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es chiffres de l’évolution de la consommation raccor- C. Degrez : ‘‘Le partenariat est aussi au cœur de notre stratégie.
dée au réseau Elia (le réseau de transport de l’électri- Nous l’envisageons sur la base d’un modèle de production du-
cité à haute tension) montrent que, depuis la crise éco- rable et décentralisée. Au plus proche du client, sur le site même
nomique, la consommation des grandes industries baisse. de l’entreprise, à partir des sources d’énergie renouvelable. Cela
Mais, dans le même temps, les installations d’autoproduction permet d’optimaliser la facture énergétique tout en étant plus
se multiplient. L’autoproduction est-elle devenue une ten- éco-efficace. Il y a effectivement une double tendance à plus
dance significative chez les industriels ? d’efficacité énergétique et plus d’autoproduction.’’
P. Claes : ‘‘Depuis la libéralisation, beaucoup d’entreprises ont
réexaminé leur décision ‘make or buy’ et ont L. Sterckx : ‘‘L’essentiel, dans ces formes de partenariat, c’est
investi dans leur propre capacité de produc- de faire preuve de confiance et de respect mutuel. Notre sec-
tion. Cette tendance à la production décen- teur est sous le feu des projecteurs. La méfiance ne s’effacera
tralisée est notamment induite par la sortie que si nous travaillons ensemble, de façon transparente. Il ne
faut par ailleurs pas oublier que, dans le cas d’une
‘‘
production décentralisée, il faut toujours prévoir un
Depuis la libéralisation, beaucoup système de back-up (ndlr. : via des unités de pro-
d’entreprises ont réexaminé leur duction centralisées) au cas où l’installation ferait
décision ‘make or buy’” Peter Claes (Febeliec) défaut. En ce sens également, il est nécessaire de
construire une bonne et étroite collaboration entre
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producteurs et industriels.‘‘
annoncée du nucléaire – le catalyseur par ex-
cellence de la production centralisée –, et par En autoproduction, interviennent les coûts d’investisse-
la stimulation de la cogénération et des énergies renouvelables.‘‘ ment, les coûts opérationnels, les coûts pour garantir la
sécurité d’approvisionnement, etc. Au niveau de l’analyse
S. Dutordoir : ’’Sans oublier l’aspiration à des coûts de réseau coûts/bénéfices, cette option est-elle au final plus intéres-
de transport et de distribution plus bas. En fait, la tendance est sante que de s’approvisionner sur le marché ?
surtout aux partenariats entre producteurs et consommateurs. P. Claes : ‘‘Parle-t-on ici du coût de l’électricité produite par
Afin de répartir les risques d’investissement et d’opérer dans un une centrale gaz vapeur ou par une centrale nucléaire amor-
cadre plus stable. Cela peut prendre la forme d’un consortium tie ? … Une entreprise qui décide d’investir dans une instal-
de co-investissement, d’un échange de technologie ou encore lation d’autoproduction y voit certainement un avantage éco-
d’une cogénération. Une formule particulièrement intéressante nomique. Dans quelle technologie une entreprise peut-elle
car elle peut s’intégrer au processus industriel du client.’’ investir ? Le nucléaire est exclu vu le moratoire, les centrales
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peuvent aussi intervenir : être indépendant, des questions en suspens. L’origine du bois par exemple.
vouloir vendre son propre courant au marché, Il ne peut être question de couper les ailes à l’industrie
du bois et du papier en la privant de ses sources d’appro-
etc. Cela peut parfois revenir beaucoup plus cher à court terme, au
vu notamment des investissements nécessaires, mais être plus inté-
ressant à long terme. Tout dépend de la stratégie et des objectifs
de l’entreprise.‘‘
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ê masse. Or, la rentabilité de telles installations dépend de ces cer- P. Claes : ‘‘Consortium ou autoproduction ? Chaque entreprise
tificats. C’est pourquoi je plaide pour un cadre régulatoire stable, doit faire ce choix en fonction de ses propres besoins et en te-
qui permette aux investisseurs de savoir ce qu’ils font quand ils nant notamment compte des facteurs prix et sécurité d’appro-
décident d’investir dans l’énergie renouvelable.‘‘ visionnement.‘‘
C. Degrez : ‘‘Je rejoins totalement Sophie Vu le niveau des prix, ce modèle d’association pourrait-il
Dutordoir en ce qui concerne le cadre régu- aussi se développer parmi les entreprises plus petites ?
