civil. C’est
seulement au pénal que la bonne foi est exonératoire. Mais le juge a tendance à présumer la
mauvaise foi chez le professionnel. En revanche, lorsqu’on agit au civil, que le contrefacteur
soit de bonne ou de mauvaise foi n’a aucune importance, car il faut faire cesser l’atteinte au
droit privatif. Mais il faut faire une distinction entre le contrefacteur direct et le contrefacteur
indirect. Le contrefacteur direct est celui qui met en œuvre l’invention brevetée, utilise le
procédé etc. sans solliciter l’accord de l’inventeur ; donc il met directement en cause le droit
privatif. Il sera condamné sans avoir besoin d’établir qu’il est de mauvaise foi. L’importateur
est assimilé au fabricant : ils sont des contrefacteurs directs. Les contrefacteurs indirects sont
ceux qui offrent des produits contrefaits, distribuent, revendent, détiennent, utilisent ces
produits contrefaits. Ils ne sont condamnés que s’ils sont de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’ils
ont agi en connaissance du caractère contrefait des produits ou autres. Ici aussi, il y a
présomption de mauvaise foi, et c’est donc au contrefacteur indirect de prouver qu’il est de
bonne foi.
En général, la contrefaçon est toute atteinte au droit privatif. Mais il y a une liste
limitative des actes de contrefaçon. L613-3 CPI : il s’agit de la fabrication du produit breveté,
de son utilisation, de son importation et de tous les actes qui sont dans la continuité de ceci
(détention, offre, mise en vente etc.). Il y a aussi contrefaçon quand le titulaire d’une licence
d’exploitation va au-delà des limites fixées par la licence. Le licencié qui ne respecte pas les
limites qui lui sont conférées pourra donc non seulement être poursuivi pour inexécution mais
aussi pour contrefaçon. L’importateur peut être condamné, même de bonne foi. En revanche,
le fabricant à l’étranger ne peut être poursuivi sur le fondement de la loi Française que si l’on
démontre qu’il ne s’est pas contenté de fabriquer mais a aussi participé activement à
l’importation dans un pays où ce n’était pas autorisé. Le fabricant étranger pourra être sanctionné en
France s’il a participé de façon active à l’importation. Ex : un fabricant italien qui agrée un distributeur et fournit
des machines destinées à être vendues en France participe activement à l’introduction et à la vente du matériel en
France. Concernant le transit, le simple transit en France de marchandises destinées à l’étranger
ne constitue pas une contrefaçon. En revanche, l’admission temporaire de marchandises
contrefaisantes devient un délit, si durant le transit, le produit importé subit des
transformations ou est reconditionné. D’autres actes sont assimilés à la contrefaçon, en
particulier le fait de fournir ou d’offrir des moyens spécifiques dont on sait qu’ils serviront à
la contrefaçon. Certains de ces actes ne peuvent être sanctionnés au titre de la contrefaçon que si leur auteur
avait conscience de leur caractère délictuel. Il s’agit de l’offre, de la mise dans le commerce, de l’utilisation, ou
de la détention en vue de l’utilisation ou la mise dans le commerce lorsque l’un de ces actes est accompli par un
non-fabricant, ou de la fourniture de moyens par un tiers.
Le principe est que l’on va partir des revendications du brevet (qui définissent
l’objet et l’étendue de la protection) pour les confronter à l’objet prétendument contrefaisant.
Le principe qui gouverne l’appréciation des faits de la contrefaçon, la manière de comparer,
etc. est que la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences. C’est
un principe commun à l’ensemble de la propriété intellectuelle. En effet, si l’on s’attachait
aux différences, il serait facile d’échapper à la condamnation en contrefaçon. On recherche
donc si les caractéristiques essentielles ont été reproduites, abstraction faite des différences
secondaires. Réciproquement, il peut y avoir des ressemblances sans que les caractéristiques
essentielles se retrouvent, il n’y a alors pas de contrefaçon. Ce principe est ardu à mettre en
pratique, il faudra pour le juge faire appel à des experts. Lorsque l’on perfectionne une
invention brevetée (par ex. une simplification), il n’en demeure pas moins que l’on met en
œuvre l’invention en question. Si l’inventeur de ce perfectionnement n’a pas l’autorisation du
titulaire de ce brevet, dans le cadre de l’utilisation du perfectionnement, il y a une
contrefaçon.
La question des moyens équivalents : Pour qu’il y ait contrefaçon par
équivalence, il faut que les différences soient non essentielles ou que l’élément équivalent
remplisse essentiellement les mêmes fonctions, fonctionne essentiellement de la même
manière et produise essentiellement le même résultat. Donc lorsque deux moyens ont une
différence de forme, mais remplissent la même fonction technique et aboutissent exactement
au même résultat, on a contrefaçon. Remplacer le moyen breveté par un moyen équivalent est
bien une forme de contrefaçon. Lorsque l’on a revendiqué une combinaison de moyens, c’est
en théorie la combinaison qui est protégée, et pas chaque moyen pris séparément. Donc si on
a breveté « A+B+C » sans breveter séparément A, B et C, il n’y a pas de contrefaçon si
quelqu’un fait juste A ou B ou C, ou alors une combinaison différente pour un résultat
différent (ex : On a breveté « A+B+C qui donnent X », c’est toujours légal de faire « AxBxC
qui donnent Y »). Considérant une revendication de brevet comprenant les caractéristiques A, B, C et D, et
un produit ou une méthode présumé(e) contrefaisant(e) comprenant les caractéristiques A, B, C et D', la
caractéristique D' ayant une forme ou une structure qui est différente de celle de la caractéristique D, l'analyse
d'une éventuelle contrefaçon par équivalence consiste à établir si la caractéristique D' est un équivalent technique
tel que défini ci-dessus et si le brevet couvre la caractéristique D, non pas seulement dans sa forme, mais
également dans sa fonction.
Partie procédurale du droit des brevets, qui vaudra pour tout le droit de la propriété
intellectuelle et en partie pour le droit d’auteur (loi 29 octobre 2007 crée un tronc commun
procédural, qui transpose dir. comm. de 2004 emportant unification dans UE). Cette loi de
2007 est assez importante pour la pratique, elle change beaucoup de dispositions du CPI. Elle
est dominée par l’idée de renforcer la lutte contre la contrefaçon et est donc clairement en
faveur des titulaires de droits.
A. Les principes
La contrefaçon est un fait, et les faits se prouvent par tous moyens (L 615-5).
Naturellement, c’est le titulaire de droits agissant en contrefaçon qui a la charge de la preuve.
Il doit prouver les actes qu’il prétend être de contrefaçon et aussi l’existence de son droit s’il
veut des réparations pour le préjudice subi. Le CPI comporte un certain nombre de règles et
procédures destinées à venir en aide au titulaire de droits de propriété intellectuelle dans la
recherche de preuves de la contrefaçon. Le CPI institue une technique facultative mais très
efficace, la saisie-contrefaçon. Il prévoit une possibilité de renversement de la charge de la
preuve en faveur du titulaire du droit en ce qui concerne la contrefaçon des procédés, une
contrefaçon très difficile à prouver. Enfin, il institue un véritable droit à l’information, et en
particulier impose au défendeur de fournir un certain nombre de documents.
Prouver que quelqu’un a utilisé son procédé breveté, si l’on ne peut le prendre sur le fait,
est extrêmement difficile. Cela pose un problème très important. Comme cette preuve est dans
la plupart des cas très difficile à rapporter, le Code a posé deux règles favorables au titulaire
du brevet. La première considère que la contrefaçon d’un procédé s’étend au produit que l’on
obtient directement par le procédé. Sur le terrain de la preuve, considérant la difficulté de la
preuve pour la victime, on permet au juge - qui garde sa liberté d’appréciation et n’est pas
tenu de le faire - lorsque le procédé breveté permet d’obtenir des produits, d’ordonner au
défendeur de prouver lui-même qu’il a utilisé un autre procédé que celui du breveté. S’il ne
parvient pas à prouver qu’il a utilisé un autre procédé, tous les produits identiques à ceux que
l’on obtient par le procédé breveté seront considérés comme des contrefaçons dans deux cas :
soit lorsque le produit est nouveau, soit quand la probabilité est grande que le produit
identique a été obtenu par le procédé breveté. Le tribunal peut ordonner au défendeur de prouver que le
procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. À défaut, tout produit
identique fabriqué sans le consentement du titulaire du brevet est présumé l'avoir été par ce procédé à condition
que le produit obtenu par le procédé breveté soit nouveau ou que la probabilité soit grande que le produit
identique ait été obtenu par le procédé breveté, le breveté n'ayant pas pu, en dépit d'investigations sérieuses,
déterminer quel procédé a été en fait utilisé.
L 615-5 CPI : le titulaire du droit (ici le breveté) peut par requête demander au
président du TGI compétent (il n’y en a que 7) du lieu où se passe la contrefaçon, de
prononcer une ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon. Cette requête peut être faite soit
par le breveté, soit par le titulaire d’une demande de brevet publiée, soit encore - sous des
conditions particulières - par le titulaire d’un droit exclusif d’exploitation (le licencié exclusif :
droit inscrit au registre des brevets, doit avoir demandé au breveté d’agir et que celui-ci soit
resté inactif, et pas de clause dans le contrat de licence qui lui interdise d’agir en contrefaçon).
La requête est intéressante parce qu’elle est non-contradictoire, donc l’autre partie n’est pas
au courant. Cette saisie est un instrument probatoire, c’est un moyen d’obtenir des preuves. Le
juge ne l’autorise donc que dans les limites nécessaires à la preuve, ce n’est jamais une
confiscation. Et elle est facultative, donc ne pas la réaliser n’interdit pas une action en
contrefaçon.
Il y a désormais deux types de saisies-contrefaçons possibles : soit l’huissier procède à
la description des objets suspects dans un procès verbal (donc purement descriptive) - avec
éventuellement le prélèvement d’échantillons - soit la saisie est une saisie réelle (saisie in re,
saisie de choses) des produits argués de contrefaçon, ainsi que de tous les documents qui se
rapporteraient à la contrefaçon. En outre, depuis la réforme d’octobre 2007, l’ordonnance peut même
autoriser l’huissier à saisir le matériel et les instruments qui sont utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits
prétendument contrefaisants, ainsi que le matériel qui sert éventuellement à la mise en œuvre du procédé. Dans
le cadre d’une telle saisie, l’activité de l’entreprise s’arrête. C’est pourquoi, dans la pratique,
les juges ne l’autoriseront que très rarement. Les huissiers peuvent être assistés d’un expert
désigné par le demandeur. Cette assistance d’un expert est indispensable dans la plupart des
cas parce que l’huissier n’a pas les connaissances techniques nécessaires. Ce technicien doit
être une personne juridiquement indépendante du saisissant et du saisi mais dans la pratique,
c’est pratiquement toujours le conseil en propriété industriel habituel du saisissant qui
conseillera l’huissier. Est-il vraiment indépendant ? La C. cass. a fait valoir que oui, le conseil
en propriété fait partie d’une profession réglementée dont la loi pose par principe
l’indépendance juridique.
