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IV
LES
DIFFERENTES
FORMES
D'ORGANISATION
ECONOMIQUE
ET
SOCIALE
Mots-‐clés:
capitalisme
–
économie
de
marché
–
libéralisme
–
socialisme
–
économie
planifiée
Universitaire,
ministre,
banquier,
né
la
même
année
que
Keynes
:
approche
hétérodoxe
de
l’économie,
mettant
au
centre
de
son
analyse
l’entrepreneur
et
l’innovation.
Après
des
études
à
l’Université
de
Vienne,
il
enseigne
à
l’Université
de
Czernowitz
à
partir
de
1908,
qu’il
quitte
en
1911
pour
Graz.
Il
devient
ministre
des
Finances
de
la
nouvelle
république
autrichienne
au
printemps
1919,
dans
un
gouvernement
socialiste.
Il
démissionne
en
octobre
de
la
même
année,
du
fait
de
ses
dissensions
avec
ses
collègues
socialistes.
Il
reprend
dès
lors
son
activité
universitaire,
pour
l’interrompre
à
nouveau
en
1921,
en
acceptant
la
présidence
d’une
banque
privée
viennoise,
la
Biedermann
Bank.
Cette
expérience
se
termine
par
la
faillite
de
cette
banque
en
1924,
dans
laquelle
Schumpeter
laisse
sa
fortune
personnelle.
Dès
lors,
il
ne
quitte
plus
1
l’Université,
à
Bonn,
puis
à
Harvard
à
partir
de
1932.
Il
restera
jusqu’à
la
fin
de
ses
jours
aux
États-‐Unis.
Pour
Schumpeter,
l’économie
politique
traditionnelle
(la
concurrence
pure
et
parfaite)
décrit
une
économie
essentiellement
stationnaire,
caractérisée
par
un
bouclage
complet
du
circuit
du
revenu
(car
le
profit
à
long
terme
est
nul).
Dès
sa
Théorie
de
l’évolution
économique,
publiée
en
1912,
il
estime
que
le
seul
facteur
de
dynamique
économique
réside
dans
la
présence
d’agents
économiques,
les
entrepreneurs,
qui
brisent
cette
circularité
en
mettant
en
œuvre
de
nouvelles
combinaisons
de
production
dans
l’espoir
d’un
profit
futur.
Mais
ce
facteur
de
dynamisme
est
aussi
générateur
d’instabilité,
et
explique
l’existence
de
cycles
économiques,
que
Schumpeter
analyse
dans
Les
cycles
d’affaires,
publié
en
1939.
D’une
part,
les
innovations
n’apparaissent
pas
de
manière
continue,
mais
par
«
grappes
».
D’autre
part,
leur
mise
en
œuvre
est
étroitement
liée
à
l’utilisation
du
crédit,
qui
permet
aux
entrepreneurs
d’anticiper
des
recettes
futures.
Or,
à
ce
jeu,
il
n’y
a
pas
que
des
gagnants
:
une
fois
une
innovation
mise
en
œuvre
par
une
première
vague
d’entrepreneurs,
des
imitateurs
vont
suivre
au
fur
et
à
mesure
de
la
phase
ascendante
du
cycle.
Les
effets
positifs
des
innovations
vont
alors
se
diffuser
et
s’atténuer
progressivement,
jusqu’à
une
phase
de
retournement
dans
laquelle
le
rôle
du
crédit
sera
déterminant.
Pour
reprendre
l’expression
de
Schumpeter,
le
capitalisme
est
un
processus
continu
de
destruction
créatrice.
Schumpeter
a
introduit
dans
son
analyse
un
certain
nombre
de
concepts,
qui
sont
devenus
classiques
dans
l’étude
du
progrès
technique.
Ainsi,
une
invention
n’exerce
une
influence
économique
que
si
elle
se
traduit
par
une
innovation,
mise
en
œuvre
par
un
entrepreneur.
Cette
innovation
peut
porter
sur
un
procédé,
ou
un
produit
nouveau.
L’apparition
de
nouvelles
combinaisons
peut
aussi
résulter
de
l’ouverture
d’un
nouveau
débouché
pour
un
produit
déjà
connu,
de
l’utilisation
de
nouvelles
matières
premières,
et
de
la
réorganisation
des
secteurs
de
l’économie.
Apôtre
d’un
capitalisme
entrepreneurial,
Schumpeter
a
une
vision
pessimiste
de
son
évolution
à
long
terme.
Dans
Capitalisme,
socialisme
et
démocratie
(1942),
il
estime
que
les
facteurs
générateurs
de
la
dynamique
du
capitalisme
vont
voir
leurs
effets
s’estomper
progressivement,
sous
la
pression
de
l’accroissement
de
la
taille
des
entreprises.
Dans
la
grande
entreprise,
l’exploitation
du
processus
d’innovation
devient
elle-‐même
une
routine
et
le
rôle
des
individus
s’estompe
progressivement
pour
laisser
place
à
l’action
d’une
classe
de
bureaucrates
qui
va
en
casser
progressivement
le
dynamisme.
L’oligopolisation
de
l’économie
conduit
à
la
disparition
du
capitalisme,
au
profit
d’une
socialisation
croissante
des
activités
facteur
de
stagnation
économique.
2
ouvrage
est
une
devenu
un
véritable
classique,
incontournable
dans
son
domaine
(il
se
trouve
à
la
bibliothèque).
«
Un
état
plus
ou
moins
stationnaire
s'ensuivrait.
Le
capitalisme,
qui
consiste
essen-
tiellement
en
un
processus
d'évolution,
s'atrophierait.
Les
entrepreneurs
se
verraient
privés
de
tout
champ
d'activité
et
se
trouveraient
placés
dans
une
situation
très
analogue
à
celle
de
généraux
dans
une
société
où
la
paix
perpétuelle
serait
parfaitement
garantie.
Les
profits
et,
simultanément,
les
taux
d'intérêt
convergeraient
vers
zéro.
Les
couches
de
bourgeoisie
qui
vivent
de
profits
et
d'intérêts
tendraient
à
disparaître.
La
gestion
des
entreprises
industrielles
et
commerciales
ne
poserait
plus
que
des
problèmes
d'administration
courante
et
son
personnel
prendrait
inévitablement
les
caractéristiques
d'une
bureaucratie.
Un
socialisme
d'un
type
terre
à
terre
accéderait
presque
automatiquement
à
l'existence.
L'énergie
humaine
s'écarterait
des
affaires.
Des
activités
extra-économiques
attireraient
les
meilleurs
esprits
et
fourniraient
les
occasions
d'aventures.
Pour
l'avenir
sur
lequel
nous
pouvons
raisonner,
cette
vision
d'un
état
stationnaire
est
dépourvue
de
toute
portée.
Cependant
on
doit
attacher
une
importance
d'autant
plus
grande
au
fait
que
beaucoup
des
répercussions
sur
la
structure
sociale
et
sur
l'organisation
de
la
production
auxquelles
on
devrait
s'attendre
en
cas
de
satisfaction
approximativement
complète
des
besoins
ou
de
Perfection
absolue
des
techniques
peuvent
aussi,
on
est
également
en
droit
de
s'y
attendre,
résulter
d'une
évolution
que
nous
pouvons
dès
à
présent
nettement
discerner.
En
effet,
le
progrès
lui-même
peut
être
«
mécanisé
»
tout
aussi
bien
que
le
serait
la
gestion
d'une
économie
stationnaire
et
cette
mécanisation
du
progrès
est
susceptible
d'affecter
l'initiative
individuelle
(entrepreneurship)
et
la
société
capitaliste
presque
autant
que
le
ferait
l'arrêt
du
progrès
économique.
Pour
le
démontrer,
il
suffit
de
rappeler,
en
premier
lieu,
en
quoi
consiste
la
fonction
d'entrepreneur
et,
en
second
lieu,
ce
qu'elle
signifie
pour
la
société
bourgeoise
et
du
point
de
vue
de
la
survivance
du
régime
capitaliste.
3
se
détachent
des
besognes
de
routine
familières
à
quiconque
et,
en
deuxième
lieu,
parce
que
le
milieu
économique
y
résiste
par
des
moyens
divers,
allant,
selon
les
conditions
sociales,
du
refus
pur
et
simple
d'acquérir
ou
de
financer
un
nouvel
objet
à
l'agression
physique
contre
l'homme
qui
tente
de
le
produire.
Pour
agir
avec
confiance
au
delà
de
la
zone
délimitée
par
les
balises
familières
et
pour
surmonter
ces
résistances
du
milieu,
des
aptitudes
sont
nécessaires
qui
n'existent
que
chez
une
faible
fraction
de
la
population
et
qui
caractérisent
à
la
fois
le
type
et
la
fonction
d'entrepreneur.
Cette
fonction
ne
consiste
pas
essentiellement
à
inventer
un
objet
ou
à
créer
des
conditions
exploitées
par
l'entreprise,
mais
bien
à
aboutir
à
des
réalisations.
Or,
cette
fonction
sociale
est,
dès
à
présent,
en
voie
de
perdre
son
importance
et
elle
est
destinée
à
en
perdre
de
plus
en
plus
et
à
une
vitesse
accélérée
dans
J'avenir,
ceci
même
si
le
régime
économique
lui-même,
dont
l'initiative
des
entrepreneurs
a
été
le
moteur
initial,
continuait
à
fonctionner
sans
perturbations.
En
effet,
d'une
part,
il
est
beaucoup
plus
facile
désormais
que
ce
n'était
le
cas
dans
le
passé,
d'accomplir
des
tâches
étrangères
à
la
routine
familière
-
car
l'innovation
elle-même
est
en
voie
d'être
ramenée
à
une
routine.
Le
progrès
technique
devient
toujours
davantage
l'affaire
d'équipes
de
spécialistes
entraînés
qui
travaillent
sur
commande
et
dont
les
méthodes
leur
permettent
de
prévoir
les
résultats
pratiques
de
leurs
recherches.
Au
romantisme
des
aventures
commerciales
d'antan
succède
rapidement
le
prosaïsme,
en
notre
temps
où
il
est
devenu
possible
de
soumettre
à
un
calcul
strict
tant
de
choses
qui
naguère
devaient
être
entrevues
dans
un
éclair
d'intuition
générale.
D'autre
part,
la
personnalité
et
la
force
de
volonté
doivent
nécessairement
peser
moins
lourd
dans
des
milieux
qui
se
sont
habitués
au
changement
économique
-
spécialement
caractérisé
par
un
flux
incessant
de
nouveaux
biens
de
consommation
et
de
production
-
et
qui,
loin
d'y
résister,
l'accueillent
tout
naturellement.
Certes,
tant
que
subsistera
le
régime
capitaliste,
il
n'y
a
aucune
chance
pour
que
se
relâchent
les
résistances
provenant
des
intérêts
menacés
par
les
innovations
apportées
aux
processus
de
production.
De
telles
résistances
constituent,
par
exemple,
le
principal
obstacle
dressé
sur
la
route
qui
mène
à
la
production
en
masse
d'habitations
bon
marché,
laquelle
présupposerait
une
mécanisation
radicale
et
l'élimination
en
bloc
des
méthodes
inefficaces
de
travail
sur
le
chantier.
Cependant,
toutes
les
autres
formes
de
résistance
-
celle,
notamment,
opposée
par
les
producteurs
et
consommateurs
à
un
nouveau
produit
pour
la
seule
raison
qu'il
est
nouveau
-
ont
déjà
quasiment
disparu.
Ainsi,
le
progrès
économique
tend
à
se
dépersonnaliser
et
à
s'automatiser.
Le
travail
des
bureaux
et
des
commissions
tend
à
se
substituer
à
l'action
individuelle.
Une
comparaison
militaire
va
nous
aider
une
fois
de
plus
à
préciser
ce
point
essentiel.
Naguère
(en
gros
jusques
et
y
compris
les
guerres
napoléoniennes),
général
était
synonyme
d'entraîneur
d'hommes
et
par
succès
l'on
entendait
le
succès
personnel
du
chef
qui
4
récoltait
des
«
profits
»
correspondants
sous
forme
de
prestige
social1.
La
technique
de
la
guerre
et
la
structure
des
armées
étant
ce
qu'elles
étaient,
la
décision
individuelle
et
l'énergie
contagieuse
de
ce
chef
voire
sa
présence
réelle
sur
un
cheval
fougueux
-
constituait
des
éléments
essentiels
des
situations
tactiques
et
stratégiques.
La
présence
de
Napoléon
était
et
devait
être
effectivement
sentie
sur
les
champs
de
bataille.
Or,
il
n'en
va
plus
ainsi
désormais.
Le
travail
d'état-major,
spécialisé
et
rationalisé,
est
en
voie
d'effacer
la
personnalité;
le
calcul
des
résultats
se
substitue
à
l'intuition.
Le
grand
chef
n'a
plus
l'occasion
de
se
ruer
dans
la
mêlée.
Il
est
en
passe
de
devenir
un
employé
de
bureau
comme
les
autres
-
un
employé
qui
n'est
pas
toujours
difficile
à
remplacer.
Ou
encore,
prenons
une
autre
comparaison
militaire.
Au
Moyen
Age,
la
guerre
était
affaire
éminemment
individualiste.
Les
chevaliers
bardés
de
fer
pratiquaient
un
art
qui
exigeait
un
entraînement
poursuivi
tout
au
long
de
leur
vie
et
chacun
d'eux
comptait
individuellement,
par
la
vertu
de
son
habileté
et
de
ses
prouesses
personnelles.
Il
est
donc
facile
de
comprendre
la
raison
pour
laquelle
le
milieu
des
armes
était
devenu
la
base
d'une
classe
sociale,
au
sens
le
plus
riche
et
le
plus
plein
de
ce
terme.
Mais
l'évolution
technique
et
sociale
a
miné
et
finalement
détruit
la
fonction
et
la
position
de
cette
classe.
Certes,
la
guerre
elle-même
n'a
pas
été
tuée
par
ces
influences.
Elle
est
seulement
devenue
de
plus
en
plus
mécanique
-
à
un
point
tel,
en
dernier
ressort,
que
les
succès
réalisés
dans
ce
qui
n'est
plus
qu'une
simple
profession
ont
cessé
d'avoir
ce
caractère
d'accomplissement
personnel
qui
élève,
non
seulement
l'individu,
mais
encore
son
groupe
à
une
position
durable
de
commandement
social.
Or,
un
processus
social
analogue
-
et
même,
en
dernière
analyse,
le
même
processus
social
-
amoindrit
de
nos
jours
le
rôle
et,
simultanément,
la
position
sociale
de
l'entrepreneur
capitaliste.
Ce
rôle,
bien
que
moins
spectaculaire
que
celui
des
seigneurs
médiévaux
de
la
guerre,
grands
ou
petits,
constitue
ou
plutôt
constituait
un
autre
type
de
commandement
individuel
agissant
par
la
vertu
de
l'énergie
personnelle
et
de
la
responsabilité
directe
du
succès.
La
position
des
entrepreneurs,
tout
comme
celles
des
classes
militaires,
se
trouve
menacée
dès
lors
que
la
fonction
remplie
par
eux
au
sein
du
processus
social
perd
de
son
importance
et
elle
l'est
tout
autant
lorsque
ce
déclin
tient
à
la
disparition
des
besoins
sociaux
servis
par
ces
entrepreneurs
que
si
ces
besoins
reçoivent
satisfaction
par
d'autres
méthodes
plus
impersonnelles.
Or,
un
tel
phénomène
affecte
la
position
de
la
couche
bourgeoise
tout
entière.
Bien
que
les
entrepreneurs
ne
constituent
pas
nécessairement
(ni
même
typiquement)
des
éléments
de
cette
couche
dès
le
début
de
leur
carrière,
ils
ne
s'y
agrègent
pas
moins
en
cas
de
succès.
Ainsi,
bien
que
les
entrepreneurs
ne
constituent
pas
en
soi
une
classe
sociale,
la
classe
bourgeoise
les
absorbe
ainsi
que
leurs
familles
et
leurs
parents
et,
du
même
coup,
elle
se
recrute
et
se
revivifie
constamment,
cependant
que,
simultanément,
les
familles
qui
interrompent
toute
relation
active
avec
les
«
affaires
»
retombent
dans
le
commun
au
bout
d'une
génération
ou
deux.
Entre
ces
deux
extrêmes
se
place
le
stade
intermédiaire
entre
1 Et aussi en chargeant ses fourgons à l'instar de certains des maréchaux de Napoléon (N. d. T.).
5
l'aventure
des
entrepreneurs
conquistadors
et
la
simple
gestion
courante
d'un
domaine
hérité
-
le
stade
atteint
par
le
gros
des
industriels,
négociants.,
financiers
et
banquiers.
Les
revenus
dont
vit
cette
classe
sont
produits
par,
et
sa
position
sociale
repose
sur
le
succès
de
ce
secteur
plus
ou
moins
actif
-
lequel,
bien
entendu,
peut,
comme
c'est
le
cas
aux
États-
Unis,
représenter
plus
de
90
%
de
l'élément
bourgeois
-
ainsi
que
des
individus
qui
sont
en
passe
J'y
accéder.
Économiquement
et
sociologiquement,
directement
et
indirectement,
la
bourgeoisie
dépend
donc
de
l'entrepreneur
et,
en
tant
que
classe,
elle
est
condamnée
à
vivre
et
à
mourir
avec
lui,
étant
entendu
qu'un
stade
de
transition
plus
ou
moins
prolongé
(au
terme
duquel
la
classe
bourgeoise
pourra
se
sentir
incapable
à
la
fois
de
vivre
et
de
mourir)
a
beaucoup
de
chances
de
s'insérer
dans
cette
évolution,
tout
comme
cela
se
produisit
effectivement
dans
le
cas
de
la
civilisation
féodale.
Pour
résumer
cette
partie
de
notre
thèse
:
si
l'évolution
capitaliste
-
le
«
progrès
»
-
ou
bien
prend
fin,
ou
bien
devient
complètement
automatique,
le
support
économique
de
la
bourgeoisie
industrielle
sera
finalement
réduit
à
des
salaires
analogues
à
ceux
qui
rémunèrent
la
besogne
administrative
courante,
exception
faite
pour
les
résidus
de
quasi-
rentes
et
de
bénéfices
monopolistiques
dont
l'on
peut
s'attendre
à
ce
qu'ils
persisteront
en
décroissant
pendant
un
certain
temps.
Comme
l'initiative
capitaliste,
de
par
ses
réussites
mêmes,
tend
à
automatiser
les
progrès,
nous
conclurons
qu'elle
tend
à
se
rendre
elle-même
superflue
-
à
éclater
en
morceaux
sous
la
pression
même
de
son
propre
succès.