latoire. Et je voudrais ajouter que nous ne C. Degrez : ‘‘Il y a de nombreux parcs industriels européens or-
sommes pas convaincus que les tentatives ganisés sur la base de ce modèle, beaucoup mieux que ce que
du gouvernement flamand de changer le nous connaissons en Belgique. Oui, on observe une demande
système, de manière non segmentée, soit la croissante de plus petites entreprises et industries pour s’asso-
façon la plus judicieuse de procéder.‘‘ cier dans une entité de production qui puisse fonctionner en
jouant sur la combinaison de leurs processus industriels.‘‘
L. Sterckx : ‘‘La biomasse sera certainement
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une partie de la solution. Mais n’en sous- L. Sterckx : ‘‘C’est une question d’optimalisation. La création
estimez pas la logistique, en comparaison d’un consortium d’achats génère aussi des coûts. Le tout est de
trouver le juste équilibre entre avantages et inconvénients. En
quand ils décident d’investir dans l’énergie Qu’en est-il de la part de l’énergie que vous produisez, mais
renouvelable” Sophie Dutordoir (Electrabel) ne consommez pas vous-même ? Les smart grids* rendent
plus flexibles l’approvisionnement et la consommation en
avec une centrale nucléaire ou une centrale classique. Quant énergie. Est-ce pour une entreprise – ou un groupe d’entre-
aux questions éthiques sur l’origine des matières premières, il prises – une solution technique rentable ?
ne peut être question de toucher à la chaîne alimentaire de base G. Peeters : ‘‘Nous nous préparons aux smart grids. Il y a deux
pour produire de l’énergie.‘‘ ans, des investissements en ce sens ont été réalisés sur le réseau
de moyenne tension. Nous nous posons cependant la question
P. Claes : ‘‘Tous les États européens affirment qu’ils atteindront du poids de ces investissements sur les tarifs de distribution ê
les objectifs de 2020 en grande par-
tie via la biomasse. Tous disent qu’ils
l’importeront massivement. Personne
n’exportera. Cela promet une belle
bataille… Cela étant, je rejoins ce qui a
Les PME misent sur l’efficacité
été dit auparavant : nous avons besoin énergétique
d’un cadre clair en ce qui concernerne
la stimulation du renouvelable.‘‘ Changer de fournisseur
Ch quents.’’ Toute proportion gardée cepen-
n’étant pas une solution
n dant. Car s’il est vrai que de plus en plus
pour faire baisser leur d’entreprises s’intéressent aux possibilités
Pour un gros industriel, adhé-
facture énergétique, de produire elles-mêmes leur électricité via
rer à un consortium de type
c’est sur la diminution les panneaux photovoltaïques surtout, ‘‘on
Bluesky est-il plus intéressant de leur consommation
d ne doit pas surestimer ce type d’initiatives.
que de produire lui-même ? que les PME doivent jouer.
qu Cela continuera à représenter une partie
S. Dutordoir : ‘‘Bluesky est un grou-u- ‘‘Le kilowatt
ki non utilisé est le très limitée de la consommation totale des
pe de sept entreprises qui, avec Elec- kilowatt le moins cher. Ces dernières PME en énergie.’’
trabel, vont co-investir dans un parc de années, nous avons beaucoup investi dans
la sensibilisation des chefs d’entreprise à Qu’en est-il des achats groupés ?
production mixte associant nucléaire,
l’utilisation rationnelle de l’énergie et/ou à ‘‘Ce n’est certainement pas une tendance
gaz et charbon. Si, après cinq ans de
la consommation d’énergie renouvelable’’, significative et UNIZO ne prend pas d’ini-
négociations, nous sommes parvenus déclare Michel Van Gorp, conseiller tiatives sur ce plan. Il arrive que des chefs
à un accord, c’est parce que chacune Énergie chez UNIZO. ‘‘L’accent y est mis d’entreprise se mettent ensemble autour
des parties y a un intérêt. Les industriels sur une série de petites initiatives, pas for- de la table ou s’inscrivent dans un système
voient dans ce consortium un accès à cément très coûteuses, mais qui peuvent qui a été développé par une instance
des capacités de production à des coûts avoir des effets rapides sur la facture.’’ Tout extérieure – comme dans le cas de l’action
ce qui concerne le système d’éclairage par lancée par la POM (Provinciale Ontwikke-
et à des prix qui leur offrent de nouvelles
exemple. ‘‘Constater les gains obtenus lingsmaatschapij) en Flandre occidenta-
perspectives. L’accord doit encore être
grâce à ces initiatives est un premier pas le –, mais ce sont des initiatives plutôt
soumis aux autorités de la concurrence. vers des investissements plus consé- exceptionnelles.’’ FD
Nous espérons pouvoir conclure d’ici la
fin mai, début juin 2011.‘‘
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La biomasse ? Un beau potentiel compte dans le travail des producteurs. La demande se fait de
p
pour atteindre les objectifs
européens sur le renouve- plus en plus spécifique et nous devrons donc l’intégrer via les
lable, mais qui pose des compteurs intelligents (enclencher la machine à laver ou non,
questions éthiques
charger la voiture ou non, etc.). Nous devrons développer un
nouveau modèle économique intégrant ces deux aspects. Tout
en continuant à veiller à ce que la lumière ne s’éteigne jamais.
