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l’entreprise.
Le raisonnement de MM. MILLER et MODIGLIANI repose sur trois hypothèses
principales. En premier lieu, le marché des capitaux est parfait : aucun investisseur n’a le
pouvoir d’influencer les cours des transactions.
Tous les opérateurs disposent des mêmes informations sur les titres et il n’ y a ni coût
de transaction, ni imposition différente des dividendes et des plus values de cession. En
second lieu, les investisseurs ont un comportement rationnel : ils cherchent à maximiser leur
richesse quelle que soit la forme de leurs revenus – dividendes ou plus-values-. Enfin, l’avenir
est certain, en ce sens que le programme d’investissement et les bénéfices futurs de toutes les
entreprises sont parfaitement connus des investisseurs.
Sur cette base, et en considérant une entreprise ayant fixé son programme
d’investissement et de financement, les deux éminents auteurs vont montrer que toute
modification de la politique de dividende ne pourra venir que de la vente de nouvelles actions.
Or, sur un marché efficient, de nouveaux actionnaires n’accepteront d’acheter ces actions que
si elles valent exactement ce qu’on leur en demande.
Si ses actifs, ses bénéfices et ses possibilités d’investissement sont par hypothèse
inchangés, la société n’a aucune possibilité de créer cette valeur, celle-ci ne pourra résulter
que du transfert par les anciens actionnaires d’une partie de leurs droits de propriété vers les
nouveaux actionnaires.
Au résultat, la politique de dividende est neutre, et elle l’est d’autant plus que les
actionnaires en place n’ont pas besoin de percevoir des dividendes pour se procurer des
liquidités, ou plus exactement, la perception de dividendes n’est pas, pour eux, la voie la
moins coûteuse. L’entreprise peut donc ne pas se préoccuper de la politique de dividende,
dans la mesure où celle-ci n’a aucun effet sur le prix de ses actions.
1
ALBOUY (M) : la politique de dividendes des entreprises « Financement et coût du capital des
entreprises »Revue d’économie financière p61
2
COBBAUT ® : Politique de dividende ; Encyclopédie de gestion p 663
actionnaires. Ces derniers peuvent, alors, engager des dépenses de contrôle –« Monitoring
cost »- pour s’assurer de la bonne gestion des dirigeants, ou à tout le moins, limiter certaines
de leurs actions qui seraient considérées comme « aberrantes », de leur côté, les dirigeants
peuvent avoir intérêt à consentir des coûts de dédouanement –« bonding cost »- pour certifier
la qualité de leur gestion, et garantir qu’ils n’entreprendront pas des actions qui porteraient
préjudice à leurs mandants.
L’on appelle coûts d’agence, la somme de dépenses, ainsi engagées, auxquelles vient
s’adjoindre la perte résiduelle, qui représente le coût d’opportunité subsistant lorsque les
contrats sont appliqués de manière imparfaite.3 Ces coûts altèrent la valeur de l’entreprise,
d’autant que les conflits d’intérêt ne se limitent pas aux divergences entre les actionnaires et
les dirigeants, mais peuvent également surgir entre les propriétaires de l’entreprise –
Managers, actionnaires- et les créanciers.
Dans ces conditions, la politique de dividende peut devenir un merveilleux
instrument de conciliation. Du fait des conflits d’intérêts, les actionnaires ont, en effet,
tendance à se méfier de dirigeants à craindre que ceux-ci ne consomment tout ou partie du
bénéfice non distribué, sous forme d’avantages non pécuniaires. En conséquence, ils
préféreront toucher des dividendes, et cette préférence est suffisamment forte pour conduire
les dirigeants à procéder à la distribution, sous peine de renforcer les coûts d’agence et voir à
terme, la valeur de l’entreprise diminuer.4
La politique de dividende joue aussi un rôle important dans les conflits d’intérêt
existant entre la firme et ses créanciers.
Les dirigeants et actionnaires de l’entreprise peuvent, en effet, adopter une politique
d’investissement sous-optimale, et se verser des dividendes plus importants. 5 Ils peuvent aussi
émettre de la dette, de manière non anticipée, et se verser des dividendes avec tout ou partie
du produit de cette émission.6
Ces possibilités de transfert de richesse des obligataires vers les dirigeants ou les
actionnaires dépendent de la liberté qu’ont ces derniers pour fixer la politique de dividende de
la firme. C’est pourquoi divers moyens peuvent être mis en œuvre pour restreindre
directement ou indirectement leur marge de manœuvre. Des clauses peuvent ainsi être
incluses dans les contrats obligataires ou dans les prêts bancaires afin de limiter la distribution
3
DESBRIERS (P) : Politique de dividende et fiscalité : p 36
4
JACQUILLAT et LEVASSEUR
5
JACQUILLAT (B) et LEVASSEUR (M) : Signaux, mandats et gestion financière ; Finance 1984 P91
6
MOUFID (M) : Dividende, risque et rentabilité : une étude empirique sur le marché de Paris de 1973 à 1980 –
Thèse Grenoble II - 1984
de dividendes. Ces restrictions visent dans la plupart des cas à empêcher la distribution de
dividendes par la dette ou la vente d’actifs.
D’une certaine manière, la théorie de l’agence permet donc de saisir la nécessité
d’accords constants entre les différents acteurs d’une entreprise. Elle révèle, aussi, que la
politique de dividende peut être utilisée pour réduire les coûts de mandat qui ont une
incidence négative sur la valeur de la firme. Elle porte enfin en filigrane, la théorie de la
signalisation ; dans cette dernière, l’on retrouve deux groupes de participants, qui se
différencient entre eux, par la qualité et la quantité d’information dont ils disposent.