L'unité
industrielle
géante
parfaitement
bureaucratisée
n'élimine
pas
seulement,
en
«
expropriant
»
leurs
possesseurs,
les
firmes
de
taille
petite
ou
moyenne,
mais,
en
fin
de
compte,
elle
élimine
également
l'entrepreneur
et
exproprie
la
bourgeoisie
en
tant
que
classe
appelée
à
perdre,
de
par
ce
processus,
non
seulement
son
revenu,
mais
encore,
ce
qui
est
infiniment
plus
grave,
sa
raison
d'être.
Les
véritables
pionniers
du
socialisme
n'ont
pas
été
les
intellectuels
ou
les
agitateurs
qui
ont
prêché
cette
doctrine,
mais
bien
les
Vanderbilt,
les
Carnegie,
les
Rockefeller.
Certes,
il
se
peut
qu'une
telle
constatation
ne
soit
pas
à
tous
points
de
vue
du
goût
des
socialistes
marxistes,
ni,
à
plus
forte
raison,
qu'elle
plaise
aux
socialistes
d'obédience
plus
populaire
(Marx
aurait
dit
:
vulgaire).
Mais,
du
point
de
vue
prévisionnel,
elle
conduit
à
formuler
des
pronostics
qui
ne
diffèrent
pas
des
leurs.
»
J.A.S,
Capitalisme,
socialisme
et
démocratie,
1942
Le
processus
d'industrialisation
Les
sociétés
pré-‐industrielles
n'ignorent
pas
la
production
manufacturière.
A
un
niveau
élémentaire,
l'auto-‐production
paysanne
et
le
petit
artisanat
villageois
satisfont
aux
besoins
limités
du
monde
des
campagnes.
A
l'autre
bout
de
l'échelle,
construction
navale,
arsenaux
royaux
surtout
:
activité
la
plus
lourde
par
l'ampleur
des
moyens
mobilisés
et
l'importance
de
la
main
d'œuvre
concentrée
dans
un
même
chantier.
Surtout,
l'artisanat
urbain
des
villes
prospère
ici
et
là
depuis
la
fin
du
Moyen-‐Âge.
Il
s'agit
d'une
production
en
petite
série
d'objets
de
qualité,
caractérisée
par
une
division
du
travail
par
métiers,
produisant
avant
tout
pour
une
clientèle
locale
aisée.
Cet
artisanat
est
organisé
pour
une
bonne
part
en
corporations
(métiers,
guildes,
jurandes)
jouissant
de
monopoles
de
production
(intervention
de
l’État).
Mais
ce
système
traditionnel
est
à
la
fois
concurrencé
et
complété
dès
le
17e
siècle
en
Europe
occidentale,
essentiellement
dans
la
filière
textile,
par
le
développement
de
l'industrie
rurale
dispersée
dont
les
caractéristiques
annoncent
à
6
certains
égards
l'industrie
future.
Ce
processus
de
"proto-‐industrialisation"
(terme
de
l’historien
américain
F.
Mendels,
1972)
mêle
en
effet
l'ancien
et
le
nouveau:
s'il
s'agit
toujours
de
la
petite
production
en
chambre,
employant
des
instruments
de
travail
traditionnels,
il
y
a
rupture
juridique
et
organisationnelle.
La
proto-‐industrie
se
développe
à
l'écart
du
système
corporatif
et
surtout,
à
travers
le
domestic
system,
introduit
des
rapports
quasi-‐salariaux
entre
des
marchands
fabricants
et
des
travailleurs
produisant
chez
eux
mais
dépendants
des
premiers.
Ceux-‐ci,
propriétaires
du
capital
circulant,
distribuent
le
travail,
récupèrent
les
biens
ouvragés
en
rémunérant
les
travailleurs
"à
façon"
et
commercialisent
ces
biens
sur
des
marchés
extérieurs
à
la
région
productrice.
Fait
essentiel:
la
proto-‐industrie
se
déploie
hors
des
villes
pour
contourner
l'obstacle
du
protectionnisme
corporatif,
ce
qui
entraîne
une
ruralisation
du
travail
manufacturier.
En
même
temps,
elle
procure
un
supplément
de
ressources
monétaires
à
de
nombreux
agriculteurs
qui
n'en
obtiennent
guère
avec
la
commercialisation
limitée
de
leur
production.
Loin
de
disparaître
avec
le
décollage
économique,
les
activités
proto-‐industrielles
résistent
et
même
se
développent
durablement
au
19e
siècle.
En
Grande-‐Bretagne,
pays
pionnier
de
la
révolution
industrielle,
la
grande
industrie
ne
l'emporte
sur
la
production
dispersée
que
vers
1850.
En
France,
on
observe
bel
et
bien
un
essor
du
domestic
system
jusque
dans
les
années
1870-‐1880.
Il
noue
d'ailleurs
des
relations
de
complémentarité
avec
le
factory
system
(à
Mulhouse,
par
exemple,
les
entreprises
de
filature
distribuent
des
fils
à
tisser
dans
les
campagnes
vosgiennes
alentour).
Quant
à
lui,
l'artisanat
urbain
parvint
à
répondre
à
l'expansion
de
la
demande
aux
18e
et
19e
siècles
sans
changement
brutal
de
leur
organisation:
transformation
progressive
d'une
partie
de
l'artisanat
traditionnel
en
PME
avec
un
recours
limité
au
machinisme,
l'amélioration
des
produits,
autorisant
la
pérennité
de
la
culture
du
métier.
Ce
modèle
d'industrie
artisanale
concerne
quelques
petites
villes
depuis
longtemps
spécialisées,
comme
la
petite
métallurgie
textile
de
Birmingham
et
les
armes
à
Saint-‐
Etienne,
ainsi
que
les
grandes
métropoles
européennes
(Londres
et
Paris).
La
capitale
française
est
connue
pour
l'étendue
de
ses
activités
industrielles
à
caractère
artisanal:
chimie,
construction
mécanique,
imprimerie,
confection.
La
longue
dépression
de
la
fin
du
19e
siècle
portera
de
rudes
coups
à
ce
mode
des
PME,
filles
de
l'artisanat.
7
l'organisateur
et
celle
de
l'innovateur,
qui
se
complètent
mutuellement.
Cet
entrepreneur
poursuit-‐il
d'autres
fins
que
le
capitaliste
?
La
dissociation
entre
les
deux
figures,
engendrée
par
la
concentration
des
entreprises
et
la
dilution
de
leur
actionnariat,
a
conduit
des
économistes
comme
James
Burnham
ou
John
Kenneth
Galbraith
à
distinguer
la
figure
du
manager,
plus
soucieux
de
croissance
et
de
conquête
de
parts
de
marché,
de
celle
de
l'actionnaire,
qui
cherche
la
rentabilité.
Le
développement
du
capitalisme
actionnarial
apparaît
comme
une
forme
de
réponse
à
ce
risque
pour
le
capital:
les
managers,
désormais
intéressés
à
la
valorisation
boursière
des
entreprises
qu'ils
dirigent,
via
les
stock-‐options,
sont
à
nouveau
en
phase
avec
leurs
actionnaires.
Enfin,
la
figure
de
l'entrepreneur
capitaliste
n'a
pas
disparu,
qu'il
gère
son
entreprise
en
direct,
comme
Bill
Gates
(Microsoft),
Gérard
Mulliez
(Auchan)
ou
Édouard
Michelin,
ou
qu'il
délègue
cette
tâche
à
un
manager
surveillé
de
près,
comme
le
fait
la
8
famille
Peugeot.
Différente
est
l'approche
de
Jean-‐Baptiste
Say,
industriel
et
banquier
français
(1767-‐
1832)
connu
pour
ses
écrits
d'économie
politique.
Il
assigne
comme
fonction
principale
à
l'entrepreneur
la
combinaison
des
facteurs
de
production
et
l'organisation
de
la
production.
L'entrepreneur
de
Say
est
un
catalyseur
et
un
rassembleur
d'hommes.
Il
est
avant
tout
un
organisateur
qui
se
fixe
comme
premier
but
d'accroître
et
d'optimiser
la
production.
La
recherche
du
profit
est
annexe.
L'entrepreneur
selon
Jean-‐Baptiste
Say
bouleverse
et
désorganise,
il
cherche
le
changement
et
sait
agir
pour
l'exploiter
comme
une
opportunité.
Il
faudra
attendre
Joseph
Schumpeter
pour
que
naisse
un
éclairage
nouveau
aboutissant
à
une
théorie
complète
sur
la
fonction
entrepreneuriale.
L'entrepreneur
devient
le
moteur
de
l'évolution
économique.
Il
innove
en
inventant
de
nouvelles
combinaisons
des
facteurs
de
production,
qui
détruisent
l'ancienne
structure
économique
pour
en
recréer
une
nouvelle.
Quiconque
remplit
cette
fonction
d'innovation
est
un
entrepreneur,
qu'il
s'agisse
d'un
homme
d'affaires
indépendant,
d'un
cadre
ou
d'un
directeur
d'entreprise.
L'entrepreneur
organisateur
L'organisateur
des
activités
économiques
est
un
entrepreneur
de
l'ordre.
Il
identifie
les
facteurs
et
les
ressources
utiles,
sait
se
les
procurer,
les
assembler
et
les
mettre
en
œuvre
avec
profit.
Il
est
ici
un
intermédiaire
qui
coordonne
des
ressources
rares,
et
ce
d'une
façon
dynamique.
Cela
signifie
qu'il
n'est
pas
simplement
concerné
par
l'affectation
statique
des
ressources
à
un
moment
donné,
mais
aussi
par
la
recherche
permanente
d'une
amélioration
du
processus
de
production.
L'entrepreneur
de
Jean-‐Baptiste
Say
est
une
très
bonne
illustration
de
ce
premier
type
d'entrepreneur.
Dans
sa
conception
de
l'économie
et
de
l'industrie,
Say
distingue
trois
acteurs
principaux:
le
savant,
qui
étudie
les
lois
de
la
nature;
l'entrepreneur,
qui
utilise
et
bénéficie
des
connaissances
du
savant
pour
créer
des
produits
utiles
à
la
société;
et
l'ouvrier,
qui
travaille
sous
leurs
ordres.
L'entrepreneur
est
au
cœur
du
processus
9
économique
tel
que
Say
le
conçoit.
Il
est
un
agent
économique
dynamique,
doté
d'une
forte
rationalité
et
capable
de
garantir
l'équilibre
général.
Say
opère
une
nette
distinction
entre
la
fonction
d'entrepreneur
et
celle
d'apporteur
de
capitaux.
Même
s'il
considère
que
ces
deux
fonctions
peuvent
parfois
être
réunies,
cela
n'est
ni
une
obligation,
ni
quelque
chose
de
nécessaire
à
ses
yeux.
Pour
lui,
les
traits
les
plus
caractéristiques
de
l'activité
de
l'entrepreneur
sont
de
diriger
et
d'organiser,
d'une
part,
et
de
prendre
des
risques,
d'autre
part.
L'entrepreneur
innovateur
Si
le
premier
type
d'entrepreneur
est
adepte
de
l'ordre,
le
second
préfère
plutôt
le
désordre!
La
création
destructrice
de
Schumpeter
évoque
tout
à
fait
cette
idée
que
l'instauration
d'une
dynamique
économique
n'est
possible
qu'à
partir
d'une
révolution,
c'est-‐à-‐dire
d'une
remise
en
cause
complète
de
l'ordre
établi.
Schumpeter
met
en
avant,
pour
le
glorifier,
le
rôle
perturbateur
de
l'entrepreneur.
Il
précise
que
seuls
les
individus
capables
d'innover
méritent
la
désignation
d'entrepreneur.
Ces
individus
sont
dotés
d'une
capacité
créative
et
font
preuve
d'initiative
et
de
volonté.
Ils
assurent
le
passage
entre
le
monde
scientifique
de
la
découverte
et
des
inventions
et
le
monde
économique
des
innovations.
Schumpeter
distingue
donc
nettement
l'invention,
qui
est
le
résultat
d'une
activité
scientifique
non
nécessairement
motivée
par
le
progrès
économique
et
social,
de
l'innovation,
qui
pourrait
être
vue
d'une
certaine
façon
comme
l'introduction
réussie
d'une
invention
dans
un
contexte
économique
et
social.
Ceci
étant,
l'innovation
selon
Schumpeter
s'inscrit
dans
une
perspective
large,
puisqu'elle
concerne
toutes
les
modifications
apportées
dans
les
procédés
de
production,
dans
les
produits,
mais
aussi
dans
l'organisation
de
l'entreprise,
dans
la
commercialisation
des
produits
ou
dans
le
financement
de
la
production.
La
réalisation
de
ce
que
Schumpeter
appelle
une
nouvelle
combinaison
productive.
Cette
seconde
figure
de
l'entrepreneur
peut
donc
être
caractérisée
par
plusieurs
rôles:
apport
d'innovations,
recherche
d'opportunités
pour
des
nouveaux
produits
et
services,
ou
encore,
comme
chez
Say,
prise
en
compte
des
risques.
L'entrepreneur
innovateur
et
l'entrepreneur
organisateur
constituent
deux
figures
nécessaires
et
complémentaires,
10
qui
donnent
au
capitalisme
à
la
fois
son
dynamisme
et
sa
stabilité.
Cet
article
est
issu
du
dossier
Comprendre
:
le
capitalisme
en
dix
fiches
Alternatives
Economiques
-‐
Hors-‐série
n°65
-‐
Avril
2005
Quels
sont
les
liens
entre
innovations
et
capitalisme?
Une
première
réponse
intuitive
serait
l'idée
que
l'abondance
des
découvertes
passe
par
la
liberté
économique.
Si
celle-‐ci
est
établie,
si
une
myriade
d'initiatives
individuelles
peut
se
manifester,
les
chances
de
trouvailles
heureuses
seront
favorisées.
On
n'imagine
pas
l'État
monarchique
anglais
mettre
au
point
dans
ses
ministères
une
machine
à
vapeur
en
1765,
pas
plus
qu'un
métier
à
filer
ou
à
tisser
le
coton
efficace.
Il
fallait
pour
cela
les
esprits
inventifs
et
entreprenants
d'un
James
Watt,
d'un
Richard
Arkwright
ou
d'un
Edmund
Cartwright,
prototypes
de
ces
premiers
entrepreneurs-‐innovateurs
vantés
plus
tard
par
Joseph
Schumpeter
ou
Frank
Knight.
L'innovation
majeure
est
avant
tout
une
rupture,
produite
par
des
esprits
excentriques,
des
individus
dont
l'histoire
se
confond
avec
celle
du
capitalisme,
d'Abraham
Darby
à
Bill
Gates,
en
passant
par
Thomas
Edison.
Innover
pour
ne
pas
disparaître
Mais la liberté économique suffit-‐elle à tout expliquer? Son absence totale (ni liberté du
marché ni liberté de créer et de posséder des entreprises), comme c'était le cas dans
11
l'économie
socialiste
planifiée
soviétique,
n'a
pas
été
synonyme
de
stagnation
technique.
En
effet,
un
État
qui
détient
tous
les
pouvoirs
économiques
peut
investir
massivement
dans
la
recherche,
les
centres,
les
laboratoires,
les
projets
et
obtenir
des
résultats
spectaculaires.
Le
premier
Spoutnik
et
le
premier
vol
humain
dans
l'espace
ont
bien
montré
cette
possibilité.
De
même
que
la
maîtrise
soviétique
en
matière
aéronautique
ou
nucléaire.
Mais
au
niveau
des
progrès
dans
la
vie
courante,
quand
on
quitte
les
grands
projets
où
l'État
peut
"mettre
le
paquet"
dans
un
domaine,
force
est
de
reconnaître
la
pauvreté
des
innovations
fournies
par
l'URSS
pendant
ses
quelque
soixante-‐dix
ans
d'existence.
Aussi,
pour
William
Baumol,
l'innovation,
plus
que
la
concurrence
sur
les
prix,
est
un
attribut
spécifique
au
capitalisme
de
marché.
La
concurrence
oblige
les
firmes
à
investir
dans
la
recherche,
à
innover,
si
elles
ne
veulent
pas
être
éliminées.
Comme
Marx
et
Engels,
et
Schumpeter
après
eux,
il
considère
que
l'innovation
est
partie
intégrante
du
système.
Mais
moins
du
fait
de
la
volonté
d'accumulation
ou
de
la
recherche
du
profit
que
de
cette
nécessité
d'innover
pour
ne
pas
disparaître.
La
concurrence
oligopolistique,
plus
que
la
concurrence
parfaite,
comme
dans
le
cas
de
l'automobile
ou
de
l'informatique,
avec
de
grandes
firmes
équipées
de
labos
de
recherche
et
utilisant
l'innovation
comme
arme
principale
dans
la
concurrence,
est
le
régime
le
mieux
adapté
au
progrès
technique
continu.
L'évolution
constante
de
nos
modèles
d'ordinateurs,
de
téléphones
ou
de
voitures
en
est
une
illustration.
Le
processus
de
l'innovation
est
incorporé
dans
l'activité
de
la
firme,
il
n'est
plus
seulement
laissé
au
hasard
des
inventeurs
isolés,
il
est
devenu
systématique,
permanent
et
routinier.
Le
rythme
s'accélère
Les
coûts
et
les
prix
des
nouvelles
technologies
ont
régulièrement
baissé.
Selon
Marc
Giget,
"le
prix
du
transport
ferroviaire
a
diminué
de
4%
par
an
de
1850
à
1900,
celui
de
l'électricité
de
7%
par
an
de
1890
à
1920,
celui
des
automobiles
de
11%
par
an
de
1900
à
1925, celui du billet d'avion de 9% par an de 1950 à 2000 et celui des ordinateurs de 30%
12
par
an
de
1970
à
2000".
Il
y
a
en
outre
une
accélération
de
la
diffusion
des
technologies;
le
temps
nécessaire
pour
qu'elles
fassent
partie
du
quotidien
tend
à
diminuer:
ainsi
des
données
du
Programme
des
Nations
unies
pour
le
développement
(PNUD)
montrent
qu'il
a
fallu
trente-‐huit
années
à
la
radio
après
son
lancement
pour
atteindre
le
seuil
des
50
millions
d'utilisateurs,
treize
années
pour
le
téléviseur,
seize
années
pour
le
micro-‐
ordinateur
et
quatre
années
pour
le
Web.
De
plus,
selon
des
données
citées
par
William
Baumol,
le
temps
écoulé
entre
le
lancement
d'un
nouveau
produit
par
une
firme
et
sa
fabrication
par
des
concurrents
est
passé
de
trente-‐trois
ans
au
début
du
XXe
siècle
à
treize
ans
vers
le
milieu
du
siècle
et
trois
à
la
fin.
Ce
qui
n'est
pas
un
hasard:
les
entreprises
tendent
souvent
à
faciliter
la
diffusion
de
techniques
qu'elles
possèdent,
afin
de
bénéficier
de
la
croissance
accrue
qui
en
résulte.
