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LA COMPAGNIE DES PAS

LES AVENTURES DE
PEER GYNT
d’après la pièce de H. Ibsen

Trad. François Regnault


(Editions Théâtrales)

Texte du montage
(temps approximatif : 1h15)

Note : Pour la commodité de la lecture, les scènes comportent un titre.

Yaël Bacry
PERSONNAGES

ÀSE, veuve de paysan.


PEER GYNT GYNT, son fils.
LES INVITÉS DE LA NOCE
SOLVEJG
LE PROPRIÉTAIRE D'HAEGSTAD. INGRID, sa fille.
LE MARIÉ et SON PÈRE.
LA FEMME EN VERT.
LE ROI DES TROLLS et PLUSIEURS AUTRES TROLLS
LE CAPITAINE DE NAVIRE NORVÉGIEN avec son ÉQUIPAGE.
LE PASSAGER INCONNU.
LE FONDEUR DE BOUTONS.
LE MAIGRE (LE DIABLE)
ACTE I

SCÈNE 1 : LA MÈRE

SCÈNE 2 : LA NOCE

SCÈNE 3 : INGRID 

SCÈNE 4 : VIVRE ENFIN

ACTE II
SCÈNE 5 : LA FEMME EN VERT

SCÈNE 6 : LES TROLLS

SCÈNE 7 : LA FORÊT 

SCÈNE 8 : LA MORT DE LA MÈRE

INTERMEDE - LE VOYAGE

ACTE III

SCÈNE 10 : LE BATEAU

SCÈNE 11 : L'OIGNON

SCÈNE 12 : SOLVEIG / LES PELOTES/ LA MÈRE

SCÈNE 13 : LE FONDEUR

SCÈNE 14 : LE VIEUX ROI

SCÈNE 15 : LE DIABLE

EPILOGUE
SCÈNE 1 : LA MÈRE

Près de la ferme d’Ase. Un vieux moulin de l’autre côté. Peer Gynt, un garçon de vingt
ans solidement bâti, descend le sentier. ASE, sa mère, petite et frêle, le suit. Elle est
fâchée et elle rage.

ÀSE
Peer, tu mens. !

PEER GYNT
Non, je ne mens pas!

ÀSE
Alors, jure que c’est vrai!

PEER GYNT
Pourquoi jurer?

ÀSE
Tu vois, tu n’oses pas! Tout est faux, tout est fou!

PEER GYNT
Non, c’est vrai - Tout est vrai!

ÀSE
Tu n’as pas honte devant ta mère? D’abord tu cours dans les rochers des mois entiers, au
plus fort des travaux, chassant le renne dans les neiges, tu rentres à la maison la fourrure
en lambeaux, sans fusil, sans gibier - et à la fin, les yeux grands ouverts, tu voudrais que
je croie tes mauvais rêves de chasseur? Alors, (elle s’assied)   tu l’as- rencontré où, ce
bouc ?

PEER GYNT
À l’ouest de Gendin.

ÀSE (elle se moque)


Oui vraiment !

PEER GYNT
J’étais contre le vent, le vent perçant; lui, caché derrière des buissons, il grattait la croûte
de neige jusqu’au lichen.

ÀSE (même jeu)


Oui, oui, vraiment.

PEER GYNT
Je retenais mon souffle, immobile j’écoutais; j’entendais son sabot crisser, je voyais les
bois de sa corne. Alors, prudemment, parmi les pierres, sur le ventre, je me suis glissé. Je
guettais caché dans les cailloux - un bouc si luisant, si gras, jamais tu n’en vis un pareil.

ÀSE
Oh! ça, c’est sûr!
PEER GYNT
Pan! Je tire. !
Le bouc roula sur la pente.
Au moment qu’il tomba, à cheval sur son dos,
je lui saisis l’oreille gauche, j’allais planter le couteau près du crâne,
mais il hurla, la sale bête, dressé sur ses quatre sabots,
me fit sauter d’un coup de tête et mon étui
et mon couteau 
Il me coinça sous la hanche,
prit mon mollet dans ses cornes me serra comme un étau
puis là-dessus prit son élan droit vers la crête de Gendin !

ÀSE (malgré elle)


Doux Jésus !

PEER GYNT
Longeant la crête, lui et moi, nous volions à travers le vent.
Qui vit jamais pareil cheval!
Face à nous quand nous passions
le soleil volait d’étincelles.
Dans le grand tourbillon de l’abîme,
le dos noir des aigles volait en arrière, emporté par le vent.
ÀSE
Dieu me protège!

PEER GYNT
Alors, soudain,
de l’escarpé d’un lieu, s’envola la perdrix des neiges, battant son vol,
effarouchée Le bouc fit un bond en arrière, nous précipitant dans le gouffre, tous
les deux!
Ase chancelle et s’appuie à un tronc. Peer Gynt continue.
Nous croisâmes d’abord la zone des brouillards, nous croisâmes le vol des
mouettes
Mais du fond brillait une tache 
blanche comme un ventre de renne 
Mère ! c’était notre propre image 
qui remontant
la paix du lac vers le miroir de l’eau
filait à la même vitesse sauvage
que notre chute y plongeait 

ÀSE (reprend son souffle)


Peer! Dieu m’aide ... ! Vite, la fin ... !

PEER GYNT
Le bouc de l’air, le bouc de l’onde, se cognèrent dans un éclaboussement
d’écume.
Nous nous débattions dans l’eau pour atteindre le rivage,
le rivage du Nord;
le bouc nageait, je m’accrochais …. et me voilà !

ÀSE
Et le bouc, dis?
PEER GYNT
Oh! le bouc! Il court encore -
Il claque dans ses doigts, tourne les talons et ajoute:
Si tu le trouves, il est à toi!

ÀSE
Et tu ne t’es pas cassé le cou?
Pas cassé les deux jambes?
Et pas non plus cassé les côtes?
Ô Seigneur - louanges et grâces
te soient rendues, qui sauva mon garçon! -
Elle s’arrête tout à coup, le regarde la bouche ouverte avec de grands yeux, ne peut plus
trouver ses mots, et pour finir s’écrie:
Oh! le démon, oh! l’effronté. Dieu de Dieu, comme tu sais mentir! Ce morceau que tu me
refiles, ça y est, je me souviens : c’est à Glesne que c’ est arrivé, tiens, pas à toi!

PEER GYNT
À moi comme à lui. Ça peut bien arriver deux fois !

ÀSE (en colère)


Oui, ça peut se retourner la tête en bas, un mensonge, puis se remettre sur son trente et
un, et se vêtir de peau neuve, si bien qu’on ne voit plus sa carcasse. C’est bien là ce que
tu fais  : tu as menti à tour de bras qu’on finit par ne plus savoir ce qu’on savait depuis
toujours.

PEER GYNT
Qu’un autre que toi me parle comme ça, et je l’assomme. !

ÀSE (en larmes)


Mon Dieu, faites que je sois morte
et que je dorme sous la terre,
rien n’y fera, pleurs ni prières,
Peer, tu te perdras, tu te perds.

PEER GYNT
Chère petite mère, petite mère toute belle, tu as toujours raison chaque fois que tu parles.
Alors sois contente et tout va bien.

