PROJECTION JOUER À SIM CITY EN VRAI ?
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Conka
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C O STRU I S
TA VILLE
TOI-MÊME ! LE RÉSEAU SORT DANS LA RUE. GRÂCE À CES NOUVELLES
TECHNOLOGIES, UN MODÈLE URBAIN, PLUS HUMAIN ET PLUS
PARTICIPATIF, EST POSSIBLE. IL RESTE À INVENTER.
La ville de demain existe déjà,
mais par petits morceaux épars. D’expé-
riences pilotes en tentatives avant-gar-
distes, en France et ailleurs – et surtout
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ailleurs ! – se dresse le portrait-robot de
l’urbanité du xxie siècle : conviviale, fami-
liale et participative. Elle ne nécessite pas
tant des moyens supplémentaires qu’un
état d’esprit ouvert et sans tabou. Les nou-
velles technologies, si l’on sait s’en empa-
rer, peuvent transformer nos villes en
îlots de bien-être collectif, loin des méga-
lopoles déshumanisées que la science-
fiction aime à nous jeter à la figure. À
partir de la simple observation du réel,
imaginons ensemble de quoi notre avenir
proche pourrait être fait. À condition de
ne pas laisser une question supposée tech-
nique aux mains des seuls techniciens !
URBANISME
À QUAND DES « CONFITURES
PUBLIQUES » EN PLEIN DIJON ?
Déjà, les objets intelligents nous accom-
pagnent dans la rue. L’application Métro
Paris pour iPhone permet, grâce à la réa-
lité augmentée, de visualiser les stations
de métro les plus proches sur l’écran d’un
portable doté d’une caméra et d’un GPS.
Il suffit ensuite de se laisser guider en sui-
vant les indications fléchées sur l’écran.
De nouveaux équipements électroniques
fleurissent dans l’espace public. À Paris,
tous les arbres sont dotés de puces RFID
qui fournissent des informations aux ser-
vices techniques de la ville. Des usages
multiples et inventifs pourraient être
imaginés en partageant ces informations
avec un public plus élargi. Au lieu de cela,
les bases de données circulent en vase
texte
maria concetta sangrigoli
Architecte-urbaniste
clos. Dommage, non ? Côté Web, l’intérêt
des réseaux sociaux pour l’espace physi-
que reflète le besoin naturel de créer des
passerelles entre nos vies virtuelles et nos
habitudes urbaines. Plus de la moitié des
mushup, ces sites Internet 2.0, s’appuient
sur une interface cartographique de type
Google Map. La carte devient vivante,
elle permet à chacun d’ajouter des infor-
mations, reflétant ainsi un sens civique
nouveau et la réinvention de liens sociaux
à partir du réseau. Rouletaville pro-
pose par exemple un service d’entraide
entre parents pour conduire les enfants
à l’école et dans les centres d’activités
culturelles et sportives. Aux États-Unis,
les activistes de Fallen Fruit recensent
les arbres fruitiers par quartier. Cela leur
permet de remettre en question
 U&R
LES COLLECTIVITÉS ET
LES SERVICES PUBLICS
PARTAGENT
DIFFICILEMENT LEURS
BASES DE DONNÉES
leurs habitudes de consommation, de
synchroniser rythmes urbains et naturels
ou de créer de nouvelles proximités. Un
lien social d’un nouveau genre naît sur le
Web et finit dans la rue : les « confitures
publiques » sont des événements organi-
sés pour mélanger ville, nature et citoyen-
neté active.
Pour l’heure, ce sont surtout des socié-
tés privées comme Google, Facebook ou
Apple qui exploitent cette porosité en
offrant de nouveaux services. Les collec-
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tivités et les services publics restent à la
traîne de ces dynamiques. Ils ne parta-
gent que très difficilement leurs bases de
données et continuent à « produire » la
ville avec leurs partenaires de toujours :
administrations, spécialistes et promo-
teurs. Or comment inventer la ville du
futur en pensant comme hier ? Et pour-
quoi en tenir à l’écart ses principaux des-
tinataires, c’est-à-dire tout le monde ?