L'échec,
pour
les
magnétoscopes,
de
la
norme
Betamax
de
Sony
(pourtant
supérieure)
face
au
VHS
est
un
bon
exemple
du
risque
encouru
de
ne
pas
diffuser
une
technologie.
Dans
une
communauté
primitive,
par
exemple
un
village
de
l'an
mille,
les
liens
personnels
limitent
les
coûts
de
transaction
car
les
participants
à
l'échange
se
connaissent
et
sont
donc
obligés
d'adopter
des
normes
d'équité.
Les
coûts
de
production
y sont en revanche élevés, car la société n'est pas spécialisée et dispose de peu de capital
13
technique.
Lorsque
les
marchés
s'élargissent,
les
relations
économiques
deviennent
impersonnelles.
Il
faut
donc
protéger
les
contractants
des
fraudes,
abus
et
autres
pratiques
coûteuses
ou
dissuasives
des
échanges,
par
tout
un
arsenal
institutionnel,
notamment
juridique.
Que
faut-‐il
donc
entendre
par
institutions?
Il
s'agit
des
règles
écrites
(le
droit)
et
non
écrites
(les
codes
de
conduite,
les
normes
de
comportement,
les
coutumes,
les
mentalités).
Pour
Walter
C.
Neale,
ce
sont
"les
comportements
réguliers
et
codifiés
des
gens
dans
une
société,
ainsi
que
les
idées
et
les
valeurs
associées
à
ces
régularités".
Dans
le
domaine
de
l'innovation,
l'institution
déterminante
est
la
mise
au
point
de
brevets
qui
ajoutaient,
selon
la
formule
célèbre
de
Lincoln,
"le
fuel
de
l'intérêt
au
feu
du
génie".
La
propriété
des
inventeurs
sur
leur
découverte,
avec
un
système
de
protection
du
type
monopole
ou
licence,
signifie
que
le
taux
de
rendement
social
de
l'invention
doit
s'approcher
du
taux
de
rendement
privé.
En
d'autres
termes,
non
seulement
la
société
dans
son
ensemble
mais
aussi
l'inventeur
lui-‐même
doivent
pouvoir
en
bénéficier.
Ainsi
les
institutions
favorisent
le
changement
technique
et
le
progrès
économique.
Le
brevet
a
été
mis
en
place
en
Angleterre
dès
1624
par
le
Statute
of
Monopolies
;
c'est
le
premier
du
genre.
En
France,
sa
création
date
de
1767,
aux
États-‐Unis
de
1787
(par
la
Constitution)
et
1836
(Patent
Act).
l'essentiel des inventions durant des millénaires, on peut y voir une explication simple:
14
lorsque
les
inventions
dépendent
du
hasard
d'une
découverte
par
un
génie
isolé
ou
un
artisan
astucieux,
il
est
logique
qu'elles
apparaissent
là
où
l'on
trouve
le
plus
d'hommes,
sous
l'effet
de
la
loi
du
grand
nombre.
Qu'elles
aient
eu
lieu
surtout
en
Chine,
principal
centre
de
peuplement
de
l'humanité
depuis
toujours,
n'est
donc
guère
surprenant.
Mais
lorsque
l'invention
est
le
résultat
d'une
méthode
qui
tend
à
expérimenter
sans
relâche
dans
le
but
d'atteindre
un
objectif,
alors
elle
ne
dépend
plus
seulement
du
hasard,
ni
donc
du
nombre
des
hommes.
Un
autre
exemple
de
la
différence
entre
invention
et
innovation,
et
de
leurs
effets
sur
la
croissance
économique,
est
le
cas
des
premières
machines
à
vapeur.
Denis
Papin
est
habituellement
considéré
comme
l'inventeur
lorsqu'il
présente
à
la
cour
de
Louis
XIV,
en
1691,
son
prototype,
une
espèce
de
"grosse
cocotte-‐minute".
Mais
faute
de
tissu
industriel
assez
développé
en
France,
son
invention
n'aura
pas
de
suite.
En
revanche,
lorsque
Thomas
Savery
reprend
l'idée,
en
1698,
avec
sa
pompe
actionnée
par
un
engin
à
vapeur
pour
drainer
l'eau
des
mines,
et
surtout
Thomas
Newcomen,
en
1712,
avec
sa
pompe
à
feu,
ils
innovent.
Le
dernier
procédé
sera
un
succès
dans
toute
l'Europe,
qui
durera
plus
d'un
siècle
et
permettra
l'explosion
de
la
production
de
charbon,
sans
laquelle
la
révolution
industrielle
aurait
été
impossible.
de la production survenu depuis le XVIIIe siècle peut en fin de compte être attribué à
15
l'innovation.
Sans
elle,
le
processus
de
croissance
aurait
été
insignifiant."
E.
Un
capitalisme
régulé
Sous
la
direction
de.
F.
Teulon,
Dictionnaire
d’histoire,
d’économie,
finance,
géographie
16
F.
Un
capitalisme
mondialisé
et
tiré
par
la
finance
Cahiers
français
n°349
p.
57-‐62
«
L’économie-‐monde
ne
met
en
cause
qu’un
fragment
de
l’univers,
un
morceau
de
la
planète
économiquement
autonome,
capable
pour
l’essentiel
de
se
suffire
à
lui-‐même
et
auquel
ses
liaisons
et
ses
échanges
intérieurs
confèrent
une
certaine
unité
organique
»2.
Une
économie-‐monde
s’identifie
à
un
espace
organisé
autour
d’un
centre,
une
ville-‐
monde
qui
concentre
la
modernité.
Cet
espace
polarisé
et
traversé
de
flux
matériels,
technologiques
et
humains,
présente
des
frontières
qui
le
séparent
d’une
autre
économie-‐monde.
Le
centre
exerce
une
«
action
unilatérale,
irréversible
ou
difficilement
réversible
»3,
perceptible
à
travers
les
fluctuations
de
la
conjoncture.
Cette
relation
centre/périphérie
traduit
en
fait
la
hiérarchie
entre
plusieurs
types
de
marché
:
au
centre
de
l’économie-‐monde
coexistent
un
marché
international
extraverti
et
le
marché
urbain
de
type
capitaliste
;
à
la
périphérie
fonctionne
un
marché
local
reposant
sur
des
comportements
d’auto-‐suffisance,
parfois
même
sur
le
troc.
Une
économie-‐monde
n’est
donc
pas
homogène,
elle
présente
des
différences
de
polarité
sources
d’asymétries.
Telles
sont
quelques-‐unes
des
analyses
faites
par
François
PERROUX
à
la
fin
des
années
quarante.
Toutefois,
il
faut
attendre
1966
et
la
traduction
américaine
de
la
thèse
de
Fernand
Braudel
–
La
Méditerranée
et
le
monde
méditerranéen
à
l’époque
de
Philippe
II
–
pour
que
la
notion
d’économie-‐monde
se
diffuse
hors
du
cénacle
des
spécialistes.
Selon
l’historien
F.
Braudel
et
son
disciple
américain
Immanuel
Wallerstein4,
le
monde
a
connu
une
succession
d’économies-‐mondes,
qui
passent
toutes
par
une
phase
de
naissance,
de
développement,
d’apogée
et
enfin
de
déclin.
Ce
processus
évolutif
s’inscrit
dans
une
durée
séculaire,
plusieurs
économies-‐mondes
pouvant
coexister
à
la
même
époque.
Ainsi,
depuis
le
XIXe
siècle,
l’économie
–monde
britannique
s’affirme
avant
de
s’effacer
au
profit
de
l’économie-‐monde
américaine.
Tour
à
tour,
les
deux
économies-‐mondes
évoluent
en
économies
mondiales,
et
sont
pour
les
pays
suiveurs
des
modèles
à
imiter
et
même
à
dépasser.
Toutes
deux
ont
été
affaiblies
par
la
«
surexpansion
impériale
»
mise
en
lumière
en
1988
par
Paul
Kennedy
dans
son
ouvrage
Naissance
et
déclin
des
grandes
puissances.
Hier
le
Royaume-‐Uni,
aujourd’hui
les
Etats-‐
Unis,
n’auraient
pas
su
préserver
un
équilibre
entre
les
nécessités
de
la
défense
et
les
moyens
dont
dispose
la
nation
pour
remplir
ses
engagements.
Toutes
deux
n’ont
pu
éviter
l’érosion
de
leur
avance
technologique,
industrielle,
condition
sine
qua
non
de
leur
domination.
Dès
lors,
l’ajustement
entre
les
moyens
et
les
ambitions
se
traduit
par
un
processus
d’effacement
au
profit
d’une
nouvelle
économie-‐monde.
Le
passage
de
témoin
de
l'économie
monde
britannique
à
l'économie
monde
américaine
dans
l'entre-‐deux-‐guerres
s'accompagne
de
dysfonctionnements
graves
qui
se
répercutent
à
l'échelle
du
globe.
De
même,
l'interruption
de
la
croissance
des
Trente
Glorieuses
serait
la
conséquence
de
l'affaiblissement
américain
mal
compensé
par
l'affirmation
d'une
nouvelle
économie
monde.
2 F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, 1979
3 F. Perroux, L’économie du XXe siècle, 1961
4 I. Wallerstein, The modern World system, 1974
17
Aujourd'hui,
la
globalisation
semble
remettre
en
cause
cette
conception
d'économies
mondes
se
succédant
les
unes
aux
autres.
Sous
l'effet
des
récents
progrès
technologiques
en
matière
de
télécommunications,
de
transferts
de
données,
les
flux
de
capitaux
connaissent
un
essor
considérable.
Il
s'ensuit
un
effacement
progressif
des
notions
même
de
frontières
et
de
souveraineté
attachées
à
un
territoire.
Le
XXIe
siècle
marque
peut-‐être
la
transformation
des
économies
mondes
en
une
seule
économie
mondiale,
enveloppe
des
enveloppes.
De
sa
naissance
(négoces,
bourses
et
foires)
à
aujourd'hui
(mondialisation)
le
capitalisme
a
permis
une
très
forte
croissance
du
PIB
mondial
par
tête:
Forte
hausse
du
XIVe
siècle:
+
44%
contre
14%
au
XIIIe
siècle.
Cette
hausse
est
le
résultat
de
l'effondrement
de
la
population
dans
le
monde
(peste,
guerres,
famines)
Au
contraire,
la
forte
croissance
des
XIXe
(+
248%)
et
XXe
siècle
(+
863%)
s'accompagne
de
l'explosion
démographique
mondiale.
La
1ère
révolution
industrielle
naît
en
Angleterre
dans
la
2e
moitié
du
XVIIIe
siècle,
la
seconde
en
Europe
et
aux
États-‐Unis
à
la
fin
du
XIXe
siècle,
et
la
troisième
aux
États-‐Unis
et
au
Japon
à
la
fin
du
XXe
siècle
Depuis
le
XIXe
siècle,
chaque
étape
du
capitalisme
est
marquée
par
de
nouveaux
modes
de
régulation,
c’est-‐à-‐dire
par
un
type
de
répartition
des
revenus
et
d’accumulation
du
capital
différent.
Les
membres
de
l'école
de
la
régulation
(Michel
Aglietta,
Robert
Boyer)
ont
développé
la
notion
de
régime
d'accumulation
qui
caractérise
l'ensemble
des
mécanismes
permettant
la
croissance.
La
plupart
des
régulationnistes
distinguent
deux
principaux
régimes
d'accumulation:
Un
régime
d'
accumulation
extensive,
au
XIXe
et
au
début
du
XXe
siècle:
la
croissance
repose
sur
l'accroissement
de
la
quantité
des
facteurs
de
production
Un
régime
d'accumulation
intensive
par
la
suite:
la
croissance
repose
sur
des
gains
de
productivité
importants
(amélioration
de
la
qualité
des
facteurs
de
production).
Chaque
régime
d'accumulation
doit
être
régulé
par
un
mode
de
régulation:
ensemble
des
régularités
assurant
une
progression
générale
et
relativement
cohérente
de
l'accumulation
du
capital.
Cette
analyse
s'applique
particulièrement
bien
aux
deux
grandes
crises
du
XXe
siècle:
la
crise
des
années
1930
et
celle
des
années
1970,
chacune
marquant
le
passage
à
une
autre
forme
de
capitalisme.
La
crise
des
années
30
traduit
l'incohérence
entre
un
régime
d'accumulation
qui
devient
intensif
et
un
mode
de
régulation
concurrentielle
(typique
du
XIXe
siècle,
où
l'État
intervient
peu
dans
l'économie,
où
la
création
monétaire
est
limitée
par
l'étalon-‐or,
où
le
partage
des
revenus
est
régulé
par
le
marché,
ce
qui
ne
permet
pas
une
consommation
de
masse).
Au
contraire,
la
production
de
masse
favorisée
par
la
diffusion
du
taylorisme
ne
trouve
donc
pas
de
débouchés
suffisants.
Cette
crise
sera
résolue
par
un
nouveau
mode
de
régulation,
le
mode
de
régulation
"monopoliste",
qui
assure
un
partage
des
revenus
permettant
une
consommation
de
masse.
Ce
mode
de
régulation
se
constitue
peu
à
peu
dans
l'entre-‐deux-‐
guerres,
avec
le
New
Deal,
et
trouve
toute
sa
cohérence
après
1945.
Il
permet
ainsi
la
croissance
des
Trente
Glorieuses,
en
accompagnant
un
régime
d'accumulation
intensive:
c'est
ce
que
les
régulationnistes
nomment
le
fordisme.
18
La
crise
des
années
70
provient
de
l'
"épuisement"
du
régime
fordiste.
La
tertiarisation
et
le
rejet
croissance
de
l'organisation
scientifique
du
travail
affaiblissent
les
gains
de
productivité,
et
la
mobilité
croissante
des
biens
et
des
capitaux
remet
en
cause
le
mode
de
régulation
monopoliste:
en
effet,
l'augmentation
des
salaires
propre
aux
Trente
Glorieuses
n'est
plus
compatible
avec
la
recherche
de
compétitivité
et
de
profits
élevés;
la
lutte
contre
l'inflation
(endémique
durant
les
Trente
Glorieuses)
devient
prioritaire
afin
d'attirer
les
capitaux
étrangers
(notamment
les
investisseurs
étrangers).
Aujourd'hui,
les
régulationnistes
voient
se
profiler
les
contours
d'un
régime
d'accumulation
"tiré
par
la
finance"
selon
BOYER-‐
AGLIETTA
parle
quant
à
lui
de
capitalisme
patrimonial:
les
marchés
financiers
jouent
un
rôle
prépondérant
dans
le
financement
de
l'économie,
la
gestion
des
entreprises
est
donc
davantage
influencée
par
les
actionnaires.
En
outre,
chaque
mode
de
régulation
repose
sur
des
formes
institutionnelles
particulières
:
le
rapport
salarial,
la
forme
et
l’intensité
de
la
concurrence,
le
régime
d’émission
monétaire
et
le
rôle
de
l’État,
l’insertion
dans
la
division
internationale
du
travail.
Pour
le
capitalisme,
deux
modes
de
régulation
se
sont
succédés
:
la
régulation
«
concurrentielle
»
fondée
sur
la
flexibilité
des
prix
et
une
faible
intervention
de
l’État
jusqu’à
la
crise
de
1929
;
puis
la
régulation
«
monopoliste
»
reposant
sur
la
concentration
des
entreprises
et
l’État
Providence.
Cahiers
français
n°349,
p.
11-‐17
et
p.
23-‐28
Ainsi,
le
modèle
fordiste,
dominant
dans
les
pays
développés
de
la
fin
de
la
Seconde
Guerre
mondiale
au
milieu
des
années
1970,
est
caractérisé
par
une
accumulation
intensive
fondée
sur
:
-‐ une
production
de
masse
liée
à
la
généralisation
des
chaînes
d’assemblage
et
à
la
standardisation
des
produits
-‐ la
consommation
de
masse
rendue
possible
par
la
redistribution
d’une
partie
des
gains
de
productivité
sous
la
forme
de
hausses
salariales
et
par
les
transferts
sociaux
effectués
par
l’État
La
crise
des
années
1970
à
1990
peut
être
interprétée
comme
celle
du
fordisme
:
elle
révèle
l’impossibilité
pour
les
gains
de
productivité
et
les
hausses
salariales
de
croître
au
même
rythme.
La
comparaison
avec
la
dépression
des
années
1930
montre
d’ailleurs
un
changement
dans
les
configurations
institutionnelles
entre
les
deux
périodes.
La
dépression
actuelle
est
de
moindre
ampleur
du
fait
de
l’existence
de
stabilisateurs
automatiques.
Alors
que
dans
les
années
1930,
du
fait
de
surproductions
massives,
les
prix
chutaient
plus
rapidement
que
les
salaires
nominaux,
aujourd’hui,
les
salaires
réels
ont
tendance
à
stagner
du
fait
de
la
pression
exercée
par
les
chômeurs.
D’une
manière
générale,
la
vitesse
de
l’ajustement
de
l’emploi
à
la
baisse
est
beaucoup
moins
rapide
que
dans
l’entre-‐deux-‐guerres.
Autre
différence
:
alors
que
dans
les
années
1930,
le
protectionnisme
et
les
dévaluations
compétitives
provoquent
une
contraction
des
échanges
internationaux,
dans
les
années
1990,
l’interdépendance
entre
les
économies
n’a
cessé
de
s’accentuer
au
point
de
réduire
considérablement
les
marges
de
manœuvre
des
pouvoirs
publics.
19
Pour
l’école
de
la
Régulation,
la
crise
économique
actuelle
traduit
l’acte
de
décès
d’un
système
institutionnel
qui
a
connu
son
âge
d’or
durant
les
Trente
Glorieuses,
qui
laisse
la
place
à
un
capitalisme
financier
ou
patrimonial.
Le
XIXe
siècle
et
Les
années
de
transition
Le
“fordisme”
des
30
La
“crise”
contemporaine
l’industrialisation
(entre
les
deux
guerres)
glorieuses
Modes
d’accumulation
Limites
de
l’accumulation
Accumulation
extensive
Accumulation
intensive
concurrents
intensive
Coexistence
des
deux
Limites
de
la
régulation
Régulation
concurrentielle
Régulation
monopoliste
régulations
monopoliste
En
1991,
Michel
Albert
écrit
que
le
capitalisme
est
"multiple,
complexe
comme
la
vie":
le
capitalisme
est
en
effet
particulièrement
divers,
dans
le
temps
comme
dans
l'espace.
Aussi
les
modalités
du
capitalisme
varient-‐elles
selon
les
cultures:
quelles
sont
les
expériences
nationales
du
capitalisme?
II.
La
diversité
spatiale
du
capitalisme
La
place
accordée
aux
mécanismes
marchands
et
la
spécificité
des
institutions
nationales
permettent
de
dégager
des
typologies
du
capitalisme.
Cahiers
français
n°349,
tout
le
dossier
«
Les
spécificités
nationales
du
capitalisme
»
(p.