ê dans les années à venir. Sur papier, tout est possible, mais dans les faits, cela doit être
En Flandre, le soutien à tenable techniquement et économiquement.’’
la production décentralisée
est financé via des obligations P. Claes : ’’J’ai le sentiment que nos au-
de ser
service public reprises dans torités financent à tout va chaque idée
les tarifs de distribution. Dans un dé- lancée en faveur du climat. Je n’ai rien
bat sur les tarifs et leur tenabilité financière pour les clients, nous ris- contre une politique du climat, mais je
quons que les investissements nécessaires à la réali-
sation de la production décentralisée soient remis en
question. Sans ces investissements, les objectifs en ‘‘ Nous devons développer un nouveau
modèle économique intégrant gestion
matière de climat ne peuvent cependant être atteints.
Or, l’investissement dans
de l’approvisionnement et gestion de
la demande” Luc Sterckx (SPE-Luminus)
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une production décen-
tralisée est tout aussi es-
sentiel que d’atteindre les objectifs de pense que l’on peut opérer une certaine
2020. L’un ne va pas sans l’autre.’’ rationalisation. Les smart grids peuvent contribuer à diminuer
nos émissions de CO2. Mais est-ce que ces investissements gi-
L. Sterckx : ’’C’est tout le modèle qui gantesques sont l’option la plus intéressante pour atteindre cet
est en train de changer. Dans le passé, objectif ? Rationaliser s’impose si nous voulons éviter de nous
c’était assez simple. Vous aviez une retrouver dans des situations très coûteuses.’’
© D. Rys
© D. Rys
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la suite de la libéralisation, les acteurs challengers Je tiens par ailleurs à souligner que le marché de référence dans
peuvent-ils aujourd’hui offrir un prix intéressant aux lequel nous sommes tous actifs n’est plus la Belgique, mais bien
entreprises, tout en leur garantissant une sécurité l’Europe du Nord-Ouest. Le Benelux, la France et l’Allemagne
d’approvisionnement optimale ? sont interconnectés. Les prix convergent dans ces cinq pays.
C. Degrez : ’’Quelle libéralisation ? Tant que la production sera C’est à la lumière de ce marché qu’il faut envisager la libérali-
entre les mains d’un duopole, vous n’aurez pas une réelle libé- sation. 10 à 15 grands acteurs y sont actifs. La part de marché
ralisation du marché de l’énergie. La sécurité d’approvisionne- d’Electrabel y est de 8%, celle de SPE de 35% via EDF, et les
ment, cela signifie concrètement qu’il faudra toujours avoir une Allemands RWE/E.ON en détiennent 10%.’’
certaine production centralisée pour garantir cette continuité. Il
faudrait une politique conséquente, cohérente et transparente P. Claes: ’’J’admire l’enthousiasme avec lequel vous défendez
qui fasse en sorte que chacun puisse se battre avec les mêmes votre position. Le marché de référence pour un gros consomma-
armes. Car aujourd’hui, c’est loin d’être simple pour un petit teur n’est pas aujourd’hui l’Europe du Nord-Ouest, mais la Bel-
acteur qui souhaite aborder le marché selon un modèle inté- gique. Regardez les rapports annuels de la Creg, la Commission
gré verticalement, comme le fait Eneco. Nous demandons au de régulation de l’électricité et du gaz naturel. Ces quatre der-
nières années, aucun des 70 sites raccordés au réseau de trans-
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P. Claes : ’’Et pourquoi est-ce qu’EDF offre P. Claes : ’’On peut en dis-
des prix différents à ses clients belges et cuter des heures, mais il n’y
français ? Pourquoi offrez-vous un prix diffé- a toujours pas de conver-
rent à un client français ou allemand qu’à un gence totale. Et ces petites différences con-
client belge ?’’ tinuent à avoir de l’importance. Les marchés ne sont pas unifiés.