NOS AMIES LES SAUTERELLES
Dans la plupart des projets d’aménage-
ment urbain, les acteurs politiques (État,
communes, régions…) et économiques
PROJECTION
© DR
(services privés d’intérêt général, inves-
tisseurs privés…) tiennent le rôle presque
exclusif d’initiateurs et de décideurs. Les
acteurs sociaux (habitants, usagers, asso-
ciations), eux, sont en général considérés
comme des freins au changement, des
éléments de résistance qu’il faut neutra-
liser par une communication tardive et
superficielle. Ces nouveaux acteurs sont
difficilement perçus comme des parte-
naires, pourtant ils produisent déjà des
informations, des projets et des services
pour la ville. Connaissez-vous Cricket
Crawl ? C’est une expérience de « citizen
science » au cours de laquelle des centai-
nes de citadins aident des scientifiques
à faire l’inventaire des sauterelles et des
grillons de New York en envoyant des
enregistrements géolocalisés depuis leur
Smartphone. Healthy City, un peu plus
à l’ouest, est le fruit de la collaboration
entre plusieurs associations, un grand
hôpital et une université. Ce site commu-
nautaire de Los Angeles est désormais un
outil incontournable pour les institutions,
les usagers et les professionnels. En cen-
tralisant des informations sur l’accueil
sanitaire et les services sociaux présents
sur le territoire, Healthy City fournit un
service innovant. Et là, il ne s’agit pas de
sauterelles, mais de la vie des gens !
Alors que faire ? On le voit bien chez
nous : d’un côté, les services publics sont
attaqués de front par une pensée néoli-
bérale qui les voit d’un mauvais œil ; de
l’autre, ils sont défendus par des idéolo-
gues sincères, mais sans imagination. Il
est temps de sortir de ce piège. L’imagi-
nation au pouvoir ? Bien sûr ! Car, grâce
au Web, intérêts particuliers et intérêt
général convergent plus facilement. Des
cadres de coproduction élargie doivent
être inventés pour soutenir cette parti-
cipation civique. En impulsant de nou-
velles dynamiques socio-économiques,
des acteurs hybrides pourront émerger.
Pourquoi hybrides ? Parce qu’ils dévelop-
pent une activité ayant un intérêt social
fort et dont le modèle économique est
viable. Exemple, un particulier offre des
services à la personne, une association
fournit un service à l’échelle du quartier,
une entreprise propose un traçage de ses
déchets industriels… En s’inspirant des
tendances actuelles, on peut imaginer
l’émergence d’un cercle vertueux dans la
façon de créer la ville. Certains diraient
« effet multiplicateur », d’autres encore
« révolution permanente ».
Coproduire la ville est possible. En Alle-
magne ou en Suisse, des sociétés coopé-
ratives ou d’autopromotion construisent
des immeubles aux performances éco-
logiques exemplaires et aux espaces
communs vivants. Ce sont d’ailleurs des
destinations prisées par les architectes et
les urbanistes, qui font le déplacement de
toute l’Europe pour un voyage d’étude.
Pourquoi ne pas généraliser le modèle
coopératif à tous les aspects d’un projet
urbain ?
SOLUTIONS POUR MON FUTUR
QUARTIER
En participant à la coproduction d’un
projet, le tissu économique et social du
nouveau quartier créera du lien social
avant même la fin du chantier. Une plate-
forme en ligne unique regroupera diffé-
rents acteurs : la commune qui propose
une zone constructible, les futurs habi-
tants porteurs de projet, les candidats à
un logement et, enfin, les acteurs écono-
miques qui proposent des services ou des
commerces. La vie du nouveau quartier
sera imaginée collectivement, alimentée
par les propositions des uns et des autres.
Des groupes d’intérêts communs se for-
meront sur une multitude de projets qui
FUTUR / CONSTRUIS TA VILLE TOI-MÊME !
concernent l’habitat, mais aussi les
espaces publics, les équipements ou les
commerces. Ainsi, ceux qui souhaiteront
habiter un immeuble en bois se fédére-
ront pour le construire en collaboration
avec un architecte et un artisan. Un
réseau d’immeubles producteurs
d’énergie alimentera le quartier. Des
maraîchers urbains incluant des zones
de pique-nique s’intégreront au projet
d’espace public. Et, pourquoi pas, devenir
des lieux de rencontre entre passionnés
de légumes et vendeurs de merguez !
Pour bien articuler la coproduction, un
agenda virtuel des espaces communs
sera mis en place dès les premières
phases du projet. C’est un outil précieux
pour concevoir les espaces publics et
les équipements, ou faire émerger les
acteurs associatifs ou privés qui anime-
ront le quartier. Une fois le projet mené
à bien, l’agenda sera pérennisé sous la
forme d’une interface ouverte, mise à la
disposition des habitants pour s’infor-
mer, proposer des initiatives et organi-
ser la vie locale. D’ailleurs, cet agenda
pourra être étendu à toute la ville. Bien
géré, il permettra d’organiser l’accès aux
espaces communs qui offrent des usages
différents selon les heures de la jour-
née : la cantine de l’école sera mobilisée
pour accueillir des cours du soir de cui-
sine, la salle de sport communale servira
aux heures creuses de lieu de répétition
pour l’orchestre de retraités amateurs de
jazz. En utilisant l’agenda, chacun élabo-
rera des parcours personnalisés en ville
mêlant services publics, associatifs et pri-
vés. La garde des enfants ou l’assistance
des personnes âgées seront ainsi plani-
fiées à travers cette plateforme qui mettra
en relation les institutions publiques, les
professionnels de santé, les associations
   
« La ville 2.0, plateforme
d’innovation ouverte »,
Daniel Kaplan et Thierry Marcou,
FYP éditions, 2009.