Cela étant, comme ces mesures de saisie-contrefaçon peuvent causer des troubles à
l’entreprise chez laquelle on va la pratiquer, le juge peut subordonner l’ordonnance à la
constitution de garanties par le saisissant, pour indemniser le cas échéant la personne saisie si
l’action au fond est jugée infondée ou si l’opération de saisie-contrefaçon est annulée. Cela
étant, lorsque les conditions formelles sont remplies, le juge est obligé de prononcer
l’ordonnance de saisie-contrefaçon, mais il restera libre de choisir l’étendue de la saisie (réelle
ou pas). On peut opérer une saisie-contrefaçon après l’assignation au fond, mais ce n’est pas
là qu’elle est véritablement intéressante. En effet, une fois que la procédure est contradictoire
les preuves disparaissent rapidement, et donc les saisies ont moins de chance d’être efficaces.
Mais si l’instance au fond n’a pas encore été engagée au civil ou au pénal, il faut aussi penser
à protéger les intérêts de la personne saisie, et éviter que l’on puisse exercer une saisie-
contrefaçon qui donnera une mauvaise image d’elle et pourra nuire à son activité, sans jamais
agir au fond. La saisie-contrefaçon sera donc nulle de droit si l’on n’agit pas au fond dans le
laps de temps mentionné par décret (15 jours). Si l’on n’agit pas dans ce délai, il faut
demander l’annulation au juge, qui n’aura alors aucun pouvoir d’appréciation et devra annuler
la saisie dans sa totalité. La loi ici brise une jurisprudence qui consistait à dire que quand il y
avait une saisie réelle, l’annulation ne portait que sur la description et pas sur les objets saisis.
L’annulation n’empêche pas d’agir en contrefaçon mais il faudra trouver d’autres moyens de
preuve. En l’absence d’assignation au fond dans le délai, ou bien si à l’issue du procès le
demandeur est débouté, le saisi peut obtenir des réparations, invoquer le caractère abusif de la
saisie-contrefaçon et demander réparation en justice.
La loi du 29 octobre 2007 a aussi institué ce que la directive et la loi appellent un droit
à l’information.
Qu’est-ce que le défendeur peut invoquer comme moyens de défense ? Qu’il possède
une licence d’exploitation volontaire ou forcée, mais s’il n’a pas respecté les limites définies
par les licences d’exploitation, non seulement il y a exécution fautive du contrat mais il y a
aussi contrefaçon. Qu’il y a une exception au monopole (actes expérimentaux, etc.). Qu’il
bénéficie d’un droit de possession personnel antérieur. Qu’il bénéficie de la règle
d’épuisement du droit. La bonne ou mauvaise foi n’est pas forcément efficace. En civil, la
bonne foi est en principe indifférente, sauf à distinguer entre contrefacteur direct et
contrefacteur indirect. Donc, en principe, les contrefacteurs indirects - qui n’ont pas porté
directement atteinte aux droits mais exploitent les produits contrefaits - peuvent essayer de
faire la démonstration de leur bonne foi pour échapper à la condamnation (mais généralement
ce sont des professionnels qui ne pourront pas prouver leur bonne foi). Au pénal, par contre,
la mauvaise foi est nécessaire. On peut aussi chercher à prouver que le brevet est frappé de
nullité, car comme il n’y a pas de titre il ne peut y avoir contrefaçon. On aura soit l’exception
de nullité soit une demande reconventionnelle ; l’annulation sera rétroactive. C’est le moyen
privilégié pour échapper à la condamnation en contrefaçon. Mais parfois, alors que le brevet
pourrait être annulé, le contrefacteur ne le demandera pas, car il cherche à obtenir une licence
sur le brevet ou craint des demandes d’annulation contre ses propres brevets en représailles.
L’action en contrefaçon se prescrit par trois ans à compter des faits qui en sont la
cause (L 615-8), au civil comme au pénal. C’est assez bref, mais chacune des différentes
atteintes aux droits du breveté est un acte de contrefaçon différent, ce qui allonge le délai
(fabrication, exportation, diffusion, utilisation, revente…). Chacun des délais suit donc sa
propre prescription. Pour certains actes, la contrefaçon ne commence à courir que lorsqu’ils
ont cessé leurs effets. Si c’est un acte qui se poursuit sur une longue durée, la contrefaçon ne
cesse donc qu’à la fin de la contrefaçon de longue durée, et le délai ne commencera alors à
courir qu’à cette date.
Enfin, on a en droit des brevets une action en déclaration de non-contrefaçon au L
615-9 CPI. On peut de parfaite bonne foi hésiter sur le point de savoir si l’on risque ou non de
contrefaire une technique ou un produit. Celui qui se demande s’il a le droit d’utiliser une
technique va donc demande au titulaire du brevet de prendre parti sur l’opposabilité de son
brevet dans ce cadre. Cela permet de savoir si tel acte d’exploitation rentre ou non dans le
monopole de son brevet. La personne adresse une description de l’exploitation qu’elle
envisage et c’est au titulaire de brevet de répondre si cela rentre ou non dans son monopole. A
priori (la loi ne précise pas), cet avis lie le breveté s’il autorise l’exploitation. Si la réponse est
défavorable ou s’il ne répond pas dans un délai de 3 mois, l’exploitant peut l’assigner devant
le TGI afin de faire juger que le brevet ne s’oppose pas à l’exploitation qu’il envisage. S’il n’a
pas répondu dans ce délai, l’industriel pourra saisir le juge afin que ce dernier décide si le brevet fait obstacle ou
non à l’exploitation (ou au projet). Cette procédure est aussi possible dans le cas où la personne intéressée
conteste la décision de refus prise par le titulaire du brevet. Encore une fois, cette décision de justice n’empêche
en rien une action en contrefaçon menée par le titulaire du brevet si l’exploitation industrielle dépasse la
description qui en était initialement faite. En définitive, la déclaration de non-contrefaçon est un excellent moyen
de se prémunir contre une action en contrefaçon. Cependant, son bénéficiaire doit rester vigilant quant à
l’exploitation qu’il fait du produit, car si celle-ci se met à empiéter sur le brevet, le titulaire de ce dernier pourra
tout de même engager une action en contrefaçon.
§ 1. La procédure
A. La demande
Seul le titulaire du titre peut agir. Dans le cas d’une cession du brevet, seul le titulaire
enregistré peut agir. Dans la période qui précède l’enregistrement, l’ancien titulaire seulement
peut agir, pas le nouveau. Le principe est que, puisque l’action appartient à celui qui a un
intérêt à agir, le licencié / le concessionnaire ne peut pas agir en contrefaçon. Cependant, on
peut distinguer ceux qui ont une licence simple de ceux qui ont une licence exclusive. Ceux
qui ont une licence simple n’ont pas de droit privatif par hypothèse, donc ne peuvent pas agir
en contrefaçon. Mais la contrefaçon lui faisant quand même du tort, le licencié simple peut
intervenir à l’action en contrefaçon qu’intente le breveté. Mais s’il intervient, ce n’est pas sur
la même cause que l’action en contrefaçon parce qu’il n’a pas de droits de même nature que le
titulaire du droit de PI. Il va ainsi intervenir sur le fondement de la concurrence déloyale, et
invoquer le préjudice propre que lui causent les actes du contrefacteur qui son à son égard des
actes de concurrence déloyale. Par exception, et sauf clause contraire dans le contrat de
licence, le licencié exclusif peut intenter une action en contrefaçon et faire procéder à une
saisie-contrefaçon (si le titulaire du brevet n’a pas voulu lui-même intenter d’action).
B. La compétence
Dans ce domaine elles sont fort importantes. On peut avoir affaire à des défendeurs qui
organiseraient leur insolvabilité. Les mesures provisoires permettent, par ailleurs, d’empêcher
que la contrefaçon ne prenne des proportions trop graves pendant la procédure et aussi de
conjurer le risque que le défendeur à l’issue du procès ait organisé la disparition de ses avoirs
et de ses biens. Lorsque le TGI est saisi d’une action en contrefaçon, et même avant que
l’action ne soit introduite au fond, le titulaire de droits peut demander au président du TGI de
rendre une ordonnance soit en référé (contradictoire) soit même sur requête (non
contradictoire, donc effet de surprise) afin d’empêcher la poursuite des actes de contrefaçon,
voire empêcher une atteinte imminente au brevet. La loi du 29 octobre 2007 tendant à renforcer les
moyens d’action du titulaire de droits a modifié en profondeur la procédure d’interdiction provisoire notamment
en assouplissant la condition d’action préalable au fond. Ainsi, l’action en interdiction provisoire peut désormais
être engagée avant l’introduction de l’action en contrefaçon au fond sous réserve que le demandeur introduise
cette dernière « dans un délai fixé par voie réglementaire », le non respect de ce délai permettant au défendeur de
demander l’annulation des mesures provisoires ordonnées. Depuis la réforme du 29 octobre 2007,
l’action en interdiction provisoire peut prendre deux formes : on peut la demander soit par
voie de référé soit par voie de requête. L’ordonnance sur requête est soumise à des conditions
étroites car elle est redoutable, mais l’esprit général des deux séries de mesures est le même :
éviter la poursuite des actes de contrefaçon. L’ordonnance sur requête ne peut être admise que
s’il y a urgence, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice
irréparable au demandeur. Qu’il agisse par la voie du référé ou sur requête, le demandeur doit
de toute façon remplir une condition : il doit établir, non pas la preuve de la contrefaçon, mais
qu’en fonction des éléments de preuve qui lui sont raisonnablement accessibles, l’atteinte à
ses droits ou l’imminence de l’atteinte à ses droits est vraisemblable. La première série de
mesure est destinée à empêcher ou à arrêter la contrefaçon. Un second type de mesures est
destiné à assurer l’indemnisation ultérieure du titulaire des droits. Ces mesures sont
provisoires et destinées à arrêter la contrefaçon pour que le préjudice ne s’aggrave pas avant
que l’affaire ne soit jugée au fond. Le deuxième type de mesures permet au président TGI
d’autoriser la poursuite de l’exploitation critiquée mais à condition de fournir des garanties
financières permettant le cas échéant d’indemniser le titulaire du brevet s’il obtient sa
condamnation.
Nb : on ne dit pas sanctions pour des mesures civiles, car la sanction est en théorie un
terme réservé au pénal, pas à la réparation d’un préjudice. L’atteinte que constitue la
contrefaçon n’est pas seulement un dommage, c’est aussi un empiètement sur un droit de
propriété. L’action en contrefaçon est une action hybride, d’origine pénale, et qui doit avoir
un aspect dissuasif. L’idée de peine privée n’y est donc pas totalement étrangère. Le juge
prononce des sanctions définitives. La première est l’interdiction de poursuivre l’activité, que
le contrefacteur soit de bonne ou de mauvaise foi. Ensuite des mesures nouvelles : rappel,
confiscation et destruction des marchandises. La juridiction civile peut, à titre
complémentaire, ordonner aux frais du contrefacteur le rappel des produits contrefaisants, des
instruments qui ont servi à la contrefaçon et la destruction des marchandises ou du matériel en
question (toujours aux frais du contrefacteur). Jusqu’à la réforme du 29 octobre, ceci
présentait un lourd inconvénient pour le titulaire du droit, puisque lorsque les marchandises
étaient confisquées à son profit et lui étaient restituées ou détruites, la valeur de ces
marchandises était défalquée des dommages et intérêts auxquels il avait droit (alors que
pourtant elles n’avaient aucune valeur pour lui), ce qui réduisait cette indemnité. La loi
nouvelle abandonne donc cette solution. La valeur prétendue de ces marchandises n’a aucune
valeur (confirmation d’un arrêt Ccass dit que les marchandises de contrefaçon sont des choses
hors commerce) pour le titulaire du droit de PI.