36-‐62
A. Première
typologie:
une
opposition
classique
Dans
Capitalisme
contre
capitalisme
(1991),
Michel
Albert
oppose
le
capitalisme
anglo-‐
saxon
au
capitalisme
rhénan.
Dans
son
livre
Capitalisme
contre
capitalisme
(1991),
Michel
Albert
développe
les
dangers
de
ce
capitalisme
anglo-‐saxon
dominé
par
la
finance
et
l'obsession
du
profit
rapide.
Pour
Michel
Albert,
le
"courtermisme"
des
marchés
nuit
au
développement.
Les
actionnaires
n'ont
plus
d'attache,
autre
que
pécuniaire,
avec
l'entreprise,
qui
devient
alors
une
marchandise
comme
une
autre.
Ils
en
disposent
comme
ils
l'entendent,
sans
se
soucier
du
sort
du
personnel.
En
outre,
la
"tyrannie
de
la
finance
conduit
les
managers
à
ne
pas
pendre
de
risques
industriels.
L'esprit
d'entreprise
est
alors
bridé,
hypothéquant
la
croissance
et
le
développement
:
"trop
faire
pour
le
profit
aujourd'hui
nuit
au
profit
demain".
20
premier
cas
et
au
Japon
dans
le
second.
Pour
cet
auteur,
le
modèle
néoaméricain
du
capitalisme
est
moins
performant
que
le
modèle
rhénan.
Pourtant,
ce
dernier
connaît
aujourd'hui
de
nombreuses
difficultés.
1) Modèle
anglo-saxon
Système
économique
des
États-‐Unis
et
de
la
Grande-‐Bretagne:
profondément
libéral.
Régulation
effectuée
principalement
par
le
marché
–
en
particulier
le
marché
du
travail,
où
les
salariés
sont
peu
protégés
par
la
réglementation.
Corollaire:
les
interventions
de
l'État
sont
limitées
au
minimum.
Prédominance
des
marchés
financiers
privilégiant
les
profits
à
court
terme
Effets
pervers:
entreprises
considérées
non
pas
comme
des
moyens
de
production,
mais
comme
des
moyens
de
faire
du
profit.
Faible
protection
sociale
et
haut
niveau
d'inégalités
Aux
États-‐Unis,
la
pauvreté
n'est
pas
un
problème
politique
puisqu'elle
est
considérée
comme
une
sanction
du
marché;
les
seuls
programmes
d'assistance
concernent
l'aide
aux
plus
de
65
ans
(Medicare)
et
aux
plus
pauvres
(Medicaid)
pour
payer
les
frais
médicaux.
LES
PERFORMANCES
DU
MODÈLE
NÉO-‐AMÉRICAIN
DU
CAPITALISME
DOIVENT
ÊTRE
RELATIVISÉES
Les
fondements
de
la
puissance
américaine
reposent
sur
un
héritage
que
Ronald
Reagan
a
trouvé
à
son
arrivée
à
la
Maison
Blanche.
Les
États-‐Unis
bénéficient
d'un
énorme
stock
de
capital
accumulé
depuis
la
fin
de
la
guerre
et
d'importantes
ressources
naturelles.
Ils
disposent
d'une
avance
technologique
que
le
brain
drain
entretient.
Le
dollar,
monnaie
nationale
et
instrument
de
réserves
internationales,
«
permet
à
l'Amérique
de
payer,
d'emprunter
et
de
financer
des
dépenses
avec
sa
propre
monnaie
».
Enfin,
l'hégémonie
culturelle
renforce
la
domination
économique.
Le
dualisme
social
s'accentue.
Les
États-‐Unis
constituent
«
une
société
où
les
différentes
catégories
de
population
vivent,
en
fait,
sur
deux
planètes
différentes
qui
s'éloignent
chaque
année
un
peu
plus
l'une
de
l'autre
».
Ce
dualisme
est
le
résultat
de
la
politique
libérale
de
Ronald
Reagan
qui
a
induit
une
«
nouvelle
géographie
sociale
:
des
pauvres
21
plus
pauvres
face
à
des
riches
plus
riches
».
Les marchés financiers imposent leur tutelle au détriment de l'économie réelle
La
recherche
du
profit
maximum
à
court
terme
nuit
au
développement.
Les
actionnaires
n'ont
plus
d'attache,
autre
que
pécuniaire,
avec
l'entreprise,
qui
devient
alors
une
marchandise
comme
une
autre.
Ils
en
disposent
comme
ils
l'entendent,
sans
se
soucier
du
sort
du
personnel.
En
outre,
«
la
tyrannie
de
la
finance
»
conduit
les
managers
à
ne
pas
prendre
de
risques
industriels.
L'esprit
d'entreprise
est
alors
bridé,
hypothéquant
la
croissance
et
le
développement
:
«
trop
faire
pour
le
profit
aujourd'hui
nuit
au
profit
de
demain
».
2) Modèle
rhénan
Europe
continentale
et
dans
une
moindre
mesure
le
Japon.
Valorise
le
consensus
social
et
la
solidarité.
Intervention
plus
forte
de
l'État
dans
l'économie:
prélèvements
obligatoires
plus
élevés,
production
de
services
par
le
secteur
public,
régulation
du
marché
du
travail
(les
salaires
sont
fixés
non
par
le
marché
mais
selon
d'autres
modalités
(ancienneté,
conventions
collectives)
Rôle
important
des
banques
dans
le
financement
et
la
gestion
des
entreprises.
=>
Cela
permet
de
privilégier
les
stratégies
de
long
terme
des
entreprises
Société
moins
inégalitaire:
lutte
contre
l'exclusion
systématique
dans
les
pays
rhénans
et
fourniture
de
biens
collectifs
(santé,
éducation),
mieux
assurée…
Si
Michel
Albert
manifeste
sa
préférence
pour
le
modèle
rhénan,
il
estime
que
celui-‐ci
est
menacé
par
la
mondialisation
financière
qui
tend
à
imposer
les
règles
de
fonctionnement
du
capitalisme
anglo-‐saxon.
Selon
M.
Albert,
LE
CAPITALISME
RHÉNAN
EST
UN
MODE
D'ORGANISATION
SUPÉRIEUR
AU
MODÈLE
NÉO-‐AMÉRICAIN
22
En
effet,
selon
lui,
le
capitalisme
rhénan
(Allemagne,
pays
Scandinaves,
Autriche,
Suisse,
et
partiellement
le
Japon)
concilie
l'économie
de
marché
et
le
progrès
social
La
place
de
l'économie
de
marché
est
moins
grande.
«
Dans
le
modèle
néoaméricain,
les
biens
marchands
tiennent
une
place
sensiblement
plus
grande
que
dans
le
modèle
rhénan.
En
revanche,
les
biens
mixtes,
qui
relèvent
pour
partie
du
marché
et
pour
partie
des
initiatives
publiques,
sont
plus
importants
dans
le
modèle
rhénan
».
Par
exemple,
aux
États-‐Unis,
les
salaires
sont
fixés
par
le
marché
(la
force
de
travail
est
un
bien
marchand)
alors
que
d'autres
modalités
(conventions
collectives,
ancienneté...)
sont
également
prises
en
compte
dans
le
modèle
rhénan
(la
force
de
travail
est
un
bien
mixte).
L'entreprise
n'est
pas
un
bien
comme
un
autre,
mais
une
communauté.
En
Allemagne,
par
exemple,
les
participations
croisées
entre
principales
banques
et
grandes
entreprises
constituent
«
une
communauté
industrialo-‐financière
».
La
cogestion
au
sein
des
entreprises
consolide
le
dialogue
social
et
le
sentiment
d'appartenance
à
une
communauté.
La
puissance
monétaire
de
l'Allemagne
et
du
Japon
est
facteur
de
croissance.
La
solidité
du
mark
et
du
yen
incite
les
firmes
allemandes
et
japonaises
à
accroître
leurs
investissements
à
l'étranger
qui
«
permettent
aux
pays
rhénans
de
contrôler
plus
étroitement
leurs
marchés
d'exportation
».
Par
ailleurs,
«
la
stratégie
de
la
monnaie
forte
semble
à
première
vue,
âpre
et
difficile,
pour
ne
pas
dire
héroïque
»,
car
elle
dégrade
la
compétitivité
prix
des
entreprises.
Cependant,
elle
impose
à
celles-‐ci
de
rechercher
des
gains
de
productivité,
d'améliorer
leur
compétitivité
structurelle
(hors
prix),
notamment
en
innovant,
etc.
23
ailleurs,
une
forte
propension
à
épargner
permet
de
financer
les
investissements.
Enfin,
la
volonté
des
pouvoirs
publics
de
renforcer
la
position
internationale
de
l'économie
est
permanente.
Le
capitalisme
rhénan
est
moins
inégalitaire
que
le
capitalisme
néoaméricain.
Aux
États-‐
Unis,
la
pauvreté
n'est
pas
un
problème
politique
puisqu'elle
est
considérée
comme
une
sanction
du
marché.
A
contrario,
la
lutte
contre
l'exclusion
est
systématique
dans
les
pays
rhénans.
En
outre,
la
fourniture
de
biens
collectifs
(santé,
éducation...)
est
mieux
assurée
dans
ces
pays
et
pour
un
coût
moindre
qu'aux
États-‐Unis.
Cependant,
la
viscosité
sociale
est
plus
forte
dans
ces
sociétés.
La
cohésion
sociale
est
menacée.
La
volonté
de
réduire
les
inégalités
n'est
plus
générale
et
le
consensus
social
est
remis
en
cause
dans
plusieurs
pays
:
par
exemple,
«
la
montée
de
l'individualisme
est
particulièrement
net
en
Suède.
L'Etat-‐providence
y
est
dorénavant
contesté
[...].
Le
recul
de
l'esprit
civique
fait
que
les
salariés
ont
tendance
à
abuser
de
plus
en
plus
de
la
générosité
du
système
social
».
Du fait de la globalisation, les activités financières gagnent en importance.
«
La
globalisation
est
le
vecteur
principal
et
superpuissant
de
la
propagation
du
modèle
ultra-‐libéral».
Au
Japon,
au
cours
de
la
décennie
quatre-‐vingt,
se
développe
«
une
véritable
frénésie
entraînant
une
hausse
record
des
cours
du
désormais
célèbre
Nikkeï
».
En
Allemagne,
les
grandes
banques
se
lancent
dans
des
opérations
financières
internationales...
«
L'argent
facile
s'introduit
peu
à
peu
au
cœur
des
économies
du
modèle
rhénan.
»
Le capitalisme rhénan pâtit « de l'air du temps, de la sensibilité du moment ».
L'argent
facile
fait
davantage
rêver
que
la
sagesse
rhénane.
Par
ailleurs,
la
crise
des
idéologies
et
la
montée
de
l'individualisme
sont
propices
à
la
diffusion
du
message
du
24
capitalisme
néo-‐américain
:
«
un
maximum
de
profit
tout
de
suite
».
Enfin,
l'effondrement
des
économies
socialistes
dévalorise
«
de
proche
en
proche
et
injustement,
tout
ce
qui
se
rattachait
de
près
ou
de
loin
à
l'idéal
socialiste,
réformateur
ou
tout
simplement
social
».
La
victoire
du
capitalisme
néo-‐américain
est
d'autant
plus
surprenante
que
les
firmes
multinationales
(FMN)
américaines
n'appliquent
pas
ses
principes.
«
Les
FMN
américaines
se
sont
développées
essentiellement
par
croissance
interne,
sur
un
projet
industriel
porté
par
l'innovation
technologique
et
commerciale.
Elles
n'ont
donc
cessé
de
raisonner
à
long
terme.
[...]
Les
grandes
FMN
américaines
relèvent
plutôt
du
modèle
rhénan.
»
Pourtant,
elles
ne
se
désintéressent
pas
des
marchés
financiers
auxquels
elles
recourent
pour
financer
leurs
investissements.
Les
FMN
américaines
ouvrent
peut-‐être
les
«perspectives
d'une
synthèse
d'optimalisation
entre
les
deux
modèles
de
capitalisme».
Au
cours
des
années
quatre-‐vingt,
le
capitalisme
français
a
dérivé
vers
le
modèle
anglo-‐
saxon.
«
La
tradition
française,
c'est
le
social-‐colbertisme
:
l'État
qui
commande
l'économie
au
nom
d'une
ambition
politique
et
d'une
volonté
de
progrès
social.
»
Pourtant,
durant
la
décennie
quatre-‐vingt,
les
inégalités
se
sont
accentuées,
la
déréglementation
s'est
accélérée,
les
marchés
financiers
se
sont
développés
et
l'État
providence
a
été
contesté...
La
France
a
pourtant
besoin
du
modèle
rhénan.
«
Tout
autant
que
pour
maintenir
sa
protection
sociale,
la
France
a
besoin
du
modèle
rhénan
pour
renforcer
la
capacité
et
la
stabilité
financière
de
ses
entreprises.
»
Toutefois,
la
France
est
dans
la
CEE.
Seule
une
véritable
union
politique
permettra
à
l'Europe,
et
donc
à
la
France,
de
stopper
sa
dérive
vers
le
modèle
thatchérien
(rappelons
le
contexte
dans
lequel
Michel
Albert
a
publié
cet
ouvrage
en
1991
:
l’Union
européenne
n’existe
pas
encore
car
elle
est
créée
en
1995
;
quant
à
Margaret
Thatcher,
elle
fut
1er
ministre
du
Royaume-‐Uni
de
1979
à
1990).
25
Néolibéral
ou
libéral
de
Concurrence
Royaume-‐Uni
marché
(proche
du
Marchés
des
biens
modèle
anglo-saxon)
États-‐Unis
dérèglementés
Flexibilité
du
marché
du
Canada
travail
(les
salaires
peuvent
baisser)
Australie
Système
financier
et
de
gouvernement
d'entreprise
fondé
sur
le
marché
=>
exigence
des
firmes
de
s'adapter
à
un
environnement
compétitif
changeant)
Modèle
libéral
de
protection
sociale
Système
éducatif
concurrentiel
26
reclassements)
Système
financier
constitué
par
des
banques
Modèle
universel
de
protection
sociale
(accessible
à
tout
citoyen)
Système
financier
constitué
par
des
banques
(relations
de
long
terme
entre
banques
et
entreprises)
=>rôle
central
à
la
grande
firme
(à
la
fois
pour
la
formation
de
la
main
d'œuvre
et
pour
la
progression
des
individus
dans
leur
carrière)
Protection
sociale
limitée
Compétitivité:
capacité
d'une
entreprise
ou
d'une
branche
à
résister
à
la
concurrence.
Attention:
ces
modèles
sont
des
idéaux
types.
Un
idéaltype
selon
Max
WEBER,
n'est
pas
une
reproduction
du
"réel"
mais
plutôt
une
"idée":
"on
obtient
un
idéal
type
en
accentuant
unilatéralement
un
ou
plusieurs
points
de
vue
et
en
enchaînant
une
27
multitude
de
phénomènes
données
isolément,
diffus
et
discrets,
que
l'on
trouve
tantôt
en
grande
nombre,
tantôt
en
petit
nombre
et
par
endroits
pas
du
tout,
qu'on
ordonne
selon
les
[…]
points
de
vue
choisis
unilatéralement,
pour
former
un
tableau
de
pensée
homogène.
On
ne
trouvera
nulle
part
empiriquement
un
pareil
tableau
dans
sa
pureté
conceptuelle:
il
est
une
utopie"
On
peut
rapprocher
un
certain
nombre
d'économies
réelles
de
modèles
précis,
mais
aucune
économie
ne
possède
en
général
l'intégralité
des
propriétés
du
modèle.
De
plus,
les
institutions
de
chaque
pays
évoluent,
transformant
chaque
modèle
national.
Le
modèle
de
capitalisme
comme
idéaltype
sert
alors
de
repère
fixe
par
rapport
auquel
il
est
possible
d'apprécier
les
transformations
que
subissent
les
économies.
C. Capitalisme
des
pays
émergents
1) Capitalisme
des
économies
post-socialistes
émergentes
Depuis
la
chute
des
régimes
communistes,
la
variété
des
capitalismes
européens
a
été
enrichie
par
celle
des
pays
d'Europe
Centrale
et
Orientale.
Malgré
la
diversité
des
trajectoires
nationales,
des
tendances
communes
se
dessinent,
modelées
par
l'héritage
socialiste
et
par
un
certains
mimétisme
institutionnel
vis-‐à-‐vis
des
économies
développées:
Structure
originale
de
propriété
du
capital,
réunissant
de
multiples
propriétaires
avec
des
frontières
floues
et
évolutives:
ceux-‐ci
sont
nationaux
et
étrangers,
publics
et
privés,
et
peuvent
aussi
bien
être
des
banques
et
des
entreprises
que
des
fonds
de
capital
risque.
Les
réseaux
(industriels,
de
financement,
illégaux)
jouent
un
rôle
important
dans
cette
structure
de
propriété.
Ils
constituent
un
mode
de
coordination
alternatif
au
marché.
Le
tissu
productif
demeure
déchiré
entre
un
petit
nombre
de
groupes
puissants,
notamment
dans
l'industrie
lourde,
et
une
prolifération
de
petites
et
moyennes
entreprises,
mais
surtout
de
très
petites
entreprises
–
la
URSS
est
le
cas
le
plus
emblématique
de
cette
voie,
tentée
par
un
capitalisme
étatique
familial/oligarchique.
Structure
renforcée
par
un
système
financier
dominé
par
le
financement
bancaire
et
souvent
contrôlé
par
des
banques
occidentales.
Le
rôle
de
l'État
dans
l'activité
économique
et
dans
les
négociations
collectives
(entre
employeurs
et
salariés)
reste
important
(héritage
du
paternalisme
des
économies
socialistes)
avec
un
système
de
protection
social
certes
moins
développé
que
dans
le
reste
de
l'Europe,
mais
relativement
étendu
pour
des
pays
à
revenu
moyen.
L'enjeu
de
l'adhésion
à
l'Union
Européenne
(UE)
voire
de
la
qualification
à
l'Union
Économique
et
Monétaire
(zone
euro),
augmente
les
contraintes
pesant
sur
les
budgets
publics,
mais
également
sur
l'ouverture
extérieure
de
certaines
de
ces
économies,
qui
avaient
développé
des
liens
en
dehors
des
frontière
des
l'UE.
2) Économies
émergentes
28
Jean
Coussy,
chercheur
associé
au
CERI
|
Alternatives
Économiques
Hors-série
n°
065
-‐
avril
2005
Les
capitalismes
des
nouveaux
pays
émergents
du
Sud
ont
transformé
l'économie
mondiale.
Avec
des
conséquences
négatives
pour
certains
pays
en
développement.
Depuis
plusieurs
années,
cependant,
cette
montée
du
pouvoir
et
le
désir
des
pays
venus
tard
au
développement
de
le
revendiquer
étaient
perceptibles.
