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SOLUTIONNAIRE
30 décembre 1988
Peut-être que l'on aurait pu critiquer la décision de fond sur d'autres bases, mais les
motifs invoqués in concreto par le demandeur en cassation sont inadéquats et ne
permettent pas de casser la décision.
ATTENTION :
une exception existe en matière pénale : le demandeur en cassation ne
délimite pas, par ses moyens, le champ d’examen de la Cour de cassation ;
au contraire, la Cour de cassation examine l’affaire et peut elle-même,
d’office, soulever des moyens non évoqués par le demandeur en cassation.
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2. Quelle est la matière concernée par la décision ?
La décision concerne la responsabilité civile du fait des choses que l’on a sous sa garde –
notion de vice de la chose
- le visa : introduit par 'vu', le visa contient des renseignements de procédure, et indique principalement la
décision de fond qui est querellée.
D'une façon générale, une décision de justice peut être entreprise devant la Cour de cassation lorsqu'elle
viole la loi.
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- lesnormes de valeur constitutionnelle, législative ou réglementaire
émanant de l’État fédéral, les normes de valeur législative ou
réglementaire émanant des communautés, des régions, des communes et
des provinces ;
exemples : disposition constitutionnelle, arrêté royal, décret de la
Communauté flamande, règlement de la province de Namur, arrêté de la commune de Perwez, ...
- la foi due aux actes, c’est-à-dire le respect dû aux actes écrits et à leur contenu (articles
1319, 1320 et 1322 du Code civil).
La violation de la loi peut se traduit concrètement dans l'un des deux griefs
suivants :
1° la décision attaquée a été rendue suite à un procès qui n’a pas respecté les
règles constitutionnelles et légales relatives à la manière de rendre la justice.
La décision attaquée a
violé soit des formes substantielles, soit des formes
prescrites à peine de nullité. Précisons ces notions :
- forme prescrite à peine de nullité : un texte légal établit une forme à respecter et
précise que la violation de cette forme entraîne la nullité ;
exemple : un témoignage n’a pas été fait sous serment, malgré le prescrit de l’article 934,
alinéa 2 du Code judiciaire (article 961, 2° du Code judiciaire).
- forme substantielle : un texte légal établit une forme à respecter mais aucun article ne
précise que la sanction de la violation de cette forme est la nullité ; c’est la Cour de cassation
elle-même qui considère cette forme comme tellement fondamentale que sa violation doit
entraîner la nullité.
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2° la décision attaquée a retenu une solution qui n’est pas une bonne
application de ce que prévoit la loi entendue au sens large.
Le demandeur en cassation ne met pas en cause la manière dont le procès s’est déroulé mais il
estime que la décision attaquée
- a mal interprété la loi : elle a compris et appliqué telle loi dans un sens X alors
qu’il fallait faire prévaloir le sens Y ;
De façon plus précise encore, le demandeur en cassation va concrétiser dans son affaire le ou les griefs
invoqués : il s'agit des moyens qu'il invoque pour demander la cassation de la décision de fond.
2° En ce que : le demandeur indique ce qu'a décidé le juge du fond et qui est selon lui
critiquable
3° Alors que : le demandeur indique en quoi, selon lui, la décision attaquée a violé les règles
de droit visées dans le moyen
Le 'alors que' peut également se diviser en plusieurs parties : soit elles sont séparées par 'd'une
part - d'autre part', soit elles se subdivisent en 'branches'.
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Un moyen est invoqué :
les motifs
La Cour s’exprime par des attendus qui traduisent sa position à propos des différents points
de droit développés par le demandeur dans l’exposé de ses moyens.
Étant également soumise à l’article 149 de la Constitution, la Cour donne son avis motivé
sur les arguments du demandeur.
Lorsque les moyens sont divisés en plusieurs branches, la Cour ne les reprend pas
nécessairement en détails et se prononcera par exemple “sur les trois branches réunies”.
De même, lorsque divers moyens sont présentés par le demandeur mais qu’un seul suffit à
casser la décision attaquée, la Cour n’envisagera que celui-ci “sans examiner les autres moyens
dont l’admission n’entraînerait pas une cassation plus étendue”.
* la formule finale
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* la formule finale
Après avoir repris l'essentiel de la décision de fond et avoir exposé son raisonnement, la Cour de
cassation en vient à la conclusion de son raisonnement, conclusion qui peut prendre plusieurs formes :
o le pourvoi est irrecevable : il ne respecte pas l’ensemble des conditions formelles exigées par
la loi.
o le moyen est irrecevable : il ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle (soit
pcq imprécis ; pcq contraint la Cour à faire une appréciation en fait ; pcq ne peut entraîner cassation…).
ole moyen manque en fait : le demandeur a mal compris la décision qu’il attaque ; il lui fait dire
ce qu’elle ne dit pas ou invoque un grief inadéquat.
o le moyen manque en droit : le moyen repose sur une interprétation erronée de la règle de droit
dont la violation est invoquée.
o le moyen ne peut être accueilli : c’est la formule utilisée par la Cour lorsqu’aucune des
formules précédentes ne convient, soit parce que le moyen manque en fait ET en droit, soit parce qu’il
manque en droit ET est irrecevable, ...
o le moyen n’est pas fondé, manque de fondement : formule imprécise utilisée plus
rarement par la Cour qui ne distingue pas si le moyen n’est pas fondé en fait ou en droit.
=> Ces différentes formules vont conduire la Cour à rejeter le pourvoi dans son dispositif.