ÀSE
Tais-toi! Comment veux-tu que je sois contente, pauvre veuve que je suis , avec un
cochon de fils comme toi ?
Regarde un peu la ferme. Un carreau sur deux est bouché avec des vieux chiffons. Et toi,
tu restes couché dans la cheminée, à fouiller le charbon et les braises, tu te bagarres avec
les pires voyous de l’endroit. - si tu ne me fais pas mourir, avec tes histoires!

PEER GYNT
Attends seulement que je fasse quelque chose quelque chose de grand!

ÀSE (elle se moque) Toi!

PEER GYNT
Un jour, je serai roi ! je serai empereur!

ASE
Tu es fou, complètement fou. Et pourtant, on aurait pu faire quelque chose de toi, si tu ne
te montais pas la tête avec des mensonges à dormir debout. La jeune fille d’Haegstad,
Ingrid, elle avait des bontés pour toi. C’était dans la poche, si tu avais voulu. !

PEER GYNT
Tu crois?

ÀSE
Une fille si riche! Tu te rends compte. Si tu avais voulu, tu serais à présent un beau jeune
marié, au lieu de traîner là, sale et en loques!

PEER GYNT
Viens, allons dire notre oui!

ÀSE
Où donc?

PEER GYNT
À Haegstad!

ÀSE
Pauvre idiot! La noce a lieu ce soir.

PEER GYNT
Ne t’en fais pas. Ho hisse, mère !
Il la soulève - Elle crie
Je te porte à la maison nuptiale !
“Il entre dans la rivière”

ASE
Mais c’était pas prévu, ça !

La rivière apparait

PEER GYNT
T’inquiète
Ils traversent la rivière

ASE
Au secours ! Peer ! On se noie !

PEER GYNT
Je suis né pour une autre mort !

ASE (elle lui arrache les cheveux)


Sale bandit ! Tu seras pendu pour finir.

PEER GYNT
Eh ! J’ai une idée:
nous allons jouer à Peer et le bouc !
Je suis le bouc, et toi tu es Peer.
Hop hop hop ! (galopant)
ASE
Ah ! Elle est perdue ta pauvre mère !

PEER GYNT
Tu vois, nous avons passé le gué.
Il la dépose
Donne au bouc un doux baiser
pour le prix de la traversée.

ASE le gifle
Tiens ! Le voilà, le prix de la traversée.

PEER GYNT
Aïe! Mais c’est un pourboire de rien du tout!

ÀSE
Je suis si en colère que je pourrais broyer des cailloux. Oui, je pourrais manger des
pierres. Je vais là-bas avec toi. Ils sauront qui tu es!

PEER GYNT
Je te l’interdis.

ÀSE
Et comment tu feras?

PEER GYNT
Je te plante sur le toit du moulin. Il la hisse

ÀSE
Descends-moi tout de suite, Peer!

PEER GYNT (en partant)


Adieu, chère maman.

ÀSE
Monstre !

PEER GYNT
Et reste tranquille, tu pourrais dégringoler.

ÀSE
Peer !… Mon Dieu, il est parti pour de bon, le monteur de bouc, le prince du
mensonge….
…Au secours ! j’ai le vertige !.

UNE VIEILLE FEMME (VOIX)


Hé Edvin, Anders ! regardez !

VOIX MASCULINE
Qu’est-ce qui se passe ?

UNE VIEILLE FEMME (VOIX)


Sur le toit du moulin,
Peer Gynt a hissé sa mère. !
SCENE 2 : LA NOCE

Musique de fête. Une mariée traverse le plateau, poursuivie par le marié. Voix off   :
« Vive la mariée ! » Les noceurs traversent en dansant.

Séquence 1

PEER GYNT: Il la prend par la main. Viens !


SOLVEJG: Pas trop loin ma mère a dit.
PEER GYNT : Ma mère a dit, ma mère a dit ! T’as quel âge ?
SOLVEJG: Tu te moques de moi.
PEER GYNT : Dis-moi ton nom, Mademoiselle, ce sera plus commode pour parler.
SOLVEJG : Je m’appelle Solvejg -- Et toi ?
PEER GYNT  : Peer Gynt.
SOLVEJG : Ah ! Mon Dieu !
PEER GYNT : Qu’est-ce qu’il y a ?
SOLVEIG : Ma jarretière qui se défait, il faut que j’aille la resserrer.
Elle le quitte.

Séquence 2

LE MARIÉ : Père, elle ne veut pas


Invité 1 : Un coup à boire, Peer ?
LE PÈRE : Ne veut pas quoi ?
LE MARIÉ : Ouvrir la porte
Invité  1: Allez ! rien qu’un coup !
PEER GYNT  : Donne !
LE PÈRE : Ah ! C’est à l’étable qu’il faudrait te fi celer, crétin

Séquence 3 :

Les invités : Regardez  ! Il est saôul comme un cochon ! /on va rigoler  ! / Eh Peer, dis
voir, raconte un peu. / Qu’est ce que tu sais faire ? / Allez, raconte !
PEER GYNT: Moi, je sais évoquer le diable ! je peux voler en l’air sur des chevaux
ardents. Moi je peux énormément de choses, moi, il faut qu’on le sache !
rires
Invité : Son père était un ivrogne, /sa mère une idiote / pas étonnant que le fils soit un
sot
PEER GYNT : Vous allez voir. J’irai comme l’orage au-dessus de vos têtes. Et tout le
village tombera à mes pieds. Croche pied. Il chute..
Rires
Tous : Ouais ! C’est ça ! Tu parles ! Quel baratineur ! Bouffon !

Séquence 4 :

LE MARIÉ : Tu peux m’aider à entrer chez la mariée ?


PEER GYNT  : la mariée ? Où elle est ?
LE MARIÉ : Dans le grenier
PEER GYNT  : Ingrid est dans le grenier !
Il s’approche de Solveig
Viens, je vais te faire tourner très vite
SOLVEJG : Lâche moi
PEER GYNT : Pourquoi ?
SOLVEJG: Tu as bu
PEER GYNT  : Non !
Tout bas, menaçant.
Je me ferai troll
Je viendrai près de ton lit au milieu de la nuit
Si tu entends quelqu’un qui siffle et qui grince
Ne va surtout pas penser que c’est le chat.
Ce sera moi, vois-tu. Je viderai tout ton sang dans un bol. (bruit)
Ton de supplication angoissée :
Solveig ! Danse avec moi !
SOLVEJG: Tu viens d’être méchant !
Elle le repousse.
LE MARIÉ  : Je te ferai cadeau d’un bœuf si tu veux bien m’aider
PEER GYNT  : Viens   (Il entraîne le marié et ils sortent)

Séquence 5 :
Voix d’Ase en coulisse : Peer ! Peer ! (Elle arrive avec un bâton à la main)
Mon fils est ici ? Je vais lui donner une de ces raclées, il s’en souviendra

Séquence 6 : le marié accourt en criant

LE MARIÉ : Venez! Venez tous !


LE PÈRE : Qu’est ce qu’il y a encore ?
LE MARIÉ : Regardez !– il regarde là-haut là-haut, sur la colline !
(tout le monde se déplace pour regarder… Gros plan. Silence)

La foule : Avec la mariée !