L'Afrique
du
Sud,
le
Brésil
et
l'Inde
ont
imposé
aux
laboratoires
pharmaceutiques
américains
de
faire
des
concessions sur les médicaments génériques. Le Brésil et la Chine se sont alliés pour
29
obtenir
une
réduction
des
protections
commerciales
des
pays
développés
(sans
toujours
abaisser
leurs
propres
protections).
Tous
les
pays
pauvres
demandent
l'ouverture
des
marchés
des
pays
développés
et
la
suppression,
ou
la
réduction,
de
leurs
subventions
aux
exportations.
Les
producteurs
de
textile
les
plus
efficients,
dont
la
Chine,
ont
obtenu
la
fin
du
système
de
quotas
protégeant
les
marchés
du
Nord.
Les
pays
en
développement
ont
aussi
bloqué
à
l'OMC
les
clauses
dites
de
Singapour,
portant
principalement
sur
les
règles
de
l'investissement,
la
politique
de
la
concurrence
et
la
transparence
des
marchés
publics;
ils
n'ont
en
particulier
montré
aucun
empressement
à
faire
respecter
les
textes
sur
la
protection
des
brevets.
Ils
ont
semé
les
germes
d'un
front
commun
dans
les
instances
internationales,
notamment
par
la
création
du
groupe
des
Vingt,
avec
l'objectif
de
modifier
la
répartition
des
pouvoirs
et
des
postes
(qui
reflètent
encore
les
droits
et
coutumes
de
1945).
Ils
appuient
le
projet
d'un
Conseil
économique
et
social
mondial
et
réclament
une
plus
grande
représentation
au
Conseil
de
sécurité.
entreprises transnationales, dont les intérêts sont devenus liés aux succès de leurs pays
30
d'implantation,
et
les
incitent,
outre
leurs
capitaux,
leurs
techniques,
à
apporter
leur
compétitivité
et
un
soutien
politique
à
leurs
exportations.
Comme
lors
du
décollage
de
l'Asie
du
Sud-‐Est,
l'expansion
géographique
du
capitalisme
accroît
donc
la
diversité
des
capitalismes.
La
Chine
et
l'Inde,
pays
clés
de
cette
nouvelle
expansion,
adaptent
le
capitalisme
à
leur
situation,
très
spécifique,
d'États
continents.
Réunissant
près
de
40%
de
la
population
mondiale,
ils
sont
géopolitiquement
puissants
et
ont
échappé
jusqu'à
présent
aux
grandes
perturbations
du
type
de
celles
liées
à
la
crise
asiatique
de
1997-‐1998.
Même
entre
ces
deux
pays,
les
institutions
et
les
modes
de
gestion
du
capitalisme
sont
très
différenciés
par
les
traces
de
leur
histoire
séculaire
respective
et
par
les
antagonismes
entre
leur
passé
récent.
La
Chine
a
ébranlé
toute
l'économie
industrielle
mondiale
en
développant
ses
avantages
comparatifs
industriels
par
l'emploi
du
travail
à
bas
prix
et
par
une
politique
d'éducation
orientée
vers
la
réduction
de
l'analphabétisme.
Elle
tend
à
devenir
compétitive
sur
tous
les
produits
industriels,
notamment
dans
l'électronique
et
dans
les
textiles,
au
risque
de
hâter
la
délocalisation
de
l'industrie
textile
des
pays
développés,
mais
aussi
du
Bangladesh,
du
Mexique
et
de
la
Tunisie.
L'Inde
a
transformé
l'économie
mondiale
des
services
en
mettant
l'accent
sur
l'enseignement
supérieur,
sur
les
call
centers
et
sur
les
logiciels,
créant
des
concurrents
aux
pays
développés
et
accélérant
l'outsourcing.
De leur côté, les importations de ces deux économies émergentes, notamment celles de
31
la
Chine,
se
sont
accrues
fortement
et
brusquement
du
fait
de
goulets
d'étranglement
dans
la
production
de
produits
primaires
locaux
(pétrole,
acier,
nickel,
bois).
Provoquant
de
brusques
hausses
des
prix,
cette
demande
a
créé
des
revenus
dans
des
pays
pauvres
parfois
très
éloignés
(Afrique
du
golfe
de
Guinée,
Amérique
latine,
Moyen-‐Orient,
Asie
anciennement
soviétique),
fournissant
de
nouvelles
recettes
aux
Etats
rentiers
et
des
profits
pour
les
intermédiaires
et
les
transporteurs.
Mais
l'instabilité
de
la
demande
chinoise
a
aussi
provoqué
des
baisses
brusques
des
quantités,
des
prix,
des
rentes
et
des
profits.
Double
discours
Plus
généralement,
la
tentation
de
tous
les
pays
émergents
a
été
grande
-‐
et
la
Chine
y
a
parfois
cédé
-‐
d'épuiser
d'abord
les
ressources
des
pays
fournisseurs
en
énergie,
en
bois,
etc.,
au
détriment
du
développement
durable
et
de
la
conservation
des
forêts.
En
résumé,
les
pays
émergents
se
sont
trouvés
vis-‐à-‐vis
de
leurs
fournisseurs
exactement
dans
la
situation
de
domination
qu'ils
critiquaient
naguère
chez
les
pays
développés
à
l'égard
des
moins
développés.
Comme
toutes
les
dominations,
celle-‐ci
s'est
produite
parfois
sans
intention
préalable
et
souvent
sans
intention
de
nuire.
Et
elle
coexiste
aujourd'hui
avec
des
discours
de
politique
économique
des
pays
asiatiques
qui
reproduisent
encore
le
discours
ancien
contre
les
dominations
coloniales.
A
Cancun,
ils
ont
assumé
le
rôle
de
soutien
des
pays
en
développement
auxquels
les
lient
un
passé
de
dépendance
coloniale
ou
quasi
coloniale,
des
ressentiments
communs
justifiés
et
des
traces
des
conférences
tricontinentales
ou
afro-‐asiatiques.
Ils
ont
aussi
beaucoup
réclamé
le
droit
et
même
le
besoin,
en
tant
que
pays
du
Sud,
de
protéger
les
industries
naissantes
et
celui
de
demander
des
concessions
commerciales
et
financières
aux
pays
du
Nord.
C'est
ce
double
discours,
nourri
de
la
revendication
de
puissance
et
du
statut
de
pays
pauvre,
que
l'on
a
entendu
à
Cancun.
Et
c'était
la
première
fois
qu'il
était
écouté
et
entendu
à
l'OMC
et
avant
elle
au
Gatt
(Accord
général
sur
les
tarifs
douaniers
et
le
commerce).
Une
nouveauté
que
l'on
peut
considérer
comme
le
signe
heureux
de
la
croissance du pouvoir politique dans ces pays émergents, mais un discours paradoxal
32
dans
la
mesure
où
ces
pays
sont
désormais
impliqués,
sans
en
être
toujours
conscients,
dans
les
dominations
économiques
qu'ils
dénoncent.
Ainsi,
des
pays
qui
ont
nettement
amorcé
leur
développement
gardent-‐ils
le
discours
qu'ils
avaient
quand
ils
désespéraient
de
s'insérer
dans
l'économie
mondiale.
On
a
vu
des
pays
émergents
protectionnistes
joindre
leur
voix
aux
motions
antiprotectionnistes
des
plus
pauvres
sans
faire
d'autocritique
sur
leur
propre
politique.
On
a
vu
ces
nouveaux
puissants
approuver
aussi
la
fin
de
l'accord
multifibres,
alors
que
chacun
savait
que
la
suppression
des
quotas
risquait
d'être
fatale
aux
pays
cités
plus
haut.
Dans
d'autres
instances,
on
voit
dénoncer
les
déséquilibres
des
paiements
internationaux
sans
indiquer
le
rôle
décisif
de
la
Chine
dans
la
création
et
le
financement
du
déficit
commercial
des
États-‐Unis.
Comme
le
note
l'économiste
indien
D.
N.
Ghosh
dans
un
article
récent
(1),
si
l'on
veut
éviter
que
les
pays
asiatiques
ne
créent,
dans
le
reste
du
monde,
les
effets
pervers
que
l'anglo-‐globalisation
a
eu
naguère
sur
les
pays
asiatiques,
il
faut
que
ceux-‐ci
ne
fassent
pas
supporter,
par
les
pays
non
asiatiques,
les
charges
des
ajustements
de
leur
propre
développement.
En
clair,
qu'ils
s'efforcent
de
concilier
leurs
discours
aux
accents
tiers-‐
mondiste
avec
la
réalité
de
la
domination
qu'ils
contribuent
à
exercer,
en
pratique,
sur
les
autres
pays
du
Sud.
Chine,
Inde
:
deux
modèles
différents
La
Chine
est
restée
un
État
fort,
unitaire
et
centralisé;
l'Inde,
une
union
d'Etats
dont
les
pouvoirs
locaux
sont
réels.
L'Inde
se
veut
la
plus
grande
démocratie
du
monde,
ce
à
quoi
ne
prétend
pas
la
Chine.
Cette
dernière
s'affirme
une
grande
puissance
aux
ambitions
extérieures
affichées,
alors
que
l'Inde,
même
si
elle
est,
elle
aussi,
soucieuse
d'assurer
sa
sécurité
extérieure
et
sa
force
militaire
(y
compris
nucléaire),
montre
moins
d'ambitions
expansionnistes
et
a
peu
de
rapports
avec
sa
région.
La
Chine
procède
à
des
changements
brusques
de
sa
régulation
économique,
au
risque
de
créer
des
instabilités
33
régulation
plus
prudente.
34
1ère
phase
débute
fin
1978:
feu
vert
donné
à
la
décollectivisation
de
l'agriculture,
qui
marque
le
coup
d'envoi
de
la
libéralisation
économique
=>
structures
collectives
démantelées
et
le
retour
à
l'exploitation
familiale
a
gagné
la
quasi-‐totalité
des
terres
agricoles.
Parallèlement,
développement
d'entreprises
hors
du
secteur
d'État
=>
prolifération
des
entreprises
privées
dans
les
campagnes,
création
de
millions
d'emplois
dans
le
commerce,
le
transport,
l'industrie
et
le
bâtiment.
2e
phase
commence
dans
les
années
1990:
privatisation
du
secteur
d'Etat,
par
simple
vente
aux
cadres
ou
dirigeants
locaux.
Grandes
entreprises
d'État
transformées
en
sociétés,
rendant
possible
l'ouverture
de
leur
capital
(actions)
aux
investisseurs
étrangers.
Mais,
très
souvent,
le
capital
est
resté
majoritairement
entre
les
mains
de
l'État.
au
début
du
XXIe
siècle,
le
secteur
privé
assure
les
2/3
de
l'activité
économique
chinoise.
La
quasi-‐totalité
des
exploitations
agricoles
est
privée,
mais
les
terres
restent
propriété
collective
et
sont
cédées
aux
paysans
par
des
baux
de
30
ans.
La
quasi-‐totalité
des
petites
entreprises
industrielles,
la
majeure
partie
du
bâtiment
et
du
commerce
appartiennent
à
des
entrepreneurs
privés;
mais
ceux-‐ci
sont
rares
dans
les
grandes
entreprises
industrielles,
dans
les
transports
et
télécommunications,
et
quasi-‐inexistants
dans
la
banque
(il
y
a
une
seule
banque
privée
en
Chine):
économie
mixte
proche
de
celle
qui
prévalait
dans
les
économies
européennes
jusqu'à
la
fin
des
années
1960.
C'est
depuis
1999
que
la
Constitution
reconnaît
et
protège
la
propriété
privée,
comme
composante
importante
de
l'économie.
Néanmoins,
la
suspicion
idéologique
qui
a
pesé
longtemps
sur
la
propriété
privée,
a
contribué
à
rendre
floues
les
frontières
entre
propriété
publique
et
privée.
L'influence
du
politique
reste
puissante
et
il
n'est
guère
possible
pour
une
petite
entreprise
privée
de
devenir
grande
sans
le
soutien
de
l'administration
locale
et
du
parti.
Les
ingérences
politiques
dans
l'économie
sont
la
règle
et
pas
encore
l'exception.
Accumulation
du
capital:
un
sujet
opaque
Malgré
l'existence
de
grandes
fortunes
privées
en
Chine,
(surtout
dans
l'immobilier
et
l'industrie
manufacturière),
l'État
contrôle
encore
la
majorité
du
capital
des
grandes
entreprises
chinoises.
En
2007,
selon
le
magazine
Fortune,
29
entreprises
de
Chine
populaire
faisaient
partie
de
la
liste
des
500
grandes
entreprises
répertoriées,
et
elles
étaient
toutes
détenues
en
majorité
ou
en
totalité
par
l'Etat.
Il
reste
difficile
de
cerner
précisément
les
contours
des
secteurs
privé
et
public,
d'autant
que
les
plus
grandes
entreprises
ont
tendance
à
déménager
à
Hong-‐Kong.
Ex:
Lenovo,
célèbre
entreprise
chinoise
ayant
racheté
la
division
d'ordinateurs
portables
d'IBM,
est
désormais
hébergée
à
Honk-‐Kong.
Libéralisation
des
prix
et
des
échanges
marchands
et
recherche
du
profit
Comme
dans
beaucoup
d'économies
de
marché,
seuls
sont
réglementés
les
prix
de
l'énergie,
des
transports,
des
télécommunications
et
autres
services
publics.
Recherche
du
profit
devenue
un
moteur
essentiel
de
l'activité
économique.
Le
plan
impératif
qui
régissait
l'ensemble
des
productions
jusqu'en
1978
a
disparu.
Cependant,
l'État
continue
à
intervenir
pour
orienter
le
développement
économique
et
la
modernisation
sectorielle:
il
s'appuie
sur
le
système
bancaire
(qui
est
public),
sur
de
puissantes
entreprises
d'État
dans
des
secteurs
stratégiques
(électricité,
pétrole,
télécommunications,
sidérurgie).
35
mise
en
œuvre
de
plans
de
modernisation
de
l'industrie
textile,
de
la
sidérurgie,
de
développement
du
secteur
des
télécommunications,
investissements
publics
dans
la
promotion
de
produits
haute
technologie
chinoise.
Un
marché
du
travail
encore
dualiste
Secteur
"organisé":
travailleurs
sous
contrat
dans
les
entreprises
urbaines
Secteur
"non
organisé"
ou
informel
tout
aussi
important:
a
pris
beaucoup
d'ampleur
ces
10
dernières
années
avec
l'afflux
de
travailleurs
migrants
des
campagnes
vers
les
villes
et
zones
industrielles.
Ils
sont
130
millions
dans
le
bâtiment
et
l'industrie,
le
plus
souvent
sans
contrat
de
travail,
sans
protection
sociale,
et
avec
un
niveau
de
salaire
moitié
moindre
que
ceux
des
ouvriers
urbains.
Ce
sont
eux
qui
ont
assuré
le
succès
des
industries
exportatrices
chinoises
avant
d'être
les
1ères
victimes
de
la
crise
actuelle.
Ce
marché
du
travail
est
extrêmement
flexible
avec
des
conditions
de
travail
qui
s'apparentent
à
celles
du
capitalisme
sauvage.
Le
nouveau
code
du
travail
de
2008
rend
illégales
ces
pratiques
informelles
et
impose
des
règles
aux
contrats
de
travail
(conditions
de
licenciement,
etc.).
Le
poids
de
l'État
et
du
politique
dans
la
vie
économique
L'État
doit
nécessairement
réguler
le
capitalisme
en
posant
des
bases
institutionnelles:
or,
il
y
a
encore
insuffisance
d'institutions
et
de
normes,
notamment
pour
réguler
les
marchés
boursiers,
lutter
contre
la
corruption,
favoriser
la
transparence
des
comptes
des
entreprises
et
des
banques.
Élites
modernes
(la
bourgeoisie)
peu
représentées
à
l'Assemblée
Nationale
Populaire:
l'ouverture
du
parti
communiste
reste
relative.
(Voir
article
«
capitalisme
et
démocratie
»
dans
les
Cahiers
français)
Un
capitalisme
divers
Capitalisme
indigène
vivace
reposant
sur
des
entrepreneurs
privés,
notamment
ruraux,
alimentés
par
un
circuit
de
financement
non
officiel.
Capitalisme
officiel
puissant:
grandes
entreprises
d'État
rénovées
depuis
les
années
90
(secteur
de
l'énergie
et
matières
premières,
industries
lourdes,
transports
et
communications,
finance).
Capitalisme
technocratique
et
largement
bureaucratique.
Capitalisme
étranger:
les
entreprises
de
Hong-‐Kong
et
Taiwan
ont
joué
un
rôle
décisif
dans
la
création
d'industries
manufacturières
modernes
et
compétitives
en
Chine
continentale.
Investisseurs
étrangers
apportent
leur
modèle
de
capitalisme
(USA,
Japon,
Europe)
Le
capitalisme
d'État
a
tendance
à
étouffer
le
capitalisme
privé
entrepreneurial
des
industries
rurales,
notamment
en
raison
de
la
primauté
du
politique
sur
l'économie.
Néanmoins,
la
crise
met
à
mal
la
foi
en
un
marché
autorégulateur.
Dès
lors,
le
capitalisme
hybride
à
la
chinoise
semble
viable.
La
crise
économique
mondiale
soumet
depuis
l'automne
2008
le
capitalisme
chinois
à
un
test.
D. Vers
un
modèle
unique
de
capitalisme?
1) L'absence
de
modèle
européen
unique
malgré
le
processus
d'intégration
européenne
36
Pour
les
pays
d'Europe,
outre
la
mondialisation,
c'est
incontestablement
le
processus
d'intégration
et
d'harmonisation
européenne
qui
forge
de
plus
en
plus
la
nature
de
la
zone:
marché
unique
centralisation
de
la
politique
monétaire
entre
les
mains
de
la
BCE
contraintes
sur
la
politique
budgétaire
(le
déficit
public
ne
doit
pas
dépasser
3%
du
PIB
et
la
dette
publique
60%
du
PIB)
harmonisation
partielle
des
politiques
fiscales
contrôle
communautaire
des
règles
de
la
concurrence
Le
marché
unique
a
accentué
la
concurrence
entre
les
pays
européens
et
a
donc
renforcé
le
processus
de
concurrence
institutionnelle
(favorisée
par
les
institutions
européennes:
par
exemple,
la
Commission
européenne
a
condamné
les
3
opérateurs
de
téléphonie
mobile
en
France,
ainsi
que
Intel
en
2008
pour
avoir
occupé
une
position
de
quasi-‐
monopole).
Cet
effet
s'exerce
surtout
entre
pays
d'une
grande
proximité
géographique.
Il
peut
conduire
à
un
certain
mimétisme
institutionnel
de
ce
qui
marche
chez
le
voisin.
Cependant,
celui-‐ci
n'est
pas
uniforme:
son
succès
dépendent
des
institutions
du
pays
tenté
par
le
mimétisme,
qui
rendent
parfois
l'adoption
de
certains
pratiques
inopportunes.
