On Hospitality (The Cave of Polyphemus

or The Invention of Misunderstandings)

De la hospitalidad | On Hospitality JULIO 3 - SEPTIEMBRE X, 2010
Film 16mm, boucle de 23mm, 2010
COLIMA 55 (ESQ FRONTERA) T y F + 52.55.5208 5579
On Hospitality (i.e. Exclusion)
Acier, grue, pierres volcaniques, (détail), 2010 ETIENNE CHAMBAUD ROMA
MÉXICO, D.F., 06700 labor.org.mx
ETIENNE CHAMBAUD
Notes pour Personne | Notes for Noman | Notas para Nadie
Objection : il faudrait se demander si on peut parler faux, entendre faux.
Mieux, voir faux. Si parler, ce n’est pas se faire parler. Si saisir, au fond,
ce n’est pas être saisi. Si écrire, ce ne serait pas contraindre la petite
musique du texte aux grands espaces de la parole. Un mot pour un autre,
puis un autre, puis un autre, puis un autre. Etc. Si malentendre, ce ne
serait finalement pas faire travailler les spectres dans l’entre-deux qui est
leur lieu, le moyen tranchant de faire saigner enfin ce qu’on croyait déjà
pétrifié, de faire crier les statues.
Un mobile manifestement trop grand pour l’architecture semble
déborder, tombé par-dessus le bord, retenant des pierres comme tombées
du visible. Elles communiquent et s’excluent. Leur objet c’est le naufrage.
Un mobile dessine la galerie, dresse l’exhibition, mais en négatif, en réi-
fiant l’obscène, le hors scène, plaçant les intentions hors langage. Notez
comme le point de suspension est exclu. Le regard s’y loge et le perce. Un
mobile arrête la chute de ses attributs : une comédie de mise à nu crève
le cadre. Tombé, le par-dessus ! Une blessure s’inscrit comme le point
aveuglé de l’exposition et le point d’évanouissement du langage qui ten-
terait de la circonscrire. Également arrêt de mort et mouvement de survie.
Refuse et paie la dette tout en même temps. A la fois idée ready made et
objet rédimé. Fissures de rétraction qui simultanément arrêtent et expo-
sent le disloqué.
Un mobile dessine une chute monumentale. Ce qui se détache c’est
l’autorité (par exemple : une pierre est assez mutique pour s’inscrire à
mesure qu’on y projette du langage, il faudrait dire qu’une pierre est tou-
jours arrachée au présent). Le signataire a disparu dans les ornières. Un
Merci à : Fundación/Colección Jumex, Fundación CIAC, Centro Universitario de Estudios
Cinematográficos (CUEC), Alexandre Guirkinger.
mot glisse sur lui-même et dit autre chose que ce pour quoi il a été écrit.
A cet égard le mobile est une figure de déjà-mort, il n’a rien à dire mais il
parle, il rappelle des histoires, adresse la mémoire des chants passés. Son
cadre est transpercé des restes précipités d’éclats de voix déjà lointains.
Sur des pierres arrêtées dans leur chute, on ne voit pas mais on devine une
moisissure de surface où déjà s’enfièvre une sève rompant avec la perpé-
tuité minérale, ne laissant qu’une souillure.
J’ai, là même sous les yeux, une machination de liberté contrainte :
ça a bougé. Le bougé, mécanique sous-terraine du visible qui fait s’éva-
nouir la langue, expose l’exposition et vient fendre les simulacres de la
plus-value. Comédie érotique de la balance, simulacre d’unité dans la dis-
persion. L’équivalence s’y présente comme un artefact dont le mode de
présentation est la mise à mort. Dans ce jeu d’érotique éteinte, une
échelle est un échafaud, un portant une potence, un poids une lame, une
image une chimère : ensemble de fossiles cannibale et auto-anthropo-
phage car créant de l’autre par le fait même de se boucler sur soi. De quel-
les terres remontent-ils ? On ne prendrait pas les choses par leurs origines,
même raturées, mais par là où elles échouent à remonter leurs cours. Le
signataire a disparu dans les ornières. On ne voudrait pas réconcilier les
choses avec leurs noms. Il s’agit d’être attaché à la coupure. Le sol est la
manifestation d’un gouffre tout autant qu’un socle nomme une absence.
On voit bien qu’on n’a pas compris, et que ce malentendu nous éloigne
de toute rive identifiable. Leur objet c’est le naufrage. Ni métaphore ni
analogie, image irréconciliable avec les institutions de l’échange apaisé,
celui des vérités écrites.
Une caverne circonscrit une instance introuvable de la représentation.
Son éclat invisible ne brille pour personne. Un film fait du hors champ à la
fois son site et son objet. Une cavité oculaire inversée éclaire les pierres en
faisant miroiter leur surfaces, accrochant leurs accidents, mais sans jamais
les pénétrer. Le point aveugle du cinéma se met à lever les yeux. Ça tient
le bord captif, médusé et médusant, à la fois naufrage et départ. Un nau-
frage médusé, tenant le centre et la marge dans leur rapport d’exclusion
mutuelle. Il décale, abîme, fait de l’interruption son fil, expose l’envers,
retroverse l’image mythique de la grotte. Et, une fois encore, c’est une illu-
sion. Le seuil manifeste une séparation, le divorce du texte et de sa sur-
face d’inscription. Comme un art concret qui manifesterait son socle
primitif : la section, le délitement. Une concrétion qu’il ne s’agirait pas de
connaître de proches en proches, par similitudes et parentés, mais dans le
vertige des filiations coupées et des généalogies absentes.
Répéter “i.e.” : comme la découpe de soi-même en objets fétiches.
Personne n’apparaît jamais que par morceaux. Il ne s’agit pas d’en recons-
tituer l’intégrité mais d’en habiter les failles. Personne ne dit pas son
nom. Personne s’identifie dans une double négative. Face à leurs noms,
les choses sont en surnombre. C’est à cet espace négatif de la carence
que l’hospitalité donne une géométrie.
Alors ce serait ça, une hospitalité négative : dans la fausse paix de
la réconciliation, écrire des séparations. Ne pas ajouter des strates, mais
procéder par coupures. Dans le lieu de la synchronisation, parler depuis
le délai. Dans les sphères des mondes illuminés, suspendre l’angle mort.
Entre deux, il aura fallu descendre un escalier. VINCENT NORMAND
On Hospitality (Elements of Balance)
7 photographies, 40 x 50 cm chacune, étagère, 450 x 10 x 5 cm, 2010
avec Alexandre Guirkinger