ASE  : Le monstre !
Invité : Sur l’escarpé des monts
Invité: Il grimpe
Invité : On dirait le bouc des montagnes !
LE MARIÉ : Il la porte, père, comme on porte un... cochon
ASE : Oh ! Si tu pouvais tomber ! Ah ! (Recul de tout le monde) un geste: Attention où
tu mets le pied !
LE PÈRE : C’est un enlèvement. Je le tuerai !
LE MARIÉ : Suivez-moi, tous.
Ils sortent

ASE
Qui pouvait penser que ces histoires de fous lui monteraient à la tête ? Son père buvait et
se répandait dans tout le pays en folles équipées. Petit-Peer et moi, nous demeurions assis
chez nous. Nous n’avions rien de mieux à faire que d’oublier. Nous, c’était les aventures
des princes qu’il nous fallait, les trolls, les bêtes sauvages, sans compter les fiancées
enlevées.

SOLVEIG
Raconte encore.

ASSE
Sur mon fils ?
SOLVEIG
Oui. Tout

ASE
Il peut aller dans les airs sur un bouc.

VOIX (off)
A mort ! Pendez-le !
Elles s’enfuient - BATTUE

SCÈNE 3 : INGRID

PEER GYNT
Va-t’en, laisse-moi!

INGRID (pleurant)
Après ce qui s’est passé. Et où aller? .

PEER GYNT
Où tu veux, je m’en fiche. Le diable soit de tout ce qui est souvenir. Le diable soit de
toutes les femmes ... sauf une.

INGRID
Et qui est cette une?

PEER GYNT
Pas toi. Va-t-en! Va-t-en d’où tu viens! Retourne chez ton père.

INGRID
Tu ne penses pas ce que tu dis, tu ne peux pas.

PEER GYNT
As-tu la pudeur dans les yeux ? Peux-tu dire non quand je demande oui? Est-ce une fête
de te voir ? Réponds.

INGRID
Non, mais ...

PEER GYNT
Alors, à quoi bon le reste!

INGRID
Tu seras pendu pour m’avoir trahie !

PEER GYNT
Qu’il en soit ainsi.

INGRID
Tu verras qui gagnera.
BATTUE / CRIS : A mort ! Les villageois rentrent

SCÈNE 4 : VIVRE ENFIN

Peer Gynt dans la forêt

PEER GYNT
Toute la paroisse à mes trousses. Tous armés de fusils et de bâtons. En tête, on entend
brailler le père de la mariée. Ils crient tous à la cantonade, ils parlent tous de Peer
Gynt ! Ça, ça s’appelle vivre: on se sent devenir ours dans chaque membre.
Il frappe autour de lui et saute en l’air
Casser, renverser, rebrousser les cataractes! Frapper! Arracher l’arbre avec la racine! Ca,
c’est la vraie vie! On devient dur. Je voue à l’enfer tous mes mensonges mouillés.
Peer Gynt, tu viens de la grandeur.
Peer Gynt, un jour, tu seras grand !
Il saute en avant mais il se cogne le nez contre un pan de rocher, tombe et reste à terre.
Un arbre se déplace lentement

SCÈNE 5 : LA FEMME EN VERT

PEER GYNT
Veux-tu me prendre ?
Aussi vrai que je m’appelle Peer.
Aussi vrai que tu es une fille charmante.
Tu verras mes manières délicates.
Jamais je ne tirerai les cheveux

LA FEMME EN VERT
Ni me battre non plus ?

PEER GYNT
Comment y penses-tu ? Nous autres fils de rois ne battons pas les femmes.

LA FEMME EN VERT
Es-tu fils de roi?

PEER GYNT
Oui.

LA FEMME EN VERT
Moi, je suis la fille du roi des Trolls.

PEER GYNT
Tu l’es ? Tiens, tiens, ça tombe vachement bien.

LA FEMME EN VERT
Dans les monts des Rondanes, mon père a son château.

PEER GYNT
Et ma mère en a un bien plus grand, tu verras.
LA FEMME EN VERT
Connais-tu bien mon père? Il a nom le roi Brose.
PEER GYNT
Connais-tu bien ma mère? Elle a nom la reine Âse.

LA FEMME EN VERT
Mon père est en colère, et les rochers se fendent.

PEER GYNT
Moi, ils s’écroulent, si c’est ma mère qui vitupère.

LA FEMME EN VERT
D’un coup de pied, mon père saute au plus haut plafond.

PEER GYNT
D’une enjambée, ma mère saute les torrents profonds.

LA FEMME EN VERT
Tu n’as donc pas d’habits, en dehors de ces loques?

PEER GYNT
C’est que tu n’as pas vu mes habits du dimanche.

LA FEMME EN VERT
Moi je vais chaque jour dans l’or et dans la soie.

PEER GYNT
Et pourtant on dirait de l’étoupe et des tiges.
LA FEMME EN VERT
C’est ce qui te trompe.
Tout est double chez nous.
Et si tu viens un jour à la cour de mon père, tu pourrais bien t’imaginer
sur un tas de cailloux vraiment moche.

PEER GYNT
Tout pareil par chez nous !
Notre or te semblera de poussière et rouille, et tu prendras peut-être nos
brillantes fenêtres pour un tas de chiffons et de vieux pantalons.

LA FEMME EN VERT
Noir paraît blanc, laid semble beau.

PEER GYNT
Grand paraît petit, sale a l’air propre.

LA FEMME EN VERT (elle se jette à son cou)


Oui, mon Peer, je le vois, nous allons bien ensemble.
(crie au loin sur la colline)
Mon cheval! Mon cheval! Viens, cheval de mes noces!

Peer Gynt prend la Femme en vert avec lui sur son dos.

PEER GYNT
Hue dia!. Dépêche-toi, mon beau coursier. Chez le peuple des Rondanes !

SCÈNE 6 : LE ROYAUME DES TROLLS

LES TROLLS (sur la musique)


A mort ! Un fils de chrétien a séduit la plus belle fille du roi des trolls
Je peux lui couper le doigt ?
Je peux lui arracher les cheveux ?
Et moi lui mordre dans la cuisse
Allons nous le bouillir dans la soupe ?
Allons nous le rôtir à la broche
ou le faire sauter dans la poêle ?

LE ROI DES TROLLS


Stop   ! (arrêt musique) Gardons notre sang le plus froid  ! N’allons pas faire les malins.
Nous déclinons ces derniers temps: nous ne savons plus si ça tient le coup ou si ça fout le
camp (rires) alors l’aide du prochain, ça ne se refuse pas,

FEMME EN VERT
Oh merci Papa !

LE ROI
et puis il n’y a quasiment rien à redire à ce garçon: rires il est solidement bâti à ce que
je vois. rires Évidemment, il n’a qu’une tête, rires mais ma fille n’en n’a pas tellement
plus. fou-rire Les trolls à trois têtes sont complètement démodés, rires quant aux deux
têtes, c’est à peine si on en voit et encore les têtes sont très comme ci comme ça. rires
Coup: les rires s’arrêtent
À Peer Gynt
Alors c’est ma fille que tu réclames ?

PEER GYNT
Oui, ta fille - avec ton royaume en dot

LE ROI DES TROLLS


Reçois en tout de suite la moitié de mon vivant et tu auras l’autre moitié en cas de décès.

PEER GYNT
Voilà qui me botte !