L’interprétation jurisprudentielle s’en est tenue à la réparation intégrale. Ces derniers
temps, les juges ont commencé à tenir davantage compte du besoin de dissuasion et donc
d’alourdir les pénalités. Les condamnations sont, en effet, trop basses pour dissuader les
contrefacteurs. Mais il y a une raison invoquée contre les dommages et intérêts punitifs au
civil, c’est qu’ils ont en fait une vocation pénale et qu’il y a en l’espèce une action pénale.
Mais si en l’espèce cette action n’est pas utilisée, cette voie ne saurait être satisfaisante. La
nouvelle loi a donc renforcé les modalités d’indemnisation et laissé des petites ouvertures que
les juges pourront utiliser pour alourdir les dommages et intérêts sans avoir besoin de dire
qu’il s’agit de dommages et intérêts punitifs. L 521-7 fixe les dommages et intérêts et institue
une alternative entre deux modalités de calcul (qui valent pour toute la propriété
intellectuelle). Le choix entre les deux est laissé au demandeur. La première est le mode
normal de calcul, mais le demandeur peut choisir la deuxième. L 521-7 al 1er : première
méthode. La juridiction va prendre en compte 3 séries d’éléments pour établir les dommages
et intérêts :
1). les conséquences économiques négatives de la contrefaçon = gain manqué (tout ce que la
contrefaçon à fait perdre de bénéfices à l’entreprise) et pertes subies (coûts du procès,
dévalorisation du brevet…).
2). les bénéfices injustes réalisés par le contrefacteur. C’est nouveau et donc plusieurs
interprétations possibles. L’idée est que le contrefacteur ne doit conserver aucun des bénéfices
qu’il a pu réaliser grâce à la contrefaçon. La différence entre les deux marges réalisées (celle
de la victime et celle, bien plus importante, du contrefacteur) doit alors revenir au contrefait.
3). le préjudice moral : à l’appréciation du juge. Cela pourrait être un moyen sans le dire de
donner à une partie des dommages et intérêts un caractère dissuasif, sanctionnateur.
Avant la réforme on attribuait à la victime le montant d’une licence d’exploitation
correspondant à la production, mais ce n’était pas du tout dissuasif car cela ne coûtait pas plus
cher de se faire prendre que de payer normalement. Mais petit à petit, on avait alourdi la
redevance de manière à prendre en compte la violation (majoration car on n’avait pas
demandé l’accord). Aujourd’hui, les travaux préparatoires et la directive disent qu’il ne doit
pas y avoir de dommages et intérêts punitifs à proprement parler, mais on arrive à un
équivalent.
2e alternative : Allocation par le tribunal d’une somme forfaitaire qui ne peut pas être
inférieure au montant des redevances qui auraient été dues si le contrefacteur avait demandé
l’autorisation d’utiliser le droit. Cela ressemble à ce que l’on avait avant, mais ce n’est pas la
même chose vu que maintenant il y a le choix. Et surtout la brèche c’est « qui ne peut pas être
inférieure », donc on peut condamner à payer une somme forfaitaire supérieure à la valeur
d’une licence négociée. On ajoutera quelques « facteurs d’aggravation », mais on ne sera pas
déconnecté du préjudice réel.
Il y a aussi - outre les mesures d’interdiction et le rappel - des mesures de publicité du
jugement (affichage, journaux et internet). Ce qui est assez désagréable pour l’entreprise
reconnue coupable de contrefaçon.
En plus des marques nationales, il peut y avoir une marque communautaire déposée à
l’OHMI (office de l'harmonisation du marché intérieur) - l'agence de l'Union européenne
compétente pour l'enregistrement des marques et des dessins ou modèles valables dans les 27
pays de l'Union. La marque communautaire a aussi un effet de complication, parce l’OHMI a
une interprétation des règles qui n’est pas celle de la CJCE et celle des cours nationales
(même problème donc qu’avec le brevet européen).
§ 1. Notions de base
A. La fonction de la marque
Elle fait partie de la catégorie des signes distinctifs et sert à distinguer les produits et
services de son titulaire par rapport à ceux que proposent ses concurrents. Economiquement,
elle remplit au moins deux fonctions, ce qui en fait un actif de l’entreprise : elle individualise
les produits et services et sert d’instrument pour la publicité. La marque sert aussi à créer et à
véhiculer une image, la notoriété de la marque, sa réputation. Tout cela a de la valeur sur le
plan économique. La marque permet au consommateur de reconnaître un produit et de
s’attacher aux services d’une entreprise. Elle a donc une valeur intrinsèque. Ex : « marques
ombrelles » comme Nestlé ou Danone qui identifient toute une série de produits connus eux-
mêmes par leur propre marque. On peut aussi parfois ressusciter une marque disparue pour
parer de nouveaux produits de sa notoriété. On peut aussi parfois avoir une marque unique qui
ne s’applique qu’à un produit et en tire sa force. L’identité de la marque est fabriquée par le
marketing, l’image de la marque est impondérable (Qualifie quelque chose qu'il est difficile de
prévoir), puisque il s’agit de la perception de la marque par le public. Les marques elles-
mêmes, si elles représentent des actifs considérables, n’en sont pas moins des actifs fragiles et
périssables (ex : Perrier dont l’image de marque avait été détruite aux USA en quelques mois
suite à un accident industriel). La mode à l’heure actuelle dans les grandes entreprises
multimarques est de restreindre le nombre de marques.
Du point de vue juridique, la fonction de la marque est de servir à distinguer les produits
et services de son titulaire par rapport aux concurrents. Sa fonction est donc de garantir à la
clientèle l’identité d’origine du produit ou du service marqué. La marque apposée sur le
produit permet au client d’attribuer la responsabilité de ce produit au propriétaire de la
marque. C’est une garantie d’identité d’origine. Mais pas du tout une garantie de qualité du
produit ou du service. Il existe d’autres signes distinctifs pour cela - des labels et appellations
d’origine contrôlée - qui requièrent la conformité à un cahier des charges (AOC…). La
marque permet seulement de relier le produit marqué au titulaire de la marque et garantit au
titulaire de la marque l’exclusivité d’emploi du signe pour identifier ses produits et services
(garantie contre la contrefaçon).
B. Le principe de spécialité
Tout le droit des signes distinctifs, et en particulier le droit des marques, est dominé par le
principe de spécialité. Le droit sur la marque (droit d’exploitation exclusive d’une marque)
n’est pas un droit sur une innovation ou sur une création. La marque n’est pas en soi originale
comme une œuvre de l’esprit ou une invention. Si le signe est constitué par une création
originale en soi (ex : logo), il peut bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur ou du
droit des dessins et modèles, mais ce n’est pas ce qui est protégé par le droit des marques.
Rien n’empêche donc de choisir comme marque quelque chose qui n’a rien de nouveau (mot
banal, œuvre dans le domaine public depuis longtemps) du moment que c’est la première fois
que l’on emploie ce signe pour distinguer les produits ou services que l’on veut distinguer.
Autrement dit, le droit des marques ne porte pas sur le signe pris en lui-même mais sur la
relation établie entre le signe choisi et les produits et services pour lesquels on veut
l’employer. C’est un droit relatif. Le principe de spécialité implique que le titulaire de la
marque n’est protégé que pour la spécialité, que pour les produits et services qu’il a indiqués
quand il a déposé sa marque. C’est donc un droit beaucoup moins étendu que le droit sur les
inventions ou le droit d’auteur qui, eux, sont absolus. Ex : C’est le mot « champion » pour
l’agro-alimentaire qui est protégé, mais le mot « champion » pour une marque de sport etc. est
toujours possible. C’est donc avec ce critère de la spécialité que l’on va apprécier si le signe
est disponible, à travers une recherche d’antériorités.
La tromperie, cause de nullité de la marque, s’apprécie aussi par rapport à la
spécialité. Ex : si on choisit de désigner des sodas « pur fruits » mais qu’ils sont entièrement
chimiques, la spécialité s’apprécie (fruits) et la tromperie est avérée. De même aussi pour les
monopoles : on recherche la contrefaçon dans la spécialité. Cela s’applique aussi pour
l’obligation d’exploiter la marque. Le droit des marques ne porte pas sur le signe en soi, mais
sur le signe dans le domaine du produit considéré. Si la règle de spécialité est liée à la liberté
du commerce et de l’industrie, il n’est bien sûr pas question que ce principe justifie un abus de
la liberté du commerce. Le droit tient donc compte du caractère abusif que constitue la reprise
d’un signe protégé comme marque dans une spécialité différente. C’est le comportement
parasitaire, qui est constitué par le placement dans le sillage d’une renommée d’une marque.
En effet, quand le public reconnaît une marque facilement du fait de sa renommée, il peut y
avoir une tentation d’utiliser cette marque pour d’autres produits ou services, en tablant sur le
fait qu’on va profiter du succès de la marque sans se démener pour bâtir sa propre marque.
Mais le choix du signe peut être préjudiciable à la marque, car le public peut être amené à
penser que le titulaire de la marque s’est diversifié. Autrement dit, il peut y avoir confusion
chez le consommateur. Egalement le cas où une marque à une unicité qui fait sa force, par
exemple Coca Cola : si cette marque commence a être utilisée pour d’autre produits, elle va
perdre de son unicité et donc de sa force. L’utilisation pour d’autres produits ou services va
avilir la marque, ou du moins la banaliser. En outre, quand on choisit une marque notoire,
c’est rarement par hasard, ce n’est pas innocent ; il y a une volonté parasitaire (pour
bénéficier sans débourser grand-chose en publicité, investissements, réputation de qualité
etc.) Ex : Cosmétique Coca Cola (vrai exemple de jurisprudence).
C’est pourquoi le législateur a atténué les effets pour permettre que le titulaire d’une
marque notoire (que le public reconnaît facilement) puisse la défendre lorsqu’une personne
l’utilise hors de la spécialité mais dans des conditions soit fautives, soit au moins
préjudiciables (les 2 souvent). Faute : Intention parasitaire ; préjudice : banalisation au
moins. Ce n’est cependant qu’une atténuation, toutes les marques restant soumises au principe
de spécialité. Seuls les abus sont donc sanctionnés. Cf. Coexistence pacifique : Mont Blanc : 2
marques différentes (stylo et crème dessert). La protection donnée contre l’utilisation hors
spécialité qui est fautive et/ou cause préjudice n’est pas basée sur l’action en contrefaçon
(contrairement au niveau communautaire et à l’action défendant le droit privatif DANS la
spécialité), mais est basée sur la responsabilité civile spéciale organisée par L713-5 CPI :
1382 et 1383 Ccivil. Dans la responsabilité civile de droit commun, il faut réunir la faute, le
préjudice et le lien de causalité. Il faudrait donc ici prouver à la fois que la reprise constitue
une faute et qu’elle a entraîné un préjudice. Or, ici, il suffit de démontrer le caractère fautif ou
préjudiciable. L713-5 se contente, comme on l’a dit, de la démonstration de la faute
(comportement parasitaire) ou de la démonstration du préjudice (dévalorisation, perte
d’unicité etc.). Il s’agit donc d’une responsabilité civile allégée.