Ex:
fantasme
français
sur
le
modèle
danois
de
flexicurité
=>
échec
de
ce
mimétisme.
La
France
a
introduit
successivement
des
contrats
aidés
sur
le
marché
du
travail;
va-‐et-‐
vient
autour
du
Contrat
Première
Embauche
(CPE)
Mais,
malgré
cette
tendance,
les
pays
préservent
des
marges
de
manœuvre.
Ex:
disparités
concernant
le
poids
de
l'État
dans
l'économie.
L'inertie
nationale,
basée
sur
l'héritage
culturel
et
l'acquis
institutionnel,
agit
comme
un
frein
à
une
harmonisation
rapide.
Ainsi,
les
caractéristiques
fondamentales
des
économies
de
chaque
pays
demeurent
pour
l'instant
inébranlables:
le
capitalisme
demeure
étatique
centralisateur
en
France
(exemple
p.
49)
il
reste
consensuel
fédéral
en
Allemagne
et
en
Belgique
Capitalisme
consensuel
en
Autriche
et
aux
Pays-‐Bas
Libéral
pragmatique
dans
les
pays
anglo-‐saxons
Social-‐démocrate
dans
les
pays
du
Nord
2) Le
modèle
anglo-saxon
domine
jusqu'en
1990-2000
(cahiers
français
p.
43-
44)
"
Le
cycle
de
la
finance
s'impose
au
cycle
économique
"
Entretien
avec
Michel
Aglietta
:
professeur
à
l'université
Paris
X-Nanterre
(voir
également
l’Alternatives
économiques
hors-série
n°87
sur
les
Marchés
financiers)
L'expansion
du
système
financier
international
a
déstabilisé
le
cours
de
l'économie
mondiale.
Les
effets
induits
par
ce
capitalisme
contemporain
diffèrent
d'un
continent
à
l'autre.
Alternatives
Economiques:
Les
marchés
financiers
semblent
être
devenus
le
moteur
principal
des
fluctuations
du
capitalisme
contemporain.
Quels
sont
les
principes
de
fonctionnement
de
ce
capitalisme
financier?
37
Michel
Aglietta:
L'influence
des
marchés
financiers
sur
la
dynamique
économique
contemporaine
a
connu
deux
périodes.
Dans
les
années
80,
elle
est
passée
par
un
niveau
élevé
des
taux
d'intérêt.
Ceci
a
pesé
sur
les
profits
et
sur
l'investissement
des
entreprises
en
accroissant
leurs
charges
d'endettement
et
en
leur
imposant
des
seuils
de
rentabilité
très
élevés.
Résultat:
la
croissance
a
été
fortement
ralentie
et
le
chômage
a
augmenté,
les
entreprises
se
sentant
moins
responsables
de
leurs
salariés
et
cherchant
une
plus
grande
flexibilité
de
l'emploi.
La
deuxième
phase
est
celle
des
années
90.
La
baisse
des
taux
d'intérêt
et
le
développement
des
nouvelles
technologies
de
l'information
ont
nourri
l'essor
des
marchés
boursiers.
La
période
a
vu
la
montée
en
puissance
des
actionnaires
et
le
développement
de
l'idéologie
de
la
valeur
actionnariale:
les
entreprises
doivent
agir
pour
maximiser
la
rentabilité
boursière
de
leur
titre
et
donc
réaliser
des
rendements
financiers,
c'est-‐à-‐dire
des
rendements
dont
l'exigence
est
transmise
par
les
investisseurs
financiers
via
le
marché
boursier.
L'abondance
des
capitaux
permise
par
la
baisse
des
taux
d'intérêt
a
aussi
entraîné
la
recherche
par
les
investisseurs
de
nouvelles
opportunités
de
placement,
qu'ils
ont
en
partie
trouvées
dans
le
financement
des
pays
émergents,
faisant
des
années
90
celles
de
l'expansion
géographique
de
la
mondialisation
financière.
L'Europe
est
la
zone
qui
a
le
plus
souffert
de
ces
développements.
L'énorme
choc
de
l'unification
allemande,
les
contraintes
financières
de
la
préparation
de
la
monnaie
unique
et,
pour
la
France,
l'idéologie
de
la
désinflation
compétitive
(*)
en
sont
les
causes
principales.
L'Europe
continentale
a
connu
ainsi
des
taux
d'intérêt
élevés
jusqu'en
1996,
bien
plus
longtemps
que
les
États-‐Unis
ou
le
Royaume-‐Uni.
Sur
longue
période,
les
effets
en
sont
impressionnants:
en
moyenne,
le
taux
d'intérêt
réel
à
long
terme
sur
trente
ans
est
égal
au
taux
de
croissance
aux
États-‐Unis
et
au
Royaume-‐Uni.
Il
a
été
deux
fois
supérieur
en
France
et
1,8
fois
supérieur
en
Allemagne.
Il
n'est
pas
nécessaire
d'aller
chercher
plus
loin,
et
surtout
pas
dans
le
marché
du
travail,
la
cause
du
handicap
important
de
l'Europe
en
matière
d'investissement
et
d'assimilation
de
la
nouvelle
vague
technologique,
un
handicap
dont
nous
subissons
encore
les
effets.
Non.
Il
suffit
de
regarder
l'Asie
pour
le
comprendre.
La
crise
asiatique
de
1997-‐1998
a
montré
combien
il
est
impossible
de
fonctionner
selon
une
logique
de
pur
marché.
La
Chine
et
l'Inde,
qui
ne
s'étaient
pas
lancées
dans
l'ouverture
à
tout
va
aux
mouvements
de
capitaux
internationaux,
ont
été
confortées
dans
la
nécessité
d'une
finance
maîtrisée.
L'État
continue
à
y
dominer
la
finance.
Il
existe
aujourd'hui
une
voie
asiatique
du
capitalisme
financier,
conduite
par
des
pays
au
potentiel
humain
énorme,
proposant
un
régime
de
croissance
sur
des
bases
politiques
maîtrisées.
L'influence
de
la
Chine
sur
les
autres
pays
de
la
région
peut
contribuer
à
répandre
ce
modèle,
ce
qui
pourrait
avoir
des
effets
considérables
sur
les
rapports
de
force
monétaires
et
financiers
internationaux.
Les
conditions
dans
lesquelles
la
Chine
finance
les
déficits
extérieurs
des
États-‐Unis
la
mettent
en
position
de
décider
de
l'avenir
du
38
taux
de
change
du
dollar.
Aujourd'hui,
les
avantages
d'un
soutien
sont
plus
forts
que
les
inconvénients.
Mais
quand
la
croissance
va
essaimer
vers
l'intérieur
du
pays,
qu'elle
va
s'autonomiser
de
l'extérieur
et
devenir
moins
gaspilleuse
en
investissements,
la
maîtrise
de
la
demande
interne
deviendra
l'objectif
prioritaire
de
la
politique
économique
chinoise.
Le
pays
devra
alors
se
doter
d'une
politique
monétaire
autonome
pour
contrôler
la
demande
intérieure
et
dépasser
le
moyen
fruste
qu'est
l'injonction
directe
du
gouvernement
sur
les
banques
pour
restreindre
le
crédit.
Si
les
États-‐Unis
n'ont
pas
maîtrisé
d'ici
là
la
dérive
de
leurs
comptes
extérieurs,
on
va
se
retrouver
comme
en
1971,
lorsque
l'Allemagne
a
décidé
d'arrêter
son
soutien
à
un
système
monétaire
international
centré
sur
le
dollar.
Un
système
polycentrique
bâti
autour
du
dollar,
de
l'euro,
du
yen
et
de
la
monnaie
chinoise
aurait
alors
toutes
les
chances
d'émerger
d'ici
à
quelques
années.
Les
autres
pays
asiatiques
auraient
en
effet
tout
intérêt
à
encadrer
les
fluctuations
de
leur
devise
face
au
yuan.
Dans
le
même
temps,
l'Europe
et
le
Japon
prendraient
l'initiative
de
stabiliser
le
taux
de
change
entre
le
yen
et
l'euro,
le
tout
organisant
un
contournement
de
la
prépondérance
perverse
du
dollar.
Dans
les
pays
du
nord
de
l'Europe,
de
la
Finlande
aux
Pays-‐Bas,
le
capitalisme
financier
a
remodelé
les
compromis
sociaux,
mais
dans
une
voie
qui,
tout
en
développant
la
flexibilité
sur
le
marché
du
travail,
reste
favorable
au
maintien
de
la
sécurité
des
salariés.
Les
évolutions
du
droit
du
travail
qui
en
ont
découlé
se
font
dans
des
entreprises
de
taille
mondiale
et
disposant
d'une
grande
puissance
financière,
mais
conservant
des
normes
de
gestion
qui
incorporent
une
forme
de
responsabilité
sociale
de
l'entreprise.
L'Europe
dispose
donc
d'un
modèle
viable,
que
les
Anglo-‐Saxons
tentent
d'ailleurs
de
retrouver
par
d'autres
voies.
Les
scandales
à
répétition
de
type
Enron
ont
fait
apparaître
que
les
mécanismes
de
contrôle
des
entreprises
par
les
marchés
financiers
ne
fonctionnent
pas.
Ils
favorisent
une
élite
financière
qui
extrait
la
valeur
de
l'entreprise
à
des
fins
d'enrichissement
personnel.
Ces
travers
menacent
le
capitalisme
financier,
prisonnier
de
normes
de
gestion
qui
demandent
en
permanence
des
niveaux
de
rentabilité
supérieurs
aux
rendements
d'équilibre
sur
les
marchés
de
capitaux.
Or,
il
est
impossible
que
toutes
les
entreprises
à
la
fois
fassent
mieux
que
la
moyenne.
Sauf
à
jouer
d'expédients
systématiques
comme
le
contournement
des
normes
comptables,
l'utilisation
des
places
offshore,
etc.
Les
actionnaires
de
long
terme,
les
gros
investisseurs
institutionnels
(fonds
de
pension,
compagnies
d'assurance,
etc.)
sont
frustrés
par
cette
situation
et
poussent
à
sa
remise
en
cause.
Mais
ils
ne
pourront
changer
les
choses
que
si
les
gouvernements
changent
la
loi
en
leur
faveur:
en
obligeant
les
actionnaires
à
se
déplacer,
à
voter,
à
contrôler,
etc.
39
Le
cycle
de
la
finance
s'impose
au
cycle
économique
par
son
élément
au
potentiel
le
plus
instable,
à
savoir
l'endettement.
Le
capitalisme
financier
actuel,
en
développant
les
techniques
de
transfert
de
risque
utilisant
les
marchés
dérivés,
incite
les
banques
à
prêter
sans
avoir
à
en
subir
le
coût.
Comme
les
banques
centrales
maintiennent
des
taux
d'intérêt
très
bas,
la
liquidité
très
abondante
se
dirige
sur
les
achats
d'actifs
plutôt
que
sur
les
investissements
productifs.
L'argent
sert
alors
à
financer
une
spéculation
qui
rebondit
d'un
marché
à
l'autre,
de
la
Bourse
à
l'immobilier,
puis
au
change,
aux
matières
premières,
etc.
Ceci
porte
à
des
excès
de
crédit
et
à
des
sous-‐évaluations
des
risques,
chaque
banque
étant
persuadée,
à
titre
individuel,
de
bien
les
maîtriser,
nourrissant
un
risque
systémique
(*)
latent.
Les politiques publiques ne semblent pas à même de maîtriser cette instabilité.
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
Source
:
Dominique
PLIHON,
Le
nouveau
capitalisme,
Repères,
La
Découverte,
3e
édition
III.
LES
REMISES
EN
CAUSE
ACTUELLES
DU
CAPITALISME
LIBÉRAL
OU
FINANCIER
OU
PATRIMONIAL
A. Les
effets
pervers
de
l'hégémonie
du
libéralisme
anglo-‐saxon:
les
insuffisances
de
la
gouvernance
mondiale
Définition
d'un
modèle
de
gouvernance
p.
73
dans
les
Cahiers
français
Dominique
PLIHON,
Le
nouveau
capitalisme,
2009
:
«
Le
nouveau
capitalisme
pris
dans
le
piège
de
la
finance
»
68
69
70
71
72
73
Dominique
Plihon,
Le
nouveau
capitalisme,
2009
74
B. Le
capitalisme
aggrave
les
inégalités
En
1830,
le
conseiller
d'État
en
fin
de
carrière
gagnait
45
fois
plus
que
le
manœuvre
de
province.
Un
siècle
et
demi
après,
l'écart
n'était
plus
que
de
7
à
1.
Jean
Fourastié,
dans
les
années
70,
a
rassemblé
bien
d'autres
données
du
même
acabit
qui,
toutes,
vont
dans
le
même
sens.
Entre
le
haut
et
le
bas
du
panier
des
revenus,
l'évolution
séculaire
montre
un
resserrement
sensible
des
inégalités
de
revenu.
Il
donnait
ainsi
raison
en
quelque
sorte
à
Tocqueville,
qui
voyait
dans
"l'égalisation
des
conditions"
le
grand
ressort
des
sociétés
démocratiques.
Toutefois,
en
rester
à
ce
constat
conduit
à
occulter
l'essentiel:
l'explosion
des
inégalités
lorsque
la
société
traditionnelle
commence
à
céder
la
place
à
la
société
industrielle
et
que
l'économie
de
marché
tend
à
se
substituer
aux
échanges
de
proximité
qui
étaient
alors
la
règle.
Pour
s'en
convaincre,
il
suffit
de
lire
le
Tableau
de
l'état
physique
et
moral
des
ouvriers
employés
dans
les
manufactures
de
coton,
de
laine
et
de
soie
du
docteur
Villermé
(1840).
A
Mulhouse,
écrit-‐il,
"tandis
que
dans
les
familles
de
fabricants,
négociants,
drapiers,
directeurs
d'usine,
la
moitié
des
enfants
atteint
la
29e
année,
cette
même
moitié
cesse
d'exister
avant
l'âge
de
2
ans
accomplis
dans
les
familles
de
tisserands
et
d'ouvriers
des
filatures
de
coton"
(1).
L'espérance
de
vie
est,
selon
les
calculs
de
Villermé,
de
l'ordre
de
23
ans
chez
les
ouvriers.
La
classe
ouvrière
paye
alors
d'un
prix
élevé
le
passage
d'une
économie
de
la
proximité
à
une
économie
de
marché.
Comme
75
l'écrit
Eugène
Buret
la
même
année
(2),
"la
misère
se
rencontre
ordinairement
dans
les
lieux
de
grande
production,
dans
les
foyers
les
plus
actifs
de
la
richesse
industrielle".
Ceux
qui
produisent
la
richesse
sont
contraints
de
vivre
dans
une
misère
sans
nom,
tandis
que
ceux
qui
les
font
travailler
s'enrichissent.
Part des 10 % les plus riches dans l'ensemble des revenus aux États-Unis, en %
Pourtant,
dès
1840
en
Angleterre,
aux
alentours
de
1850
en
France
et
en
Allemagne,
les
enquêtes
montrent
que,
même
dans
la
population
ouvrière,
les
budgets
alimentaires
occupent
une
place
qui
commence
à
se
réduire,
tandis
que
l'espérance
de
vie
s'allonge,
signes
qui
ne
trompent
pas.
Toutefois,
le
mouvement
de
réduction
des
inégalités
demeure
très
lent.
Au
début
du
XXe
siècle,
la
part
du
revenu
total
qui
échoit
au
centième
le
plus
favorisé
des
ménages
est
encore
de
l'ordre
de
20%
en
France.
Il
faut
attendre
1930
pour
qu'il
tombe
à
15%
et
1945
pour
qu'il
arrive
à
10%
(3).
Dans
les
autres
pays
industrialisés,
le
mouvement
d'ensemble
est
le
même:
après
une
période
d'ouverture
de
l'éventail
des
inégalités
qui
dure
trente
à
cinquante
ans,
l'essor
de
l'économie
de
marché
s'accompagne
d'une
réduction
progressive
des
inégalités
au
cours
du
siècle
qui
suit.
76
La
tendance
plus
récente
Pourtant,
depuis
1980,
dans
la
plupart
des
pays
de
vieille
industrialisation
(France
exceptée),
on
constate
que
la
part
dans
l'ensemble
des
revenus
du
dixième
le
plus
favorisé
(dernier
décile)
tend
à
progresser
nettement
plus
vite
que
celle
des
autres
fractions
de
la
population.
Ainsi,
aux
États-‐Unis,
la
part
des
deux
derniers
déciles
de
la
population
est
passée
de
44%
en
1978
à
50%
en
2005
(4)
et
celle
des
deux
premiers
déciles
(les
plus
pauvres
de
la
population)
de
4,2%
à
3,4%,
ce
qui
infirme
la
courbe
de
Kuznets.
Thomas
Piketty
avance
deux
explications
pour
comprendre
cette
discordance
entre
la
tendance
de
long
terme
et
la
tendance
plus
récente:
l'inflation
et
l'impôt
progressif
sur
le
revenu.
La
première
a
réduit
sensiblement
-‐
surtout
entre
1914
et
1945
-‐
le
patrimoine
des
classes
favorisées,
souvent
placé
en
titres
à
revenus
fixes.
Le
second
a
amputé
les
revenus
tirés
de
ce
patrimoine.
C'est
donc
par
le
haut
que
les
inégalités
se
sont
réduites
sur
le
long
terme,
contrairement
à
la
thèse
de
Kuznets.
Mais,
depuis
la
fin
des
années
70,
l'inflation
a
été
jugulée,
permettant
de
mieux
valoriser
les
patrimoines
mobiliers,
tandis
que
les
taux
d'imposition
appliqués
aux
tranches
les
plus
hautes
de
revenu
se
réduisaient
sensiblement.
Les
différences
de
gains
de
productivité
ne
sont
donc
pour
rien
dans
ce
retournement
historique
des
tendances.
Pour
compléter
le
tableau,
Thomas
Piketty
estime
que
"les
très
hautes
rémunérations
sont
redevenues
socialement
acceptables
dans
les
États-Unis
des
années
80
et
90".
L'opinion
jouerait
ainsi
un
rôle.
Cette
dernière
période
modifie
complètement
le
regard
que
l'on
peut
porter
sur
les
deux
derniers
siècles.
A
la
place
de
la
courbe
en
U
renversé
avancée
par
Kuznets,
l'économie
de
marché
semble
caractérisée
par
deux
périodes
de
forte
croissance
des
inégalités
encadrant
une
longue
période
(un
siècle
et
demi)
de
réduction
plus
ou
moins
rapide
de
celles-‐ci.
Trois
mouvements
Si
tel
est
bien
le
cas,
cela
provoquerait
une
sérieuse
révision
de
la
lecture
de
l'évolution
économique.