LE ROI DES TROLLS


Oui, minute mon garçon !--- Tu as aussi quelques engagements à remplir. Si tu romps l’un
d’eux, tu ne sors pas vivant d’ici

PEER GYNT
Que j’aie le nom de roi et ce sera facile

LE ROI DES TROLLS


Bien. Sais-tu quelle différence il y a entre le troll et l’homme   ? Et bien, tu vas
l’apprendre : au-dehors, sous la voûte brillante, chez les hommes, on dit :
« Homme sois toi-même ! »
Mais ici, chez nous, chez le peuple troll, on dit :
« Troll, suffis toi-même ! »
« Suffis toi » mon fils ce mot fort, ce mot tranchant doit figurer sur ton blason. Il le faut si
tu veux devenir le maître.

Les trolls le saisissent et le tatouent.


LE ROI DES TROLLS
Ensuite il faudra que tu raffoles de notre simplicité domestique.

LES TROLLS
Bouse de vache et pisse de bœuf

PG repousse le tout

LE ROI DES TROLLS


Où va le buveur va le cœur de ma fille

il boit et crache

LE ROI DES TROLLS


Tu craches ?

PEER GYNT
Il faudra compter sur l’habitude…

LE ROI DES TROLLS


Ensuite il faudra m’enlever tous ces habits. Troll de cour mettez lui ma queue du
dimanche !

PEER GYNT
Gare à toi si tu essaies ! Je ne suis pas un clown.

LE ROI DES TROLLS


On ne fait pas la cour à ma fille le cul nu !

PEER GYNT
Après tout, iI faut bien savoir s’adapter. Faites le nœud !

LE ROI DES TROLLS


Que le fête commence !

FETE DES TROLLS – Danse de la Femme en vert, de dos.

LE ROI DES TROLLS


Qu’en dis-tu ça t’épate ?

PEER GYNT
Je vois une vache avec des clochettes qui frappe de ses sabots sur des cordes en boyau. Et
à côté, une truie qui se tortille en chaussettes... Quelque chose assez dégueulasse

LES TROLLS
Mangez le !

PEER GYNT
Ah ! C’était toi ? Un peu d’humour pendant la fête, tu le sais...
LA FEMME EN VERT (le gifle)
Jure que c’était une blague !

PEER GYNT
Le chat me griffe si je mens. La danse et la musique étaient joliment belles !

LA FEMME EN VERT
Papa, il voit avec les yeux des hommes !

LE ROI DES TROLLS


Eh bien, mon fils, il va falloir faire une petite intervention. (Il sort un attirail) Dans ton œil
gauche, je ferai une légère éraflure pour que tu louches bien et tout ce que tu verras te
semblera superbe. Après je découperai la petite fenêtre de droite.

PEER GYNT.
Il est complètement cinglé, le vieux fou !

UN TROLL
Il est sage, c’est toi qui est cinglé

PEER GYNT.
Hein ? Bon et bien moi, salut ! je me tire !

LE ROI DES TROLLS


Holà ! On peut entrer chez nous, mais personne n’en sort! Non mais, gringalet pâlichon, tu
te prends pour qui   ? Primo, tu colles de trop près à ma fille, il va bien falloir que tu
l’épouses.

PEER GYNT
Tu ne vas pas me faire croire que… ?

LE ROI DES TROLLS


Quoi ? Ose dire que tu ne l’as pas désirée !

LA FEMME EN VERT
Oui, mon chéri, tu seras père avant l’année révolue.

PEER GYNT
Ah ! Si je pouvais me reveiller ! La porte ! La porte !

LES TROLLS (riant)


Y’a pas de porte !

POURSUITE - mélée

PEER GYNT
Au secours, mère je meurs !

Les cloches sonnent au loin par Solvejg. Les trolls fuient à grand bruit avec des
hurlements

Ils sont partis ? (il souffle) Quelle nuit !


SCÈNE 7 : LA FORET

PEER GYNT
(en se barricadant) Il faut avoir verrou, il faut boucler sa porte
contre la race des trolls, contre l’homme et la femme
Il faut avoir verrou, verrou pour s’enfermer
contre les boucs affreux et les trolls infâmes
Tu es un hors la loi maintenant Peer. Oui, un hors la loi. Plus de mère pour t’apporter à
manger et te mettre la table. Tu veux manger, sers-toi tout seul, va te chercher ta
nourriture dans la forêt (il construit) Tu veux un abri, construis ta maison, casse les pierres
toi-même, taille les poutres et porte-les sur ton dos.
Je construirai de la beauté. Tour et girouette
s’élèveront par dessus le toit.
Je sculpterai au sommet du pignon
une sirène et sa queue de poisson.
Et j’y mettrai aussi du verre,
et les étrangers seront étonnés
De tant d’éclat sur la colline.

Solvejg arrive avec un baluchon

SOLVEJG
Dieu bénisse ce que tu fais.

PEER GYNT
Solvejg ! Ce n’est pas vrai -- mais si c’est toi ! Tu n’as pas peur de venir si près ?

SOLVEJG
Ordre tu m’as donné de venir, des ordres sont venus du silence et du vent. ordres qui me
pressaient quand s’estompaient mes rêves.

PEER GYNT
Mais que va dire ton père ?

SOLVEJG
De tous, je me suis défaite

PEER GYNT
Solvejg, ô très chère - et pour venir à moi ?

SOLVEJG
Oui, à toi seul. Sur mes skis, j’ai couru : ils voulaient savoir où j’allais, je répondais : je
vais chez moi.

PEER GYNT
Alors adieu les clous et les planches ! Plus besoin de barricades contre les noires pensées
des gnomes et des trolls ! Si tu viens vivre ici avec le chasseur, la bénédiction entre avec
toi dans la maison. Solvejg Viens que je te voie. (il l’arrête) Pas trop près ! Que je te
voie seulement ! Ô lumière ! Ô limpidité ! Viens que je te soulève. Oh ! Que tu es fragile
et légère. Que je te porte toujours, Solvejg, je ne me lasserai jamais, je ne te souillerai
pas.
SOLVEJG
Là bas on ne respirait pas, on était oppressé .
Ici, on entend mugir le sapin. Ici, je suis chez moi

PEER GYNT
Alors je te possède ! Entre, que je te voie dans ma salle ! Entre !
Il dépose Solveig dans la maison
Je vais chercher du bois pour la cheminée; douce sera cette chaleur, claire sera cette
lumière, à l’aise tu seras assise et jamais tu n’auras froid.

PEER GYNT
Ma fille de roi, je l’ai trouvée ! je l’ai gagnée !
Mais il faut construire le palais royal !

LA VOIX DE LA FEMME
Bonsoir, Peer-aux-pieds-légers

PEER GYNT
Qu’est-ce que c’est? Qui est là?

LA FEMME
De vieux amis, Peer Gynt! Mon logis est tout près. Nous sommes voisins. .

PEER GYNT (il veut s’en aller)


Je, je… suis très pressé.

LA FEMME
Tu es toujours très pressé, mon garçon; mais je trotte à tes trousses, et à la fin je te
retrouve.

PEER GYNT
Vous vous méprenez, la mère!

LA FEMME
Oui, c’est ce que j’ai fait un jour, le jour de tes grandes promesses.

PEER GYNT
J’ai promis, moi? - Qu’est-ce que vous me chantez là?

LA FEMME
À l’enfant.
Donne à boire à ton père, je crois bien qu’il a soif.