Nous avons un couplage des marchés, mais pas d’intégration
S. Dutordoir : ’’Nous offrons à tous nos clients des prix basés sur des marchés. Et c’est la première des raisons pour laquelle
les prix du marché.’’ nous sommes insatisfaits. Nous voulons pouvoir demander une
offre de prix sans devoir dire où cette électricité est destinée.
P. Claes : ’’Quel prix du marché ? Les prix forward de ce pays ? Par ailleurs, en tant que nouvel acteur, vous pouvez peut-être
(ndlr. : les prix forward sont les prix établis, notamment sur les construire une nouvelle centrale nucléaire, mais vous ne pou- ê
Le mix énergétique : quelle visibilité à En attendant des prises de position fermes quant pointe intervenant en capacités de
long terme ? au nucléaire, Paul Magnette entend assurer une réserve peuvent être considérées
Pourquoi avoir décidé de prolonger la durée certaine visibilité de long terme pour le secteur comme un service public. ‘‘Elles sont
de vie des trois premiers réacteurs nucléaires en établissant une évaluation annuelle du mix en effet nécessaires à l’équilibre du
jusque 2025, mais ne pas avoir pris de décision énergétique, en plus des études prospectives réseau et tous les opérateurs en ont
sur l’après et sur les autres réacteurs ? ‘‘C’était qui ont lieu à ce sujet tous les cinq ans.
trop tôt pour prendre ce type de décision. ‘‘Tous les ans, on examinerait où on en est
Je préférais attendre que l’on ait une vision
globale du mix énergétique européen à long
terme. Les discussions sur cette Roadmap
au niveau de la courbe de la demande, de
l’efficacité énergétique, de la situation de
notre parc de production, de la part de
‘‘ Il faut un marché libre quand il
fonctionnera. En attendant, il faut le
européenne 2050 commencent actuellement l’énergie renouvelable dans ce parc et des réguler”
sous la Présidence hongroise. En fonction de investissements qui y seraient faits l’année
ce plan, la Belgique se dotera de sa propre suivante. Cela nous permettrait d’établir
Roadmap 2050.’’ Le ministre relève en outre les clairement le gap de production à combler et de besoin. Que ce soit un des opérateurs
problèmes de concurrence que ces décisions lancer des appels d’offres pour ces mégawatts, qui détienne cette capacité de pointe
entraînent. ‘‘Prolonger trois réacteurs équiva- en choisissant de préciser ou non la source de fausse les conditions de concurrence.’’
lents à 2.000 MW en maintenant les droits des cette production.’’ Le ministre tient à préciser que C’est pourquoi, dans l’avant-projet de
propriétaires de ces réacteurs ne changeait le ‘‘relatif manque de visibilité’’ n’est pas seule- loi qui contient également la décision
pas fondamentalement les conditions de la ment le fait de ‘‘décisions endogènes belges’’. Il de prolonger les trois premiers réacteurs
concurrence. Par contre, prolonger de 20 ans cite par exemple le cas du consortium Bluesky. nucléaires jusque 2025, il propose
l’ensemble des réacteurs au bénéfice des ‘‘Un des facteurs qui a ralenti la construction de de créer des opérateurs publics qui
propriétaires actuels, revenait d’une certaine ce consortium entre sept gros consommateurs et géreraient ces capacités de réserve, ou
manière à fermer le marché et à le fermer Electrabel était l’incertitude que laisse planer la de les nationaliser, ou au minimum d’en
pour longtemps. Le cas échéant, si les autres Commission européenne sur son acceptation.’’ réguler les tarifs. ‘‘C’est dans l’intérêt du
réacteurs devaient être prolongés, il faudrait marché belge, de la concurrence et du
débattre des conditions dans lesquelles cela Des capacités de réserve centralisées ? consommateur.’’
devrait s’opérer pour stimuler la concurrence.’’ Paul Magnette estime que les capacités de FD
ê vez pas construire une centrale nucléaire amortie. Cet avantage guler. Mais il faut mener la libéralisation à son terme, en prenant
reste toujours entre les mains d’Electrabel. Ce n’est pas un re- des mesures transitoires. Les questions de balancing et de back-
proche. Je veux seulement dire que c’est au politique de dé- up continuent à constituer un obstacle aux investissements en
cider si oui ou non nous consolidons cet avantage auprès des Belgique. C’est pour des raisons historiques que les capacités
producteurs historiques. Les coûts ont été répartis, pas les bé- de balancing et de back-up sont chez qui elles sont. (Ndlr. : les
néfices. Si nous avons pu, en tant que consommateur, contribuer capacités supplémentaires nécessaires pour rééquilibrer l’offre
à accélérer l’amortissement de ces centrales, il est logique que et la demande sur le réseau et les capacités supplémentaires
nous voulions aussi récupérer l’avantage accordé à Electrabel.’’
