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Tout au long de la durée de vie de ces biens, cette comptabilité ne prend en compte que la
valeur d'origine sans pour autant l'ajuster aux variations des prix qui peuvent affecter cette
valeur pendant sa durée d'utilisation.
C'est dans ce contexte là que la comptabilité au coût historique a souvent fait l'objet de rudes
critiques. En fait, elle a présenté plusieurs limites lors des graves défaillances de grandes
entreprises et institutions financières internationales, comme le témoigne les exemples des
catastrophes financières survenues au cours des années 90, tel est le cas de la Barings, et le
fameux scandale d'ENRON qui a été de grande utilité pour supporter l'introduction du concept
de la juste valeur à grande échelle.
En outre, l'évaluation au coût historique avait altéré la possibilité de divulguer à temps, les
situations sérieuses sur les produits dérivés que ces institutions détenaient. Ainsi, et dans la
volonté d'accroître la transparence, la pertinence et la fiabilité des informations financières et
de mieux appréhender les risques encourus suite à l'internationalisation des marchés
financiers et l'apparition des instruments financiers complexes, le référentiel comptable
international2(*) se propose d'abandonner le principe du coût historique et de valoriser les actifs
et passifs à leur juste valeur.
Cependant, il est à signaler que les déterminants qui expliquent l'émergence et l'évolution de
ce modèle sont encore plus variés et peuvent se résumer en trois facteurs fondamentaux à
savoir les facteurs conceptuels, économiques et de gouvernance d'entreprise.
Toutefois, et à fin de tirer sa légitimité par rapport au modèle comptable fondé sur le coût
historique qui a fait ses preuves pendant longtemps, une étude des avantages et limites du
modèle de la juste valeur doit être effectuée.
Par conséquent, nous essayerons dans cette partie d'analyser les facteurs d'émergence et
d'évolution du modèle comptable à la juste valeur (chapitre I), puis de présenter les principaux
avantages et limites de ce modèle eu égard les investisseurs et analystes financiers, les
entreprises et les institutions financières (chapitre II).
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EMERGENCE ET ÉVOLUTION DU MODÈLE COMPTABLE À LA JUSTE VALEUR
Introduction
Nous pouvons lier les déterminants de l'émergence du modèle comptable à la juste à trois
facteurs fondamentaux à savoir : les facteurs conceptuels, les facteurs économiques et les
facteurs liés à la gouvernance d'entreprise.
Nous présenterons dans ce chapitre, tout d'abord, les principaux déterminants de l'évolution
vers le modèle comptable à la juste valeur nous analyserons, par la suite, les niveaux
d'utilisation du concept de la juste valeur dans les normes comptables internationales puis
tunisiennes.
Les comptabilités financières traditionnelles s'appuyaient sur des principes bien établis dont
principalement le principe du coût historique et la convention de prudence. Ces principes
fournissaient la mesure du résultat et des capitaux propres la plus légale possible, c'est-à-dire
celle qui permet à la comptabilité de répondre à son rôle ultime à savoir la reddition des
comptes et le contrôle.
Par ailleurs, ce modèle comptable, bien qu'il ne manque pas de défenseurs, faisait l'objet de
plusieurs contestations dont l'une des causes essentielles tient directement aux nouvelles
orientations de la comptabilité énoncées par le cadre conceptuel international de l'IASC en
1989, et qui peuvent se résumer ainsi :
Partant de ce principe, le choix du coût historique se justifie par le fait que la valeur d'origine
constitue une information vérifiable reposant sur une évidence et est par conséquent objective.
De nos jours, le rôle de la comptabilité devient celui de l'aide à la prise des décisions
essentielles internes et externes.
D'où, la comptabilité doit se baser sur une approche renouvelée permettant d'atteindre le
meilleur degré de pertinence possible.
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1-1-2.Les utilisateurs des états financiers
Dans le temps, Les conventions et les principes comptables ont été élaborés pour favoriser
d'avantage la présentation des comptes aux autorités de contrôle que la prise de décision des
investisseurs.
A cet effet, les états financiers sont orientés en fonction des besoins en informations de ces
utilisateurs.
Les qualités assignées à l'information comptable sont édictées par les besoins en information
des utilisateurs.
Une information est considérée comme fiable lorsqu'elle permet aux utilisateurs de s'y fier.
Une des caractéristiques de la fiabilité telle qu'énoncée par le système comptable est la
représentation fidèle.