PEER GYNT
Son père? Tu veux dire que ça ... Ce morveux avec ses grandes jambes!

LA FEMME
Écoute, Peer Gynt, tu es un bien grossier personnage...
Est-ce ma faute si je ne suis plus belle comme le jour où tu m’attiras dans les bois? Cet
automne, lorsque j’ai accouché, le diable me tenait le dos, et c’est bien normal qu’on en
sorte aussi laide. Mais si tu voulais me voir belle comme autrefois, chasse alors cette
jeune fille qui est là, chez toi; montre-lui la porte, chasse-la de tes yeux et de ta tête - fais
cela et je perds ma trogne.
PEER GYNT
Va-t-en, sorcière des trolls !Je vais t’enfoncer le crâne.

LA FEMME
Peer lève le bras pour la frapper, mais il est arrêté magiquement.
Elle rit C’est que je résiste aux coups.
Je reviendrai tous les jours. Tu seras assis avec elle sur le banc, tu seras tendre, Peer
Gynt, tu voudras jouer, tu voudras caresser, je m’assoirai avec vous, je réclamerai ma
part ! Adieu, mon cher amour,’ demain, accouple-toi.

PEER GYNT
Cauchemar infernal! Et tout ça ...

LA FEMME
Tout ça pour une pensée, pour un désir! C’est vraiment pas de chance, hein, Peer!

PEER GYNT
Solvejg, ma très pure, mon or!

SOLVEJG   (se réveillant et à la porte)


Tu viens?

PEER GYNT
Tu attendras. La nuit tombe et j’ai lourd à chercher.

SOLVEJG
Bon, je t’aiderai, nous partagerons la charge.

PEER GYNT
Non, reste où tu es! Je porterai tout.

SOLVEJG
Mais pas trop longtemps, dis !

PEER GYNT
Sois patiente, jeune fille, longtemps, pas longtemps, tu vas attendre.

SOLVEJG
Oui attendre

Peer Gynt remonte le sentier de la forêt. Solvejg reste debout dans la porte entrouverte

SCÈNE 8 : LA MORT DE LA MÈRE

Chez Ase. Le soir. Ase est au lit et promène fébrilement ses mains sur sa couverture.

PEER GYNT
Bonsoir!
ASE
Tu es enfin là, mon enfant chéri! je peux enfin partir en paix.

PEER GYNT
Partir? Qu’est-ce que tu racontes? Et où veux-tu aller?

ASE
Ah! Peer, je n’en ai plus pour longtemps. C’est bientôt fini. - Quand tu verras mes yeux
s’éteindre, il faudra les fermer soigneusement. Et tu t’inquiéteras du cercueil, oui, mon
petit, il m’en faut un très beau.
-
PEER GYNT
Mais tais-toi! C’est trop tôt pour penser à ça. Tu veux quelque chose à boire? Peux-tu
t’allonger  ? Comme ton lit est court- Mais oui, j’ai dormi dans ce lit quand j’étais tout
petit. Tu te souviens, le soir, tu étais assise sur le bois du lit et tu rabattais la fourrure
sur moi et tu me racontais des histoires ?

ASE
Oui, on faisait le traîneau. La fourrure, c’était la couverture du traîneau, et le parquet,
c’était le fjord gelé.

PEER GYNT
Vers le château de Soria-Moria, nous allions par monts et par vaux.

ASE (inquiète)
Peer, je veux partir!

PEER GYNT
C’est des histoires! Mets-toi bien sous la fourrure.
« Au château de Soria-Moria,
C’est la fête du prince-roi ! »
Installe-toi bien sur le coussin du traîneau, je te conduis là-bas, à travers la lande.

ASE
Mais, petit Peer, suis-je invitée?

PEER GYNT
On l’est tous les deux !
Il jette une ficelle autour de la chaise où est le chat, prend un bâton dans sa main et
s’assied à l’avant du lit. Viens Grane !
Hue dia! Veux-tu te dépêcher, mon cheval noir! Mère, tu le sens le froid maintenant?
Nous glissons à travers le fjord.

ASE
J’ai peur. Qu’est-ce donc qui gronde et qui soupire, avec cette violence bizarre?

PEER GYNT
Ce sont les sapins, mère, qui mugissent sur la lande. Ne t’inquiète pas.

ASE
Là-bas, au loin, qu’est-ce qui brûle et qui flambe? D’où vient cette lumière?

PEER GYNT
Des fenêtres et des portes du château. On y danse, tu entends? Sur le seuil se tient Saint
Pierre et il te prie d’entrer.

ASE
À quel bonheur tu me conduis, mon pauvre enfant !

PEER GYNT (il claque son fouet)


Hue! Dépêche-toi, mon noir cheval!

ASE
Peer chéri, tu vas bien tout droit?

PEER GYNT
C’est la grand-route.
Je vois le château qui se dresse : le voyage fi ni. Voici Peer Gynt avec sa mère! Quoi ?
Que dites-vous, Monsieur Saint Pierre? Tu ne veux pas que ma mère entre? Un cœur
comme elle, tu vois, tu chercheras longtemps avant d’en trouver un pareil.. - Oh! Oh!
Mais voici Dieu le Père ! Saint Pierre, ton compte est bon!
Avec une grosse voix: « Cesse de faire le portier, mère Âse ici a ses entrées! »
Il rit fort et se retourne vers sa mère.
Eh bien ! Tu as vu ça ? Inquiet ; Maman! Il va au chevet. Maman ! Tu ne vas pas rester
comme ça, les yeux ouverts ! Maman, parle ! c’est moi, ton enfant.
Il tâte avec précaution son front et ses mains, puis il jette la ficelle sur la chaise et dit à
voix basse:
Voilà. - Tu peux reposer, Grane; il est fini, maintenant, le voyage.
Il ferme les yeux d’Ase et lui croise les mains.
Merci pour tous les jours de ta vie, pour m’avoir battu, pour m’avoir bercé ! -- Mais toi
aussi, dis merci à ton tour.
Il presse sa joue contre la bouche d’Ase.
Voilà ! ça c’est merci pour le voyage.

KARI entre
Comment? Tu es là Peer! Comme elle dort bien ... à moins que ... ?

PEER GYNT
Tais-toi. Elle est morte.
Kari recouvre le corps. Peer arpente longuement la chambre; puis s’arrête près du lit.
Fais enterrer ma mère avec honneur. Moi, je m’enfuis.

KARI
Et tu vas faire un long voyage?

PEER GYNT
Vers la mer.

KARI
Si loin!

PEER GYNT
Encore plus loin.
INTERMÈDE : LE VOYAGE DE PEER GYNT

LES COMÉDIENS / VILLAGEOIS


Alors on raconte que Peer Gynt fit un long, long, très long voyage.
Il partit pour l’ Amérique
Et devint un riche, très riche commerçant / fit fortune
Il vendit des idoles pour la Chine
et fit même la traite des noirs.
puis partit vers l’Afrique,
les poches pleines d’or
avec son seul rêve: devenir empereur du monde.
Au Maroc, sa fortune coula dans la mer
Alors il traversa le désert
à pied !
et devint prophète et rencontra la belle Anitra
qui le dépouilla entièrement
et le laissa nu sur la pierre.
Il vécut avec les singes
En Egypte, il rencontra le Sphynx et la statue de Mémnon
Enfin, il échoua chez les fous où on le couronna
empereur.
Puis, ruiné, vieux, usé, mais toujours le même, il décida de retourner sur sa terre natale.