« Pour une mobilité plus libre et
durable », Daniel Kaplan et Bruno
Marzloff,. FYP éditions, 2009.
« Metapolis ou l’avenir des villes »,
François Ascher, Odile Jacob, 1995.
et, pourquoi pas, des voisins qui offrent
des services. Enfin, l’agenda hébergera un
réseau social de proximité pour faire des
rencontres, mutualiser des services, orga-
niser des événements. Tournois de tarot
entre voisins, randonnées d’amateurs de
plantes sauvages, publication d’informa-
tions culturelles locales… les potentialités
sont infinies.
DES PARCOURS
PERSONNALISÉS EN
VILLE MÊLANT
SERVICES PUBLICS,
ASSOCIATIFS ET PRIVÉS
Le premier maillon d’un système de
transports multiforme ne coûte pas
cher. C’est le pedibus ! Un système de
ramassage scolaire pris en charge par
des adultes qui amènent les enfants à
l’école à pied. L’inscription et la gestion
des groupes seront facilitées par la base
cartographique de l’agenda des espaces
publics. Les parcours cyclables seront
également signalés. Des informations
seront affichées en fonction des préfé-
rences et des habitudes de chacun : état
du trafic, horaires d’ouverture des com-
merces, pollution, arbres allergéniques,
panoramas… À l’échelle de l’aggloméra-
tion, il sera possible de calculer des par-
cours mixtes, en intégrant en temps réel
des données sur l’état des transports en
commun, la disponibilité de vélos et de
voitures en libre-service. On peut même
penser à une mobilité sur mesure, capable
d’intégrer des données très personnelles
comme un parcours « brûle calories » en
cas de régime alimentaire !
Une offre multiple serait mise en place
par des nouveaux acteurs : un super-
   
http://hyperurbain.net – Le blog de ce site est une mine
d’informations toujours à jour sur les nouvelles technologies
et la ville.
http://www.villes2.fr – Ateliers sur la ville 2.0 organisés
par la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) dans
toute la France.
http://www.la27eregion.fr – Première agence d’innovation
publique qui permet aux régions de préparer l’avenir et de
changer leurs méthodes d’action.
N°0
marché, par exemple, serait en mesure
d’optimiser les trajets de ses camionnet-
tes de livraison en proposant à ses clients
de les utiliser comme un bus pour faire
leurs courses.
Les acteurs économiques et sociaux trou-
veront dans l’agenda des espaces com-
muns une plateforme ouverte qui leur
permettra d’identifier des besoins et de
rendre leurs initiatives visibles et faciles
d’accès.
La création d’activités par les habitants
du quartier sera encouragée ; elle contri-
buera à raccourcir les distances entre les
lieux de travail et les lieux d’habitation et
à faire émerger un réseau de proximité
qui animera le quartier.
D’infinis scénarios de réflexion et de pro-
duction de la ville sont imaginables. Si le
monde du Web et des technologies per-
met déjà leur lente émergence, leur mise
en place concrète suppose trois révolu-
tions majeures au sein des institutions.
Un, les services publics doivent accep-
ter de mettre à disposition du public les
informations dont ils disposent. Deux, le
processus de prise de décisions a besoin
d’être rendu visible et transparent tout au
long du projet. Trois, de nouveaux modè-
les économiques de construction doivent
être mis en place en s’inspirant des prati-
ques d’autopromotion.
Les logiques des spécialistes et des pro-
moteurs peinent à produire du lien social.
Depuis trois décennies, associations et
habitants dénoncent ces pratiques et font
évoluer la réflexion urbaine. Les nou-
velles technologies de communication
constituent un véritable arsenal qui amé-
129
liore leur capacité de communication. Des
jours difficiles s’annoncent donc pour les
lobbies de l’immobilier.
ALLER + LOIN
 
Autopromotion et coopératives d’habitation :
http://www.cohabitat.fr
Car-sharing pour parents, sites de voisinage, proximité :
http://beta.ruche.org
http://www.peuplade.fr/home/nHome.php
Services publics on-line :
https://connexion.mon.service-public.fr/
authent?spid=http://portail.msp.gouv.
fr&minlvl=1&mode=0&failure_id=0