La représentation fidèle, telle qu'introduite dans le §26 du cadre conceptuel tunisien, est « la
correspondance ou la concordance entre la mesure ou la description et les phénomènes
qu'elle est censées représenter en comptabilité. Ces phénomènes sont les ressources et les
obligations économiques de l'entreprise ainsi que les transactions et évènements qui
modifient ces ressources et obligations ».
Avec l'évolution des besoins en informations des utilisateurs, la pertinence devient la qualité
essentielle attendue de la comptabilité.
3
Evolution vers la juste valeur : une véritable mutation conceptuelle
Les années 90 se caractérisent par un fort développement des marchés financiers couplé à
l'apparition de scandales financiers notamment aux Etats-Unis.
En effet, le principe d'évaluation au coût historique n'avait pas permis de révéler à temps leurs
situations critiques sur les produits dérivés qu'elles détenaient.
En fait les produits dérivés sont des instruments financiers qui mobilisent un investissement
net nul ou faible lors de leur mise en place, mais qui recèlent un risque ultérieur très
important.
Par conséquent, ce n'est que suite à l'apparition de ces instruments financiers complexes que
la notion de la juste valeur commence à prendre de l'importance au niveau de la communauté
financière internationale.
En outre, les tenants du modèle comptable à la juste valeur affirment que cette dernière
permet de remédier aux limites que présentait le modèle du coût historique et accroît la
capacité de refléter l'impact économique des opérations sur les dérivés.
La montée en puissance de la notion de la juste valeur a été, ainsi, impulsée tant par la SEC
que par la FASB à fin de remédier aux limites du modèle traditionnel.
4
L'initiative était apportée par Les normes comptables FAS 107, publiée en 1991 et FAS 119
publiée en 1994, relatives à l'information à fournir sur les produits dérivés et sur la juste
valeur des instruments financiers, et qui ont prévu l'exigence d'indiquer la juste valeur de ces
instruments dans les notes aux états financiers.
En 1998, la FAS 133 est venue confirmer l'évaluation à la juste valeur comme modèle (ou
nouvelle convention) comptable d'évaluation en l'imposant pour tous les instruments
financiers dérivés initialement et postérieurement, quelle que soit leur nature et quelle que soit
l'intention avec laquelle ils sont acquis ou émis.
Nous arrivons ainsi à conclure que l'apparition des innovations financières, a orienté les
recherches de la normalisation comptable vers l'adoption des mécanismes de valorisation par
le marché qui font d'avantage allusion à la pertinence (juste valeur), qu'à l'équité (coût
historique).
Le principe du coût historique accorde une marge de manoeuvre importante aux dirigeants en
matière d'intégration de l'incertitude. En fait ils apprécient subjectivement les risques
encourus concernant les charges prévisibles et les dépréciations d'actifs. « Ceci leur fournit
un puissant instrument de stratégie comptable susceptible d'influencer fortement la
présentation de leur résultat. Ils peuvent de même utiliser de façon opportuniste les cessions
d'actifs recelant des plus ou moins values latentes »6(*).
Partant de ce principe l'évaluation à la juste valeur permet d'éliminer le risque d'induire les
utilisateurs des états financiers en erreur par les dirigeants.
De plus, la valorisation à la juste valeur des instruments financiers réduit la capacité des
dirigeants à faire varier le résultat selon leurs objectifs en matière de communication
financière.
Ainsi, il serait impossible d'anticiper ou de retarder la cession d'un titre de placement pour
prendre en considération les plus ou moins values en résultat. En effet, le résultat de la
période tiendra compte en tout état de cause de la variation de sa juste valeur.
« Dans cette perspective, ce modèle s'inscrit dans le sillage des exigences de gouvernance
corporative, c'est-à-dire la séparation plus affirmée entre la propriété et le contrôle des
entreprises »7(*).
Dans ce même ordre d'idée, la comptabilisation des instruments dérivés à la juste valeur
améliore la transparence de l'information financière et réduit, ainsi, les coûts de surveillance
engendrés par les relations contractuelles actionnaires-dirigeants.
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niveau d'utilisation du concept de la juste valeur
Le système comptable international avait consacré le choix de la juste valeur dans plusieurs
normes IAS.
La première utilisation était celle relative à la réévaluation des immobilisations prévue par
l'IAS 16, puis l'évolution du système comptable international vers la juste valeur devient de
plus en plus remarquable.