SCÈNE  10: LE BATEAU

LE CAPITAINE
Hissez la lanterne !

PEER GYNT
Il souffle un de ces vents

LE CAPITAINE
Tempête cette nuit. Vous êtes attendu ?

PEER GYNT
Je suis sans famille et personne n’attend le vieux Peter Gynt.

LE CAPITAINE
Un coup de mer ! Parez le navire !

LE MARIN
Une épave sous le vent ! Capitaine ! Venez vite !

LE PASSAGER INCONNU (il apparaît dans le noir à côté de Gynt et le salue avec
amabilité)
Bonsoir !

PEER GYNT
Bonsoir ! Mais quoi… qui êtes-vous ?

LE PASSAGER
Votre compagnon de voyage pour vous servir !
PEER GYNT
Je croyais que j’étais le seul passager!
Vous ne seriez pas malade ? Vous êtes blanc comme un linge !

LE PASSAGER
Pas du tout…Je me porte comme un charme. Ah ! Regardez ! La mer est haute comme
une montagne... Pensez à toutes les épaves qui seront fracassées cette nuit, à tous les
cadavres rejetés sur le rivage, ça vous fait venir l’eau à la bouche: Juste une question : si
par exemple nous heurtions un récif, et que nous coulions dans le noir ?

PEER GYNT
Vous croyez que ça risque ?

LE PASSAGER
Supposons. Je surnage : vous allez au fond

PEER GYNT
Ah ! Cette blague !

LE PASSAGER
Ce n’est qu’une hypothèse. Seulement, auriez-vous l’amabilité de me faire cadeau de
votre honorable cadavre ?

PEER GYNT
Et puis quoi encore ?

LE PASSAGER
C’est pour mes expériences scientifiques. Ce que je recherche, c’est le siège des rêves  :
j’aimerais procéder sur vous à une dissection complète.

PEER GYNT
Ne me touchez pas !

LE PASSAGER
Prochain rendez-vous, au fond de la mer. Peut-être serez-vous mieux luné.

MARIN
Terre tout près à l’avant !

LE CAPITAINE
Le grand mât fracassé ! La proue vient de craquer

Naufrage
Peer flotte dans la mer. Se cramponne fermement à la quille d’un canot retourné

PEER
Au secours ! envoyez un bateau au secours !

LE CUISINIER (se cramponne au canot)


Ah seigneur Dieu, pour mes enfants aie pitié de moi ! Fais que j’atteigne la côte !

PEER
Lâche ça !
LE CUISINIER
Lâche ça !

PEER
Je vais te démolir ! Cette coque est trop petite pour deux

LE CUISINIER
Dégage !

PEER
Dégage toi-même !

Ils se battent,

LE CUISINIER
Pitié pitié ! (il lâche prise) Ah je me noie !

PEER (il le saisit)


Par les cheveux, je te retiens par les cheveux ! Allez Dis ton Notre Père

LE CUISINIER
Je sais plus… c’est tout noir !

PEER
Alors un résumé très vite !

LE CUISINIER
Donnons-nous chaque jour…..

Le cuisinier lui échappe et coule

PEER
Amen. Tu as été toi-même jusqu’au bout !
Il se hisse sur la coque :
Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !

Arrive le PASSAGER qui flotte

LE PASSAGER
Bonjour !

PEER
Eh merde !

LE PASSAGER
J’ai entendu appeler. Alors, à propos, ce cadavre ?

PEER
Taisez-vous !

PASSAGER
Parfait. Comme vous voudrez
PEER
Qu’est-ce que vous faites ?

PASSAGER
J’attends

PEER
Vous me rendez fou ! Vous êtes quoi ?

PASSAGER (il salue)


La gentillesse même. Vous ne connaissez personne qui me ressemble ?

PEER
Oh ! je sais, bien sûr, il y a le diable ! Arrière fantôme ! Détale, arrière ! Je ne veux pas
mourir, je veux aller à terre!

LE PASSAGER
Oh ! pour cela n’aie pas crainte, car il y a un pacte :
On ne meurt pas au beau milieu du troisième acte !
Il se dissipe.

PEER GYNT
Merci ! J’avais oublié !

Peer échoue sur le rivage

Et c’est ainsi que le vieux Peer Gynt regagna sain et sauf sa terre natale;

PEER GYNT
Allez ! A la maison !Le vieux Peer Gynt marche à son pas et il reste ce qu’il est, pauvre
mais vertueux !

SCÈNE 11 : L’OIGNON

La forêt. Au loin, la cabane

PEER GYNT
Tout d’abord : manger ! Ce qui compte dans la vie, c’est de se remplir le ventre.
Il trouve un oignon à terre, il le mange.
Mais se bourrer d’oignons ? C’est un peu maigrichon. Je serai parmi le premier des bêtes
sauvages. Et si je meurs un jour, je me traînerai sous un arbre abattu par le vent.et comme
l’ours, je gratterai sur l’écorce :
Ci-gît Peer Gynt, garçon honnête
l’empereur des autres bêtes.
L’empereur ?
Il rit
Eh mon vieux   ! Tu n’es pas un empereur tu es un (il le regarde) oignon. Et je vais
t’éplucher, mon cher Peer ! Non, Non, rien ne sert de pleurnicher, rien ne sert de supplier.
Il l’épluche pelure par pelure.
Arrachée l’enveloppe extérieure : l’homme au péril de la mer, sur l’épave du canot. « Au
secours ! Je ne veux pas mourir ! »
Tiens ! Une couronne ! (il la place sur sa tête) la couronne des fous – ! Bon vent ! (il la
jette)
Un pas de plus à l’intérieur   : Peer Gynt en Afrique… avec les singes. (il mime)
Conneries !
Et une pelure qui s’entortille mollement: Le séducteur dans les délices. « Ah Anitra   »…
Faux prophète !
Et celle-là, grosse et juteuse   : l’homme d’affaires sans scrupule, millionnaire et
esclavagiste (il se la roule en cigare) Pouah ! il pue ! ou : fumisterie!
La suivante : Peer Gynt chez les trolls. « Suffis-toi toi-m^me »
Et une autre (il regarde, ému), en forme de corne : le chasseur de bouc. « Nous volions à
travers le vent… » Mensonges.
Il en arrache plusieurs d’un coup
Toutes ces pelures ! Mais le noyau, où est-il?
Il épluche toutes les pelures
Tout n’est que pelure ! La nature fait de l’esprit !
Il les ramasse puis les jette en l’air

SCÈNE 12   : LES PELOTES (tuilées avec la mère et chant de


Solveig)
Il est arrivé dans les parages de la cabane, il l’aperçoit et reste interdit.
SOLVEJG   (elle chante à l’intérieur)
Mon lointain amour
viendras-tu un jour ?
Si tu as à chercher trop lourd,
donne-toi du temps,
pour moi, je t’attends

PEER GYNT (il se lève sans bruit, pâle comme un mort)


L’un se souvient - l’autre a oublié.
L’un a tout perdu - l’autre a tout gardé.
Ô douleur !- c’était là mon empire !

Il s’enfuit. Nuit. Lande de pins. Un incendie de forêt l’a ravagée. Troncs calcinés.
Brumes blanches qui flottent. Il court.