La Cour peut également déclarer que le moyen est fondé : elle considère que le demandeur a raison
de faire ces reproches à la décision attaquée. En quelque sorte, le “alors que” l’emporte sur le “en ce
que”. La Cour ajoutera fréquemment que soit “la décision attaquée n’est pas motivée régulièrement”
(non respect de l’exigence formelle de l’article 149 de la Constitution), soit “la décision attaquée n’est
pas légalement justifiée” (la décision est bien motivée formellement - respect de l’article 149 de la
Constitution - mais n’est pas conforme à la loi).
=> Cette formule va conduire la Cour à casser, totalement ou partiellement, la décision attaquée
dans son dispositif.
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Motifs
La première branche :
- manque en fait en partie ;
- pas recevable pour le surplus.
Dispositif
de la crème glacée souille le sol du rayon parfumerie d’un grand magasin. Une personne
glisse et se blesse. L’assureur de cette personne se retourne contre le grand magasin en
invoquant la circonstance que le sol était dans un état anormal qui a provoqué l’accident.
La demande initiale a été introduite par l’assureur de la victime et tend à faire condamner GB-
INNO-BM au paiement de D & I en raison du préjudice subi.
Le premier juge saisi a donné raison à l’assureur [cf. « en ce que », 2e col. P. 471]
La décision attaquée devant la cour de cassation est un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du
25 février 1987.
Compte tenu de la qualité des parties (commerçants), le premier juge saisi pouvait être un
tribunal de commerce ou un tribunal de première instance du ressort de la cour d’appel
d’Anvers (les éléments figurant dans l’arrêt ne permettent pas d’être plus précis).
Le premier juge a donné raison à l’assureur de la victime [cf. « en ce que », 2e col. P. 471]
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GB a relevé appel de la décision ; la cour d’appel d’Anvers a déclaré l’appel non fondé
Première branche
1° L'arrêt comporte des contradictions en sa motivation (ou à tout le moins des ambiguïtés ou
des imprécisions) – violation de l’article 97 (devenu 149) de la Constitution :
d'une part, il énonce que le sol du grand magasin ne comportait pas de vice inhérent ;
d'autre part, il décide que le sol ne présentait pas, en raison de la présence d’un reste
de crème glacée, la structure normale à laquelle les usagers pouvaient s’attendre et
était dès lors affecté d’un vice
=> l'arrêt comporte donc une contradiction, ou à tout le moins une ambiguïté dans ses
motifs (violation de l'article 97 de la Constitution)
2° l’arrêt ne détermine pas le sens que la cour d’appel donne à la notion légale de « vice de la
chose » et n’est dès lors pas légalement justifié (violation de 1384, al. 1er, C. Civ.)
Seconde branche
Le moyen reprend tout d’abord le sens qu’il convient, selon la demanderesse, de donner à la
notion de vice de la chose (article 1384, alinéa 1er, du Code civil) : c’est uniquement une
caractéristique anormale ou un état anormal de la chose pouvant porter préjudice à des tiers ;
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Ensuite, le moyen critique le sens que l’arrêt attaqué donne de la notion :
- la place anormale occupée par des restes de crème glacée sur le sol du rayon
parfumerie ne constitue nullement une caractéristique anormale ou un état anormal
dudit sol ;
- après avoir constaté que le sol ne présentait pas de vice inhérent, la cour d’appel a
violé la notion légale de « vice de la chose » en décidant
o que la structure du sol, en raison de la présence des restes de crème glacée,
ne répondait pas à celle à laquelle les usagers pouvaient normalement
s’attendre
o et que le sol présentait une structure anormale CAR il ne pouvait remplir sa
fonction normale en raison de la présence des restes de crème glacée
e) Quelles réponses la Cour a-t-elle donné à ces moyens (précisez sur la base de quelles
justifications) ?
Première branche
1° violation de 97 C° :
l’arrêt décide que le sol « en soi » ne présentait pas de vice MAIS qu’il a acquis une structure
anormale en raison de l’incorporation d’un produit glissant.
Il n’y a pas de contradiction dans l’arrêt => la demanderesse en cassation a fait une mauvaise
lecture de l’arrêt attaqué => la branche du moyen manque en fait à cet égard
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Seconde branche
1° L’arrêt décide que le produit répandu formait une structure unique avec le sol du rayon
parfumerie et viciait ce sol ; il s’agit d’une appréciation souveraine en fait
2° l’arrêt, en décidant, sur base de cette appréciation, qu’il y a vice du sol, fait une correcte
application de la règle de droit qui était applicable aux faits tels que le juge du fond les avait
appréciés => moyen ne peut être accueilli
Cour de cassation et appréciation des faits : la Cour ne connaît pas du fond des
affaires MAIS cela ne veut pas dire qu’elle ne s’intéresse pas aux faits ;
Il lui appartient de vérifier si, dans les faits de l’espèce, le juge a bien appliqué le texte de loi =>
implique une certaine connaissance des faits, même si ceux-ci sont appréciés souverainement par
le juge du fond
En l’espèce : le juge du fond a apprécié de manière souveraine les faits et a considéré à cet égard
que la crème glacée avait formé avec le sol une structure unique et viciait la structure du sol ;
La Cass. ne peut remettre en cause cette appréciation ; par contre, elle va vérifier si sur la base
des faits tels que constatés par le du fond, ce dernier pouvait considérer qu’il y avait « vice de la
chose » au sens de 1384, al. 1er ;
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