C. L’indépendance de la marque
La pratique des marques appelle cette condition : « il faut que la marque soit
possible ». Le droit de marque n’existe que grâce à un dépôt et un enregistrement. Il ne
devient opposable aux tiers que lorsque la marque a été publiée. Elle doit être inscrite au
registre national des marques. L’exigence d’une représentation graphique correspond donc
d’abord à une information des tiers (limite du droit exclusif) et à la procédure
d’enregistrement. La CJCE a explicité cette exigence en disant que « pour constituer une
marque, le signe doit pouvoir faire l’objet d’une représentation graphique, en particulier au
moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même,
facilement accessible, intelligible, durable et objective. » Cette exigence telle que développée
par la Cour de Justice est facile à remplir pour les marques nominales (composées d’un ou
plusieurs mots). Cela ne pose pas de problèmes non plus pour les marques figuratives ou
emblématiques ou un assemblage de couleurs. En revanche, cette exigence a suscité des
interrogations à propos d’objets intellectuels, de signes dont le dépôt paraît difficile à réaliser
à propos de la forme, qui les rendrait peut intelligible. Exemple de l’arôme du parfum, de
l’odeur du produit. De même qu’un son ou un bruit (ex : Distinction de 2 produits
pharmaceutiques par le goût, comment le traduire dans la marque ? Carburant avec odeur
spécifique, comment le traduire dans la marque ?). L’article L711-1 du CPI donne une série
d’exemples de signes qui peuvent constituer une marque. Dans cette liste, il y a des signes
verbaux ou figuratifs (2D ou 3D. Ex : Forme de la bouteille de Perrier) ou même la forme du
produit en lui-même (le bonbon ourson) ((il faut que la forme ne soit pas imposée par le
produit ex : canette de coca)). Suivant la tendance que l’on retrouve dans toute la propriété
intellectuelle, il y a une tendance à vouloir élargir le champ utilisé pour les marques à des
objets nouveaux. Séduire le consommateur est un exercice périlleux et aléatoire auquel doivent pourtant se
livrer quotidiennement les acteurs de la vie économique. Si les moyens mis en œuvre en ce sens sont nombreux
et variés, on retrouve généralement le recours aux marques dans le peloton de tête. Dans un environnement
économique en proie à une concurrence toujours plus forte, la marque permet en effet de différencier et
d’individualiser efficacement les produits et services d’une entreprise. Cependant, les frontières du royaume des
marques semblent aujourd’hui atteindre leurs limites. Les marques traditionnelles, sous forme de dénominations
ou de signaux visuels, ne suffisent plus à attirer l’attention du consommateur. Bien plus, leur prolifération a
engendré un encombrement des registres nationaux, rendant de plus en plus difficile l’enregistrement de
nouvelles marques sans qu’un tiers ne s’y oppose sur le fondement d’un droit antérieur. Prenant acte de ces
réalités économiques et juridiques, les entreprises devaient donc réagir afin de capter l’attention du
consommateur par d’autres moyens. C’est ainsi qu’on est passé de l’ère du marketing dit « classique » au
marketing dit « sensoriel ». Le premier repose sur une analyse objective des produits, des consommateurs et des
concurrents sur un marché donné. Il s’agit d’identifier les besoins de la clientèle et d’y répondre par la
commercialisation de la prestation recherchée. Le marketing sensoriel vient remédier aux insuffisances du
marketing classique, en dépassant l’analyse scientifique du marché de la consommation, pour se concentrer sur
les expériences émotionnelles du consommateur. Il repose sur un postulat de départ simple : un consommateur
est plus susceptible d’acheter un produit s’il évolue dans une atmosphère agréable, notamment du fait des
couleurs, de la musique, de l’éclairage ou encore des odeurs diffusées. Le marketing sensoriel est de ce fait à
l’affût des sens, et notamment ceux qui n’ont été à ce jour que rarement sollicités par les entreprises, tels l’ouie,
le goût, le toucher et l’odorat. S’agissant de l’odorat, l’enjeu est de taille. Il constitue en effet le sens qui véhicule
la plus grande valeur émotionnelle chez l’homme. De plus, la mémoire olfactive serait la plus durable. Enfin, les
odeurs semblent ouvrir les portes d’un espace babylonien si l’on considère qu’« avec 10 millions de récepteurs
olfactifs, l’homme peut distinguer jusqu’à 4000 parfums différents ». La rencontre des marques et des signes
olfactifs était donc prévisible. Cependant, il en émane un parfum d’inachevé, le caractère insaisissable des
odeurs se heurtant pour le moment à des obstacles techniques et juridiques tout à fait palpables et surtout
insurmontables.
D’abord pour les signes olfactifs et gustatifs : Odeur : On a fait valoir qu’il y avait
moyen de représenter des odeurs graphiquement. D’abord, on a dit que l’odeur pouvait se
décrire par des mots (ex : odeur de l’herbe fraîchement coupée). L’OHMI (office européen
qui enregistre les marques) avait accepté cette représentation pour des balles de Tennis, et
donc on distinguerait la marque par l’odeur chez le marchand de balles de tennis. Deuxième
technique : dessin représentant la chromatographie (courbe colorée). Ou encore décrire
l’odeur par la formule chimique ou par un dépôt d’échantillon. A supposer que l’on puisse
choisir une odeur pour un produit, il faut que l’odeur soit arbitraire par rapport au produit. Si
l’odeur EST le produit même, ça ne marche pas. Sieckmann : 12 décembre 2002 : Marque
déposée pour des services : « Odeur balsamique fruitée avec une légère note de cannelle ».
Ils avaient déposé la formule chimique pour refaire l’odeur. La CJCE a eu à se prononcer
sur cette question. La Cour commence par rappeler que la liste n’est pas exhaustive et donc
non limitée aux signes visuels. Mais ensuite la cour va étudier les différents moyens proposés
pour représenter graphiquement l’odeur. La formule chimique ne représente pas, en l’espèce,
l’odeur mais le produit chimique. Et de toute façon ce n’est pas assez intelligible pour
quelqu’un qui n’est pas chimiste. L’échantillon d’odeur n’est ni assez stable ni assez durable.
La description par des mots n’est ni assez claire, précise ou objective. Même la combinaison
de ces 3 éléments apparaît comme insuffisamment claire et précise. D’ailleurs la cour ajoute :
En dehors du cas où ce que l’on souhaiterait protéger ne serait pas un moyen de distinguer
un produit des autres, mais le parfum réellement, la cour fait une remarque sur la
distinctivité. En dehors de cette exigence de représentation graphique de l’odeur, pour qu’un
signe constitue une marque valable, il faut que le public perçoive ce signe comme un moyen
pour distinguer le produit ou les services. Par conséquent, lorsque le public ne voit dans le
signe qu’un élément fonctionnel, technique, de décoration ou de finition, il n’y voit pas un
instrument d’identification. Le public va donc considérer que la forme est fonctionnelle. Ou
considérer que la couleur attribuée à la marque n’est qu’une finition. Pour l’odeur c’est
pareil, le public ne pourra pas penser que l’odeur sert à distinguer le produit, mais que
l’odeur sert à rendre le produit agréable. Le public n’aura donc pas tendance à y voir une
marque. Les juges communautaires sont venus clarifier le point de savoir si un signe olfactif pouvait constituer
une marque. C’est une des Chambres des Recours de l’OHMI qui a rendu la première décision admettant le
principe des marques olfactives, dans une affaire relative à l’enregistrement de l’odeur de « l’herbe fraîchement
coupée » pour désigner des balles de tennis. Cette solution a été réaffirmée par la même formation le 5 décembre
2001. Un arrêt de principe dit « Sieckmann » rendu par la CJCE le 30 décembre 2002 est venu ensuite confirmer
le principe de l’enregistrement des marques olfactives. La saisine de la Cour faisait suite à deux questions
préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 2 de la Directive du 21 décembre 1988 et, plus
particulièrement, à la notion de « signe susceptible d’une représentation graphique ». En l’espèce, une demande
d’enregistrement de marque avait été déposée par Monsieur Sieckmann auprès de l’Office allemand des
Marques, pour un signe caractérisé comme suit : (i) une description littérale énonçant qu’il s’agit d’une odeur
« balsamique fruitée avec une légère note de cannelle », (ii) une représentation graphique constituée par la
substance chimique de méthylester d’acide de cannelle et (iii) la mention qu’un échantillon est disponible auprès
d’un laboratoire local. En réponse à la première question qui lui était posée, la CJCE a décidé que
l’enregistrement d’un signe olfactif à titre de marque est conforme au droit communautaire et ce, notamment
pour des raisons textuelles. En effet, l’article 2 de la Directive ne donne qu’une liste exemplative des signes
susceptibles de constituer une marque. Dès lors, si ce texte ne fait pas mention de signes ne pouvant être perçus
visuellement, tels les odeurs, ces dernières ne sont pas pour autant exclues expressément du champ d’application
de cette disposition. Dans ces conditions, l’article 2 doit être interprété en ce sens que peut constituer une marque
un signe qui n’est pas en lui-même susceptible d’être perçu visuellement, à condition qu’il puisse faire l’objet
d’une représentation graphique. Une fois le principe des marques olfactives admis, il convenait d’en définir les
modalités et notamment, d’examiner dans quelles conditions ces signes allaient satisfaire aux conditions de
validité des marques. L’exigence de représentation graphique des marques olfactives n’est, en effet, pas sans
soulever de difficultés. En 1999, l’OHMI avait en effet considéré que la description littérale « odeur de l’herbe
fraîchement coupée » constitue une représentation graphique valable, au motif qu’il s’agit d’une « odeur
distincte que tout le monde reconnaît immédiatement sur la base de ses propres souvenirs. ». Pourtant, deux ans
après, c’est la solution contraire que retenait la même formation, dans une décision énonçant que la description
littérale « arôme de framboise » ne permet pas de comprendre la marque dans son intégralité, de façon claire et
précise pour qu’il soit possible d’apprécier la portée effective de la protection et les limites de son éventuelle
violation. C’est dans l’affaire « Sieckmann » que la CJCE est venue préciser les conditions dans lesquelles la
représentation graphique des signes olfactifs est - ou plutôt n’est pas ! - acceptable. Pour justifier de
l’interprétation restrictive qu’elle a retenue, la Cour s’est attachée à rappeler le caractère essentiel de cette
condition. La représentation graphique vise à délimiter le monopole conféré au titulaire d’une marque. Elle
répond donc à un impératif de sécurité juridique, chacun devant pouvoir s’assurer avec clarté et précision des
droits détenus par des tiers. De plus, en raison du caractère potentiellement perpétuel du droit de marque, cette
représentation doit être durable. Enfin, elle ne doit pas prêter à confusion et écarter en conséquence tout élément
de subjectivité dans le processus d’identification et de perception du signe. Dans ces conditions, la Cour en a
conclu que toute représentation graphique doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement
accessible, intelligible, durable et objective. Après avoir énoncé dans l’arrêt « Sieckmann » les caractéristiques
que devaient satisfaire la représentation graphique, la CJCE a appliqué cette solution au cas qui lui était soumis
et a rejeté les modes de représentation qui avaient été utilisés. Ainsi, une formule chimique n’est pas considérée
comme suffisamment intelligible et, par ailleurs, elle ne représente pas l’odeur d’une substance, mais la
substance en tant que telle, de telle sorte qu’elle n’est ni claire ni précise. La description d’une odeur au moyen
de mots, bien qu’elle soit graphique, n’apparaît pas suffisamment claire, précise et objective. Le dépôt
d’échantillon d’une odeur ne constitue pas quant à lui une représentation graphique et, en tout hypothèse, il n’est
pas assez stable et durable. Enfin, dès lors que les techniques précitées ne sont pas satisfaisantes en elles-mêmes,
leur combinaison ne l’est pas non plus.