LES PELOTES (à terre)


Nous sommes les pensées
que tu aurais dû penser -
et nous donner de quoi marcher
Tu aurais dû, tu aurais dû.

SOUPIRS DANS L AIR


Nous sommes les chansons
que tu aurais dû chanter !
Mille fois, mille fois,
tu nous as refoulées

BRINS DE PAILLE
Nous sommes les actes que tu devais faire,
ton doute étrangleur
nous a estropiés.
LA VOIX D’ASE (dans le lointain)
Où je suis, la neige est fraîche,
j’en suis transie et glacée
Tu m’as mené un train d’enfer
mais le château, où est-il Peer ?
Le diable t’a conté des histoires
avec le bâton pris dans l’armoire.

SCÈNE 13 : LE FONDEUR DE BOUTON


Un autre endroit dans la lande.
PEER GYNT
Ohé ! Fossoyeurs ! Où êtes-vous, chiens ?
Venez et bêlez, venez, sacristains,
Tous les miens sont morts, et je suis leur cercueil !
Le fondeur de boutons arrive d’un chemin de côté.

FONDEUR
(il le salue) Vieillard, bien le bonsoir !
Pardon, ma vue n’est pas très bonne, tu t’appelles bien Peer, non ?
PEER GYNT
Peer Gynt, on le dit.
LE FONDEUR
En voilà une aubaine! C’est justement Peer Gynt que je viens chercher ce soir.
PEER GYNT
Et tu lui veux quoi ?
LE FONDEUR
Tu vas voir, je suis fondeur de boutons. Tu iras dans ma cuiller.
PEER GYNT
Et qu’est-ce que j’y ferai ?
LE FONDEUR
Tu seras refondu.
PEER GYNT
Refondu ?
LE FONDEUR
Tu la vois, ma cuiller, elle est propre, elle est vide. Ta tombe est creusée, ton cercueil est
réservé. Dans ta carcasse, les vers se préparent une vie de rêve. le Maître, a dit de venir
cueillir l’âme sans délai.

PEER GYNT
Déjà   ? Mais bon Monsieur, c’est un sale tour que vous me jouez là. Je mérite un
traitement plus doux, je le sais. On peut m’appeler un jean-foutre, mais sûrement pas un
grand pécheur.

LE FONDEUR
Oui, c’est justement toute la question, cher homme, tu n’es pas un pécheur de grand
standing. C’est pourquoi tu échappes aux tourments de l’enfer et tu viens dans la cuiller
avec les autres petits pecheurs.
PEER GYNT
Mais c’est quoi ce truc que vous avez inventé pendant mon absence ?
LE FONDEUR
Le Maitre, vois-tu, est économe : il se garde bien de jeter aux ordures la matière première
qui peut encore servir. Ta destinée, c’était d’être un bouton brillant sur la veste du monde,
mais tu es venu sans attache. il te faudra donc aller dans la caisse à déchets pour être
refondu.

PEER GYNT
Mais tu ne prétends quand même pas me recouler avec Pierre et Paul, histoire de faire du
neuf ?

LE FONDEUR
Mais si je le prétends !

PEER GYNT
Mais c’est d’une radinerie obscène! Être réabsorbé comme un bout de rien du tout dans un
corps étranger, cette existence à la petite cuiller, cette interruption du Gynt, tout cela me
révulse jusqu’à la moelle de l’âme !
LE FONDEUR
Oh ! Pourquoi tant de véhémence pour si peu ? Toi-mêmz, tu ne l’as jamais été encore,
alors quelle différence si tu meurs… tout à fait ?
PEER GYNT
Je n’ai jamais été moi ? Me fais pas rigoler ! Peer Gynt a été autre chose, peut-être, non
mais des fois ! Dis donc, fondeur de mes deux, tu juges à l’aveuglette. Si tu pouvais voir
jusqu’au tréfonds de moi, tu ne ferais qu’y trouver du Peer, toujours du Peer, et encore du
Peer !
LE FONDEUR
Cela ne se peut pas. ! J’ai des ordres... Regarde, c’est écrit : “tu réclameras Peer Gynt, il
a renâclé manqué devant sa propre destination, il ira dans la cuiller à fondre avec les
choses ratées.”
PEER GYNT
Quelle connerie! Il doit s’agir d’une autre personne. Il y a bien marqué Peer ? Pas plutôt
Rasmus ou Jon ?
LE FONDEUR
Ceux-là, Il y a beau temps que je les ai fondus. Allez, viens et ne traîne pas.
PEER GYNT
Donne-moi au moins un délai!
LE FONDEUR
Qu’en feras-tu ?
PEER GYNT
Je fournirai la preuve, que j’ai été moi-même tout le long de ma vie.
LE FONDEUR
La preuve ? Et laquelle ?

PEER GYNT
Des témoignages … des attestations. Alors, c’est d’accord ?
LE FONDEUR
Va pour cette fois.
Peer court
Mais attention, rendez-vous au prochain carrefour. !

SCENE 14: LE VIEUX ROI DES TROLLS

PEER GYNT (en pleine course)


Un témoin ! Un témoin ! Mais où en trouverai-je un ?

Un vieillard courbé, le bâton à la main, et le sac sur le dos, passe devant Peer Gynt en
trottinant.

LE VIEILLARD
Mon cher, mon bon Monsieur … une pièce pour un vieux sans abri !
Prince Peer ! Saperlipopette ! Alors on se retrouve ?

PEER GYNT
Le roi des trolls ! Non !

LE ROI DES TROLLS


Oh ! Je suis tout à fait tombé dans la débine ! On m’a tout raflé. Réduit au vagabondage,
affamé comme un loup 

PEER GYNT
Hourrah ! Un témoin pareil, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue !
Cher beau-père, tirons un trait sur le passé. Surtout pas de querelle en famille. J’étais
siphoné en ce temps là.

LE ROI DES TROLLS


Le prince était jeune

PEER GYNT
Je file un mauvais coton et j’aurais besoin d’une attestation. Voilà, vous vous rappelez
bien un soir dans les Rondanes, vous vouliez me faire une entaille dans la pupille histoire
de me rectifier la vision et me métamorphoser de Peer Gynt en Troll. Et qu’est-ce que j’ai
fait  ? Je m’y suis opposé. J’ai renoncé à l’amour, au pouvoir, aux honneurs, tout ça pour
être seulement «  moi-même  ». Eh bien  ! Ce fait, vous voyez, vous allez l’attester sous
serment.

LE ROI DES TROLLS


Mais je ne peux pas.

PEER GYNT
Qu’est ce que vous me chantez là ?

LE ROI DES TROLLS


Quand tu quittas nos Rondanes, tu avais notre slogan gravé derrière l’oreille. Le mot fort,
le mot qui tranche. « Troll suffis-toi toi-même, troll, suffis-toi toi-même ! » Et de toutes tes
forces vitales, tu as ensuite vécu selon.
PEER GYNT
Moi   ! Peer Gynt   ! Un troll de montagne, moi   ! Un égoïste   ! Ça alors en voilà des
conneries !

LE ROI DES TROLLS (en partant)


« Troll suffis-toi toi-même, troll, suffis-toi toi-même ! »

LE FONDEUR
Eh bien ! Peer Gynt, alors, l’attestation ?

