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A noter avant toute chose, les positions quelque peu étranges du député François-Michel
Gonnot (UMP), co-rapporteur de la mission parlementaire sur les gaz de schiste. Celui-ci
ne s'est en effet pas privé de venter l'expertise française en matière de fracturation
hydraulique, « utilisée sur le sol français depuis de décennies ». Il a également insisté sur
le fait qu'il était « nécessaire de forer, c'est-à-dire de faire de l'exploration » afin d'évaluer
la potentialité des ressources, concluant: « à la lumière d’une aube nouvelle, une fois que
les deux missions auront remis leur rapport, je pense que l’intelligence reprendra le
dessus ».
Martine Billard s'est empressée de demander la démission du député UMP de son rôle de
rapporteur de la mission parlementaire, du fait notamment de son manque d'impartiallité.
« Nous sommes face à une catastrophe potentielle que nous pouvons prévenir au lier de
tenter de pallier ses effets» s'est empressé de dire Yves Cochet (EELV).
Pour Martine Billard, « La technique de fracturation hydraulique implique des quantités
inouïes de produits chimiques déversés dans les sols qui viennent polluer les nappes
d’eau souterraine et, par contamination, l’eau du robinet. Près de 600 composés peuvent
être retrouvés dont certains son cancérigènes, d’autres mutagènes, reprotoxiques ou
même radioactifs. Beaucoup d’autres points posent des problèmes : les quantités d’eau
nécessaires pour chaque fragmentation, soit plus de 15 millions de litres ; les allers-
retours incessants des camions nécessaires au transport, avec leurs conséquences en
termes d’émissions de CO2 ; la destruction définitive du paysage par la création de puits
tous les deux cents mètres ; les conséquences géologiques à long terme des fracturations
artificielles des sols ».
Nombre d'intervenants, à l'image d'Yves Cochet, ont dénoncé "l'opacité qui a entouré les
procédures d'attribution des permis de recherche (...), et l'absence de procédure de
ratification par le Parlement de l'ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la
partie législative du code minier ».
On retrouve ici les deux principaux arguments ayant permis à Geneviève Gaillard de
qualifier la gestion de ce dossier par le gouvernement de "crime de lèse-démocratie",
celle-ci regrettant "une dénonciation du pacte moral avec les générations futures".
« Des permis d’exploration ont été délivrés, quoi qu’on en dise, en catimini par le
Gouvernement, par M. Borloo en l’occurrence, sans aucune concertation ni même une
simple information des populations ou des collectivités locales, sans aucune enquête
publique préalable ni étude d’impact ; bref, dans la plus grande discrétion, et sur un sujet
où la puissance des différents lobbies et l’importance des enjeux nourrissent forcément le
soupçon de dissimulation » a déclaré Maxime Bono (PS).
L'article 7 de la Charte de l'environnement, à savoir le droit à l'information, a ainsi occupé
une place importante dans le débat, Geneviève Gaillard rappelant « l'absence de débat
préalable et la violation de normes supérieures applicables en matière d'information
environnementale ». Pour Serge Grouard (UMP), président de la commission du
développement durable de l'Assemblée nationale, « le fait que des permis d'exploitation
aient pu être délivrés en catimini est une faute majeure de notre droit ».
La plupart des intervenants ont tenu à souligner le manque de cohérence entre d'une part
les objectifs annoncés lors du Grenelle de l'environnement et dans les deux lois venues le
concrétiser, et d'autre part la délivrance de permis d'exploration de gaz et huiles de
schiste.
Pour Yves Cochet, « les permis d’exploration semblent enfreindre les lois suivantes :
l’article 5 de la Charte de l’environnement (...); la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 ; la loi du
12 juillet 1983, dite loi Bouchardeau, qui prévoit une grande consultation publique (...); la
convention d’Aarhus du 25 juin 1998 ».
L'émission de CO2 due à l'exploitation des gaz de schiste fut également évoquée,
replaçant la question des gaz de schiste dans le cadre plus large du débat sur l'avenir
énergétique de la France. « La consommation de gaz contribue à l'effet de serre et donc
au changement climatique, ce qui n'est pas neutre dans le contexte des engagements pris
à Copenhague, et plus récemment, à Cancun » a rappelé Stéphane Demilly (Nouveau
Centre), avant de pousuivre: « Si l’on effectue une comparaison uniquement avec les
énergies auxquelles le gaz de schiste se substitue, le bilan est plutôt bon. En effet, la
combustion d’une tonne équivalent pétrole de gaz naturel émet 2,3 tonnes de CO2, contre
3,1 tonnes pour le pétrole et 3,9 tonnes pour le charbon. Cependant, il faut également
considérer le bilan dit « du puits à la roue », comprenant l’ensemble des émissions
pendant tout le cycle de vie, en particulier celles dues aux énergies utilisées pour la
construction des puits et pour leur démantèlement, transport du matériel compris. Ce
bilan, vous l’avez compris, est nettement moins bon ». Il est ainsi arrivé à la conclusion
suivante: « le gaz de schiste reste une énergie fossile en quantité limitée dans le sous-sol
de la planète. Ce n’est donc pas une énergie renouvelable capable d’alimenter un
bouquet énergétique alternatif aux énergies carbonées ».
LES REVENDICATIONS
La nécessité d'une modification du Code minier fut évoquée par nombre de députés.
« Nous avons des lois extrêmement sévères pour encadrer la phase d’après-exploitation ;
nous devons nous doter de textes au moins aussi exigeants pour la phase de
prospection » s'est ainsi exprimé Serge Grouard.
Pour Stéphane Demilly, « il est plus que primordial de définir un cadre législatif. Un tel
cadre est toujours en vigueur pour les autres formes d’énergie ; pourquoi n’en serait-il pas
de même pour les gaz et huiles de schiste ? ».
Jean-Paul Chanteguet a jugé « bien insuffisante » la proposition de Nathalie Kosciusko-
Morizet de déposer un projet de loi prévoyant que toute exploration du sous-sol soit
désormais précédée d’une consultation du public.
Pour Yves Cochet et Jean-Paul Chanteguet, « les demandes d’exploitation du sous-sol
devraient non seulement être soumises à enquête publique locale mais faire l’objet d’un
débat national organisé par la commission nationale du débat public ».
Martine Billard a quant à elle demandé « l'annulation des autorisations de travaux en
Seine-et-Marne et, plus globalement, de toutes les autorisations d’exploration ». Demande
du même ordre de la part d'Anny Poursinoff, et ce au nom du principe de précaution.
Enfin, Germinal Peiro a conclut son allocution en déclarant: « l’exploration et l’exploitation
des gaz de schistes doivent être interdites sur le territoire national ».
AGENDA
✗ 2 avril: deuxième rencontre de la coordination nationale des collectifs locaux, à
Doue (Seine-et-Marne)
✗ 15 avril: remise du rapport d'étape de la mission dirigée par le CGIETT et le
CGEDD
✗ 17 avril: manifestaion nationale
✗ 31 mai: remise du rapport final de la mission dirigée par le CGIETT et le CGEDD
✗ 8 juin: remise du rapport de la mission parlementaire dirigée par les députés
François-Michel Gonnot (UMP) et Philippe Martin (PS)