1-1-1.Définition
La juste valeur est définie dans le système comptable international de l'IASB comme « le
montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien
informées, consentantes, et agissant dans des conditions de concurrence normale ».8(*)
-La juste valeur d'une transaction est une estimation théorique du montant de cette
transaction, que cette dernière soit réalisée effectivement ou pas.
-La transaction doit être équilibrée, on entend par une transaction équilibrée :
*Une transaction dans laquelle les parties sont bien informées de l'état de l'actif ou du passif
objet de la transaction et des conditions de son utilisation et détention.
*Une transaction basée sur le consentement des parties, cela veut dire qu'aucune d'elles n'est
soumise à une contrainte physiques, psychologique, ou encore liées à une conjoncture
économique défavorable.
-La transaction doit être opérée dans des conditions de concurrence normales, ce la signifie
l'existence d'un système d'offre et de demande sur le marché, ce qui rend possible le processus
d'arbitrage.
De plus, le concept de juste valeur est plus large et d'un usage plus général que la valeur de
marché, à défaut de prix de marché observé sur un marché actif, l'évaluation sera déterminée
par référence à la valeur d'échange sur laquelle s'accordent deux parties indépendantes, par le
prix de marché d'un élément aux caractéristiques proches ou par le calcul de la valeur actuelle
nette des flux futurs.
Ainsi, l'évaluation à la juste valeur est beaucoup plus qu'un nouveau standard comptable. Elle
peut être le fondement d'un nouveau modèle de représentation comptable de l'entreprise «
dont l'objectif serait de mieux traduire dans les états financiers l'incertitude affectant les
prévisions de cash-flows et les opportunités d'investissement »9(*) .
6
« En répondant à l'ensemble de ces objectifs, la juste valeur peut être donc considérée
comme la base d'un modèle comptable de représentation de l'entreprise si son utilisation soit
une pratique généralisée et homogène. »10(*)
7
incorporelles constitue, dans le référentiel international, un traitement autorisé
dans la mesure où la juste valeur est déterminée par référence à un
marché actif pour cette immobilisation. Un actif incorporel est
évalué initialement au coût. Ultérieurement, il peut être évalué à
sa juste valeur dans la condition où cette juste valeur est
déterminée par référence à un marché actif pour cette
immobilisation incorporelle.
IAS 39 Instruments
financiers :
Comptabilisation et
évaluation
11(*)
IAS 41 Actifs agricoles Un actif biologique est évalué lors de la comptabilisation initiale
et à chaque clôture de comptes à sa juste valeur diminuée des
coûts estimés au point de vente.
IFRS 3 regroupent La norme stipule que : à la date d'acquisition, l'acquéreur
d'entreprises comptabilise à leur juste valeur les actifs, les passifs et les passifs
éventuels identifiables de l'entreprise acquise, et comptabilise
aussi le goodwill, qui a fait ultérieurement l'objet de tests de
dépréciation au lieu d'être amorti.
Constatations : Avec l'émergence des instruments financiers et des produits dérivés, et le fort
développement des marchés financiers, l'utilisation du concept de juste valeur dans le système
comptable international devient de plus en plus répondue.
Cette notion a été fortement retenue au niveau des informations à fournir dans les notes aux
états financiers, notamment avec la publication de la norme IAS 32 en juin 1995 relative aux
informations à fournir et à la présentation des instruments financiers.
Jusqu'à 1996, la Tunisie utilisait le plan comptable 1968 qui a été mis en place pendant la
période de « l'économie administrée »12(*). Ce n'est qu'à la fin de 1996 qu'elle s'est dotée d'un
système comptable en cherchant à se rapprocher du référentiel comptable international.
Selon le cadre conceptuel de la comptabilité, « il existe plusieurs bases pour déterminer la
valeur à laquelle un élément sera constaté en comptabilité :
-Le coût historique : le montant de liquidité versé ou reçu pour acquérir un élément.
-Le coût de remplacement : le montant qui serait nécessaire aujourd'hui pour acquérir un
élément.
-La valeur de réalisation : le montant correspondant au prix qui pourrait être tiré de la
cession d'un élément.
8
-La valeur actualisée : la valeur actualisée des rentrées de fonds que procurera
vraisemblablement un élément.
Le coût historique demeure la base de mesure la plus communément utilisée pour préparer
les états financiers. Il habituellement combiné avec d'autres bases de mesures ».13(*)
Il est à remarquer que le concept de juste valeur n'est pas évoqué expressément parmi les
procédés de mesure des éléments des états financiers.
