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Le rite

Synopsis : Fils d’un croque-morts bien jovial, Michael Kovak fuit son destin de
thanatopracteur en s’inscrivant au séminaire. Il compte bientôt quitter la vocation où il s’était
lancé à reculons, mais son prof de théologie l’envoie se prouver sa foi incertaine à Rome, au
cours d’exorcisme du Vatican. De là on lui fait suivre le père Trevant, exorciste de talent aux
méthodes fantasques, avec qui il se verra prouver par la pratique que houlala, oui alors.

Oui, bon, pour le même prix on peut se payer le dernier Electric Wizard.

Voir un « inspiré de faits réels » sur la note d’intention d’un film fantastique, c’est aussi
mauvais signe que de trouver un logo LJN sur une cartouche de jeu NES. Quand c’est sur un
film à contexte religieux, là c’est carrément la tasse : le spectre de la propagande
bondieusarde plane toujours autour de l’innocent spectateur, et les préoccupations des plus
passéistes badernes ratzingeriennes s’exsudent le plus souvent du récit. Le Rite ne fait
malheureusement pas exception, comme le prouvent trois éléments pas tout à fait piqués au
hasard. Le contenu même des séances d’exorcismes voit ainsi toujours une sur-représentation
de cul démonstratif (limité au mime – habillé – et au langage, on reste PG13) comme élément
de choc censé horrifier le chaland. Alors oui, la lubricité est un élément incontournable des
satanismes, mais après Sade, Apollinaire ou Clive Barker, et à l’heure de la Rule 34*
accessible sur l’Internet à toute heure, se contenter de parler pipe, sodomie et viol pour
choquer Mémé c’est tout de même petit bras en termes de cul maléfique… Sans compter que
le héros ayant toiletté des morts pendant plusieurs années, et ayant aidé son père à embaumer
sa propre mère, y’avait un boulevard pour tout démon qui se respecte, pour balancer de la
vanne à base de nécrophilie et d’inceste. Pourquoi diable (hu hu hu) l’imaginaire de la
subversion sexuelle est-il aussi frustre, aussi peu élaboré, aussi bourgeois, chez les faiseurs de
films de possessions démoniaques ? Et surtout en 2011, rougit-on encore pour si peu?

Autre séquence qui loupe spectaculairement le coche, celle de l’extrême onction de la cycliste
accidentée, sous les yeux du gentil prof qui en parlera plus tard comme de la performance
scénique d’une rockstar… On jurerait voir, mais dans un premier degré un peu consternant,
les scènes de Team America où les persos se sortent des situations en jouant la comédie
« comme tu n’as jamais joué, petit! »… Ah c’est sûr, la liturgie du catholicisme décomplexé,
on entend nous la rendre hip et trendy, sexy même via le perso de la journaliste qui regarde le
jeune prêtre avec des grands yeux respectueux, tout en fondant pour lui, z’avez vu les enfants,
engagez-vous, toutes les gonzesses aiment l’uniforme. Le summum de ce discours peu subtil
est bien sûr atteint dans les deux derniers cartons, dignes d’un courtyard drama, nous éclairant
après l’exorcisme final sur le fait que les deux prêtres sont désormais de gentils et productifs
membres de la sainte église pour laquelle ils extirpent victorieusement de vilaines bestioles
staniques de gentilles adolescentes aux heures de bureau. C’est dire si on sort de la projo mal
à l’aise, avec le sentiment de s’être fait vaseliner l’entendement pendant une heure et demie.
On sera aussi circonspect face à un script qui cherche à nous faire croire à la réalité et au
danger des entités infernales, mais qui semblent n’avoir comme raison d’être que celle de
prouver l’existence de Dieu (et du bon, de préférence) aux clampins en crise de foi qui passent
à proximité. Rappelons que beaucoup de démons du panthéon de la chrétienté sont des
divinités antérieures à son existence, intégrés par celle-ci lorsqu’elle est devenue dominante
dans certaines régions, et que les cultes rendus par exemple à Baal sont encore considérés
dans certains pays comme des religions à part entière…

Le film en lui-même se suit pourtant avec un plaisir distrait, comme un bon vieux Hollywood
Night qu’on connait par coeur avant même de l’avoir vu. Y’a pas de quoi se les taper au sol,
mais on s’ennuie peu, comme Hafstrom nous y a habitué. La mise en scène est agréablement
classique, et même élégante par moments, les visions démoniaques, à défaut d’être originales
(l’âne aux yeux rouges dans la neige), sont joliment faites et évocatrices, et le tout est servi
par un cast solide, à défaut d’être très habité (à part Rutger Hauer mais ce type est d’une autre
planète de toutes façons). Mis à part une scène de pleurs désespérés où on entrevoit sa vieille
gloire, Hopkins est en revanche sur pilote automatique, c’est-à-dire qu’il cabotine en mode
Hannibal Lecter la plupart du temps, ce qui a certes le mérite d’être dans le ton, notamment au
troisième acte, mais commence quand même à être agaçant quand on sait le talent du
bonhomme. Quelques éléments d’imagerie sont amusants, comme les grenouilles ou les chats,
ou encore les clous ou l’importance de pousser l’entité à se nommer pour la combattre. A part
ça? Tout est soigneusement balisé, on est à l’abri de toute surprise importante : l’incrédule
oppose des théories psy aux arguments théologiques, un premier exorcisme s’avère être un
échec, le dernier déchaîne des phénomènes indiscutables, etc, etc. Hé les mecs, tout ça c’est
bel et bon, mais l’Exorciste, c’était y’a bientôt 40 berges.
Au final, un film pas enthousiasmant mais pas désagréable, sympathique tout au plus,
qui ne sera à voir que si on est mort de faim niveau imaginaire traditionaliste, et si on ne
s’énerve pas trop face à son discours ronge-tête, sous-jacent mais bien présent dans un
filigrane très très marqué. Il marque néanmoins, si besoin était (putain, Last
Exorcism…), que la possession démoniaque est un beau sujet, mais qu’il est urgent
d’arrêter de la traiter à la Papa.

*If it exists, there’s porn of it.

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