Signes sonores : Soucieux d’attirer et de retenir l’attention de la clientèle, les services marketing et
les publicitaires recherchent des concepts multiples. La marque verbale et visuelle est, bien entendu,
communément utilisée comme facteur de communication. Le son est un moyen efficace pour renforcer la
présence de la marque verbale et il a un impact plus accessible que celui d’une odeur, autre signe invisible
pouvant être enregistré en tant que marque. La marque sonore a pour champ d’exploitation naturel le domaine
audiovisuel. Elle peut devenir une véritable " signature " auditive. Le rugissement du lion de la METRO
GOLDWYN MAYER déposé le 4 novembre 1994 comme marque est un exemple incontournable. Un tel signe
de reconnaissance a en outre l’avantage d’être reconnu et mémorisé par une clientèle internationale. La marque
sonore est l’expression musicale de la marque verbale. Cette identité sonore peut consister en un motif
mélodique court de quelques notes qui sera immédiatement reconnaissable par le public et renforcera la notoriété
de l’entreprise. Une phrase musicale plus ambitieuse aura un objectif de communication plus significatif et
constituera un vecteur d’émotion plus riche. L711-1 : Parmi les exemples de signes susceptibles de
constituer des marques, l’article mentionne les signes sonores (sons, phrases musicales, etc.).
Une phrase musicale ne pose pas de problème de représentation graphique (porté, clef, note,
silence…). En revanche, la référence faite aux sons est plus problématique. Comment
représenter graphiquement un son, par exemple le cri d’un animal ? On pourrait la décrire par
des mots. Mais cela risque de manquer de précision (le coq crie-t-il toujours de la même
façon, parmi les pays ?). On utilise les spectrogrammes de sons, mais c’est une technique qui
est rarement utilisée, ce type de dépôt n’étant pas intelligible au public. La fonction
d’information ne semble donc pas assurée. Une partie de la doctrine considère que le dépôt
peut se faire, car on ferait appel à des techniciens. La CJCE a été saisie de cette question : elle
a considéré qu’un signe sonore ne remplit pas la condition de représentation graphique
lorsqu’il est représenté au moyen d’une description verbale. Ex : Si j’entends choisir comme
marque 3 mesures de l’hymne à la joie (cette œuvre est dans le domaine public) comme
indicatif d’un service radio. Si au lieu de représenter graphiquement par la portée, on se
contente, dans le dépôt, de dire « l’hymne à la joie » cela ne va pas, car il faudrait connaître
par cœur l’hymne à la joie. Il en va de même pour le cri d’un animal ou une onomatopée
quelconque. Donc la Cour de Justice semple limiter la représentation graphique (au dépôt) à
l’hypothèse de la portée. Il est intéressant de relever que le traité sur le droit des marques de l’OMPI
(organisation mondiale de la propriété intellectuelle) de 1994 (article 2) exclut expressément les marques
sonores : " 1) le présent traité est applicable aux marques consistant en des signes visibles... b) Le présent traité
n’est pas applicable aux marques hologrammes et aux marques ne consistant pas en des signes visibles, en
particuliers aux marques sonores et aux marques olfactives ". En outre, les dispositions de l’article 15 des
accords ADPIC (Accord sur les Aspects des droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce, 1994)
prévoient que les Etats Membres peuvent " exiger, comme condition de l’enregistrement, que les signes soient
perceptibles visuellement ". Sur le plan communautaire, l’enregistrement de signes invisibles tels que les
marques sonores est en principe admis. Les Directives de l’OHMI pour l’examen d’une demande
d’enregistrement d’une marque communautaire indiquent que si les marques sonores " peuvent être représentées
graphiquement, par exemple par une notation musicale, et sont propres à distinguer les produits ou services
d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, elles sont acceptables ". S’agissant de la Cour de Justice des
Communautés Européennes, il était indispensable de citer l’arrêt rendu le 12 décembre 2002 à la suite de deux
questions préjudicielles posées par une juridiction allemande dans le cadre d’une demande d’enregistrement
d’une marque olfactive (affaire Sieckmann). En effet, par sa première question, la juridiction de renvoi a
demandé si un signe qui n’est pas en lui-même susceptible d’être perçu visuellement peut constituer une marque
au sens de l’article 2 de la Directive du 21 décembre 1988 (rapprochant les législations des Etats membres
sur les marques). La Cour a répondu qu’un tel signe peut constituer une marque " à condition qu’il puisse faire
l’objet d’une représentation graphique, en particulier au moyen de figures, de lignes, ou de caractères, qui soit
claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective ".Il est donc
clairement admis comme possible de déposer dans l’Union Européenne des marques sonores. Cependant, en
pratique, ce dépôt est subordonné à des conditions strictes. Les contraintes juridiques : L’alinéa 1er de l’article
L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que : " La marque de fabrique, de commerce ou de service
est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne
physique ou morale ". Ces dispositions impliquent que le signe sélectionné d’une part soit distinctif et d’autre
part " susceptible de représentation graphique " afin de se prêter à la procédure d’acquisition de la propriété de la
marque qui nécessite un dépôt, un enregistrement et une publication. Ces contraintes juridiques constituent des
freins pour le développement des marques sonores. S’agissant d’un signe distinctif, la marque sonore ne peut
être constituée par un bruit ou une combinaison de bruits. L’OHMI a refusé d’enregistrer une marque sonore
décrite comme " consistant en un déclic " (décision Chambre des Recours, 1998, DECLIC). Des contraintes sont
également liées à la procédure d’enregistrement de la marque qui implique un dépôt et une publicité. C’est
pourquoi la marque sonore doit faire l’objet d’une " représentation graphique ". Le formulaire de demande
d’enregistrement de l’INPI donne l’exemple de " notes sur une portée " et mentionne la possibilité de donner des
indications sur le timbre des sons ou sur les instruments qui les reproduisent. En outre, le spectrogramme de sons
entre dans les conditions légales puisqu’il constitue une transposition graphique des sons sur le papier et peut
donc être déposé et publié. En revanche, l’enregistrement numérique ou magnétique d’un son n’est pas valable
dans les conditions actuelles en raison de la publication sur papier obligatoire. La représentation graphique d’une
marque sonore nécessite en tous les cas un effort intellectuel en raison de l’expression indirecte utilisée. En
l’état, les moyens de représentation d’une marque sonore existent, ce qui est un avantage incontestable par
rapport aux marques olfactives pour lesquelles les méthodes de représentation sont encore aléatoires.
Signes figuratifs ou emblématiques : L’article L711-1 donne un certain nombre
d’exemples non limitatifs (dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos,
ou images de synthèse), donc n’importe quel signe en 2D ou 3D. La limite est qu’on ne peut
pas utiliser le droit de marque pour se créer un monopole sur un genre, un style ou un élément
de mode. On détournerait ainsi la marque de son utilité première. Ex : L’ours en peluche en
tant que tel, sans forme, sans couleur particulière, n’est pas possible car le genre « ours en
peluche » serait ainsi monopolisé. On peut combiner en revanche avec un dessin un élément
distinctif, etc. La législation dispose que la marque peut être constituée en 3D, avec comme
marque la forme du produit elle-même ou celle de son conditionnement. Il faut bien
évidemment que la forme soit arbitraire (donc pas imposée par la fonction remplie ou par sa
nature). Ex : Forme de la brique de jeu Lego©. Ici, la forme est imposée par le jeu lui-même,
la marque n’est donc pas valable. Enfin, L711-1 mentionne parmi les marques
tridimensionnelles, la forme qui caractérise un service. Quelle est la forme du service ? Ex :
Déposer la forme caractéristique et arbitraire des emballages qu’utilise un service (les paquets
FedEx) ou donner une forme distinctive et arbitraire aux véhicules servant au déménagement,
ce qui permettrait de distinguer le service par la forme particulière des véhicules.
Jurisprudence : Forme du bâtiment de restauration = marque du restaurant. Ccass : 1972 :
Restaurant Courte-Paille : Sur l’autoroute, ce n’est pas facile d’apercevoir de loin une marque
écrite, tandis qu’on distinguerait le service de loin si son architecture était bizarre.
Marque composée par des couleurs : La liberté du commerce justifie l'impossibilité de déposer
une couleur à titre de marque. Puisque les couleurs de base sont en nombre limité, si l'on admettait qu'un acteur
économique dispose d’un droit exclusif sur celle-ci, ses concurrents ne pourraient apposer celle-ci sur leurs
produits. C'est la raison pour laquelle l'article L.711-1 c) du CPI ne retient pour les marques que des dispositions
ou des combinaisons de couleurs. Il est donc tout à fait possible de choisir un signe constitué par une certaine
combinaison de couleurs ou par la disposition d'une ou plusieurs couleurs dans une certaine forme. Le Code de
la Propriété Intellectuelle permet aussi de déposer à titre de marque une nuance de couleur. Il convient
néanmoins de définir avec précision et certitude la nuance choisie. Il conviendra d'observer les évolutions
jurisprudentielles relatives à cette question. En utilisant une nuance voisine à celle retenue à titre de marque, le
concurrent se rend-il coupable de contrefaçon par imitation ? L711-1 : Cas des marques et signes
constitués par des couleurs. Ce cas doit être abordé de façon restrictive. Cet article admet que
l’on puisse choisir comme marque des combinaisons, des dispositions ou des nuances de
couleurs. Disposition : Il faut préciser qu’une couleur va être présentée dans une certaine
disposition (ex : Un bleu vermeille disposé sous la forme d’un cercle). Combinaison :
Plusieurs couleurs (cf. Alternance de couleurs longitudinales blanche et bleue de la marque
Adidas). En revanche, si les dispositions ne présentent pas de difficultés, la possibilité de
choisir une nuance est plus difficile. L’idée de l’article est qu’on ne doit pas pouvoir
monopoliser les couleurs de base, primaires. Car si l’on permettait aux entreprises de le faire,
on empêcherait les concurrents de présenter leurs produits avec ces couleurs. Mais on pourra
choisir, par exemple, le « rouge vermillon n° 2885 » dans le nuancier « pantôme »
internationalement reconnu (cf. la nuance de rose pantôme précise pour les produit laitiers
Candia). L’intérêt de ce genre de marques est que dans certains cas, elles constituent le seul
moyen pour identifier des produits vendus en vrac (ex : chevilles en plastique vendues en vrac
dans un présentoir). C’est alors la couleur qui fait la marque (on ne pourrait, en effet, pas
écrire la marque sur des chevilles en plastique). Cela étant, il y a des inconvénients, car en
droit des marques le titulaire est protégé contre la reproduction mais aussi contre l’imitation
avec les contrefaçons (signe quasi-identique). Donc avec les couleurs, si le concurrent utilise
la même couleur dans une autre nuance, que se passe-t-il ? La protection est soit trop forte,
soit trop faible sous l’angle de l’imitation illicite. La Cour de Justice a admis qu’une nuance
de couleur pouvait constituer une marque (ce que permet la directive), mais elle a souligné 2
particularités : - Les consommateurs en général ne
perçoivent pas la couleur du produit ou du conditionnement comme un moyen de distinguer
les produits, mais un élément de décoration, de finition. La CJCE considère donc que la
couleur n’a pas de capacité distinctive. Donc rare admission.