Dans
un
premier
temps,
l'émergence
du
marché
ne
serait
bornée
par
aucune
institution
ou
aucune
règle,
et
engendrerait
une
"économie
du
chercheur
d'or":
le
gagnant
rafle
tout.
Des
fortunes
colossales
côtoieraient
alors
une
misère
grandissante
(5).
Mais,
dans
une
société
démocratique,
l'opinion
compte
et,
révoltée
par
ces
inégalités
croissantes,
elle
finirait
par
engendrer
une
sorte
d'interventionnisme
public
visant
à
contrer
la
dynamique
économique
inégalitaire.
C'était
la
thèse
de
Tocqueville,
et
on
peut
effectivement
penser
que
la
légalisation
des
syndicats,
les
différentes
lois
sociales,
la
redistribution
et
l'impôt
progressif
ont
été
le
fruit
d'une
opinion
choquée
par
l'inégalité
croissante
des
conditions.
Dans
un
troisième
temps,
cependant,
ces
institutions,
instaurées
au
niveau
national,
pourraient
apparaître
comme
autant
de
lourdeurs,
voire
de
freins,
face
à
une
économie
de
marché
dont
le
centre
de
gravité
s'est
déplacé,
en
77
faisant
irruption
dans
un
certain
nombre
de
pays
de
l'ancien
"tiers
monde":
sous
la
pression
de
la
mondialisation,
les
institutions
anciennes
seraient
remises
totalement
ou
partiellement
en
cause,
et
la
dynamique
inégalitaire
du
marché
reprendrait
alors
le
dessus.
Denis
Clerc
Alternatives
Économiques
-‐
Hors-‐série
n°77
-‐
Avril
2008
Notes
(1)
Tableau
de
l'état
physique
et
moral
des
ouvriers
employés
dans
les
manufactures
de
coton,
de
laine
et
de
soie,
1840,
édition
abrégée
parue
en
10/18,
1971,
p.
50.
(2)
De
la
misère
des
classes
laborieuses
en
France
et
en
Angleterre,
1840,
tome
2,
p.
282.
(3)
Toutes
ces
données
ont
été
rassemblées
et
analysées
par
Thomas
Piketty.
Voir
sa
contribution
au
rapport
du
CAE
sur
les
inégalités:
http://www.jourdan.ens.fr/piketty/fichiers/public/Piketty2001b.pdf
(4)
Voir
http://www.census.gov/hhes/www/income/histinc/p60no231_tablea3.pdf
(5)
Dont
témoignent
les
romans
de
l'époque,
Oliver
Twist,
Les
mystères
de
Paris...
(6)
Évangile
selon
Saint
Matthieu,
25/29.
C. Un
capitalisme
anti-‐libéral:
la
prolifération
des
oligopoles
78
développées.
Manifestement,
le
capitalisme
ne
prend
pas
le
chemin
du
libéralisme
économique.
L'accélération
de
la
concentration
entraînée
par
la
libéralisation
du
commerce
mondial
a
eu
des
effets
beaucoup
plus
spectaculaires
encore
pour
tous
les
produits
nouveaux
qui
sont
nés
dans
ce
contexte.
En
l'espace
de
seulement
une
ou
deux
décennies,
des
oligopoles
mondiaux
très
fermés
se
sont
en
effet
imposés
sur
chacun
de
ces
nouveaux
marchés
(voir
encadré).
79
A
vrai
dire,
cette
dynamique
du
non-‐marchand
n'est
guère
surprenante.
Tout
d'abord,
la
demande
sociale
en
faveur
d'une
égalité
réelle
ne
se
dément
pas,
au
contraire:
dans
tous
les
pays
développés,
de
nouveaux
groupes
sociaux
exigent
régulièrement
que
leur
soit
reconnu
un
droit
à
bénéficier
de
transferts
qui
corrigent
les
rigueurs
du
marché.
Et
ils
y
parviennent.
De
plus,
l'exercice
même
des
activités
marchandes
suppose
des
conditions
de
plus
en
plus
nombreuses
et
difficiles
à
réunir
dans
des
sociétés
de
plus
en
plus
complexes,
où
la
division
du
travail
s'approfondit
sans
cesse.
Ces
sociétés,
parce
qu'elles
sont
complexes,
sont
en
effet
également
très
fragiles.
La
machine
économique
risque
de
se
bloquer
au
moindre
aléa:
attaque
terroriste,
épidémie,
catastrophe
naturelle,
incident
technique,
mouvement
social...
De
telles
sociétés
réclament
toujours
davantage
de
sécurité.
Au
sens
classique
(policier)
du
mot,
mais
aussi
de
plus
en
plus
en
termes
de
sécurité
juridique,
sociale
ou
encore
environnementale.
Or,
on
ne
sait
pas
produire
de
tels
"biens
publics"
de
façon
marchande.
Dans
un
tel
cadre,
seuls
les
riches
bénéficieraient
en
effet
de
ces
bienfaits,
alors
qu'il
faut
qu'ils
soient
répandus
partout
pour
qu'ils
remplissent
leur
fonction
de
bien
public.
Rien
ne
sert
aux
riches
d'avoir
à
disposition
de
bons
docteurs
si
les
pauvres
ne
sont
pas
soignés:
ceux-‐ci
risquent
de
leur
transmettre
des
maladies
qui
bloqueront
la
machine.
On
l'a
vu
récemment
avec
l'épidémie
de
SRAS
(syndrome
respiratoire
aigu
sévère)
en
Chine:
elle
a
paralysé
le
transport
aérien
mondial
pendant
plusieurs
semaines.
Pour
toutes
ces
raisons,
de
plus
en
plus
d'activités
doivent
donc
échapper
à
une
logique
purement
marchande.
80
Ce
qui
rend
ce
développement
du
non-‐marchand
difficilement
perceptible
au
grand
public,
c'est
qu'il
s'accompagne
d'un
mouvement
apparemment
contraire:
un
recul
ou
plutôt
une
stagnation
de
l'État
employeur
producteur.
Pourtant,
ces
deux
mouvements
sont
probablement
moins
contradictoires
qu'il
n'y
parait:
quand
le
non-‐marchand
se
développe
au
point
de
peser
la
moitié
des
richesses
produites,
de
puissantes
pressions
s'exercent
pour
diversifier
les
acteurs
qui
y
interviennent.
C'est
ainsi
que,
par
souci
d'efficacité,
la
poursuite
de
la
montée
du
non-‐marchand
passe
désormais
par
une
grande
pluralité
d'instruments.
A
côté
du
modèle
classique
de
l'Etat-‐employeur-‐producteur,
on
trouve
un
grand
nombre
d'arrangements
divers.
La
décentralisation
permet
de
définir
les
objectifs
et
les
moyens
des
politiques
au
plus
près
des
besoins,
tandis
que
la
production
des
services
peut
être
déléguée
à
des
associations,
à
des
organisations
créées
par
les
partenaires
sociaux
ou
encore
à
des
entreprises
privées
à
but
lucratif.
Des
dispositifs
anciens
certes,
mais
qui
prennent
partout
de
l'ampleur.
Bref,
le
rêve
libéral
d'une
société
de
concurrence
pure
et
parfaite
dotée
d'un
État
minimal
n'est
pas
en
train
de
s'accomplir.
Cela
ne
signifie
pas
pour
autant
que
tout
aille
pour
le
mieux
dans
le
meilleur
des
mondes.
En
dépit
de
la
montée
du
non-‐marchand,
tout
le
monde
n'accède
pas
dans
les
mêmes
conditions
aux
biens
publics
et
on
observe
le
développement
de
nouvelles
inégalités,
notamment
en
termes
de
santé
et
d'éducation.
Les
forces
qui
dominent
le
capitalisme,
avec
le
soutien
des
idéologues
néolibéraux,
font
en
effet
pression
en
faveur
de
politiques
de
réduction
de
la
sphère
de
l'État,
qui
servent
leurs
intérêts
à
court
terme
mais
menacent
les
fondements
mêmes
de
la
croissance,
y
compris
de
l'économie
privée
marchande.
Aujourd’hui
encore,
il
reste
à
l’échelle
mondiale
une
vingtaine
de
constructeurs
automobiles
qui
comptent,
et
chacun
d’entre
eux
possède
toujours
un
enracinement
régional
très
fort.
De
Daimler
Chrysler
à
Renault-‐Nissan,
on
observe
bien
un
mouvement
vers
la
création
de
véritables
global
players,
mais
ce
mouvement
reste
lent
et
hésitant…
A
contrario,
du
côté
des
ordinateurs,
s’il
existe
encore
un
nombre
significatif
d’étiquettes
sur
les
boîtes,
pour
chacun
des
composants
stratégiques
qui
se
trouve
à
l’intérieur
81
(microprocesseurs,
logiciels
d’exploitation,
disques
durs,
écrans,
principaux
logiciels
d’applications,
etc.),
des
oligopoles
mondiaux
très
fermés
se
sont
créés
en
moins
de
vingt
ans,
illustrés
par
des
noms
bien
connus,
comme
Intel
ou
Microsoft.
Et
la
même
logique
prévaut
pour
quasiment
tous
les
produits
apparus
depuis
vingt-‐cinq
ans:
lecteurs
de
CD
ou
de
DVD,
téléphones
portables,
nouveaux
médicaments…
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article
est
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du
dossier
Comprendre
:
le
capitalisme
en
dix
fiches
Alternatives
Economiques
-‐
Hors-‐série
n°65
-‐
Avril
2005
En
complément
:
Cahiers
français
n°349,
p.
63-‐87
IV. SYSTÈMES
ET
ORGANISATIONS
SOCIALISTES:
DU
MODÈLE
THÉORIQUE
À
LA
RÉALITÉ
A. Aux
origines
des
économies
socialistes
1) Le
communisme
du
christianisme
primitif
et
le
socialisme
utopique
Les
Actes
des
Apôtres
rapportent
que
les
premiers
chrétiens,
à
Jérusalem,
mettaient
en
commun
tous
leurs
biens.
Ils
affirmaient
que
le
régime
de
la
communauté
des
biens
était
plus
conforme
au
christianisme
que
le
régime
de
la
propriété
privée.
Les
Pères
de
l'Église:
Saint
Cyprien,
évêque
de
Carthage
au
milieu
du
IIIe
siècle,
célèbre
le
temps
où
les
fidèles
"vendaient
leurs
maisons
et
leurs
héritages
et
en
donnaient
libéralement
le
prix
aux
apôtres
pour
le
distribuer
aux
pauvres".
"Tout
possédant
a
le
devoir
de
partager
ses
biens
avec
tous
les
membres
de
la
communauté",
en
conclut-‐il.
Saint
Basile,
évêque
de
Césarée
dans
la
seconde
moitié
du
IVe
siècle,
ne
se
contente
pas
du
partage:
il
exige
la
vie
commune.
Enfin,
saint
Jean
Chrysostome,
archevêque
de
Constantinople
à
la
fin
du
IVe
siècle,
ajoute
aux
arguments
moraux
en
faveur
du
communisme,
un
argument
proprement
économique:
il
pense
que
la
richesse
sociale
se
développe
bien
davantage
en
régime
communiste,
car
"la
division
est
une
cause
d'appauvrissement;
la
concorde
et
l'union
des
volontés
une
cause
de
richesse".
Il
ne
s'agit
que
d'une
option
théorique.
Le
communisme
de
l'Utopie
et
de
la
Cité
du
Soleil:
dans
le
mercantilisme
naissant,
le
communisme
et
la
religion
sont
de
nouveau
réunis
avec
les
œuvres
de
Thomas
More
et
de
Campanella.
Saint
Thomas
More
(1478-‐1535)
grand
chancelier
d'Angleterre
sous
Henri
VIII,
est
l'auteur
de
l'Utopie
=>
socialisme
idéaliste
et
socialisme
utopique
s'opposent
alors
au
socialisme
scientifique.
La
1ère
partie
est
à
la
fois
un
traité
de
criminologie
(le
brigandage
s'explique
par
les
structures
économiques
et
sociales),
un
critique
des
oligopoles
et
des
monopoles
(raréfaction
volontaire
des
produits
pour
en
faire
monter
les
prix)
et
un
traité
des
sciences
politiques
(dénonciation
de
l'absolutisme,
des
conquêtes,
des
guerres).
Elle
se
termine
par
la
condamnation
de
l'argent,
qui
est
le
responsable
général:
"Là
où
l'on
mesure
toutes
choses
d'après
l'argent;
il
est
à
peu
près
impossible
que
la
justice
et
la
prospérité
règnent
dans
la
chose
publique…le
seul
et
unique
chemin
vers
le
salut
public,
à
savoir
l'égalité,
est
la
disparition
totale
de
la
propriété."
82
Tommaso
Giovanni
Campanella
(1568-‐1639):
moine
dominicain,
qui
passa
plus
de
27
ans
en
prison
pour
ses
écrits
hérétiques
ou
pour
son
activisme
politique.
C'est
en
prison
qu'il
écrit
la
Cité
du
Soleil,
dans
laquelle
il
imagine
une
société
communiste
sans
famille,
sans
monnaie
et
sans
propriété
privée.
Le
fondement
de
ce
communisme
est
l'amour
de
Dieu.
Socialisme
utopique
laïc:
tout
d'abord,
le
saint-‐simonisme,
système
proposé
par
le
Comte
de
Saint
Simon
(1760-‐1825),
qui
se
disait
"le
dernier
des
gentilshommes
et
le
premier
des
socialistes".
Il
expose
sa
doctrine
dans
Le
catéchisme
des
industriels
(1823):
importance
accordée
au
travail,
qui
doit
être
organisé
en
vue
d'améliorer
"l'existence
morale
et
physique
de
la
classe
la
plus
faible".
L'administration
des
choses
doit
remplacer
l'administration
des
personnes:
l'État
doit
laisser
l'industrie
s'organiser
par
elle-‐même
=>
transferts
des
pouvoirs
entre
les
mains
des
producteurs
(industriels,
ingénieurs,
agriculteurs,
banquiers).
Les
producteurs
doivent
être
des
organisateurs:
Saint
Simon
est
l'un
des
précurseurs
de
la
planification
socialiste
et
de
la
technocratie.
Charles
FOURIER
(1772-‐1837):
condamne
le
système
capitaliste
et
propose
de
substituer
au
capitalisme
l'association
libre,
au
sein
d'une
communauté
–
le
phalanstère
-‐
dont
le
principe
est
ne
pas
entraver
la
nature
humaine.
Les
disciples
de
FOURIER
tentèrent
de
propager
cet
idéal:
notamment
Godin
(1808-‐1893)
qui
crée
le
familistère
de
Guise
en
1859.
Ce
familistère
se
transformera
en
1880
en
simple
coopérative
de
production,
puis
en
béguinage
au
XXe
siècle.
En
1968,
les
idées
de
FOURIER
connaîtront
un
regain
de
faveur
sur
les
campus
universitaires
en
révolte.
Robert
OWEN
(1771-‐1858),
comme
FOURIER,
ne
réclame
pas
la
révolution.
Il
est
pour
le
progrès.
C'est
lui
qui
a
inspiré
le
mouvement
coopératif
dans
le
monde,
mais
ces
coopératives
de
production
et
de
consommation
tendent
à
disparaître.
Enfin,
il
méprise
l'action
politique,
contrairement
à
certains
de
ses
disciples,
qui
sont
à
l'origine
du
chartisme
(1838),
porteur
de
revendications
politiques.
B. Le
socialisme
scientifique
ou
marxisme-‐léninisme
1) Les
écrits
marxistes
Karl
MARX
(1818-‐1883)
ENGELS
(1820-‐1895)
ami
fidèle
de
Karl
Marx.
On
lui
doit
la
publication
des
livres
II
et
III
du
Capital
de
Marx.
L'œuvre
de
Karl
Marx
constitue
la
base
d'un
socialisme
scientifique,
par
opposition
aux
différents
socialismes
idéalistes
/
utopiques
qui
ont
précédé
sa
critique
de
l'économie
politique.
Courant
socialiste
s'enracine
très
loin
dans
l'histoire:
il
lie
l'analyse
économique
et
l'analyse
politique
à
la
volonté
d'une
transformation
de
la
société
qui
rendrait
les
hommes
plus
solidaires.
=>
Utopies
et
expériences.
Marx
l'accompagne
d'une
tentative
d'explication
de
l'histoire
et
du
développement
des
sociétés.
Le
socialisme
scientifique
devient
l'action
qui
fonde
l'action
révolutionnaire
et
en
garantit
l'efficacité.
Depuis
1917,
le
socialisme
est
devenu
une
forme
concrète
d'organisation
des
sociétés
et
de
leur
économie:
on
est
passé
de
la
théorie
à
la
mise
en
pratique.
Mais
la
théorie
révolutionnaire
a
dû
prendre
en
compte
les
contraintes
éco.
Les
pays
dits
du
socialisme
83
réel
doivent
autant,
sinon
plus,
à
Lénine,
qui
donne
au
marxisme
une
dimension
stratégique,
qu'à
Marx
lui-‐même.
Les
remises
en
cause
du
marxisme-‐léninisme
dans
les
pays
de
l'Europe
de
l'Est
en
1989
portent
atteinte
indéniablement
au
projet
politique:
par
l'abandon
du
rôle
dirigeant
du
parti
communiste
reconnaissance
de
la
propriété
privée
des
biens
de
production
recours
aux
mécanismes
de
marché
dans
la
régulation
de
l'économie
Le
marxisme
est
une
critique
du
système
capitaliste,
les
contradictions
de
ce
système
devant
aboutir
inéluctablement
à
sa
destruction.
Au
mode
de
production
capitaliste
se
substituera
le
mode
de
production
socialiste
ayant
3
caractéristiques
principales:
propriété
des
entreprises
passe
aux
prolétaires
Un
État
subsistera,
assurant
la
régulation
économique
à
la
place
du
marché
Pouvoir
politique
fondé
sur
la
dictature
du
prolétariat
A
ce
mode
de
production
socialiste
se
substituera
le
communisme
qui
permettrait
de
donner
"à
chacun
selon
ses
besoins":
ultime
phase
de
l'Histoire,
atteinte
grâce
à
la
révolution.
Ensuite,
on
assisterait
à
une
internationalisation
du
système,
conduisant
à
terme,
à
l'abolition
des
frontières
et
des
différences
nationales.
Enfin,
l'État
dépérirait
progressivement:
ses
fonctions
deviendraient
des
fonctions
techniques,
d'administration
des
choses.
Pour
Marx,
il
s'agit
de
fonder
scientifiquement
la
prise
de
pouvoir
par
la
classe
ouvrière:
elle
doit
être
préparée
et
organisé
par
un
parti
solidement
structuré.
L'objectif
final
est
la
révolution
(abolition
de
la
propriété
privée
des
moyens
de
production).
L'avènement
du
socialisme,
puis
du
communisme,
passe
par
une
période
de
dictature
du
prolétariat.