2-2-1.Définition
En outre, le concept de la juste valeur est évoqué dans plusieurs normes comptables
tunisiennes, et sa définition est inspirée de celle de l'IASB, en fait, les définitions proposées
du terme « juste valeur » par les systèmes et normes comptables tunisiennes et internationales
reposent sur les mêmes idées. Il n'y a pas donc de divergences conceptuelles liées à la notion
de juste valeur.
2-2-2. Niveau d'utilisation du concept de la juste valeur dans les normes comptables
tunisiennes
Nous allons dans ce qui suit examiner le système comptable tunisien à fin de cerner l'étendu
de l'utilisation de la notion de juste valeur. Le tableau suivant résume les normes comptables
tunisiennes dans lesquelles l'utilisation de la notion de juste valeur a été prévue.
9
NCT n°7 - « Placements » Coût d'entrée des placements - Evaluation des titres non cotés
à la date de clôture - Détermination de la juste valeur des titres
non cotés - Transfert des placements - Informations à fournir
NCT n°9 - « Contrats de Mesure des revenus à la juste valeur des contreparties reçues
construction » ou à recevoir
NCT n°15 - « Opérations en Conversion des éléments monétaires à la date de clôture
monnaies étrangères »
NCT n°16 - « Présentation des Evaluation des placements en actions et valeurs assimilées en
états date d'arrêté - Méthodes de détermination de la juste valeur
des titres
financiers des OPCVM »
NCT n°17 - « Portefeuille titres Evaluation des actions non admises à la cote - Evaluation des
et autres opérations effectuées droits attachés aux actions
par
les OPCVM »
NCT n°25 - « Le portefeuille Evaluation des titres de placement et d'investissement en date
titres dans les établissements d'arrêté pour l'estimation des provisions pour dépréciation
bancaires
NCT n°26 - « La présentation Présentation au niveau des notes d'un état récapitulatif des
des états financiers des placements qui reprend la valeur brute, la valeur nette et la
entreprises d'assurance et / ou juste valeur
de réassurance »
NCT n°28 - « Les revenus dans Mesure des revenus à la juste valeur des contreparties reçues
les entreprises d'assurances et / ou à recevoir au titre de la vente du contrat d'assurance ou de
ou de réassurance » l'acceptation d'un risque
NCT n°31 - « Les placements Coût d'entrée des placements immobiliers acquis à titre gratuit
dans les entreprises d'assurance
et / ou de réassurance »
Constations :
·On constate que l'application du modèle de réévaluation à la juste valeur autorisée par les
IFRS pour certaines catégories d'actifs (immobilisation corporelle, immeuble de placement)
est prohibée par les normes comptables tunisiennes, sauf :
*Dans les situations où la juste valeur est inférieure au coût historique par application de la
convention de prudence.
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·Une application au niveau des normes sectorielles relatives aux OPCVM pour les besoins de
calcul de la valeur liquidative.
·Une initiative prise dans le cadre de l'évaluation à la juste valeur avec les normes récentes
relatives aux groupes de sociétés.
Il faut préciser, par ailleurs, que le principe de coût historique conjugué avec celui de la
stabilité de la monnaie dans le contexte tunisien est intimement lié au principe de continuité
d'exploitation, dans la mesure où la majorité des entreprises tunisiennes s'assurent une grande
partie de leurs biens afin de les utiliser dans le cours normal de l'exploitation et non pour les
vendre, et, par conséquent, la valeur marchande perd de sa pertinence.
Conclusion
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L'émergence de la notion de juste valeur n'est plus une histoire récente. En effet, l'examen
détaillé du cadre conceptuel international, fait apparaître que le coût historique n'était pas la
seule base de mesure de la richesse utilisée.
Actuellement, il est rare qu'une norme comptable internationale ne fasse pas référence à la
juste valeur. Ceci est en fait dû aux exigences de plus en plus accrues d'augmenter la
transparence, la fiabilité et la pertinence des informations financières dans un courant de
globalisation et de développement des innovations financières.
Au niveau national, l'examen du cadre conceptuel révèle que l'utilisation de cette notion n'est
pas assez répondue et ne constitue pas, par conséquent, le référentiel comptable de base.
Ce qui incite les professionnels, au même titre que les chercheurs à réfléchir sur les avantages
et les qualités d'une information comptable évaluée à la juste valeur.
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