PEER
Déjà ? On y est, au carrefour ? Eh bien, ça n’a pas trainé ! Ecoute, en fait, je renonce à
être moi-même, j’aurais trop de difficulté à le prouver. Mais tout à l’heure, j’errais
solitaire sur la lande et je me disais : tu es quand même un très très grand pêcheur !

LE FONDEUR
Admettons, comment te croire ?

PEER
Je vais te trouver un prêtre, je me confesse en vitesse et je te rapporte une attestation.
Ha ! Avec la liste de tous mes péchés ! Ha !

LE FONDEUR
Au prochain carrefour, (merci !) mais pas plus loin !

SCENE 15 : LE MAIGRE

PEER (il court)


Merci ! Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! un prêtre, vite, un prêtre !
(Arrive un personnage de noir vêtu avec un filet d’oiseleur)
Qui c’est celui-là ? un prêtre ! Bonsoir, monsieur le pasteur ! Quel sentier affreux, n’est-ce
pas?

LE MAIGRE
Eh oui ! Mais que ne ferait-on pas pour une âme?

PEER GYNT
Ah! Ah! C’est quelqu’un qui va au ciel?

LE MAIGRE
Non, Non : j’espère qu’il va prendre l’autre direction. (il pointe vers le bas) Vous regardez
mon doigt ? Que lui trouvez vous donc?

PEER GYNT
Un développement d’ongles tout à fait inhabituel !

LE MAIGRE
Et maintenant? Vous regardez mon pied ?

PEER GYNT
Ce sabot est-il naturel?

LE MAIGRE
Je m’en flatte

PEER GYNT
J’allais jurer que vous étiez un prêtre,  Ainsi donc j’ai l’honneur….

LE MAIGRE (lui serre la main)


Félicitations! Vous m’avez l’air sans préjugés. Alors, mon cher, en quoi puis –je vous
servir? …Une chambre bien chaude?

PEER GYNT
(à trouver par J.)

LE MAIGRE
Mon cher ami, vous me faites vraiment de la peine, mais vous n’imaginez pas le nombre
de suppliques allant dans le même sens que les gens m’adressent pour échapper à la
cuillère.

PEER GYNT
Si je repense à mon ancienne conduite, c’est évident que j’ai une priorité d’accès.

LE MAIGRE
Mais c’était seulement des broutilles!

PEER GYNT
J’ai fait la traite des nègres !

LE MAIGRE
Foutaise !

PEER GYNT
J’ai menti à tour de bras !

LE MAIGRE
Fumisterie!

PEER GYNT
Alors écoutez ça, dans un naufrage… bref j’ai à moitié liquidé un cuisinier !

LE MAIGRE
Et si vous aviez à moitié culbuté la cuisinière, je m’en ficherais encore. À moitié, à
moitié, mais qu’est ce que c’est que cette histoire de moitié? Pensez-vous qu’on ait envie
de gaspiller du chauffage par les temps qui courent ? Vos péchés, c’est de la gnognotte!
Vous êtes un homme raisonnable alors faites vous à l’idée de la cuillère. D’ailleurs, j’ai
un steak à aller chercher que j’espère fort gras. Alors c’est bien le moment de rester ici à
pérorer!

PEER GYNT
Et pourrait-on vous demander son nom ?

LE MAIGRE
Il est écrit Peter Gynt… Vous le connaissez peut-être?
PEER GYNT
Oui oui en un certain sens

LE MAIGRE
Où l’avez-vous vu pour la dernière fois?

PEER GYNT (montrant la direction, vivement)


Il était du côté du Cap !

LE MAIGRE
Le Cap ? Merci ! (il disparaît) Il a toujours été contre moi ce Cap ! J’ai toujours été mal
vu là-bas.

ÉPILOGUE

PEER GYNT (seul)


Le chien stupide ! Quel plaisir de le faire tourner en bourrique. Il va chuter de son perchoir
avec tout son attirail. Hum ! Mais moi je ne suis pas tellement plus solide en selle.
On voit passer une étoile filante.
Salut à toi frère météore, Peter Gynt te salue !
Fulgurer, s’éteindre, et tomber dans le gouffre…
(Y a-t-il quelqu’un ? Quelqu’un dans l’abîme, quelqu’un dans le ciel ?) Pauvre sans
recours, une âme peut donc s’en retourner à rien dans le gris des brouillards.
Je veux aller là-haut, très haut sur la crête escarpée. Je veux encore une fois voir le soleil
se lever, m’épuiser les yeux vers la terre promise, Voir sur moi la neige en tas me tomber.
Ils écriront dessus : « ici ne gît personne »
et puis après - après - advienne que pourra.

LE FONDEUR
Bonjour Alors Peer Gynt ! Où est la liste de tes péchés ?

PEER GYNT
Tu ne te figureras jamais, j’ai hurlé, j’ai sifflé tant que j’ai pu.

LE FONDEUR
Et tu n’as trouvé personne ?

PEER GYNT
Personne.

LE FONDEUR
Bien. Le délai est expiré.

La maison de Solvejg apparaît

PEER GYNT
Qu’est ce qui brille là ?

LE FONDEUR
Une lumière dans une maison c’est tout.
PEER GYNT
Et qu’est ce qui murmure là ?

LE FONDEUR
Une femme qui chante c’est tout

PEER GYNT
Oui, là, là je trouve la liste de mes péchés.

LE FONDEUR (il lui saisit le bras)


Mets tes affaires en ordre

PEER GYNT
Mes affaires en ordre ? Décampe ! Quand ta cuillère aurait la taille d’un cercueil, elle ne
pourrait me contenir moi ni ma liste !

LE FONDEUR
Au troisième carrefour, Peer, mais alors… !

Solvejg sort de sa maison. Elle se dirige avec un bâton.

PEER GYNT
Crie, crie tout le mal que j’ai fait !

SOLVEJG
Lui, c’est lui, c’est lui. ! Loué soit Dieu !
Elle tâtonne pour le trouver

LE FONDEUR en coulisse
La liste, Peer Gynt la liste !

PEER GYNT
Proclame bien fort mes crimes !

SOLVEJG
Tu n’as aucun péché, ô mon unique amour !
Tu as fait de ma vie un long chant ravissant.
Béni sois-tu, d’être enfin revenu !
Béni soit notre rendez-vous !

PEER GYNT
Alors je suis perdu ! Perdu ! A moins que tu ne saches deviner les énigmes 

SOLVEIJG
Dis moi leur nom

PEER GYNT
Où était Peer Gynt tout ce long temps ? Dis- moi ce que tu sais. !
Où étais-je moi-même, moi tout entier, moi vrai ?
Dis le ! sinon je dois rentrer au pays du brouillard.

SOLVEJG (elle sourit)


Dans ma foi, dans mon espérance, dans mon amour.
PEER GYNT (il a une révélation brusque)
Mon épouse, ma mère, la femme sans péché !
Cache- moi, cache- moi, cache- moi tout en toi !
(Il enfouit son visage dans son giron)

SOLVEJG
Je te bercerais mon enfant chéri
Je te veillerai

LA VOIX DU FONDEUR
Rendez-vous Peer au dernier carrefour !

SOLVEJG   (elle chante)


Je te bercerais mon enfant chéri, je te veillerais...
rêve mon enfant.

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