2) Leur
application
par
les
1ers
dirigeants
de
l'URSS:
un
bilan
mitigé
Ils
ont
fait
référence
aux
écrits
de
Marx
et
Engels.
Mais
ils
ont
dû
élaborer
une
mise
en
pratique
de
la
théorie:
ainsi,
c'est
beaucoup
plus
Lénine
que
Marx
qui
a
posé
les
bases
de
la
construction
de
l'organisation
économique
socialiste.
Vladimir
Ilitch
Oulianov,
dit
Lénine
(1870-‐1924)
applique
la
notion
de
minorité
éclairée
pour
que
la
masse
des
paysans
russes
devienne
une
classe
de
prolétaires
ayant
conscience
de
son
existence.
C'est
lui
qui
élabore
la
stratégie
révolutionnaire.
En
1917,
Lénine
tente
de
mettre
en
place
une
économie
socialiste
en
URSS:
c'est
du
socialisme
réel,
à
l'échelle
d'une
nation.
Capitalistes
et
fonctionnaires
remplacés
par
le
peuple
armé
tout
entier,
les
entreprises
sont
nationalisées,
la
monnaie
est
supprimée,
le
troc
la
remplace.
Cette
phase,
connue
sous
le
nom
de
communisme
de
guerre
(1918-‐1920),
eut
des
résultats
catastrophiques
=>
repli
stratégique
de
la
Nouvelle
Politique
Économique
(NEP)
en
1921,
marquant
une
pause
dans
l'édification
du
socialisme
réel
et
une
restauration
partielle
des
mécanismes
de
marché.
Avec
la
NEP,
Lénine
fonde
le
pragmatisme
économique
et
ouvre
la
voie
aux
réformes
qui
scanderont
l'économie
socialiste
jusqu'en
1989.
Joseph
Vissarionovitch
Djougatchvili,
dit
Staline
(1879-‐1953):
Staline
n'est
pas
un
théoricien
mais
un
praticien.
A
son
arrivée
au
pouvoir
en
1924,
il
supprime
la
NEP
et
exploite
les
paysans
riches
(les
koulaks).
Il
ordonne
alors
une
collectivisation
autoritaire
et
accélérée
de
l'économie
+
lancement
d'une
planification
très
centralisée
(1928-‐1932)
=>
la
collectivisation
forcée
des
terres
fait
5
millions
de
morts
en
1932-‐1933.
Le
second
plan
quinquennal
de
l'URSS
84
(1933-‐1937)
donne
la
priorité
aux
progrès
dans
l'industrie
lourde,
ainsi
qu'au
progrès
technique
dans
l'agriculture
(qui
doit
doubler
sa
production)
3) Les
caractéristiques
institutionnelles
de
l'économie
socialiste
Dans
Capitalisme,
socialisme
et
démocratie
(1942),
JAS
définit
le
socialisme
comme
"un
système
institutionnel
dans
lequel
une
autorité
centrale
contrôle
les
moyens
de
production
et
la
production
elle-‐même,
ou
[…]
dans
lequel
les
affaires
économiques
de
la
société
ressortissent,
en
principe,
au
secteur
public,
et
non
pas
au
secteur
privé".
JAS
assimile
le
socialisme
au
collectivisme
et
au
communisme.
1ère
caractéristique:
Suppression
de
la
propriété
privée
des
moyens
de
production
et
son
remplacement
par
différentes
formes
de
propriété
collective:
la
collectivisation
est
l'un
des
éléments
essentiels
du
communisme.
La
collectivisation
soviétique
a
connu
différentes
phases
(communisme
de
guerre
de
1917
à
1921,
puis
la
période
stalinienne
à
partir
de
1928).
Deux
formes
de
collectivisation
coexistent:
l'étatisation.
L'État
est
propriétaire
des
moyens
de
production.
La
propriété
coopérative.
Ex
dans
l'agriculture.
Les
sovkhozes
étaient
des
fermes
d'État
dépendant
des
ministères
techniques,
dont
les
dirigeants
étaient
désignés
par
le
pouvoir
central,
et
la
main
d'œuvre
salariée
sur
la
base
d'un
contrat
de
travail
soumis
à
un
salaire
légal.
Les
kolkhozes
étaient
des
coopératives
d'exploitation
et
de
production
privées
de
la
propriété
du
sol
mais
disposant
de
facilités
de
gestion:
dirigeants
élus
(sur
proposition
du
parti)
par
les
kolkhoziens,
paysans
rémunérés
en
fonction
de
la
quantité
de
travail
fournie.
2e
caractéristique
Économie
centralisée
et
planifiée.
Selon
les
planificateurs,
le
marché
qui
repose
sur
des
millions
de
décisions
décentralisées,
est
anarchique.
Il
ne
génère
que
déséquilibres,
gaspillages,
conduisant
à
la
surproduction
et
au
chômage.
Au
contraire,
la
décision
centrale
planifiée
est
rationnelle:
un
décideur
unique
fixe
les
quantités
à
produire,
la
nature
de
la
production,
l'arbitrage
entre
consommation
et
investissement,
la
répartition
de
la
production
par
secteurs,
la
répartition
des
revenus.
La
planification
stalinienne
en
est
l'archétype
car
elle
est
centralisée,
autoritaire
et
impérative:
l'entreprise
n'a
pas
d'autonomie
de
gestion
ni
de
décision
les
prix
sont
fixés
centralement:
ils
ne
renseignent
pas
les
producteurs
sur
l'état
de
la
demande,
mais
expriment
les
choix
des
planificateurs.
Le
Plan
est
ambitieux:
il
tire
au
maximum
les
ressources
disponibles
pour
atteindre
les
objectifs
fixés.
Double
déséquilibre
de
la
planification:
Priorités
au
détriment
de
l'agriculture
et
au
profit
de
l'industrie
Au
sein
de
l'industrie,
la
priorité
est
accordée
aux
biens
de
production
aux
dépens
du
secteur
des
biens
de
consommation.
Elle
est
extensive:
la
croissance
est
obtenue
par
une
augmentation
des
facteurs
de
production
(la
campagne
est
une
véritable
réserve
de
main
d'œuvre
pour
l'industrie).
Cette
planification
est
autarcique:
échanges
limités
entre
URSS
et
l'étranger.
C. L'économie
socialiste:
de
la
montée
en
puissance
à
la
chute
85
1) L'économie
socialiste,
héraut
du
développement
Article
Cahiers
Français
n°349
p.
7
F.
Teulon,
Croissance,
crises
et
développement,
chapitre
10
(il
se
trouve
à
la
bibliothèque)
2) L'effondrement
de
l'économie
socialiste
Cahiers
français
n°
349,
p.
7-‐8
En
outre,
la
croissance
extensive
des
pays
socialistes
a
entrainé
un
retard
de
productivité
sur
les
économies
capitalistes
(croissance
intensive).
Ex:
en
1991,
à
l'issue
de
50
ans
de
séparation
de
l'Allemagne
en
2
régimes
concurrents
(économie
planifiée
à
l'Est
et
économie
de
marché
à
l'Ouest),
la
productivité
du
travail
en
RDA
était
trois
fois
inférieure
à
ce
qu'elle
était
en
RFA.
Comment
expliquer
cet
échec
de
l'économie
planifiée?
3) Les
dysfonctionnements
structurels
des
économies
planifiées
de
l'ex-
Europe
de
l'Est
Pénurie:
le
hongrois
Janos
KORNAI
dans
Socialisme
et
économie
de
la
pénurie
(1980),
considère
que
la
pénurie
en
économie
socialiste
est
un
phénomène
structurel.
Ainsi,
"pour
l'entreprise
capitaliste
classique,
c'est
normalement
la
contrainte
de
la
demande
qui
est
limitative,
alors
que
pour
l'entreprise
socialiste
traditionnelle
c'est
la
contrainte
de
ressources".
En
raison
de
l'existence
de
prix
administrés,
les
prix
ne
peuvent
fournir
d'indicateur
de
rareté
(prix
élevé:
bien
rare
≠
prix
faible:
bien
abondant).
On
doit
donc
recourir
à
toute
une
série
d'indicateurs
tant
quantitatifs
que
qualitatifs
pour
révéler
l'existence
de
pénuries:
les
pertes
entraînées
par
les
délais
d'attente
(heures
passées
dans
les
files
d'attente),
retards
dans
la
réalisation
des
investissements
(quantités
non
produites),
pénurie
de
matières
premières,
de
matériaux
de
construction,
de
pièces
détachées.
La
pénurie
est
due
à
un
mode
d'affectation
centrale
des
ressources
(facteurs
de
production),
avec
un
marché
de
vendeurs
déconnecté
de
la
demande.
Cycles
d'investissements
et
marchande:
le
niveau
d'investissement
en
économie
socialiste
est
déterminé
par
le
marchandage
autour
du
Plan
macroéconomique
entre
trois
acteurs
les
entrepreneurs
qui
ne
sont
pas
jugés
sur
leur
rentabilité
(comme
dans
une
économie
capitaliste),
mais
sur
leur
capacité
à
réaliser
le
plan
=>
soif
insatiable
d'investissement
les
ministères
de
branche,
afin
d'atteindre
les
objectifs
d'investissements
fixés
par
le
pouvoir
central,
cherchent
à
les
faire
accepter
par
les
entreprises.
En
retour,
ils
acceptent
les
projets
des
entreprises
le
pouvoir
central
accepte
apparemment
ces
comportements,
par
manque
de
temps,
car
la
planification
est
permanente
(les
plans
quinquennaux
s'enchaînent)
forte
tension
sur
l'investissement
en
raison
du
dépassement
du
volume
d'investissement
par
rapport
au
Plan
initial.
Le
cycle
de
l'investissement
se
décompose
en
4
phases:
phase
ascendante
où
de
nombreux
projets
d'investissements
sont
préparés.
Phase
d'accélération:
les
dépenses
d'investissements
dépassent
la
moyenne
car
les
demandes
de
financement
pour
les
investissements
antérieurs
et
en
retard
s'ajoutent
aux
demandes
de
financement
des
nouveaux
investissements
86
Phase
d'arrêt:
gouvernement
intervient
pour
décélérer
le
cycle
en
imposant
de
fortes
contraintes
sur
les
dépens
d'investissement.
Phase
de
décélération:
sous
la
pression
du
pouvoir
central,
ce
mouvement
s'accompagne
d'importantes
restrictions.
Économie
informelle:
la
prétention
du
Plan
à
vouloir
contrôler
l'ensemble
de
l'économie
s'est
toujours
heurtée
à
des
difficultés
=>
maintien
d'espaces
d'autonomie
pour
les
agents
économiques
:
activités
non
officielles,
privées,
que
le
gouvernement
tolère,
faute
de
pouvoir
les
freiner.
4) Des
performances
macroéconomiques
déclinantes
Indicateur
quantitatif
des
crises
récurrentes
des
économies
socialistes:
fléchissement
du
taux
de
croissance
du
produit
matériel
net
dès
les
années
1960
Indicateurs
qualitatifs:
pénuries
(Good
Bye
Lenine
les
évoque),
activités
parallèles
Ces
difficultés
traduisent
l'impossible
transition
de
la
croissance
extensive
à
la
croissance
intensive:
dès
les
années
60,
le
taux
de
croissance
de
la
productivité
du
travail
et
du
capital
a
commencé
à
décliner.
D'une
part,
les
réserves
de
main
d'œuvre
(travail)
se
sont
progressivement
taries;
d'autres
part,
les
taux
de
croissance
de
l'investissement
étaient
en
régression
dans
tous
les
pays
socialistes
=>
chute
de
l'efficacité
du
capital:
vieillissement
du
stock
de
capital,
d'autant
que
l'investissement
cherche
plus
à
accroître
le
stock
de
machines
existantes
(investissement
de
capacité)
qu'à
moderniser
les
équipements
(investissement
de
productivité)
ou
à
intégrer
du
progrès
technique.
Enfin,
une
organisation
du
travail
lacunaire
explique
les
faiblesses
de
la
productivité.
5) L'inefficience
des
réformes
révèle
des
goulets
d'étranglement
1965:
réforme
inspirée
par
l'économiste
Liberman
vise
à
intensifier
la
croissance
et
tente
de
réhabiliter
le
profit
comme
indicateur
de
succès.
Elle
fut
appliquée
par
Kossyguine
(président
du
Conseil
des
Ministres
de
1964
à
1980).
Liberman
proposait
de
réguler
les
relations
entre
le
pouvoir
central
et
les
unités
de
production,
et
d'accroître
l'efficacité
de
gestion
de
l'entreprise
en
augmentant
l'autonomie
du
directeur.
L'entreprise
consacre
sa
part
de
profit
au
versement
de
primes
de
productivité,
à
la
construction
de
logements,
à
l'adoption
de
nouvelles
techniques.
Cette
réforme
échoue:
les
primes
restent
trop
faibles
(3%
du
salaire)
pour
inciter
les
travailleurs
à
être
plus
efficaces;
les
logements
sont
difficilement
construits
car
les
matériaux
nécessaires
n'étaient
pas
prévus
par
le
Plan;
les
nouvelles
techniques
se
diffusent
peu
car
elles
entrainent
un
recul
passager
de
la
production,
donc
du
profit
(délai
d'adaptation).
Au
contraire,
la
réforme
de
1979:
vise
à
renforcer
l'autoritarisme
et
la
planification.
Autonomie
des
entreprises
limitée.
Un
indicateur
de
la
valeur
ajoutée
est
adopté,
utilisé
pour
juger
les
entreprises
et
les
décourager
d'utiliser
des
matières
premières
(l'URSS
ayant
du
mal
à
s'approvisionner
en
matières
premières).
En
outre,
les
travailleurs
sont
encadrés
dans
des
brigades
de
travail
(méthode
Zlobine),
afin
de
les
responsabiliser
à
l'intérieur
d'un
groupe
de
travail,
plutôt
que
de
les
stimuler
par
des
primes.
=>
échec
1985:
Mikhaïl
Gorbatchev
mène
une
ultime
réforme
comportant
2
volets:
un
volet
économique
(perestroïka)
et
un
volet
social
(glasnost)
ouvre
la
voie
à
l'effondrement
de
l'économie
socialiste.
87
Perestroïka:
+
d'autonomie
aux
entreprises,
"socialisme
de
marché"
(prix
et
salaires
flexibles),
retour
progressif
à
la
propriété
privée
dans
l'agriculture,
création
de
petites
entreprises
privées
dans
les
services.
Lénine,
en
mars
1921,
avait
lancé
la
NEP
pour
sauver
le
régime
soviétique
naissant,
sur
les
mêmes
principes
:
autosuffisance
des
entreprises
d'État,
libéralisation
du
commerce
intérieur,
privatisation
des
terres
agricoles,
etc.
Les
causes
de
l’échec:
le
marché
requiert
des
règles
juridiques
pour
l'encadrer
(ne
serait-‐ce
que
le
droit
de
propriété
et
le
droit
de
concurrence!)
;
Or,
les
économies
socialistes
doivent
entièrement
être
"éduquées"
à
l'économie
de
marché.
Frédéric
Teulon,
Croissance,
crises
et
développement,
chapitre
11
D. La
difficile
transition
vers
l'économie
de
marché
88
PCUS
s'était
transformé
en
structure
minée
par
l'immobilisme
et
la
corruption,
notamment
dans
les
républiques
musulmanes.
Gorbatchev
rentre
en
conflit
avec
Boris
Eltsine,
ancien
secrétaire
du
Parti
pour
la
région
de
Moscou,
qui
exige
le
pluripartisme
et
le
pluralisme
pour
les
élections.
2) Des
réformes
structurelles
et
une
politique
de
stabilisation
conjoncturelle
A
la
fin
des
années
1980,
les
pays
de
l'Est
abandonnent
le
régime
socialiste
pour
adopter
l'économie
de
marché.
Mais
la
transition
sera
plus
ou
moins
difficile
selon
le
point
de
départ:
elle
sera
plus
aisée
dans
les
Pays
d'Europe
Centrale
et
Orientale
(PECO)
que
dans
l'Ex-‐Urss
où
l'état
de
désorganisation
généralisée,
l'affaiblissement
du
pouvoir
central,
l'absence
d'une
longue
tradition
démocratique
(Voir
encadré
sur
Capitalisme
et
démocratie
dans
Cahiers
français
p.8
+p.53)
rendent
l'expérience
plus
incertaine.
Quel
que
soit
le
cas,
il
y
des
étapes
obligatoires:
élaboration
ou
reconstruction
d'un
État
de
droit
responsabilisation
des
acteurs
maîtrise
du
cadre
macroéconomique.
Comme
pour
les
Pays
en
Développement,
les
recommandations
correspondent
aux
principes
libéraux
du
"consensus
de
Washington":
ajustement
structurel
et
stabilisation
conjoncturelle.
Réformes
structurelles:
fonder
un
environnement
propice
à
l'économie
de
marché
transformation
des
comportements
individuels
et
affirmation
d'un
Etat
de
droit.
En
effet,
l'économie
de
marché
et
le
capitalisme
reposent
sur
l'existence
de
catégories
marchandes;
mais
elles
ne
fonctionnent
que
si
les
structures
mentales
sont
ajustées
à
cet
environnement.
Il
convient
donc
de
rompre
avec
la
lutte
des
communistes
contre
l'initiative
individuelle.
Mais
au
préalable,
il
faut
garantir
la
liberté
individuelle
par
un
cadre
juridique
adéquat.
Développement
de
la
propriété
privée:
privatisation
des
entreprises
a
été
une
priorité
des
réformes.
"Petite
privatisation"
du
commerce
de
détail,
de
89
restaurants.
"Grande
privatisation"
des
entreprises
publiques
d'une
certaine
taille
a
été
lancée
sous
3
formes:
rachat
par
le
manager
ou
les
employés
(Hongrie),
vente
à
des
investisseurs
tiers
(Hongrie),
quasi
don
d'actions
d'entreprises
publiques
(République
Tchèque,
Russie,
Lettonie,
Lituanie).
Pourtant,
la
privatisation
des
entreprises
ne
suffit
pas:
il
faut
étendre
les
règles
de
concurrence
et
de
maximisation
du
profit
à
l'ensemble
des
agents
économiques:
création
de
véritables
marchés
du
travail,
réforme
des
systèmes
financiers,
système
fiscal…
Politique
de
stabilisation
conjoncturelle:
le
choc
provoqué
par
les
évènements
de
1989
provoqua
une
dégradation
des
indicateurs
macroéconomiques:
chute
du
PIB,
hausse
du
chômage,
inflation,
aggravation
des
déséquilibres
extérieurs
(voir
cours
Macroéconomie)
3) Une
transition
rendue
difficile
par
la
crise
financière
de
2008:
elle
a
révélé
les
faiblesses
structurelles
de
certains
PECO
et
a
démontré
la
solidité
d'autres
PECO.
Voir
synthèse
Melchior
jointe
:
LES
PECO
face
à
la
crise
90