P. Claes : ’’Mais avec des garanties sur le rendement !’’ Il y a aussi une forte concentration dans le secteur bancaire.
Pourrait-on imaginer de transposer le principe d’une banque
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u vu de l’exonération sur la cotisa-
tion fédérale* dont bénéficient les
L’opinion du ministre Magnette
entreprises qui ont des contrats Les certificats verts doivent être réévalués, sans
verts et au vu de l’augmentation du nom-
bre de ces contrats verts, le système de
mettre en péril les plans d’investissements
prélèvements fédéraux arrive à bout de
souffle. Les entreprises doivent-elless Le m
ministre du Climat et de l’Énergie, Paul Magnette, reconnaît que le système
actuel régissant la cotisation fédérale n’a plus de raison d’être et propose de
ac
craindre que l’exonération tombe,
ssupprimer progressivement le principe d’exonération à la cotisation prévu
avec les conséquences que cela pour- pour les entreprises ayant des contrats d’approvisionnement ‘verts’. Avec
p
rait avoir sur leur compétitivité ? quel impact pour les entreprises ? ‘‘C’est une mesure neutre. Celles qui
q
P. Claes : ’’Le système est effective- aauront profité du système peuvent se poser la question. Mais, il y a toutes les
ment en train de s’enliser. Mais il faut autres,
au qui n’en ont pas profité et qui, jusqu’ici, payaient le surcoût.’’
envisager cette question dans un cadre e
plus large. Il faut débattre de ce que l’on veut
exactement financer avec les contributions
des consommateurs d’électricité. Doit-on par
exemple continuer à financer une partie de la politique sociale et L. Sterckx : ’’Les autorités comme l’industrie ont ici intérêt à dis-
environnementale via ce vecteur ? Quand ces questions auront été poser d’une bonne politique qui soit stable. Trois éléments doi-
tranchées, il faudra réfléchir à un système de financement stable, vent entrer en ligne de compte. La sécurité d’approvisionnement
qui n’entraîne pas de surcoûts insupportables pour certains. Je – en d’autres mots, veiller à ce qu’il y ait toujours assez de produc-
pense ici à l’anomalie du plafond en vertu duquel certaines entre- tion –, l’optimum économique – atteindre les objectifs écolo-
prises doivent s’acquitter d’une cotisation fédérale de 750.000 EUR giques est une bonne chose, mais l’argent doit être dépensé de
alors que si elles consommaient 1.000 MWh de plus par an, elles manière optimale –, et le respect des obligations environnemen-
bénéficieraient du plafond de 250.000 EUR fixé par la loi.’’ tales. Ces trois aspects doivent être combinés dans une politique
à long terme. Ce qu’aujourd’hui, nous n’avons pas tout à fait.’’
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Afin de réduire le coût global du mécanisme second projet industriel le plus important du des mécanismes d’aide par les Régions.’’ Des
des certificats verts, Paul Magnette propose pays, après l’extension du port d’Anvers.’’ Régions dont il souhaiterait, pour plus de
notamment de soumettre ce mécanisme à cohérence, qu’elles reçoivent la masse fiscale
une évaluation régulière par la Creg, en fonc- Glissement vers les Régions équivalente aux mesures existantes de sou-
tion des conditions d’exploitation propres à Interpellé par les participants au débat sur tien aux économies d’énergie et aux énergies
chaque parc éolien, et notamment offshore. la nécessité d’un cadre régulatoire stable renouvelables. Ce pan de la fiscalité dépend
‘‘Afin d’éviter que ne se forment des windfall pour le secteur du renouvelable, le ministre en effet à 100% des orientations prises par les
profits autour de ces parcs. Ceci, j’insiste, renvoie la balle aux Régions. ‘‘Le Plan d’action Régions. Dans le même ordre d’idée, les tarifs
sans mettre en péril la capacité à s’alimenter national sur les énergies renouvelables offre de distribution seraient eux aussi régionali-
financièrement de ces projets dont les plans une vision claire sur les objectifs à atteindre, sés. ‘‘Ces tarifs dépendent de décisions qui