- Le nombre de couleurs dont le
public est susceptible de se souvenir est restreint et le manque d’attention du public aux
nuances est assez frappant. Donc la CJCE fait valoir que la palette accessible au public
pourrait être vite épuisée. « Il y a un intérêt général à ne pas permettre trop de marques sur
les couleurs, ce qui réduirait trop fortement la palette dont les compétiteurs ont besoin pour
désigner leurs propres produits ». Mais la CJCE admet en 3e lieu que même s’il se peut qu’à
l’époque du dépôt, la couleur n’ait pas la capacité d’attirer l’œil, la couleur pourrait devenir
ultra-connue, et le public attribuerait cette couleur à cette marque, in fine, et reconnaîtrait
donc le produit à sa couleur. Ex : Camping Gaz : le succès de la marque, la familiarité acquise
auprès du public, le signe devient distinctif. La marque verbale « Camping Gaz » n’était pas
possible (mots trop communs à tous les produits), mais la couleur bleue est la marque voulue.
A. Distinctivité
1. Règles générales
1. Règles générales
L711-2 alinéa 2 C : sont dépourvus de caractère distinctif les signes qui sont
constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit
conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Il faut empêcher que le droit de marques soit
détourné de sa finalité en permettant que la marque couvre des formes techniques, la forme
naturelle du produit dont tous les concurrents ont besoin ou une forme esthétique en
contournant le droit d’auteur ou le droit des dessins et modèles. On utilise le droit des brevets
pour couvrir la fonction de la forme qui doit être protégé. Il y aurait donc détournement du
droit initial.
Le droit français considère que quand la forme découle de sujétions techniques ou
de la fonction que le produit doit remplir, elle ne peut pas être distinctive (et donc faire l’objet
d’une marque). La forme est imposée par la fonction du produit, le client ne pourra pas voir dans
la forme un moyen de distinguer mais un moyen fonctionnel. La directive communautaire de
1988 a fait de cette règle une exclusion spéciale. Ceci signifie que si on est en présence d’une
marque tridimensionnelle, avant de voir si elle est distinctive, il faut vérifier si la marque
figurative est purement fonctionnelle ou non. En droit français, les 2 étapes sont remplies en
même temps. En droit communautaire non.
L’idée est qu’il ne faut pas permettre de monopoliser par le droit des marques une
forme dictée par la fonction technique ou pratique du produit ou par sa nature. Par exemple,
en jurisprudence on a refusé d’admettre la validité d’une forme tridimensionnelle déposée
comme marque pour des « agrafes spéciales pour attacher les vignes aux tuteurs ». On avait
déposé comme marque la forme de l’agrafe elle-même, qui n’avait rien de fantaisiste et était
entièrement dictée par sa fonction. Idem pour des disques abrasifs : Forme extrêmement
simple. Si on autorise à monopoliser une forme fonctionnelle aussi simple, on empêcherait les
concurrents d’utiliser cette forme pour leurs produits. Et en plus on contournerait le droit des
brevets. Cela étant, en pratique il est difficile de savoir, car le fait que la forme est en partie
fonctionnelle et en partie arbitraire ne peut pas empêcher le dépôt de la marque (ex : le
bonbon qui a la forme d’un camion de pompier) Car la forme, même quand elle est arbitraire,
obéit toujours un peu à la fonctionnalité du produit. Cf. Affaire qui a opposé Philips et
Rennington (rasoirs électriques) : CJCE 2002 et Ccass 2006 : Dans cette affaire, qui pourrait
apparaître secondaire, les enjeux étaient importants : Il s’agissait d’une marque déposée par
Philips, et la marque était constituée par la forme de la tête du rasoir. La jurisprudence
française était alors assez généreuse à l’égard des marques tridimensionnelles. Rennington
cherchait a démontrer que le dessin ne représentait que des caractéristiques techniques,
qu’il n’y avait rien d’arbitraire, donc la marque devait être annulée. Philips tentait de
démontrer, au contraire, que toute la forme était arbitraire. Les conseils en propriété
industrielle disaient que tout était fonctionnel pour Rennington et que tout était arbitraire
pour Philips. L’affaire est arrivée devant la CJCE, qui a saisi l’occasion pour régler cette
question des caractères exclusivement fonctionnels. Elle donne tort à Philips et considère que
la forme était purement fonctionnelle. L’appréciation du caractère exclusivement
fonctionnelle a été éclairée comme suit : la CJCE a considéré qu’on ne devait pas utiliser la
méthode de la multiplicité des formes. On se pose aussi cette question en droit des dessins
et modèles. Cette méthode consiste a dire : pour arriver au même résultat technique, il n’existe
que la forme que l’on entend protéger, et donc cette forme est exclusivement technique, donc
il est uniquement possible de la protéger par le droit des brevets, mais pas par le droit des
dessins et modèles. Ou alors, il existe plusieurs formes pour remplir la même fonction, donc
on peut choisir de la protéger également par le droit des dessins et modèles. Ce critère manque
un peu de rigueur selon le Professeur (plusieurs formes peuvent toutes être fonctionnelles).
Selon la CJCE, le critère de la multiplicité des formes ne doit pas s’appliquer en droit des
marques, alors qu’il s’applique en droit des dessins et modèles. Il faut, selon la Cour, une
appréciation concrète des signes, et un signe tridimensionnel ne peut constituer une marque
valable s’il est démontré que les caractéristiques essentielles sont attribuables aux résultats
techniques. Si l’on démontre que les caractéristiques essentielles ne sont pas uniquement
attribuables à la fonction, la Cour décide qu’il faut rechercher si la forme est distinctive. La
Cour précise que les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques
tridimensionnelles ne doivent pas différer des marques nominales, etc. Le caractère distinctif
s’appréciera donc, entre autres, d’après « le consommateur moyen », raisonnablement attentif
et normalement informé. Or, le consommateur moyen n’aura généralement pas tendance à
voir dans la forme du produit le moyen de le distinguer des autres. Il est donc possible qu’on
ait donc du mal à démontrer le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle.
Cette disposition a été inspirée par le droit des marques BENELUX et reprise dans
la directive. Cette formule est quelque peu hermétique. L’idée était qu’on ne voulait pas
permettre qu’à travers le droit des marques, on monopolise non pas un signe distinctif mais
une création ou une innovation industrielle, le souci d’éviter le contournement du droit des
dessins ou d’auteurs par le droit des marques (car pas de limites temporelles). Par exemple,
éviter qu’une maison de couture dépose à titre de marque un modèle particulier de robe.
Normalement, le modèle doit être déposé et protégé par le droit des dessins et modèles, pas
par le droit des marques. On contournerait ainsi la durée limitée du droit des dessins, et on
protègerait a travers la marque tout a fait autre chose (technique, création). Pour obtenir
l’annulation de la marque, il faut donc démontrer que cette esthétique donne sa « valeur
substantielle » au produit. Cela signifie que c’est cette forme qui détermine le choix du
consommateur. Ex : Forme de la bouteille de Cointreau comme marque : ce n’est pas la forme
qui intéresse, c’est le contenu. Donc aussi originale et esthétique que le conditionnement soit,
ce n’est pas ce qui décide le consommateur. Donc la forme ne confère pas sa valeur
substantielle au produit. Pour le parfum, même si les flacons sont recherchés, le
consommateur achète uniquement pour l’odeur, pas pour la forme.
Il faut aussi regarder l’incidence de l’effet de notoriété et publicitaire de la forme
donnée au produit. La forme d’un produit qui donne une valeur substantielle à celui-ci ne peut constituer une
marque en application de l’article 3, paragraphe 3, de la directive du 21/12/1988, rapprochant les législations des
États membres sur les marques, lorsque, avant la demande d’enregistrement, elle a acquis une force attractive du
fait de sa notoriété en tant que signe distinctif, à la suite de campagnes publicitaires présentant les
caractéristiques spécifiques du produit en cause.
Ici encore, la directive de 1988 comporte des subtilités qui ne sont pas apparues tout
de suite, car on a pensé que les règles n’étaient pas changées. La question de l’inaptitude
intrinsèque : Article 3 de la directive : pose une exclusion séparée de celle qui concerne les
marques usuelles, descriptives, etc. en visant les signes dépourvus de caractères distinctifs.
D’un coté, elle parle des signes descriptifs, usuels, génériques ou nécessaires et d’un autre elle
parle des signes dépourvus de signes distinctifs. Cette distinction n’est pas anodine. Il a fallu
attendre que la CJCE vienne nous éclairer et elle a donné un contenu à cette exclusion à part
entière. Elle vise « des signes qui sont intrinsèquement inaptes à exercer la fonction
distinctive », c’est-à-dire des signes qui ne sont peut être pas usuels, génériques, descriptifs ou
nécessaires, mais qui en eux-mêmes ne constituent pas du tout vis-à-vis du public des moyens
de reconnaissance. Ex : une variante du nom du produit ou un signe qui en soit n’a aucune
aptitude tant il est banal par lui-même. En fait, on raisonne du point de vue du
consommateur : « je ne vois pas dans cet aspect, la marque du produit ».
L’article L711-2 dans son dernier alinéa - reprenant la Convention d’Union de Paris
(inspirant aussi la directive) - dispose que l’usage peut faire acquérir le caractère distinctif à
une marque qui en était à la base dépourvue. Concrètement, initialement le signe était
nécessaire, générique, usuel ou descriptif et puis, par un effet de familiarisation de la clientèle
avec le signe ou le produit, le caractère distinctif est acquis, la clientèle ayant finit par voir
une véritable marque dans le signe. Ex : La marque « Camping gaz » constituée de termes
usuels, d’une nuance de couleur, etc. mais tout le monde aujourd’hui reconnaît la marque.
Cela étant, cet effet de l’usage qui purge le vice de non distinctivité ne purge pas tous les
vices. Ainsi, le long usage ne peut faire acquérir la validité qu’à certains signes, ceux qui
étaient usuels, nécessaires, génériques ou descriptifs ou intrinsèquement non distinctifs, mais
pas les signes exclusivement constitués par la nature ou la fonction du produit. De même pour
le caractère trompeur ou déceptif ; donc ce n’est pas parce que la marque est connue que le
caractère trompeur est purgé.