d’investissements ont été établis sur la base dans quels délais et via quelles filières. Les sont prises par les Régions. Cela aurait plus
d’un niveau connu de certificats verts. Les seules questions qui restent ouvertes pour les de sens qu’ils soient fixés par les régulateurs
parcs éoliens en mer du Nord constituent le producteurs, ce sont les révisions éventuelles régionaux plutôt que par la Creg.’’ FD
G. Peeters : ’’J’ai des chiffres détaillés uniquement pour ce qui G. Peeters : ’’Je plaide personnellement fortement pour que nous
concerne le réseau géré par Eandis, soit environ 80% du réseau devenions une entreprise publique mixte, avec la participation de
de distribution en Flandre. Pour l’année 2010, les installations capitaux privés. Cela permettrait par exemple de trancher la ques-
photovoltaïques ont coûté 115 millions EUR en subsides. Ces sub- tion de l’indemnisation conforme au marché. Nous verrons bien,
sides devront être payés chaque année pendant 20 ans. Si l’on qui, suivant les conditions imposées par le régulateur, aura envie
extrapole à 2013, on obtient une estimation de 232 millions EUR d’investir. Je suis également convaincu qu’une participation du
et 237 millions EUR en 2017. En ce qui concerne l’éolien offshore, privé conduirait à une gestion de meilleure qualité. Mais je trouve
on estime que les mesures de soutien inacceptable que l’on laisse constamment entendre
qui seront comptabilisées via les tarifs que le secteur de la distribution serait mal géré. Se-
Elia seront de 124 millions EUR en 2013 lon les normes de la Creg, nous scorons mieux que
et de 213 millions EUR en 2017. Si l’on ce que le législateur a prévu. Ce reproche nous est
additionne ces deux mesures de sou- souvent adressé lorsqu’il s’agit de prendre ses res-
tien au solaire (sur le territoire Eandis en ponsabilités quant aux coûts. Mais soyons cohé-
Flandre) et à l’éolien offshore, on obtient rents, quand on exécute via les tarifs une politique,
la somme de 350 millions EUR par an en en l’occurrence atteindre les objectifs environne-
2013 et de 450 millions EUR en 2017. La mentaux de 2020, on doit coupler la responsabi-
part de ces subsides dans notre coût to- lité des tarifs à l’autorité en charge de cette po-
tal de distribution est de 8%. En 2013, litique. Actuellement, le fédéral est responsable
ce sera 20%. On le voit, il est temps de pour les tarifs (ndlr. : les tarifs de transport et de
prendre une décision sur l’avenir de ces distribution sont approuvés pour une période de
politiques de soutien. (Ndlr : vous pouvez 4 ans par la Creg, l’autorité fédérale de régulation
lire à ce sujet la réaction des Régions res- des marchés de l’électricité et du gaz naturel en
ponsables de ces politiques p. 38)’’ Belgique), le régional pour la politique de distri-
bution et les autorités locales pour l’exécution...’’
Les intercommunales de distribution sont souvent pointées du
doigt comme étant un levier pour les communes pour récupé- P. Claes : ’’Une dernière question à ce sujet : pourquoi est-ce
rer les revenus perdus du fait de la libéralisation … qu’en Belgique, ce sont seulement les consommateurs qui paient
G. Peeters : ’’Ce débat est derrière nous. La question n’est plus les tarifs ? Pourquoi est-ce que ceux qui sont à l’autre bout de la
aujourd’hui la compensation en tant que telle, mais le souhait chaîne, les producteurs, ne sont pas aussi mis à contribution ? Il
des communes d’être dédommagées de manière conforme au existe des pays où une partie des coûts de réseau sont répercutés
marché pour les investissements réalisés dans le réseau. Selon les sur les producteurs plutôt que sur les consommateurs.’’ l
règles qui ont été décrétées par la Creg.’’
Propos recueillis par FD et JVP
P. Claes : ’’D’accord, mais qui détermine ce qui est conforme au *Une cotisation fédérale est prélevée chez les clients finals pour finan-
marché et qui détermine l’indemnisation. Le politique est ici juge cer certaines obligations de service public et les coûts lies à la régula-
et partie.’’ tion et au contrôle du marché de l’électricité.
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Le coût du renouvelable
Q
uel sera l’impact du coût des politiques de soutien à taillée du système de soutien commence en ce mois de mars. Le
l’énergie renouvelable – notamment des certificats système de certificats doit-il subsister ou devons-nous, à l’image
verts – sur les consommateurs et en particulier sur d’autres pays, nous diriger vers un feed-in tarriff (tarif de rachat) ?
les entreprises ? Comment faire concorder au mieux les subsides aux besoins réels
Région flamande : ‘‘Selon la VREG (le régulateur flamand des du marché, sans affecter la sécurité des investissements ? Ce sont
marchés de l’électricité et du gaz), en 2010, les certificats verts ont des questions qui seront examinées à la lumière de notre volonté
eu un impact de 148 millions EUR sur les tarifs de distribution. Ce de soutenir au mieux le renouvelable, à un coût qui soit accep-
qui représente environ 12,5% du coût total de distribution. Il est table pour la société.’’
difficile d’évaluer comment ce coût va évoluer, car les règles rela-
tives à ce système viennent d’être adaptées.’’ Région bruxelloise : ‘‘Des changements législatifs sont actuelle-
ment en cours, afin de permettre aux entreprises de transformer le
Région bruxelloise : ‘‘Contrairement à la Région flamande, le coût lié à la consommation d’énergie – intégrant le surcoût lié à la
coût du soutien à la production d’électricité verte n’est pas repris ‘cotisation énergie verte‘ – en un gain lié à la production d’électri-
dans les tarifs de distribution. Ce sont les fournisseurs qui réper- cité verte via l’obtention des certificats verts. Il faut également sou-
cutent ce coût, appelé ‘cotisation énergie verte’, dans le tarif de ligner que les coûts liés au soutien de la production d’énergie re-
fourniture. Cette différence est cruciale, car ce coût peut dès lors nouvelable ne sont pas destinés à croître de façon exponentielle.
faire l’objet d’une négociation entre fournisseurs et clients indus- Le soutien qui leur est accordé constitue une mesure transitoire
triels ; ce qui n’est pas possible si c’est intégré dans le tarif de visant à favoriser le développement de technologies présentant
distribution. Ce coût est directement proportionnel au quota de un intérêt évident d’un point de vue économique (réduction de
certificats verts imposés aux fournisseurs (3% en 2011; 3,25% en la dépendance énergétique, en particulier vis-à-vis des sources
2012) et au coût d’un certificat vert.’’ d’énergie fossiles) et environnemental. Ce soutien est appelé à
diminuer avec la maturation des technologies.’’
Région wallonne : ‘‘En Wallonie non plus, les certificats verts n’ont
pas d’impact sur les coûts de distribution de l’électricité. Ce sont Région wallonne : ‘‘Nous disposons principalement de deux
les fournisseurs d’électricité qui imputent leurs achats de certificats mécanismes pour limiter le coût des certificats verts pour les en-
verts sur les consommateurs industriels et résidentiels. Nous consi- treprises. Les entreprises qui sont engagées dans une démarche
dérons le développement des énergies renouvelables comme un d’accord de branche – visant à améliorer leur efficience énergé-
investissement, et non comme un coût, pour les consommateurs. tique et leurs émissions spécifiques de CO2 – bénéficient d’une ré-
Il en va de notre indépendance énergétique et de notre approvi- duction de quotas de certificats verts en fonction de leur niveau de
sionnement énergétique à prix relativement stable. Ce dévelop- consommation. En outre, les entreprises qui assurent elles-mêmes
pement permet par ailleurs l’émergence de nouveaux acteurs sur leur fourniture (autoproduction) ne sont pas soumises à l’obliga-
le marché de l’énergie, ce qui peut influencer le prix à la baisse.’’ tion de quotas de certificats verts pour la majeure partie de leur
consommation d’électricité. Seule l’électricité consommée
Quelle est l’approche adoptée par la Région pour endiguer ayant transité par le réseau est en effet soumise à des quo-
ces coûts ? tas. Par ailleurs, plusieurs pistes sont aujourd’hui envisagées
Région flamande : ‘‘Nous sommes conscients de l’impact des pour revoir le mécanisme des certificats verts afin d’en amé-
certificats verts sur les tarifs, mais souhaitons continuer à soutenir liorer l’efficacité.’’ l FD
l’électricité verte. Cet équilibre à trouver a d’ailleurs été au cœur
des discussions lors de l’adaptation de ce système en décembre
dernier. Les panneaux solaires par exemple seront dorénavant
moins soutenus. Cette technologie a en effet mûri et est deve-
nue moins onéreuse. D’autres technologies par contre verront leur
aide augmenter un peu. Dans le même temps, une évaluation dé-
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‘‘L’
Union européenne et la Russie sont dans des relations zière. Des scénarios qui prévoient à l’horizon 2030, 100 milliards de
d’interdépendance, et non de dépendance’’, déclare m3 de différence pour la demande gazière de l’Union européenne.’’