Quelle sorte d’usage ? Il faut que ce soit un usage à titre de marque. Il faut que cet
usage soit dirigé vers le public, vers la clientèle. On va retenir tout un faisceau d’indices,
comme la durée d’usage, la célébrité, la portée géographique, les efforts publicitaires, la
diffusion des produits sous la marque, la reconnaissance comme marque chez les
professionnels, etc. On cherche par une série d’indices, in concreto, si le signe est
effectivement devenu distinctif. Ceci vaut pour toutes les marques (couleur,
tridimensionnelle). Ex : Kodak, le jaune est devenu assez reconnaissable.
L’a.L.711-1 énumère une grande variété de marques figuratives ou encore dénommées emblématiques :
les dessins, étiquettes, lisières, reliefs, hologrammes, logos, image de synthèse, les formes du produit, son
conditionnement, les formes caractérisants un service, les combinaisons ou nuances de couleurs. Peuvent par
exemple constituer une marque figurative : la forme d’une bouteille, une couleur particulière identifiant par
exemple des produits pétroliers ou des services de développement. On oppose les marques figuratives à deux
dimensions (ex : dessins, lisières, couleurs) aux marques tridimensionnelles. Ces dernières sont de trois sortes :
les marques constituées par la forme même du produit, par la forme du conditionnement du produit, par la forme
caractérisant le service. La validité des marques figuratives pose certaines difficultés principalement quand il
s’agit de marque constituée par des formes ou des couleurs. Lorsque la marque déposée est constituée par la
forme du produit ou son conditionnement, cette forme ne doit pas être imposée par la nature du produit ou
par sa fonction (a.L711-2c). Elle ne doit pas non plus conférer au produit toute sa valeur substantielle. La
forme doit donc être purement arbitraire ou détachée au regard de la nature, fonction et valeur du produit. Les
raisons de ces restrictions sont variées. Il s’agit d’abord de laisser certaines formes nécessaires à la production ou
commercialisation accessibles aux concurrents : par exemple, la présentation des tablettes sécables de chocolat
sous forme de quadrillage, la bouteille en générale pour les boissons. Il s’agit ensuite d’éviter que le droit des
marques ne soit utilisé afin de contourner le droit des brevets ou des dessins et modèles qui offrent des
monopoles limités dans le temps. La protection de la forme particulière d’un sac à main sera assurée par le droit
des dessins et des modèles puisque c’est bien la forme du produit qui lui confère sa valeur marchande. La forme
de la brique « lego » est purement fonctionnelle, elle ne peut être réservée par le droit des marques mais par le
droit des brevets. Donc la marque figurative a la possibilité d’être à deux dimensions ou à trois dimensions.
ATTENTION : la forme et le conditionnement du produit, lorsqu’ils constituent la marque, doivent être
arbitraires, c’est-à-dire ne pas avoir de lien avec la nature du produit ou sa fonction ; ceci, afin de permettre le
droit à la concurrence. Par ailleurs, certaines caractéristiques du produit doivent être protégées par des brevets
et non par le droit des marques.
La marque figurative peut également être constituée par la couleur. Les couleurs de base ne peuvent
pas être déposées en tant que telles comme marque, il est d’intérêt général qu’elles restent dans le domaine
public. A l’opposé, les nuances de couleurs sont appropriables (par exemple, le rouge Congo pour un distributeur
de produits pétroliers) si elles sont clairement identifiées. La CJCE a également admis le dépôt comme marque
d’une couleur en elle-même sur le fondement des textes communautaires (directive de 1988 et règlement de
1993).
L’appréciation de la contrefaçon d’une marque figurative présente également des
particularités. La valeur symbolique du dessin confère une extension du monopole sur le
signe. Donc celui qui a déposé comme marque un dessin représentant un goéland pourra agir
en contrefaçon de marque si un tiers pour les mêmes produits ou services utilise la marque
nominale goéland.
L’article L711-3 du CPI mentionne 3 catégories de signes qui ne peuvent pas être
choisis car illicites. Exclusion de signes utilisés par des conventions internationales, signes
exclus comme contraires aux BM ou à l’OP et enfin les signes « déceptifs », c’est-à-dire
trompeurs.
A. Signes interdits par la Convention d’Union de Paris pour la protection PI et autres accords
internationaux (OMC)
L711-3 a prohibe l’utilisation comme marque des signes interdits par OMC ou
CUP, peu importe la spécialité ou le genre de produits ou services. Tous les signes :
emblèmes officiels, armoiries, drapeaux ou autres signes officiels des Etats Membres de la
CUP. Ainsi que tous les signes de contrôle et les poinçons adoptés par les Etats. La même
règle vaut pour les signes, emblèmes etc. des autres organisations internationales auxquelles
les Etats de la CUP ont adhéré (ONU, OMC, FAO, OIT, etc…). Ex : Une marque « interpole
informatique » n’était pas valable comme portant atteinte au sigle Interpol (coopération de
police internationale). Il y a d’autre part des textes nationaux, conventions, etc. qui réservent
aussi parfois leurs sigles (cf. Croix-Rouge, anneaux olympiques)
B. Les signes contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et interdits par la législation
Signes trompeurs. Le droit des marques ne doit pas être l’instrument de tromperie ou
de fraude consistant à donner de fausses informations. La marque en elle-même ne doit pas
tromper le public en lui faisant croire à telle ou telle caractéristique en réalité inexistante.
C’est pourquoi L711-3 c interdit de choisir un signe de nature à tromper le public, notamment
sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service (= son origine).
C’est la prohibition des marques déceptives. De tels signes sont nuls pour 3 raisons : ils
portent atteinte aux intérêts de la clientèle ; ils comportent un caractère frauduleux ; ils
faussent la concurrence. Bien entendu, la marque déceptive est aussi contraire à l’ordre
public. Et la règle apparaît complémentaire avec le Code de la consommation, notamment sur
la publicité mensongère ou encore avec les dispositions sur les fraudes ou les tromperies dans
la vente. Les moyens sont variés, l’imagination du fraudeur étant fertile. La marque
trompeuse peut être constituée de termes descriptifs qui donnent à penser que le produit a
certaines caractéristiques alors qu’il ne les a pas, d’un nom de lieu, d’un néologisme (en
langue étrangère) ou trompeuse par des dessins ou formes. Même le conditionnement peut
être trompeur (cf. terrine de porc en forme de canard). Ex : Lavab’Laine, Servi’Frais, Evian
Fruité sans eau, CommeALaMaison (pour des confitures industrielles). Ou des produits dont
on fait croire qu’ils ont fait l’objet d’une certification quelconque, ou qu’il y a un lien avec un
organisme ou un pays. Ex : EuroLivret, alors que pas de contrôle européen. La marque peut
aussi faire croire à une qualité ou garantie particulière (cf. HyperGarantie ou ProduitSincere)
ou encore à une origine géographique ou AOC etc. (cf. Geneva pour des montres fabriquées
en France : Double tromperie : Géographique et Qualitative puisqu’on a tendance à penser
que la Suisse est plus forte en horlogerie).
Pour qu’il y ait tromperie, encore faut-il qu’il y ait vraiment un « préjudice » : si
l’indication géographique n’a aucun intérêt, et que la marque est essentiellement fantaisiste.
La déceptivité s’apprécie tel que le signe doit être trompeur, mais surtout en considération des
produits ou types de services en question. Donc, par exemple, Lavab’Laine pour des produits
alimentaires aurait été un terme fantaisiste. Même un terme inexact peut être un nom
fantaisiste ; tout dépend donc de ce que le public comprend. Une marque « Miel’Epil » ou
« Cotonnel » dans lesquels il n’y a ni miel ni coton, jugées valables, car en réalité le public ne
s’y trompe pas, il sait très bien que les termes inexacts sont purement fantaisistes, seulement
évocateurs. Mais les choses sont encore plus incertaines pour le justiciable, car une marque
évocatrice peut elle même être un instrument de tromperie. C’est par l’évocation que l’on va
tromper le client ; on va faire croire au client que le produit a des qualités qu’il n’a pas. Ex :
Fleur de Santé : Déceptive : Parce que cette marque évoquait l’idée d’un produit à base de
fleur ayant un effet sur la santé, créant une confusion entre hygiène et médicament. Le produit
n’était en réalité que cosmétique sans aucun effet sur la santé (d’ailleurs il n’était même pas
fait à base de fleur). Si le long usage circonstancié d’une marque peut parfois lui faire acquérir
la distinctivité, le vice de déceptivité ne peut jamais être purgé par le long usage. Mieux, une
marque qui n’était pas trompeuse à la date du dépôt - non déceptive – mais qui est devenue
déceptive par l’usage dont le titulaire en a fait. Le titulaire de la marque a, autrement dit, lui-
même rendu la marque déceptive par le temps. Il peut alors y avoir déchéance. Ex : La
marque BrazilPanthéon qui sert, par la suite, à ne vendre que du café de Côte d’Ivoire, devient
déceptive.
Cela veut dire que pour pouvoir choisir un signe, il faut qu’il soit disponible dans la
spécialité, qu’il n’existe pas une marque identique pour les mêmes produits ou services. Le
choix du signe peut aussi porter atteinte à un certain nombre de droits antérieurs. Cela étant, la
possibilité d’invoquer l’indisponibilité du signe est plus restreint que la non-distinctivité ou la
tromperie (toute personne intéressée pouvant alors agir), seuls les titulaires de la marque
utilisée ou du signe pouvant ici exercer une action. Liste d’antériorité : L711-4 : Enumération
de 8 catégories, mais liste non exhaustive : 4 premières catégories = droits sur des signes
distinctifs ; 4 dernières = droits de PI autres que sur des signes distinctifs.
1. Les marques
Le droit antérieur le plus fréquent est un droit sur une marque, c’est-à-dire marque
enregistrée dans la même spécialité, inscrite au registre des marques. La particularité est
qu’on peut non seulement demander l’annulation mais aussi la possibilité d’agir avant que
l’INPI délivre l’autorisation avec l’action en opposition auprès du directeur de l’INPI. En
droit français, seules les marques enregistrées sont protégées, le droit d’usage ne peut donc
pas être invoqué en antériorité. Donc si on n’a pas déposé la marque, on ne peut pas faire
grand-chose. Cependant, il faut tenir compte de 2 correctifs :
- Recours à la théorie de la fraude : certes on n’a pas déposé la marque, mais le dépôt qui est
fait à un caractère frauduleux (parasitisme…)
- Marques notoires : Article 6bis de la CUP (Protection PI) il s’agira d’une marque très
célèbre, déposée ou protégée a l’étranger, non protégée en France ou dans les pays de la CUP,
mais qui y a acquis une très grande renommée. On considère alors que le titulaire peut
s’opposer au dépôt en France, même s’il n’a pas lui-même déposé en France.
Dans cette catégorie, il n’y a pas que les marques, il existe d’autres signes. D’abord
la dénomination (raison) sociale, qui sert à identifier une personne morale parmi les
personnes morales. C’est situé entre le nom commercial et le nom patronymique. Antériorité :
l’article L711-4 prévoit qu’elle empêche le choix du signe qui la constitue à titre de marque
quand cette dénomination est antérieure et qu’il existe un risque de confusion (ce risque n’est
pas nécessaire pour le droit de marque). L’activité sociale dans les statuts est définie de
manière extrêmement vague et large, donc il faut vraiment regarder l’activité sociale.
Plus proche de la marque et dans le même ordre d’idée : Nom commercial et
enseigne (nom commercial = signe distinctif du fonds de commerce et enseigne = élément du
fonds géographique). Ils sont des signes distinctifs, qui ne font pas l’objet d’un droit de PI
organisé, L711-4 : « Le choix de la marque ne doit pas porter atteinte à un nom commercial
ou à une enseigne connu sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de
confusion dans l’esprit du public ». Encore une fois, 2 conditions : Rayonnement
géographique national et risque de confusion. Il faut donc que les produits ou les activités
relèvent de la même spécialité ; le fonds de commerce en question concerne les mêmes
produits que ceux que l’on veut exploiter sous la marque, avec des signes identiques ou
similaires. Mais on peut avoir une enseigne très originale et distinctive, mais qui ne soit
connue que très localement, donc on pourra utiliser son signe distinctive ailleurs sans risques.
Cela étant, les intérêts légitimes sont quand même pris en considération, lorsque ces signes
n’antériorisent pas la marque et ne permettent pas d’invalider son dépôt. L713-6 :
« L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un
signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne (par un tiers),
dans 2 cas : lorsque l’utilisation est antérieure à l’enregistrement de la marque (on exploitait
déjà l’enseigne avant que la marque ne soit déposée) ; lorsque l’emploi de son nom de
famille par un tiers de bonne foi ne risque pas d’être confondu avec la marque et
rayonnement très localisée, dans ce cas-là, même après le dépôt, l’utilisation est possible ».
Concernant enfin les appellations d’origine protégée, il s’agit d’un signe distinctif
très particulier, car il obéit à un processus de reconnaissance complexe (autorité publique ou
commission européenne) et aussi car il garantit à la fois l’origine géographique et les qualités
déterminées que le produit tire de son origine. Ex : Médoc = Appellation d’origine qui indique
que le vin provient de vignes situées dans le Médoc, qu’il a été vendangé et vinifié sur place
et qu’il présente en plus des caractéristiques particulières (telle méthode de vinification, de
mise en bouteille,…). Ces signes font donc l’objet d’une protection particulière. Le signe qui
constitue une appellation d’origine ne peut pas être déposé comme marque par un tiers pour
les produits couverts par cette appellation. Cela signifie que le producteur de vin ne peut pas
déposer l’appellation Médoc pour en faire une marque pour désigner des vins. Quand bien
même la zone d’appellation serait minuscule et ne comporterait qu’un agriculteur,
l’appellation géographique pourrait, à terme, léser les autres producteurs de vin. Ensuite,
même en combinaison, on ne peut pas utiliser l’appellation. Que se passe-t-il si on utilise ce
signe pour désigner des produits qui n’ont rien à voir avec l’utilisation courante ? Principe de
spécialité, donc normalement le signe est libre d’usage en dehors de la spécialité. Mais en
matière d’appellation d’origine, le principe de spécialité est pratiquement écarté.
Cf. L641-2 Code Rural ; L515-5 Code de la Consommation : « Le nom qui constitue
l’appellation d’origine ou tout autre mention l’évoquant, ne peut être employé pour aucun
produit similaire, NI POUR AUCUN AUTRE PRODUIT OU SERVICE ( !) lorsque cette
utilisation est susceptible de détourner ou d’affaiblir la notoriété d’appellation d’origine
(profit parasitaire ou nuisance) ».
L’article L711-4 utilise le mot « notamment », ce qui signifie que la liste n’est pas
exhaustive. Ex : Action de la Bibliothèque Nationale de France contre celui qui avait déposé
le sigle BNF comme marque. Il faut quand même démontrer le risque de confusion. Ex : il est
fréquent qu’une personne choisisse comme nom de domaine ou de site une marque
préexistante. Le premier arrivé étant le premier servi, il arrivait donc qu’on puisse s’accaparer
un nom d’une grande entreprise avant elle. Situation inverse : Un nom de domaine utilisé par
quelqu’un et quelqu’un d’autre va déposer ce nom comme marque. Il y a ici antériorité. L711-
4 permet, par sa non exhaustivité, de s’opposer au dépôt de la marque utilisée comme nom de
domaine antérieurement s’il y a bien sur un risque de confusion.
A. Procédure d’enregistrement
Il y a une différence avec le droit des brevets, les titulaires de droits antérieurs
n’ayant pas besoin d’attendre la délivrance pour faire savoir que, selon eux, la marque se
heurte à leur droit. Cela dit, les tiers ne sont pas égaux, puisque seuls les titulaires de droits
sur des marques peuvent exercer une procédure d’opposition, les autres titulaires d’antériorité
ne pouvant que formuler des observations auprès du directeur de l’INPI sur n’importe quel
aspect de la marque. Plus efficace est la procédure d’opposition, qui consiste à pouvoir
s’opposer à la délivrance du droit, au cours de la procédure, ce qui est censée renforcer la
solidité des marques. Mais cette procédure d’opposition ne peut être fondée que sur
l’invocation d’un droit de marque antérieur (enregistrée ou notoire). Donc exclusion pour
droit d’auteurs, AOP, etc. Saisi d’une opposition, le directeur de l’INPI est contraint de se
prononcer de manière motivée, pour savoir si le dépôt porte effectivement atteinte à la marque
antérieure en question. Délai de 6 mois. Il peut rejeter la demande d’enregistrement ou pas.
Décision susceptible d’appel devant la Cour d’Appel.
Cause de nullité : pas distinctive, illicite, antériorité, fraude, etc. En cas d’annulation,
le droit conféré disparaît complètement et rétroactivement, mais le titre est présumé valable
tant qu’il n’y a pas d’annulation. Foi est due au titre et c’est donc à l’adversaire qu’il
appartient de prouver la nullité, que le juge ne peut soulever d’office. Parmi les vices
susceptibles d’entraîner la nullité, il y en a 2 : vices intrinsèques et extrinsèques dus à un droit
antérieur. Cette distinction a des conséquences juridiques. Intrinsèques : Impossibilité de
représenter graphiquement le signe ; défaut de caractère distinctif ; caractère illicite du signe.
Ces vices étant intrinsèques, la nullité est absolue et donc tout intéressé peut demander la
nullité (le défendeur à un procès en contrefaçon, un concurrent que l’existence de la marque
gène sur son marché, une association de consommateur, un syndicat professionnel…).
Extrinsèques : la nullité ne sert qu’à protéger le titulaire du droit antérieur et ne peut donc
être demandée uniquement par lui ; c’est une nullité relative. Cela signifie que dans un procès
en contrefaçon, le défendeur qui sait que la marque demanderesse est antériorisée par
quelqu’un d’autre ne pourra pas demander sa nullité devant le juge. Quand la demande de
nullité se porte sur un droit de marque antérieur, elle peut échouer si le défendeur démontre
que le titulaire de la marque en question ne remplit pas l’obligation d’exploiter telle que la
prévoit le CPI, autrement dit si la déchéance pour défaut d’exploitation est remplie. Si la
marque est nulle, l’annulation peut être totale ou partielle, le dépôt de marque pouvant être
annulé soit pour la totalité des produits ou services soit seulement pour certains d’entre eux.
Une même marque peut être, en effet, descriptive pour certains produits et distinctive pour
d’autres, déceptive etc. Quant à l’effet de la décision d’annulation, il est rétroactif et absolu, la
marque est annulée erga omnes. Cette marque doit être radiée du registre des marques, et les
licences et contrats tomberont de façon rétroactive. L’action en nullité peut être introduite
n’importe quand, sans délai de nullité. Mais l’action peut se heurter à 2 obstacles temporels :
- Une marque qui n’est pas distinctive au moment du dépôt peut le devenir grâce au long
usage. Dans ce cas, l’action en annulation exercée à un moment du long usage aura pour
conséquence que l’annulation ne pourra être prononcée sur ce fondement. L’usage fait
acquérir la distinctivité.
- En ce qui concerne l’action par les titulaires antérieurs, la loi est plus rigoureuse puisqu’elle
a consacré la forclusion par tolérance. C’est l’article L714-3 : « L’action en annulation ou
contrefaçon exercée par le titulaire d’un droit antérieur n’est pas recevable si la marque a
été déposée de bonne foi et si son usage a été toléré par lui pendant 5 ans ». Cela ne vaut que
pour la disponibilité. Les inconvénients de cette règle sont qu’elle est contraire aux principes
généraux du droit de la PI et du Droit en général. Normalement, il n’y a pas de forclusion de
tolérance. Ensuite, admettre que la tolérance vienne restreindre des droits protégés est assez
libéral. Enfin, en considérant que le titulaire premier - laxiste - ne peut obtenir l’annulation, si
on se place du point de vue du consommateur, le résultat concret de la forclusion par tolérance
est qu’on va avoir 2 marques identiques pour les mêmes produits ou services utilisés par 2
titulaires différents économiquement et juridiquement, et la fonction première de la marque
est donc bafouée. On aurait donc pu penser que cette forclusion jouerait rarement, mais en fait
elle s’applique et les juges ne sont pas aussi exigeants qu’il serait souhaitable. Conditions :
-Titulaire du droit de la marque a toléré l’usage : Il doit avoir connu cet usage et le titulaire
postérieur a utilisé sa marque ;
-La tolérance s’est maintenue pendant au moins 5 années : La Cour de cassation a qualifié la
tolérance de prescription. Ce qui implique l’application de 2244 Ccivil et qu’on ne peut
interrompre cette prescription que par certains actes seulement (commandement d’huissier ou
citation en justice) et pas par lettre RAR etc. Ce délai ne court qu’au jour de la connaissance
de l’usage.
-Il faut que la marque seconde ait été déposée de bonne foi : Cette condition est difficile pour
l’adversaire s’il devait démontrer sa bonne foi, mais puisqu’elle est présumée en France, c’est
donc au titulaire premier de prouver la mauvaise foi.
Le titulaire du droit sur la marque voit l’existence même de son droit conditionné par
un certain nombre d’obligations. - Obligation d’exploiter la marque (ce qui existe aussi en
droit des brevets, même si la sanction n’est pas dramatique, à savoir la perte du droit exclusif
en se voyant imposer une licence obligatoire) : la sanction est plus radicale, la déchéance
pouvant être obtenue ainsi. Ce qui est bizarre est que la sanction est sévère, alors qu’on se
moque bien de savoir si la marque est ou non exploitée (car pas d’intérêt général)
- La directive de 1988 a ajouté 2 nouveaux cas :
o Obtention de la forclusion d’une marque qui était initialement valable mais qui
est devenue déceptive par la suite. C’est justifié, et même avant la consécration
légale, la jurisprudence utilisait l’action en annulation.
o Forclusion par dégénérescence : Une marque qui à l’origine était distinctive,
avec un terme arbitraire et qui par la suite est devenu générique (ex : Frigidaire
ou Walkman de Sony, Bic, Célophane, Aspirine). Le public finit ici par
assimiler la marque au produit lui-même. Très souvent, il s’agit d’un produit
très innovant pour lequel il n’y a pas de nom commun ou d’un produit très
technique, mais le produit a un tel succès qu’il devient familier et le public
appelle les nouveaux produits par leur marque. Sa dégénérescence est donc une
sanction du succès.