d’emblée Catherine Locatelli, chargée de recherche Un élément qui explique la politique attentiste aujourd’hui adoptée
CNRS à l’Institut d’économie et de politique de l’énergie à Gre- par la Russie en ce qui concerne sa stratégie d’investissements dans
noble. ‘’Certes, l’Union dépend de la Russie p p
pour son ap- pp
le développement de ses gisements gaziers et sa volonté
provisionnement gazier, mais elle représente e dans de voir ssignés des contrats d’approvisionnement à
le même temps 70% des exportations gazières ères long tterme avec l’Europe, avant de se lancer dans
russes.’’ Le marché interne russe ayant dess des investissements. Pour Catherine Locatelli,
prix régulés relativement bas, c’est donc à ce
cela montre bien que Gazprom commence à
l’exportation, sur le marché européen, que sse comporter comme une entreprise ‘clas-
Gazprom, le géant gazier russe, peut assu- sique’, qui fait des calculs de rentabilité. ‘’Ce
rer sa rentabilité. qui a changé dans la relation gazière entre
Le développement de la Chine et d’autres l’Union européenne et la Russie, par rap-
pays asiatiques pourrait-il changer la port à l’époque de l’Union Soviétique, c’est
donne ? La chercheuse se montre réser- l’émergence d’acteurs industriels russes.
vée. ‘’La diversification de Gazprom vers G
Gazprom est un acteur certes détenu à 51%
l’Asie ne peut être qu’une diversification de e pa
par l’État, mais qui a une stratégie industrielle.’’
moyen, voire de long terme. Car actuellement, nt,
nexis-
les infrastructures – les gazoducs – sont inexis- Face à cette situation, voyant la Russie freiner ses
éveloppés
tantes. Les gisements gaziers sont très peu développés investisseme
investissements dans ses gisements gaziers, l’Union eu-
sur la Sibérie orientale, qui constituerait la zone d’exportation ropéenne se pose légitimement la question de la production fu-
vers l’Asie. Et enfin, il y a un désaccord entre la Chine et la Russie ture gazière de la Russie. ‘’Cette question s’est cependant un peu
sur les formules d’indexation des contrats de gaz à long terme.’’ amoindrie ces deux dernières années, car nous sommes dans une
Et de préciser que, même si le gazoduc prévu vers la Chine d’ici à situation de surplus gazier important sur le marché européen.’’ Mais,
2015 voyait le jour, ces exportations représenteraient 30 milliards poursuit-elle, ‘’on peut imaginer que les événements du Japon et
de m3 par an, alors que les exportations vers l’UE sont de l’ordre une révision des politiques nucléaires dans les pays européens pou
de 140 milliards de m3 par an. rraient quelque peu faire évoluer la situation. Car, dans un premier
temps, l’alternative au nucléaire, c’est le gaz.’’ l
L’impact de la feuille de route ‘climat’ FD
Fin des années 2000, l’Union européenne a fait face à
des périodes d’interruption de l’approvisionnement
en gaz russe dues notamment aux relations entre
la Russie et deux pays de transit : l’Ukraine et le Bé- South Stream, Nabucco ?
larus. Outre des facteurs liés aux contrats de long
Les dernières crises gazières entre la Russie et l’Ukraine et le Bélarus ont menacé
terme russes, ces enjeux de transit sont à l’origine de
l’approvisionnement gazier européen. Afin de diversifier les sources d’approvision-
l’émergence des questions de risques quant à la sé-
nement énergétique de l’Europe, les projets Nabucco et South Stream ont vu le
curité d’approvisionnement du côté européen. jour. Tous deux évitent l’Ukraine. En concurrence directe, leur avancement piétine.
Nabucco est un projet de gazoduc, soutenu par l’Union européenne, visant à relier
Mais du coté russe aussi, on s’inquiète de ces ques- la Caspienne à l’Europe centrale en passant par la Turquie. Il aurait une capacité
tions. La Russie estime en effet que la politique de 31 milliards de m3 de gaz. Un approvisionnement depuis l’Azerbaïdjan est en
énergétique et climatique de l’Union européenne cours de discussion.
South Stream est un projet de gazoduc devant relier la Russie à l’Europe occiden-
entraîne pour elle une incertitude quant à la sécurité
tale, en passant sous la mer Noire. Ce projet porté par Gazprom et l’italien ENI
de la demande gazière européenne. ‘’Cette politique
aurait une capacité de 63 milliards de m3 de gaz par an.
donne lieu à différents scénarios de la demande ga-
40 • AVRIL 2011